Plowing through the storm, yeah, I know A continuous brutal suffocating feeling Even if I try to escape, now I know This is a competition I can't avoid
Les visites d’Eddie à ses parents sont devenues assez rares au fil des années, autant par manque de temps de son côté que parce qu’il n’a jamais la garantie que les choses se passeront bien lors de sa venue compte tenu de la tendance qu’a sa mère de le couvrir de reproches à la moindre occasion. L’ambiance n’est encore pas folle ce jour-là mais il aurait presque de quoi se réjouir puisque la discussion ne tourne pour une fois pas autour de lui, non cette fois c’est la voisine qui capte toute l’attention du couple Yang et particulièrement celle de Sun-Hi. Eddie a l’impression d’avoir raté mille épisodes avec cette histoire de nuisances et de drague que sa mère lui raconte, c’est qu’il s’en passe des choses ici quand il n’est pas là. Cette voisine serait sur le point de la rendre chèvre, non seulement elle s'illustrerait quotidiennement dans un boucan pas possible mais en plus elle tournerait autour de son père. Elle aurait d’ailleurs sa petite réputation en la matière mais il ne prend pas tout ce que sa mère lui dit pour argent comptant non plus, connaissant la facilité avec laquelle elle exagère toujours tout. « Appa est un vrai séducteur, on en apprend tous les jours. » Eddie aborde la situation avec légèreté ce qui lui vaut de se faire fusiller du regard, et son père alors qu’en dit-il ? Comme à son habitude Kang-Dae se fait discret, il ne semble pas autant subir cette situation que sa femme mais dans la mesure où elle domine leur couple il n’osera évidemment pas la contredire. Tout ça amuse Eddie plus qu’autre chose car ses parents sont ensemble depuis une trentaine d’années et il n’imagine pas son père se laisser alpaguer comme ça, mais bien sûr sa mère ne l’entend pas de cette oreille, elle. Il veut bien croire que cette voisine est infernale quand il voit dans quel état se met Sun-Hi et d’ailleurs il croit bien entendre de ses propres oreilles ce qu’on lui reproche, ce ne sont effectivement pas la bienséance et la retenue qui semblent étouffer la dénommée Helen. « Tout ça doit cesser, je n'en peux plus. Seulement si j'y vais moi elle ne m'écoutera jamais.. oh ! » En un regard il comprend, ça va être pour sa pomme. Ils profitent de sa présence pour l’envoyer au casse-pipe, c’est donc la seule utilité qu’il a encore dans cette famille ? Il soupire, forcément, avant même d’obtenir confirmation. « Vas-y toi Eddie ! Tu n’es même pas obligé de dire que tu viens de notre part, fais-toi passer pour un tout jeune voisin importuné par le bruit. » Et puis quoi encore. À nouveau il soupire, déjà qu’on lui demande d'aller régler leurs problèmes il s’agirait de le laisser au moins gérer la chose à sa façon. « Après vingt-cinq ans t’as toujours pas compris que ton fils savait pas mentir eomma. » En vérité si, il sait très bien le faire quand il faut mais il ne compte pas suivre son petit scénario car ça se saurait s’il vivait dans le coin, tout le monde ou presque sait bien qu’il est le fils Yang parti de la maison il y a trois ans. « Vingt-six. » rectifie Sun-Hi car elle n’en démord pas, avec elle le hanguk-nai n’est pas une tradition près de s’éteindre.
C’est tout de même très ironique de l’envoyer lui, alors qu’il rencontre le même genre de problèmes avec ses voisins bien qu’il tende à faire quelques efforts à ce niveau-là. Eddie est connu comme le loup blanc dans son quartier pour des nuisances sonores qui ont longtemps pourri la vie de tout le voisinage mais ici les gens l’apprécient, la plupart l’ont même vu grandir alors il aimerait autant ne pas se brouiller avec certains d’entre eux. Par principe surtout, parce qu’il ne trouve pas normal d’être mêlé aux problèmes que ses parents rencontrent avec une voisine alors qu’il n’a juste rien à voir là-dedans, lui. Mais Eddie cherche à se faire pardonner après les cachotteries sur sa santé qui ont mis sa mère dans une rage folle alors il se laisse convaincre et se présente face à la maison que ses parents lui ont indiqué, de l'autre côté de la rue. Il ne réfléchit même pas avant de presser la sonnette car il sait ce qu'il a à faire, et la personne qui montre le bout de son nez après ça n’est pas franchement celle qu’il s’attendait à voir. « Salut, ce sera pas long. » il annonce à l’homme qui vient d’apparaitre, supposant que ce dernier vit avec la femme que ses parents ont dans leur collimateur. Il n’a pas pu se tromper d’adresse car ils ont été très clairs, c’est bien cette maison et pas une autre qui abrite la fauteuse de troubles du quartier. « Je sais pas trop ce qui se trame ici et je suis pas sûr que ça m'intéresse, mais vous êtes visiblement plusieurs là-dedans et il faudrait se calmer sur les décibels parce que vous en faites profiter tout le monde. » Eddie n’est pas connu pour sa délicatesse ni pour tourner autour du pot, on l’envoie régler un problème pas jouer les médiateurs alors il décide d’aller directement dans le fond des choses. Son ton n’est pas le moins du monde agressif, juste ferme tandis que son regard détaille l’homme face à lui et l’expression quelque peu changeante de celui-ci. Il n’apprécie peut-être pas sa démarche mais elle est apparemment nécessaire, surtout si les autres voisins ont pris l’habitude de subir sans jamais affronter l’occupante des lieux. « Et ce serait bien de dire à la femme qui vit là - Helen, c'est ça ? - de ne pas tourner autour des hommes mariés du coin aussi, ça plait pas trop à leurs femmes. » il ajoute et sa mère ne pourra pas dire qu’il a partiellement contourné le problème comme ça. Si l’homme face à lui est le compagnon de la fameuse voisine cet échange risque de prendre une tournure un peu gênante et ça Eddie ne le réalise qu’après coup, mais ce ne serait pas la première bourde qu’il commettrait auprès d'un inconnu.
Fuck you (Fuck you), fuck you very, very much. 'Cause we. hate what you do. And we hate your whole crew. So, please don't stay in touch. @Eddie Yang & Maxwell
Mercredi 25 août.
La matinée avait été longue. Très longue. J'avais travaillé de nuit au centre des appels d'urgence et plus le temps passait, plus la raison pour laquelle les gens avaient peur du noir devenait évidente. Les pires appels avaient toujours lieu la nuit. Les cambriolages qui tournaient mal, les voyeurs qui décidaient de devenir un peu plus que ça, les criminels qui passaient à l'acte... Et si j'avais appris au fil des mois que nous ne pouvions pas sauver tout le monde, passer une nuit à essayer de rassurer et d'aider des gens à qui il arrivait des choses horribles, c'était toujours éprouvant. Aussi, en arrivant à l'appartement de Niamh ce matin-là, j'étais content de le trouver vide. J'avais donc le temps de dormir un peu avant son retour, puisqu'elle m'hébergeait et que je squattais son canapé. Mais ça, c'était sans compter sur Helen. J'étais endormi depuis moins d'une heure que mon téléphone sonnait, affichant le nom de la présidente de l'assemblée de co-propriétaire dans le quartier de Toowong, où ma mère vivait. Je soupirais bruyamment avant de répondre.
"Bonjour Madame, Hurley, comment allez vous ?"
"Eh bien, j'irais beaucoup mieux si votre mère me laissait dormir la nuit et cessait de m'insulter la journée. Je vous aime bien Maxwell, mais si ça ne s'arrête pas, je vais être obligée de faire quelque chose."
Nouveau soupir. Et elle allait faire quoi au juste ? L'expulser ? Helen était propriétaire de sa maison depuis des années, elle ne risquait pas grand-chose. Si encore elle avait aimé s'occuper du jardin, les copropriétaires auraient pu lui faire payer ses nuisances en votant pour l'empêcher de faire telle ou telle chose, prétextant que c'était dérangeant pour les voisins... Seulement, même ça, elle ne le faisait pas. Alors, vraiment, j'étais désolé pour eux, mais je ne voyais pas ce que ces menaces pouvaient donner. Au pire, elle aurait une amende pour tapage et elle continuerait. Sachant très bien qu'elle ne m'écouterait pas, j'avais tout de même promis à mon ancienne voisine de passer dans la journée pour essayer de raisonner ma mère. De toute façon, j'avais des affaires à récupérer, ce serait l'occasion de faire d'une pierre deux coups.
C'est ainsi que je m'étais retrouvé à argumenter avec Helen en début d'après-midi. Et si déjà d'habitude elle n'avait jamais l'air ravie de me voir, cette fois-ci, elle avait carrément l'air furieuse. "Je lui ferai bouffer son dentier à cette morue." Avait-elle simplement répondu, comme si c'était la solution la plus simple au problème. "Je ne pense p..." Elle avait levé le doigt pour me couper, changeant mon expression ennuyée en une expression blasée. Parce que je savais déjà ce qu'elle allait dire. "Personne ne t'a demandé de penser, Maxwell. Ménage ton cerveau, il sert déjà si peu." Garce. Soufflant pour lui montrer qu'elle m'exaspérait, j'étais directement monté dans ma chambre pour préparer les affaires que je voulais emporter. Au bout de quelques minutes, il devint évident que le mec du moment d'Helen était arrivé, j'installais donc mon casque sur mes oreilles, musique à fond, pour éviter d'avoir à entendre ça. C'était une habitude que j'avais prise dans l'enfance et qui avait sauvé les brides d'innocence qu'il me restait à l'époque.
Mes affaires étant prêtes, j'étais redescendu à la hâte pour quitter cette maison de fou. Avec la musique dans les oreilles, je n'avais pas entendu la sonnette retentir quelques minutes plus tôt. Si bien que lorsque j'ouvris la porte, j'eus un sursaut de surprise qui me fit reculer d'un pas. "Yang ?" demandais-je, bêtement puisqu'il était évident que c'était lui. J'enlevais rapidement mon casque pour l'entendre prononcer sa première phrase. « Salut, ce sera pas long. » Un voisin à l'air sérieux. Génial, deux plaintes dans la même journée, on approchait du record. Et quel voisin. Sur toute la rue, il avait fallu que ce soit pile celui que je ne voulais pas croiser qui se pointe au moment où j'allais partir. Celui-là même qui avait été une des raisons de ma dispute avec Nini. Karma de merde, pensais-je en fronçant les sourcils. " Bah ça tombe bien, parce que je suis pas spécialement ravi de te voir." lâchais-je, sans même savoir s' il savait qui j'étais. À vrai dire, je m'en moquais. Rare était les gens que je n'aimais pas, mais lui, je ne pouvais vraiment pas le voir.
« Je sais pas trop ce qui se trame ici et je suis pas sûr que ça m'intéresse, mais vous êtes visiblement plusieurs là-dedans et il faudrait se calmer sur les décibels parce que vous en faites profiter tout le monde. » Je me tournais vers l'intérieur de la maison et levais les yeux vers les escaliers. Je lui avais dit cent fois que nous finirions par avoir des problèmes avec les voisins. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que ça arrivait, mais elle n'en avait jamais rien eu à faire. D'ailleurs, déjà à l'époque, à Dayboro, tout le monde parlait d'elle, j'avais été harcelé à l'école à cause de ça et elle s'en était moqué aussi. "Oh, ça." J'aurais aimé être gêné par la situation, vraiment, ça aurait voulu dire que ça arrivait rarement. Seulement voilà, Helen n'avait jamais été de ces mères qui protègent leurs enfants. D'aussi loin que je me souvienne, j'avais toujours subi ses nuisances sonores malsaines, moi aussi. Et dans la vie, on finit par s'habituer à tout. Même aux voisins qui venants demander que votre mère se fasse tringler moins bruyamment. Mon attention se reporta sur Eddie et je croisais les bras sur mon torse en m'adossant à l'encadrement de la porte.
« Et ce serait bien de dire à la femme qui vit là - Helen, c'est ça ? - de ne pas tourner autour des hommes mariés du coin aussi, ça plait pas trop à leurs femmes. » Je baillais bruyamment. "Oh ? ça y est, t'as terminé ton laïus, Yang ?" Après la méchanceté, l'égoïsme et la lâcheté, voilà que le dédain faisait son apparition. Plus que l'insensibilité et je me serais transformé en ma mère. Je détestais être comme ça, ça ne me ressemblait pas, mais je haïssais tellement l'idée que Nicole puisse faire semblant de faire partie de leur famille que je n'arrivais même pas à essayer d'être sympathique. N'importe quel autre voisin aurait été accueilli avec des excuses, une explication et j'aurais fait l'effort de parler à Helen. Encore. Mais pas lui. Lui, j'avais envie de l'étriper sur ma pelouse. Non, j'avais même plutôt envie de lui demander d'appeler toute sa famille et de tous les enterrer dans le terrain en friche de ma mère.
Seulement, on ne peut pas toujours faire ce qu'on veut, alors je me contentais d'avoir l'air le plus blasé possible. "Pour commencer, j'ose espérer que j'ai mal compris ta première phrase et que tu n'étais pas en train d'insinuer que je couche avec ma mère, parce que sinon, je vais avoir besoin d'un sac à vomi." C'était ma façon à moi de dire que je n'avais rien à voir avec ce bordel. Il aurait forcément été plus simple de le dire franchement mais... Dois-je vous refaire le couplet sur mes envies de meurtre ? "Et ensuite, qu'on soit bien d'accord, les hommes mariés n'ont qu'à lui dire, non, puisque la chaudasse qui vit là est incapable de se contrôler. Et si leurs femmes sont inquiètes... Bah, peut-être qu'elle devrait remettre leur couple en question." Ça avait toujours été ma ligne de défense. Déjà quand je me faisais tabasser au collège parce qu'elle se tapait un homme marié : ok, elle n'avait pas à faire ce qu'elle faisait, mais elle n'était pas la seule responsable. Si les hommes mariés avaient un peu de loyauté et d'amour envers leurs femmes, toutes les Helen du monde n'étaient pas censées les intéresser.
"Ta famille n'aime pas ma mère, c'est réciproque. S'ils ne sont pas contents, ils peuvent toujours partir." Ouais, ça m'aurait bien arrangé ça, tiens. S' ils avaient pu se casser loin de Brisbane, il n'y aurait plus eu aucun risque qu'ils me volent ma sœur. Ou qu'ils ne la transforment en parfaite petite coréenne traditionnelle quand elle était parfaite comme elle était. Et d'ailleurs, quand il s'agissait de traiter une O'Connor comme sa fille, elle était là la daronne, alors pourquoi quand il était question de se plaindre du reste de la famille, il n'y avait plus personne ? "Et d'ailleurs, puisqu'on en est aux reproches, on peut savoir pourquoi c'est toi le messager ? Tes parents n'ont pas de problème avec notre langue me semble-t-il, donc quoi, ils sont devenus muets ? Tu n'habites même pas là, alors c'est bien beau de venir avec tes grands airs, mais qu'est-ce que tu peux savoir de ce qu'il se passe ici, toi, hein ?"
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L’homme qui lui tombe dessus lui donne plus l’impression de s’enfuir de cette maison que de lui ouvrir la porte après qu’il ait sonné, le principal étant qu’il puisse parler à quelqu’un là-dedans même s’il s’attendait à être accueilli par la femme dont ses parents s’étaient longuement plaints. Eddie attend de voir, il ne sait pas qui se trouve devant lui mais ce mec connait forcément la fauteuse de troubles qui cause tant de soucis aux Yang puisque c’est là qu’elle vit, la seule chose dont il soit vraiment sûr c'est qu'il se trouve à la bonne adresse. Si c’est la seule personne avec laquelle il peut espérer dialoguer dans cette baraque autant dire qu’il ne le laissera pas filer, et ce qui le surprend sur le moment c’est que le type l'identifie tout de suite. « Lui-même. » C'est curieux, tout ça. Ses parents ne lui ont pas parlé d’un homme vivant ici mais lui semble très bien visualiser à quelle famille il appartient, alors qu’Eddie ne vit pourtant plus dans le quartier depuis un bail. Il pensait avoir besoin de se présenter mais on lui épargnera du coup cette peine, en revanche ce qu’on ne lui épargne pas c’est un accueil des plus froids. Le type ne serait pas franchement ravi de le voir et c’est drôle, il avait pu le sentir au tout premier regard qu’il avait posé sur lui. Est-ce qu’il ne peut pas l’encadrer lui spécifiquement ou bien sa famille, il ne sait pas, mais il commence à se demander si sa mère ne l’a pas envoyé se fourrer dans un véritable guet-apens. Ce type a quand même l’air de très bien savoir qui il est alors que la réciproque n’est pas vraie du tout, et puis gratuit comme ça ? Le ton a au moins le mérite d’être donné. « Allons bon. » il souffle en haussant brièvement les épaules. Des mecs pas trop ravis de le voir il y en a des tas dans cette ville alors il ne se formalisera pas pour si peu, et va se contenter de l’ajouter à la liste de toutes les personnes qui ne peuvent plus voir sa tronche. Sauf que ce mec officiellement il ne lui a rien fait, si Eddie se trouve devant lui c’est pour rappeler à l’occupante des lieux ses devoirs en tant que voisine, le respect étant manifestement parti en vacances depuis trop longtemps par ici. Face à lui son interlocuteur assimile la raison de sa venue mais n’a pas l’air plus concerné que ça, l'amenant à s’interroger sur les liens qu'il peut avoir avec la fameuse Helen. On dirait que ce n’est pas trop son problème, que ça lui passe même un peu au dessus. « Oui, ça. Je doute quand même d’être le premier à me manifester pour ces nuisances. » Et il ne sera pas le dernier si cette foutue voisine ne revoit pas ses vilaines habitudes. Il connait Eddie, très bien même car lui aussi est passé par là il n’y a pas si longtemps. On lui a aussi pris la tête pour une musique un peu trop forte qui pourrissait la vie de ses voisins et il s’emploie à faire des efforts depuis, ça aura pris le temps mais il n’existe pas de cas réellement désespéré, juste des gens manquant cruellement de bonne volonté. Si lui a pu évoluer tout le monde le peut mais sans dialogue ce sera compliqué, cette Helen n’a pas l’air très accessible et ce type devant lui risque de ne pas lui faciliter beaucoup plus la tâche d’après ce qu’il comprend.
Alors c’est vrai qu’il bavasse pas mal Eddie mais il a tout un sac à vider, s’il a traversé la rue ce n’est pas pour venir prendre le thé mais bien pour confronter cette voisine infernale qui mène la vie impossible à tout le monde dans ce quartier. Il a terminé son speech oui, et il espère ne pas avoir brassé de l'air car ce n’est déjà pas de gaité de cœur qu’il met son nez dans toute cette histoire. Ça le gonfle Eddie d’être mêlé à tout ça alors qu’il a franchement mieux à faire de son temps, cette place ne devrait pas être la sienne et pourtant c’est bien lui qui se retrouve en première ligne aujourd’hui. Il y a méprise là par contre, le type qui lui a ouvert la porte n’est pas le compagnon mais le fils d’Helen.. ah. C’est un peu embarrassant mais en même temps qu’est-ce qu’il pouvait en savoir, ce n’est pas écrit sur son front. « Ta mère ? J’en savais rien tu vois, j’ignorais que la fameuse Helen avait un fils et que celui-ci vivait encore avec elle à.. » Pause, quel âge il peut avoir ce type ? Difficile à estimer comme ça mais il lui semble quand même un peu plus vieux que lui, et de toute façon Eddie n’a pas fait le déplacement jusqu’ici pour émettre un jugement là-dessus. Tanguy ou pas ce ne sont pas ses affaires, ses parents se sont juste bien gardés de lui dire que cette Helen ne vivait pas seule et ça aurait été bien pour qu’il sache tout de suite à qui il a affaire. La chaudasse.. est-ce bien une façon de parler de sa mère, d'ailleurs ? Là encore il n’a pas à juger mais ça le surprend, et il croit comprendre qu’ils ont l’un et l’autre des rapports compliqués avec leur maman même si Eddie ne pourra jamais reprocher à la sienne de collectionner les hommes. Il n’aime en revanche pas trop ce qu’il entend, il ne le contredira pas totalement sur le fait que les hommes sollicités n’ont qu’à dire non mais il ne le laissera pas dénigrer le couple que forment ses parents sans réagir. « Hey, hey, le souci c’est le comportement de ta mère va pas tout mélanger. » Il s’agirait de ne pas oublier qui pose problème ici, ils ne vont vraiment pas être copains tous les deux s’il se permet de remettre en question un mariage dont il ignore tout, et dont il ne soupçonne pas la solidité. « Mon père ne sait pas envoyer balader les gens, c’est un défaut qu'il a mais ça n’en fait pas un homme intéressé pour autant. Tu penses pas que la vraie question ici c’est pourquoi ta mère.. ou cette femme, si tu préfères, a le besoin irrépressible de draguer tous les hommes casés des alentours ? Y'a pas assez de célibataires dans cette ville ? » Il se pose réellement la question Eddie puisque ce type lui confirme qu’Helen a bien la réputation que sa mère lui prêtait, comme quoi elle n'avait rien inventé. Lui trouve ça presque tragique mais il ne la connait pas cette femme, la seule chose qu’il devine c’est qu’il n’y a plus de père depuis longtemps ici ou alors la situation est encore plus grotesque qu’il n’ose l’imaginer.
Leurs familles se voueraient un désamour réciproque, il ne voit pas bien ce que la sienne a pu faire pour être dans leur collimateur mais il conçoit à la limite que sa mère ne soit pas trop leur tasse de thé sachant qu'elle n'est pas du genre à se laisser faire. De là à tous les mettre dans le même sac par contre il trouve ça fort Eddie, et il hallucine lorsque le type leur conseille carrément de partir s’ils ne sont pas contents. Et puis quoi encore ? Il rêve éveillé celui-là. « J’ai bien entendu ? » Même ses parents qui saturent de la femme vivant ici n’auraient pas osé lui demander de partir, alors comment ce mec peut oser le regarder dans les yeux et lui présenter ça comme la solution à leurs problèmes ? « Ça fait quinze ans qu’on vit ici, mes parents vont pas déménager pour vous faire plaisir. Mais j’ai l’impression que c’est pas le problème là, t’as un truc contre nous et t’attends que je devine ce que c’est ou quoi ? » Parce qu’il sent bien qu’il y a anguille sous roche Eddie, pourquoi sinon les détesterait-il autant alors qu’ils sont parfaitement dans leur bon droit en venant se plaindre ? Ce n’est quand même pas un crime d’exiger que cette Helen se calme et cesse de transformer ce quartier en boite de nuit. Il se voit après ça reprocher d’être le messager de ses parents et c’est vrai que ça ne devrait pas être à lui d’être ici, pour le coup il ne lui apprend rien. « Ma mère a profité de ma visite pour m’envoyer régler ses problèmes et j’étais pas en position de lui dire non. » il résume sans entrer dans les détails de sa vie qui ne risquent pas de grandement intéresser ce type. « Et elle s’est dit que je resterais plus calme qu’elle face à la tienne, je crois qu’elle en a vraiment plein le dos là. On ne veut pas non plus qu’elles en viennent aux mains n’est-ce pas, donc c’est peut-être pas plus mal. » Il préfère le voir comme ça lui, même s’il n’est vraiment pas ici par plaisir et préférerait être ailleurs. Sa mère lui a bien fait comprendre qu’elle risquait de s'emporter si cette voisine la poussait encore à bout et il ne tient pas à ce qu'elle se fasse mal voir, ce n’est pas comme ça qu’on règle les problèmes chez les Yang. « C’est quoi ton prénom ? Et pourquoi t’as l’air si bien renseigné sur nous ? » Ils sont une famille relativement discrète ici, le genre à ne pas faire de vagues contrairement à la mère de ce type alors il s’interroge Eddie, il veut savoir ce qu’il sait réellement d’eux et il ne peut pas s’empêcher de penser que ça dépasse cette histoire de conflit de voisinage.
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Le problème avec Helen était toujours le même : elle faisait n'importe quoi, s'attirait les foudres des gens autour d'elle et ça se retournait contre moi. Toujours contre moi parce que ses deux autres enfants avaient eu la bonne idée de la fuir comme la peste quand je m'accrochais à l'espoir vain d'avoir un jour une mère correcte. Ce jour-là ne faisait pas exception, puisque j'avais la double mauvaise surprise d'avoir un second voisin mécontent à gérer et que celui-ci soit Eddie Yang. Celui-là même dont la famille tentait de s'approprier ma sœur et qui semblait pourtant surpris que je le reconnaisse, la conversation s'annonçait passionnante. Fallait-il être coréen pour avoir le droit d'exister dans cette famille ou bien était-il si autocentré qu'il n'avait pas remarqué que j'habitais à trois maisons de la sienne depuis plus de dix ans ? Certes, je ne le voyais plus vraiment traîner dans le quartier depuis plusieurs années à présent, mais est-ce que j'étais si transparent que ça lorsque les Yang s'étaient installés à Toowong ? Possible, puisque je sortais beaucoup moins quand j'étais encore ado. « Oui, ça. Je doute quand même d'être le premier à me manifester pour ces nuisances. » Sa phrase me fit revenir à la conversation que j'avais presque oubliée à trop être dans mes pensées. Effectivement, il n'était pas le premier, loin de là. Il n'avait même pas le luxe d'être le seul ce jour-là. Pour autant, est-ce que je comptais lui avouer et lui donner raison ? Jamais de la vie. À la place, je lâchais simplement un soupir de plus, si ça continuait comme ça, on allait commencer à penser qu'il y avait beaucoup de vent dans le quartier.
« Ta mère ? J'en savais rien tu vois, j'ignorais que la fameuse Helen avait un fils et que celui-ci vivait encore avec elle à.. » Est-ce que je rêvais ou est-ce qu'il s'était coupé juste avant de faire un jugement sur le fait que je vive encore avec ma mère à mon âge ? Et il ignorait qu'elle avait un fils ? Mais c'était quoi cette blague maintenant ? Ce mec se faisait des repas avec ses parents et ma sœur comme s'il faisait tous partie d'une grande et belle famille et il ne savait pas que Helen avait des enfants. Mes poings se serrèrent machinalement alors que je m'efforçais de respirer calmement pour ne pas m'énerver davantage. J'étais déjà vert de savoir que Nicole se tapait des réunions familiales avec les voisins quand nous ne l'avions pas fait tous ensemble depuis plus de dix ans, mais découvrir que les voisins en question ne connaissaient même pas notre existence me mettait hors de moi. D'où pensaient-ils qu'elle venait, la petite coréenne qu'ils essayaient d'adopter ? Du bord de la route comme les portées de chatons qu'on pouvait parfois y trouver ? "D'accord, donc tu ne savais pas que j'hésitais... Et j'imagine que ta daronne n'a pas pris le temps de te donner notre nom de famille non plus ? Elle te déteste pour une raison particulière ou elle essaye juste de se débarrasser de toi subtilement ?" Pour la délicatesse, on repasserait, mais j'avais déjà du mal à me contenir alors me demander d'avoir des propos modérés, c'était trop. Surtout que si lui ne savait rien, j'avais beaucoup plus de doutes sur sa mère. Si elle était assez renseignée pour savoir que ma mère draguait son mari, j'imaginais bien qu'elle connaissait au minimum son nom de famille... Qui était le même que celui de Nicole, puisque aucun de nous n'avait de père.
« Hey, hey, le souci c’est le comportement de ta mère va pas tout mélanger. » Annonça-t-il par ailleurs, en réponse à ma suggestion que les hommes mariés devraient être capables de dire non sans que leur femme ait à envoyer leur progéniture pour le faire à leur place. « Mon père ne sait pas envoyer balader les gens, c’est un défaut qu'il a mais ça n’en fait pas un homme intéressé pour autant. Tu penses pas que la vraie question ici c’est pourquoi ta mère.. ou cette femme, si tu préfères, a le besoin irrépressible de draguer tous les hommes casés des alentours ? Y'a pas assez de célibataires dans cette ville ? » Je soupirais de plus belle. Je voyais qu’il essayait de ne pas en mettre, mais chacune de ses phrases me paraissait pleine de jugements. Pas que ma mère ne mérite pas qu’on juge sa vie, mais le problème était toujours le même, venant de la famille qui tentait de s’approprier l’un de ses enfants, je trouvais ça drôlement malvenu. “Helen ne drague pratiquement que des hommes déjà pris. Les célibataires ne sont pas suffisamment intéressants, ils ne représentent aucun challenge.” Annonçais-je, d’une voix blanche, comme une récitation apprise par cœur. Le pire étant que c’était la stricte vérité. Et la suite promettait d’être difficile à entendre pour Eddie qui semblait croire que la situation pouvait se régler en un claquement de doigts. "Ce sont ses mots, hein, pas les miens..." Encore un soupir et je passais ma main droite dans mes cheveux, mal à l'aise. Me justifier auprès d'Eddie Yang était presque aussi désagréable que de le faire devant Helen, c'était dire. "Je ne cautionne pas son attitude, je me contente de l’expliquer. Mais quoiqu’il en soit, la seule façon de se débarrasser de ma génitrice, c’est que ton père récupère ses couilles et qu’il l’envoie balader. Rien d’autre ne l’arrêtera , ta mère peut bien envoyer toute ta famille lui faire la morale, ça ne changera rien. Même si elle venait elle-même lui crêper le chignon, ça ne ferait qu'attiser l'envie de réussir d'Helen. C’est pas faute d’avoir essayé de l'arrêter, mon frère, ma sœur et moi, on a jamais été spécialement ravis de devoir gérer les conséquences des adultères.” Bon, cela faisait bien longtemps que j’étais le seul à m’occuper de tous les problèmes qu’elle attirait, mais ça n’avait rien à faire dans cette conversation.
Je lui proposais la solution du déménagement, ironiquement. Il était évident qu'il ne l'accepterait pas, mais c'était toujours ça de pris, comme ça Eddie comprendrait peut-être mieux à quel point lui-même n'était pas partisan des Yang. « J'ai bien entendu ? » Haussement d'épaules. Je l'entendais brailler qu'ils habitaient là depuis longtemps, malheureusement, mon attention fut attirée par un bruit à l'intérieur de la maison. Un grincement. Quelqu'un marchait au premier étage, signe que la maîtresse de maison allait probablement bientôt descendre les escaliers. Mauvaise nouvelle. Je tournais de nouveau la tête vers mon interlocuteur pour lui répondre. "Et ça fait bientôt dix-sept ans qu'on vit là et ma mère devrait changer ses habitudes, certes dérangeantes, pour faire plaisir à ta famille alors que tu viens te plaindre sans même connaître notre nom ? Est-ce que tu as même une idée de ce a quoi ressemble Helen ?" J'évitais volontairement sa question sur mon problème avec sa famille, je n'étais pas certain de pouvoir m'exprimer clairement sans m'énerver et c'était la dernière chose que je voulais. Si j'avais pu, je serais même parti en courant pour éviter cette situation. Malheureusement, un coréen fâché se trouvait entre moi et mon vélo que je ne voulais pas abandonner. Je préférais donc dévier le sujet sur le pourquoi il était là, lui et pas l'un de ses parents.
Il expliqua donc que sa mère avait profité de sa venue pour lui refiler le sale boulot, prétextant qu'il resterait plus calme qu'elle face à Helen. Helen qui, rappelons-le, n'aurait même pas daigné ouvrir la porte si je n'avais pas été là. Cette femme avait une capacité à ignorer les sentiments des autres hors du commun. Pour elle, personne d'autre ne comptait qu'elle-même et elle se moquait complètement de si son bien être pouvait blesser ou gêner les autres. Elle n'avait jamais fait le moindre effort pour ses propres enfants, alors pour des inconnus... « C'est quoi ton prénom ? Et pourquoi t'as l'air si bien renseigné sur nous ? » Je le regardais interloqué pendant quelques secondes. Il était en train d'insinuer que j'avais fait des recherches sur sa famille ou je me faisais des films ? Je connaissais pratiquement tout le monde dans le quartier parce que j'aimais observer les gens et leur parler... Alors, pourquoi j'avais l'impression dans sa bouche, cette habitude devenait quelque chose de négatif ? "Renseigné ? Parce que je sais que tu as des parents et que tu ne vis plus ici ? Je ne fais pas partie du FBI, calme -toi, juste, je ne m'intéresse pas qu'à mon nombril, tu devrais peut-être essayer. Tu l'as dit toi-même, ta famille habite dans ma rue depuis des années. Je trouve bien plus inquiétant que tu ne saches même pas comment je m'ap..." Mais la fin de ma phrase fut coupée par la voix de la propriétaire de la maison, bien plus proche que je ne l'aurais cru.
"Qu'est-ce que tu fais encore là, toi ? T'étais déjà pas désiré il y a trente ans, c'est pas la peine de t'accrocher maintenant." Je levais les yeux au ciel en me retournant pour découvrir ma mère, en robe de chambre et qui me regardait avec son air de dégoût habituel. Elle n'avait même pas jeté un regard à Eddie, elle attendait simplement que je bouge de l'encadrement de la porte pour la refermer, comme si elle se fichait totalement de la situation. Ce qui était probablement le cas, à bien y réfléchir. Je laissais échapper un énième soupir en m'écartant. "Je sers de bureau des pleurs aux voisins mécontents, ENCORE. C'est les Yang, cette fois. Tu veux venir régler le problème ?" Je faisais un signe de main en direction du plaignant pour l'inciter à porter son attention sur lui. Elle l'observa de haut en bas moins d'une seconde avant de planter ses yeux froids dans les miens. "T'as qu'à lui dire que lui et sa famille de coincés, ils peuvent bien aller se faire foutre." Il est devant toi Helen, fais un effort quand même. Seulement, je n'eus pas le temps de formuler mes pensées à voix haute puisque, sans me laisser le temps de réagir, elle claqua la porte si fort derrière elle que j'en sursautais. Je restais interdit devant celle-ci alors qu'on entendait le bruit de la clef refermant la serrure. Et puisque le spectacle était terminé, je me tournais de nouveau vers mon ancien voisin. "Bon bah, tu as eu la chance d'apercevoir Helen. Charmante femme qui ne prendra pas la peine de te parler, parce qu'elle n'a ni morale, ni empathie, qu'elle le sait et qu'elle s'en moque. Bienvenue chez les O'Connor !" Je penchais légèrement la tête sur le côté en levant les sourcils. "Allez, maintenant que tu as le nom, fais un effort Yang, je suis certain que tu vas être capable de faire le lien entre nos deux familles !"
Plowing through the storm, yeah, I know A continuous brutal suffocating feeling Even if I try to escape, now I know This is a competition I can't avoid
Eddie ne comprend soudainement plus rien à ce qu’il se passe, pourquoi sa mère ne lui a pas dit que la fameuse voisine avait un fils ? Peut-être qu’elle-même l’ignore même s’il la croit en réalité bien capable de lui cacher ce genre d’information en se disant qu’il aurait eu encore moins envie de lui rendre service s’il avait su qu’à tout moment un homme pouvait lui tomber dessus et venir compliquer cette situation déjà pas simple. Le danseur se sent un peu piégé mais il ne se démonte pas face au bonhomme qui a donc bel et bien un lien de parenté avec l’occupante des lieux, chez qui il semble d’ailleurs vivre. Et justement le fait qu’il soit si peu informé sur qui vit ici a l’air d’irriter quelque peu son interlocuteur, Eddie ne comprend alors pas en quoi c’est important qu’il connaisse leur nom de famille. « Elle me l’a pas précisé non, je connais juste le prénom d’Helen et de toi à moi je crois que c’est suffisant. » C’est en tout cas ce qu’il en dit maintenant puisqu’il ne voit pas en quoi l’apport d’un nom de famille pourrait changer quelque chose à toute cette histoire. Il n’a pas eu la curiosité de lire le nom sur la boite aux lettres non plus, c’est bien que ça ne l’intéresse pas plus que ça. « Mes parents préfèrent de toute façon l’appeler "la chieuse de l’autre côté de la rue" ou "la sorcière". » qu’il balance dans un bref haussement d’épaules. Ce n’est pas forcément à leur gloire mais il suppose que cette Helen les gratifie aussi de surnoms tout à fait charmants, la mésentente entre les deux familles ayant fait perdre à tout le monde les notions de respect et de politesse depuis longtemps. Même Sun-Hi qui est pourtant à cheval sur les apparences et dotée d'un assez bon self-control ne se retient plus pour insulter sa voisine dans l’intimité, cette dernière ayant beaucoup trop usé de sa patience pour qu’elle puisse encore aborder cette situation avec calme. Eddie se referme un peu alors que l’homme face à lui l’interroge sur ses rapports avec celle qui l’envoie à eux aujourd’hui. « Je ne crois pas qu’elle me déteste, elle a juste toujours été plus dure avec moi. » Si sa mère le détestait il ne pense pas qu’elle se serait mise dans tous ses états en apprenant pour son opération, il l’a sentie vraiment inquiète ce jour-là et elle s’intéresse encore trop à sa vie et aux choix qu’il peut faire pour lui vouer la moindre haine, c’est ce qu’il se dit. « J’ai une petite sœur et là où mes parents sont nés la culture de l’aînesse est très forte, le premier né des enfants est celui sur qui reposent les plus grandes attentes. Moi j’ai brisé ça, encore récemment je les ai déçus alors si je suis devant toi là c’est un peu pour me racheter. » Eddie n’a pas à confier tout ça à un illustre inconnu mais quelque part il ne veut pas laisser cet homme s’imaginer des choses qui ne sont pas vraies, et se faire sa propre interprétation de sa relation avec sa mère. Il n’est pas fier d’être venu régler les problèmes de celle-ci pour faire oublier ses mensonges et ses cachotteries mais il peut au moins faire ça, même s’il se sent clairement utilisé et aurait préféré que l’une de ses rares visites lui permette de profiter vraiment des siens au lieu de lui valoir deux nouveaux ennemis dont il n’avait pas du tout besoin.
Cette Helen jette principalement son dévolu sur les hommes mariés d’après son fils, puisque les autres sont apparemment trop accessibles et que la facilité ne l’intéresse pas vraiment. C'est pour le challenge qu'elle le ferait, histoire de se poser un minimum de difficultés au lieu de se contenter de ce sur quoi elle a une atteinte bien plus aisée. Eddie aime les gens ambitieux en temps normal mais il ne risque pas de saluer ici le fait de préférer draguer des hommes déjà pris avec le risque de briser un couple ou carrément une famille, il ne voit même rien de gratifiant là-dedans lui et il n’a personnellement jamais eu l’idée ni l’envie de courtiser une femme d’ors et déjà en couple. Des challenges il y en a tant d’autres à se fixer dans la vie, cette voisine doit avoir un sacré besoin de se rassurer quant au fait de pouvoir plaire. Eddie aurait émis un jugement là-dessus même si son père n’avait pas fait partie des proies de la fameuse Helen car sur le principe il n’y adhère vraiment pas à cette volonté de convoiter uniquement ceux qui ne sont plus sur le marché. « Et est-ce qu’au moins elle obtient souvent ce qu’elle veut ? » Les hommes sont-ils aussi faibles qu’on le dit quand une femme leur montre de l’intérêt, ou existe-t-il encore dans ce monde des spécimens fidèles ? Son père ne s’est pas laissé vulgairement alpaguer mais certains ont bien dû céder aux avances de cette Helen, si ça ne fonctionnait jamais il suppose qu’elle reverrait quand même ses exigences à la baisse et laisserait une chance aux autres. Eddie serre un peu les dents en entendant que c’est à son père d’envoyer proprement balader la tentatrice du quartier, à croire que le fait de ne pas lui avoir donné ce qu’elle voulait n’était pas suffisant pour lui faire passer le message. « Mon père n’est pas comme ça, je ne l’ai jamais vu tenir tête à quelqu’un. Tu peux penser qu’il manque de courage je le pense aussi, mais c’est tout simplement pas dans son caractère d’envoyer bouler qui que ce soit. » Et ça le fatigue, Eddie, de le voir toujours s’écraser face aux autres. Kang-Dae c’est la discrétion et la retenue incarnées, il a clairement hérité son fort tempérament de sa mère qui est à l’inverse une femme de caractère aux opinions bien tranchées. « C’est quand même dingue que ta mè- hum, génitrice ne puisse pas renoncer sans ça mais j'imagine qu'elle a senti en s’intéressant à lui qu’il n’était pas du genre à s’opposer vivement aux autres. Son truc à lui c’est l’esquive, je suis le premier à souhaiter qu’il s’affirme plus mais ce n’est pas à cinquante ans passés qu’on risque de le changer. » Alors c’est quoi, du coup, la solution ? Il n’en sait rien, si Helen a vraiment besoin d’être rejetée par sa proie pour passer à une autre alors ils vont effectivement avoir un problème. Eddie n’a plus qu’à coacher son père dans l’espoir qu’il soit capable au moins une fois de dire clairement non mais ce ne sera pas une mince affaire.
Ce qu’il ne peut vraiment pas entendre, par contre, c’est que ses parents n’ont qu’à aller vivre ailleurs s’ils ne sont pas contents. Une telle façon de voir les choses ne peut que lui déplaire parce que c’est bien la première fois en quinze ans de vie ici qu’on leur fait sentir qu’ils sont de trop. Eddie le prend à cœur alors qu’il n’habite même plus le quartier car c’est aussi à lui qu’on touche quand on touche à sa famille, une famille très bien intégrée à Toowong qui n’aurait vraiment aucune raison d’en partir malgré ces différends entre voisins instaurant une sale ambiance. « Okay, faut que tu comprennes qu’on est une famille sans histoire à la base, nous. On est plutôt appréciés ici, si Helen n’était pas aussi épuisante tu n’aurais sûrement jamais entendu parler ni de moi, ni de ma mère. J’en ai rien à foutre que vous soyez là depuis plus longtemps encore, sur ces dix-sept ans combien d’années cette chieuse a passé à pourrir la vie du quartier, hein ? Bien sûr qu’elle devrait changer ses habitudes, qui est l’élément perturbateur là elle ou bien nous ? » Il est même gentil de ne pas l’inclure lui avec cette Helen parce qu’il fait encore la différence entre la mère et le fils mais qu’il ne s’avise pas de trop cracher sur sa famille non plus, alors qu’ils sont hautement plus respectables et défendables à côté d’une Helen sans cesse dans la provocation et dont tout le monde dans ce quartier aurait certainement à se plaindre si un sondage était effectué chez les uns et les autres. « Et je me fiche de connaitre votre nom ou de savoir à quoi Helen peut ressembler, tout ce que je constate c’est qu’elle prend un malin plaisir à enquiquiner son monde. On n’aurait pas le droit de se plaindre en plus ? Mon vieux t’as pas fini de m’entendre si elle se calme pas, j’avais pas prévu de m’en mêler plus que ça mais là c’est fini, je suis trop impliqué. » Ce sont les histoires de ses parents à l’origine, des histoires dans lesquelles il s’est retrouvé malgré lui et il n’était pas censé effectuer plus qu’un petit rappel à l’ordre chez la fauteuse de troubles. Sauf que ça va à son sens beaucoup trop loin, on peut compter sur lui pour défendre la place des Yang dans ce quartier ainsi que leur image et puis.. dans le fond, deux personnes de plus qui ne peuvent pas l’encadrer dans cette ville est-ce que ça change vraiment quelque chose à sa vie ? Il en a vu d’autres Eddie alors on ne peut pas dire que ça le tracasse beaucoup.
Ce mec lui semble quand même un poil trop renseigné sur eux, à moins qu’il ne soit surtout perturbé par le fait qu’il en sache plus sur lui et sa famille qu’Eddie sur sa mère et lui. Cette remarque lui vaut une réplique assaisonnée quant au fait qu’il se regarderait un peu trop le nombril, il ne serait pas normal qu’il sache si peu de choses sur ses anciens voisins alors que les Yang vivent ici depuis un paquet d’années. « Je ne connais pas les noms de tous nos voisins non, seulement de ceux dont mes parents sont proches. Et puis même avant d’aller vivre ailleurs je n’étais déjà plus trop concerné par la vie du quartier, j’ai vécu à Sydney le temps de mes études alors ces dernières années je passais surtout en coup de vent par ici. » C’est fou ce qu’il a besoin de se justifier aujourd’hui, sa vie ne doit pourtant pas grandement intéresser son interlocuteur, celui-ci étant davantage occupé à se faire sermonner par la fameuse Helen d’après ce qu’il comprend. Une voix s’élève pour laisser entendre des mots d’une violence inouïe à l’égard d’un fils, au point qu’Eddie se sent immédiatement mal pour ce gars face à lui qui l’a pourtant bien agacé jusque là. Helen se montre enfin même si son attention ne se dirige à aucun moment vers le danseur qui semble presque invisible, le brun entre eux se donne quand même la peine de lui expliquer la situation mais la sorcière se montre à la hauteur de sa réputation en les invitant ni plus ni moins à aller se faire foutre, lui et sa famille. Eddie ne sait même pas comment il parvient à rester si calme alors qu'il ne l'était pas il y a quelques instants face à son fils. « Sympathique. J’entends tout vous savez, vous m'avez aussi très bien vu alors vous pouvez vous adresser directement à moi. » En guise de réponse la bruyante Helen claque la porte derrière elle, laissant son fils et le danseur quelque peu désabusés. C’est une rencontre qu’Eddie n’oubliera pas de sitôt, au moins sa mère n’avait pas exagéré en la présentant comme une femme détestable avec bien peu de considération pour les autres. « Elle est infecte, à ta place je me serais barré d’ici depuis longtemps. Tu la laisses vraiment te parler de cette façon tous les jours ? » Il peine à le croire, c’est à la fois triste et affligeant. Helen n’a donc même pas un peu d’empathie pour son fils, en comparaison Eddie a l’air de s’entendre à merveille avec sa mère car jamais ô grand jamais Sun-Hi ne pourrait laisser entendre qu’il n’était pas un enfant désiré. « O'Connor t’as dit ? » il répète le nom qu’il vient d’entendre tout en cherchant à établir un lien dans sa tête, lien qui se fait assez vite car des O'Connor en vérité il n’en connait pas quinze mille. « Tu.. t’es de la famille de Nini ? » Il pose la première question qui lui vient même s’il ne perçoit pas la moindre ressemblance entre ce type, dont il ignore toujours le nom, et Nicole. C'est tout de suite à elle qu'il pense et d'un coup c'est comme si l'animosité de ce gars trouvait un peu de sens, et que les pièces manquantes du puzzle s'imbriquaient devant lui.
Fuck you (Fuck you), fuck you very, very much. 'Cause we. hate what you do. And we hate your whole crew. So, please don't stay in touch. @Eddie Yang & Maxwell
Je poussais un nouveau soupir, un peu plus exaspéré lorsque Eddie avoua ne pas connaître notre nom de famille, ajoutant que le prénom d'Helen était suffisant. J'imaginais que c'était de la même façon que sa famille tentait de s'approprier la petite coréenne perdue du quartier : sans pression et sans se demander qui était sa famille d'origine. Je ne répondais pas, mon air irrité parlait pour moi. Je n'avais pas envie d'être là, je ne l'aimais pas, ni lui, ni sa famille et en plus, j'étais obligé de me contenir, de peur d'aggraver la situation avec Nicole. « Mes parents préfèrent de toute façon l'appeler "la chieuse de l'autre côté de la rue" ou "la sorcière". » Ajouta-t-il même en haussant les épaules. Je levais les sourcils dans une expression surprise. Je m'attendais à tout sauf à des injures venant de lui puisque lorsque Nini parlait de cette famille, elle insistait toujours sur le fait qu'ils étaient extrêmement respectueux, en comparaison à notre chère mère qui ne l'était pas du tout. "T'es conscient qu'en insultant comme ça la mère de quelqu'un en face de la personne, tu as genre, quatre-vingt-quinze pourcent de chance de te prendre un coup de poing dans la gueule ?" Demandais-je, donc. Bien évidemment, ce n'était pas du tout mon intention, mais il ne savait pas qui j'étais, donc il n'en savait rien, pas vrai ? "T'es bien tombé, je fais partie des cinq pourcent restants, ça fait longtemps que j'ai arrêté de défendre l'indéfendable." Et puis, pour que j'en arrive à me battre, il fallait vraiment que la situation soit grave, j'avais toujours détesté la violence.
J'observais la mine d'Eddie changer légèrement lorsque je lui demandais si sa mère le détestait. À la base, il ne s'agissait que d'ironie face à cette situation, mais peut-être avais-je touché un point sensible sans le vouloir réellement. « Je ne crois pas qu'elle me déteste, elle a juste toujours été plus dure avec moi. » Annonça-t-il même. Étrangement, cette confidence que je n'aurais jamais pensée recevoir de celui que je considérais comme un ennemi me fit prendre conscience que cette famille n'était pas aussi parfaite que ce qu'elle paraissait. Elle n'était sûrement pas aussi tordue que la nôtre, Helen seule parvenant à cocher toutes les cases de ce qui aurait pu nous rendre inabordables pour la plupart des gens, mais pour autant, ils avaient tout de même des problèmes. Problèmes que je n'aurais jamais pensé entendre d'ailleurs et encore moins du principal intéressé. « J'ai une petite sœur et là où mes parents sont nés la culture de l'aînesse est très forte, le premier né des enfants est celui sur qui repose les plus grandes attentes. Moi j'ai brisé ça, encore récemment je les ai déçus alors si je suis devant toi là c'est un peu pour me racheter. » J'en venais à me demander combien de choses je pouvais avoir à racheter dans la tête de ma propre mère, ma vie n'ayant été qu'une suite de déception de ma naissance à aujourd'hui, selon elle. Si j'avais voulu compenser toutes les choses qu'elle me reprochait, je n'aurais probablement pas eu assez d'une vie.
Eddie demanda par la suite si Helen obtenait souvent ce qu'elle voulait des hommes mariés. Et comme cela faisait bien longtemps que j'avais arrêté d'essayer de protéger sa réputation, je ne mis pas longtemps à prendre la décision de dire la vérité. Quelle réputation y aurait-il eu à protéger quand même la famille Yang disait d'elle ce qu'il avait répété un peu plus tôt. "J'aurais aimé pouvoir dire que non, mais... Si on est venu vivre à Brisbane, c'est parce que j'ai été harcelé par des gamins dont les pères infidèles s'étaient tapés ma mère. La solution d'Helen a été de trouver une ville plus grande, pas d'arrêter de faire n'importe quoi. Donc oui, elle arrive à obtenir ce qu'elle veut." Souvent même. Ce n'était pas pour rien qu'aucun de ses trois enfants n'avait envie de se marier et que nous avions tous eu des relations amoureuses compliquées. Quand on a vu toute sa vie à quel point la fidélité est quelque chose de fragile, on a du mal à accorder sa confiance à quelqu'un. Logique. De son côté, le coréen entama un speech sur le fait que son père était incapable de dire de tenir tête à quelqu'un et d'envoyer bouler Helen. Je haussais les épaules sans trop savoir quoi ajouter à part un "bonne chance" qui n'aurait été que provocation. Je connaissais ma mère, impossible de l'arrêter quand elle avait une cible, pire qu'un requin. Et chaque personne qui tenterait de la dissuader représenterait une raison supplémentaire d'essayer. Alors, si le père d'Eddie n'était pas capable de la repousser lui-même et en étant suffisamment cinglant, ça allait être compliqué. "Je ne sais pas quoi te répondre, je ne fais qu'exposer les faits." S'il y avait eu une solution pour qu'elle arrête de draguer tout le monde sans arrêt, je l'aurais déjà utilisé plus d'une fois, seulement, en trente ans, je n'en avais trouvé aucune. Et pourtant, j'en avais vu plusieurs, des femmes énervées venant se plaindre de son comportement envers leurs maris, ça n'avait jamais calmé les ardeurs de ma mère, bien au contraire.
Je serrais les poings en l'entendant appuyer sur le "nous", alors qu'il racontait que sa famille était sans histoire. D'après lui, sa famille était appréciée, tout était de la faute d'Helen qui pourrissait la vie du quartier. Et même s'il avait fait l'effort de me séparer d'Helen sur la seconde partie de son discours, le "nous" avait vraiment du mal à passer. "Euh, premièrement, qu'on s'entende bien, notre famille aussi est sans histoire. Ce n'est pas parce que Helen est difficile à supporter, que tu es obligé de mettre tous les membres de cette famille dans le même sac, surtout quand..." Ta famille si parfaite essaye de s'accaparer un membre de la mienne. Mon ton était monté sans que je ne m'en rende compte et j'avais stoppé ma phrase juste avant d'en dire trop. C'était si tentant, mais en même temps, j'étais déjà en froid avec Nicole, je n'avais aucune envie d'aggraver les choses. Je soupirais avant d'abandonner cette idée. "Laisse tomber." Et puis, quoi que j'en dise, s'il pensait que toute la famille était un problème, ce n'était pas ma voix qui allait peser dans la balance, pas vrai ? Moi dont le nom n'avait aucune importance, selon ses propres dires. "Et tu vas faire quoi de plus exactement si elle ne se calme pas ? Impliqué ou pas, ça changera que dalle, mon vieux." Sa phrase précédente ressemblait un peu trop à une menace à mon goût et s'il y avait bien une chose que j'avais apprise à détester avec le temps, c'était d'être menacé pour le comportement de ma mère. Il ne pouvait rien y faire et moi non plus. Même madame Hurley, la gentille voisine d'à côté, avait essayé durant des années, jusqu'à appeler la police... Et rien n'avait jamais changé.
Il ne connaît pas tous ses voisins, je voulais bien l'entendre, mais il aurait dû être un minimum renseigné sur la famille de Nicole, s'il s'était réellement intéressé à elle. Elle n'aurait quand même pas osé aller jusqu'à faire exprès de ne pas parler d'eux, pas vrai ? D'après Eddie, cela faisait bien longtemps qu'il n'était plus intéressé par la vie du quartier, puisqu'il avait vécu à Sydney durant ses études... Il était pourtant assez impliqué pour venir frapper à leur porte et prendre des airs menaçants. Mais même si j'avais voulu lui répondre, l'arrivée d'Helen et de son égo surdimensionné m'en aurait empêché. Toujours égale à elle-même, elle ne prit même pas la peine de s'adresser directement au voisin concerné lorsque je lui expliquais pourquoi j'étais toujours là. Et la remarque d'Eddie n'y changea rien puisqu'elle claqua la porte sans daigner y répondre. C'est donc à la fois gêné et dépité que je me retournais vers le voisin qui, après avoir donné son opinion sur ma mère, me demanda si je la laissais me parler de cette façon tous les jours, non sans avoir signalé au passage qu'à ma place, il se serait barré depuis longtemps. "Pourquoi t'es assistante sociale ?" Demandais-je, sur la défensive, avant de soupirer. À quoi bon mettre de l'huile sur le feu ? Il s'était bien justifié un peu plus tôt, je pouvais faire un effort, moi aussi. "Elle a toujours été une mère horrible, on s'habitue avec le temps. Ça m'affectait quand j'étais gosse, ça fait longtemps que je n'entends même plus les insultes." Ou que j'essayais de m'en convaincre. "Et tout n'est pas toujours aussi simple que ce que montre les apparences. Helen est tombée gravement malade l'année de mes dix-sept ans, elle a besoin d'une transplantation. J'étais le seul encore à la maison, mes aînés ne veulent même plus la croiser. Moi, je suis incapable de faire ça... Et est-ce que je vaudrais vraiment mieux qu'elle si je la laisse mourir seule ?" Je haussais de nouveau les épaules. C'était une question que je me posais souvent, tout autant que "vaut-elle vraiment la peine que je gâche ma vie pour elle ?" Mais si je n'arrivais pas à trouver une réponse, Eddie ne l'aurait sûrement pas non plus. "J'aurais bien aimé que dans ma famille, tout repose sur l'aîné, comme dans la tienne. Mais chez nous, il ne reste plus que moi pour gérer tous les problèmes. Je suis l'unique lien entre Helen et ses autres enfants et c'est presque aussi épuisant que d'être le porte-parole des voisins."
Je laissais enfin notre nom de famille fuiter, toute cette histoire avait assez duré, j'étais las de devoir faire attention à ne blesser personne quand me blesser n'était jamais un problème. Nicole m'en voudrait peut-être. Tant pis, je lui en voulais moi aussi de ne jamais être là pour gérer celle qui était sa mère aussi. Quoiqu'elle puisse en penser. Je hochais la tête alors que le lien semblait se faire dans sa tête. Nini, il utilisait même son surnom quand il demandait si j'étais de sa famille, prouvant une nouvelle fois qu'ils étaient proches. Trop proches à mon goût. "Je suis son frère, Max." Je laissais l'information flotter quelques secondes. La ressemblance n'étant pas frappante, il fallait souvent un petit temps aux gens pour prendre la mesure de l'information. "Le père de Nicole est coréen. Pas le mien." J'imaginais bien qu'il avait dû le comprendre tout seul, mais je le précisais quand même, pour être certain. Et maintenant que l'information était censée être assimilée, je pouvais à mon tour émettre un jugement, celui que je retenais depuis le début de cette conversation. "Ce qui fait d'Helen sa mère. Et peu importe à quel point tu penses que ta mère vaut mieux que la nôtre, je trouve ça extrêmement petit de sa part d'envoyer quelqu'un pour engueuler la femme dont elle essaye de voler la môme."
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Les petits surnoms dont Helen se trouve affublée chez les Yang n’ont pas l’air de plaire à son fils, alors qu’Eddie ne fait que traduire du coréen ce qu’il a l’habitude d’entendre quand une discussion sur la fameuse voisine s’engage. C’est vrai que ses parents ne mâchent plus vraiment leurs mots, cette situation n'étant de toute façon à la gloire de personne. Il ne dirait pas qu’il a insulté Helen mais plutôt qu’il a mis des mots très précis sur le genre de voisine qu’elle est, et il suppose que l’intéressée n’a pas non plus des paroles très tendres à l’égard de ses parents quand elle parle d’eux. Ce serait même normal, ils se détestent mutuellement après tout. « Okay mais.. est-ce qu’ils ont menti ? » C’est ainsi que tout le quartier doit la voir, si les termes sont effectivement un peu forts ils doivent être à peine exagérés. Encore une fois il ne viennent pas de lui alors il ne sait pas trop pourquoi il devrait recevoir un poing dans la figure, et en même temps la mise en garde de son interlocuteur ne lui fait pas grand-chose car ce coup-là on lui a déjà fait un paquet de fois à Eddie. « Si on m’avait payé chaque fois qu’un mec a prétendu vouloir me casser la gueule j’aurais une petite fortune là. » il l’informe calmement dans un haussement d’épaules, sans une once d’arrogance car c’est un simple constat. Et bon, il abuse peut-être un peu car il n’y a pas eu tant de mecs que ça qui ont voulu le cogner un jour. Il pourrait les compter sur les doigts d’une main en réalité, ce qui n’est quand même pas négligeable. Les menaces en l’air il connait bien, non pas qu’il veuille s’en plaindre mais il a du coup évolué avec l’idée que ce monde était rempli de dégonflés qui parlent beaucoup mais agissent bien peu derrière. Et il y échappera encore aujourd’hui puisque le brun face à lui n’a manifestement pas l’intention d’utiliser ses poings non plus. « T’aurais pas risqué grand-chose à me frapper, j’aurais pas riposté. » il reprend sur le même ton car c’est un non-violent Eddie, il ne faut pas compter sur lui pour rendre des coups à moins qu’il ne soit un jour forcé d’agir par instinct de survie. Là oui, peut-être qu’il enverra valser ses principes.
D’une certaine façon Eddie a le sentiment que ce gars face à lui peut le comprendre, et qu’il peut aussi le comprendre en retour. La relation qu’ils entretiennent avec leur mère n’est pas simple, Helen et Sun-Hi ont peut-être bien en commun d’avoir été trop dures avec leur garçon même si à ce moment-là Eddie ne réalise pas encore le genre de « mère » qu’Helen est, et la chance qu’il a en réalité d’être né Yang. La sienne de mère a toujours trouvé à redire sur ses choix et ses projets mais elle a honoré son rôle chaque fois qu’il le fallait, pas un jour Eddie n’a pu douter de l’amour qu’elle lui portait et c’est une chose qui ne parlerait peut-être pas au brun face à lui. Parce qu’il aurait été la cible de harcèlement quand il était enfant à cause d'Helen et de sa préférence pour les hommes mariés et pères de famille, et celle-ci aurait préféré déménager plutôt que revoir son attitude alors que son fils en subissait pourtant les conséquences directes. « Je vois. C’est vrai que le bien-être d’un gosse c’est pas si important. » Tant qu’elle pouvait continuer de collectionner les hommes déjà pris, en quoi le fait que son fils ait été le souffre-douleur d'autres enfants aurait dû être son problème ? Bien sûr qu’Eddie est révolté en entendant ça, il trouve que c’est aberrant et il le plaint ce gars, car on peut dire que sa mère ne lui a jamais facilité la vie. « Rien n'a changé en fait, c'est encore sur toi que ça retombe aujourd'hui et Helen ça doit bien l’arranger que tu gères le bureau des plaintes à sa place. » C’est qu’il prendrait presque cette histoire à cœur, pourquoi il n’en sait rien, ça doit juste l’agacer que cette bonne femme soit aussi lâche et laisse les autres assumer ses bassesses. Mais sur ce coup-là sa mère n’est pas tellement mieux quand elle l’envoie au front au lieu de régler ses conflits de voisinage elle-même, dans le genre « je me décharge sur le fiston » il n’y en a vraiment pas une pour rattraper l’autre.
Il ose comparer leurs deux familles et leur image dans le quartier, les Yang pouvant au moins se vanter d’une réputation irréprochable en tant que petit clan discret dont on n’entend jamais parler ou en tout cas, jamais en mal. Kang-Dae le père acharné du travail dont on connait à peine le son de la voix, Sun-Hi la matriarche autoritaire mais toujours disponible pour son prochain, Callie Eunbi la fille prodige de retour au bercail après de prestigieuses études à Séoul et Eddie Mingi le fils ambitieux et indépendant parti trois ans plus tôt, un schéma de famille tout à fait classique comme il en existe des tas ailleurs. On les connait comme la petite famille coréenne du coin et ça s’arrête là, ils n’ont pas d’élément problématique que tout le quartier a en horreur comme cette Helen que plus personne ne tolère aujourd’hui. Mais son fils insiste justement sur le fait que le reste de sa famille n’a rien à voir avec les agissements de celle-ci et qu’il n’a pas à les mettre dans le même sac, ce qu’Eddie vient effectivement de faire avec un raccourci un peu facile, il l’admet. « Quand quoi ? » Il a comme l’impression qu’il ne finira pas sa phrase et il en a la confirmation juste après. Ça le frustre un peu de ne pas savoir ce qu’il s’apprêtait à dire dans ce concours de répartie mais il ne compte pas lui tirer les vers du nez, s’il n’a pas été au bout de sa pensée ce doit être pour une raison et Eddie survivra au fait de ne pas savoir laquelle. « Bon, je vois que t’es froissé. Helen est l’unique point noir de votre famille et toi t’y es pour rien dans ce qu’on lui reproche, je te l’accorde. Enfin toi et les autres.. je sais pas qui vit ici avec vous. » Ça ne l’étonnerait pas qu’ils vivent à deux dans cette maison puisque sa mère n’a jamais mentionné qu’Helen était très entourée, il ne sent en tout cas aucune autre présence masculine ce qui l’amène bien vite à présumer qu’il n’y a pas de père ici.
Eddie finit par s’impliquer un peu trop dans cette histoire, tout ce qu’on lui demandait au départ c’était de venir toquer à cette porte pour rappeler à cette voisine les notions de respect qu’elle semble avoir oubliées depuis de trop nombreuses années, et le voilà qui revendique finalement le droit de se plaindre et son intention de se mêler de tout ça aussi longtemps que ce sera nécessaire. Ce n’est pas tellement une menace, plutôt la promesse qu’il ne sera jamais bien loin de ces conflits et donc de cette Helen à compter d’aujourd’hui car il réalise que ses parents n’ont sûrement pas exagéré la situation en lui en parlant, et il n’aime pas l’idée de laisser cette femme pourrir la vie de tout un quartier sans qu’elle ne doive jamais rendre de comptes à personne. C’est devenu trop banal par ici, Eddie n’est pas en train de dire qu’il sait comment mettre un terme à cet enfer mais il compte persévérer jusqu’à ce que la concernée accepte au moins un dialogue. Peut-être qu’il rêve éveillé et son fils semble bien de cet avis, mais il ne peut pas croire que les choses resteront à jamais comme elles sont. « T’as l’air de dire qu’elle ne changera jamais, elle a quand même pas toujours été comme ça ? » Même si c’est le cas il part quand même du principe qu’on peut changer une personne, on l’a bien fait avec lui alors qu’il était aussi l’élément perturbateur de son immeuble. Quelqu’un un jour a trouvé les bons mots pour lui provoquer une prise de conscience que plus personne n’attendait, et un nouvel Eddie est né pour le plus grand bonheur des habitants de Redcliffe. Helen n’a sûrement aucunement l’intention de changer mais il ne l’avait pas non plus, il a juste ouvert les yeux sur ce qu’il refusait de voir jusque là et eu un déclic insoupçonné. Alors est-ce que cette voisine est forcément une cause perdue il ne sait pas, il a limite envie de lui donner une chance mais pas par bonté de cœur, juste pour se prouver qu’elle n’est pas non plus pourrie jusqu’à l’os.
Difficile toutefois de lui accorder le bénéfice du doute quand elle se permet d’intervenir de cette façon en refusant de s’adresser directement à lui et en humiliant son fils en prime. Non, d’un coup Eddie n’est plus trop disposé à croire qu’on puisse sauver quoi que ce soit chez elle parce qu’il voit à quel point le problème est sérieux et ancré, il comprend que cette Helen prend même un malin plaisir à malmener son fils devant les autres et ça, ce n’est pas bon pour sa foi en l’humanité déjà fragile. Le brun est sur ses gardes après cette irruption, les remarques d’Eddie sont perçues comme des attaques alors qu’il cherche juste à savoir pourquoi il subit tout ça sans vraiment broncher. « Tranquille, c’était juste une question. » Il ne s’attend pas après ça à ce que ce gars se confie autant à lui, jusqu’à aborder les problèmes de santé d’Helen qui nécessiteraient une transplantation. Elle serait gravement malade et c’est vrai, les choses prennent une autre perspective à partir de là. « Elle a quoi, au juste ? » Eddie cherche seulement à comprendre comment elle en est arrivée là, si la maladie joue un rôle dans son comportement en la poussant par exemple à vouloir profiter de la vie tant qu’elle le peut, jusqu’à la mener à ces comportements déviants et peu moraux. L’idée n’est pas de lui chercher des excuses mais bien de cerner l’origine du problème, c’est notamment quand on sait pourquoi les gens agissent d’une certaine façon qu’on peut les amener à une réflexion sur eux-mêmes. Son fils ne peut pas se résoudre à la laisser mourir seule et ça s’entend, seulement il endosse tout dans cette histoire quand les autres ont visiblement déjà baissé les bras. « Tu te mets quand même une sacrée pression pour maintenir ce lien et tout gérer seul, c’est tout à ton honneur mais je me demande franchement à quoi tu t’accroches quand sa façon de te remercier est.. celle-là. » Il l’admire presque ce type d’être autant dévoué à une femme qui le traite aussi mal, et il se demande s’il aurait pu accepter ça de sa propre mère et rester aussi à ses côtés dans la même situation. Encaisser les insultes et les humiliations de la femme qui nous a donné la vie et ce pendant des années, tant de fils seraient partis pour bien moins que ça. « Je suis pas franchement bien placé pour donner des conseils sur une relation mère-fils mais toi, là, tu te sacrifies complètement dans cette histoire. » Il va peut-être bien passer pour un psychologue en carton mais comme à son habitude il a un avis sur les choses et cet avis il le donne, qu’il soit sollicité ou non. « C’est pas parce qu’il ne reste plus que toi que tu dois tout assumer, si encore elle était reconnaissante je dis pas.. mais avant de la traiter comme une mère ce serait peut-être déjà bien qu’elle te traite comme un fils, non ? » Il le dit lui-même que c’est épuisant d’être le dernier lien entre Helen et ses autres enfants, dans tout ça il ne faudrait pas qu’il en oublie de vivre sa vie et de penser aussi à lui.
Il y a ce nom jeté au beau milieu de cette conversation, un nom qui lui parle tout de suite même si le lien n’est pas évident à faire quand la seule O’Connor qu’il connait est une coréenne et que ce type, face à lui, n’est pas franchement typé asiatique. C’est un peu réducteur mais sur le moment c’est vrai qu’il ne voit pas bien le lien de parenté que ce gars pourrait avoir avec Nicole, qui ne lui ressemble pas du tout. Et pourtant si, ce Max affirme être son frère d’un autre père. « Ah. » est le premier son qui sort de sa bouche une fois l’information intégrée. « Tout s’explique. » Ses sous-entendus un peu plus tôt et le fait qu’il s’était dit pas très ravi de le voir avant même de savoir ce qui l’amenait, il y repense et se dit que ça doit venir de là. Max précise qu’Helen est donc aussi la mère de Nicole et ce lien-là il avait pu le faire tout seul par déduction, parce qu’il n’est pas non plus complètement idiot. « Oui, j’avais capté. » Tout comme il a compris qu’aux yeux du brun sa mère ne valait pas franchement mieux qu’Helen, alors qu’il l’accuse à présent de chercher à voler la fille de cette dernière. « Est-ce qu’au moins ma mère sait que Nicole est sa fille ? Moi on ne m’a rien dit et clairement Nini ne s’en vante pas, de sa famille. » Ce ne sera peut-être pas très plaisant à entendre mais il se doit de le préciser, Nicole ne s’étend jamais sur sa situation familiale, elle ne l’a en tout cas jamais fait en sa présence et sa mère ne lui disant pas tout non plus il ne risquait pas de connaitre l’existence de son frère ou de cerner son lien avec cette voisine. « Elle a trouvé une sorte de mère de substitution à travers la mienne je crois, et maintenant je comprends pourquoi. » Là encore il tente de peser ses mots mais ce n’est pas simple, et il ne prétend pas non plus savoir tout ce que Nicole ressent car c’est à sa mère qu’elle parle beaucoup, pas à lui. « Je vais pas te mentir, Nini a tellement la cote chez moi que parfois j’ai l’impression qu’elle va me prendre ma place et se faire adopter. Mais ça reste ta sœur, et je crois pas que ma mère se soit réellement mis en tête de vous la voler. » Comme si elle le pouvait de toute façon, on ne vole pas les enfants des autres comme ça et si Nicole est venue vers les Yang à l’origine ce n’est pas parce qu’elle cherchait une nouvelle famille. « Faut que tu comprennes que Nicole a envie d’en savoir plus sur ses origines, en tant que famille coréenne c’est en ça qu’on l’aide nous. » Il ne niera pas que sa mère en est devenue très proche mais elle l’a prise sous son aile, le partage de leur culture important beaucoup à Sun-Hi il fallait s’y attendre. Quoiqu’Eddie, lui, n’avait quand même pas trop vu venir l’importance que Nicole allait prendre, au point d’en être même jaloux parfois.
Fuck you (Fuck you), fuck you very, very much. 'Cause we. hate what you do. And we hate your whole crew. So, please don't stay in touch. @Eddie Yang & Maxwell
Alors que je signifiais à Eddie qu'insulter ma mère de la sorte, en rapportant les paroles de ses parents, aurait pu lui valoir des coups si j'avais été violent, sa réaction me laissa perplexe. « Okay mais.. est-ce qu'ils ont menti ? » Alors, certes, non, ils n'avaient pas menti, mais si je n'étais pas franchement pour les mensonges, toutes les vérités n'étaient peut-être pas bonnes à dire à tout le monde non plus. Après tout, Helen appelait régulièrement les voisins par des noms d'oiseaux et que ce soit vrai ou non, je n'allais pas leur répéter pour autant. Et en ce qui concerne les Yang, elle n'en parlait que rarement, mais elle les qualifiait de "ramasse miettes", par rapport au fait qu'ils essayent de s'octroyer Nicole. Cependant, j'aimais autant éviter de répéter ça, je trouvais que c'était encore plus insultant pour ma sœur que ça ne l'était pour eux. "Non, c'est une chieuse." Oui, moi, c'était ma mère, j'avais le droit de penser tout haut qu'elle était horrible, puisque j'avais le désavantage de la supporter chaque jour. "Mais c'est pas une raison pour venir me le répéter... Même si c'était la vérité, tu serais content qu'un sinistre inconnu vienne te dire que ta mère est une chieuse et une sorcière ?" Peut-être que je prenais les choses trop à cœur, après tout Helen n'en aurait rien eu à faire que quelqu'un vienne m'insulter devant elle. « Si on m'avait payé chaque fois qu'un mec a prétendu vouloir me casser la gueule j'aurais une petite fortune là. » Et pourquoi n'étais-je pas étonné par cette information ? Ce type était capable de venir donner des leçons de morale aux voisins de ses parents sans que ça ne le gêne le moins du monde, j'imaginais bien ce que ça devait être avec les gens qu'il connaissait. "Tu devrais peut-être te méfier, si tellement de gens veulent te casser la gueule, ça finira peut-être bien par arriver." Je haussais les épaules, ce n'était que mon avis. De mon côté, j'évitais le plus souvent les conflits et je finissais quand même sans arrêts avec des problèmes alors ça ne valait probablement pas grand-chose. "En tous cas tu y échapperas cette fois encore, je n'aime pas la violence." Et ma mère à elle seule représentait bien assez de violence dans mon monde. « T'aurais pas risqué grand-chose à me frapper, j'aurais pas riposté. » Je soupirais en levant les yeux au ciel. Sérieusement ? Il avait envie de se faire frapper pour de vrai à essayer de me convaincre ?
« Je vois. C'est vrai que le bien-être d'un gosse c'est pas si important. » J'accueillais cette remarque avec un haussement d'épaule. Bien sûr, ce n'était pas normal, évidemment j'avais détesté Helen pour ça, mais le passé était passé. Et le ressasser n'avait aucun intérêt avec elle, puisqu'elle n'avait aucun remords. L'intérêt de mon explication était plus de faire comprendre à Eddie que rien ne risquait de l'arrêter. Je n'étais même pas certain qu'elle ait une âme, tant elle semblait être peu concernée par tout ce qui n'était pas son bien-être personnel. J'étais même persuadé qu'elle aurait pu laisser mourir quelqu'un devant elle sans broncher si ça avait pu lui apporter le moindre bienfait. « Rien n'a changé en fait, c'est encore sur toi que ça retombe aujourd'hui et Helen ça doit bien l'arranger que tu gères le bureau des plaintes à sa place. » S'il avait connu Helen, il n'en aurait pas été aussi sûr, tout ce que je pouvais faire étant toujours soit insuffisant, soit stupide, selon elle. "Crois-moi, elle s'en moque, il n'y a qu'une seule chose qui l'intéresse : elle-même. Si je gère le bureau des plaintes, c'est plus pour éviter une mauvaise expérience aux voisins que pour lui faire plaisir." Il fallait dire qu'elle était si facile à vivre et agréable que j'étais persuadé qu'une altercation avec un voisin finirait forcément au commissariat. J'avais tout de même une façon de m'exprimer bien plus diplomatique qu'elle et j'appréciais suffisamment la plupart des gens composant le voisinage pour leur éviter de tomber sur le dragon.
« Quand quoi ? » Quand ta mère n'est pas vraiment mieux que la mienne. C'est ce que j'avais osé penser, alors que je savais bien que c'était faux. J'étais seulement en colère que ma sœur, qui avait toujours été mon pilier, essaye d'intégrer une autre famille. "Laisse tomber." fis-je donc en soupirant, parce que c'était mieux de ne pas dire n'importe quoi, même si je ne le portais pas dans mon cœur, ça ne servait à rien de comparer l'incomparable. « Bon, je vois que t'es froissé. Helen est l'unique point noir de votre famille et toi t'y es pour rien dans ce qu'on lui reproche, je te l'accorde. Enfin toi et les autres.. je sais pas qui vit ici avec vous. » Et à combien pensait-il que nous vivions ici ? Même moi qui parvenais à supporter ma mère depuis des années, j'en étais arrivé au point où j'étais hébergé chez ma meilleure amie le temps de trouver un autre logement. Il était arrivé dans le passé qu'elle ait des aventures suffisamment longues pour que ses conquêtes viennent vivre à la maison, mais cela faisait bien longtemps que ce n'était plus arrivé. "Merci." Je me passais du commentaire sur le fait d'être froissé, bien sûr que je l'étais, qui ne l'aurait pas été en étant mis dans le même panier que cet énergumène ? Cela dit, il n'avait pas encore eu l'immense honneur de se retrouver face à elle, il ne pouvait donc pas comprendre à quel point cela pouvait être blessant.
Eddie semblait sûr de lui, prêt à continuer de se mêler de cette histoire aussi longtemps qu'il le faudrait, d'après ses propres dires. Courageux ou fou, la question était réelle, s'il pensait pouvoir faire changer Helen là où ses trois enfants et bon nombre de ses amants avaient échoué, je lui souhaitais bien du courage. « T'as l'air de dire qu'elle ne changera jamais, elle a quand même pas toujours été comme ça ? » Je haussais les épaules en réfléchissant réellement. De toute ma vie, je ne l'avais connue que comme elle était à présent, mais était-il possible qu'elle ait été différente avant ça ? Difficile à dire, puisqu'elle avait coupé tout contact avec sa famille bien avant la naissance de son premier enfant et qu'elle ne nous en avait jamais parlé. La seule fois où, quand nous étions enfants, l'un de nous avait posé une question en trouvant une photo, elle s'était mise dans une colère que nous lui avions jamais connu jusque là et avait hurlé qu'ils étaient morts à ses yeux. Après ça, plus aucun d'entre nous n'avait jamais osé en parler. "Je ne l'ai jamais connue autrement, en tous cas." De ce que montraient les photos, à l'époque de la naissance de Gideon, ils avaient l'air d'être un couple heureux et sans histoire. Cependant, la naissance de Nicole et ses traits asiatiques avaient fait voler cette image en éclat, puisque le père de notre aîné était caucasien. Preuve que même à cette époque, bien qu'elle ait essayé de donner le change pendant une période, elle n'était pas plus honnête.
Et d'ailleurs en parlant du loup, Helen fit son apparition express, mais extrêmement représentative de sa personnalité des plus particulières. Son intervention fut brève, mais intense, comme toujours et lorsqu'elle claqua la porte, nous étions tous les deux un peu pantois. Si bien que je réagissais peut-être un peu violemment à la question d'Eddie. « Tranquille, c'était juste une question. » Considérant qu'après avoir vu la sorcière du lieu, il méritait une explication quant au fait que je reste ici, j'expliquais que je restais surtout pour m'occuper d'elle, jusqu'à ce qu'elle soit transplantée. Explication qui amena une nouvelle interrogation : « Elle a quoi, au juste ? » Je soupirais, je n'avais pas spécialement envie de tout lui dire, mais comme j'avais commencé, je ne pouvais plus vraiment reculer. "Elle a eu une hépatite.. B. Ça n'a pas été soigné à temps et elle a fait une insuffisance hépatique." J'évitais les détails, il comprendrait probablement tout seul que sa vie de raclure l'avait conduite à avoir une maladie sexuellement transmissible qui risquait de la tuer aujourd'hui, mais j'aimais autant ne pas le dire directement. « Tu te mets quand même une sacrée pression pour maintenir ce lien et tout gérer seul, c'est tout à ton honneur mais je me demande franchement à quoi tu t'accroches quand sa façon de te remercier est.. celle-là. » Malheureusement, cette phrase là non plus n'impliquait pas une réponse facile, bien au contraire. Gideon et Nicole aux-même ne comprenaient pas mon comportement et j'avais moi-même envie de la laisser moisir toute seule régulièrement. Pourtant, je m'accrochais à la même explication depuis des années. Explication que je m'appliquais à énoncer à Eddie, même s'il ne devait pas en avoir grand-chose à faire, après avoir soupiré. "Elle a été une mauvaise mère, c'est indéniable, mais elle ne nous a pas abandonnés. Elle ne s'occupait pas vraiment de nous, elle était égoïste, elle a gâché une grande partie de notre enfance... mais elle était là. Elle est restée quand le père de mon frère est parti. Elle était toujours là quand le mec qui pensait être le mien a disparu. Et si elle a toujours été odieuse, pas une seule fois elle ne nous a menacé de nous jeter dehors... Alors j'estime qu'elle a beau être la pire personne que je connaisse, je lui dois au moins la même chose." Helen avait des défauts, Nicole la détestait tant qu'elle aurait même dit qu'elle n'avait aucune qualité, mais peu importe ce qu'elle en pensait, les faits étaient là : si elle n'avait jamais voulu de ses enfants et si elle leur avait reproché un nombre inimaginable de fois d'avoir gâché sa vie, elle avait pris la décision de les garder avec elle. C'était peut-être bien l'unique chose qu'elle ait jamais faite pour nous, mais c'était toujours ça. Et je m'y étais toujours accroché comme à l'espoir qu'elle pourrait changer un jour. « Je suis pas franchement bien placé pour donner des conseils sur une relation mère-fils mais toi, là, tu te sacrifies complètement dans cette histoire. C'est pas parce qu'il ne reste plus que toi que tu dois tout assumer, si encore elle était reconnaissante je dis pas.. mais avant de la traiter comme une mère ce serait peut-être déjà bien qu'elle te traite comme un fils, non ? » Je fronçais les sourcils une seconde. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire, dans le fond, que je me "sacrifie" ou que j'assume tout ? ça ne changerait rien ni à sa vie, ni aux problèmes de voisinage si je ne m'occupais plus d'Helen. Enfin si, elle finirait probablement par mourir seule au bout d'un moment, son état étant voué à se dégrader un jour ou l'autre. Je trouvais ça un peu bizarre qu'un inconnu s'inquiète plus de ma situation que mon propre frère. Mais quoiqu'il en soit, s'il arrivait quelque chose à ma mère alors que je n'étais pas là, je n'aurais jamais réussi à me pardonner et je préférais cent fois subir ses insultes quand je la voyais que vivre le reste de ma vie avec le remord de l'avoir laissée mourir. "D'accord. Et si j'arrête et que je fais comme si elle n'existait pas, comme le font si bien ses deux autres enfants. Qui va venir vérifier qu'elle est toujours en vie ? Qui va appeler une ambulance le jour où son état se dégradera de nouveau ? Et qui va être tenu responsable de sa mort, lorsque personne n'aura été là ? Toi ? Les voisins ? Mes frangins fantômes ? Le facteur ?" Non, ce sera moi. Et si Eddie n'en était pas conscient, moi je l'étais, même si personne ne venait me le reprocher, personnellement, je ne pourrais pas me le pardonner.
Mon nom de famille le fit tiquer, ce qui était normal, puisqu'il connaissait bien Nicole. « Ah. » Je continuais de le fixer alors que l'information semblait se faire un chemin dans son esprit. S'il était perspicace, il avait sûrement compris ce que je pouvais reprocher à sa famille et à sa mère en particulier, maintenant qu'il avait tous les éléments en sa possession. « Tout s'explique. » Effectivement. Il était certain qu'il n'aurait pas pu deviner de par notre ressemblance physique, il n'y en avait que très peu, a priori, nous devions plus ressembler à nos pères respectifs qu'à Helen, ce qui nous convenait très bien à tous les deux. « Est-ce qu'au moins ma mère sait que Nicole est sa fille ? Moi on ne m'a rien dit et clairement Nini ne s'en vante pas, de sa famille. » Je levais les yeux au ciel. Clairement, si Nini était vraiment proche de sa mère, il n'y avait absolument aucun doute possible : elle était au courant. Même si Helen était une honte, ma sœur n'avait jamais eu aucun problème à en parler : bien au contraire, elle s'en plaignait régulièrement. Madame Yang était en quelque sorte devenue une mère de substitution à ses yeux, j'étais persuadé que Nicole lui en avait déjà parlé, ne serait-ce que pour faire la comparaison de ce que la famille Yang avait et qu'elle n'avait jamais connu dans la nôtre. "Si tu crois que Nicole a honte de quoi que ce soit, c'est que tu la connais mal. Elle n'a jamais caché notre mère à personne, au contraire, dans le quartier, elle était même la première à conseiller aux gens de l'éviter. Donc, si ta mère est proche d'elle et que sa vie ne se résume pas à parler d'elle-même sans avoir la moindre considération pour les autres, elle sait forcément." Peut-être que j'étais trop sûr de ce que je savais et peut-être que, quelque part, ça m'aurait fait trop mal de penser qu'elle nous oubliait complètement lorsqu'elle allait voir cette famille coréenne comme s'il s'agissait de la sienne. Toujours est-il que j'étais absolument convaincu de ce que je racontais.
« Elle a trouvé une sorte de mère de substitution à travers la mienne je crois, et maintenant je comprends pourquoi. » Nouveau soupir. Bien sûr, il avait raison. Ce n'était pas plus facile à entendre pour autant. Je ne répondais pas, tout ce que j'aurais pu répondre n'aurait été dicté que par la jalousie et la peur de perdre ma sœur, ça n'aurait avancé à rien. « Je vais pas te mentir, Nini a tellement la cote chez moi que parfois j'ai l'impression qu'elle va me prendre ma place et se faire adopter. Mais ça reste ta sœur, et je crois pas que ma mère se soit réellement mis en tête de vous la voler. » Sérieusement ? Elle était à la limite d'être invitée aux repas de famille et elle n'essayait pas de la voler ? Sans compter qu'elle envoyait son fils non résident du quartier à sa place pour une raison obscure, mais elle n'était pas au courant ? Il me prenait pour un con ou quoi ? « Faut que tu comprennes que Nicole a envie d'en savoir plus sur ses origines, en tant que famille coréenne c'est en ça qu'on l'aide nous. » Et voilà, l'excuse des origines, je l'avais vu venir celle-ci, sauf que je n'y croyais pas du tout. Si elle avait juste besoin d'en savoir plus sur ses origines, discuter autour d'un café était suffisant, inutile de commencer à nouer une espèce de relation mère-fille étrange quand la première avait déjà des enfants et la seconde une mère, même mauvaise. "Si elle a besoin d'en savoir plus sur ses origines, elle n'a qu'à chercher son père. Les voisins n'en savent pas plus sur ses pseudos origines que notre mère." Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien lui apprendre ? Nicole ne savait même pas si son père était né en Corée, en Amérique ou en Australie. À l'occasion, à part ses traits asiatiques, il était tout ce qu'il y avait de plus australien et tout ce que la famille Yang pouvait lui apprendre n'était que de la poudre aux yeux que son propre père ne connaissait pas. Personne ne pouvait savoir.
Je me tournais vers la porte pour être certain qu'Helen ne l'avait pas ré-ouverte pour écouter la conversation. "Tu sais quoi, je vais quand même te donner un conseil. Je ne sais pas si tu connais madame Hurley ? Elle habite la maison à côté." Je montrais la dite maison d'un coup de tête. "Elle fait partie de l'assemblée de co-propriétaire et je pense qu'elle va organiser une réunion concernant Helen. Ma mère sera convoquée. Ça m'étonnerait que ça change quoi que ce soit à son comportement, par contre, si ton père est présent parmi les plaignants, même s'il ne dit rien, il est possible qu'elle soit suffisamment vexée pour lâcher l'affaire." Je contournais enfin Eddie pour aller récupérer mon vélo derrière lui que je détachais, je ne comptais pas partir en pleine conversation, mais j'allais bientôt devoir aller travailler. "Je sais que ce n'est pas grand-chose, mais ça réglera au moins l'un des deux problèmes... Après, si tu veux vraiment te confronter à elle, tu peux toujours sonner. Je ne suis pas certain qu'elle répondra et si jamais elle le fait, elle sera imbuvable, mais tu es libre." Bon courage à lui s'il tentait de la raisonner cela dit, entre la délicatesse d'Helen, sa capacité de remise en question inexistante et sa façon hautaine de répondre, il allait probablement passer un bon moment.
Plowing through the storm, yeah, I know A continuous brutal suffocating feeling Even if I try to escape, now I know This is a competition I can't avoid
Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, il le sait pourtant depuis le temps. Eddie aurait sûrement mieux fait de garder les dires de ses parents pour lui au lieu de les balancer inutilement à la figure du brun, ce n'était pas très fin de sa part et il a peut-être bien oublié pendant un instant qu'il avait affaire au fils d'Helen. Aussi compliqués soient leurs rapports et aussi détestable soit cette femme ça le touche de toute évidence plus qu'il ne l'aurait pensé. « Même si c'était la vérité, tu serais content qu'un sinistre inconnu vienne te dire que ta mère est une chieuse et une sorcière ? » Sinistre, allez savoir pourquoi ce mot le fait sourire. Alors effectivement non il n'apprécierait pas beaucoup ça et en même temps il n'est pas certain que quelqu'un dans cette ville ait une opinion aussi déplorable de sa mère - si ce n'est la fameuse voisine, mais elle ça ne compte pas puisqu'elle ne semble aimer personne. Il ne connait pas d'ennemi à Sun-Hi, il doute donc qu'un inconnu puisse affirmer ce genre de choses devant lui avec fondement. Et bien sûr si c'était le cas il s'en offusquerait Eddie, leur relation est loin d'être simple et elle est parfois injuste avec lui mais ça reste sa mère, tout comme Helen reste la mère de ce garçon. « Bon, j'ai peut-être manqué de délicatesse. Un peu. » Un gros peu même, mais Eddie est connu pour ça. Il ne passe généralement pas par le moindre détour pour dire les choses et ça lui a déjà causé des ennuis, à l'image de cet échange qui menace bêtement de dégénérer simplement parce qu'il ne pèse jamais ses mots. « Tu devrais peut-être te méfier, si tellement de gens veulent te casser la gueule, ça finira peut-être bien par arriver. » Se méfier à vrai dire il a cessé de le faire depuis longtemps parce que c'est bien gentil de vouloir lui refaire le portrait mais de s'en tenir au final à des menaces, ça lui fera du coup tout drôle le jour où quelqu'un joindra le geste à la parole. Mais pas aujourd'hui, son interlocuteur n'étant comme lui pas un adepte de la violence. « Peut-être ouais. » il admet dans un bref haussement d'épaules. C'est d'abord en tant que danseur prêt à tout pour se démarquer dans un milieu hautement compétitif, puis en tant que voisin sans considération pour la tranquillité d'autrui qu'Eddie a récolté des détracteurs. Il n'a jamais fait l'unanimité et même aujourd'hui en s'étant rangé sur tous ces plans il arrive encore à donner envie aux autres de le tarter, certainement à cause de son effronterie naturelle et de son grand manque de tact, clairement en cause à cet instant.
Cette Helen a plutôt la belle vie si son fils se charge de gérer les plaintes des voisins à sa place, en supposant qu'il le fasse à chaque fois et qu'elle n'ait jamais à rendre elle-même des comptes pour les nuisances et autres désagréments qu'elle cause pourtant seule. C'est apparemment une habitude pour elle de faire du tort à son fils et ce depuis longtemps, alors il convient forcément de se demander ce qui pousse encore ce dernier à intervenir au lieu de la laisser récolter elle-même ce qu'elle sème. Car ça doit bien l'arranger, c'est en tout cas ce qu'Eddie suppose avant que le brun ne réfute sa petite théorie. « Crois-moi, elle s'en moque, il n'y a qu'une seule chose qui l'intéresse : elle-même. Si je gère le bureau des plaintes, c'est plus pour éviter une mauvaise expérience aux voisins que pour lui faire plaisir. » Au moins il pense aux voisins lui, et tout n'est pas fait pour aller dans le sens de cette mère qui se soucie bien peu que son attitude puisse impacter sa descendance. « Elle risque de voir la différence le jour où tu auras ton propre chez toi. » Eddie s'avance peut-être un peu mais il en vient à espérer pour lui que c'est quand même prévu à l'avenir, puisqu'il a laissé entendre qu'ils habitaient sa mère et lui dans le quartier depuis dix-sept ans. Il ne présume pas bien son âge et ça n'a de toute façon pas d'importance, il ne s'identifie juste pas à lui pour avoir de son côté pris son indépendance très jeune et pour avoir coupé le cordon dès qu'il l'a pu. Disons que c'était un peu vital pour lui aussi. « Laisse tomber. » Ça l'intrigue Eddie le fait que le brun ne termine pas sa phrase, surtout que jusqu'ici il allait au bout des choses et n'hésitait pas à exprimer sa façon de penser. Ce n'est pas le genre à laisser tomber quand on l'invite à le faire mais il se gardera bien d'insister sur ce coup-là, préférant se dire que ce n'était pas déterminant et qu'il ne rate pas grand-chose. Et ça ne lui écorche même pas la bouche de reconnaitre qu'il a eu tort d'associer toute leur famille aux agissements d'Helen, car ce n'est pas comme si ce garçon y était personnellement pour quelque chose si sa mère rend la vie impossible à tout le monde. On ne choisit pas ses parents et il donne tout sauf l'impression de tolérer ce qu'elle fait, Eddie peut donc bien lui accorder ça puisqu'il a bien senti que ses paroles avaient été un peu blessantes. « Merci. » Comme quoi, ils parviennent quand même à communiquer tous les deux. Helen n'est pas près de changer d'après son fils, qui lui fait clairement comprendre qu'il se fatiguera en vain à faire du forcing avec elle jusqu'à ce qu'elle accepte ne serait-ce qu'un dialogue. Elle est peut-être plus récalcitrante qu'il n'avait osé le croire, ses parents lui ont pourtant bien parlé d'une bonne femme impossible à raisonner mais Eddie n'a jusque là reculé devant aucun défi, ça ne lui faisait pas peur mais il commence à réétudier la question. « Je ne l'ai jamais connue autrement, en tous cas. » Et c'est quand même son fils qui parle, quelqu'un qui a toujours vécu avec elle. Eddie n'a pas non plus du temps à perdre avec tout ça, il n'oublie pas que sa mère a profité d'une de ses rares visites pour l'envoyer au front à sa place alors a-t-il vraiment envie de s'investir plus que de raison dans un conflit qui ne le concerne pas vraiment à l'origine ? Par principe il était prêt à le faire, mais plus il en apprend sur cette Helen et moins il a l'impression que c'est son rôle et sa place. Il a assez de ses propres problèmes pour ne pas s'en créer des nouveaux Eddie, c'est aussi un peu ce qu'il se dit.
Disons que ça le motive encore moins quand Helen se décide enfin à apparaitre, vu l'accueil qu'elle lui réserve et le fait qu'elle n'a pas une once de considération pour lui. C'est la première fois qu'il se retrouve confronté à elle et il doit bien admettre que sa mère ne lui avait pas survendu le spécimen, la façon dont elle l'ignore le choque par ailleurs bien moins que les mots qu'elle emploie à l'encontre de son fils. Il s'en étonne, le fait remarquer et récolte une réaction express de ce dernier alors qu'il ne cherchait pourtant pas à rajouter de l'huile sur le feu. C'est juste que ça le dépasse Eddie que le bonhomme laisse quelqu'un lui parler de cette façon, quand bien même il s'agit de sa mère ce n'est pas plus acceptable à son sens. Mais il ne sait pas encore tout de la fameuse Helen puisqu'il apprend que celle-ci traine d'importants problèmes de santé. « Elle a eu une hépatite.. B. Ça n'a pas été soigné à temps et elle a fait une insuffisance hépatique. » Ce n'est pas que ça lui passe au-dessus, c'est juste qu'il n'y connait rien lui. Il se sent même un peu con à ne pas savoir comment réagir à ça parce qu'il ne visualise pas très bien de quoi il est question. Son domaine c'est la danse et les maladies du genre ne sont pas du tout présentes dans sa famille. « Et.. ça se soigne ? » qu'il demande en prenant le risque de poser une question un peu stupide, témoignant de son manque de connaissances sur le sujet. Son fils semblait dire que cette maladie pouvait la tuer mais ça ne veut pas pour autant dire qu'aucun traitement n'existe. Encore une fois il ne sait pas de quoi il parle alors il est au moins sûr d'apprendre des choses aujourd'hui. « Elle a été une mauvaise mère, c'est indéniable, mais elle ne nous a pas abandonnés. Elle ne s'occupait pas vraiment de nous, elle était égoïste, elle a gâché une grande partie de notre enfance... mais elle était là. Elle est restée quand le père de mon frère est parti. Elle était toujours là quand le mec qui pensait être le mien a disparu. Et si elle a toujours été odieuse, pas une seule fois elle ne nous a menacé de nous jeter dehors... Alors j'estime qu'elle a beau être la pire personne que je connaisse, je lui dois au moins la même chose. » Par contre ça, il ne l'attendait pas. C'est un point de vue surprenant mais ça le fait réfléchir, cette Helen semble certes bourrée de défauts mais elle n'est peut-être pas entièrement dépourvue de principes. Son fils en parle quand même comme de la pire personne qu'il connaisse et ça n'est pas rien, mais il arrive encore à lui trouver quelques bons côtés et s'estime même redevable envers elle. « Je vois. T'as toujours pu "compter" sur elle, même si c'était pas comme tu l'aurais voulu. » Elle était là comme il dit, ce n'est pas comme si Helen avait disparu pendant des années et s'était complètement détournée d'eux. Eddie a du mal à se mettre à la place du bonhomme parce qu'il vient d'un foyer équilibré mais il se demande ce que ça aurait changé si Helen avait en plus été une mère absente, s'ils n'auraient pas au final subi moins de choses à travers elle. Il se doute bien qu'un abandon aurait été d'autant plus difficile à vivre mais il a l'impression qu'Helen ne leur a pas toujours rendu service en se faisant finalement si présente, un ressenti qu'il évitera de partager pour ne pas risquer d'offenser une nouvelle fois son interlocuteur. Ça ne l'empêche pas de penser que le brun s'oublie totalement dans l'histoire, à force de songer à cette mère qu'il ne veut pas laisser tomber comme d'autres l'ont fait, à force de vouloir honorer son rôle de fils parce qu'il est le seul à pouvoir encore le faire. C'est limite s'il ne commence pas à prendre les choses un peu à cœur Eddie, il trouve ça malheureux que son fils doive endosser tant de choses quand elle ne lui rend pas du tout alors oui, peut-être qu'il s'investit décidément un peu trop et oublie où est sa place dans tout ça. « D'accord. Et si j'arrête et que je fais comme si elle n'existait pas, comme le font si bien ses deux autres enfants. Qui va venir vérifier qu'elle est toujours en vie ? Qui va appeler une ambulance le jour où son état se dégradera de nouveau ? Et qui va être tenu responsable de sa mort, lorsque personne n'aura été là ? Toi ? Les voisins ? Mes frangins fantômes ? Le facteur ? » Peut-être pas faire comme si elle n'existait plus, mais il gagnerait vraiment à penser un peu plus à lui. Ça revient à assumer tous les rôles à la fois, Eddie n'ose même pas imaginer à quel point ce doit être épuisant surtout qu'en face la gratitude n'est pas du tout présente. « Je disais ça pour toi, moi. Je pense que personne ne mérite de finir seul, et toi t'as justement du mérite de faire tout ça pour elle. » Un sacré mérite même, si seulement Helen pouvait se rendre compte de tout ce qu'elle lui doit et le traiter en conséquence au lieu de lui balancer qu'il n'était pas désiré, par exemple.
Un O'Connor, en voilà donc une surprise. Il n'aurait pas pu s'attendre à rencontrer le frère de Nicole dans de telles circonstances ni présumer que ces deux-là avaient un lien, ses parents ayant de toute évidence omis de lui fournir un détail important. Eddie se demande d'ailleurs s'il y a une chance que sa mère sache que Nicole est la fille d'Helen, quand il est présent on ne peut pas dire que la protégée de sa maman s'étende beaucoup sur sa situation familiale mais il est aussi possible qu'elle le fasse avec Sun-Hi toutes les fois où il n'est pas là. Après tout Eddie ne prétend pas connaitre très bien Nicole, ce n'est pas lui qu'elle est venue trouver à l'origine mais bien sa mère. « Elle n'a jamais caché notre mère à personne, au contraire, dans le quartier, elle était même la première à conseiller aux gens de l'éviter. Donc, si ta mère est proche d'elle et que sa vie ne se résume pas à parler d'elle-même sans avoir la moindre considération pour les autres, elle sait forcément. » Okay, c'est une nouvelle balle perdue pour Sun-Hi mais le sujet est sensible, il le comprend bien. Eddie n'a pas l'impression d'être très bien placé pour parler au nom de de l'une ou de l'autre pour la simple et bonne raison qu'il n'a pas connaissance de la plupart de leurs discussions, souvent il se sent même assez à l'écart de tout ça et ce n'est pas pour rien qu'il jalouse l'importance que Nicole est en train de prendre dans cette famille. « Je suis pas au courant de tout moi tu sais, je me contente un peu de ce que ma mère veut bien me dire. » Il est aussi présent chez les Yang qu'il ne l'est au final dans ce quartier, la plupart du temps il faut composer sans lui et sa mère ne l'a clairement pas attendu pour intégrer Nicole à la famille. D'après lui c'est une mère de substitution que celle-ci a trouvé en Sun-Hi, pour autant il ne sait pas si sa mère tente vraiment de dérober Nicole aux siens comme ce Max le prétend. Il a surtout l'impression qu'elle s'est beaucoup attachée à Nicole et prend aussi très à cœur le fait de lui faire découvrir leur culture, car après tout c'est bien pour ça qu'elles étaient toutes deux entrées en contact. Son frère semble agacé de l'entendre mais une fois de plus Eddie s'en tient à ce qu'il a toujours entendu, aux dernières nouvelles si Nicole a commencé à tourner autour des Yang c'est parce qu'elle s'interrogeait sur ses origines et comptait sur eux pour lui apporter des éléments de réponse. « Si elle a besoin d'en savoir plus sur ses origines, elle n'a qu'à chercher son père. Les voisins n'en savent pas plus sur ses pseudos origines que notre mère. » Eddie ne sait pas s'il est parfaitement bien informé alors il ne peut se baser que sur la version qu'on lui a présenté comme étant officielle, puisqu'il n'était pas là le jour où Nicole est venue vers eux pour la toute première fois. « Il est pas coréen son père ? Peut-être que pour le rechercher elle a besoin d'en savoir plus sur ce pays, j'en sais rien, son but c'est de se rapprocher de la communauté coréenne de Brisbane d'après ce que je sais. On n'est pas la seule famille sud-coréenne de cette ville mais on devait être la plus accessible pour elle, forcément dans le quartier t'en verras pas beaucoup d'autres. » Il doit malgré tout y en avoir d'autres et peut-être que Nicole a d'ailleurs déjà tenté sa chance auprès d'elles, il ne sait vraiment pas. Eddie trouvait déjà cette situation compliquée avant de rencontrer son frère mais maintenant il s'y perd d'autant plus, comme si ça n'était pas suffisant que Nicole prenne autant de place. Il lui en veut parfois un peu de convenir si bien à sa mère quand lui n'y est jamais vraiment parvenu et peut-être qu'elle rêverait effectivement de l'adopter comme il le soulignait avec humour un peu plus tôt. Ce n'est pas toujours facile pour lui de la voir si facilement acceptée par les Yang, alors que l'acceptation lui l'a attendue en vain pendant des années pour ses ambitions et ses choix.
« Tu sais quoi, je vais quand même te donner un conseil. Je ne sais pas si tu connais madame Hurley ? Elle habite la maison à côté.. » Un conseil ? Il ne s'attendait pas à ça mais il est peut-être bon à prendre, Eddie considère en tout cas qu'il peut bien se donner la peine d'écouter encore un peu ce que Max peut avoir à lui dire. « Elle fait partie de l'assemblée de co-propriétaire et je pense qu'elle va organiser une réunion concernant Helen. Ma mère sera convoquée. Ça m'étonnerait que ça change quoi que ce soit à son comportement, par contre, si ton père est présent parmi les plaignants, même s'il ne dit rien, il est possible qu'elle soit suffisamment vexée pour lâcher l'affaire.. » Oh. C'est une idée, difficile pour le moment de dire si elle peut aboutir mais c'est en tout cas une piste qu'ils auraient tort de ne pas exploiter s'il y a ne serait-ce qu'une chance qu'Helen renonce. Peu probable, mais peut-être pas impossible à entendre son fils alors que depuis tout à l'heure celui-ci n'est pas franchement optimiste quant aux chances de pouvoir la faire changer. « Je sais que ce n'est pas grand-chose, mais ça réglera au moins l'un des deux problèmes... Après, si tu veux vraiment te confronter à elle, tu peux toujours sonner. Je ne suis pas certain qu'elle répondra et si jamais elle le fait, elle sera imbuvable, mais tu es libre.. » C'est en l'occurrence l'un des deux problèmes que ses parents l'avaient envoyé résoudre alors ce serait déjà ça de gagné, pense aussitôt Eddie. « Ça doit pouvoir se tenter, oui. » il formule d'un air à moitié convaincu, ne s'emballant quand même pas trop non plus avant de voir ce que ça pourrait vraiment donner. « Je vais devoir convaincre mon père et je sais d'avance que ce ne sera pas simple, mais ça devrait aller si je lui assure qu'il n'aura pas à prendre la parole contre elle. » Car ça Kang-Dae le refusera fermement, il le sait. Son père n'est pas du genre à se laisser entrainer comme ça mais Eddie espère bien lui faire voir l'intérêt qu'il pourrait en tirer : la paix. Que cette Helen passe à une autre proie, ça soulagerait vraiment tout le monde même si ce ne serait pas du tout un cadeau à faire au suivant. « J'y penserai du coup, merci du tuyau. Et je me réjouis de savoir que quelqu'un a quand même prévu de se bouger dans ce quartier, si je peux j'assisterai à cette assemblée moi aussi. » Pas en tant que plaignant puisqu'il ne vit officiellement plus ici mais son père pourrait exiger sa présence comme condition, et ça l'intéresserait de voir cette réunion de l'intérieur si toutefois madame Hurley est disposée à accepter qu'il en fasse partie. « Pour le reste je vais peut-être y réfléchir à deux fois, mais que ma mère ne me dise surtout pas que je n'ai rien tenté. » Lui estime être allé au devant du problème aujourd'hui et avoir essayé de discuter même si au final c'est son fils qui a répondu présent plutôt qu'elle, alors si avec ça elle ne lui pardonne pas ses mensonges il ne comprend vraiment pas. « T'as l'air sur le départ, je vais peut-être pas te retenir plus longtemps. » Et sur ces mots Eddie se fend même d'un léger sourire. Quand il y pense ce Max est bien aimable d'avoir maintenu le dialogue jusque là au lieu de lui claquer proprement la porte au nez or vu son approche il sait qu'il aurait pu encourir ce risque, comme quoi tout le monde n'est pas inaccessible et bourré de mauvaise volonté dans cette maison. Eddie songe à ses parents qu'il ne va pas tarder à retrouver et au bilan qu'il va pouvoir leur dresser : mitigé, mais avec quand même l'impression d'avoir appris des choses et d'avoir un peu avancé. Il y a ce conseil que Max lui a donné et qui n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, rien qu'avec ça il peut dire qu'il ne repartira pas les mains vides si cette discussion doit s'achever là-dessus.