| The dreams i could explore, I left them by the door | wyatt #3 |
| | (#)Lun 19 Juil 2021 - 17:54 | |
| La nuit a été affreuse, passée sur le canapé du salon. C'est un endroit sur lequel Ariane et Saül n'ont pas passé beaucoup de temps - elle est partie avant qu'ils n'aient pu y échanger trop de baisers.
Saül n'a pas refait le lit qu'elle a quitté pour la dernière fois la veille. Il n'ose pas toucher aux draps, qui gardent encore la forme et l'odeur de sa femme. A son annulaire, l'alliance brille d'un éclat doux. La chevalière aussi, celle qu'elle lui a offerte en guise de bague de fiançailles.
Les larmes ont séchées et à force de pleurer, Saül n'est plus capable que de chuchoter. A Abel, Saül a murmuré tous les mots d'amour qu'il connaissait. Il a promis à son fils que sa maman allait revenir et entre deux sanglots, s'est assuré que le petit garçon mange et dorme correctement. Saül n'a pas dormi, lui. Voilà vingt-quatre heures que Ariane est partie et rien n'a changé. La lettre qu'elle a laissée est toujours dans la chambre; Saül l'a tellement lue et y a tant versé de larmes que l'encre bave. Quand le sommeil a gagné Abel, l'italien s'est installé avec le bambin sur le canapé. Père et fils ne l'ont plus quitté. Les cheveux d'Abel sentent autant le bébé qu'ils sentent Ariane, une odeur que Saül a déjà peur d'oublier. Bien sûr, il voudrait être en capacité de lui courir après, mais elle ne répond plus à ses appels. Il ne sait pas où elle est allée alors, bien sûr, c'est vers Wyatt que Saül s'est tourné pour demander des nouvelles. Car les frères savent toujours, non ?
A l'évidence, non. La porte s'ouvre sur un Saül aux joues complètement sèches mais aux yeux encore un peu rouges. Il ne tolèrera aucun commentaire sur la tristesse qui se lit encore sur ses traits. « Pas de bruit. Abel est très fatigué. » Il a tant pleuré lui aussi, comprenant certainement que l'absence de sa mère n'a rien de commun. Saül n'a pas lâché le bambin, qu'il tient contre lui et qui dort paisiblement dans ses bras. « Tu n'entre pas dans la chambre. Tu ne touche à rien. » qu'il murmure à l'attention de Wyatt, le regard plein d'une colère qui n'a pas la force de subsister longtemps. « Elle ne t'a rien dit ? » Elle n'a rien dit à l'amour de sa vie, qu'elle a embrassé la veille, qu'elle a étreint la veille, avec qui elle s'est unie la veille. Pour la dernière fois.
@wyatt parker |
| | | | (#)Mar 20 Juil 2021 - 16:49 | |
| saül Elle est partie, Wyatt.
saül Je crois qu'elle est partie pour de vrai, cette fois.
Dans chacun de ses mots, derrière chaque minuscule virgule, résonne une urgence qui me colle un frisson inhabituel. Quelque chose cloche, une fréquence, c’est modifié pour venir perturber ce que l’on prenait pour une normalité acquise et solide. Un autre jour, j’aurais probablement ignoré son message, répondu qu’il ne connaissait visiblement pas assez bien sa femme. Dans une facilité déconcertante, je me serais moqué de son inquiétude, je n’aurais retenu que son ton inquiet pour en jouer sur des décennies entières, jurant qu’Abel saurait tout du jeu d’amoureux transi de son père. Aujourd’hui, pourtant, la sensation est différente, de celle qui vous colle à la peau en une milliseconde pour venir tout déstabiliser, de celle qui tord le bide et réclame l’urgence. Rien ne sonne normal dans le simple fait que le Williams m’envoie un message. Si l’on avait su se tenir et jouer les courbettes de la politesse depuis la naissance d’Abel et leur mariage, notre relation s’arrêtait dans l’échange d’une poignée de main et quelques mots bref. Rien qui ne justifiait un message alarmiste, rien qui ne l’aurait poussé à partager ses craintes ainsi. Quelque chose cloche et je n’aime pas ça.
Son téléphone sonne dans le vide, laissant entendre cette messagerie stupide qu’elle avait enregistré dans le salon avec quelques verres de vin dans le nez. Pas de réponse, un silence qui s’éternise. Ce n’est pas particulièrement étrange venant de ma sœur, mais les mots de Saül résonnent sans cesse. Elle est partie pour de vrai. Parti où ? Pourquoi ? Sans Abel ? Si quelques questions peuvent trouver des réponses en instant, d’autres entraîne une angoisse grandissante.
Il ne m’était pas venu à l’idée d’être accueilli par un sourire, mais le visage qui se découvre peu à peu derrière la porte laisse apparaître une tristesse sans nom. Saül n’est pas seulement triste, il semble dévasté, sur le point de s’effondrer, à tel point que l’éclat de force que j’avais souvent su détecter au creux de ses pupilles semble s’être éteint pour ne plus jamais se rallumer. « Pas de bruit. Abel est très fatigué. » « Il n’est pas le seul. » La remarque sarcastique m’échappe comme ultime mécanisme de défense face à un désarroi que je n’avais su réellement anticiper. On pourra laisser sous-entendre que mes mots ne concernent que les cernes violacés qui se dessine sur sa peau blême. Au creux de ses bras, Abel dort paisiblement, pas le moins dérangé par les mouvements de son père. Son petit poing serre avec force le tissu d’un tee-shirt bien trop froissé. Me voilà à me demander depuis quand les deux Williams attendent la troisième avec impatience.
« Tu n'entre pas dans la chambre. Tu ne touche à rien. » La colère qui émane de chacun de ses traits jure avec le rouge de ses pupilles et chaque craquement dans le son de sa voix. Je m’abstiens de toute remarque, me contente d’un hochement de tête sans ne plus bouger de ma position dans le couloir de l’entrée. « Elle ne t'a rien dit ? » Ma sœur a toujours eu des coups de sang, des impulsions inexpliqués, des voyages sur des coups de tête avant de m’informer. En temps normal, je refuserais de m’inquiéter pour une telle banalité, mais mon regard se perd sur Abel et les questions me reviennent par centaine. « Non. » Rien. Pas un mot, pas un message, zéro intention déguisée. « Elle devait passer me voir hier, je l’ai attendu toute la journée. » Son portable était probablement saturé de messages en tout genre, passant de la blague légère à l’insulte la plus salée. « Pourquoi tu dis qu’elle est partie pour de vrai cette fois ? » Pourquoi ces termes en particulier ? Pourquoi cette fois plus que les autres ? Pourquoi il semble avoir passé les dernières vingt-quatre heures à pleurer toutes les larmes de son corps en s’apitoyant sur son sort ? « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Et la colère semble avoir changé de camp lorsque c’est moi qui le toise de toute ma hauteur. Elle n’a rien dit pour une raison, je ne peux voir les choses autrement. Il ne reste plus que le grand frère qui protège aveuglément sa sœur.
@saül williams
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| | | | (#)Mer 21 Juil 2021 - 17:25 | |
| Heureusement, Wyatt fait vite et Saül n'a pas à le supplier de venir. Pourtant, il y a pensé, lui qui se sent si seul dans cet immense appartement. Cet endroit, c'est celui qu'il a choisi après des semaines d'hésitation et de visites secrètes. Il a pris celui qui donnait le plus l'impression d'être une bulle parfaite, un endroit retiré du monde au dessus de la ville. Un endroit caché et au milieu de tout, avec la vue sur leur immeuble d'en face. Il voulait tout dire, cet appartement. Il était pour elle, pour eux. Maintenant, les pièces sont vides de sens. Elles ne veulent plus rien dire et s'ajoutent juste les unes à la suite des autres. Ariane, pourtant, avait l'air de s'y sentir bien. La Serre ne lui a jamais manquée. Saül s'est assuré qu'ici, elle se sente libre de vivre plus tranquillement encore que dans leur ancien - et petit - appartement. Il s'était assuré de tout en réalité, mais cela n'a peut-être pas suffit.
Abel est fatigué mais- « Il n’est pas le seul. » Saül se renfrogne, sourcils froncés. Ses traits tirés montrent combien il souffre des premières heures sans sa femme. Le visage d'Abel est plus tranquille. Alors que Wyatt s'avance dans l'appartement, Saül dépose sur la joue du bambin un énième baiser. Le garçonnet bâille et s'agite un instant avant de se rendormir aussitôt, bercé par la marche de son père. « Non. Elle devait passer me voir hier, je l’ai attendu toute la journée. » Les épaules de l'italien s'affaissent à nouveau. Il prend la nouvelle comme un affreux coup de poignard planté en plein coeur. Ariane n'a rien dit à son frère. Bien sûr que Saül s'attendait à cela aussi. Il la connaît bien, son Ariane. Elle est libre, elle l'a toujours été. Saül n'était juste pas prêt à la laisser s'envoler si vite. Il croyait qu'avec lui, elle avait su faire son nid. Le regard de l'italien se brouille à nouveau de larmes mais il se détourne pour prendre une inspiration. Quand il ouvre à nouveau les yeux, c'est pour faire face à Wyatt. « Pourquoi tu dis qu’elle est partie pour de vrai cette fois ? » « Parce qu'elle est déjà partie. » Pour Paris. Saül n'ose pas songer à la possibilité qu'elle puisse y être retournée. « C'était une autre époque. Et nous correspondions par message. Je savais où elle était et nous nous sommes retrouvés sans accrocs. » Une autre époque. Celle des premiers excès de substance, de la jalousie et de la chute de l'empire financier. De là aussi, le couple s'en est sorti. Les retrouvailles à Paris furent magnifiques. Là, c'est différent.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? » La colère que Saül lit dans les traits de Wyatt ne fait que déclencher la sienne, si facile à faire émerger par ces temps troublés. « Rien, Wyatt. Rien du tout. Hier, nous nous sommes endormis comme d'habitude. » Exactement. comme. d'habitude. A ce souvenir, Saül sent la tristesse lui serrer la gorge. Après une étreinte passionnée, les amoureux sont restés dans les bras l'un de l'autre. Elle n'a rien dit de particulier, lui n'a pas cessé de jouer avec les mèches rousses qu'il aime - le passé, pour le verbe aimer, ne peut s'employer - à la folie. Contre sa peau, il a murmuré un millier de je t'aime en anglais, en italien et dans un français teinté d'un accent qui a fait rire Ariane. Elle s'est moquée, comme d'habitude. Elle s'est endormie contre lui, comme d'habitude. Il s'est endormi après elle, comme d'habitude. Mais il ne s'attendait pas à trouver, à son réveil, un lit froid comme la mort.
L'angoisse prend Saül à la gorge et l'italien mène Wyatt à la chambre, devant laquelle il se tient pour empêcher son comparse d'entrer. D'un regard mauvais, il indique à son homologue qu'il ne fera pas un pas de plus. Les draps sont restés comme elle les a quittés. « Il y a ses affaires dans les placards mais je n'ai pas osé tout vérifier. » C'est trop dur. Trop affreux. Trop douloureux. « Peut-être qu'elle est retournée avec ce salaud de Jeremiah. » Mais cela, Saül lui-même n'y croit pas. « Tu me l'aurais dit ? Si elle t'avait parlé du départ, tu me l'aurais dit ? » Fais partie des alliés, s'il te plaît, Wyatt. |
| | | | (#)Sam 31 Juil 2021 - 15:50 | |
| Le temps semble s’être suspendu dans l’appartement, comme si les secondes s’écoulaient dans un rythme distordu cherchant à retenir le moindre souvenir de la présence d’Ariane dans les lieux. L’homme qui m’accueille semble avoir vécu mille vies sans jamais connaître telle tristesse. Celui que j’avais toujours observé comme un homme qui maîtrise son image, ne semblait être plus que l’ombre de lui-même à attendre des réponses que je ne pourrais jamais lui apporter. Si j’avais toujours su prévoir les moindres mouvements de ma sœur, si j’avais souvent eu un tour d’avance sur elle, il faut dire que cette fois-ci, elle avait su tout nous coiffer au poteau. Il ne reste rien d’autre que le silence de son absence et les questions que chacun se posent. « Parce qu'elle est déjà partie. » Je fronce les sourcils, cherche dans ma mémoire un moment où Ariane aurait pu se faire la malle dans ces cinq derniers mois. C’est avec lui qu’elle avait fui le pays pour donner naissance à leur fils, rien de plus. « C'était une autre époque. Et nous correspondions par message. Je savais où elle était et nous nous sommes retrouvés sans accroc. » La confusion s’estompe pour me ramener à une époque bien différente où Abel n’était que quelques traits sur le cliché d’une échographie. « Je sais. » J’avais su bien avant lui là où elle se trouvait. « J’étais là quand tu es arrivé. » Il ne m’avait jamais vu, j’étais parti quelques heures après, lui laissant une chance de réparer ses erreurs. Il s’en était bien sorti le bougre, pour en finir ainsi. Qu'est-ce qui rendait ce départ en particulier plus définitif que les autres ? Là était ma question. Peut-être qu’il n’a pas tort dans le fond, peut-être que cette fois, les choses se jouent de manière bien différente.
Alors quel est l’élément déclencheur ? Pourquoi tout quitter sans prévenir ? Pourquoi laisser mari et fils ? Surtout le fils. C’est l’élément qui sonne creux, celui qui inquiète dans toute cette histoire. Il n’y a rien d’habituel à une disparition spontanée de la part d’Ariane tant cela pouvait faire partie intégrante de son caractère, mais Abel avait changé la donne. Petit garçon qui se blottit contre son père, petit garçon qui se réveillera encore une fois sans sa mère. Quelque chose cloche. « Rien, Wyatt. Rien du tout. Hier, nous nous sommes endormis comme d'habitude. » Hier, pourtant, elle avait déjà tout décidé, elle serait venue me voir sinon, elle aurait honoré le rendez-vous. Du regard, je sonde chaque trait de celui qui reste mon beau-frère. Tout n’est que fatigue et tristesse. L’homme s’est déjà résigné, il cherche à accepter la fatalité. « D’accord. » Je ne promets pas de le croire, mais ne cherche pas à remettre en doute sa parole. Le rapport de force n’a pas lieu d’être quand il est déjà à terre.
Sans un bruit, je marche dans ses pas et m’arrête sur le seuil de leur chambre. Le lit est en désordre, les portes du placard entrouvertes et les volets encore tirés. Je pourrais jurer qu’en réalité Ariane se cache dans un coin et que les deux cherchent à me faire marcher. L’espace d’une seconde, j’attends, le cœur battant, prêt à entendre son rire si particulier exploser dans le silence de l’appartement. Rien de tout cela ne se produit, il n’y a que le silence et les yeux de Saül bien trop humide. « Il y a ses affaires dans les placards, mais je n'ai pas osé tout vérifier. » Elle aura laissé des choses, tout ce qui ne fait pas sens, tout ce qu’elle aura estimé sans intérêt. « Tu veux que j’aille voir ? » J’essaye de ne rien imposer, de ne pas jouer les brutes sans âme, de ne pas le brusquer. On en oublie les rancœurs et les joutes verbales tant le ton est sérieux. « Peut-être qu'elle est retournée avec ce salaud de Jeremiah. » Ma mâchoire se serre au même rythme que la sienne. Jet a toujours été le fauteur de troubles. « Jeremiah est occupé en ce moment. » Avec sa bâtarde et ses emmerdes. Jet aura des problèmes s’il cache quelque chose. « J’en fais mon affaire. » Il a beau être un ami, les relations ne compte plus quand Ariane semble avoir fait la connerie de trop.
« Tu me l'aurais dit ? Si elle t'avait parlé du départ, tu me l'aurais dit ? » Instinctivement, je voudrais répondre, non. Non, je ne lui aurais probablement pas dit, parce qu’elle m’aurait fait jurer de ne pas le faire. Non, je n’aurais rien dit, parce qu’elle est ma sœur et qu’elle passera toujours en première. Non, si j’avais su, il n’aurait plus jamais entendu parler de ma personne. Mais je ne sais pas. « On a une règle. » que je lui souffle lentement. « Pas plus de trois jours sans donner signe de vie. » C’est une Ariane adolescente qui m’avait forcé à tenir cette promesse, à l’époque où elle venait squatter mon minuscule appartement pour crapoter quelques joints après mon retour d’un road trip sans fin avec une bande d’amis. Je n’avais prévenu personne, j’avais joué le silence radio et elle n’avait pas apprécié la gamine. Ce qui ne devait être qu’une promesse d’antan, c’était transformer en accord tacite au fil du temps et des nombreuses fuites. Ses départs incongrus pour des destinations inconnues, mes allers-retours incessants vers l’Europe s’accordaient tous d’un silence jamais plus long que le saint trio. Ce n’était jamais de long discours, la plupart du temps un simple emoji savamment sélectionner, un minuscule signe de vie. Parfois, il y avait des gifs amusants, bien trop souvent accompagner d’insultes en tout genre. L’accord avait tenu tout ce temps, même la dernière fois, même cette fois. Encore deux jours et j’aurais de ses nouvelles. Cela ne peut être autrement. « Je te dirais. » que je lui promets avec l’espoir fou de recevoir ce signe de ma sœur. |
| | | | (#)Mer 1 Sep 2021 - 7:27 | |
| « Tu veux que j’aille voir ? » « Non. » Il ne veut pas savoir. Il ne veut pas que Wyatt aille coller son odeur sur les murs, sur les portes, partout où Ariane aura pu passer. Il ne veut pas que la paix de l'endroit soit dérangée, pas alors que les draps portent encore la marque du corps d'Ariane et du sien. Ils auraient pu démarrer la mâtinée comme à l'accoutumée. Si seulement elle avait fait un bruit, si seulement elle avait réveillé Saül... Il aurait fait n'importe quoi, l'époux éperdument amoureux. S'il avait fallu, Saül se serait jeté à ses pieds pour la supplier de rester. Il aurait déployé une armée de souvenirs, il aurait tout fait pour la retenir. Mais peut-être cela n'était-il pas assez ? Si elle était vraiment sûre d'elle, ne serait-elle pas partie en pleine journée ? N'aurait-elle pas osé affronter la douleur de son mari ? Saül surprend soudain la présence de l'anneau à son doigt, cet anneau qui scelle - scellait ? - leur amour, leur mariage. Et Abel, dans tout ça ? L'aura-t-elle laissé en lui disant adieu ? Mâchoire serrée, Saül perd son regard dans le vague. Rien, sinon la présence potentielle de Jeremiah aux côtés d'Ariane ne le tire de ses pensées. « Jeremiah est occupé en ce moment. » Comment ? Où ? Que sait-il ? Une colère sourde monte lentement dans le corps de l'italien, qui s'apprête à demander les informations que Wyatt a en sa possession. S'il faut tonner, s'il faut tempêter et briser les vases qui se trouvent dans l'appartement nouvellement investi, ainsi soit-il. « J’en fais mon affaire. » « Je veux que tu me tiennes au courant. » Parce qu'il ne tolèrera pas une autre trahison et que s'il faut faire de Wyatt le réceptacle de sa colère...
Wyatt le lui aurait-il dit, s'il avait su ? Quelque chose dans sa manière de se tenir aurait dû indiquer à Saül que oui. Pourtant, l'italien n'est pas en mesure de déceler ce signe chez le frère d'Ariane. Il n'est pas en état d'observer, pas en l'état d'être raisonnable non plus. « On a une règle. Pas plus de trois jours sans donner signe de vie. » Ariane et Saül n'avaient pas de règle du tout. Ils ne passaient pas un jour loin l'un de l'autre et Saül partait toujours au bureau en lui laissant des notes, habitude qu'il avait prise à Paris aux côtés de la française. Des baisers, ils en échangeaient dix avant de quitter les draps et dix de plus avant de passer le pas de la porte. Hier, ils étaient pires que des adolescents et soudain, Saül semble avoir vieilli. C'est comme si Ariane n'avait jamais été là alors qu'elle est encore partout. Le regard de l'homme d'affaires la cherche sans la trouver, alors qu'Abel doit être en train de dormir. « Je te dirais. » D'un hochement de tête, Saül fait comprendre qu'il a entendu. C'est un peu soulagé qu'il accompagne Wyatt jusqu'au salon.
Les pleurs d'Abel fendent soudain le silence, alors que Saül s'apprêtait à montrer d'autres pièces à Wyatt. Il est drôle de penser que c'est aussi la première fois que le frère d'Ariane met les pieds ici, dans cet appartement dont Saül a fait cadeau à sa femme. Ce devait être un nouveau départ, un nouvel endroit rien qu'à eux. « Bouge pas. » Le quarantenaire ne revient à Wyatt qu'une fois Abel sorti du lit. Le bambin pleure dans les bras de son père, mais pas des pleurs colériques avec lesquels il a l'habitude de défoncer les tympans de ses parents. Une fois calé dans les bras de Saül, Abel se calme un peu. Sa petite main est fermement arrimée à l'index de l'italien, comme s'il avait peur que celui-ci ne l'abandonne. « Je crois qu'il a compris. » Abel n'est qu'un bébé, mais Saül est certain que quelque chose a déjà changé, pour lui. Dans l'un des énièmes livres au sujet de la paternité lu par Saül, ils parlaient très bien de ce sens qu'ont les nourrissons. « Je peux pas rester ici, Wyatt. Elle est partout. » Mais il ne peut pas se résoudre à quitter l'appartement, pas encore. Pas alors qu'elle pourrait revenir. Mais Saül est déjà prêt à s'en aller, sachant pertinemment qu'Ariane ne reviendra pas. « Je veux que tu t'assures que Jeremiah ne viendra pas ici. Je défoncerai son crâne de salaud s'il s'approche de cette porte. Tu m'entends ? » Le ton est assez bas pour qu'Abel en entende le moins possible, mais l'enfant se remet déjà à pleurer. « Je veux que tu me tiennes au courant. De tout. Ne le fais pas pour moi, fais le pour Abel. Pour son fils, qu'elle laisse derrière elle. » La rancœur se sent dans le ton de l'homme d'affaires, mais il ne parvient pas à la rendre authentique. La tristesse le submerge déjà à nouveau alors que Saül détourne le regard de Wyatt pour concentrer toute son attention sur Abel, qu'il tente de calmer de quelques mots en italien. Où sera Ariane, quand il faudra apprendre au petit à parler français ? Elle ne le verra pas marcher, ni écrire son prénom pour la première fois. Elle ne le verra plus et ça, c'est déjà une certitude absolue que Saül se refuse à accepter. |
| | | | (#)Dim 19 Sep 2021 - 16:36 | |
| Le ton est donné, la règle s’impose, lorsque l’on reste tous les deux sur le seuil de cette chambre, désormais devenue un musée de leur vie d’avant. Tout chez Saül laisse sous-entendre que plus rien ne retrouvera sa place, il se résigne à l’idée même qu’Ariane ne reviendra pas. Je voudrais croire le contraire, trouver la force de lui souffler la pensée inverse, mais sa conviction dévore les quelques miettes d’espoirs que je place dans le geste inexpliqué de ma cadette. Elle m’a déjà fait le coup plusieurs fois Ariane, de partir sans prévenir, de laisser les heures s’écouler avant de donner signe de vie. Ce ne serait pas la première fois, je ne devrais pas m’en inquiéter, pas autant que lui en tout cas. Dans un coin de mon esprit, une liste se crée pour donner du sens, pour commencer les recherches. Appeler Yelahiah en premier, puis Jet en second. Il le sent Saül, il est bien loin d’être idiot, quand il a toujours été gravé quelque part que seul le Etish pouvait entraîner ma sœur au loin. Pourtant, cette fois-ci, je refuse d’y croire. « Je veux que tu me tiennes au courant. » Je lui réponds d’un hochement de tête qui semble dérisoire face au regard noir et empli de colère qui monte à chacune de ses respirations.
Ce sont deux opinions qui s’opposent quand Saül paraît complètement résigné, tandis que je refuse de croire à disparation définitive dans le silence tant que la règle des trois jours ne c’est pas écouler. Elle a bien des défauts la rousse, une liste longue comme le bras de trucs chez elle qui m’emmerde, mais elle n’a jamais dérogé à cette stupide règle. Dans quelques jours, j’aurais un message, un signe n’importe quoi et l’on pourra reprendre contact. Elle me fera jurer de ne rien dire à Saül et je pourrais à loisir lui servir le discours tant détester du grand frère qui s’implique dans sa vie privée. Je ne lui dois rien au Williams, il n’est pas ma priorité, mais la tristesse que je lis dans son regard me pousse à formuler des promesses complètement insensées que je vais me devoir de respecter.
« Je crois qu’il a compris. » Abel qui sanglote si fort dans les bras de son père. Petit bonhomme dont le regard ne cesse de se balader dans la pièce sans jamais trouver la personne qu’il espère. Mon cœur se serre à voir le bambin si fragile sans sa mère. L’image suffit à nourrir ma propre colère. Si je me fiche bien des histoires de cœur, je ne saurais pardonner l’abandon d’un fils qui n’avait rien demandé. On a tant souffert de l’absence de notre père, elle a mille fois juré le détester de nous avoir laissés de côté. Rien ne fais sens dans ses agissements, tout paraît flou et complètement aberrant. Du bout des doigts, je viens frôler la joue du bambin qui ramène son regard sur mon visage. Je lui offre un tendre sourire dans lequel se cache la promesse de ne jamais laisser tomber. « Je peux pas rester ici, Wyatt. Elle est partout. » Mon regard se relève pour croiser celui d’un père au bord du gouffre. « Je… » La situation me paraît folle, le pire scénario qui soit quand je n’ai aucune affinité avec l’homme, mais que tout mon instinct me hurle de ne pas le laisser ainsi. « Je te proposerais bien de venir chez moi, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. » S’il sent la présence de sa femme partout entre ses murs, il en est de même dans l’appartement que l’on a si longtemps partagé. Elle avait bougé des affaires, mais il reste encore bien trop de choses qui lui appartiennent. Sa chambre est intacte, son écriture est partout sur les post-it que l’on laissait traîner, son parfum flotte encore dans la salle de bain. C’est loin d’être la meilleure des idées. « Je veux que tu t'assures que Jeremiah ne viendra pas ici. Je défoncerai son crâne de salaud s'il s'approche de cette porte. Tu m'entends ? » Je hoche la tête alors que l’envie de défoncer la tête du musicien me démange d’avance. Il va savoir quelque chose, il aura insufflé l’idée ou pire encore. « S’il est impliqué, je te l’amène ? » La question n’a rien d’un piège. Veut-il s’en charger si je découvre la vérité ? Il aurait tous les droits de se décharger quand Jet aura prouvé une fois de plus qu’il peut être la pire des merdes. J’ai longtemps cautionné leur escapade, je n’en avais strictement rien à faire. Il pourrait la baiser que cela m’indiffère. « Je veux que tu me tiennes au courant. De tout. Ne le fais pas pour moi, fais le pour Abel. Pour son fils, qu'elle laisse derrière elle. » Le changement s’opère juste dans ce petit être qui n’avait rien demandé. Elle ne peut pas s’enfuir sans lui. « Il n’y a que lui qui compte. » que je souffle comme pour laisser l’accord se graver quelque part entre nous. Je ne m’implique pas dans leur couple, je ne cherche qu’à comprendre les agissements de la mère. « Je te dirais tout Saül. » Le ton entre nous n’a jamais été aussi solennel, contrairement à elle, je tiendrais ma promesse quoiqu’il en coûte. « En échange, je veux que tu me laisses avoir ma place dans sa vie. » Ariane faisait le lien, mais Abel reste mon neveu, le seul que j’ai. Et il m’offre un petit sourire le bébé, alors que je viens caresser son front. « Je peux pas cautionner qu’elle l’est abandonner… » Rien de tout cela ne fait sens. |
| | | | (#)Lun 4 Oct 2021 - 15:43 | |
| « Je te proposerais bien de venir chez moi, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. » Un rire amer s'échappe de la bouche de l'italien. Non, ce n'est pas une bonne idée. Ici, tout lui rappelle Ariane. Chez Wyatt, tout lui rappellera Ariane aussi. En réalité, il n'y a rien dans le monde qui ne lui rappelle pas sa femme. La vie même a une saveur en moins sans elle, comme alors peut-il cesser de penser à elle ? Elle s'est volatilisée en emportant la meilleure partie de l'âme de son homme d'affaires de mari. Dans les bras de Saül, Abel s'agite à nouveau. Le quarantenaire dépose un baiser sur le sommet de son crâne couvert de cheveux blonds. Le geste l'apaise un instant, mais un instant un seul. De ses yeux qui ne distinguent pas encore absolument toutes les nuances et toutes les forment qui s'agitent dans le monde, il semble pourtant chercher quelque chose du regard. Une tâche de couleur. Une présence. Une femme toujours en mouvement, une braise sur la toile froide de l'appartement. Un feu qui a disparu, emportant tout sur son passage et laissant le logis dévasté.
Malgré le ton bas employé par Saül, Abel se remet à pleurer. Doucement, l'italien berce l'enfant qu'il tient entre ses bras. On ne sait pas vraiment qui s'accroche à qui dans cette image un peu terne. Le père aux yeux délavés s'accorde parfaitement à l'enfant blond aux traits rougis de tristesse. « S’il est impliqué, je te l’amène ? » « Non. » S'il rencontre Jeremiah, Saül le tuera. Il n'a aucun envie de finir ses jours en prison à cause d'un petit con prêt à tout par jalousie. Saül sait très bien qu'il y a quelque chose que Jeremiah n'aura jamais : lui est père de l'enfant porté par Ariane, et le plus jeune n'a que ses yeux pour pleurer. Il ne sait que se contenter des miettes données par la française. Saül, lui, a la satisfaction de savoir qu'il a eu ce que Jeremiah a peut-être cherché toute sa vie : le cœur d'Ariane. Ce n'était visiblement pas assez pour la retenir, néanmoins. « Je ne veux pas qu'il s'approche d'Abel. » Le petit ne respirera jamais le même air que cette ordure qui pourrit tout ce qui touche. Saül tire un trait sur une réconciliation potentielle, un geste qu'il aurait pu faire pour sa femme. Il n'a plus cet effort à faire, c'est cela de pris.
Dans les bras de son père, Abel s'est à nouveau endormi. Il somnole tranquillement alors que les yeux de Saül ne le lâchent plus une seconde. Sa petite main entoure fermement l'index de son papa. « Il n’y a que lui qui compte. » Sur ce point, Saül est bien d'accord avec Wyatt. Il n'y a qu'Abel qui compte, Abel et ses petites mains, Abel qui grandira sans sa mère. « Je te dirais tout Saül. » L'intéressé entend, mais ne réagit pas. Il réfléchit à ce que sera sa vie sans Ariane, à ce qu'elle sera quand Abel aura besoin d'elle. Qui sera là pour emmener Saül à l'hôpital en pleine nuit, quand il sera en train de faire un arrêt cardiaque ? « En échange, je veux que tu me laisses avoir ma place dans sa vie. » Le regard de Saül se fait mauvais. Toute l'énergie qu'il lui reste se fixe dans ce regard qu'il renvoie à son interlocuteur. « Je peux pas cautionner qu’elle l’est abandonner… » « Pourquoi est-ce que tu me parles d'échange ? Garde tes informations si tu ne me les donnes que parce que tu veux garder un œil sur Abel. Je me débrouillerai seul. » A-t-il besoin de quoi que ce soit au sujet d'une femme que les abandonne tous à leur sort ? Un soupir plus tard, Saül reprend un peu son calme. « Tu es son oncle. Tu auras ta place. » Mais quelle place ? Cela, Saül n'est pas prêt à en discuter. « Tu devrais y aller. Abel est fatigué. » Et Saül aussi. Une fatigue brûlante, qui ne lui donne envie que de s'effondrer quelque part pour ne plus jamais s'en relever. |
| | | | | | | | The dreams i could explore, I left them by the door | wyatt #3 |
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