Il était assis sur un rocher, à l’abri des regards avec une vue imprenable sur le bord de mer. Il attendait impatiemment de voir la silhouette de Gabrielle Strange, sa petite sœur qu’il n’avait pas vu depuis de nombreuses années. Il aurait aimé lui passer un coup de fil, lui donner rendez-vous dans un restaurant où ils auraient pu parler du bon vieux temps, rattraper le temps perdu, mais rien de tout cela n’était possible. Mitchell Strange était recherché activement par la police et si quiconque l’apercevait, la seule chose qu’il dirait à sa sœur serait de lui demander son aide. Elle devait tellement avoir changé depuis la dernière fois, il se demandait même s’il allait la reconnaître. Il soufflait la fumée de sa cigarette vers le haut avant d’apercevoir une silhouette féminine faisant un footing. Alec avait dit vrai, leur sœur courrait bien de bonne heure et ce n’était pas une tentative pour le faire tomber, un doute qu’il avait eut jusqu’à apercevoir la cadette des Strange au loin. Il jeta sa cigarette au sol et se mit à courir doucement vers la brune, arrivant assez rapidement à son niveau, il tourna la tête vers elle. « Bonjour Gabrielle ! « Qu’il disait d’un ton neutre s’arrêtant aussitôt dé courir. Il n’était pas là pour faire du sport après tout, puis la cigarette qu’il veinait des fumer n’arrangeait pas son endurance. Il observait Gabrielle s’arrêter, plongeant son regard dans le sien, ne doutant pas une seule seconde qu’elle ne le reconnaitrait pas, malgré la barbe et la casquette et peut-être son allure fatiguée de la vie qu’il menait. « C’est bon de te voir. » Qu’il disait calmement tout en regardant autour de lui pour s’assurer qu’aucun regard indiscret ne les regardait. Ils avaient de nombreuses choses à ce dire, mais ce qui intriguait avant tout l’Américain c’était bien de savoir les raisons qui l’avait poussé à venir s’installer dans le coin et surtout pourquoi elle menait une enquête sur ses frères. Alec lui avait fait part de ce qu’ils s’étaient dit lorsqu’elle lui avait rendu visite chez lui et s’il n’avait pas pu la persuader de s’en aller, Mitchell comptait bien essayer de la pousser vers la sortie. Une Strange de plus à Brisbane n’était pas une bonne idée et n’était pas du tout sécurisant. Pour l’ainé de la famille c’était évident, elle hériterait très rapidement de ses ennemies voulant sa peau, il n’avait pas envie de faire face à un chantage pour sauver la vie de sa sœur. Si les deux frères l’avaient gardé à distance jusqu’à présent c’était pour qu’elle mène une vie bien meilleure que la leur, Mitchell voyait en Gabrielle une faiblesse dont il n’avait pas envie de gérer. La famille à ses yeux était une faiblesse et n’y voyait aucune trace de pouvoir. Leur famille était détruite depuis longtemps et la jeune femme était bel et bien la seule qui pouvait réuni les deux frères, car elle était la seule rescapée du poison qu’était la loyauté. Elle avait vécu loin d’eux durant de nombreuses années et n’avait pas un pied en enfer comme ses frères. Mitchell ne négligeait pas le fait qu’elle pouvait être la source d’une future rédemption possible pour lui, mais se rendait également compte que ce n’était pas le bon moment pour cela. Ses démons le retenaient et il n’allait pas pouvoir être le jeune homme qu’elle avait connu. Alexander Strange n’était plus là depuis déjà trop longtemps.
Mai 2021.Le soleil est à peine visible à l’horizon que la jeune femme est déjà en train de courir à un bon rythme sur la plage encore déserte. C’est une habitude que Gabrielle a prise depuis qu’elle vit à Brisbane, ou plutôt une habitude qu’elle a faite perdurer en arrivant ici, puisqu’elle se levait tout aussi tôt lorsqu’elle vivait à Los Angeles pour faire son footing matinal. Cette routine lui permet d’aborder sa journée de travail avec un peu plus de sérénité, d’éclaircir ses pensées quand les songes de la nuit ont été bien trop sombres ou qu’elles lui ont empêchées de trouver le sommeil. Pourtant, même à l’air libre alors que le vent frais vient à caresser son visage, que le bruit des vagues parvient agréablement dans ses oreilles et est apaisant, elle est incapable de relâcher cette pression latente. Même si les choses se sont quelque peu apaisées entre Finn et elle, elle n’a toujours pas obtenu les réponses qu’elle cherchait à ses interrogations. Elle reste persuadée qu’il ne lui dit pas tout, mais elle n’insiste plus quand elle sait qu’elle va se trouver devant un mur… encore. Et puis, elle doit reconnaitre que retrouver un semblant de lien fraternel avec celui qui se fait désormais Alec n’est pas désagréable et lui redonne du baume au cœur, même si le chemin est encore bien long avant que les choses puissent redevenir comme avant entre eux deux. L’esquisse d’un sourire vient à se ternir alors qu’elle est extirpée de ses pensées par quelqu’un qui la rejoint dans sa course « Bonjour Gabrielle ! ». Elle sursaute, s’arrêtant net, posant son regard sur la personne qui l’aborde. Un homme, barbu, une casquette vissée sur sa tête, le visage terne et une mine fatiguée. Même si cela fait des années qu’elle ne l’a pas vu, elle le reconnaitrait sans aucune difficulté. Elle reste stoïque parce qu’elle avait perdu espoir de possiblement le retrouver, lui qui était activement recherché et en cavale. Son cœur s’accélère alors qu’elle réalise que, face à elle, ce n’est autre que Alex, son frère ainé. « C’est bon de te voir ». Gaby l’observe, sa gorge se serre alors qu’elle retrouve celui qu’elle a toujours admiré. Mais les découvertes qu’elle a pu faire, entre son arrestation et sa fuite actuelle font qu’elle ne sait plus réellement qui il est vraiment. Surtout, c’est la distance qu’il a instaurée entre eux deux pendant toutes ces années qui remontent à la surface. Elle peine à réagir immédiatement quand elle a envie de l’étreindre et lui dire qu’elle est heureuse de le revoir après tout ce temps, qu’il lui a atrocement manqué. Mais il y a aussi ce flot de questions et cette inquiétude qui la submerge et qui prennent finalement le dessus « Alex ? Qu’est-ce que tu fais ici. Tu ne devrais pas être là ». Parce qu’elle sait qu’il n’est pas sorti d’affaires, autrement elle le saurait. Elle l’observe alors d’un peu plus près, une certaine émotion se manifestant en elle en voyant malgré tout, Alex, qui la fera s’approcher de lui, posant sa main délicatement sur sa joue « Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu en arrives là Alex ? » dit-t-elle sur un ton à la fois triste et doux. Il n’y a aucune amertume même si la colère finira certainement par reprendre le dessus si, tout comme Finn, Alex reste silencieux. « C’est bon de te voir aussi après tout ce temps… ». Elle vient alors à briser le peu de distance entre eux et étreint son frère malgré tout brièvement avant de s’en détacher « Comment tu as su où me trouver ? »
Au fond il avait honte de se montrer ainsi face à sa petite sœur qu’il n’avait pas vu depuis de nombreuses années. Il n’avait plus rien à voir avec l’homme qu’il était dans ses souvenirs et il allait devoir assumer cela face à elle. Il ne pouvait pas non plus être franche avec elle et lui dire qu’elle était de trop à Brisbane n’était pas envisageable et pourtant il allait devoir trouver un moyen de la faire fuir sans le lui demander directement. La tâche n’allait pas être facile, car dans ses souvenirs les plus proches, Gabrielle Strange avait toujours été un peu têtu sur les bords. En attendant d’en arriver là, il allait devoir surmonter le premier contact, la saluant sur le pas de course et ne manquant surtout pas d’apercevoir son regard surpris s’arrêtant en même temps qu’elle et ne tardant pas à lui faire savoir qu’il était content de la voir, bien que ses paroles n’allaient pas racheter de nombreuses années d’absence.
Les questions ne tardèrent pas à tomber. Il s’y attendait et il allait devoir compter sur son mental d’acier pour ne pas céder. Que faisait-il ici ? La première question était à elle-même une question piège. Il ne devait pas être là. Il en avait conscience tout comme elle avait connaissance de ce qu’il se passait actuellement pour l’Américain, c’était d’ailleurs ce qui l’avait motivé à partir à sa recherche. Elle en savait déjà beaucoup et avait de nombreuses questions sans réponses et il devait s’assurer de lui apporter les réponses nécessaire, fausses certes, mais qui l’éloignerait du moindre danger. Elle n’avait pas conscience de là ou elle venait mettre le pied et la préserver était le but des deux frères Strange qui avaient trouver une cause commune après tout le désarroi qu’il y avait eu entre eux. « Ce n’est pas le hasard, Alec … euh Finn m’a dit que tu courrais dans le coin, j’ai voulu voir de mes propres yeux que tu étais bel et bien à Brisbane. » Il ferma les yeux lorsqu’elle déposa sa main sur joue, se laissant envahir par un nombre indéfinissable de souvenirs. Il était ému, triste de devoir tenir ce rôle alors qu’il était content de la voir et qu’il aurait aimé l’emmener visiter la ville à défaut de devoir se cacher de la police et du Club. « Il ne faut pas se fier aux apparences, crois-moi, je ne suis pas cet homme et je ne le serai jamais, la chance ne m’a simplement pas souri. » Il savait de quoi elle parlait et il ne pouvait pas nier le fait d’être recherché, il allait devoir faire preuve de beaucoup d’audace et surtout jouer très bien son rôle pour qu’elle ne le pense pas coupable. Heureusement, il eut un moment de répit, un moment ou il pu prendre sa petite sœur dans ses bras. A cet instant il oublia tout ces problèmes, un répit court qui le força à regarder sa sœur dans les yeux. « A croire que c’est mon jour de chance, j’ai eu pas de mal à te trouver ! » Il avait patienté et avait surtout été bien aidé. « Que fais-tu en Australie ? » Il ne passait pas par quatre chemins même s’il avait déjà eu le rapportage d’Alec à ce sujet.
Mai 2021. Gabrielle avait cessé de compter le nombre d’années durant lesquelles elle n’avait pas vu son frère. Autant Finn était venu chez elle à Los Angeles, il y a de cela deux ans maintenant, autant Alex n’avait jamais pris la peine de lui rendre visite. Les coups de téléphone se faisaient rare de sa part, si ce n’est pour son anniversaire et quelques fêtes. La conversation tournait toujours court et lorsqu’elle lui demandait s’il comptait lui rendre visite, Alex trouvait toujours une raison, valable ou non, pour décliner. Pendant toutes ses années, la cadette des Strange s’était sentie délaissée, surtout par l’ainé alors qu’elle l’avait toujours admiré tant il avait fait preuve de maturité lorsqu’ils étaient encore enfants et adolescents. Les coups encaissés à sa place, sa manière de prendre soin d’elle, tout comme il l’a fait en lui envoyant de l’argent les premières années après leurs départs avec Finn… Elle l’admirait, peut-être bien trop, mais c’est grâce à lui qu’elle s’est forgée ce caractère de battante, comme pour lui rendre tout ce qu’il lui a apporté. La fierté qu’elle voulait lui procurer en devenant avocate, en lui montrant qu’elle ferait tout pour redorer le blason de leur nom amoché. Lui prouver que tout ce qu’il a pu faire pour elle n’était pas vain. Et pourtant, elle a cette sensation qu’il l’a progressivement laissé tomber et que ce lien fort qu’ils ont toujours partagé, elle et lui mais aussi tous les trois avec Finn, n’existait plus. Heureusement, elle est restée plus ou moins proche avec son autre frère, mais là encore, les choses avaient bien changé. C’est ce qui ne cessait de tournoyer dans sa tête, ses pensées entremêlées d’incompréhension, de tristesse et de colère. Une colère dirigée contre ses frères et qu’elle n’a pas hésité à laisser exploser en se trouvant devant Finn en mars dernier. A trop y réfléchir, c’est la méfiance qui en découlait, sentant que ses frères lui cachaient quelque chose et ses suspicions n’ont été que confortées quand elle a vu le portrait de son frère ainé à la télé, vivement recherché. Si elle n’a pour l’heure obtenue aucune réponse, que ce soit de Finn ou de cette Lou Grimes ou Aberline, peu importe, elle n’a que très peu d’espoir d’en obtenir d’Alex, même si elle joue la carte de la bouche en cœur, comme lui en vivement conseillé la susnommée juste au-dessus.
Dans sa course, ce matin-là, elle est interrompue. Quelqu’un l’aborde, quelqu’un qui n’a rien de rassurant avec sa casquette sur la tête et son état négligé. Il pourrait être n’importe qui, un fou furieux qui viendrait à l’attaquer. Et pourtant, sous ses traits fatigués, elle le reconnait. C’est Alex. Ou Mitchell désormais. Son cœur palpite précipitamment et si l’inquiétude nait aussitôt sur ses traits, elle est heureuse de le voir. « Ce n’est pas le hasard, Alec… euh Finn m’a dit que tu courrais dans le coin, j’ai voulu voir de mes propres yeux que tu étais bel et bien à Brisbane ». Gabrielle arque alors un sourcil, elle comprend alors que les deux frères ont été en contact quand pourtant Alec a encore prétexté qu’il n’avait pas de nouvelles de Mitchell. Elle passe cependant au-dessus et se contente de l’explication qu’il lui donne, même si elle ne répond pas à ce risque qu’il prend, alors qu’il est toujours recherché. « Il ne faut pas se fier aux apparences, crois-moi, je ne suis pas cet homme et je ne le serai jamais, la chance ne m’a simplement pas souri ». Sur ça, il rejoint les dires de son cadet, qui lui a également dit que tout cela était une erreur. Elle a envie d’y croire, elle s’y accroche même un tant soit peu comme cette main posée encore sur la joue de son frère, mais cela ne lui permet pas de se sentir apaisée pour autant, pas tant qu’elle n’en aura pas la preuve sous les yeux. Elle laisse retomber sa main avant de s’approcher de Mitch’ et de l’étreindre. Cela fait des années qu’elle n’a pas pu le prendre dans ses bras et malgré toutes les interrogations en elle, elle ne peut s’empêcher d’être vulnérable quelques secondes du fait du lien fraternel qui les unit malgré tout. « A croire que c’est mon jour de chance, j’ai eu pas de mal à te trouver » « Grâce au cafteur » ne peut-t-elle s’empêcher de souligner en faisant référence à Alec. Il y a ce petit sourire en coin, amusé, qui la ramène de nombreuses années en arrière, quand ils usaient de ce genre de qualificatif entre eux et qui pouvaient être source de disputes. « Que fais-tu en Australie ? ». Son sourire s’estompe, son sourcil s’arque alors qu’elle retire les écouteurs qu’elle avait encore dans ses oreilles et qu’elle range dans sa poche. Elle se doute que, là aussi, Alec a dû lui faire un topo, mais il semblerait qu’il ait besoin de l’entendre de lui-même. Elle laisse échapper un soupir « J’avais besoin de changement… » combien de fois a-t-elle utilisée ce mensonge depuis son arrivée ici ? « … mais surtout j’avais besoin de vous retrouver, Finn et toi ». Et là n’est pas un mensonge. Elle aurait pu choisir n’importe quelle autre ville comme nouveau départ après les menaces qui planaient sur sa tête à Los Angeles. Elle aurait pu choisir n’importe quel pays. Mais c’est l’Australie qu’elle a choisie, et là aussi, malgré l’embarras du choix, c’est sur Brisbane que son choix s’est porté « Mise à part ma carrière, rien ne me retenait à Los Angeles. Venir ici me semblait être nécessaire… Nous nous sommes bien trop éloignés pendant toutes ces années, tu ne penses pas ? ». Elle scrute l’expression sur son visage, et semble y voir la même que Finn « Pourquoi j’ai aussi l’impression que cette nouvelle ne te réjouit pas à toi aussi ? » S’attendait-t-elle réellement au contraire venant de Mitch ? « Pourquoi vous êtes si peu réjouie de me voir ici toi et Finn ? J’ai du mal à croire qu’il n’y a pas une part de vérité dans toutes les emmerdes que tu as eu et que tu as encore, Alex ». Si quelques minutes auparavant, ils étaient dans les bras l’un de l’autre, désormais, une distance et une tension palpable est omniprésente, alors que Gabrielle plante son regard dans celui de son frère.
De changement ? Il haussait les sourcils ne pouvant s'empêcher de faire une mine surprise. «Tu avais besoin de changement ?» Reprenait-il. «L'idée d'essayer de changer de maison ou de boulot tout en restant aux états-unis ne suffisait pas à ce que je vois. L'Australie ! Le pays des araignées et compagnie.» Qu'il disait amusé, se rendant rapidement compte qu'il n'avait pas l'attitude voulu. Bien sûr il avait envie de lui dire qu'elle lui avait manqué, qu'il rêvait profondément de pouvoir vivre au quotidien tout en ayant sa sœur à quelques mètres et non à des milliers de kilomètres. Il avait envie de lui dire qu'il pensait souvent à elle, qu'il avait eu envie de l'appeler, de lui rendre visite ou même de l'inviter ici même, mais en disant cela il allait devoir se justifier sur les raisons qui l'avait poussé à ne pas le faire et ça c'était impossible. Elle en savait visiblement déjà beaucoup et c'était amplement suffisant. Il se devait de l'éloigner de cette vérité qui allait ternir définitivement le regard qu'elle portait sur ses deux frères.
Il avait beau essayé de ne pas lui montrer qu'il ne souhaitait pas la voire à Brisbane dans ces conditions, elle ne passait pas à côté et s'empressa de lui poser la question. Apparement Alec lui non plus n'avait pas su cacher son ressentit à ce sujet. L'Américain planta son regard dans celui de sa sœur. «Je suis surtout surpris. Il me semblait que tu menais une vie parfaite à Los Angeles. Tout quitter pour repartir à zéro ...» Il avait presque un air suspicieux dans son regard. Elle se posait peut-être beaucoup de questions sur la vie de ses frères, mais Mitchell, lui aussi se posait beaucoup de question sur sa sœur et trouvait qu'une envie de changement n'était pas un motif valable pour changer de pays, d'habitudes, de vie tout simplement. Fuir par contre l'était et il savait de quoi il parle ayant lui-même fuit Las Vegas puis le Nouveau Mexique.
«Ah mais je suis content de te voir, crois le ou non, mais je suis du genre à ne pas aimer les surprises, tu aurais du prévenir, on t'aurais accueilli comme il se doit.» Qu'il disait naturellement, une réponse à double tranchant qui montrait clairement que la joie de la retrouver n'était pas prioritaire. «Puis les emmerdes qui me collent à la peau ne facilite pas les choses, j'ai toujours été réglo, j'ai juste eu de mauvaises fréquentations.» Qu'il soufflait en regardant autour de lui pour être certain qu'ils étaient encore seuls. «Mavis … m'a trainé là-dedans et si j'avais su j'aurai fait le nécessaire pour m'éloigner d'elle.» Il marquait une pause n'entrant pas dans les détails. Que pouvait-il dire de plus ? Mavis était réellement la personne qui l'avait entrainé dans ce monde il y a presque vingt ans, mais elle n'était pas coupable de son ascension et en avait elle-même subi les conséquences. A trop vouloir vivre une vie doré elle avait terminé allongé sur un carrelage froid et lui était devenu le diable en personne qui aurait été chassé de l'enfer. «Gabrielle.» Qu'il disait avec beaucoup de sérieux. «Je n'ai rien fait, je n'ai pas fait tout ça.» Il la regardait dans les yeux, paraissant le plus convainquant possible, il le devait ! «Je sais que les faits sont contre moi, mais tu devrais savoir que c'est souvent ce qui est visible à l'oeil nu n'est pas la réalité. » Tentait-il encore afin de la convaincre.
Mai 2021. « Tu avais besoin de changement ? L’idée d’essayer de changer de maison ou de boulot tout en restant aux Etats-Unis ne suffisait pas à ce que je vois. L’Australie ! Le pays des araignées et compagnie ». Gabrielle n’apprécie guère le ton qu’il emprunte, l’impression de plus qu’il aurait préféré qu’elle change tout en restant bien éloigné de lui, d’eux en somme. Il pourrait se réjouir de savoir sa sœur plus proche désormais, mais, tout comme Finn, c’était l’effet inverse qui se produisait. Ils étaient même plus suspicieux à son égard, montrant qu’ils ne comprenaient pas réellement les raisons qui l’ont poussé à changer radicalement de vie. Bien sûr, elle pourrait être honnête à son tour, leur avouer qu’elle a fui tout simplement, parce que sa maison et son boulot lui convenaient parfaitement et la comblaient. C’est à contre cœur qu’elle a quitté Los Angeles « Je suis surtout surpris. Il me semblait que tu menais une vie parfaite à Los Angeles. Tout quitter pour repartir de zéro ». Il enfonce le couteau sans le savoir, Gabrielle reste impartiale et ne montre pas que ses mots la touchent bien plus qu’elle ne le voudrait « C’est ce que vous avez fait, non ? Toi et Finn ? Et sans raison évidente… » L’amertume se ressent quand elle fait référence à ce départ précipité après le décès de leur père, tout comme le fait qu’ils aient fini par l’appeler un de ces quatre matins pour lui dire qu’ils se trouvaient en Australie désormais.
« Ah mais je suis contente de te voir, crois-le ou non, mais je suis du genre à ne pas aimer les surprises, tu aurais dû prévenir, on t’aurait accueilli comme il se doit » « Je n’en doute pas une seconde ! » ne peut-t-elle s’empêcher de répondre sur un ton ironique. Elle n’y croit pas quand elle voit l’accueil qu’elle reçoit par ses deux frères « Je suppose qu’en plus, Finn a dû te dire que j’étais là depuis septembre dernier et que tu m’en veux toi aussi de ne pas m’être manifestée avant ». Parce qu’elle s’y attendait au reproche à ce sujet, pensant bien que Finn se serait chargé de le lui dire, lui qui s’était empressé de le prévenir de son arrivée à Brisbane, lui qui prétendait aussi ne pas avoir de nouvelles d’Alex. « Puis les emmerdes qui me collent à la peau ne facilite pas les choses. J’ai toujours été réglo, j’ai juste eu de mauvaises fréquentations (…) Mavis… m’a traîné là-dedans et si j’avais su j’aurai fait le nécessaire pour m’éloigner d’elle ». Les pièces du puzzle commencent progressivement à s’assembler et surtout, permettent à Gabrielle de comprendre un peu mieux certaines choses « C’est à cause d’elle que tu es parti ? » ou que vous êtes parti devrais-t-elle dire plutôt. Elle laisse de côté ses emmerdes qu’il a actuellement et s’intéresse à ce passé, leur passé, où ses frères sont partis du jour au lendemain. Son air est gagné par une certaine tristesse, la même qu’elle pouvait avoir enfant, inquiète face à un père violent, inquiète quant à leur situation.
« Gabrielle (…) Je n’ai rien fait, je n’ai pas fait tout ça ». Il trouve son regard, elle en fait de même et l’écoute attentivement « Je sais que les faits sont contre moi, mais tu devrais savoir que c’est souvent ce qui est visible à l’œil nu n’est pas la réalité ». Elle est sceptique malgré tout, et pourtant, il immisce en elle le doute. Le doute de son innocence, quand bien même les preuves qu’elle a pu avoir sous les yeux plus les événements récents ne servent pas son frère. « Alors pourquoi tu fuis, Alex ? Pourquoi tu ne vas pas voir la police en leur donnant ta version des faits ? » Elle marque une pause, l’inquiétude grandissante sur son visage « Tu peux avoir un excellent avocat qui te sortira d’affaires si tout ça s’avère être un mensonge ou un coup monté ». Peut-être y croit-t-elle à ce moment, naïvement, parce qu’il est son grand frère malgré tout. « Mais ta cavale n’aide en rien ». Elle lui prodigue quelques conseils, le peu qu’elle puisse lui donner « Alex… » finit-t-elle par ajouter après un bref instant de silence « Je te demande juste de ne pas me mentir et d’être honnête avec moi », parce qu’elle est prête à entendre ce qu’il a à lui dire, parce qu’elle espère qu’elle parviendra à le convaincre de parler, parce qu’elle est sa sœur cadette et que malgré les années, malgré la distance qui s’est instaurée, elle espère qu’ils parviendront à redevenir proche comme avant…
Elle utilisait le passé des frères pour justifier sa présence ici. Tout quitter pour repartir à zéro. C'est en effet ce qu'ils avaient fait, mais les raisons qui les avaient pousser à quitter leur ville natale n'étai pas du à la volonté d'un changement de cadre de vie, oh non ! S'ils avaient pu ils seraient resté dans la ville du pêché et n'aurait jamais eu la vie qu'ils ont mené depuis. Bien sûr Gabrielle n'avait pas connaissance des raisons qui avaient fait fuir les frères et ce n'était pas plus mal. Un secret gardé depuis toutes ces années par Alec et Mitchell Strange qui pesait sur leur conscience, surtout lorsqu'il s'agissait de leurs petites sœurs qui trop jeune n'auraient pu entendre la vérité. Puis les années sont passées, la distance c'est belle et bien encré et leur relation n'était plus la même qu'enfant. Pourtant, Mitchell ne cessait de penser à Gabrielle et Meryl au quotidien, réalisant qu'il avait fait une croix sur cette partie de sa vie, de sa famille. Il pouvait dire ce qu'il voulait, ses sœurs ne faisaient plus partie de sa vie depuis bien longtemps. Un choix avant tout de la part de l'Américain qui pour protéger sa famille les avaient tenu à l'écart. S'il avait pu il en aurait été de même pour Alec qu'il se disait avec le recul. L'ainé portait sur ses épaules bien trop de remords avec aucun moyen de revenir en arrière. Avec sa soif de pouvoir il avait tout gâché et après Alec, il devait faire face à sa petite sœur qui visiblement était à la recherche de beaucoup de réponses, des réponses qu'il ne souhaitait pas lui donner. «Las Vegas c'était trop petit pour mes ambitions, tu devrais savoir ce que c'est puisque tu es partie à Los Angeles.» Il n'allait pas lui déballer l'histoire de leur fuite, hors de question. Cependant, il comprenait ce que pouvais ressentir Gabrielle, qui avait été laissée derrière eux sans raison valable. «Ton avenir était aux états-unis, ta réussite n'aurait pas été la même si tu nous avait suivi.» Qu'il ajoutait avec beaucoup de sincérité. Il ne mentait pas cette fois-ci, il se contentait de ne pas entrer dans les détails.
Il abusait, il tentait d'empêcher le vase de déborder tant bien que mal, mais ça ne marchait pas. Gabrielle n'était pas bête et il se rendait compte qu'elle ne le croyait pas sur parole. Elle avait de l'avance sur lui, elle avait mené son enquête et c'est ce qui lui portait défaut à présent. Elle était à Brisbane depuis Septembre, une nouvelle qui ne l'avait pas laissé indifférent. Comment sa présence sur le sol Australien avait pu lui échapper ? Il était persuadé qu'il aurait pu le savoir avant qu'elle se manifeste, mais la situation dans laquelle il était l'avait empêcher d'y voir clair. «Oui il m'en a parlé. Je ne comprends pas pourquoi tu n'es pas venu nous voir ...» Qu'avait-elle de mieux à faire pendant ce temps ? Mise à part le fait d'enquêter sur ses frères.
Il tentait tant bien que mal de justifier son départ, mettant la faute sur sa défunte femme, ce qui n'était pas totalement faux. Il avait fuit Las Vegas parce que sa tête avait été mise à prix par un dealer du coin, une histoire dans laquelle Mavis l'avait trainé, la mort de leur père suite à la colère d'Alec était un argument de plus pour fuir. Il pouvait confirmer le fait que c'était à cause de Mavis qu'il était partie, car oui, c'était quasiment le cas. «Oui c'est à cause d'elle. Mavis a toujours eu une mauvaise influence sur moi, je la suivais sans trop réfléchir et aujourd'hui je regrette amèrement tout ça. » Qu'il disait. Il ne mettait pas Alec dans l’équation, parce qu'il ne pouvait pas argumenter à son sujet tout comme il ne pouvait pas dire que son petit frère était en détresse à ce moment précis et que la fuite était plus que nécessaire.
Puis venu le moment de parler du présent. Un sujet que le brun aurait bien voulu éviter. Il était en fuite et rechercher, ce n'était un secret pour personne et pourtant il allait devoir justifier tout cela à sa sœur qui s'intéressant bien trop à ce sujet. Il soufflait fortement en l'écoutant, regardant en direction de la mer qui était plutôt agitée. «La police ?» Qu'il riait presque. «La police n'a jamais rien fait pour aider maman, rien, je ne peux pas avoir confiance en une justice qui n'existe pas. Tout mène à croire que je suis coupable, tu crois vraiment que c'est la police qui va m'aider ? » L'amertume s'entendant dans ses mots. «J'ai un avocat qui n'en branle pas une depuis des mois, il encaisse mes chèques et c'est tout ce qu'il fait. Sur cette affaire je peux compter que sur moi-même et dès que j'aurai toutes les preuves je me livrerai, en attendant je préfère fuir plutôt que d'être enfermé avec des gens qui eux ont réellement commis un crime !» Il laissait apparaître un certain désespoir dans son regard, un jeu d'acteur en premier lieu, mais un désespoir bien présent suite à la situation dans laquelle il vivait actuellement. «Je ne te mens pas Gabrielle.» Qu'il osait dire en la regardant droit dans les yeux. «Je me bat pour m'en sortir chaque jour et j'espère que tu comprends cela.» Il soupirait une nouvelle fois. «T'es venue seule en Australie ?» Qu'il demandait, tentant de changer de sujet avant que ça devienne trop tangible.
Mai 2021. « Las Vegas c’était trop petit pour mes ambitions, tu devrais savoir ce que c’est puisque tu es partie à Los Angeles ». L’argument qu’il avance là, Gabrielle ne peut le contredire. Même si Las Vegas est connu pour sa grandeur et sa majestuosité, elle n’est pas la ville où vous pourrez envisager un grand avenir. A moins que vous souhaitiez faire carrière dans un casino ou dans le domaine du spectacle… « Ton avenir était aux Etats-Unis, ta réussite n’aurait pas été la même si nous avait suivi ». A ça, elle fronce les sourcils, pas entièrement convaincu. Elle aurait pu les suivre, faire ses études en Australie, une fois qu’ils s’y seraient établis. Elle ne voit pas pour quelles raisons cet avenir qu’elle s’était choisie lui aurait inaccessible en restant aux côtés de ses frères. Et même si elle n’est pas peu fière du chemin qu’elle a parcouru, seule, Gabrielle ne peut renier le manque qu’elle a pu ressentir un nombre incalculable de fois du fait de l’absence de ses frères, à ses côtés… Mais elle ne cherchera pas à contredire Alex, lui épargnant cette culpabilité de plus, quand il semble déjà en avoir d’autres à porter.
« Oui, il m’en a parlé. Je ne comprends pas pourquoi tu n’es pas venu nous voir… ». Gabrielle n’a pas envie d’argumenter à nouveau à ce sujet, se doutant bien que, là aussi, Finn lui aura tout dit les raisons qui l’ont poussé à rester silencieuse pendant ce laps de temps : le besoin d’en apprendre davantage sur eux est l’argument premier mais aussi celui où elle ne se sentait pas prête de les affronter, surtout après tant d’années où ils n’ont eu de cesse de l’éviter.
Ce n’est pas d’elle dont elle a envie de parler mais de son frère. Elle veut comprendre, comprendre sa fuite passée, ces emmerdes au présent. Elle a besoin de réponses, des réponses qu’elle a tenté de trouver par elle-même mais qu’elle n’a pas toujours obtenu. Lorsqu’il évoque Mavis, son ex-fiancée, elle ne peut que lui demander si c’est à cause d’elle qu’il a fui « Oui c’est à cause d’elle. Mavis a toujours eu une mauvaise influence sur moi, je la suivais sans trop réfléchir et aujourd’hui je regrette amèrement tout ça ». Est-ce qu’il le regrette au point qu’il a tenté de se sortir de toutes ces emmerdes ? Gabrielle n’a pas besoin de lui poser la question quand elle en connait la réponse, cette fois. S’il était parvenu à se sortir de cette mauvaise influence, il n’aurait pas été fait emprisonner six ans auparavant et ne serait pas en cavale aujourd’hui. Là encore, elle se garde l’argument pour elle, le reproche même de ne pas avoir fait l’effort nécessaire pour avoir une vie plus rangée.
« La police ? (…) La police n’a jamais rien fait pour aider maman, rien, je ne peux pas avoir confiance en une justice qui n’existe pas. Tout mène à croire que je suis coupable, tu crois vraiment que c’est la police qui va m’aider ? ». Elle n’aime pas qu’il évoque ce passé douloureux, celui de leur mère dont elle se souvient à peine de ses traits. Elle n’aime pas non plus qu’il croit si peu en la justice quand Gaby œuvre pour celle-ci au quotidien. Ses sourcils se froncent alors, entre l’incompréhension et le chagrin lié à l’évocation d’un souvenir passé « Oui, je le crois, Alexander ». Non seulement, elle utilise son ancien prénom parce qu’elle ne connait pas le Mitchell dont il use l’identité mais elle l’utilise en entier pour montrer et appuyer son désaccord « J’ai un avocat qui n’en branle pas une depuis des mois, il encaisse des chèques et c’est tout ce qu’il fait. Sur cette affaire, je peux compter que sur moi-même et dès que j’aurai toutes les preuves je me livrerai, en attendant je préfère fuir plutôt que d’être enfermé avec des gens qui eux ont réellement commis un crime ! ». Elle pourrait lui proposer d’être sa défense, du moins, pas elle, du fait du conflit d’intérêt, mais un associé avec qui elle travaille. Un avocat qui serait à la hauteur quand le sien semble être désuet. Mais peut-être l’est-t-il parce qu’il n’y a rien à défendre ? Gabrielle l’ignore mais elle se garde d’argumenter une fois de plus, peut-être parce qu’il y a aussi la crainte d’être associée à cet homme dont l’image n’est pas celle qu’elle tente de garder du nom Strange… « Je ne te mens pas Gabrielle ». Et pourtant, même s’il a cet air sincère, qu’elle veut le croire parce qu’il est son frère ainé, en qui elle a toujours eu une confiance aveugle, il y a cependant bien des zones d’ombres qui ne l’aident pas à y croire totalement. « Je me bat pour m’en sortir chaque jour et j’espère que tu comprends cela ». Elle n’en doute pas qu’il ne baisse pas les bras, ce n’est pas dans leur nature de baisser les bras, surtout quand on connait leur passé. Elle acquiesce alors mollement d’un signe de tête, presque résignée et pourtant, Mitchell pourrait se demander aussi ce qu’elle pense réellement au fond d’elle, bien trop silencieuse, elle qui, pourtant, a encore des milliers de questions à lui poser « T’es venue seule en Australie ? ». Il change de sujet, comprend qu’il le fait pour ne plus avoir à parler de lui. Gabrielle retire la dernière oreillette qui est restée suspendue dans son oreille, silencieuse, avant de laisser échapper un soupir, en voyant l’heure sur sa montre « Alex… on aura tout le loisir de parler de moi lorsque tu seras tiré d’affaire ». Elle n’a rien à lui cacher à ce sujet, mais elle n’a pas l’envie de faire comme si tout allait bien « Promets-moi que tu vas tout faire pour t’en sortir ? » lui demande-t-elle alors qu’elle s’est approchée, sa main se portant sur sa joue « Je dois y aller… mais je peux te venir en aide, si tu le souhaites… ». Elle lui fait cette proposition, une proposition cependant qui implique qu’en contrepartie, il soit totalement transparent avec elle. Gabrielle laisse tomber son bras le long de son corps, se met sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur la joue de son frère en ajoutant « Tu sais où me trouver si tu en as besoin ». Un dernier échange de regard avant de conclure « Ne reste pas là », ce n’est pas sûr, n’ajoute-t-elle pas mais il le comprendra par lui-même. Sur ces mots, le regard empli de tristesse malgré tout, elle tourne les talons, s’éloignant ainsi de son frère qu’elle n’avait plus vu depuis des années. Elle aurait aimé de meilleures retrouvailles, plus joyeuses et sans crainte mais elle se résigne à se faire à l’idée que plus rien ne pourra être comme avant entre eux, du moins, dans l’immédiat.