| burning up my mind (craker #11) |
| | (#)Mar 20 Juil 2021 - 23:42 | |
| Elle est partie pour de vrai, cette fois.
Les mots résonnent sans réellement trouver de sens. Tout sonne sans justesse dans une froideur qui n’avait pas lieu d’être. Derrière mes paupières closes, se joue en répétition l’image d’un Saül brisé en mille morceaux, plus capable d’attendre après une ombre. Ariane a pris la tangente en laissant toute sa vie derrière elle. Tout était resté en suspens de ses affaires qui traînent encore dans leur appartement, aux marges annotées à l’encre rouge sur le seul exemplaire de mon livre. Pas un mot, pas un au revoir, juste le souffle froid de sa présence telle une ombre qui s’accroche à mes épaules. Les heures se sont égrené aux rythmes des appels sans réponses, des messages qui s’accumule d’un seul côté de l’écran sans que jamais une réponse ne vienne tordre le cou à toutes les suppositions. Ne reste que le vide de sa présence, ses vieilleries encore entassées dans un coin de son ancienne chambre et le silence qui aliène.
Mes heures de sommeils se comptent sur les doigts d’une main, en cumulé, sur près de trois jours. Sous mes yeux, bien à plat sur la table basse, légèrement froissé d’avoir trop dansé entre mes doigts, l’échographie me rappelle à différents soucis. À ne pas quitter mon canapé depuis des heures, voilà que j’adopte les positions les plus étranges et inconfortables, à observer ce cliché dans tous les sens. Qu’importe si mon regard penche vers la gauche ou bien vers la droite, le résultat reste le même. Juste là, sous mes yeux, se dessine les courbes d’un bébé. Pas un petit sac de molécules de rien du tout, mais bien une tête et deux petits pieds que l’on distingue sans trop de difficulté. Un véritable bébé et tout un tas d’angoisses. Mon téléphone glisse à nouveau entre mes mains, cherche à composer le numéro d’Ariane, entend se même stupide message et puis rien. Pas de moqueries, pas de menace. Juste un silence sans fin de celui qui m’empêche de réfléchir. Et je vais faire quoi maintenant avec son silence et mes questions sans réponses ? Parce qu’elles dansent par millions, se mêle à l’angoisse et crée un mélange bien trop effrayant quand tout se balance entre continuer ou s’arrêter ainsi. Parler d’avortement ou bien d’accouchement ? Tout me semble encore surréaliste, comme l’ultime épreuve qui en devient insurmontable. Une minute, je suis persuadé de ma décision, prêt à camper sur ma position, la seconde d’après tout est remis en question et le processus de réflexion reprends à zéro.
Je ne sais plus vraiment ce qui m’a amené à frapper sur le panneau de bois portant le numéro 23. L’attente entraîne un autre silence, de celui qui vous bourdonne aux oreilles. Un deuxième coup puis un troisième qui n’entraîne que plus de silence et cette marée inconfortable qui monte sans cesse. C’est que j’aurais pu faire demi-tour, rentrer chez moi et prétendre ne jamais m’être rendu là. L’idée même de me retrouver à nouveau seul au milieu des fantômes de souvenirs indistincts me force à m’asseoir à même la moquette du couloir laissant tomber le cliché de l’échographie qui traînait au fond de la poche de mon vieux sweat.
Les minutes se sont écoulées sans que jamais mon regard ne se détache vraiment du bout de papier corné. Trois cent mille scénarios, douze mille possibilités et probablement une légère crise de panique plus tard, un bruit de pas résonne dans le couloir inhabité. Si je m’attendais à croiser un voisin qui me demanderait de déguerpi, je n’avais pas prévu de tomber sur ce regard couleur noisette. « Ariane est partie. » Et si ma voix craque sur la fin, il n’y a qu’elle qui saura le reconnaître.
@rosalie craine |
| | | | (#)Mer 21 Juil 2021 - 5:12 | |
| Tes doigts s’acharnent sur le bouton d’un jean qui peine à s’attacher malgré tout ton entêtement. Tu ne te fais toujours pas à cette nouvelle silhouette qui est apparue soudainement, du jour au lendemain, bien avant que tu ne te sentes prête à accepter les différents changements de ton corps. Le déni n’était plus, la tête et le corps s’étaient enfin mis en accord et il n’y avait plus moyen de cacher ce qui peinait encore à raisonner complètement dans ton esprit : tu étais enceinte. C’était difficile de l’accepter, d’être contrainte de le voir jour après jour alors que rien n’était décidé encore, que tout semblait flotter dans l’air sans que tu n’aies quoique ce soit auquel te raccrocher. Si tu évites de te regarder trop souvent dans le miroir, si tu refuses de prendre connaissance de ce ventre qui n’est plus plat, ton linge lui te rappelle jour après jour que le temps passe et que bientôt, il n’y aura plus d’options disponibles. Tu te fais aussi patiente que possible, quand tu te retiens cent fois par jour d’envoyer un message texte à Wyatt pour lui demander s’il sait finalement ce qu’il veut. Tu ne veux pas le brusquer, tu sais que c’est une nouvelle qui est difficile à digérer, toi-même t’es pas certaine d’être capable de t’y faire alors que tu es contrainte d’y faire face jour après jour.
C’est Ariane que tu harcèles de messages plutôt quand c’est à Wyatt que tu as envie de parler, et si elle avait l’habitude de te répondre une insulte ici et là, c’est le silence radio depuis quelques jours. Tu n’en fais pas de cas, continue de lui envoyer les pires insultes et les pires pensées inutiles qui te passent par la tête juste parce que tu le peux, persuadée qu’elle finirait bien par y répondre ne serait-ce que pour te dire de te la fermer. Ça fait quelques semaines maintenant que tu as cessé de squatter sur son canapé. Tu as enfin défait les boîtes qui traînaient depuis des mois dans ce loft à Spring Hill et tu commences tranquillement à te faire à l’idée de vivre seule. Mais pour combien de temps? C’est les angoisses qui reviennent sans cesse quand chaque fois que tu as l’impression de faire un pas vers l’avant, tu réalises que tu fais plutôt du surplace. C’est le besoin de sortir de chez toi, de voir autre chose que les quatre murs de ce loft qui t’ont poussé à aller te chercher quelque chose à boire au café se trouvant au coin de la rue. De prendre ne serait-ce qu’une petite demi-heure pour prendre l’air et essayer autant que possible de t’aérer l’esprit de toutes ces questions qui se répètent inlassablement en recherche d’une réponse que tu ne possèdes pas, pas toute seule du moins.
La dernière chose à laquelle tu t’attends lorsque tu te retrouves dans le couloir menant jusqu’à ton loft, c’est de trouver une silhouette bien trop familière assise juste à côté de la porte. Ton regard se pose sur Wyatt et c’est ton être en entier qui se fige devant l’image que tu analyses en quelques secondes seulement. Le vieux sweat, les cheveux en bataille, les cernes sous les yeux, c’est un Wyatt que tu n’es pas habituée de voir qui se place sous tes yeux. Tu connais par coeur le Wyatt à la grande gueule et aux remarques piquantes. T’es habituée à celui qui se fout de tout et de tout le monde, t’as même eu un peu trop de tête-à-tête avec celui qui est blessé, généralement de tes propres actions. Mais le Wyatt vulnérable, celui dont la voix craque, dont les yeux sont vitreux et empreint d'une tristesse sans nom, tu n’y es pas habituée. Tu ne l’attendais pas, là ici aujourd’hui. Mais surtout, tu ne l’imaginais pas dire les quelques mots qui filent pourtant d’entre ses lèvres. « Ariane est partie. » Trois mots. Ce sont trois mots simples en soit mais avec une signification que tu refuses d’entendre même si elle s’étale juste là sous tes yeux. C’est la surprise sur ton visage, et puis l’incompréhension, un refus de comprendre ce qui pourtant résonne trop fort sur le silence des derniers jours. « Partie? » que tu répètes donc d’une voix aussi douce qu’incrédule, ton regard ne lâchant jamais celui de Wyatt. Si la chose à faire serait de l’aider à se relever, de l’inviter à rentrer, tu décides plutôt de te laisser glisser contre le mur et vient t’asseoir juste à côté de lui, là ou se trouve la photo de l’échographie avec laquelle il est partie lors de votre face à face. T’es proche de lui, trop proche, bien plus proche que tu ne l’as été depuis quelques mois déjà alors que ton bras frôle le sien et que tu continues de chercher son regard. Tu attrapes la photo entre tes doigts, incapable de penser à ça alors que les mots du brun résonnent dans ta tête. Ariane est partie. Ariane est partie. Ariane est partie. Tes pensées divergent vers celui qu’elle a pris pour mari quelques semaines plus tôt. Pour ce bambin au visage rond qui est venu chamboulé son univers cinq mois auparavant. Est-ce qu’ils sont partis avec elle? « Saül? Abel? » Des questions sans vraiment l’être alors qu’une de tes mains vient prendre la forme de ton ventre arrondi à la mention du neveu de Wyatt, incapable de penser qu’Ariane puisse être partie en le laissant derrière. En les laissant tous derrière. Toi y comprise.
T’avais pris la palme de la plus égoïste des mois plus tôt et voilà qu’elle venait de te voler le prix. Cette garce.
« Viens. » Tu te lèves soudainement et puis tend une main dans la direction de Wyatt pour l’aider à se relever alors que tu refuses encore de croire ce qu’il a si facilement laissé sous-entendre en trois mots seulement. C’est d’une main peu assurée que tu viens déverrouiller la porte d’entrée et laisse le Parker entrer d’abord alors que tu fermes la porte derrière toi. « Elle va revenir. » que tu annonces finalement, niant tout le reste. Il y a des habitudes plus difficiles à changer que d’autres il faut croire. « C’est Ariane. Elle revient toujours. » Pas vrai? |
| | | | (#)Mar 27 Juil 2021 - 22:09 | |
| Je ne devrais pas être surpris de la voir se tenir au bout du couloir. Voilà des minutes, peut-être même une heure, que je suis assise devant sa porte à attendre, je ne sais quoi. Dans le processus, j’avais quelque peu omis l’idée potentielle qu’elle finirait par rentrer chez elle à un moment donné. Nos regards se croisent et les mots m’échappent sans plus rien contrôler. Je ne sais plus vraiment pourquoi je me suis rendu jusqu’ici, parler de notre avenir ou graver un peu plus dans une réelle temporalité que ma sœur avait préféré filer sans prévenir. D’une manière presque innocente, je m’attends à ce que la brune m’annonce que la gamine est cachée derrière cette porte, qu’elle a encore fait une connerie et qu’elle cherche à se faire couvrir. J’attends les mots qui sonneront comme une évidence, qui apportera un peu de clarté dans ce comportement que je commence à juger comme déraisonner. J’attends, le cœur battant la chamade d’une manière inexpliquée, mais les mots ne viennent pas, seule, l’expression de Rosalie semble changer. Elle ne sait pas. « Partie ? » Et je souffle, impatient, incapable de vouloir entrer dans son jeu d’actrice si telle est le cas. « Partie. Disparue. Comme une voleuse. Elle s’est fait la malle. » Chaque syllabe résonne emplie d’un jugement qui flirt avec une colère froide. Jamais je ne m’étais offusqué des frasques de ma petite sœur, elle avait tout fait, plus rien ne pouvait réellement m’étonner. Et pourtant… Me voilà blessé de ne toujours pas avoir de ses nouvelles, à bout de forces de devoir comprendre qu’elle avait fait un choix qui n’appartenait qu’à elle. La garce.
Elle est partie et je devrais en faire de même. Me lever, murmurer quelques mots en guise d’excuse et filer de là avant que la discussion se lance, avant qu’il faille faire des choix. Je devrais, mais je ne bouge pas. J’observe, presque surpris, Rosalie prendre place à mes côtés. Son bras frôle le mien alors que sans même la regarder, je peux entendre ses pensées galoper à vive à l’heure. On en est tous réduit à faire des déductions, à chercher une raison qui se voudrait valable quand Ariane semblait enfin heureuse dans sa vie. « Saül ? Abel ? » La simple mention du prénom de mon beau-frère me tire une grimace. « Toujours à l’appartement. » Abandonner par celle qu’ils aimaient tant. C’est là que se situe le nerf de la guerre. Qu’elle l’abandonne lui, je n’en ai strictement rien à faire, mais qu’elle laisse son fils derrière… Ce n’est pas quelque chose que l’on envisage, encore moins que l’on pardonne. « Saül est… » Un instant, j’hésite sur le mot à employer, cherche à préserver sa pudeur malgré nos relations quasi-inexistante. « Brisé. » Le verbe semble en totale adéquation avec l’image qu’il m’avait laissé entrevoir l’autre soir dans son appartement. Un homme qui n’avait plus espoir de retrouver l’être aimé, résigné à l’idée qu’il n’avait pas été assez pour la combler. Aussi étrange que cela puisse paraître, son appel à l’aide avait réveillé un drôle sentiment de compassion. Il n’avait rien demandé et voilà qu’il devait en payer les pots cassés. On allait tous payer le prix fort. Et peut-être que je ne sais pas vraiment comment entreprendre un monde où Ariane allait rester loin, où elle s’obstinait à ne pas donner de nouvelles. Mon regard tombe sur ce foutu tatouage que l’on a en commun, dessin affreux soigneusement choisi la rouquine pour me rappeler à tout jamais qu’elle allait me pourrir la vie. Mes doigts me démangent à vouloir trouver mon téléphone pour envoyer un énième texto à la cherche d’un signe de vie. A mes côtés, le bras de Rosie offre un réconfort que je me refuse à accueillir quand cela fait bien trop longtemps que nous n’avions pas été aussi proche l’un de l’autre. Ce serait si simple pourtant, d’aller mêler mes doigts avec les siens, de me pencher pour attraper ses lèvres dans un baiser qui permettrait de me distraire le temps d’une soirée. Après tout, c’est la facilité qui nous a toujours définies en tant qu’amants. Je pourrais réclamer la simplicité, entamer le contact, mais je ne fais rien, préférant scotcher mon regard stoïque sur le mur d’en face alors que le cliché de l’échographie danse entre ses doigts. C’est trop d’émotions et de sentiments contraires qui viennent déchirer la façade que j’impose au reste du monde. J’ai bien du mal à garder la tête froide lorsque les deux seules personnes avec qui je n’apposais aucun filtre, on décider de fuir la ville. C’est le cœur qui se serre et la difficulté à déglutir qui m’empêche de parler quand je cherche à souffler sans trop me laisser submerger. Je me trouve bien con avec tout ce qui m’explose à la gueule sans prévenir. Je devais simplement me concentrer sur mon livre, pas gérer la troisième guerre mondiale et des décisions qui changerait le reste de ma vie. Quand je jure n’avoir besoin de personne, je donnerais beaucoup pour qu’Ariane vienne me hurler tout un tas d’insanité avant de me rappeler que l’on avait été deux pour autant merder. Et maintenant il s’agirait d’assumer.
« Viens. » Sa main tendue entre dans mon champ de vision alors que je lutte encore pour ne rien laisser paraître. Mes yeux clignent à plusieurs reprises, irrités par la poussière présente dans le couloir. Rien d’autre. Je me racle la gorge en observant sa main qui s’agite. Ma part solitaire voudrait qu’elle me laisse tranquille, mais je finis par attraper sa main malgré tout. J’étais venu pour la voir, à quoi bon se le cacher.
D’un regard curieux, j’observe le lieu encore inconnu. Tout est parfaitement rangé, la décoration est organisée se faisant écho à tout ce que Rosie a toujours aimé. C’est presque étrange de se dire que je suis chez elle, pas chez un autre, pas en secret. Pour la première fois, j’ai tous les droits d’être ici, je n’ai pas à fuir si jamais quelqu’un venait à sonner. La dynamique a bien changé. Timing de merde. « Elle va revenir. » Je souffle en levant les yeux au ciel. « C’est Ariane. Elle revient toujours. » Mot pour mot ce que j’avais fini par dire à Saül ce soir-là. Elle reviendra, elle fait toujours ça. « Elle reviendra pas. » Je l’ai su à l’aube du troisième jour et bien après, quand elle n’a pas honoré la promesse qu’elle avait elle-même instaurer il y a de cela des années. Je devrais m’en foutre, je devrais l’insulté, hurler et vociférer, mais le simple constat de son absence crée cette foutue boule au fond de la gorge. Pour m’occuper, pour ne pas rester planter sur place, je m’approche de la table où, Rosie, à laisser tomber la photo. Je récupère le cliché afin de le faire glisser dans la poche de mon jean, sans un mot. « Je sais pas par où commencer. » Plus rien ne sert de faire semblant, c’est Rosie après tout. Elle a probablement déjà compris quand tout ce qui me trotte dans la tête explose avec force sans vraiment faire sens.
Il est dur de l’admettre, mais me voilà bien perdu. |
| | | | (#)Mer 28 Juil 2021 - 9:00 | |
| Ça fait des jours que tu te demandes quand est-ce que tu allais finalement avoir des nouvelles de Wyatt. Des jours que ton esprit s’invente tous les scénarios possibles sur votre prochaine discussion, celle qui doit inévitablement suivre cette nouvelle que tu lui as lancé à la figure il y a un moment de ça déjà. C’est que tu n’avais d’autre choix que de lui laisser le temps, mais chaque jour qui passe te rappelle que votre fenêtre d’options se rétrécit un peu plus à chaque fois que ton ventre lui semble s’arrondir et la panique se fait de plus en plus grande peu importe les conversations imaginaires que tu ne cesses d’avoir avec toi-même. Tu n’avais pas prévu qu’il ferait un retour dans le plus lourd des silences, avec une nouvelle qui fait encore moins de sens que de le voir juste là, sur le pas de ta porte. « Partie. Disparue. Comme une voleuse. Elle s’est fait la malle. » Tu secoues la tête alors que tu te prends sa colère en plein visage. Une colère qui ne t’est pas adressée pour une fois, bien que le résultat demeure le même. Tu fais face à un Wyatt qui cherche des réponses que tu ne possèdes pas, à des questions que personne n’ose poser à voix haute. Tu essayes de te souvenir de la dernière chose que tu lui as dit de vive-voix, la dernier échange que vous avez eu mais déjà le souvenir semble flou alors que tu tentes de t’y accrocher dans l’espoir de contrer ce sentiment soudainement impossible à nier que c’était peut-être bien la dernière fois pour un long moment que tu posais les yeux sur Ariane.
Tu cherches le regard de Wyatt sans jamais le trouver, il est juste là physiquement, mais son esprit est ailleurs. Il cherche à comprendre et toi aussi alors que le noms de Saül et d’Abel sont les seules choses que tu parviennes à prononcer. « Toujours à l’appartement. » Alors ce n’est pas la famille qui a disparu. Juste Ariane. Et elle laisse derrière mari et fils dans un silence qui fait de moins en moins de sens, dans une décision qui semble aussi impulsive qu’imprévisible. À défaut de trouver les mots, tu laisses le silence dire tout ce que tu ne saurais verbaliser sur le coup. « Saül est... » La pause que prend Wyatt semble encore plus éloquente que le mot qu’il choisit pour décrire l’homme d’affaires. « Brisé. » Tu ne connais pas beaucoup Saül malgré des semaines passées à dormir sur son canapé, mais s’il y a bien un mot que tu n’aurais jamais cru utilisé pour le décrire, c’est bien celui-là. Les ravages de l’amour, sans aucun doute. « Elle n’a rien dit? À personne? » Tu poses la question même si tu connais déjà la réponse juste à voir l’expression qui habite le visage du Parker depuis que tu es arrivée. Tu essayes si fort de poser les doigts sur un indice, quelque chose qui aurait laissé sous-entendre qu’elle allait faire ça, mais rien ne te vient. Elle n’avait pas planifié, Ariane. Elle avait agi, pensant à elle et seulement elle. Du grand Ariane.
Tu finis par te relever et par l’inviter à l’intérieur de ton loft. Le moment est loin de tout ce que tu aurais pu t’imaginer alors que le déni se fait plus fort que la raison, que tu refuses de croire qu’elle ait pu être égoïste à ce point. Ariane va et vient à sa convenance depuis longtemps, ce n’est pas la première fois, tu refuses de penser que ça puisse être la dernière. Tu sais pourtant que Wyatt ne serait pas là à te l’annoncer de cette façon s’il ne s’agissait que d’un énième caprice sans conséquence de sa cadette. « Elle reviendra pas. » Et il sait, Wyatt. De ce genre de conviction qui fracasse tout le reste et qui fait mal tant ça apporte une finalité à laquelle tu n’étais pas préparée. « Elle a eu peur. » C’est bien la seule chose à laquelle tu peux penser alors que sa vie semblait enfin atteindre un niveau de bon qu’elle n’a peut-être pas su assumer. Elle avait tout réussi pourtant. Elle avait l’homme, le bébé, la carrière fleurissante. Elle avait le bonheur juste là, au bout des doigts et elle a fait ce qu’elle fait de mieux la Parker : un cas classique d’auto-sabotage. Tu sais parce que vous êtes pareilles, elle et toi. C’est bien pour ça que vous vous entendiez si bien un temps pour mieux vous détester ensuite, constamment à clasher l’une contre l’autre parce que vous étiez bien trop similaires. Tu cherches quelque chose de plus à dire, quelque chose de rassurant de réconfortant à la limite, mais rien ne te vient. C’est qu’il n’existe aucun mot magique pour ce genre de situation et que si tu as envie de t’approcher, de placer ta main dans la sienne, de lui dire que ça va passer, tu sais que dans le contexte général, il vaut mieux que tu gardes tes distances. Même si ça te tue de ne pas être capable de prendre cette tristesse dans le fond de ses yeux et de la faire disparaître en un claquement de doigt.
Il reprend l’échographie que tu as laissé tomber sur la table, vient la placer dans sa poche arrière alors que tu sens toute l’hésitation face à la suite de ce moment. « Je sais pas par où commencer. » « T’es pas obligé. » De parler. De vouloir faire du sens maintenant. Tu secoues doucement la tête tant le timing est terrible mais que le temps presse, malgré ce que tu dis. « On est pas obligé de faire ça maintenant. » Ça. Parler de ce qui se trouve désormais dans la poche arrière de son jean. Ça te semble complètement déplacé de devoir le presser à prendre une décision quand le reste de son monde a cessé de faire du sens au moment même où il a compris que sa sœur s’était jouée de tout le monde en s’éclipsant de la sorte. Tu essayes de penser à ce que tu as dans tes armoires ou dans le frigo, il faut dire que tu n’as pas grand-chose à lui offrir qui pourrait faire du bien dans un tel moment. Tu te rapproches quand même des armoires, sort un verre dans lequel tu viens verser le fond d’une bouteille de vin rouge. Les dernières traces de tes excès des derniers mois, alors que tu te retournes vers lui et fait glisser le verre sur la table dans sa direction. « Désolée, j’ai rien de plus fort. » que tu finis par lui dire avec un léger sourire aux lèvres. C’est une bien maigre tentative de détendre l’atmosphère alors que tu t’assois sur l’une des chaises. Et puis tu te souviens exactement de quoi était constituée ta dernière conversation avec Ariane, un souvenir qui pèse d’autant plus dans la situation actuelle. « C’est elle qui devait m’accompagner. » Tu déglutis difficilement, t’aimerais bien avoir un verre de vin sous les yeux tout aussi, mais il te faut te contenter du café dont tu étais en train d’oublier l’existence. « Si on décide de... » De pas garder le bébé. T’es bien incapable de prononcer les mots en ce moment alors que de ce même geste qui se fait de plus en plus habituel, tes doigts viennent flatter ton ventre. Tu échappes un long soupir, secouant encore la tête. Rien de tout ça ne fait de sens. « Je suis désolée, Wyatt. » Et cette fois-ci, tu ne retiens pas le mouvement alors que les doigts de ta main libre viennent se placer sur ses mains, dans un geste trop familier pour un moment qui n’a pourtant rien de confortable. |
| | | | (#)Sam 31 Juil 2021 - 21:51 | |
| « Elle n’a rien dit? À personne? » Je voudrais rire de la manière dont chacun semble s’offusquer du silence imposé par ma sœur. Ce n’est rien de nouveau, il n’y a pas de grande surprise dans ses actions. Pourtant tout semble résonner différemment quand pour la deuxième fois en quelques jours, on s’étonne que je ne sois au courant de rien. Elle était ainsi notre relation, forger d’un lien que tous pensaient infaillible. Le monde entier pouvait ignorer bien des choses, mais jamais l’on avait eu de secret l’un pour l’autre avec Ariane. À croire que même la famille finit, un jour, par vous décevoir. « Elle a laissé une lettre qui ne voulait rien dire. » Quelques mots gribouillés sur un bout de papier, abandonner sur sa table de nuit. Juste assez pour plonger Saül dans une confusion évidente, juste assez pour ne rien dire. Avec un peu de volonté, sans jamais trop me forcer, je pourrais la retrouver. Son silence impose bien trop de rancœur pour que je ne parte à sa recherche. « Ça fait plus de trois jours. » Elle a trahi la plus grande des promesses la gamine. On n’a jamais été du genre parfait chez les Parker, mais une promesse fraternelle n’avait jamais été brisée ainsi. Plus rien ne fait sens tant elle semblait avoir trouvé sa place auprès de Saül et avec leur fils. Tout se floute alors que les questions s’empilent et restent sans réponse. « Elle a eu peur. » C’est l’amie qui parle quand pendant des années elles ne faisaient que se cracher à la gueule. « Tu parles… Elle a peur de rien la Parker. » L’imitation de la voix de la rousse est pitoyable tandis que mes mots ne crachent qu’un dédain qui ne cesse de grandir à mesure que les jours passent. « Bon débarras. » Tout hurle au mensonge, mais mon regard noir cherche à se faire convaincant. Cacher les blessures derrière des insultes, c’est notre spécialité après tout. C’est peut-être bien pour cela que mon regard se balade à chaque recoin de son appartement, alors que je m’engage à ne pas cligner des yeux, ce qui menacerait l’intégrité du mec viril qui se fiche de tout. Ariane est partie et ça blesse de partout. Les cicatrices se veulent béantes tandis que je joue à celui qui veut vraiment s’en foutre. Probablement qu’avec les années, Rosie avait oublié comment lire entre les lignes. Un regard noir et des épaules verrouillées pourraient finir dans la convaincre sans souci. Faut bien essayer.
Si l’absence d’Ariane m’avait porté jusqu’ici plutôt que prévu, elle ne devait pas en rester le sujet de conversation principale. Aucun d’entre nous n’avait encore évoqué le petit être qui s’affiche sur ce cliché qui ne cesse de voyager entre nos mains. Principale raison de mes insomnies des derniers jours, salement détrônés par celle qui devrait être sa tante. Dans un aveu à demi-mot, je confesse ne plus savoir où donner de la tête. J’avais besoin de cette conversation avec ma sœur, il me fallait échanger avec elle et personne d’autre, mais elle m’en a voler l’occasion en toute connaissance de cause. Désormais, le monde entier semble tourner sur un axe différent tandis que je m’enfonce dans ce qui semble ne plus être cohérent. « T’es pas obligé. » Ne dis pas ça, Rosalie. Ne pas m’obliger me donne toutes les autorisations du monde à rester dans le déni. « On est pas obligé de faire ça maintenant. » Comme si le temps ne nous était pas compté depuis bien trop longtemps. J’ai vérifié. Il ne reste que quelques jours pour prendre une réelle décision, après il sera trop tard. Le souci étant que je suis bien incapable de statuer sur une quelconque décision quand pendant deux heures tout me semble être la plus grosse connerie du monde et quand quelques instants plus tard je remets en cause tout un avenir. Je ne sais pas si je suis en mesure de devenir père. Je ne sais pas si j’aurais la force de le faire avec elle. C’est là que réside tout le sens du problème. C’est nous. Le pire couple qui soit. Le chaos sur terre. Rien ne semble faire sens et à chaque seconde, je me demande quel signe le destin cherche à nous envoyer avec cette vie qui prend forme sous son nombril. La pire blague de l’année. Tout ce que l’on avait jamais vraiment envisagé. « J’ai plus personne avec qui en parler, il va bien falloir le faire. » Ariane, c’est barré. Ginny, dans sa douceur légendaire, m’a bien fait comprendre que la décision m’appartenait. Jamais elle ne chercha à m’influencer la peintre, elle voulait que je prenne le temps de la réflexion pour moi.
« Désolée, j’ai rien de plus fort. » Un léger rire m’échappe alors que Rosalie vient planter un verre de vin sous mon nez. Je hausse des épaules sans amorcer le moindre geste pour attraper le récipient. C’est que j’en aurais presque la nausée tant tout tourne à grande vitesse. Je préfère m’asseoir sur une chaise et souffler un bon coup alors que nos regards se croisent et que je capte toutes les attentes dans son regard. Pour elle aussi tout semble s’accélérer sans qu’elle ne puisse rien contrôler. Nous voilà à batailler pour garder la tête hors de l’eau alors que nous sommes pris en pleine tempête. Comment on a bien pu en arriver là. « C’est elle qui devait m’accompagner. » Mes sourcils se froncent alors qu’elle cherche ses mots. « Si on décide de... » Mon souffle se coupe alors qu’elle sous-entend l’avortement. C’est mon corps qui réagit en premier dans un rejet que je n’avais encore jamais ressenti, une sorte de négation qui surplombe la moindre pensée alors que Rosie laisse la porte ouverte à tous les possibles. Pour une fois, elle n’impose rien, elle se mure dans un silence qui ne laisse rien passer. Elle me donne le choix, laisse les options encore possibles. « Je suis désolée, Wyatt. » Sa main trouve la mienne alors que je m’interroge sur le bien fondé de ses excuses quand il faut être deux pour se retrouver dans ce genre de situation. « On aura bien merdé. » que je murmure malgré tout. Qu’importe notre décision, il faut reconnaître que rien de tout cela n’es idéal et j’ai beau hurler sur tous les toits ressentir une haine à son égard, je sais à quel point elle souhaitait devenir mère. Jamais elle n’aurait dû avoir accès à ce statut de cette manière. Est-ce qu’elle l’obtiendra même. « Je vais pas faire semblant. » Pour une fois, juste une, soyons deux adultes matures. « Je sais pas comment ça pourrait devenir quelque chose de… » Les mots sont malgré tout durs à trouver. « Je sais pas comment on pourrait faire Rosie. » Je ne sais plus rien. « Parce que tu devais sortir de ma vie, c’était ça le plan, rien d’autre. » Jamais il n’avait été question de bébé et d’un avenir commun pour les dix-huit prochaines années. Je voulais vraiment qu’elle sorte de ma vie, j’avais réussi, enfin. Et tout était revenu me heurter en pleine gueule, la ramenant avec des bagages. « Et maintenant y a tout ça. » Ça. Ce bébé, au creux de son ventre. Ce petit-être que je suis bien incapable de nommer tant je n’arrive pas à me faire à l’idée. Ce truc qui pourrait tout changer.
Un instant, je pense à Abel, ce petit bonhomme dans les bras de son père qui cherchait du regard sa mère. Ce petit garçon qui se retrouve abandonner sans qu’il n’ait jamais rien demander. Puis mes yeux se posent sur l’autre main de Rosalie, celle qui flatte son ventre, celle qui protège. « Est-ce que toi, tu veux le garder ? » En réalité, il n’en tourne que là. C’est son corps, son choix. Jamais je ne lui imposerais quoi que ce soit, pas de cette violence-là, on s'était déjà fait bien trop de mal. |
| | | | (#)Dim 1 Aoû 2021 - 16:05 | |
| « Elle a laissé une lettre qui ne voulait rien dire. » « Tu l’as lu? »
Tu poses les mauvaises questions à défaut de savoir quelles seraient les bonnes. Parce que tout le monde s’en fout de ce que Ariane peut bien avoir écrit sur un bout de papier laissé derrière quand ses actions parlent plus fort que tout le reste. Elle est partie, elle ne répond plus à personne et peu importe comment elle pourrait tenter de justifier ça en quelques mots, ce n’est pas quelque chose qui s’oublie ou bien qui se pardonne en claquant des doigts. Tu devrais bien t’en foutre qu’Ariane soit partie comme une voleuse, ça fait dix ans que vous vous détestez bien plus que vous vous aimez, et pourtant, t’es incapable de rester complètement indifférente face à ce fait. Peut-être parce que votre amitié, si on peut vraiment l’appeler ainsi, avait pris un tournant dans les dernières semaines et que fuck, toi aussi t’avais besoin d’elle plus que tu n’étais prête à l’admettre à voix haute en ce moment. Et la vérité, c’est que t’es tout simplement incapable d’être indifférente à Wyatt qui t’apparaît être plus vulnérable que jamais, dans un plot twist que personne n’a vu venir mais qui fait des ondes de choc de partout. « Ça fait plus de trois jours. » Tu fermes les yeux, retient ton souffle parce que tu sais exactement ce que ça veut dire. T’as jamais compris cette promesse tout comme t’as jamais vraiment compris, ni accepté même, cette relation fusionnelle qui existe entre eux, mais tu connais la règle : jamais plus de trois jours sans donner des nouvelles à l’autre, peu importe les conneries, peu importe le bordel. Ça rend le tout bien plus lourd de sens de comprendre qu’elle a vraiment coupé les ponts avec tout le monde. C’est de vouloir justifier l’injustifiable que tu offres une théorie qui ne fait que provoquer un nouvel excès de colère de la part de Wyatt. « Tu parles… Elle a peur de rien la Parker. » L’imitation d’Ariane t’arracherait presque un rire, si le moment n’avait pas absolument rien de drôle. « Bon débarras. » Il regarde partout sauf dans ta direction, il feint un je m’en foutisme qui manque d’un brin de sincérité tant tu vois tout ce qu’il tente de cacher. « T’as pas besoin de faire semblant avec moi. » C’était bien la nouvelle règle du jeu depuis le fameux roadtrip après tout. Se dire la vérité. Même quand ça fait terriblement mal. Et s’il remarque tes yeux mouillés, tu diras que c’est les hormones qui te jouent des tours.
Tu lui offres la chance de repousser le moment encore un peu, même si le temps manque et que le flou est de plus en plus ingérable. Tu t’es coupée de tout et de tout le monde, en attendant de savoir ce que vous alliez bien pouvoir faire de ça. T’as arrêté de répondre aux messages des quelques amis qui daignent encore prendre de tes nouvelles après le scandale, t’as cessé toute tentative de rentrer en contact avec tes frères, t’évites même de répondre aux textos de Wendy pour l’instant. T’as pas envie de le dire à qui que ce soit si c’est pour prendre l’ultime décision de ne pas garder le bébé. Parce que tu te connais, ça va faire trop mal d’en parler, trop mal d’y faire face. Tu sais même pas comment tu vas arriver à aller jusqu’au bout, si c’est la décision que vous prenez. C’est les pensées qui se bousculent sans cesse dans ta tête quand tu as beau tourner la situation dans tous les sens, il n’y a pas de solution idéale. Qu’une décision à prendre et des conséquences immenses à accepter, d’un côté comme de l’autre. « J’ai plus personne à qui en parler, il va bien falloir le faire. » Tu hoches la tête parce que tu comprends. C’est avec sa sœur qu’il aurait tenté de faire le point, mais comme trop souvent, elle a choisit le pire timing pour jouer à l’égoïste de première classe.
Le verre de vin que tu glisses dans sa direction n’est qu’une tentative d’alléger un moment qui n’est voué qu’à s’alourdir alors qu’assis l’un en face de l’autre, vous cherchez dans le regard de l’autre un quelconque indice sur ce qui peut bien se cacher dans vos esprits respectifs. La dernière mention d’Ariane te secoue plus que de raison alors que vient le temps de se dire les vraies choses. « On aura bien merdé. » Tu pourrais faire un commentaire comme quoi c’est votre spécialité, mais les mots restent coincés dans le fond de ta gorge alors que tu redoutes les prochaines paroles qui vont franchir les lèvres du Parker. « Je vais pas faire semblant. Je sais pas comment ça pourrait devenir quelque chose de... » Tu attends que sa pensée se clarifie, même si tu comprends le fond. T’as aucune idée, toi non plus, de comment vous êtes censés faire, si vous décidez de le garder. Il n’y avait pas de retour possible après votre dernière conversation au milieu de nul part, et pourtant vous voilà face à face à devoir décider de la vie d’un bébé qui est déjà bien trop grand dans ton ventre. « Je sais pas comment on pourrait faire Rosie. Parce que tu devais sortir de ma vie, c’était ça le plan, rien d’autre. » « Ça peut encore être ça, si c’est ce que tu veux. » Ça te tue de l’admettre, parce que tu gérais absolument rien pendant ces quelques mois sans lui, mais t’es consciente que t’as rien fait pour mérité son retour dans ta vie. Le bébé, ce n’est qu’un bête accident, une farce de l’univers dans une tentative désespérée de vous garder lier l’un à l’autre de la plus tordue des façons. « Et maintenant y a tout ça. » Vous évitez de le nommer, comme si de garder une certaine distance avec la réalité allait éventuellement vous permettre de prendre une décision sans s’attacher. C’est perdu d’avance quand chaque minute de chaque journée semble être consacrée à penser à ce petit être qui grandi jour après jour, déjà bien trop formé pour que tu puisses ne serait-ce que tenter de prétendre que ce n’est pas ton bébé, votre bébé, qui est juste là, sous ton ventre arrondi que tu continues de flatter d’un geste inconscient. « Je te l’ai déjà dit, mais je veux pas t’imposer quoi que ce soit. Je l’ai déjà trop fait. » Pendant trop longtemps, tu avais imposé tes mensonges et tes volontés, égoïste au possible. Ce n’est pas comme ça que tu tenais à donner la vie, si telle était la décision prise. Parce que tu le connais Wyatt, tu sais la place que prend la famille dans sa vie et que jamais il ne pourrait abandonner son enfant en toute connaissance de cause. Que si la décision est prise de garder ce bébé, il va vouloir un rôle actif dans la vie de son enfant. Et ça ressemble à quoi ça, quand quelques mois plus tôt vous étiez incapable d’être en compagnie de l’autre sans complètement vous déchirer?
Alors qu’est-ce que ça vous laisse comme options? Tout arrêter ou trouver une façon de le faire, ensemble.
« Est-ce que toi, tu veux le garder? » Si tu voulais pouvoir prétendre ne pas connaître la réponse à cette question, la vérité c’est que tu sais. Tu sais qu’à défaut de vouloir le garder, tu te sens complètement incapable d’avorter. Tu ne fermes pas la possibilité, mais tu ne sais pas comment tu ferais pour vivre avec toi-même si tu venais à aller jusqu’au bout. La simple idée te donne des nausées, et si tu n’as jamais été contre le fait d’offrir le choix aux femmes, t’as jamais cru que tu te retrouverais dans une situation ou ce serait une option à considérer pour toi. Parce que t’as toujours voulu des enfants et depuis ta fausse-couche, t’étais terrorisée à l’idée de ne jamais pouvoir retomber enceinte ou alors d’être incapable de mener une grossesse à terme. « C’est sûrement ma seule chance d’en avoir un. » que tu finis par admettre en te mordillant les lèvres. Parce que t’as atteint un certain âge, parce que ta situation amoureuse est catastrophique et parce que la vérité c’est que t’as jamais vraiment réussi à t’imaginer fonder une famille avec qui que ce soit d’autre que Wyatt. Même après cinq ans avec Lachlan, même après les fiançailles, t’as toujours eu du mal à te projeter. Peut-être que t’essayais de te protéger après la fausse-couche, ou peut-être que t’as toujours su au fond que c’était pas cette vie là que tu voulais, la distinction est encore difficile à faire. « C’est pas comme ça que ça devait se passer, pour nous. » C’est d’aller en terrain miner que de parler de la fausse-couche, mais c’est bien impossible de prendre une décision sur cette grossesse sans venir au bout de cette discussion que vous n’avez pas pris le temps de terminer la dernière fois. « Il y a dix ans, y’a rien que je voulais plus que de fonder une famille avec toi. J’avais tellement hâte de te l’annoncer. » Il y a un sourire triste qui vient se placer sur tes lèvres alors que tu baisses les yeux, le regard fixé sur tes doigts qui dansent encore doucement sur ton ventre. Tu te revois encore à ce moment précis, la joie et l’excitation étaient à son comble quand tu avais vu la deuxième ligne apparaître sur ce test de grossesse. C’était pas prévu, mais vous en aviez parlé un peu et il n’était pas fermé à l’idée. C’était une bonne nouvelle, à ce moment-là. « Je voulais te l’annoncer avec une photo d’une échographie dans un livre ou un truc du genre. J’avais pas encore décidé mais je voulais faire ça grand, je voulais faire ça bien. » À l’opposé complètement de ce que tu avais dû faire ce coup-ci, une annonce à la va vite, une bombe lancée qui fait des ravages après une guerre qui a déjà duré trop longtemps « Je sais que ce sera jamais ce que ça aurait dû être il y a dix ans. » Vous vous êtes faits beaucoup trop mal entre-temps. Vous avez tout détruit trop souvent, vous avez pas su vous aimer correctement. T’as pas su le choisir quand t’aurais dû et tu savais que ça, t’en paierais éternellement le prix. Mais ce bébé, votre bébé, il n’avait pas à payer le prix de tes erreurs. « Mais oui, je veux garder le bébé. » Et voilà, ça est devenu bébé et t’as l’impression que c’est une toute autre bombe que tu viens de lancée, alors que tu lèves les yeux vers Wyatt, éternellement nerveuse de sa réaction. |
| | | | (#)Dim 1 Aoû 2021 - 20:40 | |
| « T’as pas besoin de faire semblant avec moi. » Un léger rire m’échappe à l’idée même de cette vérité qui n’avais jamais autant fait sens. Je suis bien souvent le meilleur pour prétendre que rien ne m’atteint, mais c’est forcément avec elle que ça ne peut pas prendre. Elle en connaît trop Rosalie, elle sait bien trop analyser chaque haussement de sourcils et le moindre petit soupir. Qu’importent les tensions et la distance que l’on s’impose, il y a des vérités qui ne pourront jamais se détourner. Elle a compris que le départ d’Ariane était venu briser quelque chose, elle a vu au travers du sarcasme et des remarques cinglantes. « Je déteste quand tu fais ça. » Quand elle me rappelle à quel point, elle peut lire en moi comme dans un livre ouvert lorsqu’elle le souhaite vraiment. Je déteste ce genre d’aisance qu’elle peut avoir quand dans les faits, j’ai bien la même facilité à noter toutes les subtilités dans ces gestes.
C’est ainsi que je note la main qui vient lentement se loger contre son ventre. C’est dans un léger soupir que je comprends à quel point elle ne veut pas me presser, mais combien elle aimerait que l’on entame cette conversation tant redouter. Nous voilà au pied du mur, incapable de reculer bien plus longtemps. Il semblerait que l’on soit capable de s’adresser à l’autre de manière presque apaisé. Je ne sais pas si c’est le fait que cet appartement ne renferme aucun souvenir ou bien le fait que la dernière dispute avait finit par faire imploser tout ce qui avait trop longtemps été contenu. Toujours est-il que je me sens prêt à engager la conversation, sans volonté de blesser, sans vouloir à tout prix imposer une quelconque distance. Qu’importe ce qui ressortira de notre échange, j’ai compris que nos vies seront à jamais entremêlées, on ne pourra plus en réchapper.
Pour la première fois depuis ce qui semble être une éternité, je prends le temps de peser mes mots. En aucun cas, je ne cherche à la blesser même lorsque je sous-entends, une fois encore, que tout ce qui nous arrive n’est autre que le résultat du pire timing de tous les temps quand je m’étais fait à l’idée de me séparer d’elle. On en était arrivé à cette conclusion, c’est bien mieux ainsi. Qu’importent la rancœur et les remords. Il fallait que l’on tourne la page, mais quelqu’un dans cet univers en avait décidé autrement. Je ne saurais expliquer cette frustration de ne pas avoir pu m’éloigner assez longtemps. « Ça peut encore être ça, si c’est ce que tu veux. » Est-ce que je veux vraiment la voir disparaître à tout jamais ? J’en étais convaincu, il y a encore quelques jours de cela et maintenant… Je ne sais plus vraiment. « Je ne veux plus jouer. » que je murmure alors lentement tandis que mes doigts viennent jouer avec le verre de vin. La partie avait assez duré. Elle avait pris fin sur ce parking abandonné, sans n’avoir plus aucune raison d’exister, je me devais de le souligner avant que la conversation ne converge vers plus important. Quoique l’on décide, je ne veux plus jamais retomber dans ce genre de spirale, j’ai trop laissé de ma personne durant des années, je ne pourrais pas le surmonter à nouveau. Jamais je n’avais été aussi honnête.
Il semble que ce soit la direction choisie lorsque je finis par lui poser la seule question qui semble faire sens. Si elle jure ne rien vouloir m’imposer, je promets en retour de ne pas lui demander de faire un choix qui lui semble insurmontable. Si j’ai ma part de responsabilité dans la situation, elle est celle qui est en train de vivre un vrai chamboulement au sein de son corps et j’ai beau être le pire des connards parfois, jamais je ne me verrais lui imposer un avortement. Qu’importent les raisons qui nous pousseraient à choisir cette option, il faut que l’on soit sur la même longueur d’onde. « C’est sûrement ma seule chance d’en avoir un. » Je hoche la tête alors qu’elle semble vouloir à tout prix éviter mon regard. Depuis que je la connais, je sais à quel point Rosalie souhaite devenir maman. Elle m’en a parlé très tôt dans notre relation, à l’époque où tout allait bien entre nous. C’est un souhait qu’elle a toujours eu en elle et je serais bien le pire des monstres pour lui enlever cela. « Même dans cette situation ? » Est-ce qu’elle finira par s’en vouloir un jour ? Si je comprends sa position, je ne peux m’enlever de la tête que la présence de mon frère dans ma vie, ne tient qu’à un désir vaniteux de nos parents à vouloir recoller les morceaux. Yele, c’était retrouver à devenir le gardien d’une relation foireuse et aujourd’hui encore, il porte ce poids sur ses épaules. Toutes les tensions entre nous viennent de ce point précis. Il est le bébé pansement qui est venu faire éclater l’image que j’avais de ma famille. « Je peux pas répéter les erreurs de mes parents. » Je ne me le pardonnerais jamais si un jour, j’en venais à ressembler à mon père. Il n’était qu’un lâche qui avait préféré fuir ses responsabilités en faisant du petit dernier son favori, le seul qu’il avait réellement voulu éduquer. Il nous avait abandonné et malgré les années passées, c’est une blessure qui ne c’est jamais réellement refermer.
« C’est pas comme ça que ça devait se passer, pour nous. » Non, ce n’est pas ce dont on avait bien pu rêver à une période donnée. En rien, cela ne ressemble aux discussions que l’on avait pu avoir sur l’avenir. C’est une version erronée, un véritable bug dans la matrice. « Il y a dix ans, y’a rien que je voulais plus que de fonder une famille avec toi. J’avais tellement hâte de te l’annoncer. » Ma mâchoire se serre alors qu’elle évoque à nouveau la fausse-couche. On n’a jamais pu parler de cela. Je n’ai cessé d’y penser pourtant. Cette partie de nous qu’elle avait gardées pour elle durant autant d’année, tout ce que j’avais bien pu louper à l’époque. « Je voulais te l’annoncer avec une photo d’une échographie dans un livre ou un truc du genre. J’avais pas encore décidé, mais je voulais faire ça grand, je voulais faire ça bien. » Je hoche la tête alors qu’une nouvelle fois, je vais chercher cette photo qui traîne dans ma poche. Les coins sont déjà un peu abîmés, mais l’image est toujours aussi nette. Toujours aussi criante de vérité. « Tu le savais depuis combien de temps ? » Je n’ai pas vraiment envie de parler de cela, pas envie de repartir dans une colère que je ne contrôlerais pas, mais ça, j’ai besoin de le savoir. Combien de temps elle a attendu ? Est-ce que j’aurais au moins pu le savoir à ce moment-là ? On ne pourra pas rejouer tout cela, mais j’ai besoin de savoir, pour mieux comprendre ou essayer du moins.
« Je sais que ce sera jamais ce que ça aurait dû être il y a dix ans. » Ce ne sera plus jamais comme avant, on en était bien certains. Trop de choses ont implosé, il y a eu trop de mal de fait, de mauvaises directions de prise. « Mais oui, je veux garder le bébé. » Je savais dans le fond. J’avais conscience que c’était sa décision depuis un moment. Je le savais et pourtant, je reste comme ébranlé par la force de ses mots. Elle est sûre d’elle, Rosalie, elle ne ment pas. Elle veut garder le bébé et dans le fond, je crois que je n’avais jamais réellement envisagé une autre option. C’est le cœur battant que je finis par dire lentement : « Alors, je serais là. » Je ne sais pas de quelle manière, je ne sais pas comment, mais je serais là. Avec elle. |
| | | | (#)Lun 2 Aoû 2021 - 14:21 | |
| Tu ne te souviens pas de la dernière fois que tu as pu avoir une conversation aussi sincère et étrangement simple avec Wyatt. Si la situation n’a pourtant rien de simple, il semblerait que la vulnérabilité du moment vous permette enfin de dire les choses sans que tout ne dégénère. Les questions sont posées avec prudence, les réponses sont soigneusement pensées, la conversation se meuble de silences nécessaires pour que tout se passe le plus doucement possible. Vous avez eu du temps, chacun de votre côté, pour penser à cette nouvelle qui vient tout remettre en question. Le départ d’Ariane, quant à lui, impose une nouvelle perspective que tu n’aurais pu t’imaginer avant l’arrivée de Wyatt. De tous les scénarios que tu avais pu te faire depuis votre rencontre sur le toit, tu n’aurais jamais pu t’imaginer ce moment précis. Les regards échangés avec attention, les rires et les commentaires qui témoignent encore de cette aisance entre vous qui nous pourra jamais disparaître peu importe la direction que prend votre relation. Il y a, sous tous les mensonges et toutes les blessures, un duo qui se connaît, qui se comprend. Un duo pour qui les mots sont bien souvent anodins, quand autrefois, les gestes parlaient pour eux et que désormais, tout semble se jouer dans les regards. Rien n’est joué d’avance et pourtant, quand tes yeux viennent trouver ceux de Wyatt, tu as l’ultime conviction que ce n’est pas la dernière fois que tu poses ton regard sur lui. « Je ne veux plus jouer. » Tu secoues doucement la tête. Tu n’avais pas l’intention de reprendre ce jeu lassant non plus. Vous aviez tous les deux assez donné, tous les deux bien trop perdus dans une chasse constante qui au final n’aura permis qu’à vous déchirer jusqu’au point de non-retour. Tu savais que vous aviez enterré ce qu’il restait de votre couple quelque part dans ce stationnement abandonné au milieu de nul part et que, peu importe la direction qu’allait prendre cette conversation, tout était à rebâtir entre vous.
Peut-être que tout n’était pas que champ de mine finalement.
La seule question qui semble vraiment avoir un poids quelconque dans la conversation tombe enfin et c’est lentement que tu y réponds. Chaque mot est choisi avec une attention particulière pour ne pas donner l’impression que tu cherches à imposer une fois de plus. « Même dans cette situation? » Tu hausses les épaules et échappes un soupir. « Même dans cette situation. » que tu te contentes de répéter parce que tu as beau ne pas l’avoir clairement vocalisé encore, ton idée est faite. La situation n’a rien d’idéale, tu en es consciente et pourtant, tu n’arrives plus à imaginer ta vie sans ce petit-être maintenant que tu sais qu’il est juste là, sous ton nombril. Il y a longtemps que tu en rêves, tout comme la peur s’était immiscée dans ton esprit plus le temps filait et que le rêve semblait t’échapper. Tu n’aurais jamais imaginé qu’il se réalise de cette façon, encore moins cru que ce serait avec lui et pourtant, il semblait que, quelqu’un quelque part, s’amusait à jouer à un jeu sur lequel vous n’aviez aucun contrôle. « Je peux pas répéter les erreurs de mes parents. » La remarque t’arrache une grimace, la simple pensée que tu puisses faire comme tes parents te donnent des frissons d’horreur. « La dernière chose que je veux c’est de finir comme mes parents. » Et il sait Wyatt, quand pendant des années, il t’a vu enfiler le rôle de cette Rosalie qu’il déteste tant pour que tu puisses te conformer aux attentes de tes géniteurs. Tu avais bien failli choisir cette route pourtant, celle qui mène à une vie aux apparences parfaites mais aux mensonges répétés, et voilà que la vie semblait t’offrir une chance de faire différemment, de faire mieux peut-être. « Je sais pas comment on ferait, mais pour ça, je pense qu’on veut la même chose. » Tu oses enfin relever les yeux vers Wyatt alors qu’un mince sourire orne tes lèvres. « Qu’il ou elle soit la priorité, peu importe ce qui se passe entre nous. » C’était peut-être naïf de ta part de croire que vous alliez être en mesure de ne pas répéter les schémas qui avaient bercés vos enfances respectives, mais tu voulais croire que vos volontés se rejoignaient et que c’était ça, le plus important.
Tu le vois que la mention de la fausse-couche crée une légère tension, quand Wyatt semble se raidir sur sa chaise et que son regard se fait plus dur l’histoire de quelques secondes. Tu tiens toutefois à lui partager ce petit bout de votre histoire que tu lui as si longuement nié. Tu ne vas pas insister si tu sens que le sujet est encore trop sensible. S’il te fait comprendre qu’il ne veut pas savoir ou alors qu’il n’est pas prêt à en parler parce que la dernière chose que tu souhaites en ce moment, c’est venir brisé cette vague de simplicité qui caractérise l’échange. « Tu le savais depuis combien de temps? » La question est légitime et tu espères seulement que la réponse ne créera pas une colère que tu ne te sens pas la force de gérer en ce moment. « Quelques jours. » Moins d’une semaine et ça avait été la pire des tortures que de ne pas lui dire dès que tu avais posé tes yeux sur le test. Mais tu avais une idée derrière la tête et ton envie de grandeur aura finalement eu raison de vous deux, de la pire des manières. « J’avais rendez-vous avec mon médecin le lendemain de la fausse-couche. » que tu précises. C’est sans doute suite à ça que tu lui aurais dit, t’en mourrais d’impatience. « C’est un de mes plus gros regrets. De ne pas te l’avoir dit dès que j’ai su. » que tu avoues pendant la vague d’honnêteté passe et que la conversation le permet encore. Une partie de toi ne peut pas s’empêcher de se demander si l’histoire n’aurait pas été complètement différente si tu ne changeais que ce détail. S’il avait su, peut-être que la fausse-couche n’aurait jamais eu lieu. Que vous auriez un petit garçon ou une petite fille dans vos vies. Peut-être que vous n’auriez pas passé des années à vous briser, mais plutôt des années à vous aimer, tous les trois. C’est toujours traître que de te refaire tous ces scénarios quand la réalité demeure inchangée. Elle est longue ta liste de regrets, surtout lorsqu’il est question de Wyatt, mais c’est important pour toi d’enfin pouvoir le verbaliser devant lui. Tu ne pensais que tu en aurais l’occasion un jour.
L’échographie tombe à nouveau sur la table, entre vous deux, et ça te fait toujours aussi drôle d’y poser les yeux même quand ça doit bien faire mille fois que tu la regardes. Tu sens un poids se lever de tes épaules quand tu admets enfin clairement que tu souhaites garder le bébé. Le silence te semble éternel quand tu attends pour une réponse de Wyatt, tes yeux ne quittant jamais son visage dont la réaction est pour une rare fois difficile à déchiffrer. « Alors, je serais là. » Tu mets quelques secondes à assimiler complètement ce que ça veut dire. Tu ne t’attendais pas à ce que ce soit si… facile? Le mot ne semble pas approprié mais c’est bien le seul qui te vient en tête sur le coup, avant que toutes les pièces ne s’emboîtent dans ton esprit et que tu ne réalises finalement que rien de la suite ne le sera, facile. Tu hoches la tête en continue alors que déjà, des dizaines de questions s’empilent dans ta tête. Une chose à la fois Rosie. « Je vais prendre rendez-vous pour un premier suivi. » que tu annonces finalement, parce que ça semble être la première étape logique et que t’as déjà plusieurs mois de retard. Tu viens te gratter le front d’une main nerveuse. « Est-ce que tu veux venir? » T’es pas certaine de la marche à suivre. Il vient de dire qu’il serait là, mais ça veut dire quoi, concrètement? Qu’il sera là quand il y aura un bébé? Qu’il veut être impliqué activement dans la grossesse? Et pour vous, qu’est-ce que ça veut dire? Where does it leave us? « Est-ce que tu penses que tu vas pouvoir me pardonner un jour? » La question semble sorti de nul part, mais tu sais qu’il va comprendre, Wyatt.
Est-ce que tu penses qu’on pourra tout recommencer à zéro, sans la rancoeur? |
| | | | (#)Jeu 5 Aoû 2021 - 21:26 | |
| Il paraît presque étrange pour nous de pouvoir engager une conversation de manière aussi calme et posée quand les derniers échanges ont tous fini dans une tempête incontrôlable qui n’avait amené que plus de désastre dans notre relation déjà bien trop déchirée par les années. La situation n’a jamais semblé aussi chaotique lorsque l’on avait enfin décidé de cesser les stupidités, lorsque l’on s'était accordé sur le fat qu’il valait mieux prendre des chemins séparés sans savoir qu’une toute autre réalité allait nous être imposé. On ne parle pas de sentiments encore à peine éveiller, mais bien de la naissance d’un être tout entier qui s’en venait à tout remettre en question. Soudainement, il fallait planifier et tout envisager alors que j’avais déjà établi toutes les distances nécessaires pour ne plus m’impliquer. « Même dans cette situation. » Son ton déterminé laisse sous-entendre une décision déjà amplement catégorique de son côté. Depuis combien de temps est-ce qu’elle rumine de son côté ? C’est que j’ai probablement trop laissé les jours s’écouler et qu’il ne reste pour elle que la réalité de son corps qui change et de cette échographie qui symbolise un futur que l’on n’avait plus envisager. Je ne sais plus vraiment si je dois rire ou pleurer quand le chemin tout entier sembler parsemer d’embûche, nous forçant à éveiller de vieux démons que personnellement, je ne cherchais pas réellement à affronter. La réalité me renvoi forcément à ma propre enfance, aux erreurs de mes parents, à tout ce que je m’étais promis de ne jamais répéter. « La dernière chose que je veux c’est de finir comme mes parents. » Nous sommes deux à ne pas vouloir reproduire un schéma que l’on avait expérimenté avec perte et fracas. Les Craine baignent dans un faux-semblant saupoudré de poudre aux yeux pour le reste de la société. Les Parker n’étaient pas bien mieux quand tout ce qui pouvait importer à mon père était de ne pas faire de vague et de fréquenter l’élite de la nation. Ils ont tous eu des rêves de grandeur pour leurs progénitures sans jamais se soucier du reste. Est-ce que l’on était voué à s’en aller dans la même direction ? Une fois encore, l’idée de l’avortement semble être une solution radicalisée. Mettre fin au problème pour ne jamais avoir à trouver la solution. Sur le papier, c’est tout ce qu’il y a de plus brillant, tout ce qui pourrais mettre un terme aux nombreux questionnements, pourtant ni l’un ni l’autre ose réellement amener l’idée. En théorie, cela se voudrait être la solution de facilité, on se dit toujours que ce n’est pourtant pas bien compliqué, qu’il suffit de mettre fin à ce qui n’a jamais réellement commencé. La réalité est bien différente lorsque l’on est impliqué personnellement. Soudainement, l’avortement ressemble à la pire des décisions. « Je sais pas comment on ferait, mais pour ça, je pense qu’on veut la même chose. Qu’il ou elle soit la priorité, peu importe ce qui se passe entre nous. » Son aisance, à évoquer le futur enfant résonne dans toute la pièce alors que son sourire me fait comprendre qu’il serait bien impossible d’envisager les choses autrement. Il faudra s’adapter, repenser les choses dans un ordre différent. « On doit bien pouvoir le faire. » Mettre de côté tous les ressentiments pour se concentrer sur ce que l’on avait su créer ensemble.
Sans détour, Rosalie évoque un passé que je n’ai découvert que récemment. Une nouvelle qui avait eu l’effet d’un tsunami dans une réalité que je pensais ancrer dans la pierre. Elle avait tout fait capoter, elle était responsable de notre séparation et toute la colère qui avait pu en découler. Jamais elle n’avait évoqué que cette discussion, on aurait pu l’avoir il y a de cela bien longtemps. Comme si la vie nous présentait une deuxième chance de faire les choses correctement. Pourtant, la douleur est là, celle de ne pas avoir su, celle de ne pas vraiment comprendre. Il y a dix ans de cela, j’aurais pu être père. Toutes ces années en arrière, j’aurais accueilli la nouvelle dans un cri de joie, déterminer à me créer un futur avec elle. C’était il y a dix ans tout cela. « Quelques jours. J’avais rendez-vous avec mon médecin le lendemain de la fausse-couche. » Je hoche la tête parce que dans le fond, je veux comprendre. Elle avait voulu attendre une confirmation, elle avait vu les choses en grand. « Je ne comprendrais jamais pourquoi tu ne me l’as pas dit. » Pour la fausse-couche, pour la douleur qu’elle avait pu ressentir. Je nous pensais inséparable à l’époque, ce genre de couple agaçant qui grimpe les échelons de la vie avec une facilité déconcertante. Je ne comprends toujours pas ce qui a bien pu vriller pour qu’en quelques jours elle décide de me cacher la vérité et préfère tout faire exploser. Des questions j’en aurais bien des millions, mais ce n’est pas le moment pour tout déverser quand c’est un avenir bien différent qui se joue entre nous deux.
On pourrait discuter pendant des heures à peser le pour et le contre. On pourrait se regarder dans le blanc des yeux en prétendant ne pas savoir, mais ce ne serait que d’énièmes mensonges. Qu’importe ce que je serais bien capable de lui avouer, j’étais venu ici avec une conviction ne semble plus vouloir changer. L’avenir est perdu dans un brouillard épais, mais c’est pourtant avec aucune hésitation que j’annonce ce qu’elle avait déjà admis d’avance. Aucun de nous n’est capable d’imaginer un abandon lorsque l’on c’est déjà bien trop projeter dans tout le potentiel d’un après, de la présence d’un bébé qui nous unira à jamais. Je promets d’être là sans pouvoir mettre de véritable mot sur tout cet engagement. Je serais un père à ses côtés, mais les termes restent encore à négocier. Il faut du temps pour pleinement réaliser, il faut du temps pour tout envisager autrement, pour se présenter toutes les options. « Je vais prendre rendez-vous pour un premier suivi. » Je hoche la tête sans vraiment comprendre ce que tout cela comprends. C’est mieux qu’elle voit un médecin, je me souviens qu’Ariane a eu plusieurs rendez-vous tout au long de sa grossesse. Il faut surveiller que tout se passe bien. « Est-ce que tu veux venir? » Je n’avais pas réellement envisager cette option, mais lorsque mon regard croise le sien, j’y vois bien trop d’attente et d’expectation. A trop jouer avec mes doigts nerveusement j’en viens à me tordre le pouce dans une position qui se voudrait inquiétante. Et mes yeux trouvent à nouveau l’échographie qui me paraît si étrange, alors je finis par hocher la tête dans un signe d’approbation. « Oui. » Pour mieux voir, pour mieux comprendre. Peut-être que tout cela sera milles fois plus concrets si je suis là avec elle.
« Est-ce que tu penses que tu vas pouvoir me pardonner un jour? » La question à un million. Celle qu’elle mourrait de poser depuis bien trop longtemps. Celle pour laquelle je n’ai aucune réponse. « Je ne sais pas Rosalie. » J’aurais pu dire que je ne pensais pas cela envisageable, mais ce serait probablement mentir. « Une chose à la fois. » que j’ajoute alors lentement. « S’il te plaît. » Ne m’en demande pas trop Rosie. Je vais déjà devenir père et c’est bien tout ce que je suis capable de gérer pour le moment.
Je vais devenir père.
L’idée même fait naître une angoisse que je ne saurais surmonter face à elle. Sans précipitation, pour ne pas engendrer plus de questions, je finis par me lever, un sourire de façade sur les lèvres. « Je ferais mieux d’y aller. » que je murmure avant de me pencher pour embrasser son front dans un geste désordonner, qui se veut bien trop familier. « Tiens moi au courant pour le rendez-vous. »
Et dans la seconde d’après, j’avais déjà disparu dans le corridor, à me précipiter vers l’extérieur. |
| | | | | | | | burning up my mind (craker #11) |
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