C'est une longue histoire

@Maxwell O'Connor & Riley Bates
Mercredi 21 juillet 2021, maison des O'Connor (Toowong)

Les lèvres étirées d'un sourire attendri, Riley pousse le portillon de chez elle en veillant à ne pas lâcher la laisse. Au bout de celle-ci, Sirius trépigne d'impatience, tout heureux de pouvoir prendre l'air ailleurs que dans le jardin. Il fait froid, mais lui il s'en moque, bien au chaud sous sa fourrure épaisse. La langue sortie, il attend seulement que la rouquine veuille bien l'amener partout dans le quartier. Ce n'est pas la première fois qu'elle s'y balade avec lui, mais pendant longtemps elle a fait plus ou moins exprès d'éviter les alentours de sa propre maison. Pour ne pas y croiser Ciara, évidemment, car même si la gamine y vivait déjà ce n'était pas le cas du chien. Alors il valait mieux être prudent et se contenter de promenades autour de la librairie de Parrain, ou dans des parcs plus éloignés. Ça lui a permis de s'habituer à Riley qui était déjà toute heureuse de parcourir la ville avec un animal de compagnie même s'il n'était pas vraiment à elle – problème brillamment réglé depuis.

Après quelques minutes à faire des ronds dans le coin, Riley tire la moue. Elle trouve ça dommage, de le garder en laisse. Il s'amuserait beaucoup plus s'il n'avait pas une corde accrochée à son collier, qui plus est il connaît le quartier maintenant. C'est pour ça qu'elle le détache, ayant bien réfléchi à son idée. Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était la réaction démesurée du chien. Plus que ravie d'être libre de ses mouvements, il se met à courir partout, restant d'abord dans le champ de vision de l'adolescente avant de s'en éloigner un peu. Elle presse le pas pour le suivre – traduction : elle court comme une débile, Sirius étant bien plus rapide qu'elle –, reconnaît la maison juste là et a le bref espoir qu'il soit retourné devant chez eux. Raté. Il ne lui faut que quelques coups d'œil aux alentours pour le retrouver, mais ce n'est pas ça le problème. « Comment t'as fait ? » qu'elle demande, plus pour elle que pour le chien, lorsqu'elle réalise qu'il est dans le jardin de quelqu'un d'autre. Bordel, qu'est-ce qu'il fout là ? Il a vu un chat ? Un jouet pour chien ? Peut-être, elle ne sait pas, de toute façon elle n'en a rien à foutre. Elle se précipite vers la porte principale de la maison en question et y donne plusieurs coups. Quinze secondes plus tard, elle recommence, un peu plus fort – la patience, c'est pas son fort. « Non mais sérieux ? » s'agace-t-elle lorsqu'encore une fois seul le silence lui répond. C'est mort, elle ne va pas laisser Sirius là-dedans toute la nuit. Alors elle s'approche de la barrière qui la sépare du jardin et tente de capter son attention en lui parlant. « Allez viens Sirius, on rentre. » Le chien ne la regarde même pas, trop occupé à sentir absolument tout ce qui se trouve sur cette terre inconnu. Sérieusement, c'est le jardin des voisins, on s'en fout. « Sirius s'te plaît. » Il s'en fout royalement. C'est dingue quand même : dans le cerveau du berger australien, Riley passe après un pot de fleurs à moitié fanées.

Elle fait comment maintenant ? Elle attend là toute la nuit ? Même pas en rêve. Elle va le récupérer, son chien, quitte à escalader. Escalader ? Bah oui, qu'est-ce qu'elle peut faire d'autre de toute façon. « Putain. » Mâchoire serrée, elle toise l'obstacle et n'a pas de mal à se persuader qu'elle peut le faire. Ça passe. Mais oui ça passe. Sirius, tu fais chier, qu'elle se répète en s'accrochant à la barrière pour y monter. Une fois assez haut, elle l'enjambe puis se laisse tomber de l'autre côté, toujours face à la barrière. Réception approximative, mais au moins maintenant elle est avec Sirius. Seulement Sirius ? En théorie.

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C'est une longue histoire

@Maxwell O'Connor & Riley Bates
Mercredi 21 juillet 2021, maison des O'Connor (Toowong)

L'opération récupération de Sirius a pris une tournure un peu illégale, mais Riley ne pouvait pas le laisser ici sous prétexte qu'il n'y a personne dans la maison. Justement, s'il n'y a personne, elle peut sans mal s'introduire dans le jardin pour ramener son chien sain et sauf à la maison. Elle ne fait de mal à personne, elle va juste faire un rapide aller-retour pour qu'il ne reste pas là-dedans toute la nuit. En tout cas, c'est ce qu'elle se répète pendant qu'elle escalade la barrière la séparant de Sirius. Ça aurait été plus simple si ce dernier l'avait écoutée et avait bien voulu la rejoindre côté rue, mais allez faire comprendre ça à un chien plus occupée à sentir les fleurs absolument hideuses qui se trouvent dans le jardin. C'est pas vraiment un jardin, d'ailleurs – c'est moche, se dit automatiquement la rouquine. Si encore ça sentait bon, elle aurait peut-être pu comprendre le coup de folie de Sirius, mais là...

Riley lâche la barrière pour se laisser tomber du bon côté puis se redresse et fait volte-face, prête à ordonner à son chien de la suivre à l'extérieur. Sauf que ce n'est pas Sirius qui attire son regard en premier, mais un homme d'au moins dix ans de plus qu'elle, avec des bouclettes désordonnées sur la tête et un caleçon pour seul vêtement. Et merde. « OH PUTAIN ! » beugle le type, non sans avoir fait un bond au plafond. Problème, problème, hurle une petite voix sous la tignasse rousse de la jeune femme qui pince les lèvres. Ouais, gros problème d'un mètre quatre-vingt, peu habillé et l'air terrifié – c'est au moins ça de rassurant, il n'a pas l'air agressif. Juste sous le choc, et sa réaction surdimensionnée aurait eu de quoi faire éclater de rire Riley en temps normal. Mais là, la normalité... Ouais, moyen. « T'es qui toi ? Une espèce de cambrioleuse en couche culotte ? » Aussitôt, l'air un peu embarrassé de la rouquine s'empreint d'agressivité. « Va te faire. » Est-ce que c'est vraiment ce qu'il faut répondre à la personne chez qui on est entré par effraction ? En théorie, non. En pratique... Bah c'est Riley quoi. Et que ce soit sa bouille ronde – qui n'est même pas si ronde que ça, en plus – ou son jean – qui ne ressemble pas à une couche culotte, putain – que le voisin critique, elle l'envoie chier par habitude. Ce qui est franchement malin vu la situation, hein ?

Dans une semi-bonne volonté de ne pas envenimer les choses, la rouquine ouvre à nouveau la bouche pour donner une explication au pauvre gars en slip qui lui fait face. Possiblement quelque chose ressemblant à gros con, pourquoi t'as pas ouvert quand j'ai toqué vingt-six fois ? – question qu'elle n'aura même pas le temps de poser, la faute à Sirius. Ce dernier a en effet jugé judicieux de faire des roues du vélo qui traîne dans ce pseudo-jardin son dîner. Ça va, il mordille juste, se dit Riley, mais le voisin ne semble pas du même avis puisqu'il se met littéralement à hurler. « ET QU'EST CE QUE C'EST QUE CE TRUC !? » Un chien, abruti. Ne pas répondre ça, ne pas répondre ça... « Il s'appelle Sirius, » grogne-t-elle à peu près calmement, l'agacement perçant tout de même parce que truc c'est franchement pas gentil pour désigner son parfait animal de compagnie. Enfin, parfait ça se discute et le vélo aimerait bien témoigner à ce sujet. Son regard croise alors celui du grand brun qui a l'air encore plus paumé qu'à son arrivée dans le jardin. « C'est quoi ce bordel à la fin ? » C'est pas ma faute si tu sais pas ouvrir une porte. Refreinant bien sagement tous les trucs de sale gosse qu'elle pourrait rétorquer, elle cherche une façon claire d'expliquer le dit bordel – sage décision, Riley. « Mon chien est entré dans le jardin, je suis juste venue le récupérer. » Cela dit, Sirius s'en fout pas mal de la venue de sa maîtresse pour l'instant, toujours concentré sur les fameux pneus de vélo qui doivent avoir une odeur particulièrement alléchante. « J'ai toqué mais personne m'a ouvert, » ajoute-t-elle pour se dédouaner. C'est lui qui n'a pas ouvert, c'est lui qui est en tort, CQFD – non, ça marche pas vraiment comme ça dans la vraie vie. Ça reste une entrée par effraction chez un voisin, qu'importe les excellentes raisons qui l'explique. « Je suis pas venue voler des trucs, j'suis juste venue récupérer mon chien, » qu'elle répète, comme pour être sûre qu'il la croit. De toute façon, faudrait être complètement con pour faire un cambriolage dans sa propre rue, non ? Elle suppose, elle y connaît rien là-dedans la rouquine – qu'il demande à sa mère, tiens. En attendant, si Riley veut rentrer à la maison comme prévu, il faut qu'elle récupère son chien. Elle n'a de toute façon aucun mal à le trouver : il est encore en rencard avec le vélo. Elle va donc rejoindre Sirius et son date – en vrai, l'idée est drôle, non ? Ouais, moyen –, et l'interpelle pour qu'il lâche l'affaire avec ce bout de caoutchouc. « Sirius arrête. » Il s'en fout. « Sirius, lâche le vélo. » Il s'en fout toujours. « Sirius, s'il te plaît. » Mais putain, il l'a aspergé de jus de viande son foutu vélo ? Faut croire, parce que le chien ne réagit toujours pas. Il va peut-être falloir qu'elle le tire grâce à son collier, mais l'idée lui déplaît. Elle veut pas lui faire mal, et puis elle veut pas non plus qu'il devienne agressif. Normalement il ne l'est pas avec elle, mais là il y a le voisin – en même temps, elle est chez lui.

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Mercredi 21 juillet 2021, maison des O'Connor (Toowong)

Riley fait l'effort de donner une explication de la situation à son voisin – avait-elle vraiment le choix ? –, et ce dernier se remet à râler. Encore. À croire qu'il ne sait faire que ça, et après on ose dire que c'est elle qui est en pleine crise d'ado sous prétexte qu'elle a dix-huit ans – pour sûr, lui il la fait avec trois décennies au compteur. « Je prenais une douch... Attends, non en fait, je vais pas me justifier. J'ai le droit de pas répondre à ma porte d'entrée sans que les gens entrent chez moi, putain ! » Les sourcils froncés, la rouquine le toise avec un agacement qu'elle a de plus en plus de mal à dissimuler. « J'allais pas laisser Sirius ici le temps que tu te décides à ouvrir, » réplique-t-elle, certaine que sa connerie est plus que justifiée – même si ça reste une connerie. On dirait une mauvaise blague : Sirius a décidé de s'introduire chez le type le plus stupide de toute la rue. Il s'attendait à quoi, le gars ? À ce qu'elle laisse son chien dépérir dans son jardin super moche, sous prétexte qu'il a le droit d'être un abruti qui ignore quand on toque chez lui. Super le voisin, vraiment, ça donne envie de revenir pour la fête des voisins annuelle. Hospitalité notée en négatif, et puis s'il cuisine aussi bien qu'il jardine, ça part en intoxication alimentaire. Et en plus il est en slip, super pour sa crédibilité, hein ?

Décidée à convaincre Sirius de lâcher le vélo pour se tailler en vitesse, Riley s'approche de lui mais le voisin continue de la faire chier. Sérieusement, il a pas mieux à foutre ? Genre... Mettre un pantalon. Ouais, ça serait un sacré cadeau, soyons honnêtes. « Si on suit ta logique, demain, si je jette un truc par ta fenêtre et que personne ne répond quand je toque... J'ai le droit d'entrer chez toi sans autorisation ? Je me trompe de personne ou c'est bien ta mère qui est flic ? Il s'est passé quoi pendant ton enfance, elle te laissait dans la voiture avec les gens qu'elle arrêtait pour que t'apprenne sur le tas ? » La rouquine roule des yeux pour signifier qu'elle trouve sa comparaison stupide. Pourquoi il faut toujours qu'on l'associe à sa mère ? « J'en sais rien, tu lui demanderas quand elle viendra t'arrêter pour exhibitionnisme devant une mineure, » rétorque-t-elle, profitant du fait qu'il ne la connaisse que de loin pour mentir un peu sur son âge. En vrai, il a sûrement le droit de se balader habillé comme ça puisqu'il est chez lui – le ridicule ne tue pas, après tout –, l'adolescente se défend comme elle peut vu la merde dans laquelle elle s'est fourrée. Sérieusement, il aurait pas pu juste ouvrir sa putain de porte ? Ça aurait évité des problèmes à tout le monde.

Se concentrant finalement sur son chien – ça aurait plus rapide si l'autre idiot s'était tu avant, mais faut pas trop lui en demander non plus à celui-là –, Riley essaie d'attirer son attention sans grand succès. À croire que ce pneu a quelque chose de particulièrement intéressant, allez savoir quoi. « T'es sûre que c'est ton chien ? » T'es sûr que t'es pas juste un gros con ? Prenant une profonde inspiration, la Bates pince les lèvres pour se retenir de renchérir. Elle veut juste récupérer Sirius et rentrer à la maison. Juste ça. « T'es au courant qu'il faut le nourrir parfois ? Les vélos des voisins, c'est moyen comme nourriture, parait que ça manque de protéine. » T'es au courant que tu pourrais juste fermer ta gueule ? Cette fois, elle relève la tête et le fusille du regard. Putain, c'est mal parti s'il l'interrompt à chaque fois qu'elle essaie de raisonner son animal de compagnie. Soupirant bruyamment, l'air franchement agacée, Riley reprend ses tentatives qui se soldent à nouveau par un échec. « Bon, ta technique n'a pas l'air fameuse, couche culotte. » Piquée à vif, l'adolescente se redresse et se tourne vers l'abruti qui ne fait que la déranger. « C'est vrai que toi t'es vachement utile là, » peste-t-elle, le désignant d'un geste de la main bref et agacé. Si les yeux pouvaient tirer des balles, il serait mort douze fois. Minimum. « Ya pas un truc qui pourrait convaincre ton chien ? Je sais pas moi, un jouet, un morceau de viande... Un vrai maître ? » Tu penses que tes couilles ça fonctionnerait comme bout de viande, ou elles sont trop petites ? Ne pas répondre ça, ne pas répondre ça... Putain, ça devient vraiment dur de ne pas aligner les insultes à force d'être provoquée de la sorte. Ce n'est pas comme si elle était connue pour sa patience, Riley. Mais elle se contient du mieux qu'elle peut, sans doute sauvée par ce brin de conscience qui lui rappelle qu'elle va sacrément se retrouver dans la merde si l'idiot face à elle se décide à appeler les flics. Alors elle prend une inspiration et glisse ses mains dans ses longs cheveux pour les remettre vers l'arrière, avant d'étirer un sourire suintant l'ironie. « T'inquiète, je vais me servir de ton mollet comme appât, je suis sûre qu'il préférera mordre ça à ton pneu. » Bluff – ou pas. Franchement, elle a très envie de le faire, convaincue qu'il ne mérite pas mieux. Surtout qu'il continue. « Tu veux que j'aille chercher tes parents ou il va finir par se rendre compte que t'existes ? » Non mais il le fait exprès de ruiner ses tentatives avec ses petits commentaires ? Non, ça doit être naturel chez lui d'être un casse-couilles pareil. Roulement d'yeux, soupir – Riley se contient du mieux qu'elle peut mais elle perd de plus en plus patience. « Il va m'écouter, c'est juste toi qui le déconcentres. » Avec tes remarques à la con, ton attitude à la con, bref en étant un con. Puis elle se détourne du brun, déterminée à l'ignorer pour ne se concentrer que sur Sirius. « Allez Sirius, on y va maintenant. »

Win : La voix plus autoritaire de Riley fonctionne, son chien lâchant enfin le pneu du vélo tandis qu'elle étire un petit sourire satisfait. Elle tend la main vers lui pour caresser le sommet de son crâne puis pose son regard sur sa victime. Il a un peu une sale gueule – le pneu, Sirius lui est magnifique –, mais c'est moins pire que ce à quoi ils auraient pu s'attendre, le chien s'étant contenté de mordiller. Ce qui n'était pas prévu, c'est que le berger australien, non content d'avoir déjà fait chier le voisin en menaçant son précieux vélo, se tourne justement la tête vers lui et s'en rapproche. Il n'a pas l'air menaçant, mais il jappe un peu, curieux, dressé sur ses quatre pattes, ses mirettes ne lâchant pas la silhouette de l'homme. Il finit par approcher son museau des jambes du brun pour le faire passer d'inconnu à connaissance, sous le regard de Riley. Se contentant de croiser les bras, elle affiche un air neutre sans amorcer le moindre mouvement vers Sirius ou lui, dans ses iris brûlant une étincelle de moquerie. Alors, il va réussir à se faire écouter par le chien lui ? Cheh.

So close : Sirius lâche enfin le pneu pour tourner la tête vers sa maîtresse qu'il fixe quelques secondes, comme s'il ne comprenait pas sa bêtise. C'est que le pneu devait être sacrément bon, parce qu'en le regardant Riley réalise qu'il a bien été malmené par les crocs de son berger australien : s'il ne présente aucun trou, il est tout de même bien abîmé. Bon, c'est pas grave, il peut quand même rouler le vélo. La rouquine se tourne alors vers son chien qui s'est éloigné de quelques pas pour mettre sa truffe au milieu des fleurs fanées « Mais putain, tu l'arroses au jus de viande ton jardin ou quoi ? » À moins que le jeune chien soit simplement trop curieux, ce qui est fort probable. « C'est pour ça que tes fleurs sont toutes fanées ? » Et moche, comme ton jardin. Elle pourrait rajouter comme toi mais en réalité elle n'a pas vraiment regardé à quoi il ressemble, son attitude insupportable suffisant à le rendre repoussant.

Fail : Nouvel échec pour Riley que le berger australien ignore sans se soucier de sa fierté blessée et du voisin mécontent. Agacée, la rouquine relève les yeux vers ce dernier. « Sérieusement, t'as roulé dans du jus de viande avec ton putain de vélo ? » Peut-être en roulant à côté d'un restaurant, elle n'en sait rien elle, elle en a juste marre d'être obligée de supporter un pareil idiot pou récupérer son chien. De toute façon, c'est mort, elle ne va sûrement pas le laisser appeler sa mère. Elle ne doit même pas être à la maison, en plus – encore au boulot, comme d'habitude. Celui qui pourrait vraiment aider l'adolescente, c'est son parrain, mais le voisin peut toujours crever pour qu'elle l'admette. Elle préfère encore dormir dans ce jardin dégueulasse en attendant que Sirius se lasse du foutu pneu. Et dormir en cellule ? Euh, peut-être pas à ce point.

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Mercredi 21 juillet 2021, maison des O'Connor (Toowong)

Malgré toute la confiance qu'elle laisse paraître parce qu'il est inconcevable qu'elle se dégonfle devant son abruti de voisin, Riley se rend bien compte que si ce dernier choisit d'appeler les flics, elle risque de finir en cellule. Elle n'est pas stupide, elle sait bien qu'elle n'a pas le droit d'entrer par effraction chez les gens – même si elle avait d'excellentes raisons de le faire, elle n'en démord pas. Mais plutôt crever que le reconnaître, elle préfère mille fois tenter de faire paniquer l'imbécile qui lui fait face. Après tout, c'est elle qui a une mère flic – avec qui elle a une relation désastreuse, certes, mais ça il ne le sait pas – et c'est lui qui est en slip devant une prétendue mineure – pour une fois que ses joues rondes jouent en sa faveur. « Tu veux dire quand elle viendra avec ses collègues parce que ton chien sans laisse aura bousillé mon vélo à mille balles et que t'auras pas les moyens de me rembourser, plutôt non ? » D'où il vaut mille balles, son foutu vélo ? « Je peux la lui mettre, sa laisse, si c'est que ça. » Ça lui prendra quelques secondes puisqu'il est concentré sur le pneu, et ça fera bien chier le voisin. C'est d'ailleurs une très bonne raison de le faire, à bien y penser. « Et pour ton information personnelle, l'exhibitionnisme, c'est dans les lieux publics, fillette. Chez moi, j'ai même le droit de me balader à poil, vu que t'es pas censée être là. » Riley le regarde de haut en bas, exagérant le mouvement de tête pour bien lui souligner qu'il est tout de même presque à poil devant une gamine. « C'est sûr que si les flics débarquent maintenant et qu'ils te voient en slip devant moi, ils vont trouver ça très très clean. » Non, ils vont trouver le gars très très louche et ce sera bonjour la cellule – sans elle, elle espère.

De tous les habitants du quartier, il fallait que Sirius décide de squatter ce jardin-là. Il fallait qu'il choisisse celui du type le plus chiant de Carmody Road, histoire qu'il tape bien sur les nerfs de sa maîtresse au point qu'elle ait envie de lui arracher les yeux. Pas que l'agressivité de Riley soit une nouveauté, mais putain ce voisin-là a le don de lui donner des envies de meurtre à chacune de ses remarques. Pourquoi il parle, déjà ? À quoi ça sert, qu'il ouvre sa gueule ? À quoi il sert, en fait ? « C'est pas mon chien, je peux demander à mon vélo de rouler tout seul jusqu'à chez toi, mais il est pas très réceptif, lui non plus. » T'es vraiment con. Profonde inspiration. Ne pas dire ça. Elle se contente de lever les yeux au ciel, réprimant à grand renfort d'inspirations un doigt d'honneur qu'il mériterait amplement. Mais ça ne calme pas vraiment les ardeurs de la rouquine qui n'est pas capable de se retenir à chaque pique qu'il lui lance. C'est déjà un miracle qu'elle ne l'insulte pas à chaque fois qu'il ouvre la bouche, ça ne pouvait pas être un sans fautes. Alors oui, elle a envie de faire de cet abruti un appât et le lui fait remarquer avec un sourire moqueur, même si ce n'est pas vraiment crédible – Sirius est une crème, sans parler du fait qu'il ne l'écoute pas pour l'instant. L'image suffit cependant à lui offrir une certaine satisfaction, même si le voisin a vite fait de tout gâcher. « Si tu utilisais autant d'énergie à essayer de récupérer ton chien qu'à me montrer que je te fais chier, cette conversation serait déjà terminée. » Il est sérieux là ? « Si tu me faisais pas chier, cette conversation serait déjà terminée, » le singe-t-elle, la moquerie n'empêchant pas le fait qu'elle en pense chaque mot. S'il pouvait juste fermer sa bouche, elle est sûre que Sirius l'écouterait.

Elle en est sûre mais ça n'empêche pas un nouvel échec qui met encore plus à mal son ego. Il l'écoute d'habitude, il doit le faire exprès, c'est pas possible. Alors la gamine explose, pestant contre l'abruti qui la toise depuis tout à l'heure et son foutu vélo qui doit sentir le steak pour que Sirius s'y intéresse tant. « Bah évidemment, comme tout bon végétarien, je fais le tour de tous les abattoirs avant de rentrer chez moi. Comme ça, tous les voisins malpolis peuvent sauter au-dessus de ma clôture et admirer mon jardin dégueulasse. » C'est vrai qu'il est dégueulasse, son jardin. Mais ça ne change rien au fait que Riley ne sait plus quoi faire pour que son chien l'écoute. Hors de question qu'elle appelle son parrain, question de fierté, et encore moins sa mère. Sinon, elle laisse Sirius manger le pneu en entier, comme ça il n'aura plus faim et acceptera de rentrer avec elle une fois rassasié. C'est pas une si mauvaise idée que ça, dans le faux. Sauf si son foutu vélo coûte vraiment mille balles. Putain, elle espère que non.

Pendant ce temps, l'autre abruti a décidé d'ouvrir la porte – il a peut-être décidé de se mettre à l'abri au chaud, puisqu'il est toujours en slip. Su-per. La rouquine pose son regard sur lui, les sourcils légèrement froncés, avant de comprendre lorsqu'il se met à siffler qu'il essaie à son tour d'attirer l'attention de son animal de compagnie. « Allez Sirius, il est temps d'y aller, Dobby t'attend pour pouvoir rentrer ! » Sirius, si tu l'écoutes, je te fais la gueule. Les lèvres de l'adolescente se pincent lorsqu'elle constate que l'univers entier est contre elle aujourd'hui : Sirius a écouté le crétin plutôt qu'elle. Elle est dégoûtée, vraiment, et vexée, même si elle a surtout l'air saoulée. Un peu moins lorsqu'elle croise le regard paniqué de son voisin qui semble l'appeler à l'aide. Elle n'a même pas le temps de l'envoyer chier que le chien file à l'intérieur, profitant de la porte ouverte pour se mettre au chaud. « Oh merde ! » Mais qu'il est con. Évidemment qu'il allait rentrer à l'intérieur, l'occasion était trop belle – la porte était ouverte – et il doit faire meilleur à l'intérieur en ce mois de juillet. « Pourquoi t'as ouvert la porte si tu voulais pas qu'il rentre ? » Parce qu'il est débile, c'est ce qu'elle dit depuis le début. Riley hésite à suivre Sirius, mais puisque le type a déjà gueulé parce qu'elle est entrée dans son jardin, elle se retient. Il va lui sortir qu'elle est entrée par effraction dans sa maison, manquerait plus que ça. « Bon bah rentre chercher ton chien avant qu'il ne détruise ma maison ! » La rouquine fronce les sourcils. « Maintenant que t'es invitée, ce serait dommage de pas en profiter. » Elle roule des yeux. « Ah bah maintenant ça t'arrange que je rentre, » rétorque-t-elle alors qu'il s'éloigne, lui emboîtant le pas à l'intérieur. Elle monte l'escalier à sa suite et se retrouve rapidement dans une chambre – la sienne, elle parie, vu le bordel – que Sirius a choisi pour s'installer. Le lit est sûrement confortable, parce qu'il s'y est couché, tout à son aise. « Génial, le chien a aussi peu de savoir vivre que sa maîtresse. » La rouquine tourne vivement la tête vers son voisin, à nouveau agacé. « Mais va te faire, toi t'as toujours pas mis de pantalon. » Et là il n'a plus d'excuse : il est dans sa chambre – un sacré bordel digne d'une crise d'ado.

Détournant son attention du brun, Riley s'avance un peu pour attirer l'attention du chien. Il a l'air drôlement bien installé, ça promet d'être compliqué de le déloger de là. Elle tape des mains pour attirer son attention et, une fois qu'elle a croisé son regard, y ajoute des mots. « Allez Sirius, on y va, c'est pas ton lit ça. »

Win : Miracle, Sirius l'écoute enfin ! Le chien se lève, à quatre pattes – sales – sur le lit, puis en descend pour venir au pieds de sa maîtresse. Cette dernière caresse le sommet de son crâne doucement avant de tourner la tête vers son voisin. « Tu vois que c'est mon chien. » Elle est à deux doigts de lui demander d'aller vers l'abruti de service pour le faire. Mais non, elle préfère frimer un peu plutôt que risquer que le chien l'ignore encore. Surtout que bon, c'est pas dit que Sirius accepte de retourner dans le froid maintenant qu'il a pu profiter de la température bien plus agréable de la maison.

So close : Sirius détourne le regard de sa maîtresse et se tourne dans le lit, relevant ses pattes dont tombe encore de la terre provenant du jardin. Décidément, le chien veut des câlins. Et le chien ne compte pas bouger tant qu'il n'a pas ses câlins. « Il veut pas te rendre ton lit. Peut-être que ça sent le chien. » C'est pas gentil ça, mais c'est bien fait. « Il veut des câlins, » lâche-t-elle comme un simple constat sans importance, s'approchant ensuite de Sirius pour lui faire des papouilles au ventre. Aussitôt, le chien tire la langue, ce qui la fait rouler des yeux. Mais quel capricieux. « C'est le bordel, ta chambre. » Il l'a tellement faite chier qu'elle peut bien lui rendre la pareille.

Fail : Ne semblant pas vraiment se soucier des paroles de sa maîtresse, le chien étend plutôt son museau à l'extérieur du lit, intriguée par toutes les odeurs. Et son choix se porte sur un pantalon dont il se saisit. « Même lui ça le dérange que t'aies pas de pantalon, tu vois ? » raille la Bates pour évacuer la frustration d'avoir encore une fois été ignorée. Elle se moque mais il n'empêche qu'il y a un petit problème là-dedans : Sirius n'a pas de main pour attraper les choses, il utilise ses crocs. Et les crocs ça fait des trous. La rouquine s'approche du chien, attrape d'une main le vêtement et glisse l'autre entre ses oreilles. « Lâche ça, c'est pas un jouet, » ordonne-t-elle en tirant un peu sur le pantalon. Étonnamment, il s'exécute, mais c'est déjà trop tard : il y a des trous, visiblement au niveau des tibias. « T'aimes les jeans grunge ? » qu'elle demande sans regarder le voisin, continuant de caresser Sirius en espérant qu'il se montrera plus coopératif après quelques papouilles.

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@Maxwell O'Connor & Riley Bates
Mercredi 21 juillet 2021, maison des O'Connor (Toowong)

Trop fière pour reconnaît ses torts, Riley préfère mille fois déstabiliser son voisin si peu vêtu en lui faisant remarquer que malgré l'intrusion dont il l'accuse, d'eux deux c'est lui qui a l'air le plus suspect. Ça l'arrange bien, de prétendre qu'elle est mineure, la gamine qui a pourtant pour habitude de se prétendre plus adulte qu'elle ne l'est. Tout pour ne pas reconnaître que non elle n'aurait pas dû entrer tranquillement chez le voisin, même si ce n'est pas dans la maison elle-même, et même si c'était pour récupérer Sirius. Sirius qui n'a pas sa laisse d'ailleurs, et c'est bien pour ça qu'il est entré dans ce jardin – peut-être qu'elle devrait la lui mettre d'ailleurs, histoire d'être sûre qu'il ne parte pas dans tous les sens. Mais la rouquine est bien plus occupée à s'agacer contre le grand couillon qui lui fait face, se retenant de l'insulter et au passage d'exploser. Plus ça va et plus elle a de mal à ne pas être vulgaire, les insultes fusant sous sa crinière mais par chance retenue à la porte de ses lèvres. Une partie d'elle sait que ça n'arrangera pas ses affaires de le traiter de pauvre con – l'autre se dit que, quand même, il le mérite. Il faut dire qu'il la provoque un peu, lui aussi, n'ayant sans doute pas eu de mal à réaliser qu'il était très facile de faire fulminer la jeune femme.

Le fait que Sirius ne l'écoute pas le moins du monde n'aide à rien, la rouquine se sentant terriblement démunie bien qu'elle le cache sous cette façade de colère et d'impertinence typique d'une adolescente. Si le voisin se la fermait, peut-être que Sirius l'écouterait un peu plus. Non : le type ne parle plus, mais le chien ne l'écoute toujours pas. La petite fierté de gamine est mise à mal, elle en vient à enrager contre une possible odeur de steak du pneu qui sert de repas à son animal – oui ça n'a aucun sens, mais qu'est-ce qu'elle peut dire d'autre ? Qu'elle a merdé ? Même pas en rêve. La discussion ne mène à rien de toute façon, même s'il roulait vraiment dans une flaque de jus de viande avant de rentrer chez lui le soir ça ne changerait rien au problème actuel. Cocotte-minute sur pattes, Riley commence à se demander s'il ne vaudrait pas mieux qu'elle laisse son chien se lasser de son repas caoutchouteux, quitte à ce qu'il le grignote encore plus – une fois rassasiée, il finira par l'écouter. Mais le voisin a une autre idée en tête : il ouvre la porte puis siffle, attirant l'attention du canidé qui se détourne enfin de la pauvre roue de vélo pour entrer à l'intérieur... et monter à l'étage. Le pire c'est que le type semble surpris : il s'attendait à quoi, en ouvrant la porte ? « Je voulais qu'il rentre pour sortir par la porte, pas pour qu'il monte à l'étage. » « T'aurais dû attendre que je lui mette sa laisse ! » Ce qu'elle aurait pu – et dû, sans doute – faire bien avant, il est vrai. « Tu comptais le faire ressortir comment ? En le balançant par-dessus la barrière ? » S'il n'était pas bien plus grand qu'elle, elle lui aurait balancé que c'est lui qu'elle aimerait balancer par-dessus la barrière. Mais bon avec son mètre soixante et ses cinquante kilos... Non, elle ne fait pas bien peur avec sa carrure, et surtout pas à un type aussi haut sur pattes. « Par la porte mais avec sa laisse, » rétorque-t-elle en insistant bien sur le problème du plan moisi de son interlocuteur. C'est super, Sirius n'est plus dans le jardin et ne bouffe plus son pneu, mais maintenant il est à l'étage de la maison. Vachement arrangeant, hein – elle est à deux doigts d'espérer qu'il pisse sur ses fringues, mais ça ne fait pas avancer les choses.

Le ridicule duo suit Sirius jusqu'à une chambre où il a déjà pris ses aises. Couché sur le lit, il se fout de découvrir cette maison pour la première fois, il se sent déjà chez lui. Ce qui offre une parfaite opportunité au voisin pour emmerder à nouveau Riley, qui cette fois ne parvient pas à rétorquer sans être vulgaire. Cela dit, c'est vrai que le type n'a pas de pantalon – et qu'il peut aller se faire foutre pour ses remarques à la con, si vous voulez son avis. « Hop, hop, hop Dobby, arrête donc de retourner la situation en ta faveur, tu veux ? Si j'avais eu le temps de m'habiller avant que tu n'entres chez moi sans permission en faisant un vacarme pas possible, j'en aurais eu un, figure-toi ! » Vu qu'il la surnomme Dobby, est-ce qu'elle peut l'appeler connard ? D'autant plus qu'il ne serre absolument à rien, appuyé contre le mur comme il l'est. « Et dans l'état actuel des choses, je mettrais un pantalon quand je pourrais entrer dans ma chambre sans risque...Parce qu'entre l'obéissance de ton chien et ton manque de réaction quand il s'approche, j'ai moyennement confiance en vous deux. » On dirait une excuse merdique pour ne pas mettre un pantalon – le gars doit avoir un côté exhibitionniste, elle sait pas. « T'es vraiment qu'un trouillard. » Forcément qu'elle se fout de sa gueule, elle elle n'a pas peur des chiens. Non et puis avoir peur de Sirius... Vous avez vu comme il est trop mignon ? Les canines qui ont massacré un pneu de vélo, c'est un détail.

Et puis comme rien ne semble vouloir fonctionner comme elle le souhaite aujourd'hui, Riley a le droit à un énième vent de son chien. C'est clair qu'un jean qui traîne par là dans la chambre du voisin c'est vachement plus intéressant que ce qu'elle lui demande, hein Sirius ? Non mais super... Elle tente une remarque moqueuse pour dédramatiser un peu la situation – aussi pour calmer sa propre colère, en vérité –, et à sa grande surprise ça fait rire le principal concerné. « Je vois que ça te perturbe... Promis, si t'arrives à le récupérer, je mets mon pantalon. » Parce qu'il n'a que celui-là ? Ne pas dire ça, ne pas dire ça... Plutôt constater que le jean a des trous grâce à Sirius, et que c'est un nouveau truc qu'il a abîmé dans la baraque. « J'aimerais surtout pouvoir récupérer ma chambre, en fait. » Et Riley aimerait avoir un animal de compagnie obéissant et se barrer de cette baraque, comme quoi on a pas toujours ce qu'on veut – bordel ça fait vraiment phrase de parent ça, c'est horrible.

Alors qu'elle tente d'amadouer son chien avec des caresses, le claquement d'une porte retentit ailleurs dans la maison et le voisin se décompose. Il vit avec un monstre ou comment ça se passe ? « Oh, putain, on est tellement dans la merde. » Lui aussi il vit avec sa mère ? « Qui est l'incapable qui a laissé la porte de derrière ouverte ? » Qui que soit sa colocataire, elle a une voix très peu amicale, et qui porte bien. Belle entrée en matière, vraiment Riley a terriblement envie de faire sa connaissance – non. « Allez, Sirius, s'il te plait, il faut vraiment y aller maintenant... » Le canidé relève la tête, ses oreilles s'agitant comme s'il entendait quelque chose que les humains ne peuvent percevoir. « Attache ton chien, Dobby. Si tu as déjà du mal à me supporter moi, je t'assure qu'il ne vaut mieux pas que tu te retrouves à devoir t'expliquer avec Helen. » Sceptique, la rouquine se demande s'il dit ça pour essayer de la faire flipper, une vengeance pour sa mention de la police tout à l'heure. Pourtant, le type a vraiment l'air inquiet, et c'est sûrement pour ça qu'elle ne fait aucune remarque. En silence, tendue sans pouvoir l'expliquer autrement que par l'attitude communicative de son voisin, elle attaque le collier de Sirius à sa laisse. « Suis-moi et surtout, SURTOUT, par pitié, ne fais pas de remarque stupide. » Bizarrement, le chien la suit sans protester ni même aboyer, ce qui rajoute une floppée d'interrogations dans le cerveau de Riley. Est-ce que c'est parce qu'il sent lui aussi que le voisin est nerveux ? Sûrement. Et il doit être sacrément nerveux alors, parce que son copain à quatre pattes ne s'intéresse même pas au reste des trésors de la chambre, il se contente de suivre calmement.

Ils se retrouvent tous les trois en haut des escaliers, et la conversation qui s'engage semble... lunaire. Le voisin – Maxwell, de son petit nom – n'a plus rien du petit con provocateur qu'il était avec l'adolescente, et son interlocutrice enchaîne les remarques désobligeantes. Elle confirme en passant que vu de l'extérieur la situation est particulièrement suspecte du fait de sa tenue à lui, même si Riley n'apprécie pas la mention du berceau – elle a fait croire qu'elle était mineure, pas qu'elle avait douze ans. Cependant, la rouquine garde les lèvres parfaitement closes, même lorsqu'elle se rend compte que le voisin ment sur les raisons de la présence de son chien à l'intérieur. Elle reste silencieuse, descendant une à une les marches sans rater une miette de l'échange auquel elle assiste, un Sirius docile et calme à sa suite. Lui aussi il doit flipper face à la dame aigrie qui les attend en bas. Elle ne sait même pas ce qui est le plus flippant chez elle, entre son regard rempli de poignard ou sa voix qui tremble de colère. En tout cas, elle leur ouvre la porte, ce qui est déjà bon signe pour qu'elle reparte chez elle avec son chien, non ? « Tout le monde dehors avant que je ne change d'avis et que j'appelle les flics ! » Non non pas les flics. « Mais » « DEHORS ! »

Dehors, Riley l'est, effectivement. Et avec Sirius, ce qui est une bonne nouvelle. Le problème ? Le voisin a été foutu dehors lui aussi, et il est toujours en slip. Le problème encore plus gros qui pointe le bout de son nez ? La voiture qui vient de se garer juste devant le trio et que la rouquine reconnaît comme celle de sa mère. Et meeeeeerde ! « Mets ton pantalon, dépêche. » S'il voulait rencontrer la mère flic, c'est son jour de chance. Ah il voulait pas ? Trop tard, parce que Ciara sort de la voiture, droite comme un I et l'air d'une humeur... Riley ne trouve même pas de terme adéquat. « Riley, tu m'expliques ? » Le ton de la voix est sec, le regard froid, pour l'attitude de mère inquiète on repassera. Enfin, inquiète elle l'est sûrement un peu pour sa fille vu la méfiance qui brille dans ses prunelles lorsqu'elle les pose sur le voisin. « J'ai perdu la balle de Sirius en jouant, j'ai cru qu'elle était dans le jardin du voisin alors j'ai toqué chez lui. Il sortait de la douche quand il a ouvert. » Ça explique le combo caleçon - torse nu, bien que maintenant il ait un jean donc seulement le torse découvert. Mais ça n'explique absolument pas ce qu'il fout dehors si la balle était dans le jardin. « Et il se balade dehors comme ça ? » Vu la météo, c'est clair que se balader torse nu c'est louche – et puis se balader en caleçon c'est louche tout le temps. « Arrête, » grogne la plus jeune en roulant des yeux. « Il voulait juste m'aider à trouver la balle de Sirius, c'est pas un drame putain. » La vulgarité est sortie toute seule, vieux réflexe pourrie, et le ton n'est pas bien avenant non plus – faut dire qu'elle est forcément sur la défensive lorsqu'il s'agit de sa mère. « On en parlera à la maison. » Et c'est reparti pour une nouvelle engueulade à la Hogan-Bates. Mais pas en public, non, vaut mieux faire vibrer les murs de la maison qu'emmerder toute la rue en se hurlant dessus à défaut de se comprendre. « Monte dans la voiture. » Vu la situation, l'adolescente n'ose pas piper un mot et se contente d'obéir en silence. Sirius monte à sa suite, drôlement docile maintenant que la situation est de toute façon déjà catastrophique. Une fois dans la voiture, Riley profite que sa mère s'installe à son tour pour tourner la tête vers le voisin, toujours torse nu et dans la rue. Après un banal au revoir de la main tout ce qu'il y a de plus classique, elle signe un désolé bien trop honnête à son goût. Sans doute parce qu'elle se dit qu'il ne le comprendra pas, ce geste, car tout le monde ne parle pas la langue des signes comme sa famille à elle. Quelque part ça la déculpabilise de le dire ainsi, sans que ça la force à reconnaître ses torts. Mais dans le fond elle l'est vraiment, désolée.

(c) Miss Pie
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