T’as passé la matinée à brainstormer sur les préparatifs du black friday, évènement que tu n’aurais jamais imaginé devoir préparer autant en amont. Quatre mois qui auraient pu te paraître long avant d’entendre toutes les directives de Leckie à ce sujet, à présent t’as surtout l’impression que vous n’aurez jamais assez de temps pour tout boucler. C’est le premier gros projet auquel tu participes, celui de la St Valentin n’était rien à côté de celui-ci. Tu te retrouves pris au piège tout au fond de la pièce, place que tes compères t’ont gentiment attitrée après avoir joué des coudes pour pouvoir lire les inscriptions sur le tableau blanc. Si tes un mètre quatre-vingt-seize ont toujours été un atout pour jouer au rugby, ce n'est pas le cas en ce qui concerne ta place dans l’équipe de marketing. Ta posture en dérange plus d’un, sans parler de la place que t’as fini par te créer dans l’estime de Saül Williams. Et si parfois, t’aimerais pouvoir te camoufler au milieu de tes collègues pour te faire oublier ne serait-ce que l’espace d’une journée, tu sais aussi que c’est ce qui fait ta force. Plus les gens parleront de toi en mal et plus les nouveaux finiront par te craindre. C’est d’ailleurs le socle même de la stratégie que tu as mis en place, jouer des rumeurs à ton sujet, leur laisser croire qu’ils ont le monopole sur les conneries qu’ils peuvent bien débiter alors qu’au fond, tu sais bien que les ragots ont été créés à partir d’actes et de paroles préméditées. T’es pas là pour te faire des amis, tout ce que tu veux c’est réussir à gravir les échelons de manière à pouvoir vivre convenablement. C’est dans ton petit frère que tu puises la force de persévérer, quitte à te faire passer pour le dernier des enfoirés. Leckie termine son discours de lancement, tu patientes un moment avant de quitter la pièce à ton tour, le brouhaha de l’open space te donne déjà la migraine alors tu décides de prendre ton ordinateur portable et de rejoindre le rez de chaussé. Si y'a bien quelque chose que t'as appris durant ces derniers mois, c’est qu’il n’y a pas mieux que la cafétéria pour bosser calmement, surtout après quatorze heures. C’est vite devenu ton endroit préféré, après le bureau de Saül et sa vue panoramique, mais rares sont les fois où t’as pu y mettre les pieds assez longtemps pour pouvoir l’admirer. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent, c’est machinalement que tu te rues dehors bousculant quelqu’un sur ton passage alors que t’as les yeux rivés sur le compte rendu de la dernière réunion. « Excusez-moi » que tu dis par-dessus le bruit sourd du gobelet qui s’éclate au sol, déversant la boisson chaude sur le carrelage ainsi que sur les manches de ta chemise blanche. Tu relèves les yeux pour rencontrer celle d’une femme d’âge mûr dont le visage te semble bien familier. T'es persuadé de l’avoir déjà vu au bras de Damon. « Toutes mes excuses madame, laissez-moi vous en offrir un autre, j’insiste. » Fort heureusement sa tenue n’a pas été endommagée car t’aurais perdu des points auprès de son ex mari si le contraire s’était produit. Là, non seulement t’as l’occasion de te rattraper en lui offrant un deuxième café, mais t’as surtout l’opportunité d’en apprendre plus sur Williams ce qui, à ton sens, est loin d’être négligeable. Difficile de tenir le regard lorsque tout ce que tu y trouves c'est un peu de Damon dans ses yeux bleus. Celui que tu n’as plus recroisé depuis votre altercation dans ce même ascenseur que tu viens de quitter. Tu te penches pour attraper le gobelet avant d’essorer le sol avec les serviettes en papier qui ont accompagnées la boisson chaude lors de sa chute.
BY PHANTASMAGORIA
Dernière édition par Angus Sutton le Sam 7 Aoû 2021 - 16:40, édité 1 fois
Tu étais passée chez Michael Hills pour aller voir Damon. À la base, vous aviez convenu d'aller déjeuner ensemble, mais un coup arrivé sur place, les plans semblaient avoir changé. Il s'excusa au moins quatre fois de ne pas t'avoir perdu d'avance. Ça va, c'est pas comme si tu avais un horaire vraiment chargé. Son père semble être sur son dos et lui a ajouté une charge de travail supplémentaire. Il ne l'a pas dit, mais tu l'as quand même entendue quelque part entre ses yeux tristes et ses traits fatigués. Ce sera pour une prochaine fois. Et puis, tu n'es quand même pas venu pour rien. Tu as ce bracelet dont la fermeture à rendu l'âme. Il date de quelques années. Le modèle ne se fait plus. Tu ne peux pas juste le balancer et t'en offrir un autre. C'est celui que tu préfères, gracieuseté de la secrétaire de Saül (comme si tu croyais encore qu'il choisissait personnellement tous les cadeaux qu'il a pu t'offrir au travers des décennies ensemble). Enfin, voilà, la réparation ne devrait pas être trop longue. Le temps d'un café tout au plus. C'est parfait. Tu passes à la cafétéria pour aller t'en chercher un dans l'optique d'aller le boire à l'étage inférieur.
La porte des ascenseurs s'ouvre laissant sortir un petit groupe de personnes qui se ruent à leur tour vers la cafétéria. Des gens pressés qui ne remarquent pas qu'ils ne sont pas seuls au monde. Comme ce gamin, le regard fixé ailleurs, qui te fonce en plein dedans. Le café déborde, te brûle les doigts. La suite est inévitable. La chaleur te fait échapper le gobelet par terre. Y'en a partout. « Excusez-moi » Ton premier réflexe est de regarder les dégâts sur tes propres fringues. Ça va, elles sont sauvées. Juste une minuscule goutte sur tes escarpins qui s'essuiera facilement. Tu ne peux pas dire que les dégâts soient aussi minimes pour le jeune homme en face de toi. La manche de sa chemise en a pris un coup. Tu ne vas quand même pas t'excuser. Il avait juste à regarder où il allait. « Toutes mes excuses madame, laissez-moi vous en offrir un autre, j’insiste. » Il se penche au sol pour éponger le liquide chaud qui s'est répandu partout au sol. Il se donne du mal pour rien. Avec la belle chemise qu'il porte, il n'est définitivement pas dans le département de la salubrité. « Tu sais qu'il y a des gens qui sont payés pour ça ? » Ça prendra un coup de vadrouille pour pas que ce soit collant, mais il a quand même déjà tout ramassé. C'est presque impeccable. Tant pis pour lui s'il met de l'énergie là où ce n'était pas nécessaire. « Très bien. » que tu ajoutes par la suite à propos de son offre de t'en offrir un autre. Tu as du temps à tuer de toute manière.
Tu te places avec lui dans la file d'attente pour pouvoir recommander un autre café. « J'espère que tu as de quoi te changer. » que tu lui dis ensuite en détournant la tête vers lui. « Tu vas t'attirer des ennuis pour rien. » que tu ajoutes, connaissant bien la discipline de ton ancien époux. Elle doit être encore pire qu'avant depuis les récents événements qui n'aide en rien sa bonne humeur.
T’essayes tant bien que mal d’essuyer ce que tu peux avec les quelques serviettes en papier qu’il te reste dans la main, mais la vérité c’est qu’il t’est bien difficile de relever le regard, trop honteux de la connerie que tu viens de commettre. Tu les entends déjà, tes collègues, te charrier d’avoir foutu du café sur l’ex-femme du grand patron. Les nouvelles circulent vite par ici et si Williams ne semble pas être dans les parages, les fourmis quant à elles grouillent dans tous les sens à la recherche de la dernière miette à se mettre sous la dent. « Tu sais qu'il y a des gens qui sont payés pour ça ? » tu relèves ton nez pour rencontrer à nouveau ses yeux bleus. Tu le sais trop bien, ouais. Ta mère a commencé comme ça, en faisant le ménage dans des hôtels où le prix d’une nuit était presque plus élevé que son salaire à la fin du mois. Alors ouais, tu le sais et c’est bien pour ça que tu continues à nettoyer jusqu’à ce qu’il ne reste plus une trace de son café. Sa question te fait grimacer, tu te rends compte qu’avec tous les efforts du monde, tu ne pourras jamais copier leur mentalité. T’aurais pu claquer des doigts pour qu’un employé se ramène en courant et nettoie les dégâts que tu venais de causer sur le sol lustré. T’aurais pu laisser tout en plan et l’observer se casser le dos à éponger la marque de ta maladresse sauf que la supercherie t’aurait coûté bien plus d’énergie qu’en le faisant toi-même. « Très bien. » Elle accepte ton invitation alors que tu te relèves à la recherche d’une poubelle. Tes mains passent sur ton pantalon à pince pour le nettoyer après avoir libéré tes mains des serviettes empestant la caféine. « J'espère que tu as de quoi te changer. » Qu’elle demande une fois avoir rejoint la file d’attente, en réalité tu n’y as jamais vraiment pensé puisque t’as toujours eu deux tenues pour faire la semaine, celle que tu portes actuellement et celle qui est en train de sécher dans ta piaule. « Non madame, mais je suis doué pour cacher les choses. » Tu souris avant de retrousser les manches de ta chemise, ni vu, ni connu. Il ne reste à présent que l’odeur du café pour témoigner de ce qu’il vient de se passer. « Tu vas t'attirer des ennuis pour rien. » Elle n’en dit pas plus, mais il n’est pas difficile de comprendre son sous-entendu. Se montrait-il aussi strict avec son ancienne épouse que ce qu’il peut l’être avec ses employés ? « Je ne compte pas aller jusqu’au dernier étage aujourd’hui. » Tu lui souris, c’est pas tous les jours qu’un membre de la famille Williams s’inquiète pour toi. Fut un temps t’aurais pu penser que c’était le cas de son fils, jusqu’à ce que la nouvelle du mariage ne tombe et que tu réalises que tu n’étais qu’un pion parmi tant d’autres. « Deux cafés s’il vous plait. » La personne qui se trouve derrière la caisse écarquille les yeux, réajustant sa tenue à la vue de la femme qui se tient à tes côtés. À sa place, tu serais déjà en train de te demander si l’ex-femme du patron possède un passe-droit sur les boissons chaudes ou si elle doit aussi sortir le porte-monnaie comme tout le monde. Heureusement pour la caissière, tu sors ton portefeuille de la poche arrière de ton pantalon faisant glisser ta carte sur le lecteur. « Merci » Tu rends le sourire à la jeune blonde avant de quitter la queue, ta boisson fermement dans la main pour prendre place à la table qui se trouve être la plus éloignée des oreilles indiscrètes. « Vous êtes venues voir Damon ? » T’auras beau tenter de te prouver le contraire, faire comme si t’en avais rien à faire mais l’infime espoir de le voir débarquer prouve bien que t’es loin de l’avoir oublié.
Ça ne lui fait absolument rien qu'il y ait des personnes pour faire les corvées à sa place. Malgré ton commentaire, il continue d'éponger le sol avec les serviettes qu'il tient entre ses mains. C'est qu'il doit vraiment être gentil ou lèche-cul. Ça ne lui donnera pas d'augmentation de laver le plancher. Il le comprendra bien assez vite tout seul. Pas la peine de le lui préciser. Vous vous dirigez tous les deux vers la file d'attente pour un nouveau café lorsqu'il a terminé de tout ramasser. « Non madame, mais je suis doué pour cacher les choses. » qu'il te dit en remontant ses manches pour camoufler les tâches de café. Ça sent encore et se sera un calvaire à nettoyer s'il ne le fait pas tout de suite. Ce sera le problème du nettoyeur, pas le sien. « Je crois pas que ce soit suffisant. » Il fait bien ce qu'il veut le gamin, mais les manches retroussé ne font certainement pas partie du code vestimentaire de MHI. Ce n'est qu'une solution temporaire. « Je ne compte pas aller jusqu’au dernier étage aujourd’hui. » Même s'il devait y aller, il vaut mieux qu'il évite de le faire. Il a la chance que Saül soit un homme occupé qui a d'autre chose à faire que surveiller ce que font les gamins dans son entreprise - enfin, sauf votre fils bien sûr.
« Deux cafés s’il vous plait. » Tu ne remarques même pas la caissière qui te dévisage. L'habitude, probablement. « Merci » Il prend les deux cafés et en dépose un entre tes mains avant d'aller prendre place sur une table un peu à l'écart des autres. Tu comptais de ton côté poursuivre ton chemin. Il a payé sa dette avec le café, non ? Mais il redresse la tête et élève la voix à nouveau. « Vous êtes venues voir Damon ? » Il te surprend à vouloir poursuivre la conversation. Tu t'attendais plutôt à ce qu'il paie le café et que chacun continue son bout de chemin. Visiblement, il veut poursuivre la conversation. Pourquoi ? Bon, c'est pas comme si t'avais mieux à faire de toute manière. C'est seulement pour ça que tu décides de prendre la place devant lui. Ça et parce que tu te demandes bien ce qu'il veut. Il a un truc à demander ? T'es pas vraiment plus sympa que Saül si c'est ce qu'il pense. Il aurait dû le comprendre aux gros yeux de la caissière tout a l'heure. Et puis, il comprendra bien rapidement que tu n'as aucun pouvoir en ces murs, encore moins depuis le divorce. Pas certaine que Saül apprécie vraiment ta présence dans son lieu de travail. Il n'est pas obligé de tout savoir. « Oui, mais il est plus occupé que prévu. » que tu lui réponds en haussant les épaules. Du coup, ce sera pour une prochaine fois. « Vous êtes sur le même projet ? » que tu lui demandes comme s'il fallait absolument qu'il bosse ensemble pour qu'il connaisse l'existence de Damon. Tout le monde sait qui est Damon. Tout le monde sait qui tu es. Ils n'ont pas besoin de se pencher sur un projet commun pour que le prénom de Damon lui soit familier.
Tu remontes tes manches pour cacher la tache de café dont tu peux encore sentir la chaleur épouser la peau de ton bras. Y’a mieux comme solution, mais c’est la seule qui semble s’offrir à toi pour le moment. Chaque matin, tu te lèves dans l’espoir de pouvoir observer la vue panoramique de Brisbane, celle qu’offre le bureau du grand patron sauf qu’à présent t’as juste envie de rester au rez-de-chaussée pour ne pas avoir à croiser Leckie et Williams. « Je crois pas que ce soit suffisant. » Sa phrase n’a rien de rassurant car tu sais que la femme qui se tient devant toi connait Saül bien mieux que personne. Tu lui offres une grimace pour unique réponse. Y’a qu’à voir les personnes qui déambulent autour de vous pour t’apercevoir que tu fais tâche avec tes manches retroussées jusqu’aux coudes. Ça te donne un air décontracté, ce qui est à l’opposé du code vestimentaire de l’établissement. Heureusement que ta cravate n’a pas été touchée, t’aurais eu le droit à un aller sans retour direction ton logement, le vrai et non pas la maison sur Bayside que t’as inventé de toute pièce. La femme derrière le comptoir fait les gros yeux lorsque vous vous avancez pour commander les cafés, ce qui t’arraches un soupir. Tu tires légèrement sur tes manches et en profite pour lui demander un verre d’eau en plus et quelques serviettes en papier. Avec un peu de chance t’arriveras à faire disparaitre les traces d'éclaboussure puis tant pis pour l’odeur. T’as connu bien pire que ça, comme celle de la bière par exemple ou du rhum, y’a rien de pire que le rhum. La jeune femme pose les deux boissons que tu t’empresses de récupérer après les avoir payé et, sans demander l’avis de l’ex-épouse de monsieur Williams, tu vas t’installer à une table, l’invitant à faire se joindre à toi. Le brouhaha de la cafétéria n’est pas pour te déplaire, plus il y aura de bruit et plus cela rendra votre conversation inaudible pour les autres. C’est pas les commères qui manquent, tu peux déjà sentir le poids de quelques regards et ça t’étonnerait pas qu’une grande partie des employés soient en train de parler de vous, émettant des hypothèses sur le bien-fondé de votre échange. Tu t’en moques, Angus, tout ce que tu veux c’est en apprendre plus sur la mère de Damon, l’ex-femme de Saül alors tu ne mets pas longtemps à poser la question, celle que t’as en tête depuis que tu l'as bousculé par mégarde. « Oui, mais il est plus occupé que prévu. » T’essayes de contenir le rire amer qui cogne contre la barrière de tes lèvres. On t’a toujours dit qu’un mariage avait le pouvoir de changer un homme, tu pensais pas que ça le changerait autant. Depuis quand Damon fait passer sa fiancée avant sa propre famille ? Lui, le fils modèle. Tu sais pas si ça te rassure de savoir que même la femme qui l’a mis au monde n’a pas l’occasion de voir son fils aussi régulièrement qu’avant. D’une certaine manière, ça voudrait dire que t’es pas un cas à part, qu’il n’y a pas que toi qu’il évite. « J’ai appris qu’il allait se marier, vous devez être aux anges. » Et si ces mots pourraient sonner faux dans ta bouche, tu fais en sorte que cela ne soit pas le cas. T’as besoin de savoir si c’est vrai même si au fond de toi, tu sais que ça ne deviendra réel que lorsque la confirmation viendra de son fils et non d'elle. C’est d’ailleurs pour cela que t’appréhendes de le croiser, parce que tu sais que tu pourras pas te retenir de crever l'abcès et que sa réponse ne sera pas celle que tu voudrais entendre. « Vous êtes sur le même projet ? » Un sourire étire tes lèvres que tu finis par cacher derrière le gobelet en carton. « Non, plus maintenant. » Tu ne sais pas vraiment si vous avez déjà eu un projet en commun. Au début, c’est clair que ce n’était pas le cas, vous aimiez surtout vous mettre des bâtons dans les roues, votre spécialité, la tienne plus précisément. Et puis ça a changé, t’as commencé à vouloir l’aider, il a voulu te rendre la pareille et de fil en aiguille la raison de vos rencontres a évolué. Alors non, t’es plus sur le même projet que lui parce que Damon en a décidé autrement, qu’il a balayé votre duo pour se réfugier dans les bras d’une autre. « Vous devez être fière de lui, il est doué dans tout ce qu’il entreprend. » C’est sincère, t’as beau lui en vouloir, tu ne peux pas t’empêcher de le complimenter devant sa mère car tu sais à quel point c’est important pour lui, d’être à la hauteur. « Enfin, c’est ce que j’ai entendu dire. » que tu reprends en haussant les épaules de façon faussement nonchalante.
« J’ai appris qu’il allait se marier, vous devez être aux anges. » Tu as envie de rire très fort. Il fallait s'y attendre qu'un jour ou l'autre quelqu'un finirait par te parler du mariage de ton fils. Tu n'as pas particulièrement envie d'embarquer dans ce mensonge. Tu n'approuveras jamais cette union. Jamais. Tu n'as même pas envie de faire un effort pour préserver ce secret des autres. C'est pas ton combat. Saül ne te dit même pas toute la vérité en plus. Pourquoi tu mentirais sans savoir pourquoi tu mens ? Pourquoi tu aiderais cet homme qui t'a jeter aux oubliettes ? Pour ne pas attirer encore plus d'ennuis à cet enfant qui vous unis encore que vous le vouliez ou non. « Les nouvelles vont vite à ce que je vois. » que tu débutes. Saül doit être bien pressé d'annoncer à tout le monde que son fils hétéro va se marier avec une jolie fille qui rendrait n'importe quel gay hétéro - c'est sûrement ce qu'il cherche à faire, non ? Rendre son fils "normal" aux yeux de tous ? Apparemment, ce n'est pas comme ça que ça marche. Enfin, qu'est-ce que t'en sais ? T'es jamais passé par là. On t'aurait mise sur la potence pour avouer de tels péchés. C'est ce qui arrive à ton fils, tristement. Et tu ne peux rien faire. « Tant qu'il est heureux, je le suis. » que tu ajoutes en prenant une nouvelle gorgée de ce café. Bah, voilà, c'est pas un mensonge ça. Ça veut aussi dire que s'il est malheureux, tu l'es.
« Non, plus maintenant. » Donc, ils l'ont déjà été. Ce jeune homme doit avoir quand même une bonne place au sein de l'entreprise s'il a déjà partagé des projets avec ton fils. Tu imagines mal Saül placé ton fils sur des projets non importants. Non, il doit vouloir que son fils se surpasse et se démarque des autres. Enfin, ce n'est que supposition. Ce n'est pas vraiment le genre de sujet que vous abordez tous deux. Il n'aime pas ça Damon, tu n'es pas idiote. Pas besoin de lui prendre la tête avec ça en dehors des heures de bureau. « Vous devez être fière de lui, il est doué dans tout ce qu’il entreprend. » Oh, ça, ça te fait sourire honnêtement. Ça touche droit au coeur. Bien sûr que tu es fière de lui - un peu trop peut-être. Ça te fait toujours extrêmement plaisir de l'entendre d'une autre bouche que la tienne. Il ne le pense peut-être pas. Il doit sûrement dire ça juste pour te faire plaisir et tu t'en moques, ça marche. « Enfin, c’est ce que j’ai entendu dire. » Ce serait plutôt étonnant qu'il ait entendu autre chose en ces murs. Qui dirait du mal du fils du patron ? « Oui, on est très fiers de lui. » Parce que Saül ne dit jamais qu'il est fier de lui. Il faut bien que tu le fasses pour vous deux.
« Comment tu t'appelles ? » que tu lui demandes par la suite. Il l'a déjà dit ? Non, tu ne penses pas. Sûrement que son prénom ne te dira absolument rien même s'il travaille ici depuis longtemps. Saül ne t'a jamais parlé de ce qui se passe entre les murs de MHI. Même s'il l'aurait, tu ne l'aurais jamais écouté. Tout ce qui t'intéress(ait) ici, c'est le chiffre qui grimpe dans ton compte en banque. « Si tu essaies de gagner des points avec Saül, tu perds ton temps. » Parce qu'il y a quelque chose qui se cache forcément derrière cette conversation "innocente". Il joue pas les gentils avec la bonne femme. Faut voir la version jeune pour ça. C'est elle qu'il écoute maintenant.
« Les nouvelles vont vite à ce que je vois. » Tu acquiesce de la tête, feintant un sourire sans que le cœur ne soit réellement de la partie. Y’a pas un jour où les bruits de couloirs ne sont pas emprunt à un nouveau débat, un nouveau potin dont les employés de la Michael Hills prennent plaisir à faire voyager d’oreilles en oreilles. « Y’a pas de places pour les secrets. » Ni pour les tenues tâchées de café. Pourtant t’as bien réussi à cacher ce qui pourrait être l'un des plus gros scandale de la société. Le fils du patron qui fricote avec son petit poulain, pire encore, le futur héritier d’une entreprise de bijoux de luxe qui flirt avec le premier type bon marché. Tu ne sais pas si Saül a des antécédents cardiovasculaires, mais tu te doutes qu’il manquerait quelques battements de cœur à la révélation d’une telle immondice. Car s’il a l’air de t’apprécier, nul doute qu’il changerait d’avis à ton sujet si jamais il l’apprenait. « Tant qu'il est heureux, je le suis. » Ce que t’aimerais pouvoir en dire autant sauf que t’es égoïste et que t’aurais préféré le savoir heureux avec toi plutôt qu’avec une autre. Non pas qu’il y avait quelque chose de sérieux entre vous, il ne t’a jamais rien promis et t’as jamais fait de plans sur la comète. Néanmoins ça fonctionnait bien, t’avais réussi à trouver un équilibre entre ta vie de boulot et ta vie perso à tel point que t’avais même fini par désinstaller ton application de rencontres. « Il l’est, vous ne trouvez pas ? » Que tu demandes avant de prendre une gorgée de ta boisson. En réalité t’en as aucune idée et c’est bien la raison pour laquelle tu te permets de poser la question. Une demande détournée laissant croire à une constatation, parce que t’as besoin de savoir et qu'au fond t'espères l’entendre te dire qu’il a connu mieux sauf que t’es pas con, que t’as vu le sourire qu’il peut avoir quand il est avec, tu l’as vu rayonner sur cette photo postée sur l’instagram de sa fiancée.
Elle te demande si t’as déjà bossé avec lui, une question anodine qui provoque en toi un sentiment de nostalgie. Une époque révolue sur laquelle tu n’as pas d’autres choix que celui de tirer un trait. Un trait épais au stylo plume plus qu’à l’indélébile, parce que tu gardes toujours espoir qu’un jour, vous arriverez à passer au-dessus de cette nouvelle et que vous retrouverez, peut-être, cette complicité d’antan. « Oui, on est très fiers de lui. » Ça te fait sourire, même si t’aimerais qu’il soit là pour pouvoir l’entendre de vive voix. Tu connais rien de la femme qui se tient devant toi, mais tu sais combien son ex-mari peut se montrer avare de compliments surtout lorsqu’il est question de Damon. « Comment tu t'appelles ? » T’hésites un instant, tu sais pas ce qui serait le plus profitable pour toi : donner ta vraie identité ou emprunter le nom d’un de tes collègues pour pouvoir la questionner de façon un peu plus indiscrète sans avoir à en payer les pots cassés. « Angus » que tu réponds préférant jouer la carte de la sincérité, pour cette fois. Tu ne penses pas que Saül ait pu mentionner ton nom, t’as beau rêver de grandeur, tu sais pertinemment qu’à ses yeux, tu fais encore et toujours partie du petit peuple. « Si tu essaies de gagner des points avec Saül, tu perds ton temps. » T’arques un sourcil à ses dires. « Comment ça ? » Des points, t’en as marqué depuis que t’es arrivé surtout lorsque tu lui as présenté ton dossier, celui sur lequel tu avais bûché et qui énonçait toutes les mauvaises intentions de Spencer quant à la réussite de l’entreprise. « Vous auriez des conseils à me donner ? » Tes yeux viennent rencontrer ceux de la femme dans l'espoir qu'elle puisse te donner quelques astuces pour t'aider à faire tes preuves.
« Y’a pas de places pour les secrets. » Y'a toujours une place pour les secrets. Il suffit de savoir bien les garder là est toute la différence. Ce mariage ne se serait pas ébruiter si Saül n'aurait pas voulu qu'il s'ébruite. Les secrets, c'est sa spécialité. C'est la tienne aussi. C'est ce qui vous a tenu unis et debout pendant plus de vingt ans. C'est aussi ce qui vous a déchiré à la toute fin. Tu t'avances vers le jeune homme, viens poser tes avant-bras contre la table. « C'est peut-être parce que c'était pas un secret. » que tu lui réponds histoire de clarifier les choses. Qu'il ne vienne pas penser (ou se réjouir va savoir) qu'il a découvert ce qu'il ne fallait pas. « Il l’est, vous ne trouvez pas ? » Dans ton fort intérieur, tu ris très fort. Damon n'a jamais été aussi malheureux qu'il l'est en ce moment. Il cumule les mauvaises surprises depuis le temps des fêtes. C'est à croire que le sort s'acharne sur lui - le sort ou son père, c'est selon. Tu ne sais même pas comment tu fais pour arriver à sourire plutôt que de lever les yeux au ciel, exaspéré. « Oui, il l'est. » Qui ne le serait pas avec une fille aussi jolie pour partager sa vie ? C'est sûrement ce que s'est dit Saül en la choisissant. Tristement pour lui, son fils n'est pas intéressé et bien moins superficiel qu'il peut l'être. Ta réponse est toutefois courte et concise. Ce n'est pas un sujet dont tu as particulièrement envie de t'étendre. Tu oses espéré que le jeune homme devant toi n'insiste pas davantage.
« Angus » Il connaissait ton prénom et tu connais désormais le sien. Ça ne te dit absolument rien. Ce n'est pas étonnant non plus. Tu vas sûrement l'oublier à la seconde où tu quitteras cette table de toute manière. Dommage que tu ignores complètement que tu devrais l'écouter davantage, que tu devrais retenir son prénom, remarquer ce qu'il dégage. Comment pourrais-tu savoir ? « Comment ça ? » Par où commencer ? « Il n'écoute personne d'autre que lui. » Il n'en a que faire des bons mots que tu pourrais dire sur quelqu'un. Il y a un temps où il faisait confiance en ton jugement. Ce temps est révolu depuis longtemps, depuis qu'une rousse tumultueuse occupe sa vie. « J'crois pas t'apprendre quelque chose. » Peu importe depuis combien de temps il bosse au sein de l'entreprise, il n'est pas nécessaire de côtoyer Saül bien longtemps pour le savoir. « Vous auriez des conseils à me donner ? » qu'il renchérit. Donc, tout ça, c'est vraiment juste pour avoir des conseils et astuces pour grimper les échelles ? C'était voulu aussi de tâcher sa chemise au passage ? Dommage collatéraux probablement. Ferme ta gueule et fais ce qu'il te dit sans poser de questions, serait probablement le meilleur conseil que tu pourrais lui donner. « Pourquoi je ferais ça ? » Pourquoi tu donnerais ses conseils à lui et pas à n'importe qui d'autre ?
« C'est peut-être parce que c'était pas un secret. » Tu fronces les sourcils, pas certain de comprendre le sens de la phrase qu’elle vient de prononcer car si cela n’était pas un secret, pourquoi Damon aurait-il pris soin de ne pas t’en faire part ? Sauf si elle fait mention d’une autre personne. « Si vous faites une différence entre quelque chose que l’on ne veut pas ébruiter et un secret, alors oui peut-être que cela n’en était pas un en effet. » Tu te racles la gorge avant d’occuper tes lèvres avec la paroi du gobelet pour éviter d’en dire trop, car la vérité c’est que t’es loin d’être d’accord avec la femme qui se tient devant toi. Si elle préfère jouer avec les mots, t’es plus du genre à appeler un chat un chat. C’était un secret et qui plus est un secret bien gardé parce que t’as rien vu venir, toi qui est toujours sur le qui-vive. Tu t’es fait berner par des instants privilégiés avec le fils de ton patron à tel point que t’en as oublié de te méfier car si le mariage n’était pas un secret, sa relation avec la blonde l’a longtemps été. « Oui, il l'est. » Sa réponse n’est pas celle que t’aurais aimé entendre. T’essayes néanmoins de garder un semblant de sourire sur ton faciès alors que tu peux sentir des relents de jalousie se mêler à ceux de la caféine. T’aimerais être heureux pour lui et tu finiras peut-être par l’être un jour, mais pas maintenant, pas tout de suite. Tes doigts viennent jouer avec le gobelet alors que tu te perds une nouvelle fois à le chercher du regard. Le sujet dérive sur son ex-mari, ton patron où l’homme qui dirige cet empire. Le seul qui arrive à mêler haine et admiration depuis que t’as commencé à fricoter avec sa progéniture. « Il n'écoute personne d'autre que lui. » Tu te retiens d’hocher la tête pour appuyer ses propos. Quand il a une idée en tête, il ne l’a pas autre part. « J'crois pas t'apprendre quelque chose. » Tu ris pour simple et unique réponse. Il faut croire que ça marche et parfois t’aimerais avoir les couilles d’en faire autant. Tu voudrais pouvoir penser un peu plus à toi et non aux conséquences que pourraient avoir certaines de tes actions sur ton cocon familial sauf que c’est un luxe que tu ne pourras jamais te payer alors tu restes bien sagement dans les rangs comme le petit employé modèle qu’on te demande d’être. « C’est aussi ce qui fait sa force. » C’est pas toi qui pourrais lui reprocher de ne se fier qu’à son instinct, la seule fois où tu t’es laissé aller, t’as fini par te faire baiser et ce, dans tous les sens du terme. « Ce que je veux dire c’est que ça peut être une qualité tout comme cela peut vite devenir un défaut. » Et ça l’est, lorsqu’il s’agit de ne pas vouloir entendre toutes ces choses que son fils tente de lui faire comprendre. Ça l’est aussi quand il pense que, sous prétexte d’avoir donné la vie, il se doit de contrôler le moindre de ses faits et gestes et c’est ce que tu détestes le plus chez cet homme. Le seul point, la seule faille qui vient souiller toute l’admiration que tu peux avoir à son sujet. « Pourquoi je ferais ça ? » Pourquoi pas ? Tu hausses les épaules, à bien y réfléchir t’es pas certain qu’elle soit la mieux placée pour te venir en aide. « Vous n’êtes pas obligé de le faire, c’est juste que je risque de perdre des points à cause de la tâche de café et j’aimerais savoir comment en gagner pour pouvoir compenser ma perte. » C’est pas faux, ce n’est pas totalement vrai non plus. Tu sais pertinemment que t’as la chance d’avoir quelques points d’avance et qu’il te suffirait de faire quelques heures supplémentaires pour que cet incident vestimentaire soit oublié. « Je ne vais pas vous embêter plus longtemps. » Que tu dis en finissant de boire les quelques gorgées qu'il te reste de ta boisson chaude. Tu te lèves, rajuste la veste de ton costard pour cacher la tâche qui trône encore sur la manche de ta chemise. « Prenez-soin de Damon. » que tu ajoutes sans lui laisser le temps de répondre. Tu te perds rapidement dans la foule, parmi les différents employés de cette géante fourmilière.