Le rhum et la poudre blanche sont les deux compagnons de ma soirée. Les deux seuls en réalité qui sont présents pour moi ce soir. Chaque rire est plus faux que le précédent, chaque verre enivre un peu plus mes sens pour cacher la solitude écrasante. Car même l’alcool n’arrive pas réellement à me leurrer, je suis seul ce soir au milieu de ces gens qui ne sont là que pour les tournées que je paie sans compter, que pour les stories instagram qu’ils pourront poster me montrant parmi eux, que pour la notoriété que j’attire avec moi. Et moi je ris et je bois et ça me permet de ne pas penser à Audrey qui est partie, à mes proches qui me détestent chaque jour un peu plus, à ces soirées qui n’arrivent plus à remplir le vide.
La musique n’est pas assez forte à mon goût, le rhum n’a pas oblitéré mes sens, et je n’ai qu’une hâte disparaître complètement dans le flou de la soirée, mais en cet instant c’est un regard qui m’en empêche. Je suis habitué aux regards. A ceux insistants d’inconnus qui me reconnaissent dans la rue, se demandant si c’est bel et bien moins. A ceux entremêlés de désirs d’inconnus ayant des intentions claires et nettes sur la nuit ou la soirée qu’ils entendent passer avec moi. Par contre je ne suis pas habitué à ce qu’une inconnue me fixe de cette manière dans un bar où j’ai établi mon royaume ce soir. Elle me fixe sans oser venir me parler au point où ma conquête du soir dont j’étais en train d’embrasser le cou commence à me lancer des coups de coude et à me demander qui est cette fille qui me fixe comme si elle allait m’annoncer l’apocalypse. « Sûrement une fan. » j’élude en prenant un autre shot, l’énième de la soirée, mon rire raisonnant dans le bar à une blague de mon voisin. L’autre me fixe toujours sans s’approcher, ma future amante d’une nuit commence à me faire des commentaires de plus insistants au point où je finis par lever les yeux au ciel, me levant, attrapant un cocktail hors de prix qui traîne sur la table avant de me diriger vers la brune à l’autre bout du bar. « Qu’est ce qu’il y a ? » je lui demande en penchant la tête, la vision floue entachée par ce que j’ai déjà bu ce soir.
« Tu veux mon autographe ? » je demande avec un sourire moqueur, le ton un peu pressant, comme si ça pouvait me débarrasser au plus vite de celle qui semble être au mieux une stalkeuse de plus. Peut être que si je prenais le temps d’observer la jeune femme, je me serais souvenu que ce n’est pas la première fois que je l’ai rencontrée. Pire que j’ai déjà travaillé avec elle et pas qu’une fois. Pire encore, mes doigts ont déjà parcouru sa peau nue, mes lèvres ont déjà effleuré les siennes et ce soir je n’en ai aucun souvenir en cet instant présent. Je pourrais vous dire que c’est la pénombre du bar, le barman vous dira que c’était sans doute la quantité astronomique d’alcool ingurgitée ce soir-là et la poudre blanche qu’il m’a vu prendre pas beaucoup plus tôt. Tout ce que je sais en cet instant c’est qu’en réalité je n’en ai pas grand-chose à cirer de cette inconnue plantée devant moi avec un ventre rond. Inconnue qui est bien ronde d’ailleurs. Enceinte ou bien elle a trop forcé sur les burgers au choix. Ce n’est pas moi qui m’y connais en femmes enceintes, ça ne m’intéresse pas, de toute façon qu’est-ce qu’une femme attendant un môme ferait dans un bar à cette heure. Je bois une gorgée de mon verre pour chasser l’ennui que me procure déjà cette conversation. J’espère qu’elle se sera reconnaissante, après tout je prends du temps de ma soirée pour passer quelques minutes avec elle.
Janvier 2021. Elle le guette depuis de longues minutes maintenant. Zoya est sûre d’elle mais quand elle le voit entourée de ses groupies et ses faux amis qui ne sont là que par intérêt, elle préfère prendre le temps. Ce n’est pas dans ses habitudes pourtant, elle va droit au but en temps normal, bien trop téméraire pour penser aux conséquences de ses actes. Cependant, dans ce cas précis, elle fait preuve de plus de prudence parce que cela est bien trop important. Elle a décidé de lui annoncer ce soir, de lui dire que dans ce ventre bien arrondi qu’elle arbore, maintenant qu’elle arrive à son huitième mois de grossesse, il s’agit de son enfant. Du leur, celui qu’ils ont conçu imprudemment lors de leur unique nuit passée ensemble. De ses yeux bleus, elle s’en souvient comme si c’était hier. Ce n’était pas la première fois que leur chemin se croisait, Zoya a déjà travaillé à plusieurs reprises avec Freddy Mulligan. Cet acteur qui a été en tête d’affiches de nombreuses séries et films à succès et qu’elle a pris un nombre incalculable de fois en photos. Elle n’a jamais cédé à son charme indéniable qu’il possède mais ce soir de mai, alors qu’ils se retrouvent après une journée éreintante de tournage dans ce bar à Rome, Zoya s’est laissée séduire. Dire que ce n’est que la faute de l’acteur serait gonflée de sa part quand elle a inévitablement joué un rôle actif pour qu’ils terminent dans le même lit. Les verres d’alcool se sont enchaînés, les éclats de rire aussi jusqu’à ce qu’elle le suive dans sa chambre d’hôtel. Ils n’ont pas fermé l’œil de la nuit et certainement pas parce qu’ils se faisaient la discussion. Ils n’ont jamais remis le couvert et ce soir, quand elle l’observe, il y a une certaine amertume. Celle liée au fait qu’il soit celui qui est réussi à la mettre enceinte alors qu’elle n’est pas censée pouvoir avoir d’enfants. Elle a fait le choix de le garder parce qu’elle a vu là sa peut-être unique chance d’en avoir un. Et si finalement, elle pourrait aussi bien le remercier, c’est surtout parce que cette opportunité est arrivée bien trop tôt, elle qui ne se sent pas l’étoffe d’une mère alors que l’échéance arrive à grand pas, qu’elle ne le fera pas.
Son regard est sûrement trop insistant parce que le futur père arrive vers elle d’un pas décidé, avec son cocktail à la main. Une femme enceinte dans un bar, plus d’un ont été étonnés, elle l’a senti aux nombreux regards qui se sont posés sur elle à son passage alors qu’elle entrait dans le bar. Cela doit sûrement intriguer Freddy également, peut-être même qu’en approchant, en voyant qu’elle est enceinte, il sera étonné. Zoya prend une profonde inspiration avant qu’il n’arrive à sa hauteur « Qu’est-ce qu’il y a ? ». Elle est quelque peu surprise du ton qu’il emploi, même s’ils n’ont jamais eu de lien particulier, hormis le futur à venir et ce one night stand, il a toujours été poli avec elle. « Tu veux mon autographe ? ». A ça, elle pouffe légèrement de rire, ses épaules se levant en même temps avant de se rabaisser aussitôt « Bonsoir à toi aussi, Freddy ». Elle attrape alors son soda, à défaut de pouvoir boire un cocktail elle aussi, qui lui serait pourtant d’une très grande aide à cet instant même « Je n’ai pas besoin de ton autographe » tu as déjà suffisamment laissé ton empreinte, bien plus que tu ne le penses même, pourrait-t-elle ajouter. Là encore, elle l’aurait fait en temps normal, la retenue n’étant pas son genre. Mais l’annonce est délicate, et même si ça lui brûle les lèvres, elle reste prudente. Elle ne veut pas faire d’erreur et si elle semble quelque peu décontractée, il n’en est rien en son for intérieur. Elle est paniquée, un nœud vient même à se former dans son estomac. Zoya dépose son verre délicatement sur le comptoir et quand elle voit l’indifférence et l’air ennuyé qu’il adopte, un sourcil s’arque à nouveau sur son visage « Tu te souviens de moi au moins j’espère ? ». Déjà que l’annonce ne sera pas des plus aisée, il ne manquerait plus qu’il ne se souvienne plus d’elle. Zoya ne manquera pas sûrement de mal le prendre et alors que son regard est à nouveau insistant sur le jeune homme dont elle attend une réponse, sa main vient se poser sur son ventre arrondi, sentant un coup donné par le petit être qu’elle abrite.
« Bonsoir à toi aussi, Freddy ». Ce n’est pas étonnant que la jeune femme connaisse mon prénom. Après tout mon nom en Australie est de plus en plus connu. Je n’en suis pas surpris, après tout elle me fixe depuis une demi-heure et cela ne doit pas être pour rien. Je me contente de lui sourire, la vision trouble, un peu trop alcoolisée. J’observe l’inconnue prendre son verre qui a la couleur ennuyeuse d’un soda. Cette femme agit comme si elle me connait et pourtant je suis persuadé que ça doit être la première fois que je la vois. En vérité j’y accorde peu d’importance, n’ayant qu’une envie qu’elle quitte mon champ de vision pour que je puisse retourner embrasser Kate, la jolie rousse de ma table sans qu’elle ne soit distraite par le regard insistant d’une stalkeuse. « Je n'ai pas besoin de ton autographe. ». J'hausse les épaules, tant pis pour elle, ça se revendrait sûrement très cher sur internet.
« Tu te souviens de moi au moins j’espère ? » J’hausse les sourcils, tentant de me concentrer sur son visage, sur ses traits, sur la couleur de ses cheveux ou de ses yeux. Elle ne serait pas la première à prétendre me connaître. Elle ne serait pas non plus la première que j’ai oublié. Sûrement une fan qui a cru que je lui ai accordé une quelconque importance. Pourtant, elle me dit quelque chose sans que je n’arrive à mettre le doigt dessus. Comme une sensation de déjà vu, comme le souvenir de sa peau, mais aussi le souvenir plus sobre de photographies. Je chasse la pensée de mon esprit. Cela ne peut être qu’une sensation de déjà vu et non quelqu’un avec qui j’ai passé la nuit, encore moins quelqu’un avec qui j’ai déjà travaillé. Je m’en souviendrais après tout non ? Ou peut-être qu’en cet instant je suis bien trop perdu pour me souvenir de quoique ce soit, bien décidé à me noyer ce soir comme tous les soirs précédents jusqu’à ce que j’en oublie mon nom et tous les actes que j’ai pu commettre depuis le début du mois.
« J’devrais ? » je lui adresse un sourire un peu odieux avant de boire une longue gorgée de mon verre, oscillant sur mes pieds, le regard clairement loin. « Oh non, tu crois qu’on se connait c’est ça ? Sweetheart, on a peut être déjà pris une photo ensemble mais je me souviens pas de tous mes fans…. » je lui adresse presque un regard désolé avant de m’appuyer sur le comptoir du bar pour garder l’équilibre. Elle est enceinte, j’ai fini par en être sûr, la forme de son ventre trop arrondi et la main qu’elle pose sur celui-ci et son regard trop insistant me donne un mauvais pressentiment que j’aurais peut-être écouté si je n’étais pas déconcentré par la terrible envie de reprendre un nouveau verre, de disparaître dans la nuit et de me concentrer sur ma conquête de ce soir. Je ne souhaite aucune conversation sérieuse qui pourrait me ramener à la réalité. A cette réalité où en cet instant je ne vaux pas mieux qu’un type complètement ivre, perdu dans une vie qu’il cherche à oublier, prétendant que tout va bien, quand chaque faux sourire le ramène à sa solitude. Cette fille en face de moi me ramène un peu trop à la réalité, m’amène des souvenirs que j’efface d’une pensée. Je regarde son ventre arrondi qui me met à l’aise, la jugeant ouvertement du regard. « T’es sûr que tu devrais être là ? Tu sais avec ton… » je pointe son ventre d’un geste flou. « Ton truc là ? » Apparemment la simple mention d’un bébé semble me mettre mal à l’aise et il n’est même pas encore sorti du ventre de son mère. « Tu casses un peu l’ambiance. Mon ambiance. » je jette un regard appuyé à la jolie rousse au regard hypocrite.
Janvier 2021. « J’devrais ? ». Il adopte un air qu’elle ne lui connaissait pas, celui de l’homme indifférent et hautain. Dans ce milieu, cela ne devrait même pas la surprendre, elle en a rencontré des personnes odieuses de la sorte, hommes ou femmes, qui l’ont prise de haut parce qu’elle n’était qu’une simple photographe sur le plateau de tournage. Elle s’en fichait pas mal d’ailleurs de ces personnes qui la snobait, elle ne leur prêtait que peu d’attentions, loin de vouloir se prendre la tête avec des gens qui n’en valait pas la peine. Mais ce soir, c’est différent. Venant de lui, c’est nouveau et inattendu. Parce que, la dernière fois qu’ils se sont croisés, et toutes les fois d’avant sur les plateaux de tournage, il avait été charmant avec elle. Bien plus même puisqu’il avait réussi à l’avoir dans son lit. Mais là, elle découvre une personne différente et son sourcil s’arque alors qu’il ne semble définitivement pas la reconnaitre. « Oh non, tu crois qu’on se connait c’est ça ? Sweetheart, on a peut-être déjà pris une photo ensemble mais je me souviens pas de tous mes fans… ». Woua, la voilà mise au rang de groupie maintenant. Les sourcils de la jeune femme se soulèvent à l’unisson et son regard s’assombrit soudain. Elle l’observe et lorsqu’il semble avoir du mal à tenir l’équilibre, elle comprend. Zoya comprend qu’il n’est pas dans son état normal et qu’il a sûrement un coup de trop, voire plusieurs, dans le nez, ce qui explique que son cerveau n’est pas capable de réfléchir correctement. Ça ne pardonne pas pour autant son comportement, ça refroidit même la jeune femme qui était venu dans un but précis : lui dire la vérité. Lui avouer qu’il allait devenir père d’ici un mois et qu’il allait devoir prendre ses responsabilités tout comme elle allait devoir le faire. « Je ne suis pas une groupie, Mulligan, j’en ai rien à faire de ta notoriété ». Si elle a couché avec lui, ce n’est pas parce que c’était un acteur connu. Si elle a couché avec c’est parce qu’elle a succombé à son charme, peut-être répondant aussi à une pulsion soudaine, l’alcool ayant sûrement aidé aussi même si, sans, elle ne lui aurait certainement pas cracher dessus. Mais quoi qu’elle dise, elle n’est pas certaine que cela aidera à rafraichir la mémoire à Freddy et quand elle voit le regard qu’il lui jette, dédaigneux, surtout en prenant conscience de son ventre arrondi, elle baisse davantage les bras « T’es sûre que tu devrais être là ? Tu sais avec ton… » Le regard de Zoya vient à se planter dans celui de Freddy alors qu’elle a toujours sa main sur son ventre, le caressant doucement, comme si elle cherchait à le protéger « Ton truc là ? ». Elle écarquille alors les yeux quand il parle de truc en désignant ce qui s’avère être leur enfant. « Truc… » elle répète alors dans un murmure sans pour autant le lâcher du regard « Tu casses un peu l’ambiance. Mon ambiance ». Son impulsivité vient à prendre le dessus, agrémentée par les hormones qui font des siennes, Zoya attrape son verre de soda et lui balance à la figure « Je casse ton ambiance, Freddy ? Vraiment ? » et la mienne alors, pauvre con, a-t-elle envie de lui dire en désignant son ventre, parce que, cette ambiance qu’elle lui casse à cause de son truc, c’est de sa faute puisqu’il est autant fautif qu’elle dans l’histoire. « Tu veux vraiment voir ce que c’est que de casser ton ambiance ? ». Ça la démange. Ça la démange de balancer devant tout le monde que ce truc dont il parle est en fait son gosse ! Le sien après un one night stand avec la photographe. Mais elle se retient. A défaut, elle remarque la petite rousse au loin, avec qui il semblait passer du bon temps. Elle se dirige alors d’un pas décidé vers elle, s’exprimant suffisamment fort pour que tout le monde entende « Je serai toi, fuis avant de te laisser embarquer dans son lit. Tu risques d’amèrement le regretter ». Elle tourne son regard vers Freddy derrière elle avant d’ajouter « Et puis, il couche de droite à gauche, et avec n’importe qui, c’est pas safe ». Sa phrase est à double sens, elle n'en ajoutera pas plus. Zoya s’apprête à tourner les talons, ce qu’elle fait à moitié, puis se ravise, l’index en l’air « Dernière chose : c’est un très mauvais coup ». Les regards sont braqués sur elle, les gens ne comprenant certainement pas ce que cette jeune femme, enceinte jusqu’au cou, peut bien faire ici mais ça lui est bien égal. Elle s’approche à nouveau de Freddy « Là, au moins tu peux dire que j’ai cassé ton ambiance ». Il y a un sourire narquois qui se dessine au bout de ses lèvres, satisfaite de son coup, qu’il ait fonctionné ou non auprès de la rousse restée muette. « Tu as raison, je ne devrais pas être là, avec mon truc. C’était une mauvaise idée ». Elle le bouscule alors de son épaule, son équilibre pathétique, comme lui en général, prête à partir.
Il y a un monde entre la personne que je suis sur mes tournages et celle que je suis ce soir. A la dérive, noyé dans l’alcool et dans les drogues qu’on m’a filé le temps d’une soirée, comme dans l’espoir que ça efface le vide que je ressens. Non à défaut d’avoir effacer le vide, j’ai effacé toute once de lucidité et la mémoire qui va avec. Sinon peut être que je regarderais à deux fois le visage de la femme en face de moi. Je me rappellerais qu’on a travaillé ensemble et que je m’entendais bien jusqu’ici avec elle mais surtout je me souviendrais peut-être de notre nuit alcoolisée.
« Je ne suis pas une groupie, Mulligan, j’en ai rien à faire de ta notoriété ». Bien sûr cela me fait rire, alors je titube, me redressant péniblement. « Qu’est ce que tu fais là alors ? A me fixer comme si j’avais piqué tes bonbons ? »
C’est cette main qu’elle pose sur son ventre d’un air protecteur qui me rend terriblement mal à l’aise, comme un oiseau de mauvaise augure et la promesse d’un avenir bien différent. Truc est le mot que j’emploie parce qu’apparemment le ventre arrondi d’une femme enceinte est assez pour me donner envie de gerber et de m’enfuir en courant. Pas que je pense que ça ait quoique ce soit avoir avec moi. Ca n’a aucune raison d’avoir quoique ce soit avoir avec moi. « Truc… » qu’elle répète et je me demande si elle n’est pas à moitié sourde. J’ai à peine le temps de finir ma phrase que la femme a attrapé son verre de soda et me l’a balancé en pleine figure me faisant reculer, dégoulinant de liquide collant. « T’es sérieuse ?! Pour qui tu te prends ?! » je crache, m’essuyant le visage qui dégouline d’alcool, posant mon cocktail sur le bar. « Je casse ton ambiance, Freddy ? Vraiment ? » « C’est quoi ton problème ? » que je lance en me demandant si c’est encore une fan avec un énième problème au cerveau qui l’empêche de bien réfléchir en ma présence. Ou peut-être que ce sont les hormones au choix. « Tu veux vraiment voir ce que c’est que de casser ton ambiance ? » « Mais je t’en prie princesse, j’adore me prendre des verres de soda à la gueule mais la prochaine fois rajoute un peu de rhum s’il te plait ! » je susurre venimeux avant d’attraper une serviette en papier que le barman me tend d’un air interrogateur. Mais c’est que la brune ne semble pas terminé et se dirige vers la jolie rousse qui me tenait compagnie. Oh non, je sens les ennuis arriver à pleine vitesse. « Je serai toi, fuis avant de te laisser embarquer dans son lit. Tu risques d’amèrement le regretter. Et puis, il couche de droite à gauche, et avec n’importe qui, c’est pas safe. » C’est qu’elle n’est pas sérieuse la petite brune ? Je m’approche, une flamme de colère dans le regard, mais elle a encore du venin à cracher. « Dernière chose : c’est un très mauvais coup ». Je n’en crois pas mes oreilles, et je suis partagé entre l’envie de rire et l’envie de m’énerver. Je me contente de finir mon verre cul sec avant de m’approcher. « Si j’avais couché avec une cinglée dans ton genre, je m’en souviendrais. » Je lui adresse un magnifique sourire alors qu’elle s’approche de nouveau vers moi. « Là, au moins tu peux dire que j’ai cassé ton ambiance » La remarque a le mérite de m’arracher un rire, un rire tout sauf joyeux cette fois. La soirée avait pourtant bien commencé. J’avais presque réussi à oublier ces derniers jours merdiques. Je pourrais en avoir quelque chose à foutre si je tenais à quelqu’un ici, mais je suis bien trop loin pour penser à l’écho que cette soirée pourrait avoir ailleurs, dans la presse ou parmi les gens que je connais. « T’as jamais pensé à devenir actrice ? Les dramaqueen dans ton genre ils adorent. » Je ris une nouvelle fois, chaque parcelle de ma peau bien trop collante à mon goût et lorsqu’elle me bouscule, je manque de tomber à la renverse. « Tu as raison, je ne devrais pas être là, avec mon truc. C’était une mauvaise idée » Je ne comprends pas sa présence ici, encore moins de quoi elle part, sans même envisager que c’était moi qu’elle cherchait à voir et moi que ce ventre rond concerne. Ca ne me vient même pas à l’esprit tout simplement parce que c’est complètement inenvisageable à mes yeux. « Ouais va te trouver une vie, ou sinon va trouver le père de ton gamin, tu sais histoire de te détendre, t’as l’air d’en avoir besoin. » je lance sans la regarder, avec un sourire condescendant. Je ne sais pas qui a eu le malheur de mettre en cloque la pauvre fille mais je plains le type qui devra la gérer.
Janvier 2021. Elle ne lui dira rien ce soir. Ni un autre soir. Elle ne lui dira rien. Jamais. Parce que cet homme ne mérite pas sa place de père auprès de leur enfant, parce que cet homme est pathétique et qu’elle se demande comment elle a pu se faire avoir de la sorte. Elle se demande comment elle a pu se laisser séduire par ce « beau » parleur, qui désormais la snobe et prétend ne pas la reconnaitre. Enfin, "prétend", c’est peut-être ça le pire au final, c’est qu’il ne prétend même pas. Bien trop habitué à avoir une pléthore de nénettes dans son lit, au point de les oublier toutes les unes après les autres dès l’instant où elles ont passé le pas de la porte. Zoya aurait simplement aimé qu’il se souvienne d’elle, même pas par principe, mais parce qu’elle avait quelque chose d’important à lui dire. L’échéance approchée à grands pas et elle se disait qu’il méritait de savoir. Il méritait sa place auprès de leur enfant, même si elle n’attendait rien de lui en particulier. Mais, elle se rendait compte qu’il ne le méritait tout simplement pas, homme enfant incapable d’être responsable de sa propre personne, qui sera tout bonnement incapable d’être responsable d’un enfant. « Qu’est-ce que tu fais là alors ? A me fixer comme si j’avais piqué tes bonbons ? » Il la tente pourtant, lui tend des perches qu’elle serait prête à saisir pour lui balancer cette nouvelle en pleine tronche. Le mettre devant le fait accompli serait aussi amplement mérité, devant sa bande de potes qui se marrent en les regardant , pour le faire fermer sa bouche en cœur une bonne fois pour toute. Mais pour protéger ce petit être en elle, elle ne le fera pas.
Il dépasse les bornes, le verre de soda arrose son visage quand il ose dire truc en désignant son ventre arrondi. « T’es sérieuse ?! Pour qui tu te prends ?! ». Il est en colère, elle l’est tout autant, son regard s’étant obscurci sévèrement. Au point que lorsqu’il ose lui dire qu’elle casse son ambiance, elle compte bien lui montrer ce qu’elle est capable de faire pour vraiment ruiner sa soirée « C’est quoi ton problème » « Toi » lâche-t-elle du tac au tac avant de s’approcher et de le défier en lui demandant s’il veut vraiment voir à quel point elle est capable de casser sa précieuse ambiance « Mais je t’en prie princesse, j’adore me prendre des verres de soda à la gueule mais la prochaine fois rajoute un peu de rhum s’il te plait ! ». Il l’écœure et si elle pourrait se contenter de tourner les talons et quitter le bar, elle se dirige vers la rousse qui lui tenait compagnie et vient à cracher son venin à l’encontre de Freddy. « Si j’avais couché avec une cinglée dans ton genre, je m’en souviendrais ». « Je ne l’ai pas été assez, faut croire » fait-t-elle alors qu’elle s’approche à nouveau de lui. « T’as jamais pensé à devenir actrice ? Les dramaqueen dans ton genre ils adorent ». Zoya préfère ignorer sa remarque, ce monde n’étant définitivement pas le sien, celui des faux semblants, bien qu’elle ait pu participer à des soirées de la sorte, pour le délire. Mais jamais au point de se prendre au sérieux et quand elle voit l’état de Freddy, elle ne voit pas comment elle pourrait compter sur lui pour élever leur enfant.
Elle se rend donc à l’évidence, lui donne raison à propos de sa présence et finit par tourner les talons « Ouais va te trouver une vie, ou sinon va trouver le père de ton gamin, tu sais histoire de te détendre, t’as l’air d’en avoir besoin ». Zoya se stoppe alors, sent une colère soudaine montée en elle, ses poings se serrant, enfonçant ses ongles dans sa chair, prête à se retourner et lui balancer la vérité. Mais elle se mordra la langue à la place et se contentera de lui faire un doigt d’honneur avant de s’éclipser définitivement des lieux.