smile is the beauty of a soul.

@ZOYA LEWIS & RORY

Elle insistait depuis de longues minutes, Zoya, et le regard de Rory s'attendrissait à mesure que son amie tentait de le convaincre que oui, il avait grand besoin de faire ses valises sur un coup de tête et de prendre le large quelques jours. Et aussi têtu soit-il parfois, Rory savait bien qu'elle avait raison. Qu'elle voulait son bien, surtout, là où lui était incapable d'y penser en premier lieu. Rester cloîtré chez lui en attendant que l'affaire Byers se calme un peu, le tout en étant constamment confronté au souvenir de Swann et à l'idée de plus en plus douloureuse qu'il ne rentrerait ni ce soir ni les suivants, tout ça ne l'aidait probablement en rien à guérir et à avancer, quand bien même ça restait plus facile que d'affronter l'extérieur. Son monde avait implosé, celui qu'il aimait plus que tout avait mis fin à leur relation, et Penny allait inévitablement mal sans qu'il ne se sente à même d'arranger les choses. Certains jours le seul fait de voir la vie suivre son court lui était insupportable. Mais Zoya, elle, n'avait toujours pas décidé de laisser tomber malgré ses réticences. Elle restait là pour lui, trouvait tous les arguments possibles pour qu'il accepte de faire ce voyage, et qu'il le montre ou non Rory en était profondément touché. « Tu t'es trompée de vocation, en fait c'est toi qui devrais songer à une reconversion dans le Cinéma. » Son sourire amusé était pourtant la preuve qu'aussi exagérées soient peut être ses tentatives pour le convaincre, elles fonctionnaient à merveille pour lui changer les idées. « Zoya, tu sais que je t'adore et que j'apprécie vraiment tout ce que tu fais pour moi... » Le ton de sa voix s'adoucit et laissa supposer qu'un mais ne tarderait pas à se glisser au milieu de son argumentaire, lequel viendrait avancer toutes les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas partir. Sans qu'aucune ne soit évidemment valable, encore moins maintenant qu'il n'avait plus le moindre projet et se retrouvait en prime avec le cœur brisé. Autrement dit, plus grand chose ne le retenait à Brisbane si ce n'est le poids au fond de son cœur. « Bon... J'imagine que quoi que je puisse dire tu laisseras pas tomber. » Il la connaissait trop bien pour le savoir. Et ça n'était qu'une des innombrables raisons pour lesquelles ils étaient aussi inséparables tous les deux, Rory n'étant que trop conscient de la chance inouïe qu'il avait, alors que quand il était tenté de se laisser abattre Zoya faisait toujours preuve d'assez d'enthousiasme pour deux. « Et puis je suppose que souffler n'a jamais tué personne et que ça pourra pas me faire de mal de changer un peu d'air... » Il haussa les épaules, rapidement témoin du sourire s'étirant peu à peu sur le visage de la jeune femme. « Mais je le fais pour toi, pas pour en mettre plein la vue aux directeurs de castings. C'est pas comme si je risquais de rapidement retrouver du boulot, de toute façon. » Il suffisait de lire les articles à son sujet, de voir comme ces journalistes appréciaient de le faire passer pour un être impulsif et violent. Au moins Zoya lui faisait oublier tout ça, le regard de Rory s'adoucissant de la voir s'agiter à préparer leurs bagages.

Des bagages qui trouvèrent rapidement place à l'arrière du uber les conduisant droit à l'aéroport, sans que Rory ne sache encore rien du voyage qui se profilait. « Je t'ai suivi sans même avoir la moindre idée de ce qui nous attend. J'ai toute confiance en toi. » Et ça n'était même pas par dépit, mais parce qu'il se fiait à Zoya plus qu'il ne se fiait à lui-même – après tout, son programme des prochains jours se résumait à déprimer sur son canapé en attendant d'avoir un peu moins mal. Quoi que son amie ait précisément en tête, il savait qu'il avait fait le plus dur en se laissant convaincre et que le reste ne pourrait être qu'une bonne surprise. Et le mot ne pourrait pas être mieux choisi à entendre la jeune femme, qui visiblement préférait laisser le hasard décider de leur destination. « Oh ? » C'était du Zoya tout craché, et c'est pour ça qu'il était bien décidé à la suivre quoi que le sort décide. « Au moins nos deux options font autant envie l'une que l'autre. Je me disais bien que nos bagages étaient légers. » Ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait fait le plein de pulls et de manteaux, bien superflus lorsqu'on partait au soleil. Et parce qu'entre le paradis et le paradis son cœur aurait de toute façon balancé, Rory était bien content qu'une pièce se charge de choisir entre ces deux destinations. La pièce lancée, le résultat ne tarda pas à se faire connaître et le regard de l'acteur à s'éclairer. « On dirait qu'on va passer les prochains jours aux Îles Fidji. » Et il souriait, Rory, plus qu'il n'avait probablement souri ces dernières semaines et parce qu'enfin il semblait voir ce voyage comme ce qu'il était : un moyen de cesser pour quelques jours de ruminer ses problèmes. Ça ne réglerait pas tout, mais c'était au moins l'occasion de s'aérer l'esprit. Laisser ses soucis derrière lui et laisser ce voyage lui changer les idées ne serait vraiment possible que grâce à la présence de Zoya, véritable rayon de soleil dont un seul sourire savait toujours chasser sa peine.

***

« On a eu de la chance que des places se libèrent au dernier moment. » Ils savaient en s'approchant du guichet pour procéder à leur enregistrement qu'ils auraient une chance sur deux d'arriver facilement à acheter leurs billets en décidant de la destination à la dernière minute, raison pour laquelle ils s'étaient préparés à devoir négocier à l'aide de leurs plus beaux sourires. Mais tout s'était finalement passé sans encombre et le dépaysement était officiellement à un peu plus de trois heures de vol d'ici. « On a presque deux heures devant nous. Tu veux faire un tour à la boutique duty-free ? Aller prendre un café ? Promis, j'en profiterai pas pour me sauver. » Il avait accepté de venir et ne reviendrait pas sur ses paroles, Zoya n'avait rien à craindre. Il s'était peut être fait quelques peu désirer mais Rory comptait bien profiter du voyage pour la remercier pour tout ce qu'elle faisait pour lui et d'être toujours une amie aussi dévouée et compréhensive. Il lui devait beaucoup, et il en était une nouvelle fois conscient.

smile is the beauty of a soul.

@ZOYA LEWIS & RORY

Tenter de marchander avec Zoya serait bien inutile, ça Rory le savait bien. Tout comme il savait que si son amie déployait autant d'énergie à vouloir lui faire changer d'air, c'est uniquement parce qu'elle se souciait de lui. Elle le voyait dépérir depuis déjà plusieurs semaines, ne quitter son loft que lorsqu'il y était obligé, à la fois paralysé à l'idée de trouver une horde de journalistes devant sa porte et incapable de cacher tout ce qui à l'heure actuelle n'allait pas dans sa vie derrière des sourires. Lui que ses amis avaient l'habitude de voir tout prendre du bon coté, lui qui ne se laissait jamais abattre n'avait subitement plus la force de prétendre et de dire aux autres ce qu'ils avaient envie d'entendre. Il n'allait pas bien, sa vie ressemblait à un champ de mine et si sa carrière alimentait la plupart des conversations, c'était son cœur qui en réalité avait été le plus durement touché. L'ironie voulait qu'il se rende vraiment compte d'à quel point Swann et lui avaient vécu leur amour dans le plus grand secret maintenant qu'il ne pouvait pas montrer sa tristesse même à certains de ses plus proches amis. Zoya, elle, avait compris sans même qu'il n'ait vraiment à lui dire les choses. Naturellement, elle avait perçu que son chagrin n'était pas celui d'un homme qu'on accusait publiquement d'être un être jaloux et violent. Parce qu'elle le connaissait trop bien pour qu'il ait même tenté de la détromper : ça ne changerait rien au fait qu'il avait perdu celui qu'il aimait et n'avait pas la moindre idée de ce qu'il allait devenir maintenant. Le meilleur service qu'il puisse alors probablement se rendre était de ne pas lutter et de faire confiance à Zoya, non seulement parce qu'il la suivrait n'importe où sans même poser de questions mais aussi parce qu'il en avait besoin – quoi qu'il s'entête à prétendre. « Non, c'est vrai. Mais tu m'avais encore jamais kidnappé non plus, et pourtant... » Un fin rictus étira le coin de ses lèvres. « Okay, je plaisante. » Il l'avait suivi de son plein gré et personne n'irait de toute façon croire le contraire à voir leurs deux gabarits. Zoya était peut être la détermination et la ruse incarnées mais elle aurait certainement eu besoin de lui faire ingérer quelques sédatifs pour avoir une chance d'avoir le dessus sur lui. Non pas qu'elle risquait de toute façon de rencontrer ce genre de problème avec lui : Rory lui faisait bien trop confiance pour croire qu'il aurait le moindre intérêt à ne pas la suivre quand Zoya était aussi déterminée à lui remonter le moral. Quitte à ce que les prochaines semaines soient aussi compliquées, au moins serait-il bien entouré les jours où aller de l'avant lui paraîtrait insurmontable. Et puis, troquer le soleil pour le soleil n'était pas un compromis trop dur à faire : le beau temps finirait bien par avoir des effets positifs sur son moral. « Tu m'aurais nargué sur instagram et j'aurais pris le premier avion pour te rejoindre. » Et la pièce lancée par Zoya retomba sur son coté pile, officialisant leur destination comme étant les Îles Fidji. Pas le pire endroit où prendre de courtes vacances, plus encore quand on ruminait autant que Rory pouvait le faire. Et parce qu'il ne l'avait pas suivie jusqu'ici pour changer d'avis maintenant, il aurait sûrement à prévenir son frère et ses sœurs qu'il raterait le prochain déjeuner familial. Non pas qu'il aurait su quoi leur dire s'ils avaient pris de ses nouvelles, de toute façon.

***

Leurs billets en main, les deux amis n'avaient maintenant plus qu'à tuer le temps jusqu'à l'embarquement. « T'étais prête à faire du charme aux agents pour que ce voyage se fasse, avoue. » Il glissa d'un air amusé, songeant qu'il l'aurait probablement laissé faire avec plaisir à défaut d'avoir eu le cœur à s'occuper de cette partie des négociations. Le sien était encore bien trop ébranlé pour qu'il ait ne serait-ce qu'envie de se livrer au plus petit jeu de séduction qui soit. « Je m'apprête à partir aux Îles Fidji avec une de mes meilleurs amis, tu crois que j'oserais me défiler ? » Il ne prétendrait pas que l'idée ne l'avait pas effleuré une ou deux fois – peut être trois – pendant le trajet en taxi, mais à présent il n'avait plus l'intention de reculer. « Mon canapé et moi, je crois qu'on s'est assez vus ces derniers temps. » Et cette idée lui arracha une grimace. Il avait passé tant de temps enfermé à surveiller l'écran de son téléphone comme s'il avait la moindre chance d'intercepter un message de Swann qu'il avait sans doute laissé son frigo se vider certaines semaines sans même penser à aller le remplir. C'était le plus souvent Wendy qui s'était assurée qu'il ne meurt pas de faim. « Le sucre, en revanche... » A présent occupés à arpenter les rayons de la boutique de souvenirs, Zoya et Rory étaient tentés d'acheter tout ce qu'il pouvait y avoir de déraisonnable, à commencer par ce paquet de bonbons. C'était des vacances, après tout. « Chocolat. » Il appuya d'un hochement de tête. On disait bien qu'il dopait les hormones du bonheur, ce qui aurait peut être pour mérite de faciliter la tâche à Zoya lorsqu'elle tenterait de lui changer les idées. Et si l'alcool attendrait qu'ils soient sur place, rien ne les empêchait en attendant d'en consommer un verre – ou deux. Rory suivit la brune lorsque celle-ci accosta un homme qui proposait une dégustation à l'entrée de la boutique. Curieux, Rory fut surtout surpris d'entendre Zoya le présenter comme son mari et dut contenir le léger embarras qui valut à ses joues de se colorer légèrement. Non pas qu'il y ait quoi que ce soit de déplaisant à être présenté comme l'époux d'une jeune femme aussi ravissante – il serait la dernière personne à hésiter au moment de dresser la liste de toutes ses qualités – mais ce détail l'avait légèrement pris de court. « Oh, euh, merci. » Il se saisit de son verre et vint trinquer avec Zoya, ses lèvres s'étirant cette fois dans un sourire moins pincé. « Ma ravissante femme est une connaisseuse. » Et lui peinait peut être encore à être crédible dans ce rôle aussi peu de temps après sa rupture, mais il faisait de son mieux pour retrouver ses automatismes. Un rôle comme un autre, après tout. « Ce scotch est excellent. Tu as bien fait d'insister pour qu'on le goûte, chérie. » Le regard complice qu'il adressa à la brune eut au moins tout de sincère : il n'était peut être pas aussi à l'aise qu'il l'aurait été dans d'autres circonstances, mais elle tentait de lui changer les idées et il lui en était une nouvelle fois très reconnaissant. Finissant par s'éloigner avec elle, il lui souffla. « J'ai l'impression qu'il n'y a vu que du feu, il a même pas du voir qu'on portait pas d'alliances. » Il serait tenté de dire que c'était probablement parce que l'homme était trop occupé à sourire à Zoya, mais il n'avait pas le moindre doute sur le fait qu'elle avait du le remarquer. « Il a du penser qu'on partait en voyage de noces. » Une pensée qui lui serra le cœur au moment où il énonça ces mots tout haut. Certaines choses vous faisaient ressasser des souvenirs qui avaient le don de vous rendre plus triste encore que vous ne l'étiez déjà, raison pour laquelle il retrouva un ton plus léger. « Au fait, j'ai changé d'avis, finalement je suis partant pour jouer les modèles si ta proposition de refaire mon book tient toujours. » Il lui glissa un regard amusé. « Comme ça on me donnera que des rôles de surfeurs superficiels et peut être que la presse arrêtera de s'intéresser à moi pour un moment. » Ha, ha. Si sa carrière se relevait un jour de l'affaire Byers, bien sûr, mais Zoya n'accepterait sûrement pas qu'il se montre pessimiste à quelques heures du grand départ. « Tu peux encore renoncer si t'as peur de te retrouver seule avec un type déprimé qui sera sûrement pas d'une compagnie très joyeuse, tu sais. » Cette fois, il était plus sérieux, et ça n'était même pas une manière de se défiler. Juste une manière de lui dire t'es pas obligée de faire tout ça pour moi, Zoya, parce que je suis même pas sûr de le mériter.

smile is the beauty of a soul.

@ZOYA LEWIS & RORY

Ils partiraient pour les Îles Fidji, et cette fois ni les états d'âmes de Rory ni un quelconque souci de disponibilité de places ne les en empêcherait. L'univers semblait avoir bien compris que rien ni personne ne pourrait se dresser entre ce voyage et eux, et Zoya n'aurait pas à avoir recourt à des moyens extrêmes. « J’aurai été capable de m’allonger sur le tarmac devant l’avion pour qu’ils ne décollent pas sans nous, tu veux dire. » L'image à elle seule suffit à lui tirer un rire attendri : c'était du Zoya tout craché et il n'avait étrangement aucun mal à l'imaginer dans pareille situation. « Et j'aurais payé ta caution lorsque les flics t'auraient embarqué. Pas sûr qu'ils nous auraient laissé partir après ça mais avec un petit détour en garde à vue le week-end aurait quand même été dépaysant. » Pas aussi dépaysant que de s'envoler à quelques milliers de kilomètres d'ici pour aller profiter d'un cadre paradisiaque mais en compagnie de Zoya ils auraient forcément su y voir un bon coté. « Et ton pyjama hideux aussi, d’ailleurs, tu devrais envisager de le jeter directement à la poubelle plutôt que de le laver et le porter à nouveau » Faussement outré et atterré, Rory écarquilla les yeux et posa dramatiquement une main sur son torse. Heureusement qu'il ne jouait pas comme ça le reste du temps. « Je vois absolument pas de quel pyjama tu parles. » Lui, un pyjama moche ? Ce n'était pas comme s'il avait effectivement traîné en pyjama pendant des jours après que son loft lui soit apparu bien vide, subitement incapable d'affronter l'extérieur autant que de porter des vêtements décents, semble-t-il. « Mais en admettant que tu veuilles parler d'un certain pyjama bleu recouvert de koalas, sache qu'il a une vraie valeur sentimentale et qu'en plus il est déconseillé de prendre de grandes décisions après une rupture. » Et quand bien même ça n'avait pas été explicitement prouvé, lui était à peu près sûr que mettre son pyjama fétiche à la poubelle rentrait dans cette catégorie. « C'est pas moi qui le dis, c'est... un psy dans je sais plus quel magazine que j'ai lu. » Un type probablement bourré de diplômes, et c'était bien le seul détail qui importait si ça pouvait lui conférer un minimum de crédit. Les faits étaient là, il ne pouvait pas aller contre l'avis d'un professionnel, quel dommage.

L'escale à la boutique leur permit de faire main basse sur de nombreuses douceurs et autant le dire, Rory n'avait jamais autant eu besoin de chocolat pour oublier le champ de ruines qu'était devenue sa vie. Pourtant c'est dans son cœur que l'acteur souffrait le plus et ce vide-là ne pouvait être comblé avec de la nourriture. Sans Swann, bien des choses lui semblaient maintenant sans saveur et chaque minute où il parvenait à voir le verre à moitié plein était généralement suivi du constat toujours aussi douloureux qu'il avait perdu l'amour de sa vie. Heureusement Zoya redoublait d'inventivité pour lui redonner le sourire et mieux encore qu'un verre d'un délicieux vin, ce petit numéro d'acting improvisé face au vendeur eut le mérite de lui faire oublier ses soucis. Pendant un instant, certes, mais assez longtemps pour qu'il ne voit plus que d'excellentes raisons de suivre son amie dans ce voyage qui ne pourrait que lui faire du bien. « Tu sais que j’ai bon goût. Le mari fantastique que j’ai trouvé en est la preuve » « En mettant de coté ses pyjamas hideux, n'est-ce pas. » Il releva dans un sourire en coin, oubliant presque le coté loufoque et perturbant de la situation pour se concentrer sur ses nombreux aspects positifs : ils étaient uniquement mariés aux yeux d'un vendeur de vin, Zoya n'avait pas véritablement à le supporter au quotidien et pourrait même rencontrer l'homme de sa vie au cours de leur voyage sans que ça ne pose le moindre problème. Et ce n'était pas Rory qui irait la dissuader de faire des rencontres si elle en avait envie. Zoya méritait d'être heureuse et il refuserait qu'elle s'en empêche à cause de lui. De toute façon il n'était pas le moins du monde prêt à aller de l'avant et moins encore à rencontrer qui que ce soit, alors autant qu'elle ne l'attende pas pour s'amuser. « Que veux-tu, tu es un excellent acteur et tu l’as dit toi-même tout à l’heure, j’ai raté ma vocation dans ce domaine » Lui serait tenté de dire qu'il n'était pas encore trop tard pour songer à une reconversion, mais il savait que rien au monde ne pourrait passionner Zoya autant que la photographie. Et elle était bien trop douée pour qu'il veuille un jour lui conseiller de renoncer à son plus grand rêve. « Et je pense qu’il aimerait être à ta place » « Ça, ça fait aucun doute. Maintenant il faut espérer qu'il a pas versé de l'arsenic dans mon verre pour se débarrasser du mari gênant. » Non pas qu'il s'en inquiète sérieusement, après tout ça aurait demandé au vendeur de s'organiser en amont. Non, vraiment, inutile de rajouter de la paranoïa au chagrin qui secouait déjà son cœur.

Rattrapé par la culpabilité d'imposer à Zoya son moral en berne, Rory redoutait maintenant qu'elle puisse regretter de s'être embarquée dans ce voyage avec lui, elle qui méritait qu'on la fasse rire et non l'inverse. Mais la façon dont le sourire de la brune s'évanouit lui prouva que ses craintes n'étaient pas fondées et que Zoya, elle, ne le voyait en aucun cas comme un sacrifice. « Je t’interdis de penser ça, Rory. Je ne te lâcherai pas tu m’entends ? Tu pourrais être au bord du gouffre, me repousser en me disant des atrocités pour m’éloigner, je ne te lâcherai pas. Alors arrête de dire des conneries maintenant et allons prendre ce fichu avion ! » L'air catégorique de la brune ne prêtait pas du tout à rire, pourtant Rory ne put empêcher un sourire amusé de fendre ses lèvres. « Tu sais que t'es impressionnante quand tu te fâches ? » D'accord, ce n'était pas le moment pour faire de l'esprit et il la connaissait assez pour savoir qu'il risquait à tout moment de recevoir une tape à l'arrière de la tête. Il relâcha donc les épaules et avança ses mains devant lui en guise de rémission. « D'accord, t'as gagné. Je te promets de plus dire ce genre de choses. Mais j'en ferais autant pour toi, j'espère que tu le sais. » Qu'il n'hésiterait pas à déplacer des montagnes pour elle et à faire tout ce qui était en son pouvoir pour lui changer les idées si elle aussi avait un jour l'impression que sa propre vie lui échappait complètement. Son regard autant que la douceur de son sourire lui prouveraient qu'il était sincère et qu'elle pourrait toujours compter sur lui en retour. « Allez, viens. » Il la suivit sans opposer de résistance lorsqu'ils atteignirent la porte d'embarquement. Plus question de songer à faire marche arrière. « J’ai déjà des millions d’idées pour ton book. Et crois-moi qu’avec ses photos canons qu’on va faire de toi, on te proposera bien plus que le simple rôle de surfeur sans cervelle. Parce que le but est de te mettre en lumière et de prouver à ces trous du cul que tu es un acteur merveilleux, loin de ce que ces torchons peuvent bien dire sur toi » Oh, elle avait toujours su trouver les mots pour le toucher en plein cœur et personne mieux qu'elle n'était sans doute capable de lui remonter le moral quelques heures à peine après l'avoir empêché de déprimer une semaine de plus sur son canapé. « Merci, Zoya. De toujours croire en moi même quand les autres ne le font plus. » Son sourire s'étira cette fois avec un brin de tristesse. Savoir que certains journaux dépeignaient de lui un portrait au vitriole était bien moins douloureux que l'idée que ses proches puissent douter de la personne qu'il était et du fait qu'il n'irait jamais s'en prendre physiquement à quelqu'un sans une bonne raison. C'est en ça qu'il trouvait beaucoup de réconfort auprès d'eux. « Un jour je te promets que je t'expliquerai tout de cette histoire avec Byers. Qu'enfin tu comprendras tout. » Et ce jour-là il espérait qu'elle se dirait qu'elle avait eu raison de se fier à lui et de ne pas croire un mot des allégations relayées par la presse. Son soutien lui était aujourd'hui profondément précieux mais Rory savait que tout serait plus simple lorsqu'il pourrait lui expliquer toute l'histoire.

« Regarde-moi, Rory. » Cette fois le ton de Zoya ne laissait plus aucune place pour quelconque plaisanterie, elle était sérieuse et ça l'acteur le savait. « Tout va aller pour le mieux, d’accord ? » Son regard ancré au sien, Rory secoua doucement la tête. « C'est promis. Dans quelques heures on sera aux Îles Fidji, hors de question qu'on embarque mes soucis avec nous. En plus ma carrière est pas la seule qui dépendra de tes photos, tu vas aussi pouvoir photographier des paysages sublimes et je suis sûr qu'à ton retour les gens s'arracheront tes photos encore plus qu'ils ne le font déjà. » Parce que Zoya était une photographe infiniment talentueuse et que personne ne voudrait laisser passer sa chance de travailler avec elle. Il n'y avait peut être pas l'once d'une objectivité dans son regard brillant, mais c'était l'ami autant que l'acteur dont elle avait réalisé tous les books qui parlait. Alors d'une certaine façon, personne ne connaissait mieux son travail. « Tu sais ce que tu pourrais faire ? Un vlog de notre voyage pour faire découvrir ta façon de travailler. Je pourrais être ton assistant, ce serait le meilleur moyen de me faire penser à autre chose et puis ce serait pas vraiment du boulot si on rend ça amusant. » Et parce qu'il n'avait pas l'intention de rester enfermé dans sa chambre d’hôtel à se morfondre pendant qu'elle ferait des pieds et des mains pour lui changer les idées, autant rendre ce voyage productif. Il avait besoin de se sentir utile mais aussi de la remercier à sa façon pour tout ce qu'elle faisait pour lui.

smile is the beauty of a soul.

@ZOYA LEWIS & RORY

A choisir entre un week-end en garde à vue et un voyage aux Îles Fidji, il est certain que leur cœur n'aurait pas balancé bien longtemps. Ils avaient non seulement besoin de changer un peu d'air, mais ils avaient aussi plus généralement mérité de partir s'aérer les idées tous les deux. Zoya faisait incontestablement partie des personnes avec qui il avait toujours rêvé de sillonner le Monde, et ce ne serait pas moins agréable simplement parce que le moment pourrait paraître mal choisi. Bien au contraire, il s'efforcerait d'en profiter deux fois plus pour ne pas revenir à Brisbane aussi déprimé qu'il était parti et Rory savait déjà qu'elle mettrait tout en œuvre pour qu'il trouve des dizaines de raisons de sourire. Ce serait déjà plus que tout ce qu'il aurait pu trouver en restant seul chez lui à fixer des photos de Swann et lui, qu'il n'était pas encore parvenu à se résoudre à ranger. Il le ferait, un jour c'est promis, mais c'était encore un peu trop tôt pour qu'il s'y sente prêt. « Je la prends pour toi, dans ce cas !  Je n’ai pas subi de rupture, de mon côté, donc je peux prendre cette "grande"… » Elle prit la peine de mimer les guillemets et Rory s'amusa de plus belle. « … décision à ta place ! » Bien sûr, Zoya n'allait pas laisser passer l'occasion de l'amener à se débarrasser de son affreux pyjama et quand bien même Rory y était effectivement attaché – plus attaché qu'un adulte ne devrait probablement l'être, du moins – elle n'avait peut être pas tort sur le fond. Ce n'était certes pas le meilleur moment pour prendre des décisions cruciales, mais c'était sans conteste celui de se remettre en main et de retrouver le goût de sortir. « Pour mieux m'offrir un nouveau pyjama, j'espère. » Oh non, elle ne prendrait probablement pas le risque de le voir traîner plus longtemps dans son canapé, même en pouvant cette fois choisir le modèle elle-même. Rory ne pouvait que lui être infiniment reconnaissant pour tout ce qu'elle faisait pour lui et savait que sans elle, il lui aurait sûrement fallu encore plusieurs jours avant de se résoudre à voir le verre un peu moins vide. « Qui serait-t-il sans ses petits défauts, il ne peut pas être à 100% parfait ? C’est pour ça que je l’aime aussi » Son sourire se fit cette fois plus doux et sincère, parce qu'il savait qu'au-delà de ce jeu de rôle, c'était aussi sa manière de lui parler à cœur ouvert. Son amitié avait Zoya était profondément précieuse et peu de personnes en ce monde le connaissaient probablement aussi bien qu'elle. Preuve en était qu'elle avait insisté pour qu'ils fassent ce voyage et qu'il en percevait déjà certains effets alors même qu'ils étaient encore à l'aéroport. C'était l'effet Zoya, son optimisme était simplement contagieux. « J'espère que le type que tu rencontreras sous les cocotiers et que tu ramèneras à Brisbane le sera lui, en tout cas. » Il souffla l'air de rien, sous-entendant que lui n'était peut être pas prêt à aller de l'avant mais que pour elle, en revanche, il n'y avait pas de rupture qui tienne. « Sinon ton vrai-faux mari se fera un plaisir de lui faire passer le plus redoutable des tests. » Rory donnait peut être l'impression de ne pas en être capable, de nature trop inoffensive pour intimider qui que ce soit, mais c'était bien différent lorsqu'on s'approchait de quelqu'un qu'il aimait. Les petits-amis de ses sœurs ou ceux de ses plus proches amies savaient qu'il ne leur laisserait rien passer s'ils comptaient leur faire du mal.

« Je le sais » Et lui était sincère l'instant d'avant lorsqu'il lui disait vouloir faire un effort pour ne plus douter d'être d'assez bonne compagnie pour qu'elle passe un agréable séjour, sachant que Zoya lui avait justement proposé ce voyage pour l'aider à positiver. Des efforts, il en ferait aussi une fois sur place pour profiter des lieux et laisser la plupart de ses problèmes derrière lui, quand bien même ça n'aiderait pas son cœur à cicatriser plus vide ni ne comblerait davantage le vide béant qui y régnait. « Et le plus important, c’est que tu crois en toi, toi aussi. » Croire en lui avait toujours été plus compliqué qu'on pourrait le croire à la façon dont sa carrière avait fini par décoller et lui par accéder à des rôles ambitieux. Venir d'une famille où les aînés étaient à ses yeux des modèles de réussite n'avait fait que l'inciter à se mettre plus de pression encore. Réussir dans le Cinéma quand vos parents ne portaient pas un regard aussi compréhensif que vous l'auriez voulu sur votre choix de carrière avait même été un double défi pour le brun. « Je me remets beaucoup en question, ces derniers temps. Je sais que c'est exactement le piège dans lequel il faut pas tomber en lisant ces articles, mais c'est plus difficile de les ignorer que je l'aurais cru. » Il savait bien qu'il ne fallait pas prendre à cœur tout ce qu'on pouvait y raconter, il était déjà dans ce milieu depuis assez d'années pour en connaître tous les pièges, mais les proportions qu'avaient prises cette affaire alors même que personne n'en connaissait véritablement le fond, c'était sûrement ça le plus difficile à vivre. « Tu le feras quand ce sera le bon moment » Bien sûr, il lui dirait tout un jour et alors Zoya comprendrait enfin pourquoi il n'avait pas pu faire autrement que de s'en prendre physiquement à cet homme. Malgré ce qu'elle savait de lui et de son incapacité à nuire à quiconque. « Merci de comprendre. » Et de ne pas le juger, même alors qu'elle ne connaissait pas encore toute l'histoire. Merci d'être là, tout simplement, sans poser plus de questions ni remettre en doute celui qu'il était. Celui qu'elle avait toujours connu.

A quelques heures du grand départ, Rory s'efforçait de voir les choses avec le même positivisme que Zoya et voyait enfin les perspectives réjouissantes qu'annonçait ce voyage. Il lui permettrait de se changer les idées, oui, mais il pourrait aussi présenter des opportunités auxquelles ils n'avaient pas pensé de prime abord. Zoya était photographe et elle serait dans son élément au milieu de ces époustouflants paysages, à tel point que Rory n'aurait pas dans l'idée de lui reprocher de penser boulot même en vacances. Était-ce vraiment travailler lorsqu'on aimait autant ce qu'on faisait ? « J’aime t’entendre parler comme ça, Rory. On va revenir des îles Fidji, requinquer à bloc et on va tout déchirer toi et moi. Deal ? » Lui aussi aimait s'entendre parler comme ça, à vrai dire. Lui aussi préférait voir les choses sous cet angle et oublier pour quelques jours que ce qu'il retrouverait à Brisbane serait sans doute un peu moins réjouissant. Il avait tout le temps de s'y préparer. « Deal. On sera de toutes nouvelles personnes, de vraies publicités ambulantes pour les bienfaits des vacances. » Le genre où l'on revenait complètement bronzés – et ils n'étaient déjà pas en reste, en purs australiens – mais aussi avec un ou deux coups de soleil en prime, parce que ça faisait toujours partie du package. « Et j'annonce déjà qu'il est hors de question qu'on ne teste pas tous les cocktails de la carte de l'hôtel. » Et il insista bien sur le « tous », un sourire amusé au coin des lèvres. S'il ne pouvait pas serrer Swann dans ses bras comme chaque parcelle de son corps en avait encore désespérément envie, alors il serrerait son verre contre lui et aurait au moins une excuse s'il finissait la soirée à se confier, rongé par le désespoir, sur sa peine de cœur. Zoya était probablement préparée à cette éventualité, pourtant Rory ferait tout pour lui éviter un spectacle aussi navrant. A lui de trouver le bon dosage entre profiter et rester raisonnable. Finalement, il lui vint l'idée que Zoya pourrait même en profiter pour présenter son travail dans une vidéo qu'il se chargerait personnellement de tourner pour elle, ne voyant que de bonnes raisons de lui proposer d'être son assistant. Il en avait besoin pour se sentir utile, et elle aurait probablement trop à faire pour pouvoir tout gérer. Zoya était une professionnelle habituée à s'en sortir seule, mais il pouvait bien faire ça pour la remercier de tout ce qu'elle faisait pour lui. « C’est une excellente idée. Je ne l’ai jamais envisagé, parce que je voyage seule la plupart du temps et que me filmer tout en prenant des photos reste compliqué à gérer. Mais si tu te proposes d’être mon assistant… » Rory hocha vivement la tête, pas décidé le moins du monde à revenir sur sa proposition. « Mes prix sont très bas, t'en trouveras pas de meilleurs. Tout ce que t'as à faire c'est me supporter pendant ton voyage, et dès que t'en auras marre t'auras qu'à m'envoyer participer à un atelier botanique ou à une conférence sur les meilleures façons de se remettre d'une rupture. » Avec supplément mouchoirs, bien sûr. Il y avait toujours ces genre de choses dans ces hôtels, au cas où les vacanciers n'auraient pas assez à faire entre bronzer sur la plage, boire des margaritas et dépenser tout leur argent dans du shopping local. Rory voulait bien être un cliché ambulant si ça pouvait leur permettre de passer le meilleur des séjours et quand bien même il venait surtout pour Zoya, il ne lui imposerait pas sa présence si elle avait aussi besoin d'un peu de temps seule. « Tu es un génie, ça peut être vraiment un gros plus pour moi, en réalité » Il en était persuadé lui aussi, et même si Zoya n'avait pas besoin de ça pour faire connaître son travail il savait aussi que ça pourrait l'aider à se démarquer. « Ils vont tous tomber sous le charme de ta personnalité autant que de tes photos, tu vas les épater et faire un vrai carton. » Et il ne le précisa pas, mais son charme incontestable et la beauté de son sourire feraient sûrement eux aussi quelques ravages. Rory préférait croire que tout le monde s'intéresserait à son travail pour son talent, mais il ne pourrait pas leur reprocher d'être aussi touchés par tout ce qu'elle dégageait autant que par son authenticité. Ils éviteraient peut être de raconter dans quelles conditions s'était précisément organisé ce voyage, mais eux le savaient : elle faisait tout ça pour lui remonter le moral, et ça comptait plus que tout à ses yeux. « Non seulement j’aurai le meilleur assistant au monde, parce que, je n’en doute pas une seule seconde, mais en plus, si ça peut t’aider à te focaliser sur autre chose alors je dis doublement oui » « Okay, je vais sûrement tatillonner un peu au début mais tu vas voir, j'apprends vite. Et puis c'était toujours moi qui filmais ma petite sœur pendant ses spectacles de fin d'année alors j'ai un peu d’entraînement. » Et promis, les images n'étaient même pas floues et le son même pas inaudible. Il avait toujours été le premier fan de Wendy et il n'était lui-même qu'encore lycéen la première fois qu'il avait filmé un de ses spectacles, son regard de grand-frère éternellement brillant de fierté. « Rory ? » Il tourna son visage vers le sien, appréhendant un instant la suite. « Qu’est-ce que je ferai sans toi ? » Cette fois c'est dans un grand sourire que ses lèvres s'étirèrent. « Pour commencer, tu serais pas entrain d'attendre d'embarquer pour les Îles Fidji. » Ce qui aurait été vraiment dommage, maintenant qu'il était reconnaissant que ce voyage s'annonçait inoubliable. En réalité, rien n'aurait empêché Zoya de partir seule ou accompagnée d'un ou une autre de ses amis, mais il fallait bien avouer qu'ils formaient un sacré duo tous les deux et que ces vacances risquaient de consolider plus encore une amitié déjà plus forte que tout.

***

Le vol dura trois heures et c'est avec délicatesse que Rory réveilla Zoya à leur arrivée, après avoir passé tout le trajet à regarder des films dans lesquels, dieu merci, il ne jouait pas. Le voyage en taxi fut l'occasion d'admirer les paysages locaux mais c'est l'hôtel, dont le charme leur sauta aux yeux dès leur arrivée, qui lui fit peut être le plus d'effet. « Alors ? Heureux ? » C'était impensable il y a encore quelques heures, mais à cet instant c'était bel et bien un mot qui pourrait suffire à le décrire. « Très heureux, oui. C'est incroyable, ici la mer est encore plus bleue que chez nous. On dirait que la pièce a très bien choisi. » La fameuse pièce sur laquelle avait reposé le choix de leur destination. Si Rory n'avait pas caché son engouement pour les Îles Fidji, il était encore bien plus emballé maintenant qu'ils étaient sur place. C'était exactement le dépaysement qu'il lui fallait, et la compagnie serait elle aussi des plus idéales. Sur le chemin jusqu'à leur suite, Rory prit conscience d'à quel point ils étaient chanceux. « On dormira dans une seule suite, alors ? Si jamais... il y a qu'un seul lit et que ça te dérange de le partager avec moi, je pourrai aller dormir ailleurs. » Dans ces suites il devait bien y avoir un sofa ou quoi que ce soit de comparable, auquel cas la baignoire risquait peut être d'être un peu juste. C'était juste sa façon de lui proposer une alternative, ne voyant quant à lui rien d'étrange à dormir avec une si bonne amie alors qu'ils risquaient de toute façon de passer une partie de la nuit à discuter. « Wow, regarde ça. » La porte s'ouvrit sur une suite à couper le souffle, dont ils pouvaient deviner la vue sans même avoir encore posé un pied à l'intérieur. Tout était charmant, plus encore que dans n'importe quelle brochure, mais promis ce ne serait pas une excuse pour rester à l'intérieur. Ils avaient beaucoup à faire, désormais. Se tournant finalement vers Zoya, Rory se pinça les lèvres au moment de reprendre. « Zoya, tu as fait tout ça pour moi alors je crois que je te dois au moins la vérité sur un détail... » Qui n'avait justement rien d'un simple détail à ses yeux, et l'aveu qu'il s'apprêtait à lui faire n'avait rien d'anodin non plus. Il lui tenait profondément à cœur parce qu'il touchait à un point absolument essentiel : son amour pour Swann, encore aujourd'hui bien (trop) réel. « C'est au sujet de ma rupture. J'ai juste besoin que tu me promettes que tu diras rien à personne. » Il lui faisait toute confiance, bien sûr, c'était même la raison pour laquelle il s'apprêtait à lever devant elle le mystère qui entourait l'identité de la personne qui partageait jusqu'ici sa vie – après quatre ans, oui, mais il avait gardé le secret par amour et il savait qu'au fond d'elle Zoya pourrait le comprendre. Il ne pouvait simplement pas faire comme si cette rupture changeait tout à la promesse qu'il avait faite à Swann, ne pouvant prendre le risque que tout le monde sache qu'ils s'étaient aimés durant tout ce temps. Moins encore maintenant que l'anglais essayait d'avancer et qu'il n'avait pas le droit de l'en empêcher.

smile is the beauty of a soul.

@ZOYA LEWIS & RORY

Rory n'avait pas prévu de se montrer menaçant à l'égard de qui que ce soit lorsqu'il avait accepté ce voyage, mais il n'hésiterait pas à prendre les précautions qui s'imposeraient si Zoya se rapprochait de quelqu'un et qu'il avait de bonnes raisons de craindre qu'il puisse la faire souffrir. Il avait toujours été prêt à tout pour protéger les personnes qu'il aimait, supportant moins de les voir souffrir que n'importe quoi d'autre au monde. « T’en fais pas, tu n’auras pas à le faire. Je vais me contenter de mon faux mari que je sais parfait plutôt que de chercher un qui donnera l’illusion de l’être jusqu’à ce qu’on découvre que c’est un imposteur de plus. » Zoya ne partait pas avec la ferme intention de rencontrer quelqu'un, ça Rory l'avait bien compris, mais il serait le dernier à la dissuader de faire des rencontres si elle en éprouvait finalement l'envie. Tout en veillant à distance à ce qu'il ne lui arrive rien de mal, bien sûr, et il n'avait même pas besoin de son étiquette de « faux mari » pour simplement vouloir veiller sur elle. Elle comptait profondément pour lui et le sourire qu'il lui adressa n'eut cette fois plus rien à voir avec un quelconque jeu d'acteur, en témoignait sa sincérité. « Ton faux mari sera même ravi de te servir d'excuse la prochaine fois que tu voudras échapper aux avances d'un gros lourdaud. On a peut être pas vraiment d'alliance, mais je peux m'arranger pour être dissuasif. » Suffisamment en tout cas pour que ses prétendants les plus entreprenants en oublient même de remarquer l'absence de bague à leur doigt. Rory était acteur, il n'aurait aucun mal à adopter une approche moins chaleureuse qu'en temps normal. « Je sais. Mais il ne faut pas que tu te laisse rattraper par tout ça et que tu en viennes à perdre totalement confiance en la personne fantastique que tu es. » Rory hocha la tête dans un petit sourire, sachant pertinemment que Zoya avait raison et qu'il jouait indirectement le jeu des journalistes en prenant ces articles à cœur. « Tu as raison. Merci. » Et il ne pouvait peut être pas lui promettre qu'il saurait du jour au lendemain prendre plus de distance avec tout ça et retrouver pleinement confiance en lui, mais il essaierait. Il ferait ce qu'il fallait, au moins pour ses proches. « Au fond cette histoire a le mérite de remettre certaines choses en perspective. Ces dernières années j'ai mis beaucoup d'énergie dans des rôles qui m'ont parfois un peu éloigné de l'essentiel. »  Et des personnes qu'il aimait. C'était le cas de sa famille, bien sûr, de qui il s'était parfois éloigné pendant plusieurs semaines, ratant certains anniversaires et autres occasions importantes. Mais c'était aussi et surtout le cas de Swann, qu'il avait parfois laissé derrière lui avec de nombreux regrets au fond du cœur, se promettant qu'à la première occasion ils prendraient de vraies vacances. Il n'en avait pas eu l'occasion, et cette idée le brisait un peu plus. « Je risque de pas être le bienvenu sur les plateaux de tournage dans les prochains mois, alors je vais en profiter pour me recentrer sur d'autres choses. Ma famille, mes autres passions, et mes fabuleux amis. » Son sourire s'étira avec tendresse. Zoya avait toujours été là et c'était encore le cas maintenant que son monde s'était en partie écroulé, il lui devait tellement qu'il lui faudrait plus que ce voyage pour la remercier pour tout ce qu'elle faisait pour lui.

« Et tu sais très bien que je ne vais pas être celle qui va refuser cette proposition. » Oh oui, l'idée de goûter à tous les cocktails servis à l'hôtel avait tout d'une bonne idée sur le papier. Ce serait peut être un peu différent une fois en pratique, lorsqu'ils choperaient un mal de crâne carabiné à l'arrivée, mais ils avaient bien trop à faire avant d'y penser. « Je comptais effectivement sur toi pour me suivre. » Et ils seraient raisonnables une fois de retour, c'est promis, en attendant ils avaient mérité de profiter de ce voyage et de ses bienfaits. Rory n'avait jamais été particulièrement fêtard et il y avait fort à parier pour que les prochains jours n'y changent rien, mais il ne passerait au moins pas tout son séjour à se morfondre dans sa chambre et c'était déjà ça. « Hors de question, Craine ! Je ne me séparerai pas de toi un seul instant durant ce séjour. Et cet atelier sur les meilleures façons de se remettre d’une rupture, ce sera moi qui te le ferais, personne d’autre. » Un rire filtra d'entre ses lèvres tandis qu'il secoua la tête, amusé. « On sait tous les deux que t'aurais même pas atteint le troisième point qu'on serait déjà entrain d'avaler des margaritas en chantant The heart wants what it wants. » Ou n'importe quelle chanson un tant soit peu mélodramatique qui parlerait à son cœur brisé et pour laquelle il n'aurait même pas à faire semblant d'aligner plus de deux notes justes. « Et tu sais quoi ? Je crois que c'est exactement ce dont j'ai besoin. » Il avait promis qu'il ne passerait pas toutes les vacances à broyer du noir, pas qu'il ne se tournerait pas en ridicule le temps d'une soirée. Toute la peine qu'il gardait en lui depuis sa rupture avec Swann devait bien sortir d'une manière ou d'une autre, et ce serait toujours moins pitoyable que... Oh, wait. « Mais surtout, si je suis bourré, confisque-moi mon portable. » Quiconque connaissait Rory savait qu'il ne buvait jamais assez pour finir complètement saoul, raison pour laquelle il pourrait légèrement surestimer sa résistance à l'alcool. Et la dernière chose dont il avait besoin, c'était de composer le numéro de Swann dans un moment d'égarement pour lui rappeler combien il continuait de l'aimer et combien il lui manquait. A quel point rien de tout ça n'avait plus le moindre sens sans lui, aussi. Ça, ce serait vraiment la chose la plus pathétique qu'il pourrait faire et il n'avait pas le moins du monde envie d'être ce genre d'ex. Zoya, elle, pourrait compter sur son aide pour faire de ce voyage un fantastique tremplin pour sa carrière. Elle méritait tout le succès qu'elle rencontrait et ne saurait que conquérir plus de monde encore avec la bonne approche. « Tu sais que tu n’as pas à me faire une lettre de motivation orale pour que je sois convaincue plus que je ne le suis déjà ? » Peut être bien que remonter jusqu'à son enfance pour faire valoir ses arguments n'était pas absolument nécessaire, oui. « Promis, t'auras pas à le regretter. On va faire de toi la nouvelle star d'internet. » Au moins le temps de ce voyage, ensuite elle pourrait décider de ne jamais reproduire l'expérience. Et lui ne serait pas vraiment déçu de ne plus avoir à la partager avec des millions d'autres personnes, quand bien même c'était ici pour la bonne cause.

***

Arrivés là où ils passeraient les prochains jours, c'est rapidement des yeux émerveillés que Rory posa aussi bien sur les paysages que sur l'hôtel, dont le charme était incontestable. Restait à découvrir leur chambre, qu'ils auraient à partager sans que ça ne pose le moindre souci – à l'exception peut être du lit, que Rory céderait volontiers à Zoya si sa présence devait la gêner. « Je pense qu’en effet, le sol sera très confortable pour toi. » S'il ne la connaissait pas aussi bien, il aurait presque pu tomber dans le panneau. Au lieu de ça, c'est un sourire amusé qui retrouva le chemin de ses lèvres. « Tu penses sincèrement que je ne vais pas t’accepter dans mon lit, husband ? » Non, bien sûr que non. Justement parce qu'il la connaissait trop bien et n'imaginait pas une réalité dans laquelle Zoya serait dérangée de partager la même chambre, rien que pour le plaisir de discuter jusqu'au milieu de la nuit et débriefer de leurs journées – quand bien même ils les auraient passé ensemble. « Je sais bien que si. Mais attention, le protocole exige d'organiser une bataille d'oreillers tous les soirs. » C'était forcément écrit quelque part sur un contrat imaginaire, raison pour laquelle ils ne sauraient en aucun cas déroger à cette règle. Rory, lui, s'en faisait déjà une joie et son air amusé en était la preuve. Son sourire fana toutefois l'espace d'une seconde tandis que ses pensées voguèrent loin de là, à Brisbane, près de l'homme qui ne quittait ni son cœur ni ses pensées. Il y a tant de choses qu'il aurait voulu vivre avec Swann, tant d'anecdotes au sujet de ce voyage qu'il aurait voulu lui partager. Par chance, le valet de chambre le tira de ses pensées au moment de leur faire découvrir leur chambre. « Votre suite… » Et elle n'avait définitivement pas d'une suite que le nom, étant aussi spacieuse qu'elle était splendide. Rory ne savait déjà plus où donner de la tête, pourtant c'est d'un air plus songeur qu'il mit fin à cette contemplation pour retrouver le regard de Zoya. Le moment pourrait paraître mal choisi pour avoir une conversation aussi franche que celle qu'il éprouvait le besoin d'initier avec elle, mais il ne pouvait plus attendre pour se confier à son amie. Parce qu'elle était l'une des personnes les plus importantes à ses yeux et qu'il lui cachait déjà trop de choses, depuis trop longtemps. Zoya avait organisé ce voyage pour lui, tout lui dire était bien la moindre des choses qu'il puisse faire. « Lequel ? » Si elle comprit rapidement qu'il était question de sa rupture, Zoya était sans doute loin d'imaginer ce qu'il s'apprêtait à lui confier. « Bien sûr, Rory, ça restera entre nous. Comme toujours. » Rassuré, Rory s'approcha du lit pour s'asseoir au bout de ce dernier et joindre ses deux mains devant lui, dans un tic nerveux. Il savait que Zoya garderait tout ça pour elle, il appréhendait simplement sa réaction lorsqu'elle comprendrait qu'il n'avait pas été complètement honnête avec elle ces quatre dernières années. Simplement parce qu'il ne pouvait pas. « Je t'ai dit que la personne qui partageait ma vie avait décidé de rompre, mais ce que je t'ai pas dit... » Il avoua dans un souffle, son regard retrouvant fébrilement le sien. « C'est que c'était Swann, depuis le début. » Swann avec qui il avait passé le plus clair de son temps ces dernières années, y compris en présence de Zoya, trouvant toujours mille raisons à la présence de l'anglais sans pourtant jamais avouer à ses proches qu'il en était en fait éperdument amoureux. Qu'il l'aimait, depuis le premier jour, et qu'il ne pensait qu'à tenir sa main chaque fois qu'il le leur avait présenté comme un ami. Il n'avait jamais été rien de tel à ses yeux, encore aujourd'hui où son cœur continuait de battre pour lui. Il l'avait toujours aimé plus que tout, et c'était une vérité que Zoya méritait enfin de connaître. « Notre histoire a duré quatre ans. On n'a simplement rien pu dire parce qu'il se sentait pas prêt à assumer une relation avec un homme, et parce qu'avec mon métier c'était plus difficile encore de gérer tout ça. » Être une personnalité publique impliquait que la presse s'intéresse aussi à sa vie sentimentale, or assumer la vraie nature de leur relation avait été un problème récurent durant ces quatre années. S'aimer dans le secret était encore leur meilleure chance d'être heureux et sa meilleure chance à lui de ne pas perdre l'homme qu'il aimait. « Je suis désolé Zoya, j'aurais... tellement aimé pouvoir te le dire plus tôt. » Ne pas avoir à faire un secret de son plus grand bonheur et pouvait en partager chaque seconde avec elle. « J'ai jamais été à l'aise à l'idée de te le cacher, crois-moi ça m'a énormément coûté. Mais j'avais pas le choix, j'aurais pas supporté de le perdre. » C'est pourtant bien ce qui avait fini par arriver, en partie parce que ce secret était devenu trop lourd à porter au fil du temps. Rory le referait pourtant sans hésiter : pour lui, il aurait été prêt à tout. « Tu dois te demander si ça en a vraiment valu la peine, vu le résultat. Mais j'ai vécu quatre belles années avec lui, et j'en regrette pas une seule seconde. » Aussi brisé soit-il aujourd'hui. Aussi difficile ce soit de s'imaginer aimer à nouveau quelqu'un comme il avait toujours aimé Swann. La gorge serrée par l'émotion, les yeux embués, Rory remonta son regard clair dans celui de Zoya. Il avait gardé ce secret par amour et savait qu'elle pouvait le comprendre, mais il redoutait plus que tout d'avoir failli à la confiance qu'elle lui portait.

smile is the beauty of a soul.

@ZOYA LEWIS & RORY

« Ou… tu peux t’arranger pour m’acheter une vraie bague qui sera tout aussi dissuasif. Ce serait dommage d’abîmer ce joli petit minois à cause d’un lourdingue » L'idée fit naturellement naître un sourire amusé sur les lèvres de Rory, non pas parce qu'il verrait quoi que ce soit de réellement étrange à lui acheter une bague pour dissuader ses prétendants mais justement parce qu'elle le connaissait assez bien pour le savoir. « Ça arrangerait pas vraiment mes affaires si on me photographiait en plus avec le visage en sang, c'est clair. » Autant dire que les répercussions de son affrontement avec Byers faisaient couler suffisamment d'encre pour que l'acteur ne tienne pas à en rajouter. « Le seul risque, ce serait que tu croises l'amour de ta vie et que ta vraie bague le dissuade sans le vouloir. » Oh, il savait bien que Zoya s'empresserait de lui dire qu'elle ne recherchait pas le grand amour et se moquait bien de faire fuir tous ceux qui viendraient à s'approcher d'elle. Tout comme son amie savait qu'il restait au fond de lui un romantique incorrigible doublé d'un rêveur, à croire que sa récente rupture n'y avait rien changé. Son amour pour Swann était encore si profondément ancré dans son cœur qu'il ignorait même s'il en serait un jour autrement. Peut être que c'était ça, finalement, le véritable inconvénient au fait de rencontrer son âme sœur. La perdre impliquait ensuite de souffrir de son absence pour le restant de ses jours, sans aucune garantie de venir à bout de ce mal un jour. « J’aime t’entendre parler de la sorte et te voir aussi positif » Et il aimait lui aussi l'effet que la seule présence de Zoya avait déjà sur lui. Quelques heures plus tôt Rory était encore affalé sur son canapé dans ses habits du dimanche – devenus ses habits de tous les jours depuis l'annulation de son dernier tournage – à réfléchir au sens de la vie devant sa tasse de thé. Il avait suffi que Zoya l'embarque dans ce projet de voyage pour qu'il retrouve la force d'affronter l'extérieur et d'envisager qu'un cœur brisé pouvait aussi avoir besoin de prendre l'air. Que c'était même tout ce dont il avait besoin, lui, pour penser à autre chose rien que le temps de quelques jours. « Et j’aime l’idée que toi et moi allons passer plus de temps ensemble » « J'adore cette idée, moi aussi. J'aurais voulu partager ça avec personne d'autre. » Parce que c'était du Zoya tout craché de booker un vol à la dernière minute pour prendre quelques jours de vacances et que ça faisait partie des innombrables choses qu'il appréciait tant chez elle. Sa spontanéité avait toujours été le meilleur remède contre ses baisses de moral et cette fois ne faisait pas non plus exception : il souriait pour la première fois depuis plusieurs jours – semaines, en réalité.

Et parce qu'ils avaient quand même besoin de mettre certaines choses derrière eux pour profiter de ce voyage et revenir beaucoup plus reposés et détendus, il était probable qu'ils passent une grande partie de celui-ci avec un verre à la main. Rory avait toujours été un buveur modéré – principalement parce que sa mère, elle, ne l'était pas – mais il était aussi assez lucide pour savoir qu'il ne pourrait pas éternellement rester cloîtré chez lui à réfléchir à la façon dont sa vie avait basculé ces derniers mois. Il lui fallait trouver la force de se reprendre et si ça impliquait dans un premier temps de boire un peu trop de cocktails et de chanter un peu trop faux, ce n'était sûrement pas pire que de continuer à se morfondre. « Karaoké ce sera alors. Tout ce que tu voudras de toute façon, cette escapade est la tienne et tous tes désirs seront des ordres, joli cœur.» Zoya savait définitivement comment lui parler et c'est naturellement que ses lèvres s'étirèrent dans un nouveau sourire. « Je saurai te le rappeler si jamais tu grimaces quand je te proposerai d'aller faire du jet-ski. » Mais il était tout aussi probable que Zoya affectionne elle aussi cette idée, après tout ils ne venaient pas seulement pour siroter des cocktails et avaient aussi besoin de se vider la tête. Sinon Rory savait qu'il n'aurait jamais trop de quelques jours pour faire la liste de toutes les choses qu'il aurait aimé partager avec Swann et ce serait certainement contre-productif aux yeux de la brune. « Good idea » Ne pas appeler Swann lorsqu'il aurait bu plusieurs verres et n'aurait plus vraiment les idées bien en place, oui, ça avait définitivement tout d'une bonne idée. « Mais on les confiera à la réception, plutôt… Parce que si ce n’est pas toi qui l’appelle, y’a des chances que je le fasse à ta place » « Et dans les deux cas je crois que le résultat serait le même : je serai mort de honte avant la fin du séjour. » Pour ne pas dire qu'il retournerait s'enfermer chez lui et trouverait n'importe quelle excuse pour éviter Swann pendant au moins quatre ou cinq ans, le temps que la honte se soit dissipée et qu'il se sente à nouveau prêt à croiser son regard. Ce serait un mauvais plan à tous les niveaux, principalement parce qu'il n'avait pas la moindre envie que l'anglais sorte complètement de sa vie, même si ça voulait dire sentir son cœur se serrer chaque fois qu'ils se verraient sans qu'il ne puisse lui dire combien il continuait de l'aimer.

***

La bataille d'oreillers, elle, était un passage obligé pour profiter pleinement de ce séjour, car s'il y avait une chose susceptible de lui redonner le sourire c'était bien de régresser en enfance le temps de quelques jours. « Et de nous goinfrer de pop-corn devant un film à l’eau de rose et de pleurer toutes les larmes de notre corps. Et de faire nuit blanche à cause de nos discussions interminables » Il n'y a pas à dire, Zoya le connaissait beaucoup trop bien et tous les deux formaient une sacrée paire. « Tu lis dans mes pensées. Je crois que ce voyage sera vraiment réussi si on évite de faire deux choses : dormir et être sobres. » Rory avait passé assez de temps au fond de son lit pour ne plus avoir besoin de fermer l’œil avant au moins la fin de la semaine. Pour le reste, et parce qu'une fois n'est pas coutume, il n'aurait pas trop d'un peu d'aide pour éviter de penser à tout ce qu'il avait perdu ces derniers mois et Zoya le savait sûrement mieux que personne, il était de toute façon beaucoup plus fun après quelques verres. (Oui, oui.)

Si l'ambiance était restée légère durant toute la durée du voyage et jusqu'à la découverte de leur suite, c'est une expression plus soucieuse que Rory retrouva au moment d'avouer toute la vérité à Zoya. Au sujet de Swann, de sa relation avec l'anglais qu'ils avaient vécu dans le secret pendant quatre années, et de l'amour qu'il n'avait jamais cessé de lui porter même quand il le présentait comme un simple ami devant ses proches. Zoya, notamment, avait souvent côtoyé Swann sans probablement imaginer une seconde que Rory en était en réalité amoureux. Et c'est ce qui lui causait aujourd'hui une si grande culpabilité, lui qui n'avait jamais rien caché à la brune et ne se serait jamais cru capable de garder ce secret-là pendant autant d'années. Aujourd'hui Rory avait non seulement tout perdu et laissé partir l'homme qu'il aimait, mais il redoutait en plus de perdre l'amitié si précieuse de Zoya. « Ce n’est pas tant le fait que tu ne m’aies rien dit qui me chagrine… C’est plus le fait que votre relation a duré quatre ans … et que tu ais accepté de vivre dans le secret… aux yeux de tous. » Rory baissa doucement la tête, une part de lui se trouvant immensément soulagée qu'elle ne semble pas lui tenir rigueur de ces années de silence, quand une autre ne savait faire autrement que de se le reprocher encore et encore. « Je sais que ça va sûrement te sembler dingue, mais c'était le seul moyen pour qu'on soit ensemble et j'ai préféré vivre cette relation dans le secret plutôt que de pas la vivre du tout. » Et ça lui avait demandé beaucoup d'efforts et de compromis de cacher son amour pour Swann à ses proches, alors même qu'il ne leur avait délibérément jamais rien caché. Mais parce qu'il n'imaginait pas sa vie avec qui que ce soit d'autre que lui, il n'aurait reculé devant aucun sacrifice. Ils avaient été profondément heureux, en dépit du reste. « Au départ, je pensais que ce serait temporaire. Qu'il avait juste besoin d'un peu de temps pour se faire à l'idée de s'afficher avec un homme et qu'ensuite on mettrait nos proches au courant petit à petit. » C'était ce que le Rory d'il y a quatre ans imaginait lorsqu'ils avaient évoqué pour la première fois l'idée de garder leur relation secrète. « Ça s'est finalement jamais fait. Et même si c'était parfois très difficile j'ai décidé qu'il valait la peine que je supporte tout ça. » Plus que tout, Swann en avait valu la peine, à chaque instant. Au point qu'il s'était habitué à cette vie et à ne pouvoir l'aimer que derrière les murs de leur loft. Parce qu'il ne pouvait qu'être profondément heureux de vivre avec l'homme qu'il aimait, peu importe que ce ne soit pas exactement tel qu'il l'aurait imaginé. « Tu as sacrifié ton bonheur pour le sien, Rory, ce n’est pas rien… Même si tu l’aimais… » Son cœur se serra à l'idée qu'il y ait peut être une part de vérité là-dessous, quand bien même Rory n'en voudrait jamais le moins du monde à Swann de lui avoir offert quatre années aussi heureuses. « J'étais heureux Zoya, même si tout n'était peut être pas parfait. » Le prix à payer, il le connaissait dès le départ et il l'avait accepté en connaissance de cause. Par amour. « Et je sais qu'il aurait été le premier à me souhaiter d'être heureux avec quelqu'un d'autre si j'avais émis le souhait de partir. » Seulement toute la subtilité était là : c'était Swann, la clé de son bonheur.

« Je ne t’en veux pas de ne pas me l’avoir dit, Rory. Et peut-être qu’il a mieux valu finalement, parce que tu ne mérites pas d’être caché. Et je n’aurai pas accepté que tu vives une telle relation » « Je sais. » Rory souffla doucement, les yeux empreints d'une profonde tristesse alors que Zoya glissa ses mains dans les siennes dans un contact profondément apaisant. « J'aurais pas non plus voulu de ce genre de relation pour toi. » Et elle le savait, bien sûr qu'elle le savait. Qu'il aurait été le premier à lui dire qu'elle méritait mieux que ça et ne devait en aucun cas être le secret de qui que ce soit, peu importe à quel point elle était amoureuse. Seulement il n'avait jamais été capable d'appliquer ses conseils à lui-même et toute cette situation en était une nouvelle fois la preuve : Rory n'effacerait pour rien au monde les quatre dernières années et continuait de s'estimer profondément chanceux d'avoir partagé la vie d'un homme comme Swann pendant un temps pourtant encore bien trop court à ses yeux. « Pourquoi ça s’est terminé ? » C'était la question qu'une part de lui redoutait probablement d'entendre, mais Zoya avait mérité d'avoir toute l'histoire. « Je crois que c'est ce secret qui a eu raison de nous. Tout était devenu... trop compliqué, et le fait que j'étais souvent entre deux avions n'a pas arrangé les choses. » Il y avait eu la pression de cet amour secret, le fait de ne pas pouvoir improviser des sorties ni pouvoir s'afficher devant leurs proches comme les autres couples. Puis ses voyages et des non-dits qu'ils avaient l'un et l'autre laissé les grignoter sans être capable de réagir à temps. L'amour, pourtant, n'avait jamais un seul instant disparu. « On a fait des erreurs, et il a fini par partir. » C'était aussi douloureusement simple que ça, et le plus dur était probablement d'avoir cru que ce genre de choses ne pourraient pas leur arriver. Parce qu'ils s'aimaient bien trop pour imaginer une telle issue, et parce que c'est ensemble qu'ils avaient toujours fait des projets. Les réaliser avec quelqu'un d'autre n'aurait aujourd'hui plus le moindre sens. « Il me manque tellement... Et je regrette de pas avoir pu te le présenter comme mon petit-ami. J'aurais aimé que tu puisses voir combien on était heureux. » Si seulement cette partie-là avait été différente, alors Zoya aurait pu voir que derrière chacun de ses sourires se cachait l'amour véritable que Swann et lui n'avaient cessé de se porter. « Je suis désolé, j'ai pensé... qu'il valait mieux que tu saches tout ça aujourd'hui. Je m'en voudrais d'avoir gâché notre séjour alors j'espère que ça nous empêchera pas d'en profiter. » A son tour de serrer ses doigts dans les siens, son regard implorant le sien de ne pas laisser ces confessions planer au-dessus de leurs vacances. Il lui devait de se reprendre en mains et il ne le ferait pas seulement par culpabilité mais aussi parce qu'il le lui avait promis.