| i know everything you don't want me to (craker #12) |
| | (#)Mar 03 Aoû 2021, 16:34 | |
| Tu ne sais pas trop comment tu as fais pour te faire comprendre, mais après de longues secondes d’attente, tu as réussi à dire à Wyatt ou tu es et surtout, tu as été capable de lui demander de venir te chercher. T’es consciente que les mots qui sortent de tes lèvres sont maladroits et ne font certainement pas beaucoup de sens pour le Parker, mais c’est bien tout ce que tu es capable de lui offrir en ce moment alors que tu peines à t’entendre parler. Comme si ton cerveau n’arrivait pas à enregistrer le fait que ta voix s’élève contre ton téléphone dans un appel à l’aide que seul Wyatt saura entendre comme étant ce qu’il est. Si tu te doutais que la conversation avec ton frère allait être difficile, tu n’avais jamais imaginé que ça allait dégénérer à ce point-là. Tu t’étais rendue à sa résidence sur un coup de tête, dans un élan de courage que tu avais trouvé en fin de soirée et si tu avais pensé à comment te rendre chez lui, tu n’avais pas vraiment réfléchi à comment rentrer chez toi. Il aurait pourtant été aussi simple d’appeler un taxi ou un Uber que d’appeler Wyatt, mais la vérité c’est qu’en ce moment, tu ne peux pas te retrouver toute seule et t’as encore moins envie de te retrouver à faire la distance de la ville en entier avec quelqu’un que tu ne connais pas. Incapable de t’imaginer être assise dans un silence inconfortable alors que ton esprit se rejoue encore et encore toutes les horreurs que Garrett et toi veniez tout juste de vous lancer à la figure, dans un match terriblement cruel de celui qui saurait faire le plus mal à l’autre. Le problème avec ce jeu, c’est que personne n’en sortait vainqueur. Il n’y avait que des perdants et une relation brisée comme jamais auparavant.
Ça semblait être la thématique de ta vie en ce moment : les relations brisées. Chaque nouvelle décision que tu prenais depuis quelques mois apportait son lot de vagues et de désapprobations que tu tentais de gérer comme tu le pouvais, mais il semblait que chaque nouvelle tentative d’arranger les choses ne faisaient que créer de nouveaux problèmes. Tu étais perdue, tu étais épuisée et la vérité c’est que tu n’avais plus la force de prétendre plus longtemps. Tu avais su garder la face devant ton frère, dans un élan de fierté mal-placé, parce qu’aussi proches que vous aviez pu être l’un de l’autre, c’était une seconde nature que d’apparaître comme étant le plus fort peu importe la situation. Mais là, toute seule sur le bord du trottoir, tu ne savais gérer avec l’excès de colère, de tristesse, de déception et de culpabilité qui te submergeaient. Les vagues sont trop fortes et ton corps semble trop fragile, c’est d’un mouvement brusque que tu te laisses tomber, bien incapable de supporter ton propre poids plus longuement. Tout ton corps semble trembler de frissons que tu ne contrôles pas, mais jamais tu ne laisses les vagues te consumer au point de te mettre à pleurer. Tu gardes la mâchoire serrée, même s’il n’y a personne pour te voir, personne pour t’entendre. Incapable de te laisser complètement aller à cette vulnérabilité que tu ne t’offres même pas dans un anonymat complet parce que tu sais que d’une minute à l’autre, Wyatt va arriver et tu refuses simplement qu’il se retrouve à récupérer une Rosalie en sanglots sur le bord de la route, comme le pire des clichés d’un film de série B. C’est le paradoxe complet entre vouloir assumer tout ce que tu ressens et être incapable de te laisser aller.
Tu ne sais pas combien de temps s’écoule entre le moment de l’appel et celui ou sa voiture vient finalement se garer à quelques mètres de l’endroit ou tu as trouvé refuge, mais ça t’importe peu. Tu n’as plus conscience de rien quand tu ne cesses de rejouer encore et encore cette conversation aux couteaux tranchants dans ton esprit. Tu mets quelques secondes, une minute peut-être avant de finalement trouver la force de te lever et de marcher en direction de la voiture de Wyatt. Tes pas sont lents, ton corps tendu comme jamais alors que tu viens ouvrir la portière du côté passager et tu prends place dans la voiture sans jamais te tourner vers Wyatt. Tu as bien trop peur qu’un seul regard te fasse craquer alors que tu as réussi à tenir jusqu’ici. Tu devrais dire quelque chose, le saluer ou le remercier d’être là, n’importe quoi, mais les mots sont complètement coincés dans le fond de ta gorge. Tu prends une grande inspiration alors que tu passes la ceinture de sécurité autour de tes hanches dans un clic qui est le seul bruit qui se fait entendre dans la voiture. Tu les sens les yeux de Wyatt sur toi, qui attend patiemment une quelconque réaction de ta part, une explication peut-être alors que le silence est la seule chose que tu sois en mesure de lui offrir. « Conduis. » Ta voix craque et il te faut user de tout ton self-control pour éviter la crise. Ton regard se perd sur un point fixe au loin, une lumière quelconque dans la rue, juste quelque chose pour remplir ton esprit et éviter le pire encore un peu. « S’il-te-plaît. » que tu supplies alors que tes yeux se remplissent d’eau sans que tu ne puisses l’en empêcher plus longtemps. @Wyatt Parker |
| | | | (#)Jeu 05 Aoû 2021, 23:36 | |
| Le rendez-vous semblait s’écouler sur une éternité alors que Boyd ne cessait de me présenter tout un tas de paperasse pour les derniers points avant la publication de mon livre. Il fallait choisir la date idéale, lui faire avaler qu’il n’avait aucun droit de regard sur la couverture que Ginny avait si brillamment dessiner et surtout que je n’allais pas passer mon temps libre à pourrir dans des librairies de seconde zone pour signer quelques exemplaires. Depuis le début de l’après-midi, les opinions n’ont cessé de diverger d’un point vers l’autre, à chercher un faux-semblant de compromis qui pourrait convenir aux deux parties. Il est dur en affaires l’éditeur, je suis intraitable sur les éléments qui ne pourront en rien être modifié. À s’éterniser dans l’administratif, mon attention s’en est réduite à laisser mon esprit vagabonder loin de ce bureau. Jusqu’à ce que mon téléphone se mette à sonner. Jusqu’à ce que je récupère le mobile entre mes doigts et que mes yeux s’attardent sur le prénom de Rosie qui s’étale à l’écran. Si je doute, l’espace d’un instant, le regard que me lance Boyd, m’incitant à ne pas répondre, me pousse à faire tout le contraire. Le silence à l’autre bout de la ligne paraît durer à l’infini avant que je n’entende son souffle, avant que je comprenne qu’elle est en train de chercher ses mots. « J’ai besoin de toi. » Tout est murmuré dans une retenue qui ne fait sens, dans la précipitation d’un aveu qui ne se veux qu’éphémère comme un ultime appel à l’aide. Ce n’est pas son genre à Rosie de réclamer une main tendue d’une voix aussi tremblante. Quelque chose cloche. Je peux l’entendre dans son silence qui s’éternise sans qu’elle ne prononce la moindre parole supplémentaire, je peux le deviner de mille et une façon dans un instinct que je pensais mort depuis longtemps. « Dis-moi où tu es, j’arrive. » La réponse se veut évidente quand bien même Boyd s’agite sur son siège pour réclamer mon attention. J’attends son accord, un signe de sa part, n’importe quoi, avant de raccrocher. Dans la seconde qui suit mon téléphone, sonne à nouveau annonçant l’arrivée d’un message contenant une simple adresse à Bayside. « On n’a pas terminé Wyatt. » À l’entendre, on n’en terminera jamais des papiers, des accords à tout va et des négociations bancales. « Urgence familiale. » C’est l’excuse parfaite, celle que personne ne conteste jamais. Surtout que cela tend bien trop vers le vrai désormais. « Je reviens demain matin à la première heure. » Il sait d’avance que je serais en retard, il l’a déjà appris à ses dépens. Qu’importe, ce ne sont que quelques dernières futilités qui pourront attendre une prochaine journée.
L’adresse sonnait familière sans que je ne sois capable de mettre le doigt sur le sentiment avant de tourner à l’angle du quartier. Dans ce coin de la ville, les maisons ne sont que la preuve d’une richesse que l’on cherche à étaler à la vue de tous. Seul un Craine pourrait vivre dans ce genre d’endroit sans faire tache dans le paysage. On est loin du manoir familial, mais bien trop proche de la maison de l’aîné. Je n’ai pas tant à m’attarder sur la question quand j’aperçois sa silhouette assise sur le trottoir dans la pénombre du jour tombant. De loin, déjà, elle semble ailleurs. De près, c’est bien pire encore. Éclairer par les phares du véhicule, son teint semble plus pâle que jamais. L’espace d’un instant, je me demande si elle est malade, si quelque chose ne va pas en lien avec sa grossesse. Jusqu’à ce qu’elle se lève et que son regard reste rivé sur le macadam. Elle ne va pas bien, Rosalie, mais ce n’est pas le physique qui la traîne vers le bas, plutôt tout ce qui semble se tramer dans un coin de son esprit. La rue est vide de tout habitant, on est à quelques mètres de chez Garrett, je pourrais en mettre ma main à couper. Alors qu’est-ce qu’elle peut bien faire, seule, assise à même le sol, si proche de chez son aîné ? Les questions s’additionnent tandis que Rosalie prend place du côté passager dans un silence qui se veut bien trop étrange. Elle n’est pas dans son état normal quand elle semble constamment lutter pour ne pas s’effondrer vers l’avant. Tous les signes s’accumulent de ses doigts qui se tordent ensemble à ses cheveux qu’elle utilise comme ultime barrière cachant le reste de son visage. « Conduis. » Je voudrais dire non, mais les mots restent coincés dans le fond de ma gorge. Je n’ai jamais vraiment su gérer la tristesse des autres, celle aussi apparente de Rosie, c’est bien pire encore. « S’il-te-plaît. » Je ne me fais pas prier, enclenche une vitesse et nous entraîne bien loin de cette rue.
Au départ, je tourne en rond sans trop vraiment savoir où aller. L’atmosphère au sein de l’habitacle semble sur le point de se briser au moindre coup de frein. À tout moment, Rosalie va exploser. Ce sera sans prévenir, au détour d’une rue ou parce que le poids sur ses épaules sera devenu trop lourd pour ne pas le partager. À chaque minute, je lance un regard dans sa direction, bien incapable de déchiffrer ce qui paraît être une véritable tornade au coin de sa tête. Si j’ai toujours su manier la Rosalie en colère, celle jalouse ou même encore la version la plus têtue qui puisse exister, je n’ai guère été confronter à cette version sur le point de s’effondrer. Dans un geste maladroit, je viens allumer le poste de radio, poussant le son assez fort pour lui donner l’impression que je n’entendrais rien. Mon esprit court à cent à l’heure alors qu’elle n’a toujours pas bougé. La chanson qui passe se veut ringarde au possible et je serais tenté de chantonner pour lui arracher un sourire, mais mon attention se perd sur la route quand je décide de tourner au dernier moment. Le soleil a bien entamé sa course vers l’horizon, mais si je continue à longer le bord de la plage, il ne restera plus que nous et l’Océan.
Incapable de trouver ne serait-ce qu’une phrase qui pourrait sonner réconfortante, je finis par détacher une de mes mains du volant pour venir la poser sur sa cuisse. Geste tant de fois répéter qu’il en devient bien trop familier. Ce ne sont que mes doigts qui viennent serrer le tissu de son jean, dans un contact qui pourrait tout dire. Je suis là, laisse aller. Et mon regard ne se défait jamais de la route qui défile pour nous emmener vers la jetée alors que mon pouce se balance d’avant en arrière sur sa cuisse toujours immobile. Je suis là, malgré tout. |
| | | | (#)Ven 06 Aoû 2021, 09:19 | |
| À quel moment avais-tu perdu le contrôle à ce point?
Si les mensonges et les faux-semblants t’avaient longtemps donné une impression de contrôle sur ta vie, la vérité elle venait tout chambouler, tout remettre en question de la pire des façons. Tout ce que tu croyais savoir, tout ce que tu croyais être, tout ce que tu croyais acquis, de tes relations à ta propre personnalité, ne faisaient plus de sens sous cette nouvelle lumière. Plus le temps passait, plus tu perdais pied dans cette quête à la rédemption qui était tienne. Chaque tournant emmenait un nouveau vent de destruction que tu te prenais à la gueule, et plus tu tentais de t’accrocher, plus tu semblais perdre des morceaux de toi en chemin. Cette conversation avec Garrett, toutes les vérités crachées et les insultes lancées, te faisaient comprendre maintenant plus que jamais que plus rien ne serait comme avant. Ton unité familial tel que tu l’avais connu n’existait plus, et si ce dernier n’avait jamais été parfait, jamais idéal, il était tout ce que tu connaissais. Jamais tu ne t’étais imaginée élevé un enfant sans le support de ta famille, sans la présence de tes frères dans ta vie, et voilà soudainement que cette possibilité semblait la plus probable et la simple pensée venait te nouer l’estomac, laissant dans ta bouche un goût cruellement amer. Et dans une habitude dont tu étais incapable de te défaire, c’est contre Wyatt que tu cherchais à t’appuyer pour ne pas sombrer complètement.
Jamais tu n’oses le regarder toutefois alors que la tension dans la voiture semble augmenter avec les minutes qui filent. Le grondement du véhicule est la seule chose qui s’élève entre vous alors que ton regard se perd sur la route qui défile et que tu te concentres pour retenir les larmes qui menacent de quitter tes yeux à tout instant. Tu voudrais lui dire de regarder devant chaque fois que tu sens les yeux de Wyatt se poser sur toi, mais tu sais trop bien que si tu ouvres la bouche à nouveau, tu ne pourras pas retenir plus longtemps les sanglots. Tu ne dis rien, prétend ne pas remarquer cet air inquiet qui habite les traits du Parker alors que les rues laissent bientôt place à l’océan qui se dessine devant vous lorsque vous arrivez aux extrémités de la ville. Des millions de pensées se bousculent dans ton esprit, tu ne peux t’empêcher de rejouer la dernière fois que vous vous êtes retrouvés en silence dans cette voiture, quelques mois auparavant. Le retour du roadtrip improvisé s’était fait dans une tension similaire à celle-ci, mais tellement différente à la fois. Si à ce moment vous étiez l’un contre l’autre, à la fin d’une ultime partie de ce jeu malsain qui avait bercé votre relation pendant des années, tu sais aujourd’hui que malgré la complexité de la situation, vous êtes ensemble. Ensemble dans cette grossesse et dans tout ce qui en découle. Ensemble dans le bordel, ensemble a tenté de faire du sens de tout ça.
Tu voudrais te faire croire que tu gères, que t’es en train de te calmer, que tu ne vas pas te mettre à pleurer si tu ouvres la bouche, que t’as juste besoin de quelques minutes de plus. Mais Wyatt ne t’offre pas quelques minutes de plus lorsque dans un geste trop familier, sa main vient se poser sur ta cuisse. Ta première réaction est de vouloir repousser ses doigts, de l’empêcher d’être si proche, de refuser l’option qu’il t’offre d’un simple mouvement de ne pas te retenir plus longtemps. « Fais pas ça... » que tu supplies alors que tes doigts viennent pour enlever les siens, sans jamais terminer le mouvement toutefois. C’est un sanglot qui se fait finalement entendre alors que ta main trouve la sienne sans la repousser. Ta vision se brouille des larmes que tu ne saurais retenir plus longtemps et puis tout s’effondre autour de toi. C’est la dernière heure avec Garrett qui se déverse en sanglots si violents que t’as l’impression que tout ton être va se briser. C’est les tensions des derniers mois qui s’échappent, c’est toutes les blessures, autant celles que tu as commisses que celles que tu as reçues, qui s’étalent juste là entre vous alors que tu ne retiens absolument plus rien. Les minutes passent sans que tu ne sois capable de te calmer et c’est seulement lorsque tu oses un regard vers Wyatt et qu’il est tourné vers toi que tu remarques que la voiture s’est arrêtée. C’est sans le moindre contrôle que tu laisses ta tête tomber contre son torse alors que les sanglots reprennent de plus belle pour ce qui semble être une éternité. C’est contre lui que tu baisses toutes les armes une bonne fois pour toute, incapable de supporter la pression plus longtemps.
Tu mets du temps avant de retrouver un semblant de calme. Tes yeux chauffent, tes joues sont parsemées de ses larmes que tu as cessé d’essuyer et t’as mal à la tête d’avoir retenu toute cette tension aussi longtemps. T’as lentement retrouvé ta place dans ton siège et tu évites toujours de te retourner vers Wyatt. C’est stupide d’être gênée de la scène qui vient de se jouer entre vous et pourtant, t’es incapable de croiser son regard, effrayée de ce que tu pourrais y lire, mais surtout terrorisée à l’idée de ce que lui pourrait lire dans tes yeux. C’est qu’il te connaît trop le Parker, il connaît chacune de tes failles, chacune de tes faiblesses. La Rosalie guindée, celle que Wyatt déteste tant, elle tenterait de camoufler, de déjouer la situation. Elle refuserait de dire ce qui a bien pu la mettre dans un tel état. La Rosalie d’avant, celle que Wyatt a aimé, celle qu’il connaît par coeur, elle lui dirait tout. Elle n’a jamais eu de secrets pour lui, cette Rosalie-là. Mais la Rosalie d’aujourd’hui, tu ne sais plus ou la placer. Tu veux te protéger autant que tu te sais bien incapable de lui cacher quoique ce soit. Tu échappes un long soupir et tu tentes de contrôler le tremblement de tes doigts qui jouent nerveusement avec la ceinture de sécurité. « J’ai dit à Garrett, pour la grossesse. » Tu fermes violemment les yeux tandis que les souvenirs des mots te reviennent avec une force qui te coupe le souffle de nouveau et tu as besoin de quelques secondes pour t’empêcher de recommencer à pleurer. « Il a dit… on a dit des choses horribles. » Tu laisses ta tête tombée contre le siège derrière toi, préférant regarder le plafond de la voiture que de te risquer à voir la réaction de Wyatt alors que tes mains viennent se poser sur ton ventre, dans cet éternel geste de protection envers ce petit-être qui grandit en toi. « Ce bébé... » Tes yeux se remplissent d’eau à nouveau alors que tu cherches tes mots. Depuis que vous aviez pris la décision de garder le bébé, c’était une multitude d’émotions contradictoires qui t’envahissaient quand tu pensais à lui. Tu avais si longtemps rêvé de ce moment, une partie de toi savait que malgré l’absurdité des circonstances, il était désiré, ce petit bout d’humain. Pourtant, chaque fois que tu te prenais des commentaires comme ceux de ton frère à la gueule, tu ne pouvais t’empêcher de tout remettre en question. « Je sais pas ce qu’on fait, Wyatt. » |
| | | | (#)Dim 08 Aoû 2021, 13:26 | |
| Il serait un jeu presque trop aisé de devoir lister chaque aspect de la personnalité de Rosalie Craine. Sans même m’en vanter, je terminerais grand gagnant quand j’ai toujours été celui qui pouvait voir l’image qu’elle diffuse au monde entier tout en ayant un accès privilégier à celle qu’elle ne réserve qu’à un cercle bien limité. Tout s’apparaît comme complexe lorsque l’on s’attarde sur les détails, lorsque l’on cherche à traduire un regard. Rosalie n’est pas de ce genre de femme qui devient presque trop prévisible une fois que vous avez passé quelques heures à ses côtés, onze ans plus tard j’en reste le premier étonné, de voir à quel point son adaptabilité peut vous désarçonner qu’importe combien on pense pouvoir la connaître. J’ai tout enduré de ses sautes d’humeur à son obsession pour une image lissée. Ce fut pire encore lorsque je suis devenu l’homme de l’ombre celui qui avait accès à tout en privé et à rien dès lorsque l’on se retrouvait dans un lieu empli d’une foule qu’elle savait si savamment manipuler. J’ai eu des années pour observer, des heures d’ignorance pour mieux analyser. Elle m’avait toujours paru en contrôle, sans jamais faillir. Jusqu’à aujourd’hui…
La bombe à retardement semble sur le point de dégoupiller pour mieux tout dévaster. À chaque souffle qu’elle retient, j’essaye d’anticiper la vague qui viendra nous submerger. Je me compte dans le lot dès l’instant où c’est l’atmosphère au sein de l’habitacle tout entier qui s’apprête à changer. Pour la première fois, Rosalie semble au pied du mur, incapable de reculer ou d’avancer, prise au piège dans cet idéal qu’elle n’avait cessé de construire entre mensonge et vérité. À chaque regard que je lance dans sa direction, j’ai la sensation de la voir se tasser sur son siège à trop vouloir se ressaisir, à trop fuir le moindre contact. Quelque chose à casser ce soir et je déteste ce sentiment qui monte de ne rien savoir, de ne pas pouvoir contrôler. Je le sais forte Rosalie, elle me l’a tant de fois prouvée, mais ce soir quelque chose me dit que je devrais la surveiller. Ainsi, mon regard jongle entre la route que j’emprunte et sa silhouette si fragile. Qu’est-ce qui s’est passé Rosie ? À plusieurs reprises, j’avale ma salive, près à lui poser une question avant de me raviser. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, les grandes phrases, les mots qui réconfortent, cela n’a jamais vraiment été quelque chose entre nous. Probablement, parce que je suis bien souvent incapable de verbaliser quoi que ce soit sans que cela ne trouve au sarcasme ou à la violence. Je ne sais pas faire encore moins lorsque Rosalie semble être aussi triste.
Ne reste, alors, que le geste qui rassure, celui qui lui rappelle concrètement ma présence et qui lui indique sans un mot qu’elle peut tout laisser échapper. « Fais pas ça... » Si je vais le faire. Plus fort encore lorsque mes doigts s’enfoncent légèrement dans le tissu de son jean, je ne lâcherais rien quand il faut absolument qu’elle extériorise. Ses doigts se retrouvent emprisonner aux miens lorsqu’elle cherche à se défaire du contact. Je ne céderai rien, il en est ainsi. Au jeu du plus têtu, elle a toujours fini par perdre. Il suffit d’une simple pression de mes doigts pour que le barrage cède. Si le premier sanglot est étouffé entre ses lèvres, ceux qui suivent en viennent à déchirer le silence qui nous entourait. Incapable d’arrêter la voiture de suite, me voilà jonglé entre la route et son visage inondé de larmes. La boîte de Pandore s’est enfin ouverte pour laisser déverser des semaines, des mois et des années de retenues. Mes doigts serrent les siens alors que du pied droit j’accélère pour trouver un endroit où m’arrêter. Je ne sais pas gérer tout ça et je déteste le sentiment d’angoisse qui monte petit à petit comme pour me rappeler que cette femme à mes côtés, je l’aime et je ne peux pas la laisser comme cela.
Je me gare complètement de travers, coupe le moteur et me tourne enfin vers elle sans que jamais elle ne semble me voir au travers de ses larmes. Je n’ose pas la toucher alors qu’elle sanglote si fort que j’en viens à me demander si elle arrive à respirer correctement. Il faudrait que j’agisse, mais me voilà incapable de bouger, simple spectateur d’une vie de mensonge qui se brise. À l’observer, j’ai le temps de tout noter. Ses traits qui se tordent d’une douleur invisible et surtout ce ventre qui s’est réellement arrondi. On ne peut plus prétendre ne pas comprendre désormais, quand son tee-shirt semble presque trop petit et que j’aperçois chaque rondeur qui se dessine sur son corps. L’angoisse monte à nouveau d’une manière que je ne saurais expliquer, je voudrais fumer, mais Rosalie semble revenir à elle. Juste assez pour me regarder avant de s’effondrer dans mes bras. Passer l’instant de surprise, je me redresse pour la prendre contre moi, pour mieux enrouler mes bras autour de ses épaules dans une véritable étreinte. De celle que l’on n'avait pas eue depuis bien longtemps, de celle qui joue avec les battements de mon cœur. Du bout des doigts, je caresse ses mèches brunes alors que ses larmes viennent tremper mon tee-shirt. Il ne reste plus que nous dans cette voiture à mesure que sa tristesse s’envole dans chaque goutte salée qui roule sur ses joues humides. Les minutes défilent sans que l’un ou l’autre ne bouge, sans que les rancœurs et les erreurs du passé ne viennent entraver la complicité qui avait toujours su subsister. Il ne reste que mes bras qui cherchent encore et toujours à la protéger.
Lorsque le calme retombe, c’est dans un geste bien maladroit que je viens lui présenter un paquet de mouchoirs qui n’a plus d’âges alors qu’elle cherche à tout effacer. L’espace d’un instant, j’ai peur qu’elle se referme sans jamais rien dire, qu’elle redevienne celle que je n’ai cessé de haïr ces dernières années. Elle soupire et je me raccroche à ses lèvres, si la Rosalie sans cœur l’emporte, il ne me restera plus qu’à la raccompagner. « J’ai dit à Garrett, pour la grossesse. » J’avais fini par le deviner. « Il a dit… on a dit des choses horribles. » Alors, il va payer. C’est à mon tour de soupirer quand il paraît évident que sa famille cherche à lui faire payer ce qui n’a toujours été qu’un accident. Je suis un paria pour les Craine, la pire vermine de la société. Je ne serais jamais assez bien pour Rosalie à leurs yeux et ils lui font payer la haine qu’ils n’ont jamais cessé de me porter. « Depuis quand on s’intéresse à son avis ? » Durant des années elle n’a eu de cesse de leur mentir en se pavanant au bras de l’autre abruti. J’étais là pourtant, toujours tapis dans l’ombre à attendre et elle déjà, elle donnait trop d’importance à leur avis. J’allais répliquer plus fort encore, je voulais qu’elle comprenne que je ne voulais plus de cet univers où toute la famille Craine entrait en scène, mais c’est elle qui frappe en première. « Ce bébé… » Je perçois le doute dans sa voix avant même qu’elle ne finisse sa phrase. « Je sais pas ce qu’on fait, Wyatt. » Je secoue la tête sentant que tout allait de nouveau exploser. « T’as pas le droit de douter. » Elle ne peut pas faire cela, alors que des jours durant, on a pesé le pour et le contre chacun de notre côté, pour en venir à la même conclusion. Elle ne peut pas juste me dire que désormais elle ne sait plus où elle met les pieds lorsque sa main n’a jamais quitté son ventre et que ce dernier semble s’arrondir à la seconde. « Tu peux pas faire ça. » que je marmonne dans une colère que je ne sais plus dans quelle direction diriger. Ma main cherche la poignée de la portière pour m’extraire de l’habitacle devenu anxiogène. Il me faut quelques secondes à l’extérieur avant de faire le tour du véhicule et de venir ouvrir sa portière. « Sors. » que je demande le plus calmement possible sans jamais vouloir l’effrayer. Son regard, empli de tristesse, croise le mien sans qu’elle ne bouge. Je déteste lire ce doute qu’est venu influer Garrett, je déteste devoir m’engager dans ce genre de conversation quand tout semblait rouler à notre rythme. On avait encore besoin de temps pour comprendre comment tout allait fonctionner et voilà qu’il faut encore précipiter. « Cette décision, elle ne concerne que nous. » Personne d’autre. J’en avais assez des intrus qui se permettait de venir juger sans jamais rien prendre en perspective. Sa famille me déteste, a quoi est-ce qu’elle s’attendait ? « Personne n’a son mot à dire. » Si ce n’est nous. Juste pour une fois, il ne devrait n’y avoir que nous dans l’équation.
Le silence semble perdurer d’une force qui fait monter encore et encore une angoisse indescriptible. Si elle dit douter encore, je ne saurai plus rien gérer. Ce sont mes doigts désormais qui tremblent contre la poignée que j’ai toujours en main alors que j’attends qu’elle sorte. « Sors, s’il te plaît. » Il faut qu’elle me rejoigne, il faut que je marche, il faut que l’espace soit immense autour de nous. Je crois qu’il faut qu’on se parle. Vraiment, cette fois. |
| | | | (#)Dim 08 Aoû 2021, 16:21 | |
| Pendant de longues minutes, le temps semble s’être arrêter, de la pire des façons. Il n’y a que ta douleur, celle qui te pèse si lourd depuis si longtemps, que tu ne sais pas comment gérer le fait qu’elle s’étale de partout dans cette voiture sans que tu ne puisses retenir ou camoufler quoique ce soit. Tu n’as jamais pleuré comme ça devant Wyatt, tu n’es même pas certaine que ce soit déjà arrivé dans un autre contexte. Depuis ta plus tendre enfance, tu as apprise à camoufler. On t’a toujours dit de garder la tête haute, que tes émotions ne seraient que des obstacles sur ton chemin et que tu devais être plus forte que ces dernières, plus maligne aussi. Le contrôle est la clé et tu as si longtemps joué par cette règle. Mais voilà que tout le contrôle t’échappe et que tu te retrouves dans la pire des situations, a essayé de composer avec les conséquences de tes mensonges, tout en devant apprendre à gérer avec cette grossesse qui n’allait pas faire l’unanimité dans ta famille, ni dans ton entourage. Parce que Wyatt n’est pas le bon gars et que la situation est absurde et que putain, t’es une Craine and you should know better. Ton frère te l’avait bien fait comprendre dans la violence de ses propos que plus jamais tu n’aurais droit à cette même place auprès de ta famille et tu ne sais pas comment gérer. Tu ne sais pas comment t’es censée faire pour apprivoiser les prochains changements toute seule, comment t’es censée avancer en sachant que tu risques de te retrouver complètement seule d’un moment à l’autre? Wyatt a dit qu’il serait là, mais à quand la prochaine guerre entre vous? À quel moment est-ce que tout va déraper encore? Tu devrais pas penser comme ça, mais t’es bien incapable de t’en empêcher parce que c’est toujours ainsi que ça se joue entre vous. Un temps de paix avant le prochain coup d’éclat. Et si tu veux vraiment croire que le bébé va changer les choses, que vous avez promis que le jeu est terminé, voilà que tu doutes à t’en rendre complètement folle, les pensées se bousculant dans un tourbillon incessant dans ton esprit ne faisant qu’accentuer les sanglots qui s’échappent encore et encore de tes lèvres.
Pourtant, quand les bras de Wyatt viennent se placer autour de toi, qu’il te ramène à lui comme il l’a fait des centaines de fois auparavant, tu sais fond de toi qu’il est là, qu’il a toujours été là même quand tu ne le méritais pas. Que t’es celle qui l’a tenu à distance, caché des années durant pour jouer cette comédie qui t’a éclatée à la figure, cette comédie qui ne t’aura jamais rendue heureuse au final. Alors tu pleures un peu plus fort, à cause d’une énième vague de culpabilité alors que tout se joue sans que jamais aucun mot ne soit prononcé. Ses doigts dans tes cheveux, tes mains qui se lient dans son dos, tes larmes qui inondent son t-shirt, c’est une scène complètement nouvelle qui se joue entre vous dans un élan d’honnêteté qui semble vous suivre depuis quelques temps. C’est une dynamique vieille comme le monde et nouvelle à la fois qui s’installe alors que tu apprends de nouveau à être complètement transparente devant lui, repoussant ce mauvais réflexe qui voudrait que tu te protèges, que tu t’empêches d’être si ouverte avec lui. Tu mets quelques minutes encore avant de retrouver un semblant de calme, assez calme pour ouvrir la bouche alors que les mots qui sifflent entre tes lèvres viennent créer un éclair de colère sur le visage de Wyatt. « Depuis quand on s’intéresse à son avis? » Tu souffles légèrement alors que tu secoues la tête. « Wyatt... » Tu peux pas gérer avec la haine qu’il éprouve envers ta famille en ce moment en plus de tout le reste, mais t’as besoin de lui dire, de lui faire comprendre à quel point ça te fait mal, de savoir que Garrett aussi aura fini par te tourner le dos dans un moment crucial, alors que maintenant plus que jamais, tu avais besoin de lui. « Je pensais qu’il comprendrait, ou qu’il essayerait... » Mais ce n’est pas du tout comme ça que la conversation s’était déroulée et tu te trouvais bien naïve d’avoir voulu croire que votre lien pouvait être plus fort que le reste. Que le fait qu’il n’approuve pas et n’approuvera jamais de Wyatt, que ton enfant ne sera jamais rien de plus qu’un rejeton non-désiré au sein de la précieuse famille Craine.
Tu t’en veux dès la seconde ou tu laisses tes doutes se faire entendre. Tu t’en veux parce que c’était il y a quelques jours à peine que vous preniez la décision ensemble de le garder ce bébé et vous étiez sûrs de vous. Sur la même longueur d’ondes pour une fois. Tu t’en veux de venir tout chambouler encore, parce que tu veux pas changer d’avis, pas vraiment. T’es juste tellement fatiguée de te battre contre ceux que tu aimes pour leur faire accepter. T’es fatiguée de devoir justifier l’existence de cet enfant à naître qui n’a rien demandé du bordel dans lequel il va pourtant jouer un rôle central, par ta faute. « T’as pas le droit de douter. » Et te voilà à retenir un autre sanglot, à camoufler ton visage dans tes mains pour ne pas avoir à faire face à toutes les émotions qui traversent présentement l’esprit de Wyatt. Tu voudrais te faire croire que si tu fermes les yeux, ça n’existe pas. Mais sa voix s’élève à nouveau et tes doigts quittent ton visage pour venir se poser sur son bras, comme si tu tentais de le supplier de ne pas tourner le couteau dans cette plaie géante. « Tu peux pas faire ça. » Tu le sais et tu voudrais le rassurer, lui dire que tu le pensais pas vraiment, que t’es juste mêlée, perdue comme jamais auparavant, mais il ne t’en donne pas le temps alors qu’il sort de la voiture te laissant derrière. T’as l’impression de te retrouver plusieurs mois en arrière et c’est la peur qui prend le dessus, cette étrange impression de déjà-vu et que tout va encore dégénéré d’une seconde à l’autre alors que sans que tu ne l’aies remarqué, Wyatt se trouve désormais de ton côté de la voiture. Il ouvre la portière et tu peines à te retourner vers lui. « Sors. » Tes lèvres tremblent alors que vos regards se trouvent sans que tu n’oses le moindre mouvement. T’es paralysée sur ton siège alors que tu cherches à lire tout ce que le visage de Wyatt peut bien te dire en ce moment. Il est calme, mais sa bouille derrière ses iris foncés, tu le sais, tu le vois. Tu les connais par coeur, ses regards et tout ce qu’ils veulent dire alors que tes yeux à toi sont encore parsemés de ses larmes qui coulent silencieusement. « Cette décision, elle ne concerne que nous. » Tu hoches la tête, les mots restant éternellement coincés quelque part entre ta tête, ton coeur et tes lèvres. « Personne n’a son mot à dire. » Dans un monde idéal, ce serait simple comme ça. Mais ce n’est pas un monde idéal et dieu sait que t’as appris depuis bien trop longtemps à te fier continuellement à l’avis des autres. « C’est pas si simple. » Ta voix n’est qu’un murmure alors que tu le supplies du regard de te donner le temps, encore un peu. Que tu veux être là, avec lui, mais que tu peines à t’y rendre. Mais que tu essayes, si fort, à détruire ces parties de toi qui te retiennent en arrière et celles qui te font mal, celles qui te crient encore et encore que c’est une erreur de plus, une erreur de trop. Tu veux qu’elles se taisent, les voix qui scandent que tu vas le regretter, et tu sais que la seule personne qui puisse aider à les faire disparaître est celui qui te tend la main en ce moment.
« Sors, s’il te plait. » Tu prends une longue inspiration et puis tu sembles finalement être en mesure d’activer ton corps trop longtemps immobile. C’est maladroit quand tu sors tes jambes de la voiture et que tu tentes de te lever. Tu sembles être de plus en plus lourde et ta balance n’est déjà plus ce qu’elle était alors que tu te retrouves debout devant Wyatt, ton visage soudainement trop près du sien. Vous restez là pendant quelques secondes, à vous regarder droit dans les yeux avant qu’il ne se recule un peu et te laisse la place d’avancer avant de refermer la portière derrière toi. Vous voilà une fois de plus au milieu d’un stationnement complètement vide, mais ce n’est pas un parc national qui se trouve à vos pieds mais bien une plage qui s’étend sous vos yeux à seulement quelques mètres. C’est sans dire un mot que tu enlèves tes souliers et tu ouvres la portière seulement pour les laisser tomber sous ton siège. C’est toujours dans le silence que tu marches en direction du sable blanc, sachant parfaitement que Wyatt allait te suivre. Tu sais que vous avez des choses à vous dire, qu’il y a pleins de sujets qui doivent être réellement discuter, mais tu ne sais pas par ou commencer alors que le vent frais de cette journée d’hiver qui tombe à sa fin vient faire virevolter tes cheveux. « J’ai peur Wyatt. » Il est quelques mètres derrière toi, mais tu le sais qu’il t’entend. Tu le sais qu’il est là et qu’il écoute, qu’il attend que tu précises ta pensée. « Je veux pas changer d’idée, mais j’avais jamais imaginé que je ferai tout ça sans le soutien de ma famille. » Et si tu le sais qu’elle est loin d’être parfaite ta famille, c’est quand même la seule que t’as. « Garrett m’a fait comprendre qu’il serait pas là. Et je sais déjà que ce sera la même chose pour mes parents… Et je sais que tu vas me dire que je devrais m’en foutre, qu’ils ont jamais approuvé de toi et de nous, mais... » Mais y’a même pas de nous. Et j’ai peur de réaliser un matin que je me suis mise ma famille à dos pour rien parce que toi aussi, tu vas partir. Tu as arrêté d’avancer et tu hésites pendant quelques secondes avant de te retourner pour faire face à Wyatt. « J’peux pas faire ça toute seule. »
Promets-moi que t’es là et que tu vas rester. |
| | | | (#)Dim 08 Aoû 2021, 21:19 | |
| Le silence devient notre allié lorsque mes bras s’enroulent autour de ses épaules, lorsque ses doigts s’ancrent dans mon dos. Il ne reste que le silence et les gestes tant de fois répéter pour instaurer un climat de confiance qui avait bien trop longtemps chaviré. Qu’importe tout ce qui a bien pu nous arriver, la complicité n’avait jamais réellement vacillé. Dans le fond, elle avait tout simplement veillé patiemment dans un coin, attendant le moment opportun pour faire une réapparition salvatrice. Chacune de ses larmes vient transpercer ma carapace à nous rappeler que le lien n’a jamais été rompu. Me voilà incapable de la repousser lorsqu’elle s’ouvre enfin avec tant de sincérité au rythme de sanglot que je n’avais jamais pu envisager. La dispute avec Garrett n’est que la surface de l’iceberg, le dernier point culminant, il y a bien plus encore qui s’accumule sans cesse dans l’ombre au point de tout faire céder. Le barrage est ouvert embarquant sur son passage, sa confiance et cette affreuse manie de toujours vouloir garder la tête haute. Je voudrais la garder contre moi encore un instant, me rappeler de l’odeur de ses cheveux, du contact de sa peau contre la mienne, mais se joue bien plus important que des souvenirs flottants alors qu’avec difficulté elle cherche l’air. Ma main retrouve le creux de sa cuisse alors que les mots peinent à se former sur le bout de ses lèvres. « Wyatt… » Elle me reproche ma colère quand cette dernière ne peut être que justifier par le spectacle qui se joue sous mes yeux à l’heure actuelle. Son frère lui a probablement reproché le fait que cet enfant n’allait pas naître du bon père. Auprès de Lachlan, elle n’aurait jamais eu à s’en faire, ils auraient été heureux, elle aurait pu partager la nouvelle avec la terre entière sans jamais craindre les réactions des uns et des autres. Je tente de ne pas relever alors qu’elle tente une nouvelle fois de lui trouver des excuses ou bien encore de se justifier. « Je pensais qu’il comprendrait, ou qu’il essayerait... » Un soupir m’échappe, malgré tout, alors que quelques souvenirs viennent titiller ma mémoire. « Tu veux savoir ce que j’ai dit à Ariane quand elle m’a appris pour Abel ? » Rien de glorieux, elle s’en doute d’avance. « Que jamais je l’aimerais son mioche. » Jamais, je l’avais juré. C’est qui désormais qui devient le pire des oncles gaga dès que le gamin m’accorde le moindre sourire ? J’avais été affreux avec Ariane sur le coup de la surprise. « Je détestais Saül. » Elle notera le temps du passé, elle connectera les points quand elle est la seule à savoir que je suis encore en contact avec celui qui aura brièvement été mon beau-frère et que je tente de l’aider dans l’épreuve qu’il traverse. On ne sera jamais les meilleurs amis du monde et j’aurais continué à me méfier, mais parce que j’aime ma sœur, j’ai su me plier. C’est ce que l’on fait dans une famille, on s’adapte et on s’accorde tant que l’autre nous paraît heureux, tant que cela semble fonctionner. « Il a réagi brusquement. » C’est ma manière bancale de lui faire comprendre que rien n’est graver dans le marbre, que Garrett à encore le temps de se réchauffer à l’idée et peut-être même que je vais devoir l’y obliger. J’ai compris son aversion pour ma personne, mais qu’il ne rejette pas sa sœur pour des sentiments que l’on n’avait jamais réellement sus maîtriser.
Je ne sais la teneur des propos échanger entre le frère et la sœur, mais il avait su taper bien trop fort quand elle exprime déjà une once de regret. Cela en devient presque dissimuler, mais elle ose remettre en question les décisions que l’on avait sciemment prise d’un commun accord. Il m’avait fallu du temps pour ne plus complètement paniquer à l’idée que l’on allait se lancer dans cette folle aventure. J’angoisse encore à me dire que tout sera différent, qu’il va falloir assumer. Les doutes qu’elle exprime ne font rien pour nous aider quand tout semble encore tellement fragile. Elle ne peut pas douter quand on s'était accordé, quand on avait décidé de prendre une décision comme deux adultes censés. Et pourquoi le monde semble tourner à une vitesse effrénée alors que le doute exprimé semble m’être hurlé aux oreilles. Elle doute, donc elle regrette. Elle doute alors que je lui laisse encore une chance, alors que j’aurais pu lui demander de ne pas poursuivre cette grossesse. Est-ce qu’elle va me le reprocher jusqu’à la fin de nos vies ? Tout s’empare d’un sentiment incertain, tout devient anxiogène, même cette main qu’elle pose sur mon bras alors que je cherche à faire sens de ses mots. En quoi l’avis de son frère venait tout remettre en question ? Pour une fois, l’on avait réussi à échanger sans jamais prendre pour comptant ce que pouvait bien penser le monde extérieur. La décision venait de nous, parce que même si tout n’était que chaos et flou artistique, on savait que cet enfant devait venir au monde, l’inverse nous paraissait insensé. Cette décision ne devait être que notre. « C’est pas si simple. » Et j’ai l’impression de régresser encore, de revenir en arrière, quand elle a choisi de l’épouser plutôt que de le quitter, quand elle a sélectionné une date de mariage plutôt que de s’avouer la vérité. « Ce serait simple si tu arrêtais de me voir comme l’erreur constante dans ta vie. » A cet instant, c’est bien tout ce que je suis, une erreur. Et notre enfant aussi.
Je voudrais qu’elle sorte de cette voiture et qu’elle me fasse face. Je voudrais ne pas en venir à des conclusions aussi rapides, alors qu’elle semble parler sous le coup de l’émotion. Je refuse d’en rester là, dans son doute et des résumés écourté. Il est réellement temps d’avoir cette conversation que l’on a toujours contournée. Et je déteste la manière dont mon cœur rate toujours un battement lorsque son corps se retrouve bien trop proche du mien. Je déteste cette réaction physique qui me rappelle toujours à l’ordre et m’embrouille l’esprit au point d’avoir quelques secondes de retard pour la suivre sur le sable fin.
La plage est complètement vide, le soleil à pratiquement gagner sa course à l’horizon et le bruit des vagues recouvre tous les doutes qui s’amoncellent en écho avec nos dernières paroles. « J’ai peur Wyatt. » Si tu voyais à quel point, moi aussi. Je préfère me taire, garder quelques pas derrière et attendre qu’elle vide son sac. On est là pour un bon moment, je crois. « Je veux pas changer d’idée, mais j’avais jamais imaginé que je ferai tout ça sans le soutien de ma famille. » Sa famille toujours comme excuse, la même rengaine qui ne change jamais rien. « Garrett m’a fait comprendre qu’il serait pas là. Et je sais déjà que ce sera la même chose pour mes parents… Et je sais que tu vas me dire que je devrais m’en foutre, qu’ils ont jamais approuvé de toi et de nous, mais... J’peux pas faire ça toute seule. » Un soupir m’échappe quand je ne sais plus réellement quoi dire sur sa famille. « Ils ne m’aiment pas et c’est avec moi que tu vas avoir un enfant. » On ne peut pas changer ce genre de chose-là. C’est ainsi. J’ai tenté durant des années de me faire une place auprès des Craine, j’ai assisté à des repas sans fins, j’ai lancé des conversations ennuyantes, mais dignes d’intérêt pour le patriarche de la famille, j’ai même tenté de me lier d’amitié avec l’aîné des frères. Seule la petite dernière semble ne pas avoir une dent contre moi, pour aucune autre raison que mon patrimoine. Je ne viens pas d’une famille aisée, je n’ai aucune ambition de me lancer dans la politique ou de devenir le prochain millionnaire du pays et ils n’ont jamais pu l’encaisser. Et elle n’a jamais pu l’encaisser non plus. « Tu jettes l’éponge sans même envisager qu’à un moment, tu pourras peut-être revenir vers eux pour une discussion plus posée et réfléchie. » Bordel même chez les Parker, on savait encore faire ce genre de chose, déguisé derrière des insultes et des menaces à l’infini, mais l’on savait se dire les choses, à notre façon. « Ils seront toujours en ville. » Eux, ils seront là, ils sont juste au bout de ses doigts qu’importe si cela prend un peu de temps, les Craine ne s’enfuit pas. « Et j’ai dit que je serais là. » Il faut qu’elle mesure tout cela.
Et s’en vient un silence seulement comblé par le bruit des vagues alors que c’est à mon tour de prendre quelques pas d’avance. À croire qu’il est bien plus simple de discuter lorsque l’on a le dos tourner. « Tu es pas la seule à avoir peur. » Ces mots-là, j’aurais préféré ne jamais les prononcer. J’ose espérer qu’ils auront été avalés par l’écume avant de venir résonner à ses oreilles. Mais peut-être que l’on doit passer par là, pour mieux se comprendre. Peut-être qu’elle m’entendra cette fois. « Je n’ai jamais été ton premier choix. » Lorsqu’il avait fallu qu’elle se décide, elle lui avait dit oui, piétinant tous les sentiments que j’avais pour elle, me crachant à la gueule de la pire des manières. Et lorsque rien n’allait, j’étais responsable de tout, coupable de chacun de ses maux. « J’peux pas attendre et un jour t’entendre me reprocher d’avoir pris cette décision de garder le bébé, parce que cet enfant, tu aurais préféré l’avoir avec un autre. » Depuis qu’elle a émis cette petite étincelle de doute, je la vois me reprocher d’avoir ruiné sa vie auprès de sa famille. Je l’entends me dire que je n’étais pas celui qu’elle voulait garder dans sa vie. J’entends tous les doutes qu’elle avait créés en moi à force de me reléguer au second plan. Je n’étais que l’option dans son histoire, jamais le héros principal. Les remparts se craquent de nouvelle fissure, alors que j’étale à ses pieds une vérité jamais énoncée. L’ampleur des dégâts se cache derrière chacun de mes mots, c’est tout ce qu’elle avait brisé en se jouant de moi durant des années.
« Je sais pas comment te dire, que je ne compte pas partir. » Il me faudra quelques secondes pour trouver le courage de lui faire face à nouveau. « Je sais réellement ce que sait de grandir sans son père et désormais, mon neveu va devoir grandir sans sa mère. » Qu’importe l’espoir que j’ai de la revoir, Ariane a pris une décision que je ne cautionnerais jamais. « Tu m’as toujours entendu défendre ma famille, réellement, qu’importe les erreurs et les trucs dégueulasse qu’on a su se faire. » Contrairement à eux, on restera à jamais souder, contre vents et marées, même si parfois certaines actions paraissent impardonnables. « Tu me l’as même assez souvent reproché. » Je n’oublierai jamais les crises de jalousie d’une Rosalie qui ne pouvait comprendre tout ce qui nous a toujours liées les uns et les autres. « On est pas ensemble, mais ce bébé, c’est le nôtre. » À nous deux et personne d’autre. « Mais si tu doutes, tu me dois me le dire maintenant. » Je n’attendrais plus éternellement dans l’ombre juste pour lui plaire. Moi aussi, j’ai peur de la voir virer, de la voir se chercher un avenir plus brillant ailleurs.
Est-ce que l’on joue à arme également maintenant ? |
| | | | (#)Lun 09 Aoû 2021, 08:25 | |
| La tempête est passée, pour le moment, et tu te sens complètement vidée. Ton corps en entier se remet des puissantes vagues de tes sanglots et tu mets quelques secondes avant de te défaire de l’étreinte qui te ramène contre Wyatt. C’est familier et c’est chaleureux, juste là, dans ses bras. Le monde semble faire un peu moins mal quand il est là et t’en aurais presque oublié la sensation tellement ça semblait faire une éternité depuis la dernière fois. Mais c’est seulement temporaire quand la réalité de la situation te rattrape et que tu peines a expliquer logiquement comment tu te sens, quand tu peines à lui faire comprendre la douleur qui grandit en toi quand tu penses à ta famille, à tes frères, aux fossés qui se sont créés dans les derniers mois avec eux et les regrets qui t’assaillent quand tu penses à tout ce que tu aurais pu faire pour éviter que tout ne dégénère à ce point-là. Le problème, c’est que ton frère ne t’en voulait pas seulement pour tes mensonges. Il t’en voulait d’avoir mal choisi. D’être amoureuse du mauvais gars et d’être tombée enceinte de lui alors que tout n’est encore que chaos autour de toi et de ça, tu ne pouvais pas réellement t’excuser. Tu n’avais pas à t’excuser. Si tu le sais au fond, tu as de la difficulté à l’assumer, ce qui n’est qu’un autre thème récurrent dans ta vie. « Tu veux savoir ce que j’ai dit à Ariane quand elle m’a appris pour Abel? » Tu relèves les yeux pour venir croiser le regard du Parker alors que tu hoches doucement la tête. Tu le connais assez pour savoir qu’il a du mal réagir, mais t’avais pas envisagé à quel point. « Que jamais je l’aimerais son mioche. » Tu voudrais pouvoir t’indigner, lui dire que c’est horrible de l’avoir penser, encore pire de l’avoir dit, mais tu sais trop bien ou il essaye d’en venir avec cette histoire. Tu te contentes de secouer la tête, incrédule, alors qu’il reprend. « Je détestais Saül. » « Et Garrett te déteste. » Lui et puis Rory aussi. Sans compter tes parents. C’est la grande majorité du clan Craine qui n’avait jamais su se faire à l’idée que tu puisses vouloir vivre ta vie avec un homme qu’il ne considérait pas assez bien pour toi. Ce n’est qu’une autre version d’une histoire trop similaire entre deux familles qui ne se ressemblent pas, mais qui malgré tout, semblent s’être trouvées dans des histoires aux fins affreuses qui font beaucoup trop mal. Du moins, c’est la fin que l’histoire d’Ariane et Saül a trouvé pour le moment. C’est la fin que tu pensais avoir avec Wyatt il y a de ça quelques mois à peine, avant que la vie ne vous joue un tour de plus et force des retrouvailles qui sont encore bien trop fragiles pour survivre aux tempêtes qui régissent pourtant vos quotidiens respectifs. « Il a réagi brusquement. » « Et encore, le mot est faible. » que tu soupires alors que tes doigts ne cessent de caresser ton ventre. Ce ventre qui prend de plus en plus de place, trop de place à ton goût parfois alors que les changements sont durs à accepter, que la vérité peine parfois à se faire un chemin dans ton esprit trop fatigué.
Et quand les doutes parlent, pendant quelques secondes à peine, c’est la panique qui s’installe et les remises en question de partout qui se déclenchent entre vous alors que vous aviez promis de pas recommencer ce jeu de yo-yo que tu as remis en branle sans vraiment le vouloir. C’est le push and pull, le back and forth, le chaud et le froid et pire encore alors que les regards se perdent, que les contacts sont douloureux et que le besoin d’espace se fait de plus en plus ressentir au sein de cette voiture qui ne semble pas assez grande pour accueillir tout vos doutes. Wyatt sort le premier et les quelques secondes ou tu te retrouves seule, sans pouvoir poser les yeux sur lui, suffissent pour que tu regrettes déjà les mots prononcés. Tu voudrais pouvoir revenir en arrière, ne jamais prendre cette décision impulsive d’aller voir Garrett, retirer toutes les horreurs que tu as pu dire pour te défendre des horreurs qu’il a dit à son tour. En ce moment, tu ne pourrais même pas dire qui a vraiment commencé le festival des atrocités tant ça tourne trop vite dans ta tête. Tu voudrais revenir en arrière parce que t’en serais pas là avec Wyatt, à remettre en doute cette décision qui vous était pourtant apparue comme une évidence il y a quelques jours à peine. Ça ne devait être que vous et pourtant, t’étais incapable de mettre en sourdine l’opinion du reste du monde. Incapable de t’en foutre comme tu le devrais, comme tu l’avais fait quand tu avais affirmé avec assurance que tu voulais le garder, ce bébé. « Ce serait simple si tu arrêtais de me voir comme l’erreur constante dans ta vie. » Tu fermes les yeux avec violence alors que les mots de Wyatt résonnent de partout dans la voiture. Tu secoues déjà la tête négativement alors que tu te prends une énième vague de culpabilité à la gueule de comprendre que c’est ce qu’il croit par ta faute. Que ce sont tes actions qui ont longtemps véhiculé ce message qui pourtant ne pourrait pas être plus loin de la vérité, à ton sens. « C’est pas toi l’erreur Wyatt. » que tu souffles alors que tu te lèves précipitamment, te retrouvant trop près trop vite. Dans un geste que tu ne peux retenir, ta main vient se poser contre sa joue alors que ton regard se perd dans le sien. « C’est moi. C’est de pas avoir su te choisir quand je te voulais vraiment l’erreur. » Ton pouce fait un léger mouvement sur la joue de Wyatt alors que vous restez là un peu trop longtemps, à simplement vous regarder dans un échange qui rappelle cruellement ce qui a si souvent bercé le moindre de vos échanges. Jamais que tu ne franchis la limite toutefois alors que tu t’imposes une certaine distance après plusieurs secondes, une minute peut-être. Vous avez tous les deux besoin d’air, besoin d’espace aussi pour mieux pouvoir vous dire toutes ces choses que vous avez trop souvent repoussé.
Les pieds qui s’enfoncent dans le sable, faisant dos à Wyatt, ça semble un peu moins terrifiant que d’annoncer à voix haute ce qui te fait mal en silence depuis un moment déjà. Cette peur de te retrouver seule sans le support de ta famille, c’est quelque chose que tu n’assumes qu’à moitié parce que tu clames être indépendante, parce que tu te vantes depuis toujours n’avoir jamais besoin de qui que ce soit. Il n’y a pas pire mensonge quand aujourd’hui, tu réalises que tu ne sais pas tenir debout sans tes frères, même sans tes parents que tu maudis pourtant plus souvent qu’autrement. Les confidences arrachent de multiples soupirs à un Wyatt qui n’a jamais été aveugle face à sa position vis à vis de ta famille. « Ils ne m’aiment pas et c’est avec moi que tu vas avoir un enfant. » Il est bien inutile de vouloir nier le fait que ta famille n’a jamais approuvé du Parker, et que c’est sans doute pire que jamais maintenant que tu l’as indirectement choisi alors que tu avais le parti parfait, à leurs yeux, encore à ton bras il y a quelques mois à peine. Mais ta peur, elle va bien au-delà du fait que Wyatt ne soit pas considéré comme le bon parti, le bon choix. Ça part de toi. De celle que t’es, de celle que tu voudrais être, de celle que tu devrais être. C’est des dizaines de versions d’une même Rosalie qui se brisent alors que toi, tu te perds à ne jamais pouvoir te définir complètement sans leur regard, sans leur jugement. « Tu jettes l’éponge sans même envisager qu’à un moment, tu pourras peut-être revenir vers eux pour une discussion plus posée et plus réfléchie. » Tu hoches la tête, même si au fond de toi, tu en doutes fortement. Parce que tes parents, ils ne sont pas les plus forts sur le posé et le réfléchi. Et pire encore, ils ne sont pas vraiment le genre à accorder une deuxième chance. Surtout pas après des scandales comme ceux que tu sembles enchaînées depuis quelques temps. « Ils seront toujours en ville. » Comparativement à Ariane. Il ne le dit pas, mais son nom résonne quand même trop fort alors que son absence se fait ressentir plus que jamais en ce moment. « Je sais pas comment faire sans eux. » que tu finis par avouer maladroitement, tout comme tu sais qu’il peine Wyatt, à savoir comment faire sans Ariane, même si c’est pour des raisons complètement différentes. « Toute ma vie, j’ai cherché à être la fille parfaite, la sœur parfaite parce que c’est ce qui était attendu de moi. C’est tout ce que je connais. J’ai peur de pas savoir qui je suis en dehors de ces rôles-là. » Tu baisses les yeux sur tes pieds qui sont à moitié camouflés par le sable. Tu n’avais su être véritablement toi-même que pour des petites périodes de temps, toujours auprès de Wyatt, et tu ne savais pas comment traduire ça dans le reste de ta vie. Toutes tes décisions, toutes celles qui t’ont éloignées de lui au fil des années, qui t’ont poussées dans les bras de Lachlan plutôt que d’assumer comment tu te sentais vraiment, elles partent de là. De ce besoin de répondre à des attentes qui ne se sont jamais adaptées à tes envies à toi. « Comment je suis censée être une bonne mère si je sais même pas qui je suis? » Tu retiens ton souffle alors que tu étales enfin cette vérité que tu n’osais même pas penser il n’y a pas si longtemps. Cette peur qui te paralyse pourtant chaque fois que tu tentes de t’imaginer tenir ce petit être dans tes bras. C’est de combattre le naturel que de le choisir, de te choisir, de vous choisir de cette manière. « Et j’ai dit que je serais là. » Tu te contentes de hocher la tête doucement. Tu le sais ça, au fond. Et tu le crois quand il te le dit. Alors pourquoi est-ce que t’es incapable de secouer cette peur immense qu’il te laisse derrière, comme Ariane a fait à Saül?
Ton regard se tourne vers l’océan, vers les vagues qui montent doucement contre la plage en un bruit qui se veut rassurant et qui prend temporairement toute la place entre vous alors que Wyatt recommence à marcher, qu’il prend les devants cette fois et que ton regard se perd sur l’arrière de sa tête. « Tu es pas la seule à avoir peur. » Tes pas suivent les siens et tu respectes cette distance qu’il a instauré. Cette fois-ci, c’est toi qui reste silencieuse alors qu’il cherche ses mots, ses vérités, celles qui doivent être dites pour que vous puissiez finalement aller au bout des choses une bonne fois pour toute. Et si tu sais que ça va faire mal, il y a quand même ton souffle qui se coupe quand sa voix s’élève au dessus du bruit des vagues. « Je n’ai jamais été ton premier choix. » Ta tête se balance de droit à gauche, dans un mouvement de négation que Wyatt ne peut pas voir. Tu fais signe que non, même si tu sais qu’il a toutes les raisons de le dire, de le croire aussi. Comment est-ce que t’es censée lui faire croire que ton coeur lui a toujours appartenu quand il y a huit mois à peine, tu disais oui à l’idée de passer le reste de ta vie dans les bras d’un autre? « J’peux pas attendre et un jour t’entendre me reprocher d’avoir pris cette décision de garder le bébé, parce que cet enfant, tu aurais préféré l’avoir avec un autre. » « C’est pas de ça que je doute, jamais. » Tu voudrais qu’il se retourne, tu voudrais qu’il te regarde alors que tu as empressé le pas pour te retrouver juste derrière lui, assez proche pour qu’il puisse sentir ta présence, ton souffle dans son cou. « Je t’apprends rien en te disant que je regrette beaucoup de choses sur les dernières années, mais je te jure Wyatt, j’ai pas regretté une fois d’avoir laissé Lachlan. » Tes yeux se sont remplis d’eau à nouveau, tu veux pas te remettre à sangloter, mais t’es bien incapable d’empêcher les larmes de rouler sur tes joues. « T’es pas obligé de me croire, mais ça a toujours été toi. » Et si tu sais que c’est trop tard pour vous sauver vous, tu ne peux qu’espérer que ce soit assez pour lui faire comprendre que les doutes insufflés par ton frère ne viennent pas remettre en cause ton choix de fonder une famille avec lui, même si ça se fait dans le plus grand chaos qui soit. « Je suis juste désolée que ça ait pris de tout détruire pour être capable de te le dire. » Maintenant, il faut reconstruire. Et faire mieux. Pour votre bébé. Celui que vous avez décidé de garder et à qui vous devez tout donné maintenant, peu importe ce que les autres peuvent bien en dire. Tu commences tranquillement à le comprendre au fur et à mesure que les vérités se placent entre vous sans que jamais vos voix ne s’élèvent, sans que jamais la colère ne l’emporte, comme si vous appreniez enfin à vous parler sincèrement pour la première fois depuis plus de cinq ans.
Il se retourne finalement vers toi et c’est encore une fois une bataille contre toi-même que de résister à l’envie de franchir le peu de distance qui subsiste entre vous. « Je sais pas comment te dire, que je ne compte pas partir. » Tu voudrais qu’il te le promette. Tu voudrais qu’il te serre dans ses bras et qu’il te murmure encore que tout va bien aller. Tu ne dis rien toutefois, te contente de le regarder alors que tu laisses tes yeux dire ces mots qui ne franchiront jamais la barrière de tes lèvres. « Je sais réellement ce que sait de grandir sans son père et désormais, mon neveu va devoir grandir sans sa mère. » « Je veux pas ça pour notre bébé. » Ton coeur se serre, comme chaque fois, lorsque tu penses au fait qu’Abel va devoir grandir sans Ariane. C’est sans doute ta plus grande crainte dans toute cette histoire. Que votre enfant se retrouve à grandir sans l’un de vous parce que vous n’avez pas su mettre de côté vos histoires, vos problèmes. « Tu m’as toujours entendu défendre ma famille, réellement, qu’importe les erreurs et les trucs dégueulasse qu’on a su se faire. » Tu hoches la tête tout en échappant un léger rire. T’as jamais vraiment compris comment ils pouvaient s’insulter de la sorte et pourtant être là les uns pour les autres, no matter what. Une dynamique complètement différente à celle qui existe, ou du moins existait, avec ta propre fratrie. « Tu me l’as même assez souvent reproché. » « Je voulais être ta priorité. » que tu avoues avec une aisance que tu n’aurais jamais pu imaginer il y a quelques mois de ça. C’est même un léger rire qui file entre lèvres, pas le genre moqueur, juste de ceux qui sont remplis d’une nostalgie qui s’accorde parfaitement avec le moment. Je voulais être ta famille. Apparemment, c’était sur le point de se réaliser, même si c’était pas exactement ce que tu avais en tête. « On est pas ensemble, mais ce bébé, c’est le nôtre. » « Je sais. » Tu fermes doucement les yeux alors que tes doigts viennent chercher les siens. « Mais si tu doutes, tu dois me le dire maintenant. » C’est avec insistance que tu secoues la tête cette fois. Il n’y a aucun doute dans ta réponse, aucun doute dans ta gestuelle, aucun doute sur ton visage non plus. « J’peux pas te promettre que je vais toujours savoir quoi dire ou quoi faire. » La preuve, c’était l’intensité du moment, de tes émotions, qui avait poussé à des aveux maladroits qui eux avaient forcé une discussion nécessaire, mais qui aurait pu se faire sans l’ajout d’un stress lié à des remises en question qui n’avaient au final rien de fonder. « Mais ce bébé et toi, vous êtes mes premiers choix. Toujours. » Et maintenant, il te fallait le prouver. |
| | | | (#)Mer 11 Aoû 2021, 23:29 | |
| Il est insupportable, ce doute, qui vient s’immiscer dans la moindre faille aussi minuscule, soit-elle. Il envahit tout l’habitacle, vient souffler sa tempête au sein des certitudes encore si fragile que l’on avait établi il y a quelques jours à peine. Alors la haine semble la seule réponse juste et sincère quand l’aîné des Craine reste le seul responsable de toute cette remise en question. À vive allure, Rosalie semble se noyer dans le verre d’eau que représente le conflit avec son frère. J’entends ses arguments autant que je les réfute tant, les tensions pouvaient être main courante au sein de ma propre famille. On ne sait pas se parler sans insulte, on ne sait pas se confier sans avoir jeté les pires horreurs sur le feu pour bien rouvrir toutes les blessures. Trop souvent, j’ai eu du mal à saisir le système de fonctionnement des Craine, tous piéger un à un dans un rôle qu’on leur avait attribué à la naissance. Tout sonnait faux chez eux, de l’entente cordiale et faussement jouer, à leurs relations qui m’avaient toujours laissé dubitatif. Dans l’ensemble, et à mes yeux, ils ne savaient s’entendre que sur un seul point : mon statut d’ennemi juré du clan. Dès la première rencontre, je n’avais su faire grâce à leurs yeux, parce que mon nom de famille n’évoquait aucune descendance d’une famille australienne riche et aisée, parce que pour le patriarche, je n’étais qu’un immigré venu réclamer une nationalité qui n’était qu’à moitié mienne sans jamais prétendre à une grande carrière pour sauver mon matricule. Je n’entrais pas dans le moule, je n’étais pas assez bien pour ambitionner d’un jour voir se prolonger ma relation avec leur fille. Pour eux, je n’étais rien. Pour elle, je suis devenu une erreur constante, de celle que l’on continue à faire, mais avec regrets. C’est bien tout ce qu’il en restait. « C’est pas toi l’erreur Wyatt. » Je voudrais l’entendre et la croire, mais ce n’est qu’un soupire qui m’échappe et un pas de plus qui nous sépare. Mes doigts restent accrocher à la portière alors que la brune tend la main vers moi. Mon regard ne cesse de fuir le sien alors que ses doigts provoquent une électricité bien trop familière contre ma peau. « C’est moi. C’est de pas avoir su te choisir quand je te voulais vraiment l’erreur. » Les mots s’ancrent sur ma peau à mesure que son pouce balaie ma joue. Je m’allonge dans le geste, grappille quelques secondes à croiser son regard dans un silence qui fera passer tout le reste. Je voudrais la croire, mais reste les blessures d’antan qui me rappelle sans cesse tout ce qui n’allait plus entre nous. J’avais choisi de partir et il est désormais si difficile de faire la part des choses. La limite serait si aisée à franchir quand l’instant s’étire dans un confort qui n’a jamais fait sens. Incapable d’être honnête l’un envers l’autre pour finir par se dire quatre vérités dans un coin dérobé. Foutu cercle vicieux qui nous ramène sans cesse au point zéro.
Il a toujours été plus aisé pour nous de choisir un lieu neutre, un endroit sans charge émotionnelle, d’un parking perdu milieu de nulle part, à cette plage immensément vide. Elle grappille quelques mètres vers l’avant que je lui offre comme une main tendue à plus de révélations. Les grandes décisions ont été prises sans que jamais on ne s’accorde le temps d’une réelle conversation, il faut dire que l’on ne savait plus faire cela calmement. Pourtant, ce soir, il semblerait que la rancune se soit acheté un vestiaire, pour ne laisser place qu’à un flot de mots savamment sélectionner pour ne causer aucun remous. « Je sais pas comment faire sans eux. » Et je n’ai jamais appris à devoir faire sans elle. J’avale ma salive avec difficulté, chasse les pensées qui ramènent tout à la grande absente du moment. Ce n’est pas elle le sujet, elle ne gagnera pas l’appât sur la discussion quand Rosalie tente tant bien que mal de m’exposer tous les faits. Je voudrais lui rappeler que rien n’est graver dans le marbre, qu’une dispute pouvait amener tout un champ d’horizon, mais comment le souligner sans évoquer avec amertume qu’elle avait tant chercher cette finalité. Elle a toujours su que je n’étais pas le favori, que Lachlan se devait d’être l’élu. Elle a bien trop souvent agi en connaissance de cause lorsqu’elle venait me retrouver. À trop espérer que tout cela pouvait durer, c’est le mensonge tout entier qui lui éclate en pleine gueule. Cinq ans de faux-semblants qui ne pouvaient désormais plus jamais être dissimulé, qui viennent même jusqu’à lui faire un rappel constant sous le nombril. « Toute ma vie, j’ai cherché à être la fille parfaite, la sœur parfaite parce que c’est ce qui était attendu de moi. C’est tout ce que je connais. J’ai peur de pas savoir qui je suis en dehors de ces rôles-là. » Je secoue la tête sans qu’elle ne puisse le voir voulant réfuter chacun de ses mots quand je me souviens avoir côtoyé une fille tellement différente. Après été venu ces différentes versions qui ne devaient convenir qu’aux siens et que j’avais appris à mépriser d’une force telle que désormais je ne voulais plus réellement en être associé. La fille parfaite est horripilante, bien trop embourgeoisée par des idéaux qui ne font convention que dans un monde si étroit d’esprit. La sœur parfaite se contente de fermer les yeux sur toutes les erreurs qui défilent au sein des relations familiales. Dans tout cela, semble être perdu à jamais celle que j’aimais. « Tu étais bien plus que cela, avant. » Avant, quand tout allait bien. Avant, quand elle avait soif d’écrire et que notre couple se voulait naissant. Avant les horreurs et les coups de poignards. Elle était celle dont je suis tombé amoureux et elle subsiste malgré tout quelque part, dans les tréfonds, pour ne réapparaître que dans des instants volés qui ravive un peu trop à chaque fois les sentiments jamais déniés. « Pourquoi tu te soucis tant de ce qu’ils pensent de toi ? » C’est un concept que j’ai tant de mal à comprendre, quand elle cherche tant à satisfaire un monde qui ne cesse de l’enfermer dans des rôles mal choisis. « Cette fille que tu prétends être pour les satisfaire, je n’ai jamais su l’aimer. » J’avais eu la chance de connaître l’autre facette, celle qui n’avait rien de contrôler, mais tout ce qu’il y a de plus sincère. J’ose encore croire qu’avec moi, elle n’usait jamais d’un rôle bridé. « Comment je suis censée être une bonne mère si je sais même pas qui je suis? » L’aveu résonne au creux des vagues dans une douleur qui vient m’en serrer le cœur. Comment devenir de bons parents ? La question paraît si vaste et sans réponse claire, mais ce n’est pas ce qui importe pour le moment. « Cesse de vouloir plaire à qui que ce soit. » Ses parents, son frère ou même à moi. « Tu n’a pas besoin d’un rôle pour exister Rosalie. » que je souffle doucement sans jamais trop m’imposer lui laissant tout l’espace dont elle a besoin pour respirer. « Tu sais lâcher prise, mais tu ne te l’autorises jamais. » Elle avait su le faire, durant des week-ends où l’on avait fui ensemble, entre les draps parfois dans ces rares instants où l’on pensait pouvoir tout braver. Il était temps qu’elle retrouve cette Rosie, là. Celle qui prend le temps de souffler, qui s’autorise des erreurs, accorde les faiblesses et se résous à ne devoir plaire qu’à elle-même. Celle que j’aime même si les mots restent entraver dans un silence difficile à lever. Ils restent suspendus entre nous malgré tout entre un regard et un souffle.
Dans la véracité des mots que l’on s’échange, à vouloir crier une certaine vérité, s’en reste les blessures que je ne saurais panser. Ce sentiment indéniable qui me colle à la peau de ne jamais être le choix premier dans, toutes les options qui pourraient bien s’offrir à elle. Par mille fois, elle me prouve que l’avis de sa famille importe, que je ne suis pas celui qui représente le meilleur choix. Je voudrais la voir lâcher prise, mais je sais à quel point les idéaux imposés par les siens reste graver dans chacune de ses actions. Je ne serais jamais celui qu’elle choisira dans un cri du cœur. Je devrais m’en contenter, accepter que ce ne sont que des niaiseries, que je ne suis pas impacté. C’est bien plus difficile lorsque l’on se retrouve entre nous, sans regard curieux, sans barrière pour filtrer les émotions portées à ébullition. « Je t’apprends rien en te disant que je regrette beaucoup de choses sur les dernières années, mais je te jure Wyatt, j’ai pas regretté une fois d’avoir laissé Lachlan. » Je hoche la tête sans grande conviction tant j’ai l’impression d’entendre un discours trop fois servie et réchauffée. « T’es pas obligé de me croire, mais ça a toujours été toi. » Et comment la croire quand durant cinq années tout semblait hurler le contraire. « T’avais choisi de l’épouser. » Qu’importe la situation, qu’importe ce que l’on arrive à se dire, je ne peux me l’enlever de l’esprit. Elle lui avait dit oui. Sous mon nez, elle était venue agiter une bague de fiançailles avec tant de fierté. Ce n’est pas comme si je pouvais l’oublier. Elle avait choisi délibérément d’accepter même si aujourd’hui elle parle de rôle à jouer, de pression à gérer. « Je suis juste désolée que ça ait pris de tout détruire pour être capable de te le dire. » Et c’est moi qui en viens à douter lorsque je réalise qu’un enfant va naître au milieu de ce chaos à peine contrôlé. Pourtant, on essaye d’enfin se parler. Les langues ne s’étaient jamais autant déliées que durant cette soirée. Il était peut-être temps d’étaler sur la table tous les sujets que l’on avait si longtemps cherché à fuir. Tout semble presque contrôler lorsque le son de nos voix s’accorde sur une neutralité qui amène une conversation apaisée. « Il y a probablement trop de choses que l’on ne s’est jamais dites. » Il est peut-être encore temps pour se rattraper, qui sait.
À parler d’avenir, à évoquer notre futur bébé, s’en revient le sujet de la famille. Quand elle a grandi dans un manoir ou tout lui était accessible, j’apprenais déjà à me débrouiller pour payer les factures et m’assurer que l’on allait conserver l’électricité un mois de plus. L’expérience était bien différente et nos parents ont chacun commis des erreurs qui nous ont marquées. Qu’importe ce qui pourrait bien arriver, ma famille restait ma priorité. Les conflits avec ma mère ont toujours coexisté avec mon instinct de protection envers mon frère et ma sœur. C’était ainsi chez les Parker, incapable de s’accorder sur le verbe aimer, mais toujours coller dans l’adversité. « Je voulais être ta priorité. » Son rire me décroche un sourire quand je réalise qu’il s’agit encore une fois d’un sujet que l’on avait toujours préféré laisser de côté. Je ne compte plus les disputes autour de ma relation avec ma sœur, lorsqu’elle nous reprochait de vivre accrocher l’un à l’autre avant de nous voir nous séparer pour des mois. Elle n’avait jamais compris Rosalie, parce qu’elle ne savait pas tout. « C’est pas moi qui ai blessé ce mec. » que je souffle avant de fouiller mes poches à la recherche d’une cigarette. « Je me suis dénoncé à la place d’Ariane. » Pour protéger ma petite sœur, j’ai délibérément fait un tour en prison. J’ai pris ce risque, j’ai donné une carte à jouer à tous ceux qui m’avaient toujours dénigré. Je lui avais offert une raison de tout détruire bien des années après. Entre les mots, se cache l’idée même que ma sœur sera à jamais une priorité, même quand elle a choisi de tous nous abandonner, car si demain, elle m’appelle pour cacher un corps, je serai le premier à débarquer. « Et pour toi, j’ai accepté de lâcher ma garçonnière, je me suis mis à cuisiner, et même à dire et faire des trucs chiants. » Le romantisme n’a jamais été ma tasse de thé, mais dans tout cela résonne l’idée même qu’elle était devenue ma priorité, juste autrement. J’ai trop donné sans jamais recevoir l’équivalent. Je lui avais tout offert à Rosalie et désormais il ne reste que des ruines dans lequel il faudra tenter de reconstruire.
C’est notre enfant qui nous offre comme une seconde chance. La possibilité de repartir de zéro, sur un canevas blanc où nous seront seul décisionnaire des actions sans que jamais personne n’interfère dedans. Enfin, si elle l’accepte réellement. Les doutes n’ont pas de place dans cette aventure qui nous attend, les jours défilent et bientôt, il ne sera plus possible de faire marche arrière. Plus jamais même. Je ne supporterais pas qu’elle me le reproche, qu’elle utilise cela pour se retourner à nouveau contre moi. Qu’elle ne soit pas surprise dans mon manque de confiance, il découle de tout ce que l’on cherche à se dire depuis une heure. « J’peux pas te promettre que je vais toujours savoir quoi dire ou quoi faire. » Sa main trouve la mienne comme pour appuyer ses propos d’une poigne que je ne lui connaissais pas. « Soyons honnête, aucun de nous ne sait ce qu’il est en train de faire. » On a jamais été parent, je sais à peine tenir un bébé correctement. On a aucune idée d’où se tient notre relation. « On avance à l’aveugle. » Et c’est peut-être ce qui donne un petit côté excitant à l’idée de devenir parents. Je n’aurais jamais imaginé que l’on vivrait cette aventure ensemble. Je ne pensais pas la vivre tout court quant à quarante ans passés, je m’étais résolu à n’être qu’un amant de passage. L’univers avait bien d’autre plan. « Mais ce bébé et toi, vous êtes mes premiers choix. Toujours. » C’est l’éclat de sincérité dans son regard et la force qu’elle administre dans le bout de ses doigts qui veulent me convaincre que pour une fois, elle me dit la vérité. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que d’une pression vers l’avant, je l’attire entre mes bras. Dans une chorégraphie que l’on connaît par cœur, mon menton vient se poser sur le haut de son crâne, alors que mes bras s’enroulent autour de sa silhouette dans une étreinte qui laissera sous-entendre tout le reste. Elle aura peut-être l’occasion d’entendre mon cœur qui s’emballe alors que mes yeux se ferment pour apprécier l’instant. Quelques secondes suspendues dans le temps pour mieux souligner un nouveau départ. « Tu seras une bonne mère Rosie. » que je murmure lentement au creux de son oreille. « Ne les laisse jamais te convaincre du contraire. » Il était grand temps qu’elle s’affranchit de cette cage dorée où ils avaient tous cherché à l’enfermer. Elle devait prendre son envol l’hirondelle.
Je ne sais combien de temps, on est resté ainsi, dans les bras de l’un de l’autre, sans un bruit. L’étreinte avait ravivé autre chose, une complicité que j’avais toujours chérie. Il avait été plus aisé, de prendre place dans le sable, pour voir les derniers rayons du soleil disparaître à l’horizon. Comme d’habitude, j’ai fini par mettre la main sur une cigarette, qui reste allumer entre mes lèvres tandis que mon regard se colle sur les vagues et leur écume. « Il devrait naître quand ? »
Il y a des discussions que l’on se doit encore d’avoir. |
| | | | (#)Jeu 12 Aoû 2021, 15:01 | |
| Il n’avait jamais été chose aisée pour toi d’être honnête, quand ton univers en entier semblait être bâti sur différents mensonges. Tu avais vu tes parents jouer la comédie dès ton plus jeune âge, prétendant être en public ce qu’ils n’avaient jamais réellement su être dès que les portes du manoir se refermaient. Tu avais appris à prendre chaque compliment donné sur ta personne devant les autres sans jamais oublier cette liste de défauts que ta mère n’hésitait jamais à te rappeler dès que personne n’était là pour entendre. Comme quoi tu ne serais jamais assez bonne, assez belle, trop-ci ou trop-ça. Que peu importe tous les efforts que tu déployais pour répondre aux attentes qui étaient placées sur tes épaules depuis trop longtemps, ce ne serait jamais suffisant. Il y aurait toujours sa voix dans le fond de ta tête pour te rappeler que peu importe les masques enfilés, ta famille serait toujours ultimement déçue de la femme que tu es, de la femme que tu es devenue et que jamais il n’approuverait celle que tu voulais réellement être. C’est difficile de l’expliquer, de mettre des mots sur tout ce qui se joue constamment dans ton esprit quand pendant des années, tu as si savamment su te cacher derrière différents rôles pour ne jamais faire face à tes pires insécurités. Celles que Wyatt a toujours su voir pourtant, lui qui avait toujours réussi à faire ressortir ce côté plus vrai de ta personnalité tout en étant capable d’aller chercher la moindre de tes failles et d’en jouer de la plus cruelle des façons lorsque les choses prenaient un mauvais tournant entre vous. Sur cette plage déserte, tu essayes de dire tout ce que tu as toujours gardé pour toi. Ces choses qu’il a sans doute deviné au fil des années, mais sur lesquelles tu n’as jamais osé mettre des mots, pensant naïvement que cela pourrait te protéger quand tu savais pourtant qu’aucune armure n’avait su être efficace contre l’effet que le Parker avait sur ta personne.
« Tu étais bien plus que cela, avant. » Avant, il est bien là le problème. Ça fait des années de ça, t’es pas certaine de savoir comment retourner à ce moment précis et changer les choses. Parce que c’était lui qui avait su faire ressortir ce côté de toi. À lui que tu devais cette Rosalie moins coincée, plus naturelle. Celle qui se permettait des écarts de conduite et celle qui tranquillement, apprenait à prendre la vie comme elle venait plutôt que de tenter de tout contrôler. « Ça a toujours été plus facile avec toi. » Tu es contente qu’il soit toujours derrière toi. Comme si lui parler sans le voir te permettait d’être plus transparente, te donnait enfin le courage de dire exactement ce que tu pensais, sans jamais avoir à masquer quoique ce soit. « T’as toujours su faire ressortir le meilleur et le pire de ma personnalité. La fille qui pouvait lâcher son fou tout comme la jalouse obsessive qui paniquait à la simple idée que tu puisses vouloir aller voir ailleurs. » Tu lâches un long soupir alors que tu te replonges à même le coeur de vos souvenirs, de vos meilleures années. De celles qui ont été bercé par votre complicité légendaire mais aussi par tes nombreuses crises. « J’ai jamais eu besoin de jouer un rôle avec toi parce que t’avais pas d’attentes envers moi et tu me laissais pas faire quand je dérapais. C’était chaotique, mais c’était nous. » Et elle te manque cruellement, cette version de toi. Celle que tu as enterré petits bouts par petits bouts après la fausse-couche, après tes coups bas, après son départ pour Londres. Celle que tu as trop longtemps voulu oublier même quand tu te perdais dans ses bras pendant toutes ces années. Celle qui refaisait surface pourtant, parfois, temporairement, entre deux baisers, entre deux regards échangés, entre deux conversations teintées d’une sincérité qui ne vous ressemblait plus mais qui était parfaitement à votre image. « Mais cette Rosie-là, j’ai toujours pensé qu’elle ne plaisait qu’à toi, et quand t’es parti, j’ai dû la faire disparaître parce qu’elle pouvait pas survivre sans toi. » Ça avait été l’enchaînement le plus terrible qui soit, de la fausse-couche à son départ, qui avait éventuellement fait en sorte que tu avais pris une tangente à l’opposée de ce que tu voulais réellement. Pour te conformer à ce qui restait près de toi : les attentes éternelles que tes parents avaient remis avec ardeur et insistance sur tes épaules maintenant que tu n’étais plus influencée par le français.
Tu souffles légèrement, t’as le coeur qui s’emballe à dire toutes ces vérités que tu as si longtemps gardé enfouies. T’es même plus certaine de faire du sens tant ça va vite dans ta tête, que tes pensées se bousculent et cherchent à se faire entendre dans un élan d’honnêteté qui semble aussi puissant que les vagues qui remontent contre la plage. « Pourquoi tu te soucis tant de ce qu’ils pensent de toi? » « J’ai jamais appris à faire autrement. » C’est bien trop simple, pas suffisant comme explication et tu le sais, mais tu n’as rien de plus à lui offrir parce que toi non plus, tu ne sais pas vraiment t’expliquer pourquoi tu y accordes une si grande importance quand leur opinion de toi n’a jamais été valorisante. « Cette fille que tu prétends être pour les satisfaire, je n’ai jamais su l’aimer. » Tu hoches la tête doucement parce que tu le savais déjà, ça. « Je pense que c’est en partie pour ça que je me suis tant accrochée à elle. » Parce que tu ne l’as jamais vraiment aimé toi non plus, cette version là de Rosalie. Celle qui agit sans cesse comme si elle était mieux que tout le monde. Celle qui crache sur les autres pour se donner l’impression qu’elle est supérieure. Celle qui prend et qui jette à sa guise sans jamais se soucier des sentiments des autres. La garce, l’égoïste, la pathétique, la guindée. La liste des adjectifs que Wyatt avait utilisé pour la décrire au fil des années était longue et elle n’avait rien de glorieuse. « C’était beaucoup plus facile de nier les sentiments que j’avais encore pour toi si je pouvais me convaincre que tu me détestais plus souvent que tu me voulais. » Bien plus aisé pour toi de faire la part des choses quand tu ne laissais pas les émotions mener la danse. Ce n’était pas un plan parfait toutefois, quand trop souvent vous vous étiez perdus dans les instants flottants d’une sincérité qui n’avait su être complètement effacée. Quand vos corps avaient toujours su trahir tout ce que vous n’aviez jamais osé dire jusqu’à la St-Valentin. « Mais c’est ridicule, tu vois, parce que ça a pas marché. » Tu te retournes vers lui doucement, sans jamais venir briser cette distance entre vous qui agit comme une barrière de sécurité qui avait prouvé être nécessaire entre vous plus souvent qu’autrement. « Au final, on la déteste tous les deux et à part nous faire du mal, te faire du mal, elle a rien réussi. » Au contraire, elle semblait avoir tout échoué et tu te retrouvais aujourd’hui a essayé de recoller les pots cassés. Tu te distançais d’elle comme tu le pouvais, même si tu savais que te cacher derrière le masque ne changeait pas le fait que tu étais celle qui avais pris les décisions, que tu étais celle qui l’avait laissé agir si longtemps. Incapable d’accepter ce que ton coeur et ton corps avaient pourtant tenté de te faire comprendre des années durant.
C’est une autre peur qui fait son chemin entre vous quand tu admets à voix haute à quel point tu es terrifiée de ne pas savoir être une bonne mère pour votre enfant alors que tu peines à savoir réellement qui tu es. Il n’y a rien de plus effrayant pour toi que l’idée de pouvoir un jour devenir la copie conforme de ta génitrice. Tu portes encore trop vivement toutes les marques de son manque d’affection à ton égard et tu détestes la simple idée que ton enfant puisse ressentir ne serait-ce que la moitié de cette amertume que tu portes quand tu penses à tes parents. « Cesse de vouloir plaire à qui que ce soit. » C’est bien facile de le dire, mais tu ne sais pas comment te défaire de toute cette pression que tu te mets depuis toujours. « Tu n’a pas besoin d’un rôle pour exister Rosalie. » « C’est comme si je te disais que t’avais pas besoin de toujours faire la gueule ou d’agir comme si tu détestais tout et tout le monde. » Tu essayes d’en rire, mais il reste toujours ce soupçon de vérité dans le fond de ta voix. « J’peux pas me défaire de tout ce que j’ai toujours connu en claquant des doigts. » Pas que tu ne le veux pas, au contraire. Tu ne veux rien de plus que savoir, comprendre, accepter celle que tu es. Tu ne veux rien de plus que de redevenir cette Rosalie que Wyatt apprécie, à défaut qu’il soit encore capable de l’aimer après tout ce que tu lui avais fait subir dans les dernières années. C’était un travail à long terme qui t’attendait et si tu ne pensais pas être assez forte pour le faire il y a un mois à peine de ça, votre enfant à naître avait su changer la donne d’une manière que tu n’aurais jamais pu imaginer. « Tu sais lâcher prise, mais tu ne te l’autorises jamais. » « J’essaye. » Et c’est bien tout ce que tu pouvais faire en ce moment, essayer, encore et encore. Jusqu’à ce que tes mauvaises habitudes ne se prennent la malle, pour les remplacer avec quelque chose de plus naturelle, quelque chose qui te ressemblerait plus avec le temps, du moins, tu ne pouvais que l’espérer.
Quand il prend les devants et impose ses vérités à son tour, tu réalises que tu ne pourras jamais rien dire pour calmer les doutes qui existent dans l’esprit de Wyatt. Ceux qui lui rappellent encore et encore que t’as toujours cherché à le cacher plutôt que d’assumer ce que tu voulais vraiment. Que toutes les belles paroles et tous les sentiments que tu t’acharnes à étaler entre vous ne pourront jamais effacer des années de mensonges, des années de jeu aux conséquences cruelles. C’est ton coeur qui se serre quand ses soupirs s’élèvent au même rythme que les vagues et que la réalisation se fait toujours aussi douloureuse. Tu ne veux pas que Lachlan se fasse une place dans cette conversation quand pour la première fois depuis si longtemps, vous semblez être capable de vous accorder sur le fait qu’il n’y a que vous deux qui compte dans l’ampleur de la situation, mais il est bien impossible pour toi de tenter de palier à ses doutes sans jamais mentionner ton ex-fiancé. La vérité, c’est que tu ne pensais pas vraiment à Lachlan, que jamais il ne t’était venu à l’esprit de retourner auprès de lui malgré la tournure des évènements entre Wyatt et toi. Comme si tu savais depuis le départ que cette histoire était vouée à l’échec, bien que tu ne cessais de repousser l’inévitable, voulant te faire croire jusqu’à la dernière minute que tu pouvais te contenter de cette vie ou seulement les apparences étaient parfaites. « T’avais choisi de l’épouser. » « Et j’ai pas d’excuse pour ça. » Pas de parade, pas de belles paroles bien préparées pour tenter de justifier l’injustifiable. Que de plates excuses, une honnêteté nouvelle et des sentiments à son égard, qui finalement, n’avaient jamais changé depuis le jour ou tu avais posé les yeux sur lui douze ans plus tôt. Jamais que la Rosalie de 24 ans n’aurait pu s’imaginer une telle histoire entre vous et tu ne peux t’empêcher de te dire qu’elle t’en voudrait sûrement, cette Rosalie qui avait pris un risque en tombant amoureuse de Wyatt, bien qu’elle n’ait pas eu le choix, tout comme tu n’avais pas plus le choix aujourd’hui lorsqu’il s’agissait de tes sentiments pour le Parker. « Il y a probablement trop de choses que l’on ne s’est jamais dites. » Tu hoches de la tête en approbation dans un silence qui s’étire pendant quelques secondes. Tu as beau être particulièrement honnête et transparente ce soir, chaque nouvelle vérité offerte te demande une dose de courage que tu ne pensais pas posséder. « On peut plus se permettre d’avoir des secrets à partir de maintenant. Pour lui. Ou elle. » Tu viens poser une main sur ton ventre au même moment que ton regard se baisse pour admirer cette courbe que tu tentes encore de cacher bien que ce soit de plus en plus compliqué.
Mais la soirée est encore jeune et tout n’est pas encore dit quand la conversation prend une nouvelle fois une tangente vers vos familles respectives et tu réalises que tu n’étais pas la seule à avoir garder certains détails pour toi. « C’est pas moi qui ai blessé ce mec. » Tu mets quelques secondes avant de comprendre à quoi Wyatt fait référence alors que deux secondes plus tôt il était indirectement question d’Ariane. C’est seulement lorsqu’il ouvre la bouche à nouveau que les pièces du puzzle se complètent dans ton esprit. « Je me suis dénoncé à la place d’Ariane. » C’est la surprise totale qui s’installe sur ton visage alors que tu restes immobile devant un Wyatt qui fouille ses poches avant de sortir une cigarette. Tu ne te formalises même pas de cette dernière, complètement choquée par la révélation qu’il vient de t’offrir. Une révélation qui une fois de plus vient remettre tant de choses en perspective, qui t’oblige à remettre en question cette jalousie que tu avais si longtemps éprouvé à l’égard de ton ancienne meilleure amie. Il était impossible qu’un lien plus puissant que tout ne se forme pas après un tel sacrifice, et si tu n’arrivais pas à comprendre pourquoi il avait cherché à prendre le blâme pour elle, tu étais forcée de comprendre bien des choses sur le après. « Pourquoi tu me l’as jamais dit? » Ta voix est douce, il n’y aucun reproche, aucune colère dans l’intonation choisi alors que tu cherches simplement à comprendre le comment du pourquoi. « J’aurais compris tellement de choses si j’avais su... » Et c’est une nouvelle parade de et si qui filent dans ton esprit, à se demander qu’est-ce qui aurait bien pu changer entre vous si t’avais su. Est-ce que vous en seriez là aujourd’hui si ta jalousie pour Ariane n’avait pas été si démesuré? Ce n’est qu’un détail dans un océan d’histoire, mais tu sais trop bien que chaque vérité voilée avait eu son rôle à jouer dans la finalité de votre relation. « Et pour toi, j’ai accepté de lâcher ma garçonnière, je me suis mis à cuisiner, et même à dire et faire des trucs chiants. » C’est un autre sourire empli de nostalgie qui vient se placer sur tes lèvres alors qu’une fois encore, tu es projetée toutes ces années en arrière. « Cuisiner, c’est vite dit. » que tu siffles dans un rire léger. Tu te souvenais surtout des désastres culinaires, des nombreuses casseroles qui avaient trouvé le chemin de la poubelle et des repas qui avaient été sauvé par la pizzeria du coin. « J’avais jamais vu ça comme ça. » que tu avoues finalement dans un soupir alors que tes yeux accrochent les siens une fois de plus. Tu avais pris tout ça pour acquis, bien que tu savais à quel point ça n’avait rien de naturel pour Wyatt à l’époque que de faire de grandes et de moins grandes déclarations, ou même ne serait-ce que d’assister aux repas dominicaux des Craine, qui s’apparentait déjà à l’époque à une forme de torture. « Je suis désolée de t’avoir pris pour acquis, à l’époque et après aussi. » Ce n’était pas la première fois que tu t’excusais pour ça, mais ce n’était certainement pas la dernière fois non plus. C’était des mots que tu n’avais jamais su dire quand c’était le temps avant, et quelque part, tu tentais de te racheter, un désolée à la fois, même si ça ne pouvait effacer tout le mal que tu avais causé.
Quand toutes les vérités semblent être mises sur la table, quand il ne reste que l’hypothèse de tes doutes, ceux émis par erreur lors d’un trop plein d’émotions, c’est tout ton être qui insiste pour faire comprendre à Wyatt que tu ne vas pas changer d’idées. Que tu vas sans doute faire des erreurs en chemin, mais que jamais tu n’allais lui reprocher d’avoir été d’accord avec la décision de garder le bébé. Que malgré les circonstances, tu n’aurais pas voulu fonder une famille avec qui que ce soit d’autre, même si tu savais trop bien que votre famille n’aurait rien de traditionnelle. « Soyons honnêtes, aucun de nous ne sait ce qu’il est en train de faire. » Tu secoues la tête avec un léger rire alors que tes doigts ne lâchent jamais les siens. « On avance à l’aveugle. » « Je suis contente qu’on avance ensemble. » Ça semble bien moins effrayant depuis que tu sais qu’il est là, depuis que t’as vraiment compris qu’il n’allait nul part. La peur subsiste, comme un bourdonnement que tu ne peux pas faire disparaître complètement, mais tu t’accroches au fait que pour le première fois depuis des années, vous êtes sur la même longueur d’ondes. C’est bien tout ce qui compte désormais alors que c’est dans une ultime sincérité que tu le rassures en lui disant que le bébé et lui sont tes priorités. Le sourire qui s’affiche sur son visage te fait comprendre qu’il ne vient pas mettre tes paroles en doute cette fois-ci et c’est dans un mouvement mille fois effectués qu’il t’approche de lui pour mieux te serrer dans ses bras et c’est dans une aisance qui ne s’invente pas que tes bras viennent se s’enrouler autour de sa taille alors que tête trouve sa place contre son torse. Dans ce moment précis, tu oublies le roadtrip et ses vérités douloureuses. Tu oublies les années de disputes et les engueulades, les cris et les blessures qui perdurent dans le temps. Dans ses bras, tu te souviens de l’essentiel, de l’essence même de ce vous qui n’est plus, mais qui perdure à sa manière. Ça n’a pas d’importance, ce que vous êtes ou ce que vous n’êtes pas, tu sais sans le moindre doute à présent que c’est lui et toi contre le reste du monde. Peu importe que dans deux jours vous allez crier à nouveau. Peu importe que ça va être difficile, compliqué de naviguer les prochains mois de ta grossesse, pire encore de gérer les dix-huit prochaines années avec un enfant qui dépend complètement de vous. Peu importe quand juste ici, dans ses bras, tout semble possible. « Tu seras une bonne mère Rosie. » Les mots te font frisonner alors que ton étreinte se resserre contre lui. « Ne les laisse jamais te convaincre du contraire. » « C’est promis. » Petit à petit, tu allais apprendre à te défaire des attentes. Tu allais apprendre à te libérer de la voix de ta mère et de ses critiques dans le fond de ton esprit. Tu allais apprendre à suivre ton instinct, à te faire confiance, à devenir la meilleure version de toi-même pour ce bébé qui ne méritait rien de moins que le meilleur de vous deux.
Les derniers rayons du soleil disparaissent tranquillement alors que vous êtes tous les deux assis sur la plage, à laisser les vagues monter jusqu’à vos pieds. Le silence a su faire son effet après tout ce qui a su être dit ici ce soir, et tu te sens beaucoup moins lourde d’avoir fait preuve d’une telle transparence avec lui. C’est des années passées à jouer des rôles dont tu apprends à te défaire tranquillement et tu sais que tu n’aurais jamais pu faire un tel cheminement avec qui que ce soit d’autre. Ce ne sera pas parfait, mais tu as l’impression d’avoir pris un tournant longuement attendu. « Il devrait naître quand? » Avec tout ça, tu réalises que vous avez parlé de beaucoup de choses sans jamais vraiment vous attarder sur le plus important : ce bébé qui ne sera bientôt plus qu’une idée mais bien un être à part entière qui viendra prendre toute la place dans vos vies. « Noël. » que tu souffles avec un sourire aux lèvres parce qu’il sait Wyatt, à quel point tu as toujours chéris ce temps de l’année. « Y’a des grandes chances que les médecins ne me laissent pas aller à terme toutefois. » que tu expliques. Tu essayes de te souvenir de tout ce que le médecin t’avait expliqué lors de ta première échographie, mais t’étais tellement sonnée par la nouvelle en soit que la grande majorité des informations n’avait pas fait son chemin dans ta tête. « À cause de mon âge et du déni, il y a plus de risques de complications. Je pense que je vais avoir un suivi serré. » Et tu appréhendais les semaines et les mois à venir. Tu ne savais pas à quoi t’attendre et t’aurais aimé pouvoir en parler avec Ariane qui était passée par là il n’y a pas si longtemps, mais elle t’avait privé de cette possibilité. « T’imagines ça comment, la suite? » Et là, tu parles autant du reste de ta grossesse que ce fameux après qui allait arriver bien trop vite. T’as aucune idée de ce que vous êtes censés faire, des arrangements que vous êtes censés prendre alors que tout est encore d’une fragilité extrême entre vous. Tu te dis toutefois que commencer à en discuter ici et maintenant, alors que tout est propice à la discussion, est sans doute la meilleure des idées et tu espères seulement que Wyatt sera du même avis. |
| | | | (#)Jeu 09 Sep 2021, 22:50 | |
| « Ça a toujours été plus facile avec toi. » Ce n’est pas toujours ce que l’on dit pour excuser les maux, pour apaiser les tensions. Que c’était bien plus simple avant, que tout sonnait différent ? Si tout était plus simple avec moi, comment avait-elle pu en arriver à un tel niveau de trahison ?! Qu’importe ce que l’on pourra bien se raconter, qu’importe les chemins emprunter pour tenter de faire amende du passé, la conclusion en restera à jamais la même : c’est elle qui m’a sorti de sa vie, de sa propre initiative. « T’as toujours su faire ressortir le meilleur et le pire de ma personnalité. La fille qui pouvait lâcher son fou tout comme la jalouse obsessive qui paniquait à la simple idée que tu puisses vouloir aller voir ailleurs. » Je lève les yeux au ciel face un argument que j’ai tant de fois entendue, sans jamais pouvoir m’en défendre. « Sans que jamais tu puisses entendre que je t’étais entièrement dévoué. » Elle est la seule, l’unique à qui je n’ai pas fait de coup de travers. La seule pour qui je suis resté fidèle, mais pour elle ce n’était pas suffisant, il y avait forcément un loup, je me devais d’être le coupable, après tout, je sortais à peine de prison. « J’ai jamais eu besoin de jouer un rôle avec toi parce que t’avais pas d’attentes envers moi et tu me laissais pas faire quand je dérapais. C’était chaotique, mais c’était nous. » C’est que ça l’est toujours autant : chaotique. C’est tout ce que l’on semble connaître lorsque l’on se retrouve trop longtemps dans la même pièce, un chaos qui tente de créer un équilibre entre deux personnalités si différentes. Il réside peut-être là notre unique problème, le fait que nos deux mondes soient tant incompatibles. On est pas dans un film où la fille riche craque pour le mec de la rue et finit par le faire accepter aux yeux des autres. C’est bien plus complexe, c’est bien trop inconcevable pour les gens de son monde, pour la société d’en haut que représente fièrement la famille Craine. « Mais cette Rosie-là, j’ai toujours pensé qu’elle ne plaisait qu’à toi, et quand t’es parti, j’ai dû la faire disparaître parce qu’elle pouvait pas survivre sans toi. » Le reproche est toujours autant sous-jacent. Je suis parti parce qu’il ne me restait que cela à faire, parce que j’avais besoin de mettre de la distance entre nous, j’avais besoin de ne plus la voir, de ne plus entendre son prénom à chaque coin de rue face au succès qu’elle avait su me prendre. Elle avait enterré la Rosalie de l’époque, le Wyatt de ce temps avait préféré s’envoler ailleurs. Ainsi-soit-il.
Mais il fallait que les mots sortent, il fallait que les explications est lieu, au mauvais endroit, au mauvais moment. À croire que l’on ne sera jamais en parfaite synchronisation pour s’expliquer, pour se donner des raisons qui auraient tant pu faire sens sur le moment présent. Depuis notre séparation, la première, la vraie, Rosalie se cache derrière un masque qui ne lui ressemble pas. Elle avait excellé dans cette pire version d’elle-même au point d’en devenir un personnage bien trop différent. « Je pense que c’est en partie pour ça que je me suis tant accrochée à elle. C’était beaucoup plus facile de nier les sentiments que j’avais encore pour toi si je pouvais me convaincre que tu me détestais plus souvent que tu me voulais. » Ce n’est jamais chose aisée, d’entendre parler de sentiments. Cette chose que l’on a tellement niée entre nous, préférant nourrir une haine sans merci qui n’avait ni queue ni tête. Je ne sais plus vraiment, s’il est désormais plus simple de s’avouer les choses, sur cette plage déserte, les yeux dans les yeux. Quelque chose se dégage de cette honnêteté tant de fois réprouvée. Elle joue cartes sur table, comme si elle avait enfin cessé de dresser une muraille entre nous. « Mais c’est ridicule, tu vois, parce que ça a pas marché. Au final, on la déteste tous les deux et à part nous faire du mal, te faire du mal, elle a rien réussi. » Me voilà enfoncé mes mains dans mes poches, pour dissimuler un tremblement que je ne saurais expliquer. Elle semblait enfin réaliser tout le mal qu’elle avait bien pu engranger dans ses mensonges et ses actions déguisées. Ces mots-là, je rêvais de les entendre depuis bien trop longtemps et je ne sais comment gérer le fait qu’ils viennent me heurter de plein fouet. « Il est bien con le gars qui cherche encore à l’excuser. »
Je la hais cette Rosalie là, mais malgré tout, je cherche encore celle que j’ai pu connaître dans les décombres. Je sais qu’elle est juste là, pas très loin. Je voudrais la revoir, encore une fois. La retrouver et la voir s’émanciper. Peut-être l’ai-je trop halluciné ? Tout ce que je souhaite, c’est voir Rosalie s’envoler de ses propres ailes pour cesser de vouloir correspondre à une image qui n’a jamais été elle. Ce ne sont plus les sentiments qui parlent, ce n’est pas le Wyatt amoureux de l’époque qui recherche une chimère. Je ne l’ai pas halluciné tout ce que j’ai bien pu vivre avec elle, je n’ai pas rêvé la femme en puissance qu’elle pouvait être dès lors qu’elle se détachait des chaînes de la famille Craine. Alors, j’insiste, je creuse là où tout est douloureux pour qu’elle vienne, pour qu’elle crie, qu’elle exulte la Rosie qui se cache dans son trou perdu. « C’est comme si je te disais que t’avais pas besoin de toujours faire la gueule ou d’agir comme si tu détestais tout et tout le monde. » Un rire m’échappe face à sa réplique ô combien acide. « A la différence que je déteste réellement tout et tout le monde. » Ce n’est pas un rôle que je me donne, c’est une philosophie de vie de tenir éloigné au maximum les gens qui m’entourent pour ne laisser pénétrer qu’un cercle restreint. Elle devrait le savoir, elle en a fait partie fut un temps. Ce n’est pas une plaisanterie, pas un jeu d’acteur. C’est ma personnalité, c’est qui je suis réellement. « Je ne joue pas, moi. » J’ai grossi les traits à ses côtés, j’ai probablement exagéré les réactions, mais j’ai toujours été vrai. Tu me blesses, je viendrais te heurter deux fois plus fort. Tu t’en prends à ma famille, prononce déjà tes vœux, ta place est réservée au cimetière. C’est ainsi, je n’ai connu que la dureté et la violence pour m’en sortir quand mon père s’efforçait à faire de moi le requin qui serait capable de s’infiltrer dans la sphère des hauts de ce monde. Il n’avait su que créer un loup qui protège sa meute et s’isole du monde en grognant sur ceux qui s’approchent de trop. Un échec qu’il n’avait été capable d’accepter, projetant alors ses rêves et espoirs sur la progéniture la plus jeune. Une histoire vieille comme le monde. « J’peux pas me défaire de tout ce que j’ai toujours connu en claquant des doigts. » Un soupire encore, quand elle cherche à déformer ce que je n’ai jamais avancé. « Personne ne te demande de le faire du jour au lendemain. » Pas même moi. « Mais si tu n’essayes pas alors rien ne changera. » Fut un temps, elle savait parfaitement dire merde à tout, qu’elle reprenne l’exercice jusqu’au bout.
Sans que rien ne soit joué d’avance, sans que l’on est rien prévu, la conversation se veut d’être libératrice à exposer des vérités qui ne regardent que nous et un certain temps du passé. On ne pourrait que se concentrer sur ce pan de l’histoire, celui qui n’intègre qu’un nous unique, mais les mensonges planent encore et toujours autour de nous. Tous ceux qu’elle a fait perdurer en se servant de ma personne comme d’un pantin à son service. Qu’importent les mots, qu’importent les vérités qu’elle ne cesse de dérouler sur le sable fin, n’en reste que les cicatrices marquées au fer rouge. Celles qui ont tout brisé. Il fallait l’évoquer cette vie qu’elle a choisie, tout ce qu’elle a détourner durant ces cinq dernières années. Je ne peux que me blâmer pour le rôle de l’amant dévoué quand je n’ai jamais été capable de me détacher de celle que j’ai toujours aimé. Mais reste les actions que je ne saurais effacer comme cette demande en mariage qu’elle a sciemment accepter. « Et j’ai pas d’excuse pour ça. » Il paraît que l’on ne joue que la vérité ce soir, alors dans un souffle, je finis par admettre que la blessure n’est pas près de se refermer. « Je ne crois pas que je pourrais te le pardonner. » Il y a bien des choses que je souhaite effacer, mais cette trahison-là, elle résonne bien plus que les autres quand durant tant d’années, j’avais conservé cette foutue bague qui lui était destinée. La vérité se devait d’être distillé, il y a bien des choses que j’ai su accepter, mais cela… C’est peut-être bien ce qui a tout détruit sans moyen de pouvoir reconstruire.
« On peut plus se permettre d’avoir des secrets à partir de maintenant. Pour lui. Ou elle. » C’est drôle comment elle évoque les secrets et comment Ariane entre ainsi dans la conversation. Si je n’ai jamais su comprendre la jalousie que Rosalie pouvait ressentir face à notre lien, il était peut-être temps de lui évoquer un pan de la relation qu’elle ne connaissait pas. Un secret si bien gardé au fil des années, au point d’en accueillir un étonnement à peine déguisé de la part de la brune qui pensait tout savoir. « Pourquoi tu me l’as jamais dit? » Une nouvelle fois, un rire m’échappe, alors que mes doigts jouent avec la cigarette que je viens de pêcher au fond d’un paquet défoncé. « Secret de famille. » que je souffle, quand la réalité se tient plus dans le besoin de protéger ma petite sœur, quoiqu’il en coûte. « J’aurais compris tellement de choses si j’avais su... » Je secoue la tête, incapable de penser que ce pan de l’histoire révélé trop tard aurait pu changer quelque chose dans le sein de sa jalousie maladive. « Je ne suis pas sûr que tu comprennes. » Ce n’est pas tant un reproche, qu’un simple constat énoncé sur un ton sombre. Une mise en avant des faits quand les différences entre nous ne se situent pas uniquement dans le creux de nos personnalités aux extrêmes opposées. « Chez les Craine, vous jouez l’individualisme. » Toujours. Ils ont beau prétendre être unis, face à l’adversité, chacun ne pensera qu’à lui et à son bénéfice. « J’ai pris le blâme parce que je suis l’aîné et c’était à moi de la protéger. » J’étais là, je me devais d’agir. « Et Yele a beau hurler sur tous les toits que je le déteste, il n’a pas la moindre idée de tout ce que j’ai pu faire pour lui sauver la mise. » Quand il a merdé, je suis celui qui est resté dans l’ombre pour essuyer ses conneries, pour amoindrir les répercussions. « Ils sont MA famille. » Et quoiqu’il arrive, quoiqu’elle puisse en dire ou en penser, ils seront toujours ma priorité. Même quand Ariane a décidé de tout planter, même si à l’instant présent je lui en veux bien plus qu’à n’importe qui. Elle m’appelle et je répondrais présent. C’est le deal qu’on a signé à la naissance. C’est tout ce qui a toujours échapper à Rosalie, ça et le reste. « Je suis désolée de t’avoir pris pour acquis, à l’époque et après aussi. » Je hausse les épaules, la réplique cinglante serait si rapidement trouver que je préfère l’éviter, parce que la donne à changer. Désormais, il ne s’agit plus d’une guerre à deux, mais d’un chemin qu’il va falloir emprunter pour un petit être qui pointera bientôt le bout de son nez.
« Je suis contente qu’on avance ensemble. » C’est probablement tout ce qui devait ressortir de cette conversation à cœur ouvert. Tout ce qui ne devait être que la conclusion depuis le départ, le fait que l’on se doit de mettre de côté les rancœurs pour avancer à deux vers cette nouvelle étape. Je ne sais pas si c’est le calme ambiant, la force de ses mots ou la sincérité de son regard qui me pousse à envelopper son corps de mes bras, mais j’ai soudainement ressenti le besoin d’une étreinte pas comme les autres. Ce n’est pas comme toujours, cela ne va pas engendrer un énième dérapage. Il s’agit d’une simple étreinte qui englobe tout ce que l’on est pas encore capable de se dire par les mots. Un respect mutuel qui s’accorde par la force des choses, une envie de reprendre à zéro quand le monde autour de nous semble s’émietter pour mieux nous filer entre les doigts. Elle reste le phare dans la tempête, celle que j’ai toujours cherchée et désormais s’offre à nous, une ultime chance de bien faire. Rien ne sera parfait, mais on va essayer. Pour notre bébé.
À trop discuter, j’ai besoin de m’en griller une, sentir la brûlure dans mes poumons alors que lentement, la conversation s’oriente vers cet enfant à naître. Sujet encore si frais entre nous que nous n’avons même pas pris la peine de discuter des détails qui ont leur importance, comme la date présumée de naissance. « Noël. » Je pourrais déjà entendre ma sœur qui se fout de ma gueule pour les coïncidences, les signes et tout autre merde du genre. Noël, ce sera alors. « Y’a des grandes chances que les médecins ne me laissent pas aller à terme toutefois. » Mes sourcils se froncent alors que je croise son regard. « Pourquoi ? » Je ne suis pas un expert en grossesse, tout ce que j’ai pu retenir de celle d’Ariane, c’est qu’elle était bien plus chiante qu’à l’accoutumer et c’est déjà beaucoup. « À cause de mon âge et du déni, il y a plus de risques de complications. Je pense que je vais avoir un suivi serré. » Une nouvelle fois, mes sourcils se froncent dans l’incompréhension. « Ton âge ? » Je tire sur ma cigarette alors le reste de ses paroles se font un chemin entre mes pensées et lentement, j’éloigne ma cigarette en tendant le bras le plus loin possible d’elle avant de relever la tête pour cracher ma fumée en direction du ciel étoilé. Un rire m’échappe sans que pour autant, je n’écrase le mégot, bien déterminé à finir le poison que je m’inflige. « T’imagines ça comment, la suite? » Mon regard se perd sur les vagues et l’horizon alors que je tente de trouver une réponse qui ne sonne pas fausse. Mon instinct tout entier me hurle que cela va être compliqué, que l’aventure est risquée et trop penser à l’avenir insuffle presque un léger vent de panique. « J’ai du mal à imaginer. » que j’avoue alors sans détour. Qu’est-ce que l’on va faire ? Comment est-ce qu’on va bien pouvoir s’organiser ? Rien à changer et il y a encore trop de rancune pour prétendre que tout sera parfait. « Je veux pas que l’on prétende à être un couple parce que t’es enceinte. » Je ne veux plus de faux semblant et on a largement dépassé les années cinquante. « Je serais là pour t’aider, mais je… » Ne pas paniquer Wyatt. « Je sais pas pour le moment Rosalie. » Ce n’est pas comme si on avait bien pu l’envisager tout ce qui est en train de nous arriver. « C’est compliqué. » que je souffle sans vraiment la regarder. Cela nous ramène dans une position que je pensais oublier, cela m’oblige à revenir sur tout ce que j’ai pu dire, sur toute la bonne volonté que j’avais entamée dans l’idée de la sortir de ma vie. Ce n’était pas prévu et cela remet tout en question. « Qu’est-ce que tu veux toi ? » Parce que malgré tout, c’est son avis qui ne cesse de primer. |
| | | | (#)Dim 12 Sep 2021, 12:28 | |
| Il n’est plus question de tenter de dissimuler quoique ce soit. Ce soir, sur cette plage, il n’y a que les vérités qui filent de vos lèvres. Celles qui font mal, mais celles qui se doivent d’être entendues, une bonne fois pour toute. Pour vous donner les meilleures chances quand il sera question de mettre ce petit être qui grandit en toi au milieu de toi, de le prioriser en dépit de votre historique et de tout ce qui a pu se passer entre vous par le passé. Ce n’est pas chose aisée que de retracer le chemin de votre chute, de votre destruction et pourtant, c’est un mal nécessaire quand tu ne t’es pas permise d’être si vraie avec lui depuis de trop longues années déjà. « Sans que jamais tu puisses entendre que je t’étais entièrement dévoué. » C’est ironique, quand tu y repenses. Toutes ses crises de jalousie, à vouloir être sa seule et unique alors que tu l’étais déjà et qu’au bout de tout, tu es celle qui a tenté de le remplacer par tous les moyens par un homme qui était jugé bon, meilleur. Tu pourrais t’excuser à nouveau, mais c’est de répéter ce que tu as déjà dit à de nombreuses reprises ce soir que de le faire. Il sait que tu es désolée, mais ça n’efface pas les blessures, ça n’apaise que bien peu les maux. Malheureusement, c’est bien tout ce que tu peux lui donner après tout ce temps. Ça et ta propre version de votre histoire, de tes erreurs, de tes motivations, aussi égoïstes eurent-elles été. Il écoute en silence Wyatt, il encaisse, il ne réplique pas, accepte ce que tu lui offres, même si tu le sais que ce ne sera jamais assez. « Il est bien con le gars qui cherche encore à l’excuser. » Un sourire triste vient prendre place sur ton visage. « Il est encore là? » que tu ne peux t’empêcher de demander. Tu lui avais dit adieu, à ce gars-là. Celui qui revenait, celui qui cédait, celui qui t’aimait encore. Tu lui avais dit adieu dans cette lettre et dans le retour de cette longue route, quand tout avait éclaté une bonne fois pour toute. Quand tu avais finalement cessé de t’imposer dans la vie de Wyatt, la vie avait trouvé un autre moyen de le faire pour toi, mais tu ne pensais pas que ça changeait réellement ce qui avait été dit, ce qui avait été acté. Était-ce le cas? Tu ne savais plus quoi en penser, et tu savais qu’au fond, la priorité n’était pas là, elle ne pouvait l’être. La priorité se devait d’être votre enfant à venir, et seulement lui.
« À la différence que je déteste réellement tout et tout le monde. » Dans un autre contexte, tu chercherais peut-être à le confronter à ce sujet. Tu lui dirais peut-être que ce n’est qu’un mécanisme de défense qu’il applique depuis tellement longtemps qu’il ne sait plus vraiment faire la différence entre qui se cache derrière la carapace et la carapace elle-même. Mais ce soir, tu n’as pas le courage. Pas envie de te perdre dans un débat qui s’éloigne un peu du but premier de cette conversation. Parce que Wyatt, il a toujours eu toutes les raisons du monde d’avoir besoin de se protéger de la sorte. Toi, tes raisons, elles sont bien trop égoïstes, même si ça ne reste pas moins difficile de te défaire de cette couverture qui te colle à la peau depuis de nombreuses années. « Je ne joue pas, moi. » Tu soupires doucement, mais tu ne répliques pas. Ce n’est pas toi, de prendre les remarques sans mordre en retour, mais tu essayes de prendre sur toi autant que tu le peux, même si c’est difficile, même si ce n’est pas naturel. « Personne ne te demande de le faire du jour au lendemain. Mais si tu n’essayes pas alors rien ne changera. » « J’ai l’impression que j’ai une timeline quand même et ça me fait peur. » que tu lui admets alors que tes doigts dansent sur ton ventre finement arrondi. Parce que oui, le temps est compté avant que ce petit être ne pointe le bout de son nez et tu veux tellement être la meilleure version de toi-même pour elle ou lui, sans même avoir la moindre idée de ce à quoi ça ressemble vraiment tellement il y a longtemps que cette Rosie-là c’est perdu en chemin.
Les réalisations sont grandes et douloureuses de part et d’autre et tu baisses le regard lorsque Wyatt mentionne le fait que tu avais accepté la demande en mariage de Lachlan. La coupure de trop sans aucun doute, ta dernière tentative de t’accrocher à ce que tu croyais devoir vouloir alors que derrière les rideaux se cachait pourtant tout ce à quoi tu étais incapable de renoncer. « Je ne crois pas que je pourrais te le pardonner. » Ton souffle se coupe et tu fermes violemment les yeux alors que les mots fessent de partout. Ce n’est pas une grande surprise en soit, mais de l’entendre fait mal, terriblement mal et tu te mords les lèvres pour te concentrer sur cette douleur là plutôt que l’autre qui se fait ressentir dans tout ton être. Tu hoches la tête, évites au mieux de croiser le regard de Wyatt alors que vos pas continuent de fouler le sable encore chaud de cette plage sur laquelle reposera éternellement toutes vos vérités. Wyatt te surprend ensuite avec un secret que tu n’aurais jamais pu t’imaginer, celui ou il admet avoir pris le blâme pour des actions perpétrées par Ariane, blâme qui l’aura éventuellement mené en prison, à faire du temps qui n’était pas sien. « Je ne suis pas sûr que tu comprennes. » Tu secoues la tête, honnêtement, tu n’es pas certaine de comprendre toi non plus. Ça explique beaucoup de choses certes, mais tu ne saisis pas le raisonnement derrière les actions. « Chez les Craine, vous jouez l’individualisme. » Tu écoutes, tu acquiesces. Ce n’est pas comme s’il avait tort après tout. Autant tu tenais à ta fratrie, à ta façon, autant tu savais qu’au bout de tout, tu étais bien plus du genre à te prioriser aux dépends de ceux qui t’étais chers, et tu ne doutais pas que c’était la même chose pour Garrett, même pour Wendy. De vous quatre, il n’y avait vraiment que Rory pour changer la donne, non pas que Wyatt le verrait de la sorte. « J’ai pris le blâme parce que je suis l’aîné et c’était à moi de la protéger. Et Yele a beau hurler sur tous les toits que je le déteste, il n’a pas la moindre idée de tout ce que j’ai pu faire pour lui sauver la mise. » « Alors pourquoi le faire s’il le sait même pas? » Non, clairement, tu ne comprends pas. « Ils sont MA famille. » Tu secoues la tête. Oui, mais, est-ce que ça justifie vraiment tout? « T’as raison, je comprends pas. Je comprends pas pourquoi tu penses que parce que t’es l’aîné, t’es obligé de payer pour les conneries ou les erreurs que Ariane et Yele peuvent faire. C’est ton nom qui a pris cher, ta réputation que t’as mise en jeu. » Tu secoues la tête. Tu doutais que vous puissiez être en mesure de vous comprendre un de ces jours à ce niveau-là et tu devais admettre que ça te faisait peur. Vous aviez une vision tellement différente de la famille, comment serait-il possible pour vous de vous accorder sur la bonne façon d’éduquer un humain qui dépend complètement de vous deux?
Ça te fait peur, terriblement peur de penser à tout ça. De ne pas savoir de quoi seront fait les prochains mois de ta grossesse, mais aussi les prochaines années, quand le bébé sera là et que ton univers sera éternellement interrelié avec celui de Wyatt, sans aucune possibilité de faire marche arrière. Terrifiée et bien incapable de te faire une image précise de ce à quoi ta vie va ressembler désormais. Mais vous êtes tous les deux, à vouloir sensiblement la même chose, à être capable de vous accorder sur au moins une chose à défaut d’être capable de le faire sur tout le reste. Ce n’était pas l’idéal, mais c’était mieux de tenter de le faire à deux que de continuer à se faire la guerre comme vous aviez pu le faire dans les dernières années. Wyatt s’allume une cigarette alors que vous prenez place sur le sable fin, regard tourné vers l’océan. C’est la première fois depuis longtemps que tu te sens proche de Wyatt de cette façon et ça te fait du bien, malgré toutes ces discussions qui elles, laisseront sans aucun doute leurs marques sur ton cœur et dans ta tête. Le bébé reprend sa place en tant que sujet principal de la conversation et c’est effrayant de réaliser tout ce qui doit encore être discuter à son sujet. « Pourquoi? Ton âge? » Wyatt n’y connait pas grand-chose en grossesse, toi-même tu te perds un peu dans les sémantiques et dans les informations qui t’ont été donné la dernière fois. « Passé 35 ans, toutes les grossesses sont considérées à risques. Et souvent, ils préfèrent déclencher l’accouchement avant le temps pour réduire les risques justement. Je sais pas trop, j’ai pas tout compris. » que tu lui admets finalement. Il te faudrait faire tes recherches et parler avec ton médecin au fur et à mesure que la grossesse allait progresser, même si tu ne doutais pas que les rendez-vous seraient multiples dans les prochains mois. Tu oses ensuite lui demander comment il s’imagine la suite et tu enroules tes bras autour de tes genoux alors que Wyatt tient sa cigarette loin de toi, comme si cela empêchait la fumée de se rendre jusqu’à toi. « J’ai du mal à imaginer. » Vous êtes deux alors et tu ne sais pas si tu es soulagée ou nerveuse de l’entendre. « Je veux pas que l’on prétende à être un couple parce que t’es enceinte. » « J’ai jamais pensé ça. » que tu lui avoues rapidement. Les blessures entre vous étaient encore trop grandes, trop profondes, trop douloureuses pour que ce soit même une option. Mais à défaut de pouvoir être un couple, il vous fallait trouver un terrain d’entente qui rendrait la coparentalité aussi facile que possible, si telle chose existe réellement. « Je serais là pour t’aider, mais je… Je sais pas pour le moment Rosalie. » Tu fronces légèrement les sourcils, pas certaine de comprendre ce qu’il veut vraiment dire par pour t’aider, mais plutôt que de t’imaginer le pire direct, tu prends une longue inspiration et vient poser ton menton sur tes genoux, tournant la tête en direction du Parker. « Quel genre d’implication tu veux? Avant la naissance, et puis après? » Ça semble être un bon point de départ. Aider, ça veut dire quoi pour lui? Est-ce qu’il s’imagine être un père à temps partiel une fois le bébé dans vos vies? Être de ceux qui vont et viennent et qui laissent à la mère la plus grande charge? Tu voulais croire que non, mais rien ne semblait joué d’avance dans cette situation. « Qu’est-ce que tu veux toi? » Tu hausses les épaules. Tu n’as pas une réponse toute parfaite à lui donner. Tu as beau retourner la situation encore et encore dans ta tête, c’est le flou complet. « Je sais pas. C’est dur à dire la première année, je m’imagine pas être capable de faire une garde partagée dès le départ, mais je veux pas non plus te priver. » Tu lâches un soupir. Ça promettait d’être compliqué tout ça. « Je voudrais qu’on puisse être capable de passer du temps ensemble sans que ça vire toujours au chaos. » que tu finis par lui admettre avec un petit rire. C’est bien la seule chose que tu es capable de t’imaginer en ce moment pour être totalement honnête. |
| | | | (#)Dim 03 Oct 2021, 22:21 | |
| Les vérités s’étalent et s’entrechoquent sans qu’aucun filtre ne viennent en travers cette parole soudainement libérée. On le sait aussi bien l’un que l’autre que le temps nous est compter, que l’on doit balancer tout sans trop s’entraver de devoir faire le tri dans tout ce qui traverse nos pensées. Ils sont bien trop rares les moments où l’on s’offre un véritable répit nous permettant de revenir sur des éléments flous du passé comme l’a toujours été notre vision différente de la famille. Chez les Craine, l’individualisme prime, s’impose dans chacune de leur décision, qu’importe le résultat, ils penseront à eux avant tout. Je n’ai jamais été élevé de cette manière et toute ma vie, j’ai fait passer mon frère et ma sœur avant moi. Les deux visions s’opposent sans jamais se compléter, laissant en face de moi une Rosalie qui semble perdre patience face à un ensemble qui lui échappe. « Alors pourquoi le faire s’il le sait même pas? » Je retiens un rire face à sa stupéfaction comme si je venais de lui annoncer l’idée la plus stupide du siècle. « Parce qu’il est mon petit frère… Tout simplement. » Notre relation restera probablement à jamais conflictuelle avec Yelahiah ou tout du moins tant que l’un d’entre nous ne se sera pas décidés à lancer une conversation que chacun redoute. On fonctionne ainsi et Ariane a toujours eu pour habitude de faire tampon entre nous. Peut-être que les choses vont changer finalement. « T’as raison, je comprends pas. Je comprends pas pourquoi tu penses que parce que t’es l’aîné, t’es obligé de payer pour les conneries ou les erreurs que Ariane et Yele peuvent faire. C’est ton nom qui a pris cher, ta réputation que t’as mise en jeu. » Elle commence à tirer sur la corde sensible Rosalie. « Nous, on n’avait pas tout un petit personnel pour veiller sur nous quand notre père foutait le camp et que maman préférait s’embrumer l’esprit. » que je réplique sèchement. Mon statut ne dicte en rien mes actions envers eux. Ils ont grandi dans les cris et les reproches et je me suis juré de les protéger, quoiqu’il en coûte. « Que tu comprenne pas, c’est okay. » que je souffle finalement. « Que tu juges ma relation avec eux, ça l’est beaucoup moins. » Elle ne pourra jamais comprendre et cela fait bien longtemps que je me suis fait une raison sur le sujet. « Mais je lui apprendrais qu’on ne laisse jamais sa famille dans la merde. » que je conclus en pointant du doigt l’arrondi de son ventre. Il n’aura probablement jamais de frère et sœur ce bébé, mais il a déjà un cousin sur qui il pourra compter.
C’est ainsi que je vois les choses même si je n’ai clairement aucune idée de ce à quoi l’avenir va bien pouvoir ressembler. Je ne m’autorise pas à oser m’aventurer dans ce genre de projection, moi qui aie encore tant de mal à me dire que tout ceci n’est pas un rêve et que dans quelques mois, on va se retrouver parents tous les deux. Pas séparément, mais bien ensemble. Alors, non, je n’ai pas pensé à la grossesse, je n’ai pas envisagé que toute la santé de Rosalie s’en retrouvait impacter. Je me retrouve comme un con à poser des questions qui ne semblent pas faire de sens dans mon monde où la grossesse est ce truc que j’ai toujours vu de loin. Ariane, elle avait su gérer sans jamais rien dire, juste à laisser ses hormones exploser. C’était peut-être pas bien plus facile. « Passé 35 ans, toutes les grossesses sont considérées à risques. Et souvent, ils préfèrent déclencher l’accouchement avant le temps pour réduire les risques justement. Je sais pas trop, j’ai pas tout compris. » J’écoute avec attention, j’essaye d’analyser le moindre mot qu’elle semble choisir délicatement. « Ça pourrait devenir dangereux ? » J’ai déjà imaginé un monde où Rosalie ne ferait plus partie de ma vie, c’était simple lorsque je voulais la tenir éloigné, mais imaginer que quelque chose de grave pourrait lui arriver. Non, je préfère ne même pas y penser. « Pense même pas à me faire des discours du genre le bébé avant tout. » Les mots m’échappent à toute vitesse quand je prends conscience que ce n’est peut-être pas préconisée d’être enceinte à son âge. « Tu retournes quand voir le médecin déjà ? » Il faut que je sois là, qu’on entende tous les deux, que les choses soient clairs.
Mon esprit vagabond sur tous les terrains désormais, mais Rosalie a toujours un pied d’avance. « Quel genre d’implication tu veux? Avant la naissance, et puis après? » C’est bien la question que je cherchais à éviter encore, juste quelque temps. J’ouvre la bouche plusieurs fois sans que jamais un son ne sorte. J’en viens à tirer sur ma cigarette comme un forcené pour gagner du temps, tout simplement parce que je suis incapable de lui apporter une réponse qui ferait sens. « Je sais pas Rosie. » J’ai pas eu le temps de penser à tout ça. Je me suis pas autorisé à le faire, surtout. « Je veux pas être un inconnu dans sa vie. » C’est bien tout ce que je peux lui affirmer pour le moment, parce que m’impliquer auprès d’elle pourrait s’avérer être un jeu dangereux. On ne sait plus faire tous les deux, on devait arrêter, on avait signé la fin d’un tout. Alors il faut tout réapprendre, se poser de nouvelles questions et rejouer à ce jeu que l’on savait tant maîtriser, de celui qui ne sait s’affirmer dans une direction et préfère renvoyer la balle dans l’autre camp. « Je sais pas. C’est dur à dire la première année, je m’imagine pas être capable de faire une garde partagée dès le départ, mais je veux pas non plus te priver. » Les règles sont posées, je ne serais donc autorisé qu’à quelques visites quand elle l’aura décidé. Je ne pensais pas que j’allais me prendre cela en pleine gueule, je ne pensais pas que j’en serais affecté. « Je voudrais qu’on puisse être capable de passer du temps ensemble sans que ça vire toujours au chaos. » Mon rire vient se mêler au sien tandis que nos regards se croisent. « Ne demande pas la lune non plus Rosie. » On le sait aussi bien l’un que l’autre que le chaos a toujours fait partie de notre dynamique. Quoiqu’il arrive. J’écrase ma cigarette avant de me pencher de son côté, laissant nos épaules se frôler. « Est-ce que tu voudrais établir des règles ? » On a toujours su les transgresser les règles, mais peut-être que pour mieux entamer ce nouveau chemin, on se doit de se donner une base. |
| | | | (#)Lun 04 Oct 2021, 08:47 | |
| « Parce qu’il est mon petit frère… Tout simplement. »
Tu te contentes de hausser les épaules légèrement parce que ça ne fait pas de sens à tes yeux et que ça n’en fera probablement jamais. Est-ce que ça faisait de toi une mauvaise sœur, si tu n’étais pas prête à absolument tout et n’importe quoi pour ta fratrie, à ton propre détriment? Tu voulais croire que tu savais donner, que tu savais être présente, différemment peut-être. Ce n’était qu’une chose de plus que tu remettais en question sur ta personne, soudainement incertaine des moindres aspects de ta personnalité, de tes valeurs et plus que jamais, de ce que tu voulais transmettre à cet enfant qui grandissait dans ton ventre. « Nous, on n’avait pas tout un petit personnel pour veiller sur nous quand notre père foutait le camp et que maman préférait s’embrumer l’esprit. » C’est sans doute ce qu’il y a de plus particulier dans vos dynamiques familiales respectives. Elles ne sont pas si différentes dans le fond bien que rien ne semble les lier en apparence. Des pères absents, des mères qui se perdent dans les fonds de bouteilles. Que d’exemples pour votre futur enfant à venir en somme. Vous ne pouviez qu’aspirer à faire mieux. « Que tu comprennes pas, c’est okay. Que tu juges ma relation avec eux, ça l’est beaucoup moins. » « Mais j’dois te laisser faire tous les commentaires que tu veux sur ma famille, c’est ça? » Aussitôt que les mots sont dits, tu regrettes de les avoir laisser filer. Ça, c’est un vieux réflexe. Te défendre même quand il n’y a pas vraiment lieu de le faire. Alors tu te pinces les lèvres, tu prends une grande respiration et puis tu rectifies le tir, du mieux que tu puisses le faire. « J’essaye juste voir les choses comme toi. » Ça ne te vient pas naturellement, tu ne sais pas si tu seras en mesure de changer ça un jour, mais tu essayais. Pour lui et pour ce bébé. Pour tenter de trouver une harmonie quelconque dans une situation qui s’apparentait bien plus au chaos qu’autre chose. « Mais je lui apprendrais qu’on ne laisse jamais sa famille dans la merde. » Tu souris doucement à ça, parce que c’est bien tout ce que tu veux dans le fond. Qu’il soit assez là pour pouvoir lui enseigner sa vision de la vie, sa vision de la famille, sa vision de tout. Le reste, c’est toi qui vas apprendre à le gérer. Tu lui dois bien ça après tout.
Quand le sujet divague sur la grossesse en elle-même, tu comprends rapidement que vous êtes tous les deux hors de vos champs d’expertise. Tu ne t’étais pas préparée le moindrement avant que cette nouvelle te tombe sur la tête, tu n’avais pas encore effectué toutes les recherches que tu devais faire, tu n’avais pas encore eu ces discussions importantes avec ton médecin concernant les risques, pour le bébé autant que pour toi. Les mots échangés lors de cette première rencontre étaient flous dans ton esprit alors que tu peinais à te raccrocher à ce nouveau tournant que ta vie prenait. « Ça pourrait devenir dangereux? » Tu hoches doucement la tête. Tu ne sais pas encore à quel point, tu ne veux pas non plus l’alarmer sans pouvoir lui donner des réponses pour le rassurer. Tu regretterais presque d’avoir amené le sujet, même si tu sais qu’il mérite d’être au courant de ce qui se passe parce que ça le concerne autant que toi, au bout du compte. « Pense même pas à me faire des discours du genre le bébé avant tout. » Tu n’avais même pas pensé à ça, mais maintenant qu’il le dit, tu sens une légère vague de panique t’envahir. Du genre qui fait accélérer ton rythme cardiaque, qui rend tes jambes molles, qui remplit tes yeux de larmes que tu ne saurais camoufler. Tu évites de tourner ton regard vers Wyatt, te contente plutôt de regarder la mer alors que tu sais d’avance qu’il n’appréciera pas les prochains mots qui vont quitter tes lèvres. « Fais juste me promettre que tu laisseras rien lui arriver. » Tu resserres ta propre étreinte autour de tes jambes un peu plus fort à défaut de pouvoir le serrer lui, osant finalement tourner ton visage dans sa direction. « J’peux pas en perdre un autre, je m’en remettrais pas. » Ta fausse-couche avait brisé tellement de choses en toi, s’il fallait que quelque chose arrive à ce bébé, tu ne sais pas comment tu pourrais te relever et continuer. Le simple fait d’y penser te paralyse sur place et tu t’efforces de ressentir le sable sous tes pieds pour rester dans le moment présent. « Tu retournes quand voir le médecin déjà? » « Lundi prochain. » Tu sais déjà qu’il sera là. Il a besoin d’entendre, de comprendre. Vous en avez besoin tous les deux et de là, il vous sera peut-être plus simple de mettre un plan en place. Au cas où.
Le après vient rapidement prendre toute la place quand tu cherches à savoir quel genre d’implication il souhaite avoir dans la vie du bébé. « Je sais pas Rosie. » Le problème, c’est que ni lui ni toi semblez posséder la moindre réponse aux grandes questions, celles qui importent le plus. Tu échappes un léger soupir alors que tu reprends possession de tes moyens tranquillement, le calme de la mer et la conversation majoritairement posée aidant à ne pas vous envoyer dans les extrêmes pour une fois. « Je veux pas être un inconnu dans sa vie. » « Il y a une sacrée marge, Wyatt. Entre être un inconnu et être son père. » Et sa réponse est si vague que tu ne saurais dire de quel côté il penche plus. Il ne veut pas être un inconnu, okay, mais est-il prêt à être un père? Et ça ressemble à quoi ça, dans votre situation actuelle? Les questions changent mais les réponses restent les mêmes : toujours remplies de cette même incertitude qui berce votre relation depuis que tu lui as annoncé pour la grossesse. Il te demande ce que toi tu veux et tu réalises que ce n’est pas plus précis ou clair dans ton esprit. Ça n’avance à rien, mais ça prouve au moins une chose : vous êtes tous les deux prêts à faire acte de bonne foi, pour faire changement. « Ne demande pas la lune non plus Rosie. » Il rit et ça a quelque chose de réconfortant, pour une fois. Oui, ce sera le bordel. Oui, ce sera chaotique. Mais au moins, tu oses croire que la guerre ne sera plus l’un contre l’autre, mais bien vous deux contre le reste du monde. Ceux qui jugeront et qui ne comprendront pas ce que vous tentez de faire, à votre manière. « Est-ce que tu voudrais établir des règles? » Tu secoues la tête, c’est qu’il te prendrait presque au dépourvu. « Quel genre de règles? » Tu fronces les sourcils légèrement et puis tu sens son épaule qui vient doucement frôler la tienne et ce simple contact crée une avalanche de réaction dans ton corps, le genre qu’il te faudrait éviter, qu’il te faudrait oublier. « Pas d’ambiguïté. » que tu réponds alors, sans vraiment y réfléchir plus longuement. Ça te surprend toi-même quand tu étais bien celle qui aurait fait n’importe quoi pour un autre baiser, une autre nuit dans ses bras. Mais là, tu sais que la situation demande que vous gardiez votre relation à son aspect le plus simple. « On peut plus se permettre de retomber dans nos vieux travers. » Cette partie du jeu, de votre relation, se devait de rester terminer, même si ça te coûtait cher de l’admettre. « Je veux que tu sois impliqué autant que possible. Mais c’est toi qui dois décider à quoi ça ressemble. » Tu n’imposeras rien, pour une fois. |
| | | | (#)Lun 04 Oct 2021, 21:38 | |
| Le moment semble surréaliste tant, la conversation est fluide entre nous. Parfois, persiste malgré tout quelques piques lancées à la voler, dans des habitudes que l’on ne saurait réellement éviter, mais les mots sont avancés en douceur, dans une volonté de vouloir clarifier ce qui pourrait ressembler à notre avenir commun. Je n’avais pas pris le temps de penser à ce que pouvait représenter la grossesse et tout ce que me raconte Rosalie commence quelque peu à me faire peur. Elle parle de complication due à son âge, évoque le fait que des problèmes de santé pourrait en découler pour elle et c’est un instinct sorti de nulle part qui s’exprime tandis qu’elle se replie sur elle-même. J’observe les couleurs quitter son visage sans réellement comprendre sa réaction quand je reste persuader qu’elle ne pourra pas m’obliger à choisir la santé du bébé avant la sienne. « Fais juste me promettre que tu laisseras rien lui arriver. » Mon regard glisse sur sa silhouette tandis que Rosalie semble être partie dans ses pensées sans que je ne comprenne à quel point elle tient à cette promesse. « Rosalie… » Elle ne peut pas me demander une telle chose quand l’idée même de ce bébé reste encore si flou, moi qui n’ai rien vu que son ventre qui commence à s’arrondir. Tout semble complexe encore plus lorsqu’il finit par souffler douloureusement. « J’peux pas en perdre un autre, je m’en remettrais pas. » Et je comprends enfin, que la connerie que j’ai pu dire, résonne si différemment pour elle. Je me prends en pleine gueule la douleur qu’elle n’a jamais voulu partager avec moi à l’époque. Tout ce qu’elle avait pu ressentir lorsqu’elle a perdu cet enfant, il y a si longtemps. Je pourrais lancer tout un tas de répliques sanglantes à lui rappeler que si elle m’en avait parlé, elle n’aurait jamais traversé cette étape seule, mais je ne suis même pas sûr qu’elle pourrait m’entendre. Alors, je me contente de laisser mes doigts glisser vers sa cheville pour ne laisser que la trace d’un toucher qui l’aidera à s’ancrer dans le présent. « Tout se passera bien. » Je me retiens de le promettre, mais cherche à lui insuffler l’idée que je serais à ses côtés, qu’importe si tout nous paraît insurmontable pour le moment.
« Il y a une sacrée marge, Wyatt. Entre être un inconnu et être son père. » C’est tout un jugement qui résonne entre ses lèvres quand elle ne prend guère le temps de réaliser tout ce qui entrave chacune de mes pensées. « Il y a une sacrée marge entre te faire sortir de ma vie définitivement, et devenir le père de ton enfant. » Les mots se veulent piquants, la réplique cingle dans le vent sans que je ne prenne le temps de tourner ma langue dans ma bouche. L’instinct de défense primera à jamais sur l’état de conscience qui se veut plus mature et un brin plus réfléchi. Je souffle alors que mes doigts s’éloignent de sa peau. « Laisse-moi du temps, Rosalie. » Juste encore un peu, quelques jours, juste assez pour arriver à ce rendez-vous chez le médecin, un peu de répit pour rendre cela plus concret. Ainsi, je cherche à gagner du temps, à vouloir transposer toutes nos pensées dans des limites qui se doivent d’être imposé. À trop joué avec le feu, on s’en va à foncer dans le mur en pleine puissance. Il faut que l’on prenne le temps de souffler, tout en délimitant la ligne qu’il ne faudra plus jamais franchir. « Quel genre de règles? » - « N’importe lesquelles tant que ça fait sens. » Je crois que je m’attendais à tout de sa part, vraiment. De la règle la plus stupide qui soit, à la plus stricte. « Pas d’ambiguïté. » Toute sauf celle qu’elle s’en vient à énoncer avec tant de nonchalance. Lentement, je me recule afin d’imposer à nouveau une distance entre nous. « Okay. » C’est bien tout ce que je peux lui accorder quand la règle semble être primordial à respecter. « On peut plus se permettre de retomber dans nos vieux travers. » Je ris quelque peu. « T’as oublié que le jeu était terminé depuis longtemps. » On se l’était juré, de ne plus jouer. Il est un peu dur à avaler d’admettre que je suis entièrement d’accord avec elle sur ce point. On n’est plus des gamins qui cherchent un peu d’adrénaline entre les draps. Il y a tellement plus important à la clé désormais. « Pas de mensonges. » que je souffle ensuite dans une évidence que l’on s'était déjà accordée, mais qui se devait d’être à nouveau gravé quelque part. On tourne un peu en rond lorsque l’on semble répéter tout ce qui avait déjà été dit et jamais respecter par le passé. « Je veux que tu sois impliqué autant que possible. Mais c’est toi qui dois décider à quoi ça ressemble. » Il faut croire que tout sera a jamais une surprise entre nous quand je n’ai jamais vraiment eu l’habitude d’entendre Rosalie me donner un choix simplement influencé par mon libre-arbitre. « Ce n’est pas une décision qui se prend à la légère. » Ce n’est pas quelque chose que je pourrais coucher sur le sable juste en un instant, il me faut du temps, juste un peu, pour reprendre mon souffle et y voir plus clair. « Je veux m’impliquer Rosalie, je te le jure. » C’est autour de toi que j’ai besoin de trouver mes limites quand le jeu s’annule et que les vraies responsabilités s’imposent.
Du temps, c’est ce que l’on s’offre encore un peu sur cette plage, rien que tous les deux.
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| | | | | | | | i know everything you don't want me to (craker #12) |
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