Il ne tient plus en place. Cintré dans son costume noir, noeud pap' et boutons de manchettes assortis, Jackson vérifie que le fond de teint emprunté à Louisa fait toujours office de camouflage. Il faut y regarder de prés pour deviner sa cicatrice sous la couche uniforme de maquillage. Uniforme, c'est définitivement le thème de la soirée. Après avoir réajusté son col de chemise, Mills se dirige vers la porte qu'il referme derrière lui non sans poser sur son appartement bordélique un regard pénétrant. Dans quelques heures, peut-être repassera-t-il le pas de cette porte avec du sang sur les mains ...
Dans le taxi le conduisant au point de rendez-vous, l'agent prend soin d'éteindre son téléphone portable. Objectif de la soirée : se faire le plus discret possible, ne laisser aucune trace. Depuis qu'il voit Néo vaincre des systèmes informatiques militaires comme s'il s'agissait de boss de jeux vidéos, Jax se méfie de toute technologie et plus particulièrement de celles à géolocalisation intégrée. C'est d'ailleurs à l'ancienne - par courrier papier - qu'il a intimé à Anwar de le rejoindre au Casino. Une date, une heure, un code vestimentaire et la lettre '' J. '' en guise de signature ; le tout déposé dans sa boîte aux lettres une semaine auparavant. Après des mois d'enquête, de fouilles, de planques et d'analyses de données, pas besoin de lui faire un dessin pour être certain que Zehri comprenne : la cible est dans le viseur et c'est ce soir que le coup part.
Le coup. Ils n'en ont pas parlé, ont même pour ainsi dire soigneusement évité le sujet afin de ne pas mettre leur morale respectives en porte-à-faux : qu'adviendra-t-il du lieutenant colonel Preston Hoover une fois ce dernier confronté aux conséquences de ses actes ? Car, depuis plus d'un mois, Mills dispose de la preuve que l'ordre de balayer les traces de sa tentative d'assassinat venait de l'officier gradé et - si ladite preuve n'est malheureusement pas recevable car étant le fruit d'un espionnage qu'un juge corrompu par le ministère aurait tôt fait de qualifier de terroriste - Jackson, lui, compte bien obtenir justice. Vide de souvenirs mais pleine de colère, sa tête de mule n'a de parfaitement calme que l'apparence qu'il veut bien lui donner lorsqu'il demande au taxi de le déposer à deux blocs du Casino.
C'est au coin d'une rue choisie car elle ne dispose d'aucune caméra de surveillance que Jax attend Anwar les mains dans les poches, jouant avec les badges d'employés que le PSI est parvenu à leur falsifier pour l'occasion. Dans l'obscurité de ce début de soirée, Mills tâche d'oublier le regard perçant de Widow lorsque cette dernière, en lui remettant les faux et probablement motivée par les intuitions toujours fondées de Sparrow, lui fit une remarque dont il peine à se détacher : '' Vivre et laisser mourir. ''
Que voulait-elle dire, au juste ?
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Dernière édition par Jackson Mills le Mar 7 Déc 2021 - 4:57, édité 1 fois
La science. Elle s’insinuait dans chaque aspect de la vie même les plus insoupçonnables, et même lorsque comme Anwar on s’était fâché avec les matières scientifiques assez tôt dans sa scolarité. Tout le contraire de Stephanie Kwolek, en somme, et aux quatre coins du monde pourtant des policiers patrouillaient plus en sécurité grâce à cette pointure de la chimie et son invention révolutionnaire : le kevlar. Il n’était pas invincible, tout avait une faille et il n’avait pas suffi à épargner la vie de Frank, mais de le sentir en couche supplémentaire entre le coton de son Marcel et celui de sa chemise l’inspecteur Zehri se sentait un peu plus en maîtrise de ce dans quoi il était sur le point de s’embarquer – et un peu moins dans la sensation qu’il partait pour une mission-suicide. Mills était un bon gars, s’ils sortaient tous les deux indemnes de cette soirée peut-être envisagerait-il même sérieusement de s’en faire un ami, mais Anwar n’entendait pas pour autant se fier à sa seule intuition pour espérer s’en sortir sans trop de casse … Alors kevlar ce serait. Et la promesse faite à lui-même de ne pas laisser le désir de vengeance de Jax l’influencer au point de les mettre tous les deux en danger : Anwar surveillerait les arrières de son collègue comme on lui avait appris à le faire, mais Anwar était aussi un père de famille qui n’allait pas au casse-pipe à l’aveuglette.
« Continue, j’apprécie beaucoup te regarder te débattre avec ça en mangeant mes chips. » Les coudes posés sur l’îlot de la cuisine, Maze l’observait avec curiosité – et un brin d’amusement – tandis qu’il tentait dans un succès plus que relatif de nouer convenablement son nœud papillon. « C’est bon, je laisse tomber, il sera de travers. » avait de son côté bougonné le policier d’un ton mauvais, arrachant à sa colocataire un soupir appuyé. « Allez viens là, laisse faire une professionnelle. » Traînant les pieds de mauvaise grâce tel un adolescent, le brun s’était néanmoins laissé faire sans broncher – Maze était effectivement une professionnelle. « Je savais bien que vivre avec une organisatrice de mariage me serait utile un jour. Quand est-ce que tu ramènes des échantillons de pièce montée, d’ailleurs ? » Le beurre et l’argent du beurre, une allégorie. Renouant et réajustant correctement le nœud de la bête, la brune en étant venue à bout et avait rétorqué d’un ton narquois « Un avantage à la fois, Monsieur Bond. » Dans le miroir de l’entrée Anwar avait croisé son propre reflet avec satisfaction : il se sentait toujours déguisé, mais au moins il ne donnait plus l’impression d’avoir emprunté le nœud papillon de son oncle. « Que ferais-je sans vous, Miss Moneypenny ? » – « Cinquante pour cent rien. Et les cinquante restant, rien mais en bleu. » Malgré le mauvais pressentiment qui ne le lâchait pas elle était parvenue à lui arracher un rire … Et rien que pour cela elle méritait bien qu’il ne cherche pas à la contredire. Pas même lorsque, au moment de passer la porte pour quitter l’appartement, elle avait encore lancé « Tu sais ce qui irait encore mieux avec ta tenue d’agent secret ? Des cheveux blonds. » Ah. Ah. Il n’aurait jamais dû lui confier que ses cheveux blonds lui manquaient. Un peu. (Beaucoup).
Le costume de pingouin et le nœud papillon : check. Pour le reste, et parce qu’il était encore capable de faire confiance à son libre arbitre, Anwar avait dérogé à la suggestion de son collègue de ramener ses fesses en taxi : et s’ils avaient besoin de repartir en vitesse, comment feraient-ils ? Du stop ? Alors que les talents de Zehri pour la conduite « sportive » n’étaient plus à faire … Non, hors de question de les en priver. Garé dans une rue parallèle, à distance respectable mais raisonnable, il avait grimacé à l’idée de payer le parcmètre tout en sachant que ce soir n’était pas le meilleur soir pour laisser trace d’une contravention, ou pire pour que sa vieille (mais robuste) Ford soit embarquée par la fourrière. Avec ses lumières criardes et sa façade aux vitres teintées, l’Octopus avait tout de l’établissement ouvert depuis peu et qui tentait d’attirer l’attention : un choix dont Anwar n’entendait pas discuter la stratégie, mais dont la pertinence le laissait dubitatif. Aussi dubitatif que son expression lorsqu’enfin il avait rejoint Jax quelques rues plus loin et observé leurs reflets respectifs dans la vitre du véhicule le plus proche « Alors c’est ça, l’effet que font dix centimètres de plus sur un homme ? Tu ressembles à Jason Bourne et moi à un serveur engagé pour servir le champagne à une Bar-mitzva. » Vie et tracas d’un homme dépassant à peine le mètre soixante-dix, par Anwar Zehri.
Le trait de plaisanterie ne durant qu’un court instant, l’inspecteur avait retrouvé son sérieux assez vite et reposé sur son acolyte un regard en conséquence. Il espérait bien obtenir de plus amples informations quant à ce qui les amenait ici ce soir – il en avait une vague idée bien sûr, mais il lui manquait les détails, les traits pour relier les points. Ceux qu’ils avaient déduits à deux, et ceux qu’Anwar pensait avoir décelé de son côté. « Tu me briefes ? J’suppose qu’on n’est pas là parce que tu avais besoin d’un partenaire de poker ? J’suis plutôt Blackjack, de toute façon. » Là seulement son regard avait-il été attiré par les deux badges que Mills tenait à la main, et tendant la sienne pour en attraper un il avait arqué un sourcil – et pas uniquement parce que la personne qui l’avait imprimé avait utilisé ce qui semblait être l’une des photos les moins flatteuses qu’il existait de lui. « T’es vraiment sûr que c’est une bonne idée … ? Ce truc vient d’ouvrir, ça sera grillé à mille kilomètres qu’on n’est pas de la maison, les employés doivent tous se connaître et les patrons veiller au grain. » À se demander si la personne qui avait imprimé ces badges – et peut-être soufflé cette brillante idée – avait véritablement leurs intérêts à cœur.
Des bruits de pas. Jackson tourne les talons. Bien que rien n'y paraisse, le rythme de sa pulsation cardiaque fait une embardée, preuve s'il en faut que tous ses capteurs sont sur le qui-vive en cette nuit aussi noire que celle dont sa mémoire peine à se décrotter. Le simple fait de savoir qu'une confrontation avec l'un des responsables de son accident s'en vient suffit à rendre plus clairs que jamais les maigres souvenirs dont Mills dispose. Ce soir là aussi il avait entendu des bruits de pas dans son dos ... avant de comprendre qu'il était nécessaire de courir pour sauver sa vie.
- Tu sais ce qu'on dit : c'est pas la taille qui compte. Mills accompagne sa réplique d'une tape amicale sur l'épaule de Zehri. N'en déplaise à ses mauvaises habitudes de repli sur soi et de solitude paranoïaque, Jax est content de se savoir en équipe avec Anwar pour cette mission. Ni Poker, ni Blackjack ... Reprend-il après que le policier lui ait demandé plus d'informations concernant leurs objectifs de la soirée, ... ce soir, on joue à cache-cache. Faux noms, faux badges et apparences trompeuses : de quoi tester leurs capacités à bluffer, mentir et manipuler. Tu parles d'un terreau fertile aux suspicions ! Mills ne s'étonne d'ailleurs pas qu'Anwar émette des réserves. Pour toute réponse, il se contente de hausser les épaules et de se tourner en direction du Casino. Là-bas, au loin, transperçant le ciel, les lumières de l'édifice ne demandent qu'à attirer les papillons pour les brûler de leurs rayons aveuglants.
- Soirée privée. Récite-t-il, choisissant de faire confiance au PSI et aux informations transmises par ses plus proches confrères plutôt que de céder aux doutes pourtant légitimes de Zheri. S'en suit le résumé clair et précis des détails connus à ce jour ; comme le fait que les seuls employés du casino retenus pour animer les jeux sont les croupiers, que la sécurité incombe à l'organisateur de l'évènement ou encore que le service traiteur est assuré par une entreprise externe (dont leurs badges portent le logo). En fin de phrase, Jackson sort un petit flacon de sa poche. Champagne et laxatif. Une valeur sûre. La Bar-mitzva finira dans les toilettes pour Preston Hoover, du moins si tout se déroule comme prévu. C'est là qu'il souhaite lui tomber dessus, l'assomer et l'extraire de la soirée pour un petit entretien de courtoisie. Sans plus attendre, Jackson fait signe à Zheri de le suivre. Les dernières misent au point pourront se faire sur la route.
Arrivés devant l'édifice, Mills contourne la file d'attente pour se diriger vers l'entrée du personnel. Son visage impassible ne laisse rien paraître, il interdit son regard de chercher sauvagement après la silhouette de la cible et se contente de montrer patte blanche au vigile. On les laisse entrer. Couloirs, vestiaires, cuisine, interpellation : Vous là ! Un homme guindé, au front dégarni par les tourments, les pointes du doigt. Ca manque de petits fours à la roulette, bougez-vous ! Mills arque un sourcil en direction d'Anwar. Pour toute autre personne que le policier - et particulièrement pour ce vieux con malpoli - , il serait impossible de deviner ce que Mills pense. Mais pour Zheri l'ayant fréquenté des semaines durant, c'est très facile d'entendre le '' Va chier, connard. '' que Jackson retient derrière la barrière de ses lèvres pincées.
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Dernière édition par Jackson Mills le Sam 2 Oct 2021 - 8:13, édité 2 fois
Malgré le critique de la situation Mills n'avait pas perdu son sens de l'humour – tout n'était donc pas perdu. Pour autant, à la manière dont il avait fait volte-face en entendant Anwar arriver on devinait sans mal la nervosité qui habitait l'agent fédéral. L’inspecteur le comprenait sans mal : même sans avoir encore toutes les informations nécessaires en sa possession, il avait compris que Jax jouait son va-tout ce soir-là ‒ ils n’avaient pas le droit à l’erreur. Le « Tu sais ce qu'on dit : c'est pas la taille qui compte. » leur arrachant à tous les deux un sourire amusé, ils avaient donc rapidement retrouvé le sérieux de circonstance, quoique le ton sur lequel son collègue avait corrigé « Ni Poker, ni Blackjack … ce soir, on joue à cache-cache. » avait laissé Anwar un brin circonspect. Jouer à cache-cache n’était drôle qu’avec la ribambelle d’enfants qui gravitaient dans son cercle personnel, voire sur le terrain d’une partie d’airsoft … Et il n’était ici question ni de l’un, ni de l’autre. Au lieu de cela, l’agent fédéral lui avait tendu ce qui serait leur couverture pour la soirée, des badges tout juste bons à prendre sa remarque sur le serveur de Bar-mitzva au pied de la lettre. « Soirée privée. » avait aussitôt indiqué l’acolyte face aux doutes légitimes du policier, lequel avait machinalement commenté « Que du gros poisson, donc. » avec neutralité, mais tout en se notant à lui-même qu’il ne s’agissait probablement pas d’une bonne nouvelle … Le casino aurait moins eu des airs de panier de crabes s’il avait fait la part belle aux retraité.e.s passant leurs après-midis le postérieur vissé sur le tabouret de la même machine à sous.
Laissant Mills lui faire un topo plus détaillé du quand et du comment, il n’avait pas cherché à l’interrompre et avait à peine grimacé lorsque ce dernier avait joint le geste à la parole en fouillant dans la poche de sa veste au moment d’indiquer « Champagne et laxatif. Une valeur sûre. » Quelqu’un allait assurément regretter de ne pas avoir opté pour une soirée plateau-TV dans le confort de son salon. « Je ne veux même pas savoir à quel moment dans ta carrière ce genre de pratiques est devenu “une valeur sûre”. » n’avait-il pu s’empêcher de faire remarquer avec ironie, se saisissant enfin du second badge. Rahul Singh, équivalent à un John Smith en termes d’originalité, et qui sentait bon la confusion encore faite entre Inde et Pakistan ‒ mais soit, il saurait s’en contenter pour cette fois-ci. « Let’s go. » Ils avaient suffisamment pris racine à l’extérieur du bâtiment, et plus vite ils entreraient plus vite ils ressortiraient (du moins il fallait l’espérer).
Après un passage devant le vigile qui s’était déroulé sans anicroche, les deux hommes avaient suivi les coursives réservées aux employés du bâtiment et atterrit dans les cuisines, où les fourneaux étaient à l’arrêt et l’intégralité de la nourriture déjà disposée sur des dizaines de plateaux ; Preuve que l’Octopus ne servait ce soir-là que de vitrine. « Vous là ! » Plait-il ? « Ça manque de petits fours à la roulette, bougez-vous ! » Cela manquait aussi diablement de politesse, à première vue, mais serrant la mâchoire au même titre que Jax Anwar avait attrapé le premier plateau à sa portée et s’était fendu d’un « Noté. » dont l’intonation lui avait rappelé celle de son oncle lorsqu’il agissait par obligation. L’un derrière l’autre avec leurs plateaux, les deux hommes étaient remontés jusqu’à la salle de la réception, et sur le point d’y pénétrer Anwar s’était penché vers son acolyte « Repère le bonhomme et laisse-moi me charger du champagne. T’auras qu’à me faire signe. » Mieux valait pour Mills qu’il ne se fasse pas repérer trop vite ; Il aurait tout le temps de dire bonjour à leur gros poisson une fois coincé entre les deux parois des chiottes.
Se séparant chacun vers un côté de la salle, l’inspecteur avait offert le sourire de rigueur et proposé son plateau à quelques convives, sans faire trop de zèle mais avec suffisamment de bonne volonté pour ne pas attirer l’attention. A la première occasion néanmoins il avait déposé ses petits fours sur un coin de table et subtilisé le plateau sur lequel traînaient encore deux coupes de champagne ‒ mais une serait amplement suffisante. Du coin de l’oeil il suivait la progression de Mills, de l’autre il agrémentait le verre de pétillant d’une partie du produit confié par son collègue. Un peu de patience (ce qui n’était pas vraiment son fort) et d’observation plus tard, Zehri avait compris le signal et fendu la foule en direction du groupe au milieu duquel Preston Hoover faisait le show en riant à gorge déployée « Champagne ? » S’en saisissant sans un merci, l’homme avait continué son anecdote en donnant l’air de s’écouter parler tandis qu’à l’autre bout de la pièce Jax disparaissait en direction des toilettes. Tout se déroulait comme prévu, à moins que …
C'EST DEDE QUI DECIDE:
WIN. Entre deux rires gras Preston Hoover avale presque cul-sec son verre de champagne. Jackson n’allait pas tarder à recevoir de la visite, et Anwar se joindrait volontiers à la contre-soirée au milieu des pissotières.
SO CLOSE. Preston Hoover ne semble pas pressé de boire son verre, tout content qu’il est d’abreuver l’assistance de ses exploits. Patience, patience …
FAIL. C’est bien leur veine, le bonhomme semble pris d’une galanterie soudaine : le verre passe d’une main à l’autre et termine dans le gosier de la femme située à sa gauche. Second essai ou changement de stratégie, il va falloir redoubler d’efforts.
LE DESTIN
l'omniscient
ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31444 POINTS : 250
TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris.AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014
« Repère le bonhomme et laisse-moi me charger du champagne. T’auras qu’à me faire signe. »
Mills approuve d'un hochement de tête, plateau à la main, le regard dors et déjà braqué sur la salle de réception. A cet instant précis, ses iris n'ont rien à envier aux lunettes de sniper à travers lesquelles ses nombreuses heures de pratiques au stand de tire du MOSC lui ont appris à tirer. Bandé comme un arc, il fend la foule sans se soucier des appels silencieux du regard que lui lancent les convives endimanchés et ne s'arrête pour servir que ceux ayant le courage de manifester verbalement leur désir de piocher dans la ribambelle de canapés qu'il promène. Le caractère mondain de la réception ainsi que la superficialité des conversations qui s'y tiennent lui hérisse le poil. Rongé par la rancœur et concentré sur la gestion de sa colère, Jax ne ressent que mépris et dégoût à l'égard des invités. Qu'il le veuille ou non, son orgueil prend le dessus sur sa raison et met dans le même panier toutes les personnes ici présentes, surtout celles entourant Hoover qu'il repère, là bas, à côté des tables de blackjack.
À la vue de celui qu'il considère comme coupable avant même qu'il n'ait été jugé, Mills serre les dents. Son sang ne fait qu'un tour mais l'agent s'oblige à rester calme. Une profonde inspiration plus tard, le voilà qui capte le regard de Zehri pour lui indiquer discrètement la position de la cible. De loin, il observe son complice naviguer à travers les eaux troubles du gratin Brisbanais puis tourne le dos à la salle afin de se rendre aux toilettes.
Le piège est déjà calibré dans l'esprit du boxeur encore imprégné des plans du bâtiment fournis par Néo. Arrivé sur place, Mills condamne deux des trois cabines individuelles que propose la salle de bain afin de s'assurer que leur victime s'isole dans la dernière qui est aussi la plus éloignée de la porte d'entrée et la plus proche de celle du local de service, là où sont entreposés le PQ et le détergeant. D'un geste méthodique, il s'arrange pour que le souffleur d'air destiné à sécher les mains des utilisateurs après qu'ils se les soient lavées reste allumé. Quelqu'un pris d'une envie pressente n'y prêtera définitivement pas attention en entrant mais ce bruit de fond sera un allié appréciable au moment de chopper ce fils de pute. Avec sa grande gueule, Mills ne doute pas que Preston Hoover tentera de crier à l'aide. C'est pourquoi il serre le poing et s'imagine déjà lui déboîter la mâchoire, histoire de couper court à toute impertinence vocale de la part du captif.
Coup d'œil à sa montre. Cinq minutes. Mills sait qu'il en faut une dizaine au produit pour faire effet. Alors il se place en embuscade derrière la porte de la cabine volontairement laissée ouverte pour lui servir de bouclier. L'espace alloué aux chiottes témoigne des moyens dont dispose l'établissement afin de faire se sentir les hôtes comme dans un palace. Anwar et lui n'aurons pas besoin de se tasser pour tenir à trois dans la cabine dont les murs carrelés ne laissent d'interstices ni au plafond, ni au sol. La cage parfaite pour un combat de coqs, se fait-il la réflexion tout en dénouant son nœud papillon qu'il place en bandage autour de sa main droite, là où les jointures blanchissent déjà de gourmandise.
Soudain, la porte de la salle de bain s'ouvre sur la rythmique d'une foulée précipitée. Mills s'immobilise, devinant à l'oreille les tapes compulsives des paumes de Hoover contre les battants des cabines voisines. Pas le temps de chercher à les ouvrir, évidemment. Lorsque le lieutenant colonel passe la porte derrière laquelle il se cache, Jax se retrouve confronté à la vision de son cul de blanc bec déculotté et prêt à plonger sur la cuvette. Pantalon aux chevilles, le haut gradé ne réalise pas qu'une ombre se cache dans l'angle mort de ce sanctuaire aseptisé. Au moment de comprendre, il est déjà trop tard : Jackson lui assène le crochet le plus violent de toute sa carrière de combattant.
Anwar le savait, sur ses épaules reposait ce soir-là le poids d'une double mission : apporter son concours fraternel à un collègue qu'il estimait, mais s'assurer également que le dit collègue ne franchissait pas la ligne blanche qui ferait passer sa quête de justice pour une vendetta criminelle dont il ressortirait grand perdant. Jackson avait besoin de réponses, Jackson avait besoin de vengeance – et cela Anwar le comprenait, mais son objectif à lui était que justice se fasse sans que le sang ne coule à flots. La nervosité dont il se sentait envahi tandis que son acolyte disparaissait en direction des commodités n'était donc pas tant dans le fait d'enclencher la première partie du plan (il avait jadis eu des emplois bien moins gratifiants que de servir le champagne à des noceurs en nœud papillon), mais dans la certitude qu'une fois leur trio isolé au milieu des pissotières il lui faudrait surveiller à la fois les arrières et les réflexes de Mills.
« Champagne ? » Comme tout coq de basse-cour qui se respectait, l’homme s’était emparé du verre sans un merci, et surtout sans un regard – ce qui n’était pas pour déplaire à Anwar, qui en retrait de quelques pas observait la réaction du bonhomme en rasant les murs. Les quelques minutes d’attente avaient semblé durer des heures, mais enfin Hoover avait semblé faire preuve d’inconfort, grimaçant en se dandinant d’un pied sur l’autre pour finalement prendre brusquement congé de son audience, arrachant à l’inspecteur un sourire narquois. « On ne passe plus une si bonne soirée, tout d’un coup. » Abandonnant son plateau vide sur une table, il avait tourné encore quelques instants dans les environs pour ne pas donner l’impression de se précipiter où que ce soit, et prendre lui aussi la direction des toilettes en croisant mentalement les doigts que Jax ne soit pas déjà en train de faire une connerie.
Au premier coup d'œil, le bruit du sèche-main était la seule chose qui sortait de l’ordinaire. Mais en tendant l’oreille on entendait les protestations et le gémissement étouffé émanant de la dernière cabine – et pas le genre qui résultait d’un transit difficile, quoique pour quelqu’un de totalement étranger à la situation l’illusion pouvait peut-être se faire. Par acquis de conscience, l’inspecteur avait ouvert l’un des deux robinets et vérifié dans la poche intérieure de sa veste que le téléphone était bien à sa place. Puis il avait débarqué à son tour dans la cabine normalement réservée aux personnes à mobilité réduite ; Plus spacieuse, malin. « Appelezlasécurité ! » avait aussitôt couiné Hoover à son intention, le pantalon sur les genoux et une main essuyant fébrilement le sang qui coulait de son nez et sa mâchoire. « Un grand gaillard comme vous, besoin d’un gorille pour venir le défendre ? Allons. » Comprenant qu’il n’obtiendrait aucune aide du nouvel arrivant, le militaire avait reporté son attention sur un Jackson qui fulminait et s’en cachait à peine.
« On n’a pas toute la soirée. » avait alors fait remarquer l’inspecteur à son collègue, d’un ton artificiellement neutre qui compensait (un peu) le regard sévère. C’est pas le moment de perdre les pédales, mate. « Tout ça va vous coûter très cher ! » Il parlait beaucoup, pour un type dont les intestins refusaient de coopérer. « J’crois pas que vous soyez en position de négocier, Colonel. » Quant à Jax, Anwar lui serait fort gré de négocier autrement qu’avec ses poings s’il espérait avoir des réponses à ses questions – Hoover risquait d’être moins bavard s’il crachait la moitié de ses dents sur le carrelage. Le brun comprenait en tout cas mieux la description que Riley lui en avait faite, lorsqu’il avait l’air de rien tenté de grappiller quelques informations au sujet du gradé ; Elle n’avait pas été tendre, mais comme avec tous ceux qui sous-entendaient qu’elle, comme toutes les “bonnes femmes”, n’avait pas sa place sur une base militaire. À l’évidence sa misogynie crasse n’était pas le seul défaut du bonhomme, et faire éliminer les éléments qu’il estimait dérangeants était une autre corde à son arc – Mills était bien placé pour le savoir.
La décharge d'adrénaline provoquée par la frappe excite le rythme de sa pulsation cardiaque. Pris d'une bouffée de chaleur, Mills lève à nouveau le poing et vise cette fois-ci le nez de sa victime. En position de faiblesse, désarçonné par l'effet de surprise et encore étourdi du premier crochet, Hoover encaisse sans même jouir du privilège de répliquer. Un flan que seul le dossier du chiotte empêche de s'affaisser, voilà ce a quoi cette raclure se résume lorsque la porte s'ouvre à nouveau sur la silhouette de Zehri. Comme c'était à prévoir, le gradé appelle à l'aide et Mills se satisfait d'entendre son complice tourner en ridicule la complainte faiblarde émanant de sa bouche ensanglantée.
« On n’a pas toute la soirée. » Si la raison de Jackson partage l'avis d'Anwar, ses émotions l'empêchent de répondre autrement qu'à l'identique au regard dur que lui lance l'inspecteur. Pas toute la soirée, certes, mais il prendra le temps qu'il faut pour faire regretter à ce connard de l'avoir laissé pour mort, exécuté comme un chien qu'on abandonne sur le trottoir. « Tout ça va vous coûter très cher ! » L'attention de Mills bifurque en direction de Hoover dont le visage tuméfié ne parvient pas à cacher l'air condescendant. Même le sphincter anal capricieux et le pantalon sur les chevilles, ce sale type arrive encore à s'imaginer plus malin qu'eux. Ce comportement a le don de faire monter en flèche la tension artérielle de Jackson qui, d'un geste brusque, s'empare du col du colonel pour le forcer à se redresser. Qu'importe de l'étrangler au passage parce que sa cravate est trop serrée autour de sa pomme d'Adam. Anwar a parfaitement raison : ce salaud n’est pas en position de négocier et Mills compte le lui faire comprendre, quels que soient les moyens à utiliser pour y parvenir.
- Écoute moi bien, salopard, c'est à toi que ça va coûter cher si tu ne nous dis pas ce qu'on est venu entendre. Menace-t-il à quelques centimètres de son visage répugnant, comme pour être certain de ne jamais oublier sa sale gueule de ripou.
De sa main libre, Jax extrait de sa poche une poignée de photographies représentants une adolescente d'une quinzaine d'années tout au plus, accompagnées de celles d'une fillette dont les couettes et les dents manquantes laissent supposer qu'elle n'a pas encore quitté l'école primaire. Toutes deux sont immortalisées dans différentes actions de la vie quotidienne : à la sortie du lycée, au parc de jeu ou dans les rayons d'une épicerie à travers lesquels la première pousse la deuxième assise dans un caddie de courses. L'angle de prise de vue et la qualité du zoom laissent peu de place au défaut d'interprétation, surtout aux yeux d'un militaire de carrière : il s'agit là de clichés pris à l'insu des sujets, comme il est coutume de le faire avec les terroristes et autres ennemis d'état que l'armée envisage d'abattre à plus ou moins court terme. Rendu silencieux par les preuves de cette pénétration intrusive dans la vie de sa famille, Hoover change de couleur et le fait qu'il soit littéralement en train de se chier dessus n'y est pour rien. D'aussi prêt qu'il puisse être de ses yeux au regard inquiet, Jackson sourit méchamment. L'agent peut lire dans les pupilles de cet homme qui reste avant tout un père qu'une corde sensible vient d'être pincée.
- Cindy et Leonie Hoover, l'une aime le chant, le club théâtre et les films d'horreur, l'autre se voit déjà vétérinaire spécialisée en licornes, mais seulement si sa copine Brooke veut bien ouvrir un cabinet avec elle, à Wellington. Récite-t-il, remerciant mentalement ses collègues d'avoir planché si dur sur l'espionnage du gradé et de sa famille afin de lui donner matière à bluffer de la sorte. « Espèce de fils de ... » Jax ne lui laisse pas le droit de terminer sa phrase. D'un puissant mouvement de bras, il plaque la joue du colonel contre le mur immaculé des toilettes et maintient fermement son crâne aux cheveux poivre et sel dans cette position. L'envie le démange de répéter l'opération à plusieurs reprises, ne serait-ce que pour voir après combien de chocs il pourrait être question de commotion cérébrale capable de lui faire perdre la mémoire comme lui-même à perdu la sienne, mais la main que Zheri pose sur son épaule pour le raccrocher à la réalité le dissuade de sombrer dans l'excès de violence contre-productif. Au lieu de quoi, Jax prend sa voix la plus grave et la plus menaçante afin d'entamer le chantage affectif constituant à lui seul sa plus belle carte à jouer ce soir. Maintenant c'est simple, Hoover : tu vas nous dire tout ce que tu sais à propos de Connor Barrett et des raisons de sa mise à mort sinon c'est tes gamines qu'on retrouvera sans vie dans le caniveau et je peux te garantir que la mort sera la moins pénible de leurs souffrances, photos à l'appui.
Mills ne cille pas. Mentir est son métier, bluffer tout autant. Par dessus son épaule, pourtant, au moment où Anwar sort le téléphone sensé enregistrer les aveux, Jax pourrait presque sentir la vague de dégoût que ses propos provoquent chez son complice. Tant pis. Leurs violons n'avaient pas besoin d'être accordés sur ce point et la moralité discutable des méthodes employées pour faire parler le colonel ne pèse pas lourd dans la balance des résultats escomptés. C'est maintenant qu'ils vont savoir. Savoir si la couverture de Jackson a été percée à jour avant qu'on ne cherche à l'éliminer ou si Connor Bennet est mort en emportant avec lui le secret de son identité fictive n'ayant servi qu'à infiltrer la police de Brisbane.
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Dernière édition par Jackson Mills le Dim 12 Déc 2021 - 4:44, édité 2 fois
Il n’avait jamais aimé les bureaucrates, Anwar. Ils prenaient les décisions sans jamais prendre les risques, ils faisaient leur loi mais ne mouillaient jamais la chemise, trop heureux que quelque part, plus bas dans la hiérarchie, quelqu’un d’autre le fasse à leur place. Il n’avait même pas attendu d’intégrer les rangs de la police pour les détester, des gradés qui n’avaient pas vu le terrain depuis des lustres il y en avait plein la base militaire lorsque Riley et lui vivaient encore ensemble, qu’elle était en Afghanistan, en Irak, au Soudan où Dieu savait où, et que des Majors et des Généraux à la chevelure grisonnante paradaient avec leurs galons et leurs médailles tout en restant bien au chaud derrière leurs bureaux. Ceux de la police étaient venus ensuite, uniforme différent mais langage hypocrite de politicien similaire, vous parlant coupes budgétaires et statistiques de résultats quand vous demandiez plus d’effectifs et plus de moyens. Au fil du temps les bureaucrates étaient devenus aux yeux du policier une masse homogène facile à mépriser, facile à blâmer, et sans doute cela pesait-il un peu dans le mépris avec lequel il avait renvoyé dans les cordes Hoover et son pathétique appel à l’aide – des gens qui appelaient à l’aide et qu’il avait laissé sur le carreau, il y en avait probablement des tas, et que la peur change de camp ne faisait probablement pas de mal. Presque.
Là où il y avait mépris chez Zehri, c’était cependant une haine et une rage sourdes qui animaient Jackson, dont la carotide donnait l’impression qu’elle allait exploser face à tant de pression sanguine. Saisissant le bougre par le col, il s’était mis à vociférer « Écoute-moi bien, salopard, c'est à toi que ça va coûter cher si tu ne nous dis pas ce qu'on est venu entendre. » et aux bruits inconfortables émanant de la bouche du militaire on comprenait qu’il peinait à respirer. « On n’est pas venus là pour repartir sans ce qu’on est venus chercher, alors rendez-vous service. » Plus il résisterait plus longtemps ils resteraient tous les trois dans cette fâcheuse configuration, et comme pour compenser le manque de retenue flagrant de Mills, Anwar se montrait volontairement froid et impassible, afin de créer un équilibre. « J’ai … ! J’ai aucune idée … Aucune idée de ce vous êtes venus chercher ! » continuait pourtant de suffoquer le bonhomme, ses pieds entravés par son pantalon glissant sur le carrelage de la cabine sans parvenir à faire lâcher la poigne ferme de Jackson. « Il doit en falloir un paquet, de cadavres dans vos placards pour ne pas savoir duquel on parle. » Mais quelles étaient les chances que l’alias de Jax soit le premier, au fond ? Faibles.
La main qui n’était pas occupée à étrangler – si peu – Hoover s’enfonçant dans la poche intérieure de sa veste, l’agent fédéral en avait finalement sorti une liasse de photographies qu’Anwar avait regardé tomber au sol une à une après que son collègue les aient méthodiquement passées sous le nez de leur suspect. « Cindy et Leonie Hoover, l'une aime le chant, le club théâtre et les films d'horreur, l'autre se voit déjà vétérinaire spécialisée en licornes, mais seulement si sa copine Brooke veut bien ouvrir un cabinet avec elle, à Wellington. » Un goût désagréable lui arrivant soudainement dans la bouche, Anwar avait senti sa mâchoire se contracter en même temps que ses poings tandis que les visages rieurs des deux enfants – car ce n’était que cela, des gamines – lui passaient sous le nez. Qu’est-ce que tu fous, Mills ? « Espèce de fils de ... » Tentant à nouveau de se débattre comme un beau diable, Hoover était subitement passé de la colère à une haine farouche, et pendant un court instant (un minuscule instant) Anwar avait presque pu lui donner raison. Au lieu de ça, il avait attrapé l’épaule de Jax avec suffisamment de force pour lui faire lâcher sa prise, après qu’il eut fracassé la tête du militaire contre le carrelage mural. « Il balancera rien si tu lui fracasses le crâne ! » Le ton ne manquait pas de faire comprendre à son collègue qu’il était en train de dépasser les bornes, mais Anwar n’avait pas signé pour ça ; Pour laisser un cadavre derrière eux.
Les narines pincées, Mills observait d’un air mauvais Hoover qui, se tenant le front d’une main, tirait frénétiquement sur sa cravate de l’autre pour trouver de l’air. « Maintenant c'est simple Hoover : tu vas nous dire tout ce que tu sais à propos de Connor Bennet et des raisons de sa mise à mort, » La main glissant dans sa poche, Anwar avait récupéré son téléphone et ouvert l’enregistreur vidéo, mais ce n’était plus le militaire qu’il observait avec dégoût : c’était Jax, à mesure que les mots continuaient à sortir de sa bouche. « sinon c'est tes gamines qu'on retrouvera sans vie dans le caniveau et je peux te garantir que la mort sera la moins pénible de leurs souffrances, photos à l'appui. » Il aurait dû se méfier. Il aurait dû écouter son instinct, se douter que les choses déraperaient, qu’aucune vendetta ne pouvait se faire proprement, et que Jackson perdrait les pédales à un moment ou un autre. Il écoutait à peine le discours décousu et tétanisé qu’Hoover était en train de leur servir, comme si cela ne l’intéressait plus, et ne parvenait pas à détacher ses yeux de l’une des photographies abandonnées sur le sol. La fillette ne devait pas avoir plus de cinq ou six ans, elle avait l’air d’avoir l’âge d’Aiden, le fils de Norah ; Qui sait, peut-être allaient-ils ensemble à l’école, et cette simple idée donnait la nausée au policier.
Lorsqu’il avait estimé qu’ils en avaient suffisamment entendu, Anwar avait rangé son téléphone et saisi Jax par la manche en signalant froidement « On a ce qu’il faut, on se casse. » Hoover en avait suffisamment dit, mais l’agent fédéral en avait de son côté suffisamment fait. Ils avaient un peu de temps devant eux, celui qu’il faudrait au militaire pour retrouver son souffle, ses esprits mais surtout sa dignité, mais plus vite ils seraient hors de ce bâtiment mieux ce serait – et plus vite le brun pourrait tracer sa route loin, très loin de Jackson. Sans avoir besoin de se parler tous les deux s’étaient mis à courir à peine le pied posé dehors, et sans se soucier de si son acolyte suivait ou non Anwar avait tourné à gauche, à droite, puis encore à gauche, jusqu’à finalement les conduire jusqu’à son véhicule, devant lequel ils avaient tous les deux tiré la langue en reprenant leur souffle. Arrachant le noeud papillon que Maze avait noué avec tant d’application, l’inspecteur l’avait balancé dans le caniveau avec colère et s’était tourné vers Jackson, hors de lui – suffisamment pour que son poing ne parte tout seul et n’aille s’abattre sur la pommette de son “ami” qui à l’évidence n’en était pas un. « C’était quoi ça, bordel ! » Ça, ce numéro, ces méthodes, ce ramassis de menaces écœurantes auxquelles il n’avait jamais consenti à prendre part. « Des gamines, Mills ! Des putain de mômes, t’es un grand malade ! » Anwar ne voulait même pas lui donner l’excuse de ne pas en avoir lui-même : parent ou non, le résultat restait à ses yeux tout aussi inexcusable. Il fallait n’avoir aucune âme, pour envisager de s’en prendre à des enfants, et si Jackson était de ce genre-là alors il y avait plus d’un criminel dans toute cette histoire.
Des balbutiements aux suppliques implorantes - '' Leur faites pas de mal '' - , Hoover s'effondrait sous leurs yeux, touché en plein cœur par le poids des menaces que Jax venait de proférer à l'encontre de ses filles chéries. Il savait, Mills, que ce fils de chien était loin d'être un idiot. Raison pour laquelle ce militaire de carrière ne pouvait que les prendre au sérieux. Impossible que toutes ces informations ne proviennent que d'un seul duo de justiciers avides de vérité et simplement doués pour infiltrer les soirées mondaines. Il fallait une équipe compétente et bien organisée pour en arriver à ce genre de guet-apens. Des méthodes agressives, pro-actives, intimidantes. Le genre de coups de pression que le gradé était plus habitué à donner qu'à recevoir et contre lesquels il réalisait - trop tard - qu'il n'était pas préparé. La peur, rien de tel pour forcer les coupables à passer aux aveux.
Alerte, Jackson l'écoute raconter son histoire. Sous ses yeux au regard dur défilent les images du récit enfin révélé. Mills visualise les pièces du puzzles prendre place pour former une trame plus grande et plus précise que les fragments isolés récoltés jusqu'à présent par la combinaison de ses efforts et de ceux d'Anwar. Comment auraient-ils pu se douter, lorsqu'avait commencé leur mission, en 2020, que cette affaire leur faisait mettre le doigt dans un engrenage aux dents avides de les broyer ? Auraient-il reculé face au danger s'ils avaient su que leur collaboration les mènerait jusqu'à une tentative d'assassinat pour l'un et de sérieuses menaces de finir sur la liste des témoins à faire taire pour l'autre ?
« On a ce qu’il faut, on se casse. » La traction de Zehri contre sa manche le fait résister un instant. Une poignée de secondes durant lesquelles Jackson s'enfonce dans des fantasmes sanglants, fait d'alcool à 90 degrés qu'on enflamme où de coups de pied que l'on donne jusqu'à ce que plus aucun os ne soit encore en état de se briser. Et s'il refusait de partir ? Et s'il restait là, avec cet enfoiré, jusqu'à ce que mort s'en suive ? Ne serait-ce pas un juste retour des choses ? Une peine acceptable pour un traite à son rang, tout juste bon à sacrifier ses frères d'armes sur l'autel de son ascension de l'échelle sociale ? Au plus profond de son être, Mills sent la bête tirer sur ses chaînes. Il pourrait presque la visualiser derrière les paupières qu'il ferme pour se donner la force de contrôler toute cette rage bouillonnant en lui. Elle est là, les babines retroussées, la gueule pleine de salive acide et de crocs réclamant quelque chose à mordre. Il n'entend pas Anwar ouvrir la porte des toilettes et ne reprend contact avec la réalité que lorsque son collègue le tire à nouveau par le bras, plus sèchement cette fois. Lorsqu'il rouvre les yeux sur le visage tuméfié de Hoover, Jax se retient de cracher. Il ne lui fera pas le plaisir de laisser son ADN sur sa sale gueule de coupable ; pas le plaisir de semer des indices faciles à remonter pour terminer ce qu'il avait entrepris de faire prés d'un an auparavant : lui casser sa pipe.
Comme dans un rêve - ou peut-être un cauchemar - Mills se laisse traîner hors du casino. Et pendant qu'il court à perdre haleine dans le sillage de Zehri, des flashs lui reviennent en mémoire, glaçants :
Tout est sombre, son rythme cardiaque est à son maximum. Quelqu'un le suit, pas assez rapide pour le rattraper mais suffisamment pour le faire douter de la vélocité de son sprint. Il a utilisé toutes ses munitions, l'arme qu'il tient à la main n'est plus là que pour servir d'assommoir au cas où il ne pourrait faire autrement que d'en venir au combat rapproché. Dans sa tête, c'est le foutoir. Qui ? Quand ? Comment ? Avait-il été vendu ? Pourquoi ce soir, pourquoi maintenant ? Quel élément avait-il bien pu omettre pour en arriver là, à courir pour sa vie ? Il voudrait regarder par dessus son épaule, capturer l'identité de son poursuiveur, mais l'instinct de survie est plus fort que la curiosité : il doit fuir et avertir les autres. Sans ça, tout le monde y passera, un par un, jusqu'à ce que le PSI au complet se fasse descendre. Soudain : l'impact. Cette foutue bagnole aux vitres teintées ... Il l'a déjà vu dans ses cauchemars et sait ce qu'elle signifie. Étalé par terre, Jackson accuse le coup. Son corps meurtrie ne veut pas se relever. Alors il les voit, les chaussures noires, il connait leur trajectoire par cœur. Elles descendent puis contournent le véhicule et, bientôt, elles s'arrêteront à sa hauteur pendant qu'on enlève le cran de sûreté ... Il faut qu'il se réveille, vite !
C'est un coup de poing en pleine gueule qui le sort de son état second. Le genre de patate à lui dévisser le cou parce qu'il ne s'y attendait pas, n'avait contracté aucun de ses muscles en prévision du choc. Chancelant, Jax prend appui sur le capot de la bagnole. Les vitres de celle-ci sont parfaitement transparentes. Il n'est plus dans sa tête, tout autour de lui est bien réel.
Mills se tâte la joue, incrédule. Il peine à revenir à la surface, trop secoué par ce souvenir choquant pour saisir la colère d'Anwar et les mots qu'il lui jette à la figure comme il a jeté par terre son nœud papillon. QUOI ?! Répond-il, agressif par principe maintenant que la douleur irradie la moitié de son visage. « Des gamines, Mills ! Des putain de mômes, t’es un grand malade ! » Retour brutal à l'instant présent pour Jackson qui fronce les sourcils et gratifie son collègue d'un regard outré. Tu vas pas m'dire que t'y as cru ! Il devrait certainement se montrer moins condescendant, mais son ego de coquardé refuse de baisser le ton. C'est qu'il lui a fait mal, ce con ! Du bluff Zheri, bordel, la base ! Comme lors de son dernier gros souvenir, un mal de crâne épouvantable s'en prend à l'agent dont le visage grimace. Il n'est clairement pas dans le meilleur des états pour avoir ce genre de conversation et se serait bien passé du fait que son complice se mette à lui casser les couilles alors que la mission s'avère être un franc succès.
Il n'était pas naïf, Anwar. Il n'était pas de ceux qui niaient en bloc que certains, parmi les rangs de la police qu'il portaient en si haute estime, n'y avaient pas leur place et n'auraient jamais dû y être intégrés en premier lieu. Des mauvais éléments il y en avait, il y en avait toujours eu et il y en aurait toujours – et il l'avait découvert dès ses premiers pas, dès ses premières patrouilles et le rire gras du sous-brigadier un brin raciste avec lequel on l'avait mis en équipe, et dont il avait essuyé les remarques en courbant l'échine pendant des semaines parce que le petit bleu qu'il était n'aurait jamais eu gain de cause s'il lui était rentré dans le lard. Il avait serré les dents, rongé son frein, et finalement obtenu en même temps que sa nouvelle affectation la certitude que la chose ne se reproduirait plus ; Parce qu'il ne se laisserait pas faire deux fois. Après cela l'instinct d'Anwar ne lui avait jamais fait défaut lorsqu'il avait été question de jauger un collègue : tous avaient leurs défauts, bien sûr, mais ceux à qui l'on ne pouvait pas faire confiance, ceux dont les actes ou les idées étaient plus préjudiciables que les causes qu'ils étaient supposés défendre, le brun avait appris à les repérer et s'arrangeait généralement pour ne jamais leur tourner le dos. Au sens propre comme au figuré.
Avec Jackson pourtant il ne s'était pas méfié. Il mentirait en disant qu'il avait été ravi d'être convoqué un matin dans le bureau de son chef de brigade, pour se voir présenter ce type qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam mais avec lequel on lui demandait de composer jusqu'à nouvel ordre en toute discrétion, n'aimant pas l'idée d'agir au nez et à la barbe de ses collègues, mais il avait pris le temps de se faire sa propre idée du bonhomme, et contre toute attente n'avait pas trouvé grand-chose à y redire. Jax – Connor – lui avait fait l'effet d'un type droit dans ses baskets, un peu trop sanguin peut-être, mais certainement pas un mauvais bougre … Le genre qui n'avait pas peur de se salir les mains en tout cas, ce qui dans l'esprit de l'inspecteur Zehri était un atout. Jusqu'à ce que. Anwar non plus n'avait pas peur de se salir les mains, sans quoi il n'aurait pas accepté d'accompagner Jackson dans son entreprise de la soirée, mais il n'en demeurait pas moins que certaines limites étaient faites à ses yeux pour ne pas être dépassées. Et utiliser des enfants, de quelque manière que ce soit, allait bien au-delà de n'importe quelle limite qu'il décidait de se fixer … Alors menacer des enfants ? Jax venait de perdre tout son respect, et le poing qu'Anwar était venu écraser contre son visage respirait autant la colère que la frustration.
La douleur venue irradier dans sa main avait mis quelques secondes à lui parvenir, mais l'attention de l'inspecteur était bien trop occupée ailleurs pour songer à s'en soucier. Et tandis qu'il massait sa jointure d'un geste machinal, presque étonné que Mills ne lui ait pas aussitôt rendu la monnaie de sa pièce, ce dernier tentait l'air hagard de réaliser ce qui venait de se passer, visiblement pas suffisamment dérangé par le numéro qu'il venait de leur servir pour comprendre comme un grand là où son acolyte voulait en venir. « QUOI ?! » Il aurait mérité une autre mandale pour le simple fait de poser la question, voilà la première chose qui avait traversé l'esprit d'Anwar avant qu'il ne mette les points sur les i de manière plus explicite, puisque Jax semblait en avoir tant besoin. « Tu vas pas m'dire que t'y as cru ! » Et il n'allait pas oser dégainer la carte du bon comédien ? « Du bluff Zheri, bordel, la base ! » Si, il avait osé. « Ah pardon, je savais pas qu’on était à la remise des Oscars ! » Du bluff, mon cul oui. Le brun regrettait presque de ne pas avoir ramassé les photos ayant en partie provoqué sa colère pour les enfoncer dans la gorge de Mills – on verrait si ce serait du bluff, cette fois-ci. « Aller suivre ces gamines à la sortie de l’école ou jusque chez elles, c’était du bluff aussi ? Et s’il avait continué de fermer sa gueule, c’était quoi la prochaine étape ? Parce que j’t’ai trouvé particulièrement convaincant dans le rôle de l’ordure prêt à traumatiser deux mômes pour obtenir ce qu’il veut ! » Des méthodes de voyou, voilà ce que tout cela inspirait à Anwar tandis que dans un recoin de son crâne se rejouait la discussion houleuse survenue bien des mois plus tôt entre Warrington et lui, lorsqu’il était devenu avéré que Strange avait fait placer Norah et ses enfants sous surveillance. À la brigade anti-corruption on utilisait les mêmes leviers que dans la pègre locale ; Et si ça ce n’était pas ironique.
Déboutonnant le premier bouton de sa chemise tout en sachant bien que ce n’était pas lui qui lui donnait l’impression de manquer d’air, il avait fait quelques pas en arrière et secoué la tête d’un air défait. Mills et sa petite bande s’étaient bien foutus de lui, et comme pour la fois précédente ils n’étaient que deux à s’être sali les mains – story of his life. « Vous avez eu ce que vous vouliez, tes copains et toi. Félicitations. Maintenant vous m’oubliez, définitivement. » Elle égratignait trop son égo, la sensation d’avoir été utilisé comme un pantin, et l’espace d’un instant Anwar s’était demandé ce qu’il se serait passé si Jackson avait eu la main trop lourde, s’il était allé au bout de son idée, s’il avait (au hasard) fracassé le crâne ou brisé la nuque du colonel Hoover. Qui sait, c’était peut-être à lui que l’on aurait fait porter le chapeau au bout du compte – ça aussi, c’était une méthode de mafieux. Remontant en voiture sans demander son reste, Anwar avait enfoncé la pédale d’accélérateur si fort que le crissement de ses pneus avait résonné dans la ruelle déserte, et les doigts agrippés à son volant il lui semblait que le pire auquel il craignait de devoir échapper en début de soirée ne se situait finalement pas du tout là où il l’avait imaginé.