La journée avait été relativement tranquille jusqu’au moment où elle ne l’était plus. C’était souvent ainsi à la caserne, c’était souvent les journées les plus lentes qui finissaient par vous surprendre avec les pires accidents, les pires incendies. Tu ne travaillais pas pour la caserne de Brisbane depuis bien longtemps, quelques semaines à peine, mais tu avais appris au fil des années que peu importe l’endroit où tu te trouvais, la dynamique était bien souvent la même. L’incendie sur lequel vous avez été appelé en fin de journée a demandé à ce que vous appelez du renfort. Si tu te faisais à peine aux visages de ton équipe, c’était toujours une tâche supplémentaire que de se retrouver avec des pompiers volontaires qui étaient moins habitués sur les scènes, mais qui voulaient toujours bien faire évidemment. Ce à quoi tu ne t’attendais pas toutefois, c’est de croiser Molly une fois que tout était terminé et que tout le monde était en sécurité. Tu n’avais rien dit sur le coup, surpris de la voir là, surpris de la revoir tout simplement après votre rencontre au refuge quelques jours plus tôt. C’était sans aucun doute stupide, mais tu n’avais pas su te la sortir de la tête ce jour-là, regrettant de ne pas lui avoir demander son numéro à ce moment, ou même de ne pas lui avoir proposer d’aller boire un café après sa journée de travail. Et voilà qu’elle était là à nouveau et tu ne savais même pas quoi dire, figé comme un idiot à la regarder sans parler alors qu’un de tes collègues te presse pour finir de ramasser tout l’équipement utilisé. Tu lui fais seulement un signe de la tête et puis tu retournes vers ton collègue, te sentant particulièrement stupide. C’est seulement une fois de retour à la caserne, après le retour au calme, que tu prends le temps de retourner vers elle. De tous les endroits à Brisbane, jamais tu n’aurais cru que c’est ici que ton chemin viendrait croiser le sien à nouveau. Tu t’approches d’elle et elle te fait dos. Tu poses ta main sur son épaule pour lui signifier ta présence. « Molly. » Un sourire vient se placer sur tes lèvres alors que ton regard trouve le sien. « Je suis désolé d’avoir rien dit tantôt, j’étais surpris de te voir là. » que tu admets, comme si tu lui devais une explication pour ton silence alors qu’au fond, tu étais tout simplement occupé à faire ton travail. « Jamais je n’aurais cru te croiser ici. » Bien que ce serait mentir que de dire que tu n’espérais pas la revoir, plus tôt que tard.

La journée est longue et difficile. J’aurais toujours un peu de mal à gérer les missions que l’ont me donne en tant que pompier volontaire. J’adore aider les gens, mais je ne peux pas m’empêcher de prendre à coeur chacune des situations que l’on doit gérer. Aujourd’hui, j’ai été appelé en urgence pour un incendie. Je ne sais pas combien nous sommes exactement, mais dans un premier temps, j’ai bien l’impression que les flammes ne s’éteindront jamais. Il aura fallu quelques heures de travail avant que l’on ne puisse enfin respirer.

Je ne m’attendais pas à le voir, Trent. Le jeune homme qui a perdu son chien il y a quelques jours. Je fronce les sourcils en le voyant au loin, pas certaine que ce soit lui. Il me regarde aussi et je n’ai aucune idée de ce que je dois faire. J’ai pensé à lui plusieurs fois ces derniers jours, me demandant ce qu’il aurait pu se passer si j’avais osé lui demander son numéro ou d’aller boire un café. Les secondes passent et on reste chacun de son côté. Un signe de la main et je hoche la tête en souriant avant de me remettre au travail. Je ne peux pas me laisser distraîre, je dois suivre mes dernières décisions. Je dois m’intéresser à moi avant de penser aux autres. J’ai besoin de me retrouver, mais je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi Trent est aussi présent dans mes pensées. Je n’ai pas besoin de ça, je ne peux pas me compliquer la vie de nouveau.

On rentre enfin à la caserne et je suis épuisée. On a beaucoup travaillé et je n’ai pas pu m’empêcher de vérifier autour de l’incendie s’il n’y avait pas des animaux blessés. C’est courant en Australie que certains animaux comme les koalas se retrouvent au beau milieu des incendies.  « Molly. » Je me retourne rapidement, reconnaissant la voix de Trent dans mon dos. « Je suis désolé d’avoir rien dit tantôt, j’étais surpris de te voir là. »  Je souris. “J’ai rien dit non plus.” Il n’a pas besoin de justifier ses actes, il aurait même pu ne pas se souvenir de moi.  « Jamais je n’aurais cru te croiser ici. »  “Moi non plus.” On a pas réellement pu discuter de ce qu’on faisait de nos vies, et jamais je ne me serais doutée qu’il puisse travailler ici. “T’es pompier à plein temps ?” Je ne sais pas depuis combien de temps il est en ville, mais je suis certaine de ne pas l’avoir déjà vu en dehors du refuge il y a quelques jours. “T’es arrivé récemment à Brisbane ?” La question m’échappe sans que je ne le contrôle et je pince les lèvres. “T’es pas obligé de répondre.”

Depuis que tu as croisé Molly au refuge, il y a quelques jours de ça, tu n’arrives pas à te la sortir de la tête, bien que tu peines à comprendre pourquoi. Elle avait été d’une douceur innée et d’une aide précieuse dans un moment qui s’était voulu assez stressant. Tu ne sais pas comment les jumeaux auraient réagis si vous aviez perdu Rumple, tu sais qu’ils y sont attachés, tes petites têtes blondes. Mais il y a quelque chose chez la jeune femme qui te semblait familier, comme si tu étais persuadé de l’avoir déjà vu quelque part sans être capable de t’expliquer ou, quand et comment. Alors évidemment, de la voir présente sur l’incendie avait été un choc. Est-ce que tu l’avais déjà vu quelque part à Brisbane, sur un autre incident de la sorte? Tu n’avais pas non plus l’impression que c’était le cas, intimement persuadé qu’elle t’aurait fait une impression dans ce contexte. Ça t’agace, mais surtout, ça te perturbe de ne pas être capable de te l’expliquer, comme si ton propre cerveau te cachait une vérité qui te pend cependant au bout du nez. C’est seulement une fois que vous êtes de retour à la caserne que tu oses approcher la petite brune, t’excusant pour ton comportement étrange pendant l’incendie. « J’ai rien dit non plus. » Tu secoues la tête. Vous étiez occupés après tout, ce n’est pas comme si vous aviez vraiment tout le temps du monde pendant un incendie.

« Moi non plus. » Ça te fait sourire doucement. C’est une drôle de coïncidence après tout, de penser que vous exercez tous les deux le même métier (ou du moins en partie) et que vos chemins ne se sont jamais croisés jusqu’à maintenant dans ce contexte bien particulier. « T’es pompier à plein temps? » Tu hoches la tête doucement. « Ambulancier majoritairement, mais je me promène entre les deux. » que tu lui avoues avec un sourire. Tu aimais le rush des situations d’urgence, bien que tu trouvasses plus souvent ton confort dans l’ambulance que dans le gros camion. « T’es arrivé récemment à Brisbane? » Cette fois-ci, tu réponds à la négative. « T’es pas obligé de répondre. » Tu fais un signe de la main avant de rajouter « Ça me gêne pas. » avec un rire. Elle est gênée, a se voit par la façon qu’elle a de se mordre les lèvres et de rougir doucement, ce que tu trouves adorable. « Non, j’habite ici depuis toujours. Mais ça fait quelques seulement quelques semaines que je travaille à la caserne du centre-ville. Je me promenais pas mal dans la région avant ça. C’est mon premier poste permanent. » que tu lui admets. Il faut dire que pendant longtemps, tu aimais l’imprévisibilité des rotations aléatoires un peu partout dans Brisbane et les environs. Tu avais eu plusieurs occasions de prendre des postes permanents ici et là, mais tu attendais l’ouverture qui serait la bonne pour toi et le moment était enfin venu. Il fallait admettre qu’avec les jumeaux, c’était bien plus simple maintenant que tu connaissais d’avance de quoi ton horaire serait constitué et la routine avec ta sœur s’était facilement installée. « J’ai l’impression qu’on s’est déjà vu quelque part, avant le refuge. » que tu finis par lui avouer, toujours bien incapable de mettre le doigt sur l’endroit ou tu peux bien l’avoir vu par le passé.

Je n’arrive pas à le sortir de ma tête, malgré tous les efforts. Je ne peux pas faire ça, je n’ai pas le temps de m’intéresser à un homme, je ne pense pas en avoir la force non plus. Il faut que je me reprenne, et que j’arrête de penser à cette entrevue étrange avec un homme que j’avais l’impression d’avoir déjà vu.

Mais je l’ai revu. Il est dans la caserne, et il travaille avec moi. Comment cela peut-il être possible ? Je ne crois pas vraiment au hasard, mais je refuse de me faire de faux espoirs en parlant de destin. Je ne peux plus être comme ça, ça fait bien trop mal. C’est lui qui vient vers moi et mon sourire s’agrandit bien plus que je ne veux bien l’admettre. « Ambulancier majoritairement, mais je me promène entre les deux. » Je hoche la tête, il aime aider son prochain et ça se ressent. “Pas trop épuisé ?” Ce travail est compliqué, et je sais à quel point c’est difficile de toujours vouloir faire plusieurs choses à la fois. Je me retrouve à trop parler, à poser des questions qui ne me regardent pas, et je m’excuse encore une fois de vouloir en savoir trop sur lui. « Ça me gêne pas. » Je souris encore et je baisse le regard pour observer mes chaussures. « Non, j’habite ici depuis toujours. Mais ça fait quelques seulement quelques semaines que je travaille à la caserne du centre-ville. Je me promenais pas mal dans la région avant ça. C’est mon premier poste permanent. » Je fronce les sourcils “T’aimais pouvoir bouger partout dans le coin ?” Moi je n’ai jamais vraiment voyagé, même en Australie. Mon seul grand voyage a été ma lune de miel avec Leo, mais ça, je préfère ne pas en parler. « J’ai l’impression qu’on s’est déjà vu quelque part, avant le refuge. » Je ne suis donc pas la seule à avoir cette impression. “J’ai l’impression aussi.” Je remonte le regard et plonge dans le sien à nouveau, comme pour réfléchir à d’où venait cette impression de déjà vu. “Tu crois qu’on s’est déjà vu quelque part ?” Mais si ça avait été le cas, comment est ce que j’aurais bien pu l’oublier ?

Tu n’aurais jamais pensé retomber sur Molly de cette façon. Tu tiens toutefois à prendre le temps d’aller vers elle, tu as l’impression que ce serait vraiment déplacé de ta part de faire comme si tu ne l’avais pas vu et puis, il te fallait admettre que tu étais content de poser les yeux sur elle à nouveau. Elle est gênée de te poser des questions sur toi et ce que tu fais, mais tu la rassures tout de suite. « Pas trop épuisé? » La question t’arrache un léger rire. C’est clair que ton métier de pompier-ambulancier pouvait gruger pas mal de ton énergie au quotidien, mais certainement pas autant qu’un autre rôle que tu tenais de manière bien plus accaparante. « J’ai des jumeaux en bas-âge, le boulot, c’est des vacances à côté. » que tu lui expliques dans un rire. L’amour que tu portais pour tes enfants était sans pareil, quand bien même tu ne t’étais jamais imaginé devenir père de cette façon, encore moins d’être un père célibataire avec une garde complète. Ton schéma de la famille idéale avait rapidement foutu le camp quand tu avais appris que Charlie était enceinte, et si la situation n’avait rien de parfaite, tu faisais de ton mieux pour t’en satisfaire. « T’aimais pouvoir bouger partout dans le coin? » Tu fais signe que oui de la tête, bien que ça aussi, ça ait été une réalité qu’il t’a fallut changer après la naissance des jumeaux, mais surtout après que tu ais obtenu la garde complète. « Oui, ça me manque un peu de bouger, mais c’est plus simple maintenant d’être toujours à la même place. » Ce n’était qu’une des nombreuses adaptations à laquelle tu avais dû te faire, priorisant toujours les besoins des jumeaux avant tes propres envies.

« J’ai l’impression aussi. » Tu es soulagé lorsqu’elle t’avoue qu’elle a aussi l’impression de te connaître, bien qu’elle ne semble pas être capable de placer le moment ou l’endroit elle non plus, ce qui ne fait que t’intriguer davantage. « Tu crois qu’on s’est déjà vu quelque part? » Tu hoches la tête à l’affirmative. « Si on a tous les deux l’impression, ce serait surprenant que ce ne soit pas le cas. » Pourtant, vous avez beau être plantés là, à vous dévisagez comme deux imbéciles, la réponse semble être cachée dans un coin de vos esprits ou vous n’êtes pas prêts à chercher. « Peut-être qu’on a des amis communs. » que tu proposes finalement, bien que tu penses que tu t’en souviendrais si Zoya ou Quincy connaissaient Molly. Tu es plutôt doué avec les prénoms. « Est-ce que tu habites à Brisbane depuis longtemps? » que tu lui demandes donc à ton tour, peut-être que vos chemins se sont croisés lorsque vous étiez plus jeunes. En ce moment, tout semble encore possible pour expliquer cette impression de déjà-vu.

J’aime être là, à discuter avec lui. J’éteins mon cerveau, encore une fois, alors que je ne devrais pas. J’ai dit que je devais me protéger, et me voilà à le regarder comme une gamine apeurée. Je l’ai déjà vu quelque part, mais je ne m’imagine même pas d’où ça peut venir. « J’ai des jumeaux en bas-âge, le boulot, c’est des vacances à côté. » J’ouvre de grands yeux étonnés, des jumeaux. “Waouh.” Je suis très impressionnée. “Je vois souvent des jumeaux à l’hôpital et ils sont pleins d’énergie, je les adore.” Je ris légèrement, ça doit se voir que j’aime beaucoup les enfants en général, même si je n’ai pas encore eu l’occasion d’en avoir. Je me racle légèrement la gorge. “Il n’y a personne pour t’aider ?” Je fronce les sourcils, me voilà en train de lui poser des questions encore plus personnelles pour savoir qui peut bien faire partie de sa vie actuellement. « Oui, ça me manque un peu de bouger, mais c’est plus simple maintenant d’être toujours à la même place. » C’est sûrement bien plus rassurant pour les enfants, même s’il arrête de faire une partie de ce qu’il aime. “C’est beau de voir ce genre de réaction, pas tous les parents sont capables de faire ce genre de choses.”

« Si on a tous les deux l’impression, ce serait surprenant que ce ne soit pas le cas. » Effectivement, et finalement, je verrai plus tard qu’il aurait mieux valu qu’on ne se souvienne pas d’où on aurait pu se voir. Je pince les lèvres et je réfléchis. « Peut-être qu’on a des amis communs. » Je n’ai pas beaucoup d’amis, et en ce moment, tout le monde disparaît autour de moi. Même Hannah a disparu de la circulation sans vraiment me dire pourquoi, je suis assez seule et je ne vois pas où j’aurais pu le rencontrer. « Est-ce que tu habites à Brisbane depuis longtemps? » “Oui depuis un paquet d’années, je suis venue pour suivre ma soeur et pour mes études.” Je souris, on ne connaît rien l’un de l’autre, mais cette situation nous permet d’en apprendre plus. Mon cerveau bouillonne et je cherche, je connais quelqu’un qui a des jumeaux, mais à cet instant, j’espère de tout mon coeur qu’on ne se connait pas de là. Je me souviens que les enfants de Charlie ont des noms particuliers, Léo m’en a souvent parlé quand on avait encore de bonnes relations. “Ils s’appellent comment tes enfants ?” Je pose la question avec un peu de peur et d’angoisse au ventre.

« Waouh. » Sa réaction te fait rire, ce n’est pas la première ni la dernière fois que tu auras droit à un commentaire dans ce genre-là. C’est l’effet jumeaux sans doute, deux fois plus de tout quand le simple fait d’avoir un enfant chamboule bien amplement une vie. « Je vois souvent des jumeaux à l’hôpital et ils sont pleins d’énergie, je les adore. » « À l’hôpital? » que tu lui demandes. Est-ce que c’est là-bas que tu aurais pu la croiser par le passé? Entre tous tes déplacements en ambulance et les nombreux mois passés à arpenter les couloirs entre la maladie de Kimberley et puis celle de Quincy, ça semblait être une possibilité probable, selon ce qu’elle y faisait. « Mais t’as combien de boulots en fait? J’ai l’impression que tu fais 1001 choses. » Tu ris un peu plus, de plus en plus impressionné et curieux par cette fille étonnante qui te fait face. « Il n’y a personne pour t’aider? » « Oui, ma famille est très impliquée et ils aident autant qu’ils peuvent. » que tu la rassures. Tu ne sais pas comment tu survivrais au quotidien si ce n’était pas de l’aide précieuse de ta sœur Delilah. Il n’y a clairement pas assez d’heures dans une journée pour gérer les jumeaux à temps plein en plus de ton boulot aux horaires atypiques. « Mais j’ai la garde complète. Leur mère est présente, mais c’est compliqué. » Tu n’as pas vraiment envie de t’étendre en longueur sur le sujet Charlie, mais voilà que tu tenais quand même à préciser que tu n’étais pas avec elle. « C’est beau de voir ce genre de réaction, pas tous les parents sont capables de faire ce genre de choses. » « Ils sont ma priorité. » Et c’était le cas depuis la minute qu’ils étaient nés et tu ne voyais pas le jour où cela changerait.

La sensation de déjà-vu étant partagée, ça ne fait que renforcer l’idée que ton chemin a définitivement croisé le sien par le passé. Tu proposes des pistes, mais Molly ne semble pas convaincu et la vérité c’est que toi non plus, tu ne penses pas la connaître via des amis communs. Tu lui demandes alors si elle est en ville depuis longtemps, ce à quoi elle répond par l’affirmative. « Oui, depuis un paquet d’années. Je suis venue pour suivre ma sœur et pour mes études. » Tu hoches la tête, elle doit avoir étudier à l’Université, mais toi t’as fait l’école de pompiers et d’ambulanciers direct donc ce n’est certainement pas là que vos chemins se sont trouvés. « Tu te plais ici? » que tu lui demandes tout de même, curieux de savoir et d’apprendre à la connaître en même temps que vous continuez de chercher pour ce moment bien précis dans vos souvenirs. « Ils s’appellent comment tes enfants? » Tu fronces les sourcils légèrement, surpris de sa question. Pourrait-elle connaître les jumeaux? Ça te semble peu probable, peut-être qu’elle demande seulement par curiosité après tout. « Aaron et Siobhan. » que tu annonces, toujours avec cette même fierté dans la voix lorsque tu parles d’eux. Tu attrapes ton téléphone et l’ouvre pour montrer ton fond d’écran à Molly. Il s’agit évidemment d’une photo récente des jumeaux assis sur ton canapé. Aaron fait une grimace et Siobhan elle offre son plus grand sourire. Tu te souviens que Zoya était en train de faire des bêtises derrière la caméra pour obtenir une telle réaction de la part de ta fille. « Ils vont avoir deux ans en novembre. »

« À l’hôpital? » Ca surprend. Je n’y suis pas souvent, mais j’essaie de me libérer au maximum pour les enfants. Je souris, il sourit aussi, et tout se passe bien. C’est presque trop beau pour être vrai, mais mon cerveau a décidé de m’abandonner pour laisser mon coeur prendre possession de tout mon être. Ce n’est pas bon pour moi, et pourtant, je fonce encore tête baissée. « Mais t’as combien de boulots en fait? J’ai l’impression que tu fais 1001 choses. » Je pouffe de rire en passant ma main dans mes cheveux. J’ai toujours besoin d’être occupée et je ne dors pas beaucoup, ça explique sûrement le fait que je sois capable de faire autant de choses pour aider le plus de monde possible. “Je travaille en majorité au refuge, après je suis que volontaire ici et je fais partie d’une association en dehors du boulot… on se déguise en personnages disney pour distraire les enfants malades.” Je sais que ça peut en faire rire certains, car ils pensent que je me rends ridicule. Mais je serais prête à tout pour leur apporter un peu de bonheur. « Oui, ma famille est très impliquée et ils aident autant qu’ils peuvent. » Je souris, rassurée au fond de savoir qu’il n’est pas seul, même si je crois comprendre que la mère ne fait pas partie du tableau. « Mais j’ai la garde complète. Leur mère est présente, mais c’est compliqué. » C’est confirmé. “Tant qu’ils ont au moins une personne sur qui compter c’est le principal.” Moi je n’ai pas eu l’occasion d’avoir des parents biologiques là pour moi, et je suis devenue particulièrement sensible au bonheur des enfants au sein de leurs familles.

« Ils sont ma priorité. » Le sourire que j’ai sur le visage ne fait que s’agrandir un peu plus. “Je vois qu’ils ont le droit à beaucoup d’amour.” Et ce n’est pas moi qui vais le blamer pour ça, bien au contraire. On parle de nous, de la ville, et on cherche d’où vient ce déjà vu. « Tu te plais ici? » Je hoche vivement la tête. “Je pouvais pas rêver mieux comme ville, j’ai tout ce qu’il me faut ici.” Et ce n’est pas dans mes projets de déménager de cette belle ville qui est maintenant chez moi.

« Aaron et Siobhan. » Et je sais, je ferme les yeux et mon sourire s’éteint rapidement. J’ai déjà entendu ces prénoms sortir de la bouche de Léo quand il me parlait des enfants de Charlie. Je regarde la photo, ils sont adorables. « Ils vont avoir deux ans en novembre. » Tout correspond et je ne sais pas pourquoi ça me rend aussi triste. Le monde est petit, et je m’en rend compte aujourd’hui. Je sais que Charlie me déteste et elle m’aimera encore moins si je reste dans les parages de son ex et de ses enfants. “Tu connais bien Charlie donc ?” Je pince les lèvres et relève légèrement les yeux vers lui. “J’ai déjà entendu parler des enfants avec Léo, j’étais avec lui pendant un an… enfin pas vraiment avec lui, c’est compliqué… mais on se connait sûrement de là.” Et je déglutis, pas vraiment ravie d’avoir trouvé la réponse qu’on cherchait.

« Je travaille en majorité au refuge, après je suis que volontaire ici et je partie d’une association en dehors du boulot… on se déguise en personnages Disney pour distraire les enfants malades. » Tu hoches doucement la tête, surpris d’apprendre qu’elle trouve le temps de donner autant dans diverses organisations aussi différentes les unes des autres mais servant un but commun : aider son prochain. Tu croises parfois des gens accoutrés de costumes de princesses et tu réalises qu’ils sont sans doute au sein de cette association que Molly mentionne. « Tu joues qui, dans cette association? » Tu ne peux t’empêcher d’être curieux de savoir quelle princesse elle interprète pour le plus grand plaisir des enfants. « Tu es presque aussi occupée que moi avec tout ça. » que tu lances avec humour. Tu trouvais réellement honorable qu’elle cherche à donner autant de sa personne de cette façon. « Tant qu’ils ont au moins une personne sur qui compter c’est le principal. » Tu hoches vaguement la tête. La vérité c’est que t’aurais préféré n’importe quel autre schéma familial que celui dans lequel tu te retrouves. Tes parents étaient encore mariés aujourd’hui, ils avaient survécu à trois enfants biologiques en plus de nombreux enfants en famille d’accueil avant de formellement prendre Daisy comme dernière membre de la fratrie. Tu avais toujours aspiré à reproduire ce même genre de schéma, mais ton entrée dans la vie de parents c’était fait d’une manière bien différente. « Je vois qu’ils ont droit à beaucoup d’amour. » « Je fais au mieux. » que tu conclus avec un sourire, parce que c’est bien tout ce que tu peux faire après tout.

« Je pouvais pas rêver mieux comme ville, j’ai tout ce qu’il me faut ici. » « Tu viens de quel coin? » que tu lui demandes, toujours aussi curieux d’en apprendre plus sur elle. Tellement curieux que t’en oublies que tu n’as pas encore pris le temps de te changer et que tu pourrais être appelé à repartir avec Laura dans l’ambulance à n’importe quel moment. Tu ne remarques même pas qu’elle observe la scène à quelques mètres de là, tu ne vois que Molly et son sourire. Malgré le nuage qui semble soudainement se placer au-dessus de vos têtes sans que tu ne réalises encore ce qui est en train de se produire. Son sourire se dissipe peu à peu quand tu lui mentionnes le nom des jumeaux et que tu lui montres la photo sur laquelle elle pose rapidement les yeux. « Tu connais Charlie donc? » Fuck. « C’est la mère des jumeaux, oui. » Évidemment, il fallait que Molly soit relié à Charlie d’une manière ou d’une autre. Ou du moins, c’est ce que tu pensais. Tu hoches la tête, pas prêt à entendre la prochaine vérité qui s’apprête à filer des lèvres de la brune. « J’ai déjà entendu parler des enfants avec Léo, j’étais avec lui pendant un an… enfin pas vraiment avec lui, c’est compliqué… mais on se connaît sûrement de là. » « T’es l’ex-femme de Léo? » que tu demandes de but en blanc, parce que Molly bégaye et se perd dans ses mots et toi, tu peines à vraiment comprendre l’absurdité de la situation. Molly, belle et douce Molly, rencontre hasardeuse du refuge, n’est nul autre que l’ex-femme du mari de la mère de tes enfants. Oh sweet fucking irony. « Je suis désolé, pour ta séparation avec Léo. J’ai pas trop suivi ce qui s’est passé je t’avoue, mais… » Mais quoi? Pourquoi tu parles encore d’eux? « Enfin bref. Le mystère est résolu j’imagine. » Et c’est drôle, mais soudainement t’aurais préféré que ça reste une impression de déjà-vu sans explication réelle.

On discute avec une facilité déconcertante. Comme s’il y avait toujours un sujet de conversation intéressant à aborder. J’aime cette sensation, ça ne m’était pas arrivé depuis un long moment. « Tu joues qui, dans cette association? » “Anna” Je me rappelle soudain que ce n’est peut-être pas un grand fan de disney alors je me sens obligée de préciser : “De la Reine des Neiges. C’est pas la princesse principale mais la marrante et naturelle à côté, c’est une de mes préférées." Parce que c’est une princesse à laquelle n’importe quelle jeune fille peut s’identifier. Et, selon quelques amis de l’association, j’étais parfaite pour incarner un tel personnage, alors je me suis jetée à l’eau. « Tu es presque aussi occupée que moi avec tout ça. » Je ris légèrement. “On apprécie tous les deux d’être occupé donc.” Un point commun, que je partage rarement avec les gens en général. Beaucoup me trouvent bien trop active. « Je fais au mieux. » Il a l’air d’être un bon père, et je ne renchéris pas. Je ne suis personne pour lui faire une quelconque remarque, mais je ne peux pas m’empêcher de voir à quel point ses enfants ont l’air important pour lui. « Tu viens de quel coin? » “Towoomba, c’est pas très loin.” Mais assez pour que je ne puisse pas faire les allers retour chez mes parents adoptifs autant que je l’aurais voulu à une époque.

Et je sais, je comprends enfin d’où vient cette impression de déjà vu, et j’aurais préféré ne pas trouver. Rester dans l’ignorance encore un peu, jusqu’à ce qu’on se prenne une vraie claque dans la figure. « C’est la mère des jumeaux, oui. » Et merde… C’est donc bien ce que je pensais. « T’es l’ex-femme de Léo? » Je hoche la tête, ne trouvant pas vraiment utile de répondre clairement à la question. « Je suis désolé, pour ta séparation avec Léo. J’ai pas trop suivi ce qui s’est passé je t’avoue, mais… » Je secoue la tête, il ne connait rien à cette histoire et il ne sait pas à quel point elle a été étrange. “C’était pas vraiment une relation, on a jamais été ensemble. On a essayé pendant un moment, mais ça a jamais marché…” Un échec de plus, alors que j’y ai cru au début, de tout mon coeur. « Enfin bref. Le mystère est résolu j’imagine. » On ne s’attarde pas sur les explications et mes yeux sont fixés sur mes doigts avec lesquels je joue. J’allais parler, je ne sais même pas quels mots allaient sortir de ma bouche mais l’alarme a retentit à la place. 2 urgences, et nous ne sommes pas sur la même. Je secoue la tête et lui fait un signe de la main, peut-être que je ne le reverrai plus, et ce serait certainement mieux comme ça.