Léo appuie sur la petite flèche qui projette le fichier directement sur son blog. Le Thunderhead sait pertinemment qui est derrière les articles incendiaires qui apparaissent de plus en plus sur le toile. Les mots se font de plus en plus virulents, aussi, à l’égard de ce nouvel ordre mondial qui n’en est pourtant qu’à ses balbutiements. Mais Léo n’a pas peur. Léo sait qu’il est protégé par l’entité qui veille sur tous les êtres humains. Les Faucheurs, aussi malins qu’ils puissent être, ne viendront jamais frapper à sa porte pour le glaner par vengeance. Léo sait qu’il mourra vieux, préservé par les nanites qui lui donnent l’énergie d’écrire sans cesse. Cigarette à la bouche, le jeune homme relit son pamphlet agressif traitant du manque d’empathie de certains faucheurs. Grâce au Thunderhead, il a pu récupérer une vidéo montrant un glanage collectif absolument barbare. Un certain Maître La Fontaine s’amuse à brûler des hommes et des femmes par dizaines d’un coup. Ce n’est pas illégal, mais Léo milite pour que ces glanages collectifs n’aient plus lieu dans un monde où l’on croyait avoir banni la mortalité dans la souffrance.

Le café coule d’un vrombissement bruyant. Installé dans l’ombre, Léo écrase sa cigarette dans l’évier de sa cuisine avant de débrancher brusquement la cafetière. Il n’attend pas de visite, mais il est certain d’entendre du bruit dans le couloir. Vient-on l’arrêter ? Vient-on le glaner ? Le Thunderhead n’a aucun lien avec les Faucheurs. Il n’a tout simplement pas le droit de communiquer avec les donneurs de mort. Léo n’a pas d’amis, ils seraient tous trop susceptibles de trahir sa cause. Lorsque quelques coups fendent le silence, Léo attrape un couteau dans le présentoir à cet effet. Contre un Faucheur, il n’aura aucune chance. Même s’il s’en sort, on s’en prendra à sa famille - et bien qu’il soit fâché avec ces derniers, les savoir glanés attristerait un peu le jeune homme.

Le cœur battant, Léo s’en va ouvrir la porte. Sa main moite lui permet à peine de retenir le manche du couteau caché dans son dos.

La vision de la robe argentée lui glace le sang. Alors, on est venu le glaner. D’un toussotement, Léo essaie de remettre en place ses idées et de donner de l’aplomb à sa voix. « Je ne connais pas de Faucheur à la robe argentée. » Des nombreuses vidéos qu’il a pu visionner, aucune ne montre une Faucheuse armée d’une faux. Est-elle nouvellement intronisée ou n’est-elle pas vraiment Faucheuse ? Les nanites tranquillisantes de Léo s’activent, mais ce dernier les a fait régler au minimum. Il n’a jamais été un grand adepte de ces médicaments-robots qui lui émoussent les sens. A cela, Léo préfère largement sa paranoïa naturelle. « Le voisin n’est pas là. Il reviendra à quinze heures. » Pitié, qu’elle ne vienne pas pour moi.

@raelyn blackwell

Stairway to heaven
Raelyn Blackwell & @Léo Ivywreath

J’ai vécu 140 256 jours. 4608 mois. 384 ans. L’équivalent de presque cinq vies mortelles et j’ai pris plus de vie que je ne peux compter et, pourtant, l’être humain est toujours capable de me surprendre. Par son audace. Par sa bêtise. Je ne sais pas exactement dans quelle catégorie ranger le jeune homme qui se cache derrière un pseudonyme pour mettre en lumière les actes les plus barbares de mes comparse appartenant au nouvel ordre, mais je me suis mis en tête il y a quelques semaines déjà de le trouver, de le rencontrer, et de décider ce que je ferai de lui en me basant sur l’impression qu’il me fait : bêtise ou audace ? Bien sûr, je ne peux communiquer avec le Thunderhead et, pour retrouver ce malpropre - il est à la frontière de la classification - j’ai dû créer mes propres scripts et faire mes propres recoupements, mais il ne m’a fallu que des quelques jours pour le retrouver. De deux choses l’une : soit il est plus idiot qu’il n’y parait, soit le Thunderhead voulait que je le retrouve et, sans interférer - il n’en a pas le droit - il ne m’a pas compliqué la tâche non plus. A nouveau, je me pose la question : stupidité ou grand potentiel ?

Ma robe argentée ne pèse jamais bien lourd : je n’ai pas besoin d’un arsenal de couteau pour tuer. Contrairement à certains Faucheurs, qui aiment varier les armes et avoir le choix au moment de donner la mort, je glane toujours de la même façon : à l’aide de ma faux au manche serti de diamants étincelants et dont l’extrémité se termine en pique aiguisée, au cas où l’on tenterait de me surprendre par derrière.

Mais ce soir, je n’ai pas l’intention de glaner. Ou peut-être que si, tout dépendra de ce que je trouve une fois arrivée à destination. De quel genre de personne je trouve. « Je ne connais pas de Faucheur à la robe argentée. » Le brun qui me fait face est un gamin, et je parierais qu’il n’a jamais encore passé le cap, contrairement à moi qui reste figée à trente cinq ans depuis une éternité. Il a du culot, pour s’adresser à moi de la sorte. « Tu me vexes gamin. » Un sourire carnassier étire mes lèvres et j’attends patiemment : on ne refuse pas l’entrée à un Faucheur. On ne le laisse pas sur le pas de la porte, quelle que soit la raison de sa venue. « Le voisin n’est pas là. Il reviendra à quinze heures. » - « Parfait. Ainsi, nous ne serons pas dérangés. » Je le laisse volontairement craindre un potentiel glanage : les gens sont plus honnêtes, lorsqu’ils ont peur.

De la poche de ma robe argentée, je tire une tablette et, sur l’écran, défilent divers articles rédigés par le jeune homme qui me fait face. « Ta plume est agréable. Mais certains articles manquent cruellement de sources. » Et, par la même occasion, de preuves.

Peu de choses effraient Léo. Il aurait pu avoir peur de la mort, mais les récents progrès technologiques ont banni cette dernière du quotidien des humains. La présence des Faucheurs effraie, mais les chances sont si maigres de se faire emporter par l'un d'eux que ça non plus, Léo n'en a pas peur. Les insectes, le chômage, la famine... Toutes ces choses ont désormais des solutions que le Thunderhead s'empresse de proposer à ceux qui savent le demander. Mais voir une Faucheuse devant sa porte, cela est tout de même un peu effrayant. Elle n'a pas l'air de vouloir glaner Léo d'une mort brutale. Elle ne porte pas de lance-flammes. Sa robe argentée est éblouissante, de même que l'est la faux qu'elle a avec elle. Les Faucheurs ont décidément un goût prononcé pour l'attention que leur procure leur statut de donneur de mort.

« Je ne connais pas de Faucheur à la robe argentée. »
« Tu me vexe gamin. »
« Vous ressentez de telles émotions ? Le Thunderhead est-il si peu clément avec vous ? » La porte n'est pas encore ouverte complètement mais si Léo doit mourir, autant le faire en partant avec panache. Il sera glané dans l'anonymat le plus complet, mais partira avec la certitude qu'au moins, dans l'au-delà, quelqu'un aura peut-être vu sa tentative de se montrer brave. Brave ou idiot ? Il faut être un peu les deux pour s'adresser à un Faucheur sur le ton employé par le jeune homme. En tout cas, le voisin de Léo ne rentrera que pour constater son décès, ce qui lui enlèvera probablement une épine du pied. « Parfait. Ainsi, nous ne serons pas dérangés. » Le sourire de la Faucheuse fait froid dans le dos au jeune homme qui entrouvre un peu plus la porte. De toute façon, la Faucheuse finira par rentrer même sans le consentement du propriétaire de l'appartement.

Elle sorte une tablette et fait défiler, devant les yeux de Léo, tous les articles que ce dernier a pu publier ces dernières années. Il n'a pas encore passé le Cap, ce processus qui permet de rajeunir a un âge défini, mais Léo a tant écrit qu'on pourrait se poser la question. Peut-être est-ce parce qu'il ne fait que ça de ses journées. « Ta plume est agréable. Mais certains articles manquent cruellement de sources. » « Merci, Votre Honneur. » Le jeune homme ne lâche pas des yeux la Faucheuse. Tous les compliments sont bons à prendre, surtout que ce sont les premiers que Léo reçoit en personne. Il était en réalité loin d'imaginer que quelqu'un remonterait jusqu'à lui. S'attaquer au Faucheur par le biais du Thunderhead, c'était s'assurer une certaine sécurité. Ou du moins, c'est ce que Léo pensait... « Je compte sur le Thunderhead et sur les vidéos que m'envoient les témoins. Vous êtes ici pour me glaner ? J'ai un article à écrire, alors si nous pouvions mettre les choses au clair assez vite... » Le ventre noué, Léo tente de faire bonne figure. S'il doit partir, ça sera la tête haute.

Stairway to heaven
Raelyn Blackwell & @Léo Ivywreath

Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais pas à un gamin un peu trop maigrichon qui n’a pas l’allure d’un malpropre. Légèrement débraillé, l’air un peu trop pâle de ceux qui passent trop de temps devant leur écran, celui qui dénonce les actes de certains de mes compatriotes avec tant de verve n’a pas la tête de l’emploi. « Vous ressentez de telles émotions ? Le Thunderhead est-il si peu clément avec vous ? » Il semble au moins avec la langue aussi acérée que derrière son écran et, dans le cas contraire, j’aurais été déçue. Je ne suis pas habituée à si peu de déférence de la part des quidam et, face à son audace, je lève un sourcil tandis qu’il léger sourire se forme au coin de mes lèvres. Intéressant. Quoi qu’il en soit, soit il est mal renseigné - beaucoup de faucheurs baissent les effets de leur nanites régulatrices au maximum, soit il comble le vide comme il peut pour masquer sa nervosité.  « Je préfère ressentir mes émotions moi-même. » Et ne pas compter sur une action du Thunderhead pour me sentir artificiellement plus heureuse ou relaxée.

Il me laisse en tout cas entrer - personne n’oserait refuser l’hospitalité à un faucheur et, repoussant la traîne de ma robe derrière moi, je dépose ma faux contre l’angle de la pièce dans laquelle il m'accueille. Je ne m’en servirai pas, pas pour l’instant en tout cas. A la place, je sors ma tablette et je fais défiler ses articles. « Merci votre honneur. » - « Dame Blackwell. » Sans que personne ne soit surpris, lors de la fin de mon apprentissage, j’ai pris le nom de ma parente, Elizabeth Blackwell, première femme médecin des Etats Unis. Quant à mon prénom à moi, peu le connaissent encore. « Je compte sur le Thunderhead et sur les vidéos que m’envoient les témoins. Vous êtes ici pour me glaner ? J’ai un article à écrire, alors si nous pouvions mettre les choses au clair assez vite...  » - « Si je suis ici, c’est que le Thunderhead m’a permis de te trouver. » Son toupet m’agace à présent autant qu’il m’amuse, et je m’installe sur une chaise sans y avoir été invitée. « L’issue de notre entrevue ne dépend que de toi. » Je penche la tête sur le côté, un sourire presque carnassier sur les lèvres. « C’est ma curiosité qui m’a poussée à venir voir qui se cachait derrière ces articles calomnieux. » La bague d’apprenti que l’on m’a confiée reposera tranquillement au fond de ma poche si jamais je suis déçue. « Mais je n’ai pas glané dans cette région depuis un moment. Ce serait bon pour mes chiffres. » Soit je sortirai d’ici avec un apprenti et je glanerai le voisin, soit je n’aurai pas besoin d’aller aussi loin. « Pourquoi ? Ces articles. »

« Dame Blackwell. » Léo opine du chef et laisse entrer la faucheuse. Ce nom lui dit vaguement quelque chose, mais il est préférable qu'il le connaisse le moins possible. Ceux dont il connaît l'identité par cœur sont sur la liste des pires barbares de l'Humanité. Ils ont leur place dans les articles écrits par le jeune homme. Bientôt, ce dernier outrepasse d'ailleurs les limites. « Si je suis ici, c’est que le Thunderhead m’a permis de te trouver. » L'agacement qui apparaît dans la voix de la faucheuse fait frémir Léo, qui tient malgré tout à son honneur. Mourir oui, mais mourir en pleurnichant, non. Le Thunderhead, qui se doit pourtant de protéger les citoyens, a donc laissé le champ libre à Dame Blackwell. Intéressant - et mortel. La faucheuse prend place sur une chaise alors que Léo reste debout, prêt à affronter son destin bien en face. « L’issue de notre entrevue ne dépend que de toi. » La réplique sonne comme une phrase préconçue et peut-être que la faucheuse fait partie de ces tueurs qui laissent aux victimes le loisir de choisir l'arme qui mettra fin à leur vie. Léo a déjà fait son choix : le couteau. Droit dans le cœur. C'est une mort honorable, juste comme elle devrait être pour tous les hommes. Le poison est une arme de lâche. Le reste est trop barbare.

« C’est ma curiosité qui m’a poussée à venir voir qui se cachait derrière ces articles calomnieux. » Léo n'aurait pas employé "calomnieux" pour définir les articles qui dénoncent les pratiques peu éthiques de certains faucheurs. "Révélateur", en voilà un adjectif qui claque. C'est vendeur. « Mais je n’ai pas glané dans cette région depuis un moment. Ce serait bon pour mes chiffres. » Alors elle n'est pas d'ici. Voilà pourquoi Léo n'a pas encore entendu parler d'elle. Elle semble plutôt jeune et si elle a déjà sauté le pas, elle n'a pas l'air d'être une vieille âme. La faucheuse est très calme et pourtant, elle arbore un visage qui n'est pas pour rassurer le jeune lanceur d'alertes. « Pourquoi ? Ces articles. » Léo hausse un sourcil. « Les avez-vous lu ? Les avez-vous vraiment lu ? » Son ton n'a rien de celui qu'un gamin à la recherche d'admiration. Non, il est plutôt dubitatif. Le brun se détourne pour aller chercher son téléphone, sur lequel il retrouve un article auquel est joint la vidéo d'une tuerie de masse. Un avion s'est écrasé sur une aire de jeux, faisant des centaines de morts. « Ils ne glanent pas dans les règles. Je connais le serment que vous prêtez. Mais certains faucheurs ont visiblement décidé de l'outrepasser. » Les vidéos d'un feu ravageant le quartier environnant se lancent ensuite. « Comment cela peut-il être contrôlé ? Qui vous dit que les familles de ces centaines - non, ces milliers de gens ont reçu l'immunité ? » Léo plante ses yeux dans ceux de la faucheuse. « Mourir est une affaire d'honneur. Ceux qui ne le peuvent pas l'ont oublié et je refuse que l'humanité se laisse crever juste parce que c'est la règle. Ces tueries de masse doivent cesser. »

Sous l'article, les commentaires fusent, tous anonymes. « Je suis seul pour les rédiger. Mais vous voyez ces commentaires ? Les gens finiront par se rebeller. Il y a déjà eu des incidents. » La pause marquée par le jeune homme se veut dramatique. Lui-même tremble à l'idée que ses théories ne se réalisent. « Vous m'avez trouvé moi. Vous allez aussi trouver les milliers de personnes qui appellent au soulèvement tous les jours sous mes articles ? Même si vous mettez fin à ma vie, il est trop tard. Et ces gens ne sont pas responsables des dérives de vos confrères. » Voilà pourquoi.

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Raelyn Blackwell & @Léo Ivywreath

« Les avez-vous lu ? Les avez-vous vraiment lu ? » - « Je n’ai pas besoin de ça pour vous cerner. » Je n’ai pas besoin de lire ses dizaines d’articles qui se ressemblent tous. Une jolie plume, quoique parfois maladroite à mon sens, un travail rigoureux et documenté, mais un avis propre au jeune homme qui ressort trop pour que l’on puisse qualifier ça d’articles objectifs et d’information. Si je m’écoutais, je dirais qu’il s’agit plus de propagande ou de théorie du complot que de vrai travail de journaliste - il ne l’est pas, d’ailleurs - mais s’il a en face de moi le même culot que derrière l’écran, il peut être intéressant. « Mais je les ai lu, oui. » Je ne suis pas du genre à laisser quoi que ce soit au hasard.

« Ils ne glanent pas dans les règles. Je connais le serment que vous prêtez. Mais certains faucheurs ont visiblement décidé de l'outrepasser. » - « Les règles n’interdisent pas les glanages de masse. » Il en a été question. Les plus droit - ou ennuyeux - d’entre nous ont tenté de s’y opposer mais le point commun de la vieille garde est du nouvel ordre reste que chaque faucheur n’aime pas qu’on lui dise comment exercer ses nobles activités. Le contre a largement été minoritaire, lorsqu’il a été question de l’interdiction. Je m’y suis moi même essayé mais sans réussir à y trouver ce que je cherchais : j’aime mes glanages dans les règles de l’art. J’aime regarder dans les yeux la personne dont je m’apprête à ôter la vie et j’aime l’art de la mort. Un avion qui s’écrase, c’est brouillon, bien trop pour moi. « Comment cela peut-il être contrôlé ? Qui vous dit que les familles de ces centaines - non, ces milliers de gens ont reçu l'immunité ? Mourir est une affaire d'honneur. Ceux qui ne le peuvent pas l'ont oublié et je refuse que l'humanité se laisse crever juste parce que c'est la règle. Ces tueries de masse doivent cesser. » - « Toutes les familles reçoivent l’immunité. » Grâce aux listings, aux journaux de bords et autres documents stockés dans l’immense matière grise du Thunderhead. « Ne pas pouvoir communiquer avec le Thunderhead ne veut pas pour autant dire que nous ne pouvons l’utiliser. » Nous apprenons à chercher nous même ce que nous voulons obtenir. Et lui aussi, si j’en crois mon instinct. Les affaires dont il traite sont des affaires de faucheurs : le Thunderhead n’a pas le droit d’intervenir. « Je suis seul pour les rédiger. Mais vous voyez ces commentaires ? Les gens finiront par se rebeller. Il y a déjà eu des incidents. Vous m'avez trouvé moi. Vous allez aussi trouver les milliers de personnes qui appellent au soulèvement tous les jours sous mes articles ? Même si vous mettez fin à ma vie, il est trop tard. Et ces gens ne sont pas responsables des dérives de vos confrères. » Un sourire presque carnassier étire mes lèvres et je jette échapper un rire. Il est idiot s’il pense que les gens se comportent face à nous de la même façon que derrière leur écran. La mort semble bien plus réelle lorsqu’un faucheur frappe à votre porte, tout d’un coup. Son attitude à lui ne change pas pourtant. Je ne suis pas déçue. « Tu es idiot si tu penses que les gens qui te soutiennent en étant protégés derrière un écran le feraient aussi face à un représentant de la communauté. » Fougueux, mais idiot. Je préfère cela qu’un pleutre savant, le tir peut-être rectifié. « Si je te proposais d’embrasser ma bague en échange d’un an de silence, plus aucun article sur ton pseudo blog pendant tout ce temps, est-ce que tu accepterais ? » L’immunité contre une muselière. Attention jeune homme, il n’y a qu’une bonne réponse à cette question.

« Les règles n’interdisent pas les glanages de masse. » « Mais les règles exigent de respecter la dignité du sélectionné. » Léo n'apprend rien à la faucheuse. Cela, tout le monde le sait autant que le cercle des donneurs de mort. « Toutes les familles reçoivent l’immunité. » « Vous allez me dire que les famille de ce millier de personnes décédées la semaine dernière ont toutes reçu l'immunité quand dans les jours qui suivent, ce même Faucheur a glané des centaines de personnes à un concert ? » Le jeune homme n'y croit pas. Comment un seul faucheur peut-il accomplir un travail si colossal tout seul ? Certes, les faucheurs ont des quotas, mais ils doivent le même traitement à tous. Et selon les calculs de Léo, tout ceci est tout bonnement impossible. Non, certains enfreignent les règles, il ne peut en être autrement. « Ne pas pouvoir communiquer avec le Thunderhead ne veut pas pour autant dire que nous ne pouvons l’utiliser. » Jouer avec les règles, contourner les systèmes... C'est tout cela que Léo reproche aux faucheurs. L'idée même de les imaginer en train d'essayer de regrouper les familles de centaines de défunts en seulement quelques jours lui donne envie de vomir.

« Tu es idiot si tu penses que les gens qui te soutiennent en étant protégés derrière un écran le feraient aussi face à un représentant de la communauté. » « Ils n'ont pas besoin de me soutenir devant vous. Qu'ils le fassent dans l'ombre, qu'ils partagent ce qu'ils savent, c'est suffisant. Pour les générations futures, ça sera suffisant. » Non, le monde n'a pas besoin de révolution éclatante. Ils fondront le monde de l'intérieur et la marche est lancée, inéluctable. A moins que... « Si je te proposais d’embrasser ma bague en échange d’un an de silence, plus aucun article sur ton pseudo blog pendant tout ce temps, est-ce que tu accepterais ? » Léo croise les bras, jaugeant la faucheuse d'un regard neutre mais dans lequel pointe encore un air revanchard. « Vous utilisez le conditionnel. Je refuse. La mort m'importe peu. Je la côtoie depuis toujours. » Depuis enfant, depuis que ses parents ont décidé d'aller courir le monde et d'y semer des enfants, abandonnant leurs progénitures à leur sort. Depuis que ses amis ont été glanés à l'école, tous excepté lui. Depuis qu'il regarde ces vidéos en boucle. Oui, la mort fait partie de la vie de Léo. Et il ne sait pas encore qu'elle en fera encore partie d'une toute autre manière et ce pour un bon moment encore. « Vous seriez déçue. Que j'accepte. C'est trop facile. Et puis, au bout d'un an, vous vous représenterez à ma porte, juste pour réclamer votre dû, comme un préteur mal intentionné. C'est indigne de vos pratiques. » Non, il n'a pas fait des recherches à son sujet - il n'en a pas eu le temps. Il sent cependant que la faucheuse ne mange pas de ce pain là.

« Faites moi une proposition que je serais susceptible d'accepter. Une proposition que vous ne regretterez pas. » Une proposition digne d'elle.

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Raelyn Blackwell & @Léo Ivywreath

« Mais les règles exigent de respecter la dignité du sélectionné. » Je laisse échapper un grognement, avant de secouer la tête. « Tu tueras sans aucun parti pris. Sans sectarisme et sans préméditation. » Tu accorderas une année d’immunité à la famille de ceux qui ont accepté ta venue. Tu tueras la famille de ceux qui t’ont resisté. « Les commandements du faucheur. Il n’est pas question de dignité, comme tu peux le voir. Tout le reste, disons que ce sont des… Consensus. » Moi même je ne pratique pas le glanage de masse. Mais je ne fais pas partie de ceux qui le pointent du doigt pour autant : je suis farouchement éprise de liberté et de libre arbitre. « Vous allez me dire que les familles de ce millier de personnes décédées la semaine dernière ont toutes reçu l'immunité quand dans les jours qui suivent, ce même Faucheur a glané des centaines de personnes à un concert ? » - « Ce sont des accusations graves que tu portes. » Faire de ne serait-ce que sous-entendre que l’un des nôtres a désobéi aux commandements lui vaudrait un glanage expéditif de la part de la plupart de mes confrères. Moi, je suis plus… Modérée. Mais uniquement parce qu’il m’intéresse.

« Ils n'ont pas besoin de me soutenir devant vous. Qu'ils le fassent dans l'ombre, qu'ils partagent ce qu'ils savent, c'est suffisant. Pour les générations futures, ça sera suffisant. » - « Les générations futures… » Je laisse échapper un rire en demie teinte : l’être humain n’apprend plus rien. L’être humain se repose sur le Thunderhead du lever au coucher et se contente de craindre la venue d’un faucheur tout en sachant que les chances d’être glané sont infimes, largement inférieures à la probabilité de mourir d’un accident de voiture à l’ère de la mortalité. « Vous utilisez le conditionnel. Je refuse. La mort m'importe peu. Je la côtoie depuis toujours. » Cette fois-ci mon sourire est franc, affirmé. Je suis satisfaite. Je l’aurais glané sur le champ s’il m’avait donné une réponse digne d’un lâche. « Vous seriez déçue. Que j'accepte. C'est trop facile. Et puis, au bout d'un an, vous vous représenterez à ma porte, juste pour réclamer votre dû, comme un préteur mal intentionné. C'est indigne de vos pratiques. » - « J’aurais été déçue, en effet. Mais je ne t’aurais pas laissé un an. » Il l’a dit : j’ai utilisé le conditionnel. Je n’avais fait aucune promesse à tenir. Il n’aurait jamais posé ses lèvres sur ma bague. « Faites moi une proposition que je serais susceptible d'accepter. Une proposition que vous ne regretterez pas. » - « Ton avenir, tu l’envisages comment ? A rester dans le noir pour écrire des articles sur un monde que tu ne peux pas changer ? » Parce que la communauté est bien plus forte qu’un individu isolé ? « Je n’ai jamais pris d’apprenti. » Le faire n’est pas une obligation. J’ai toujours travaillé seule. « Mais toute règle est faite pour avoir une exception. » Sauf les commandements, évidemment.