Ezra a toujours aimé avancer sur la corde raide, mais jusque-là il s’était aussi toujours débrouillé pour ne jamais en tomber, ni même vaciller de trop. Il sait faire des peurs bleues à ses proches, c’est une évidence, mais jamais rien qui ne soit réellement inquiétant. Non pas que moi je puisse parfois m’en inquiéter, là n’est pas le sujet. Jusque-là, il s’était débrouillé pour que son incapacité à mener une vie paisible n’affecte pas la mienne, de vie paisible que je cherche à construire. Le Beauregard est un bon gars, mais c’est aussi l’homme le plus doué que je connaisse dans le domaine de s’attirer des ennuis. Même tous ceux que j’ai côtoyés au sein de différents gangs ne s’en sortaient jamais aussi bien que lui. Si jusque-là j’ai toujours laissé la faute reposer sur le manque de chance autant que le mauvais karma ou bien une réincarnation foireuse, cette fois-ci les choses sont différentes. Ce n’est pas seulement sa propre vie avec laquelle il joue, mais la mienne est aussi en cause.

Il s’est rendu à l’inauguration d’un Casino et n’allez pas me dire que c’est parce qu’il aime les jeux d’argent : il n’a pas un rond. Le garage ne survit que grâce à mes généreux dons, argent sale sur lequel nous nous taisons tous les deux pour des raisons bien différentes. Ça aussi, je le lui ai fait promettre. Son silence vaut plus cher encore que tous les billets que je pourrais lui prêter. Sa vie, cependant, n’a pas autant de valeur et si j’estime à un moment ou à un autre qu’il vaut mieux y mettre fin pour préserver nos manigances, alors je le ferai sans hésiter. Il ne serait pas le premier homme que je tuerais ; pas le dernier non plus. “Qu’est ce que tu faisais dans ce Casino ?” Pourquoi est-ce qu’il s’y est rendu ? Pourquoi est-ce qu’il a eu l’idée de venir me parler ? Pourquoi est-ce qu’il s’applique tant à faire tous les mauvais choix possibles et inimaginables, en tous temps ?

Derrière moi, la porte claque. Une fois de plus, je n’ai que peu de respect pour son bureau. Ma voix s’élève déjà alors que je suis incapable de feindre l’éternel calme qu’on m’associe généralement. “Qui est-ce que tu connais, là-bas ? A qui t’as parlé ?” Je n’arrive pas à croire qu’il ignore totalement l’existence du Club et le lien étroit que le gang entretient avec l’établissement. Son établissement. “Qu’est ce que tu leur as raconté, Ezra ?” S’ils savent quoi que ce soit de notre secret, il est un homme mort et il ne le sait même pas. Quel imbécile.

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« Qu’est ce que tu faisais dans ce Casino ? » S’il pensait s’en être sorti presque comme un chef, Ezra venait de remettre toute sa vie et tous ses choix en question en entendant la voix de Ichabod venait s’élever dans son bureau. Le fait qu’il vienne claquer la porte à la suite ne vint aider en rien du tout, et le blond eut du mal à venir déglutir la seconde suivante sans avoir mal à la gorge.

Remettons les choses dans l’ordre. Ezra s’était rendu à l’inauguration du Casino afin de montrer son soutien à un vieil ami qui réalisait là une grande étape dans sa vie. La soirée s’était très bien déroulée, des petits fours et des verres de champagnes avaient été servis, le Beauregard avait discuté ici et là avec des personnes - très peu qu’il connaissait, mais ce n’était pas réellement étonnant étant donné qu’il ne pouvait pas se permettre de venir jouer dans des endroits comme les casinos -, et avait passé une bonne soirée. Il se pourrait qu’à un moment, dans cette dite-soirée, ses yeux soient tombés sur Ichabod en train de draguer une jeune femme de l’autre côté de la pièce. Là où Ezra avait vu une opportunité de venir passer un moment sympathique avec le Bates en dehors du boulot, ce dernier l’avait envoyé paitre comme il savait parfaitement bien le faire et n’avait pas voulu prolonger la discussion avec lui. Soit, ce n’était pas si grave, et Ezra en était resté là, ne pensant pas qu’il y aurait une suite à cette histoire.

A voir le regard noir qu’il lui jetait en cet instant cependant, il y avait clairement une suite à cette histoire qu’il ne comprenait pas encore, mais qu’il avait intérêt à rattraper aussi rapidement que possible sinon il était bien probable qu’Ichabod le tue définitivement aujourd’hui. « Quoi ? » Sa voix était un ton trop aiguë pour ne pas trahir son manque d’aisance à naviguer dans la conversation qui s’en venait, et ses yeux ressemblaient déjà à ceux qu’une biche prise dans les tirs croisés des phares d’une voiture en pleine nuit. « J’étais venu pour… » - « Qui est-ce que tu connais, là-bas ? A qui t’as parlé ? » Il commençait à palper l’agacement du brun et tout son corps lui indiquait par des slaves de frissons qu’il n’aimait guère que ce n’était pas bon signe. « Qu’est ce que tu leur as raconté, Ezra ? » Il vint secouer la tête, relevant les mais devant lui pour clamer son innocence. « Eh ! Je connais Amos, le patron du casino et je comprends pas ce que je dois répondre aux autres questions ! » Il vint secouer la tête, complètement confus. Il avait l’impression qu’il ne donnait pas les bonnes répliques par avance, alors que la patience eu Bates était déjà mise à rude épreuve pour une raison qui lui échappait et que ce n’était pas le moment de venir rire ou jouer avec la situation. « Qu’est-ce que tu faisais là bas toi aussi, d’ailleurs ? Tu connais aussi Amos ? Parce-que la façon dont t’es parti en faisant comme si on se connaissait pas: pas cool du tout. » Oh, il allait définitivement mourir aujourd’hui.

J’ai toujours eu tendance à voir en Ezra le petit frère que je n’ai jamais eu (non, Kieran ne compte pas) mais comme tout aîné qui se doit, je perds rapidement la notion de juste mesure. Toute faute mérite punition, voilà ce que j’en pense, et celle qu’il a commise en mérite une exemplaire. Les termes de notre accord étaient d’une simplicité enfantine, pourtant, et j’ai fait l’effort de les tenir concis pour qu’il ne perde pas le fil. Il tenait en quelques mots : ne pas en parler. Il me semblait donc évident qu’il devait s’y tenir, et qu’il ne devait surtout pas courir de lui-même dans la gueule du loup pour y déposer sa carcasse - et la mienne avec. « Quoi ? » Le Beauregard sait qu’il a fait une erreur, tout comme je sais qu’il ne ment pas lorsque tout son corps tend à me faire savoir qu’il ne la comprend pas. C’est sûrement le pire dans cette histoire, d’ailleurs. Il se contente d’être effrayé par la possibilité d’une réprimande mais ne se doute pas un seul instant que ce n’est pas cher payé face à la vie qu’il pourrait y laisser à chaque seconde. La colère ne cesse de grandir en moi, raison pour laquelle je lui donne quelques secondes supplémentaires pour y réfléchir, lesquelles suffiront, je l’espère, pour qu’il se rende compte de son erreur par lui-même. « J’étais venu pour… » Non, c’est un mauvais début d’explications. Je le coupe donc, précisant ma question et venant ainsi lui demander ce qu’il pouvait bien faire dans ce Casino ainsi que le questionner sur les personnes à qui il a pu parler.

Il lève les mains, comme si ce simple geste allait pouvoir changer quoi que ce soit à la colère grandissante en moi. Je ne lui demande que très peu de choses et même là, il arrive encore à me décevoir. Pire encore, il nous met tous les deux en danger et je commence à me dire qu’il n’en vaut pas la peine : une balle bien placée et tout serait réglé, le problème oublié de façon définitive. « Eh ! Je connais Amos, le patron du casino et je comprends pas ce que je dois répondre aux autres questions ! » En voilà une nouvelle. De tous les amis qu’il aurait pu trouver, il n’a pas su faire autrement que se rapprocher du Taylor. Je soulève, agacé d’avoir à partager avec lui une discussion d’un niveau aussi pathétique. Mes doigts glissent sur des tempes faussement douloureuses alors que je cherche surtout à les occuper pour ne pas en venir à faire un autre geste, lequel me démange de plus en plus à chaque instant écoulé. “Qu’est-ce que tu as dit à Amos Taylor ?” Je ne peux pas croire que leur amitié soit le fruit du hasard et qu’ils échangent de joyeux sms pour se souhaiter la bonne année. Cela ne tient pas la route.

« Qu’est-ce que tu faisais là bas toi aussi, d’ailleurs ? Tu connais aussi Amos ? Parce-que la façon dont t’es parti en faisant comme si on se connaissait pas: pas cool du tout. » C’en est trop. Je n’ai pas la patience de gérer un enfant, et si je n’ai jamais eu à élever la mienne alors ce n’est pas pour le faire aujourd’hui avec un garçon de plus de trente ans. “Ecoute moi bien, Ezra.” Les paroles sont lentes, j’ai espoir qu’il puisse ainsi mieux les comprendre. Mon regard remonte dans le sien, incisif. S’il craignait déjà les maigres remontrances que j’avais pu lui tenir jusque là, il va enfin comprendre aujourd’hui qu’il n’avait jamais eu à faire face à ma colère. Ce n’est pas à lui de poser les questions et j’estime qu’il est enfin temps de lui faire comprendre que la hiérarchie au sein de Mecanor n’est qu’une illusion face à ce qu’elle est réellement, dans l’ombre. Ma main glisse sous mon t-shirt et mes doigts, eux, épousent la forme du glock qu’ils connaissent bien, pour l’avoir utilisé à de nombreuses reprises. Mes gestes sont lents, je sais par avance qu’il ne risque pas de tenter quoi que ce soit contre moi. Une fois mon bras tendu et l’arme dirigée contre son front, je doute qu’il soit capable de bouger le moindre petit doigt. Le cran de sûreté est retiré, preuve ultime que je ne suis pas en train de me jouer de lui. “Je pose les questions et tu y réponds. C’est comme ça que les choses fonctionnent maintenant.” J’annonce, intraitable, après avoir retrouvé un ton de voix plus posé. “Qu’est-ce que tu penses savoir sur ton ami ?” A quel point t’es con, Ezra ? Je sais qu’il ne cherche pas à me cacher quoi que ce soit lorsqu’il annonce avoir simplement voulu rendre visite à un ami et c’est sans doute ce qui m’exaspère le plus dans cette histoire, parce que je sais qu’en face les intentions sont loin d’être les mêmes. J’imagine qu’avec une arme braquée sur la tête, il me donnera des réponses plus précises et concises.

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Oh, il n’avait pas besoin de faire bien des efforts pour comprendre que face à lui, Ezra avait à faire à un Ichabod énervé - mais vraiment, énervé, pas comme toutes les autres fois où il prétendait l’être pour seulement lui faire peur et s’en amuser dans son coin par la suite. Aucune trace d’humour, de doute ou quoi que ce soit d’autre venait transparaitre sur les traits de son visage, et cela venait rendre Ezra mal à l’aise. Parce-qu’il ne comprenait pas où le brun voulait en venir, alors qu’il semblait pourtant persuadé que le Beauregard se devait de lui donner des réponses sur un plateau d’argent. « Qu’est-ce que tu as dit à Amos Taylor ? » Les sourcils d’Ezra vinrent se froncer sur son visage. « Je lui ai rien dit, je l’ai même pas vu, il était occupé ailleurs quand je suis passé. » Il était complètement perdu, ne comprenait rien de la situation qui se déroulait sous ses yeux. Tout ce qu’il en retenait, c’était qu’Ichabod n’était en rien ravi de l’avoir croisé lors de l’inauguration du Casino, que leur entrevue l’avait fait fuir et que maintenant, il venait demander des explications. Ezra n’en avait aucune, d’explication, simplement les faits qui étaient aussi innocents qu’il l’était lui en réalité; le Bates ne semblait pas le voir de cet oeil là, et l’idée de venir lui faire remarquer qu’il n’avait pas présenté patte blanche de son côté non plus n’était pas une idée de génie, semblait-il.

« Ecoute moi bien, Ezra. » Le Ezra en question eut bien du mal à déglutir droit en entendant le ton bien trop calme qu’avaient pris les paroles d’Ichabod. Une espèce de chair de poule vint également se faufiler le long de tout son épiderme lorsque le regard noir de celui qui était clairement le patron ici vint se plonger dans ses azurs à lui. S’il avait toujours ri du fait d’avoir peur pour sa vie lorsqu’il en compagnie du Bates, aujourd’hui aucun rire ne sortirait d’entre ses lèvres. Parce-que si ses gestes étaient lents, c’était pour qu’il puisse les assimiler au mieux - et oh, il n’eut aucun mal à venir comprendre que lorsque quelqu’un venait pointer un flingue sur votre front, vous taire était la meilleure des options. A l’intérieur de la tête d’Ezra, toutes les alarmes s’étaient mises en fonctionnement, toutes les lumières brillaient et aucune de ses pensées ne semblait vouloir filer droit. Il avait l’immersion à la fois d’avoir chaud, et d’avoir froid - était-ce son corps qui anticipait le chaud de la poudre du canon avant de sentir le froid dont serait saisi son corps une fois son dernier souffle rendu ? Et comment arrivait-il à avoir des pensées autant cohérentes en cet instant alors qu’il en était incapable tout le reste du temps ? Oh mon Dieu, combien de temps lui restait-il ? « Je pose les questions et tu y réponds. C’est comme ça que les choses fonctionnent maintenant. » Il se devait de répondre quelque-chose, de montrer qu’il était encore en vie - non, cette raison là était idiote, Ichabod savait pertinemment s’il était ou non en vie, c’était lui le décisionnaire dans cette affaire. Lentement, très très lentement pour montrer qu’il ne s’agissait ici en aucun cas d’un acte de rébellion, Ezra vint hocher la tête à deux reprises pour montrer qu’il avait parfaitement compris comment les choses fonctionnaient désormais. Le Ichabod d’avant, celui qui était gentil, aurait été fier. « Qu’est-ce que tu penses savoir sur ton ami ? » Il avait la bouche sèche, la gorge manquant d’humidité, et le cerveau qui réduisait comme neige au soleil. Il ne savait pas s’il devait vraiment répondre, s’il devait simplement l’écouter ou - oh, il avait dit qu’il posait les questions et qu’Ezra y répondait, c’était en réalité aussi simple que ça. « Que c’est quelqu’un de charmant, mais je pense que c’est pas la réponse que tu attends. » Promis un jour, il tenterait vraiment de pas faire exprès de provoquer sa propre fin, mais ce jour n’était pas encore arrivé. Car s’il venait répondre honnêtement à la question d’Ichabod, Ezra pouvait voir depuis une bonne poignée de minutes que ce n’était pas ce qu’il attendait de lui; le flingue braqué de la sorte, menaçant son existence, n’était pas nécessaire.

« Je connais Amos depuis plusieurs années. Je l’ai connu peu de temps après que tu sois arrivé au garage, je crois, ou quelque-chose comme ça. » Il se rappelait que dans les films, dans ce genre de situation, les victimes - parce-que c’était très clairement ce qu’il était là, une victime - se mettait à venir donner beaucoup de détails et parfois même des détails plutôt personnels afin d’attendrir la personne tenant l’arme. Ezra allait se contenter là de juste venir donner des informations un peu au hasard, car Ichabod connaissait déjà presque toute sa vie - et la partie qu’Ezra ne lui avait pas mentionné, il avait du faire ses propres recherches. « On s’est tout de suite bien entendu, souvent on s’appelle quand la vie est pourrie et qu’on a besoin d’un pote à qui parler. Ca faisait longtemps qu’on s’était pas vu mais quand il m’a parlé de l’ouverture du Casino, je me voyais pas ne pas y passer. C’est important pour lui, et… Tu peux pas baisser le flingue sérieux, je suis à deux doigts de me pisser dessus tellement tu me fous les jetons Icha. » Surtout qu’il commençait à mouiller le bout du canon avec les gouttes de sueur qui perlaient sur son visage.

Sans doute que s’il avait commencé par là, la suite n’aurait pas eu lieu d’être. « Je lui ai rien dit, je l’ai même pas vu, il était occupé ailleurs quand je suis passé. » L’arme désormais pointée contre sa tempe, il est trop tard pour faire machine arrière et plus encore pour agir comme si de rien n’était, comme si je n’étais effectivement qu’un de ses employés parmi d’autres. Bien que j’imagine que peu ont une relation semblable avec Ezra, ce n’est pourtant pas l’argument me faisant dire que je suis différent d’eux : nous ne sommes tout simplement pas du même monde. Avec le Beauregard aussi, nous venons tous deux de mondes bien différents et seul le sien laisse assez de marge pour des gestes aussi stupides et inconsidérés. S’il avait simplement réfléchi avant de parler, le pire aurait pu être évité et les masques seraient restés en place.

Je sais qu’il ne tentera rien de stupide (autre que de prononcer les mauvaises paroles), raison pour laquelle la main ne se resserre pas davantage autour de l’arme et le laisse ainsi hocher la tête sans crainte de tentative de fuite. Je me doutais qu’il n’allait pas non plus choisir cet instant précis pour se rebeller, pas alors qu’il sait tout y avoir à perdre et rien à gagner. « Que c’est quelqu’un de charmant, mais je pense que c’est pas la réponse que tu attends. » - “Effectivement.” Le ton est froid, tranchant. Je n’en ai rien à faire de savoir ce qu’il pense d’Amos d’un point de vue purement sentimental, ce ne sont pas mes affaires et cela ne risque pas de changer non plus. Fort heureusement, il a au moins la décence de s’en rendre compte, preuve qu’il reste peut-être finalement des choses à sauver chez lui. « Je connais Amos depuis plusieurs années. Je l’ai connu peu de temps après que tu sois arrivé au garage, je crois, ou quelque-chose comme ça. » Les je crois ont aussi peu leur place dans cette discussion que les quelque chose comme ça, c’est ce que mon regard s’applique bien à lui faire comprendre en même temps qu’il est toujours question pour lui de poursuivre. Pour le moment, ses explications n’ont pas su mener où que ce soit et il est évident qu’il ne s’en sortira pas de la sorte, preuve en est que l’arme reste collée contre sa tempe malgré qu’il ne représente aucune menace. Ce n’est qu’un moyen pour moi de le motiver à continuer à parler et m’expliquer comment il peut être stupide au point de réellement penser son ami irréprochable. « C’est important pour lui, et… Tu peux pas baisser le flingue sérieux, je suis à deux doigts de me pisser dessus tellement tu me fous les jetons Icha. » Mes yeux roulent, ses explications ne mènent nulle part, il est une blanche colombe perdue au milieu de la savane affamée. Le cran de sûreté retrouve sa position initiale et l’arme reste dans ma main, posée le long de mon corps, prête à être relevée si besoin est. “Alors tu penses que ton ami a réellement ouvert un simple casino ?” Comme si le pire qui pouvait arriver dans tout ceci était une addiction à l’argent et un compte en banque rapidement vidé. Le sien l’est déjà, vide, de toute façon. “Sans déconner, Ezra. Choisis mieux tes amis.” Des pauvres types ayant des remords à partager autour d’un verre, il en existe des milliers.

Je souffle longuement, ayant depuis longtemps déjà dépassé le stade de me demander si oui ou non je devrais lui partager mon secret autour des gangs. Il devrait commencer à s’en douter, maintenant, à en juger par la difficulté toute particulière d’obtenir une arme dans un pays qui est le nôtre. A moins de nous même les faire circuler, bien sûr. “Tu sais pourquoi il t’a invité, ton ami ? Parce qu’il avait besoin d’au moins quelques civils pour faire bonne figure et ne pas déjà attirer l’attention des autorités.” Je sais bien que le terme de ‘civil’ peut être flou dans ce contexte bien précis, raison pour laquelle j’enchaine rapidement sans lui laisser le temps de me poser d’horripilantes questions. “Il est dans un putain de gang, Ezra, c’est ce que j’essaye de te faire comprendre. Et si tu tiens à la vie, garde toi bien de lui parler, parce qu’à partir du moment où tu as pris cet argent, il est devenu ton ennemi.” La loyauté suit l’argent ou l’inverse, peu importe. Le fait est que le Taylor est moi ne servons pas d’intérêts similaires et nos gangs respectifs encore moins. Ezra a été entraîné dans cette guerre sans même le savoir mais il est trop tard pour qu’il puisse reculer, désormais.

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Si Ezra avait toujours eu peur d’Ichabod, tous les autres jours comparés à aujourd’hui avaient été de simples euphémismes. Aujourd’hui, il était prêt à vendre famille et enfant afin de faire en sorte que le Bates abaisse son arme. Il avait l’impression d’avoir déjà le goût de sang, de fer, dans la bouche alors qu’il était parfaitement encore vivant et qu’aucun mal n’avait été fait pour le moment. Bientôt, il en aurait les mains qui tremblent alors qu’il tentait de faire au mieux pour les garder stables et surtout à portée de vue de l’employé face à lui qu’il ne reconnaissait plus. Parce-que si Ichabod levait une arme de la sorte sur lui, c’était qu’il comptait l’éliminer, non ? Dans les films, à moins de s’appeler James Bond, il était rare que celui du mauvais côté du flingue en ressorte vivant.

Pourtant, contre toutes attentes - côté Beauregard -, Ichabod finit par venir consentir à baisser son arme, remettant le cran de sécurité sur cette dernière. Elle était toujours à portée de regard, mais au moins Ezra n’avait plus à loucher dessus pour l’apercevoir. Il vint laisser échapper un long soupire, d’avoir retenu son souffle pendant tout ce temps. « Alors tu penses que ton ami a réellement ouvert un simple casino ? » La question du brun n’attendait aucune réponse, et pour sa propre survie Ezra n’avait pas réellement intérêt à en fournir une. « Sans déconner, Ezra. Choisis mieux tes amis. » S’ils avaient été dans n’importe quelle autre discussion, une sourire presque amusé serait venu se tracer sur les lèvres du jeune homme en entendant les mots de son employé. Il aurait pensé qu’il était là encore en train de se moquer de lui, comme un de ses grands frères avait déjà pu le faire à maintes reprises le long de leur enfance. Ce n’était en rien le cas présentement, et de toute façon toute trace d’amusement avait depuis bien longtemps disparu des traits de visage d’Ezra. « Tu sais pourquoi il t’a invité, ton ami ? » Il s’osa à venir secouer, le plus lentement possible, sa tête de gauche à droite et dans le sens inverse. « Parce qu’il avait besoin d’au moins quelques civils pour faire bonne figure et ne pas déjà attirer l’attention des autorités. » Lentement, tout aussi lentement qu’il était venu secouer son visage et qu’il avait arrêté de faire ce geste au fur et à mesure qu’Ichabod continuait de parler, les yeux du Beauregard vinrent s’écarquiller. For fuck’s sake, de quoi pouvait-il bien parler ? Pourquoi Amos aurait-il eu besoin de ne pas attirer l’attention des autorités ? Ouvrir un Casino n’était pas illégal, et si les joueurs perdaient au cours des jeux mis en place, cela ne serait pas la faute du Taylor. Pourquoi avait-il besoin d’éviter de se retrouver au contact des forces de l’ordre, et quel était le rapport avec les civils ? Si les autorités n’étaient pas présentes sur les lieux, forcément que seuls des civils étaient présents. Les dires d’Ichabod ne faisaient aucun sens dans l’esprit d’Ezra, et le Bates dut s’en apercevoir rapidement - il avait toujours été le plus rapide des deux à comprendre quand l’autre, justement, ne comprenait rien - car il ne mit pas bien longtemps avant de reprendre la parole. « Il est dans un putain de gang, Ezra, c’est ce que j’essaye de te faire comprendre. Et si tu tiens à la vie, garde toi bien de lui parler, parce qu’à partir du moment où tu as pris cet argent, il est devenu ton ennemi. »

La bouche d’Ezra se mit à s’ouvrir, avec une lenteur qui aurait été considérée comme exagérée dans toute autre situation, jusqu’à temps que sa mâchoire peine à tenir encore accrochée à son visage. Il est dans un putain de gang, Ezra. Pour qu’Ichabod en vienne à en parler avec autant de venin dans les mots, ce n’était pas bon signe. S’il y avait bien quelque-chose que le Beauregard avait appris à faire, en revanche, au fil du temps c’était comprendre les différentes façons de réagir d’Ichabod pour adapter son propre comportement et rester en vie. Apparemment, sa technique n’était pas encore parfaite parce-que des deux, c’était toujours Ichabod qui tenait le flingue - attendez une seconde, cela voulait-il dire que Amos faisait partie d’un gang comme dans ces films d’action qui faisaient un carton au cinéma ? Oh boy, s’il y avait bien quelque-chose à laquelle Ezra ne s’était pas attendue, c’était à avoir une discussion de la sorte un jour sur le Taylor. Il était tellement choqué par les révélations d’Ichabod, qu’il en vienne à rabaisser se bras, et à détacher le regard du bleu perçant du Bates. « Dans un gang ? Mais… Pourquoi faire ? » Ezra n’était en rien du genre à vivre dans l’illégalité - il n’avait pas encore compris en cet instant qu’Ichabod venait de lui souligner l’origine de l’argent qui avait sauvé le garage -, et il trouvait ça hallucinant de découvrir ce type d’information sur quelqu’un qu’il connaissait. Cela lui semblait aberrant, irrationnel. « Les gens qui sont mauvais rejoignent des gangs, mais Amos c’est un gars bien. » Il aurait traité Ichabod d’abruti en le regardant dans les yeux qu’il s’y serait surement mieux pris pour survivre la suite et fin de cette conversation. « Et je comprends pas pourquoi il devrait devenir mon ennemi ? J’ai pris aucun argent quand je suis allé au Casino, je suis nul en jeux d’argent, c’était couru d’avance que je perde. J’avais pris soin de pas prendre de cash pour pas être tenté de jouer, en plus. J’ai pas pu lui prendre de l’argent. » Toute réponse ne convenant pas pour la discussion sera mise sur le dos de l’état de choc des circonstances de cette dernière.

Les révélations sont nombreuses et conséquentes mais je n’ai d’autres choix que de les lui balancer sans retenue, seul moyen que j’ai trouvé pour les lui faire rentrer dans le crâne. Il doit comprendre que le monde n’est pas aussi simple qu’il en a l’air et qu’il l’est encore moins à cause des fréquentations qui sont les siennes dans la vie de tous les jours. Il doit surtout comprendre que je suis bien le cadet de ses soucis, surtout alors que je ne lui souhaite aucun mal et que la seule chose dont je me rende coupable reste encore de ne pas le traiter comme un gamin. Les autres le font tous, des employés envers qui il est trop clément jusqu’aux clients qui abusent de son infinie patience. « Dans un gang ? Mais… Pourquoi faire ? » Cueillir des pâquerettes ? Jouer à chat ? Dessiner sur son temps libre ? A ton avis, Ezra ? Mes yeux se montrent plus durs que jamais, signes de mon agacement face à toute l’incompréhension et le peu d’efforts dont il fait preuve. Les choses sont simples à comprendre, mes mots l’étaient tout autant : Amos n’est pas un homme en qui il peut avoir confiance et quand bien même je n’ai rien contre la personne qu’il est en tant que tel, je me dois de protéger un Beauregard éternellement trop naïf et soudainement trop riche pour que ce soit légal. Son ami ne doit pas apprendre que cet argent vient de l’autre côté, voilà tout.

« Les gens qui sont mauvais rejoignent des gangs, mais Amos c’est un gars bien. » A ses yeux, tout le monde est un gars bien. Son jugement n’a aucune valeur, trop utopiste, trop enfantin. “N’importe qui peut rejoindre un gang. Pas forcément les gens mauvais.” N’importe qui, même les gamins. Surtout les gamins, même, peut-être ? J’en sais rien, j’ai jamais mené d’enquête de terrain. Tout le monde peut-être amené à rejoindre un gang à un moment ou à un autre, de gré ou de force, et cela ne change pas la personne qu’on est. Certains étaient mauvais bien avant de sauter le pas, certains le sont sans même le sauter. “Amos est peut-être un gars bien, mais ça n’empêche qu’il a les mains pleines de sang.” Reste à voir si ce n’est qu’une image ou un aperçu de la réalité. Ca, je ne peux pas le dire et je ne veux pas non plus mentir à Ezra. La réalité suffit déjà à le terroriser, de toute façon, et je ne m’imagine pas statuer des mensonges sur un homme que je ne connais pas et que je respecte. Là n’est pas le sujet. « Et je comprends pas pourquoi il devrait devenir mon ennemi ? J’ai pris aucun argent quand je suis allé au Casino, je suis nul en jeux d’argent, c’était couru d’avance que je perde. J’avais pris soin de pas prendre de cash pour pas être tenté de jouer, en plus. J’ai pas pu lui prendre de l’argent. » Je ne sais pas s’il est plus naïf ou plus bête, honnêtement, mais les deux combinés viennent sévèrement à bout de ma patience. “Parce que je suis dans un gang moi aussi, Ezra.” Et s’il était déjà terrorisé par ma simple présence en temps normal, j’ose à peine imaginer ce à quoi risquent de ressembler les prochains jours. “Et l’argent que t’as reçu, il est plus sale que tu pourrais jamais l’imaginer.” Il voudra s’en défaire, avant de se rendre compte qu’il en a terriblement besoin pour survivre. Les choses se passent toujours comme ça. “Tu comprends pourquoi tu devais la fermer, maintenant ? Pourquoi faire ami ami avec moi au Casino était la plus stupide de la longue liste des idées débiles que t’as eues dans ta vie ?”

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« N’importe qui peut rejoindre un gang. Pas forcément les gens mauvais. » Il vint froncer les sourcils. Peut-être qu’Ichabod avait raison, mais il ne voyait aucune raison valable et entendable pour venir rejoindre un gang si vous n’aviez pas l'intention d’être mauvais, ou si vous ne l’étiez pas déjà de base. « Amos est peut-être un gars bien, mais ça n’empêche qu’il a les mains pleines de sang. » - « Bien sur que c’est un gars bien. » Il ne regardait même plus le Bates dans les yeux, d’une parce-qu’il lui faisait bien trop peur et encore plus en cette situation, mais surtout parce-que ses pensées s’en allaient et venaient trop dans tous les sens pour réussir à tirer quelque-chose de concret de toute cette affaire. Il n’était pas possible, bon Dieu, que Amos puisse être mêlé à des affaires aussi louches que ça et plus Ichabod avançait dans ses explications, plus Ezra semblait autant perdu qu’un chiot qu’on lâcherait en pleine nature… ou plutôt une biche devant les feux d’une voiture qui serait arrivée un brin trop vite sur sa trajectoire, mais passons, l’image était là dans tous cas les.

Surtout que le Bates venait lui parler d’argent, de devenir ennemis et il n’écoutait pas vraiment la totalité de ce qu’il lui disait, en réalité. Il était trop abasourdi par les nouvelles qu’il tentait de lui faire comprendre pour capter toutes les informations, et pourtant toute réponse était donnée là sur un plateau d’argent. Il suffisait de la regarder droit dans les yeux pour l’assimiler; il suffisait d’écouter pour l’entendre. « Parce que je suis dans un gang moi aussi, Ezra. » Ecarquillés peut-être, mais cette fois-ci les yeux d’Ezra vinrent enfin se relever dans ceux d’Ichabod. Son coeur manqua d’ailleurs un battement lorsque leurs prunelles se croisèrent, comme si son corps réagissait d’instinct bien plus rapidement que ses pensées arrivaient à venir faire sens des éléments qu’on lui donnait. Et s’il avait toujours eu peur de son employé jusque maintenant, désormais il était terrorisé. Le pire dans toute cette histoire, c’était qu’il aurait pu s’en douter; mais à force de voir uniquement le bon chez les gens, le mauvais venait vous surprendre toujours au pire des moments. « Et l’argent que t’as reçu, il est plus sale que tu pourrais jamais l’imaginer. » Il jurait entendre son coeur venir louper un battement sur deux, maintenant. « Tu comprends pourquoi tu devais la fermer, maintenant ? Pourquoi faire ami ami avec moi au Casino était la plus stupide de la longue liste des idées débiles que t’as eues dans ta vie ? » Et son souffle se faisait un brin plus court qu’au début de cette discussion. Sans même s’en rendre compte, il s’était naturellement reculé au plus loin possible dans son fauteuil de bureau, afin d’augmenter - même si ce n’était que de quelques centimètres - la distance entre le mafieux et lui-même. Dans une toute autre conversation, Ezra serait venu lui faire part du fait qu’il était blessé des propos dégradants qu’il tenait encore à son écart. Aujourd’hui, il venait pour une fois réellement se la fermer, réfléchir aux prochains mots qu’il allait prononcer pour sa propre survie, et verrait l’état de son égo plus tard. D’accord, il n’était pas le plus affuté des couteaux à pain, mais il avait plein d’autres qualités qui faisaient de lui un homme plus que respectable.

« Est-ce que tu vas me tuer avant de partir, maintenant que tu m’as révélé ces informations ? » Avec grand étonnement, la voix d’Ezra était calme, voire même tranquille. Comme s’il connaissait déjà la suite de cette histoire et qu’il n’avait pas peur de la vivre. En ce moment, il était convaincu que la réponse à la question qu’il venait de poser à Ichabod était forcément oui, et que sa vie allait s’arrêter aujourd’hui. Bien plus que quelques minutes plus tôt lorsque le flingue était pointé dans sa direction. « C’est le type de comportement que vous devez adopter, dans un gang, non ? Pour protéger votre existence ? » L’atout qu’il avait de son côté, maintenant que son cerveau semblait fonctionner presque de nouveau, c’était qu’il en avait vu des dizaines et des dizaines des films d’action qui comportaient des gangs, Ezra. Peut-être que cette maigre expérience allait pouvoir lui servir aujourd’hui. « C’était ton plan depuis ton premier jour ici ? »

« Bien sur que c’est un gars bien. » - « Tu penses encore le connaître ? » Je ne sais pas si je dois associer un tel comportement à de la bêtise ou une loyauté sans faille et admirable. Sans doute des deux. Même en apprenant quelque chose d’aussi important au sujet d’un de ses amis, il n’arrive pas à rien remettre en question, pas même leur relation. Amos pourrait réduire sa vie à néant et même le tuer d’un simple claquement de doigts et tout ce sur quoi Ezra continue de mettre l’emphase, c’est que son ami soit un gars bien. Mon but n’est pas de briser leur relation, peu importe sa teneur, mais simplement d’ouvrir les yeux à un Ezra trop longtemps aveuglé par ses bonnes intentions, incapable d’accepter qu’il puisse exister des personnes mauvaises en ce monde, ne pensant pas comme lui.

Alors, puisque une confession en amène une autre, je me dois de faire tomber le voile sur mes propres agissements et ainsi lui révéler mon appartenance à la Ruche. Son étonnement est compréhensible, contre ça je n’ai rien à redire. S’il écarquille les yeux et peine à cacher la moindre de ses réactions, je reste plus que jamais de marbre face à lui, me contentant de lui conter les faits tels qu’ils sont - un pistolet en moins contre sa tempe. « Est-ce que tu vas me tuer avant de partir, maintenant que tu m’as révélé ces informations ? » J’esquisse un simple rire. Il est à la foi vif comme l’éclair et complètement stupide à ainsi penser que la vie ressemble aux séries. « Si je voulais te tuer, ce serait déjà fait. Je n’aurais pas perdu de temps à expliquer tout ça pour ensuite te descendre. » Je serais rentré, aurait visé le crâne et serait ressorti aussitôt, peut-être en laissant la pièce en désordre pour faire croire à un cambriolage ou quelque chose comme ça. Et encore, les armes sont si rares en Australie que très peu de cambrioleurs en ont : pas ceux qui visent des garages, tout du moins. « C’est le type de comportement que vous devez adopter, dans un gang, non ? Pour protéger votre existence ? » N’appréciant guère le ton qu’il emploie autant que le sujet sur lequel il s’aventure dangereusement, je me permets de le remettre à sa place. « On tue les garçon, viole les petites filles et sommes défoncés à longueur de journée. C’est ce que tu veux entendre ? » Mon expression est sérieuse au possible, mes mots le sont infiniment moins. Il se voile la face sur beaucoup de choses au point de ne pas arriver à voir la vérité en face. « C’était ton plan depuis ton premier jour ici ? » Oh, Ezra. L’arme tourne autour de mon index, je m’amuse sincèrement de sa question. Qu’est-ce qu’un mécanicien pourrait bien avoir à offrir à un gang, au juste ? Il y a peu encore, il était couvert de dettes.

« T’es un simple dommage collatéral. » Je rétablis donc la vérité, n’hésitant pas à utiliser les mots adéquats, quitte à faire un peu plus de mal encore à son frêle ego. « A l’époque, mon gang se battait contre le Club. Le gang où est Amos. Mon bras, c’est une balle qui est passée par là. Je ne pouvais pas aller à l’hôpital, la plaie s’est infectée. On a dû couper. » Les explications sont données au compte goutte, presque robotiquement, sans réellement faire de liens entre les phrases. Il y a trop à dire et quand bien même je sais qu’il mérite d’être éclairé, cela signifie aussi le mettre en danger. « Mon gang a été détruit et la majorité de ses membres tués. On a longtemps cru que c’était mon cas aussi, c’est pour ça que la jeune femme que tu as vu était aussi remontée. C’est ma fille. » Parce qu’Ilaria n’est plus la petite fille que j’ai quitté, elle est devenue une jeune femme qui ne mérite pas qu’Ezra pense Dieu sait quoi à son sujet. « Tu fais ce que tu veux à propos d’Amos, mais n’oublie pas que tu dois aussi inclure ton fils dans l’équation. » S’il veut le voir grandir, il doit faire les bons choix, lui.

live fast and die young and stay forever numb

@"ichabod bates"

***
« Tu penses encore le connaître ? » L’étonnement d’Ezra concernant les agissements de Amos était compréhensible, mais ne venait en rien entacher l’image qu’il s’était forgé de l’homme. Même s’il en venait à douter de toutes les informations que Ichabod semblait prêt à lui fournir, une part de lui venait petit à petit les imprimer dans son subconscient. Pourtant, aucune nouvelle dite aujourd’hui ne pouvait venir changer le fait qu’Ezra pense sincèrement voir un bon gars en Amos. En revanche, s’il avait toujours eu des doutes sur le Bates, ces derniers ne venaient qu’être confirmés au cours de cette discussion. Il avait toujours été emprunt de violence, c’était indéniable; il n’y avait qu’à voir la peur qu’il avait réussi à insuffler en Ezra au fil des années écoulées. Pourtant, ce dernier s’était toujours dit que c’était du là un mauvais caractère, et peut-être oui effectivement à quelques embuches sur le chemin de sa vie qui l’avaient forgé de la sorte. Jamais, ô grand jamais, il n’était allé jusqu’à imaginer Ichabod appartenant lui aussi à un gang.

Et cette vérité étant exposée publiquement entre eux désormais, Ezra se devait de réfléchir avec un peu plus de recul sur ce qu’il viendrait prononcer comme paroles désormais. Enerver le brun avait toujours été un de ses plus forts atouts jusqu’alors; il ne souhaitait plus s’en servir, sous aucun prétexte. Et il devait mieux s’en sortir désormais, puisqu’il vint jusqu’a entendre un petit rire de la part d’Ichabod, ce qui était arrivé tellement rarement qu’il pouvait les compter sur les doigts d’une main, ces fois-là. « Si je voulais te tuer, ce serait déjà fait. Je n’aurais pas perdu de temps à expliquer tout ça pour ensuite te descendre. » S’il ne lui avait pas encore précisé le peu de considération qu’il avait pour le Beauregard, c’était désormais chose faite. Ce dernier vint encaisser cette nouvelle vérité, tant bien que mal - il était facile de comprendre de quelle façon il prenait réellement la chose -, avant de continuer sur les questions qui lui semblaient être évidentes d’être posées à ses yeux. De toutes façons, il s’agissait surement là des derniers mots qu’il prononçait, n’ayant en rien oublié la présence du flingue entre les doigts d’Ichabod; autant demander des explications. « On tue les garçon, viole les petites filles et sommes défoncés à longueur de journée. C’est ce que tu veux entendre ? » - « Je cherche juste à comprendre, pour une fois. » Lui qui d’ordinaire ne comprenait pas grand chose à ce qu’il se passait autour de lui - preuve en était parfaitement aujourd’hui -, mettait un point d’honneur en cet instant à comprendre pourquoi il allait être rayé de la liste des résidents permanents de cette planète.

« T’es un simple dommage collatéral. » Ezra vint hocher la tête, lentement mais de façon perceptible, comme si cette explication venait effacer toute trace de doute dans son esprit - ce n’était en rien le cas. « A l’époque, mon gang se battait contre le Club. Le gang où est Amos. Mon bras, c’est une balle qui est passée par là. Je ne pouvais pas aller à l’hôpital, la plaie s’est infectée. On a dû couper. » Un frisson vint parcourir son échine, alors qu’il ne put empêcher ses yeux de venir se placer là où manquait une partie du bras d’Ichabod. Il savait qu’il allait se faire remettre dans le droit chemin pour agir de la sorte, mais peu importait. « Mon gang a été détruit et la majorité de ses membres tués. On a longtemps cru que c’était mon cas aussi, c’est pour ça que la jeune femme que tu as vu était aussi remontée. C’est ma fille. » - « Oh. » Autant d’informations qui prenaient sens dans son esprit, tout autant qu’elles réussissaient à venir le perturber encore davantage. Il comprenait désormais pourquoi le Bates n’avait pas du tout aimé la blague qu’il était venu faire, quelques mois plus tôt, par rapport à cette jolie blonde qu’il avait emmené à part dans ce même-bureau où ils se tenaient tous les deux aujourd’hui. En revanche, cela ne venait pas arranger sa confusion quant au fait qu’il était désormais propriétaire d’une information qui ne faisait aucun sens dans son esprit: Ichabod était papa. S’il y avait bien un rôle qui semblait ne pouvoir lui être distribué, pourtant, c’était ce dernier. « Je savais pas que c’était ta fille, je suis désolé. » Et ses mots étaient sincères. Malgré la situation qu’ils partageaient tous deux en cet instant, des excuses lui semblaient inévitables à Ezra. Il avait été maladroit, et s’il avait su, il n’aurait pas agi de la sorte - il aurait fait bien des choses différemment, s'il avait su.

« Tu fais ce que tu veux à propos d’Amos, mais n’oublie pas que tu dois aussi inclure ton fils dans l’équation. » - « Comment ça je dois inclure mon fils dans l’équation ? » Si dans ses paroles et son regard, il y était perceptible un véritable désir de s’excuser auprès d’Ichabod la seconde précédente, ce fut désormais emplis de panique qu’il vint s’adresser à ce dernier, le regard venait depuis trop longtemps se plonger dans celui du Bates. « Il est en danger ? Tu le sais en danger ? Tu me parles de quoi là Icha ? » Il avait également légèrement oublié que sa vie était sur le point de se terminer d’un moment ou d’un autre, et l’arme tenue à distance pour le moment de lui; il n’aurait jamais agi de façon si spontanée sinon - quoi que lorsqu’il s’agissait de son fils, il ne réfléchissait pas beaucoup et venait surtout agir à l’instinct. « Que tu veuilles t’en prendre à moi c’est un chose, mais me dis pas que Noah est danger aussi. » Oh, s’il n’avait pas prévu de base de venir le descendre, Ichabod allait se faire un malin plaisir désormais, à l’entendre piailler de la sorte.

« Je cherche juste à comprendre, pour une fois. »
Et, pour une fois, il prend la bonne décision. Tout ce qu’il peut faire, c’est m’écouter et tenter de comprendre tout ce que j’ai à lui dire, et Dieu sait qu’il en a, des choses à rattraper. Je pensais sincèrement pouvoir l’épargner de ces récits pendant de nombreuses autres années encore mais son comportement me pousse à le faire aujourd’hui. Ainsi, il ne peut que s’en vouloir à lui-même puisque s’il avait été capable de moindrement bien choisir ses amis, il n’en fréquenterait pas certains avec les mains aussi ensanglantées que peut l’être son Amos. Mon récit l’épargne au moins de toutes accusations. N’ayant aucune preuve, je m’en garde, bien que je ne ménage pas mes sous-entendus à son égard, partisan du fait que notre entourage a tendance à nous caractériser, qu’on le veuille ou non. C’est aussi valable pour moi, malheureusement. « Oh. » sont finalement ses premiers mots lorsque je révèle l’identité d’Ilaria, sans pour autant en faire de même avec son nom. La jolie petite blonde à qui j’avais pris pour habitude de faire des couettes au sommet du crâne est aujourd’hui devenue une femme forte, bien plus grâce à sa mère qu’à moi. « Je savais pas que c’était ta fille, je suis désolé. » - “Tu n’as pas à l’être. Personne ne le sait.” Il était tenu dans l’ignorance parce que je le voulais, rien de plus et rien de moins. J’accepte ses excuses par un silence, ne jugeant pas utile d’y apporter le moindre pathos. Ezra dit ce qu’il pense, c’est un bon gars à qui il arrive de mauvaises choses, comme toujours. Je sais que le secret de l’existence d’Ilaria sera bien gardé avec lui, surtout s’il sait que justement c’en est un, de secret.

La seule chose que je veux encore ajouter, c’est une dernière indication à propos d’Amos, un simple conseil d’ami visant à lui faire comprendre qu’il devrait prendre ses distances avec un tel homme. Mes mots semblent pourtant être surinterprétés, j’imagine, à en juger par sa réaction digne d’un père paniqué. Il correspond à merveille à ce rôle. « Comment ça je dois inclure mon fils dans l’équation ? » Comment pourrait-il ne pas l’être, surtout ? Les problèmes ne se résument pas à la Ruche et au Club, ils touchent aussi des civils comme lui et des enfants comme Noah. Il faudrait être naïf pour croire le contraire, surtout maintenant qu’il est en possession d’autant d’informations. « Il est en danger ? Tu le sais en danger ? Tu me parles de quoi là Icha ? » - “Calme toi, bon sang.” Heureusement que j’ai de l’expérience avec les armes à feu, parce qu’à ainsi refermer mes doigts, j’aurais pu malencontreusement laisser le coup partir. « Que tu veuilles t’en prendre à moi c’est un chose, mais me dis pas que Noah est danger aussi. » Décidément, il a un mal fou à comprendre les choses telles qu’elles le sont. “Noah n’est pas en danger tant que tu n’aggraves pas les choses.” Tant qu’il ne continue pas de parler aux mauvaises personnes, à leur raconter tout et n’importe quoi. En réalité, tout ne dépend que de lui, et bientôt je ne serai plus là pour le museler lorsqu’il le sera nécessaire. “C’est tout ce que je dis. Rien de plus. Personne n’en veut à ton gamin parce qu’il n’a rien à leur apporter.” Pour le moment. Dieu sait quel intérêt il pourrait avoir dans le futur. “Je vais partir avec ma fille. Tu vas devoir être discret pendant quelques temps, je ne serai plus tes yeux et tes oreilles.” Il n’a pas intérêt à acheter à son nom une Ferrari rouge criante avec toutes les dernières options, voilà ce que je dis. Il risquerait bien plus qu’un contrôle fiscal, si tel était le cas.