(01.) Tu ne connais pas un monde dans lequel tu n’es pas extrêmement proche de ton aîné, mais tu les as entendu, les histoires. Celles qui racontent que Owen ne disait jamais rien quand on lui demandait ce qu’il pensait de sa petite sœur, celles qui disent en long et en large à quel point il maudissait l’être bruyant et morveux que tu étais, âgée seulement de quelques mois. Tu ne pourrais dire précisément quand les choses ont changé pour ton grand frère mais pour toi, une chose est certaine : il n’y a pas de Owen sans Autumn, pas d’Autumn sans Owen. (02.) Tu as grandi dans une famille aux valeurs très traditionnelles, ou la religion joue encore un rôle très proéminent. Pendant longtemps, il était normal pour toi d’aller à l’église tous les dimanches, vêtue de ta plus jolie robe, tes longs cheveux blonds parfaitement ramenés en un chignon dont aucune mèche ne pouvait dépasser. Mais malgré toute la bonne volonté de tes parents, tu peines à croire de la même manière qu’eux. Tu n’étais qu’une adolescente quand tu as cessé d’aller à l’église tous les dimanches, n’étant désormais que le genre à y aller à Noël et à Pâques pour faire plaisir à tes parents. (03.) Tu étais une enfant hypersensible et c’est quelque chose qui t’a attiré beaucoup de moqueries. Owen, il a toujours été là pour te défendre, toujours là pour faire peur aux gamins qui voulaient s’en prendre à sa petite sœur. Ton père par contre, il répétait sans cesse que tu ne devrais pas pleurer pour un rien, que tu faisais des caprices, que t’avais besoin de mieux te tenir parce que c’était ridicule, toutes ses crises de larmes. Rapidement, tu as appris à intérioriser toutes tes émotions, à ne jamais laisser paraître comment tu te sens. On ne doit jamais faire dans les excès chez les Galloway. Quelle ironie que tes émotions soient toujours trop, tout le temps. (04.) À l’école, tu étais de ceux qui réussissent bien sans être une première de classe. Tu ne causais jamais de vagues Autumn, on t’a appris à bien te tenir. Il n’aurait pas fallut que les professeurs aient quoi que ce soit à te reprocher, tu ne cesserais d’en entendre parler et tu n’as jamais voulu décevoir tes parents. Ton père roulait des yeux chaque fois que ton enseignante parlait de ton imagination débordante et de tes textes créatifs, il aurait préféré que tu aies de meilleures notes en mathématiques. Tes mots deviennent rapidement un échappatoire que tu gardes pour toi, même si tes notes de mathématiques elles, ne deviennent pas meilleures avec les années. (05.) Tu n’as jamais eu de mal à te faire des amis, jamais de mal à te faire une place ici et là même si tu n’as jamais eu l’impression de t’attacher complètement à qui que ce soit. Tu virevoltes de groupe en groupe, de meilleure amie en meilleure amie, sans jamais t’ouvrir complètement de peur qu’on ne découvre ce côté trop intense de ta personne. Tu te fonds dans la masse, tu te modèles selon les personnes avec qui tu passes le plus de temps, empruntes sans cesse les intérêts des autres sans jamais découvrir ce que toi, tu aimes vraiment. (06.) Enfant, tu es incapable de dire ce que   tu veux faire quand tu seras plus grande. Adolescente, tu repousses sans cesse le moment ou il te faudra faire un choix pour un domaine d’études. Tout t’intéresse un temps, tu deviens passionnée le temps de quelques semaines, de quelques mois peut-être, mais tu finis toujours par te lasser ou par baisser les bras quand ça devient demandant ou difficile. Tu commences plusieurs programmes, sans jamais rien compléter, éternellement à la recherche de ce petit quelque chose qui saura t’accrocher complètement. (07.) Tu es étudiante à l’Université de Queensland, à Brisbane lorsque tu rencontres Archie Kwanteen alors que tu partages avec le jeune homme un taxi après une soirée. Tout de votre relation se fait le plus naturellement du monde. Amis d’abord, en couple ensuite, Archie te fait sentir bien. Avec lui, tu oublies tout de cette Autumn hypersensible, de cette gamine que tu réprimes depuis si longtemps. Avec lui, tu apprends à être réellement confiante, à ne pas te laisser marcher sur les pieds, à prendre le contrôle de ta vie, de ton univers et de ceux qui veulent en faire partie. C’est qu’il a une grande gueule Archie, et elle est grande l’admiration que tu lui portes. Et plus les mois passent, plus tu te modules à cette personnalité et ça te colle à la peau, ça te fait du bien. Et si tu adores le Kwanteen, tu ne l’aimes pas. Pas comme on devrait aimer un petit-ami. Et la réciproque est toute aussi vraie. C’est donc d’un commun accord et le plus naturellement du monde que vous passez de couple à amis au bout d’un an de relation, sans jamais remettre en question l’affection que vous avez l’un pour l’autre. (08.) C’est pendant l’une de tes nombreuses pauses et remises en questions que tu fais la rencontre Kieran par l’entremise d’une amie. Vous étiez un drôle de match, dépareillés, et si tu n’étais pas intéressée au départ, tu ne mets pas longtemps à t’attacher au Halstead. Là ou tu pétilles, il se fait plus discret. Il te calme, tu le surprends. Et elle est belle votre histoire, pendant les premières années. Vous êtes amoureux et vous apportez à l’autre exactement ce dont vous avez besoin à ce moment précis de vos vies, même si ce n'est pas tout le monde qui semble voir votre relation d'un oeil positif. Sawyer, la "soeur" de Kieran ne semble pas te porter dans son coeur et le courant ne passe pas de ton côté non plus, même si tu essayes de l'impressionner sans jamais y parvenir. Tu n'en fais pas de cas au début. Tu aimes Kieran et c'est tout ce qui compte. Tu imagines un futur avec lui, même si à vous deux, il est difficile de savoir de quoi il sera fait, ce futur tant vous peinez à vous faire une idée de ce que vous voulez faire, de ce que vous voulez devenir. Et c’est là que tout commence à se compliquer. (09.) Plus tu tentes différents domaines d’études, sans jamais accrocher à quoique ce soit, plus elle en prend un coup, ton estime. Plus tu te remets en questions sans jamais trouver les réponses, plus tu te fâches devant la paresse et le manque d’ambition de Kieran. Là ou tu as l’impression de tout essayer pour trouver ta voie, tu es persuadée que ton amoureux lui se complaît dans peu, ne cherchant jamais à atteindre le maximum de son potentiel. Ils sont méchants et cruels, les mots que tu lui envoies à la figure pour le faire bouger. Ce n’est que la vérité que tu te convaincs, pour justifier tes comportements de plus en plus abusifs. Je ne veux que son bien que tu te chantes même quand c’est toi qui lui fait mal, sous prétexte qu’il a besoin d’être secoué, le Halstead. Votre couple prend un tournant pour le pire à ce moment-là et ta santé mentale aussi. (10.) Si tu n’as jamais été un exemple de stabilité et de constance, tes comportements sont de plus en plus instables et incompréhensibles, tes émotions de moins en moins bien contrôlées. Tu t’accroches à Kieran autant que tu lui en fais voir de toutes les couleurs, l’isolant peu à peu de son entourage à coup de chantage émotifs, demandant toujours un peu plus de lui à défaut de savoir qui tu es. Il est de plus en plus difficile de garder Kieran en dehors de tes différents avec Sawyer et tu insistes de plus en plus pour qu'il te choissise toi avant elle, tout le temps. Tu ne réalises pas que tu es de plus en plus méchante dans tes propos, de plus en plus violente dans tes manières d’agir, de plus en plus insistante pour obtenir ce que tu veux, ce que tu hurles avoir besoin. Et de peur qu’il t’échappe, tu parles de mariage constamment, des mois durant, lui rappelant encore et encore combien tu l’aimes et que tout ce que tu veux, c’est être avec lui pour toujours. Il finit par faire la grande demande au début 2019 et tu crois naïvement que tout ira pour le mieux ensuite, quand une belle bague hors de prix repose sur ton annulaire, comme s’il s’agissait là d’un remède miracle. Tu n’as pas encore compris que ce n’était en réalité que le début de la fin. (11.) Tes crises sont de plus en plus violentes et de plus en plus nombreuses alors que Kieran t’échappe et que tu réalises peu à peu que tu ne sais toujours pas qui tu es en dehors de cette relation qui s’effrite avec le temps. Tu abandonnes un énième programme d’études, te trouve un simple boulot de serveuse dans un restaurant de la ville et tu vas mal, terriblement mal. C’est qu’elle s’est fait une place de choix dans ta tête, la dépression au fil des derniers mois. Et comme toujours depuis bien trop longtemps, c’est Kieran qui en paie le gros prix. C’est un soir de septembre 2019 que tout dérape, quand ton mal-être devient si grand et effrayant que tu perds la carte. Quand tu lui dis vouloir mourir, quand le couteau se retrouve dans tes mains agités, quand il y a ton sang ou celui de Kieran qui coule, tu ne pourrais dire et que c’est à l’hôpital que tu te retrouves, incapable de gérer avec les trop vides et les trop pleins plus longtemps.  (12.) Après quelques semaines en psychiatrie, le diagnostique tombe enfin. Trouble de personnalité limite. Ça explique beaucoup de choses, même s’il est lourd à porter, le diagnostique. Tes parents ne comprennent pas, ton père a même été jusqu’à dire que ce n’est qu’un caprice de plus de ta part quand il pensait que tu n’écoutais pas. Reese est toujours là, Kieran fait de son mieux, mais tu le vois bien que tu lui as fait peur, que tu lui as fait mal, et tu ne parles pas juste de cette cicatrice dans le creux de sa main gauche. Tu commences la médication et la thérapie, tu fais des progrès. Tu te finis par te convaincre que tout va aller mieux, après. Que tu peux changer, que ce n’était pas toi, que c’était ton trouble. Mais les dommages sont faits. Ils sont nombreux et ils sont grands et ton trouble, il n’excuse pas tout. C’est qu’il y a des blessures plus profondes que d’autres, des blessures qui ne pardonnent pas. (13.) C’est dans une lettre que Kieran te laisse. Qu’il t’annonce qu’il ne reviendra pas. Que le mariage est annulé. Que plus jamais, il n’y aura d’Autumn et de Kieran. La chute est grande. Le mal est immense. Tes progrès des derniers mois réduits à néant alors qu’il te faut recomposer avec une nouvelle vision de ce que sera la vie après l’hôpital. Si tes parents ne le diront jamais en tant de mots, ils sont soulagés. Bon débarras que tu peux entendre ton père dire dans ta tête. Il n’était pas fait pour toi que surenchérit ta mère, comme si c’était moindrement réconfortant. Owen lui, il rage. Il ne comprend pas comment Kieran a pu te faire ça. Tu lui mets tout le blâme sur le dos, à Kieran. Refusant d’admettre tes torts qui sont pourtant nombreux. Reese devient ta constante. Celui qui aura su être là, through it all. (14.) C’est juste avant ton vingt-huitième anniversaire que tu sors de l’hôpital, après six long mois passés à l’aile psychiatrique. La médication fait effet, tu poursuis la thérapie en externe. Tu veux vraiment croire que la vie après Kieran peut être belle et que tu peux finalement aller bien. (15.) Tu ne mets pas longtemps avant de réaliser que tout autour de toi semble te rappeler le Halstead alors tu prends la décision (impulsive, oups) de partir en voyage. C’est au Canada que tu arrêtes ton choix de destination, t’inscrivant dans un programme ou tu deviens une aide pour une enseignante en anglais langue seconde d’une école francophone au Québec, ce qui viendra confirmer ton choix de reprendre tes études en enseignement une fois de retour en Australie. Tes parents t’offrent donc l’argent qui aurait dû être investi dans ton mariage pour que tu partes en juin 2020 et tu te promènes partout dans le pays jusqu’à ton retour, en mars 2021. (16.) C’est Owen qui t’apprend que Kieran se trouve à Brisbane, c’est donc naturellement (et sur un énième coup de tête) que tu décides de te trouver un emploi dans un foyer pour personnes âgées de la ville. Tu prends aussi la résolution de reprendre tes études en enseignement en septembre, bien déterminée à finalement obtenir un diplôme et faire quelque chose de ta vie.

(01.) Complexe est sans aucun doute le meilleur mot pour te décrire. Complexe comme ton trouble, même si tu refuses d’être seulement définie par ce dernier. (02.) Si les symptômes liés à un trouble de la personnalité limite sont multiples, les tiens se retrouvent principalement dans ton impulsivité, ton incapacité à gérer convenablement tes émotions et tes tendances suicidaires qui ont perduré pendant quelques mois en 2019. (03.) Tu ne sais pas gérer ton argent, tu n’as jamais su comment. Ce dernier te brûle les doigts et disparaît aussi vite qu’il est apparu. Les quelques fois ou tu as été en mesure d’économiser, tu as fini par tout dépenser de manière insouciante. Tes parents te sauvent toujours de toute difficulté financière, même si clairement, tu mériterais d’apprendre ta leçon à la dure. (04.) Tu es quelqu’un d’extrêmement empathique et tu peines souvent à faire la différence entre tes propres émotions et celles des autres. Tu es très perceptive et le moindre changement de comportement de ceux qui te sont proches te font automatiquement douter, au point ou tu crois souvent à tort que l’on t’en veut ou pire même, qu’on ne t’aime plus. (05.) Tu n’as jamais eu de véritable passion et tu jalouses ceux qui savent sans aucun doute ce qu’ils aiment faire dans la vie. Tu as essayé beaucoup de choses, certaines pour lesquelles tu es plutôt douée, mais tu ne t’es jamais impliquée dans quoique ce soit sur le long terme. (07.) Tu as beaucoup de tics physique. Tu te ronges les ongles, tu joues avec tes cheveux lorsque tu es nerveuse, tu sors légèrement la langue quand tu es plongée dans tes pensées et tu fais beaucoup de gestuelles quand tu t’exprimes, bien incapable de rester immobile. (08.) Si tu ne pratiques pas régulièrement, il t’arrive parfois de prier quand tu es réellement désemparée et comme ton frère, tu portes à ton cou une croix qui t’a été offerte par ta mère lorsque tu n’étais encore qu’une gamine. (09.) Ta couleur de cheveux naturelle est le blond, mais c’est après ton arrivée au Canada que tu as fait le saut et teint tes cheveux roux. Nouvelle tête, nouvelle vie. Ou du moins, c’est ce que tu continues de te faire croire.