Brisbane, 30 juillet 2021.L’issue du procès pour lequel elle se bat depuis quelques mois ne semble pas favorable, et cela joue particulièrement sur les nerfs de l’avocate. Elle se rend compte que l’abus de pouvoir et d’argent prime toujours, au détriment de la justice. C’est sûrement ce qui la met de mauvaise humeur aujourd’hui tout particulièrement alors que pourtant, elle s’apprête à rejoindre ses frères pour passer la soirée avec eux. Elle est ravie d’ailleurs, surtout que c’est la première fois depuis son retour qu’ils vont se retrouver tous les trois. L’occasion tombe bien puisque les deux frères ont choisi le jour de son anniversaire pour inviter leur sœur cadette au restaurant. Un restaurant dont Alec lui a envoyé l’adresse un peu plus tôt dans la journée pour qu’elle les rejoigne directement sur place, une fois son travail terminé. C’est peut-être ce qui lui donne ce petit sourire au coin des lèvres malgré tout alors qu’elle ressort de ce vestiaire, qu’on pourrait plutôt qualifier de salle de bain, une douche étant à disposition pour les employés. Elle s’est donc changée et arbore désormais à la place de son tailleur de la collection Weatherton, une jolie petite robe jaune du même créateur, qu’elle a acheté le jour du défilé où elle a eu le droit de monter sur scène avec Eddie. Maquillée et coiffée, elle traverse les locaux du cabinet alors qu’un de ses collègues l’interpelle « Birthday girl a un date, ce soir ? ». Un fin sourire se dessine sur les lèvres de l’américaine alors qu’elle s’approche de l’ascenseur « I wish », elle ponctue sa réponse d’un clin d’œil alors que les portes s’ouvrent et qu’elle s’engouffre dans l’élévateur « Ne lui fais pas vivre un enfer à cause de ce procès ! On trouvera une solution Strange. Profite de ta soirée ». Gaby le gratifie d’un sourire avant que les portes ne se referment, lui faisant un petit signe de la main. Ce procès la préoccupe grandement et elle espère que la soirée qu’elle va passer avec Mitchell et Alec va l’aider à redescendre en pression. Cependant, elle doit reconnaître qu’elle ressent une certaine appréhension de les retrouver, peut-être par crainte de ne pas réussir à se détendre totalement quand elle sait pertinemment que ses frères ne sont pas à cent pour cent honnête avec elle et continuent à lui cacher bien des choses.

Elle rejoint donc sa voiture au parking souterrain et en ressort quelques minutes après. En sortant de celui-ci, elle attrape ses lunettes de soleil dans la boite à gants, le soleil l’aveuglant alors que la circulation se fait dense, comme toujours, à cette heure-ci de la journée. Stoppée derrière une longue queue de véhicule, elle en profite pour écrire un message à Alec pour le prévenir qu’elle risquait d’avoir un peu de retard afin qu’il ne s’inquiète pas en ne la voyant pas arriver à l’heure. Toujours très bavard, sa réponse ponctuée d’un simple ok fait lever les sourcils à Gaby avant qu’elle ne se rende compte que les voitures, devant elle, ont bien avancé. Elle redémarre donc en accélérant un bon coup, la file qu’elle a choisi étant visiblement plus rapide que les deux autres à côté d’elle. Alors que son téléphone, fixé sur le tableau de bord, se met à vibrer, une nouvelle fois, Gabrielle détourne le regard une seconde mais reporte vite son attention sur la route lorsqu’un automobiliste vient à lui couper la route. Un automobiliste semble-t-il, pressé, au point qu’il manque de l’envoyer dans le décor, obligeant Gaby à piler, manquant de se faire rentrer dedans par la voiture derrière elle. Elle a dû faire un petit écart également, pour que l’abruti qui vient de lui faire une queue de poisson ne lui fasse pas faire une sortie de route. Furax, Gabrielle se met alors à klaxonner à l’inconscient, lui faisant appel de phares sur appel de phares pour l’inciter à s’arrêter. Son cœur bat encore dans sa poitrine alors qu’elle a eu la frousse en voyant la sportive faire irruption devant elle. En tout cas, son conducteur ne semble pas comprendre, Gabrielle décide alors de le doubler à nouveau pour se mettre devant lui, mettant ses feux de signalement en marche pour lui indiquer de s’arrêter sur le bas-côté avec elle. La jeune femme se gare alors, l’automobiliste coopérant et s’arrêtant aussi derrière elle. Elle sort aussitôt de son véhicule, claque fortement la portière et alors qu’elle s’apprête à déblatérer un flot de paroles pour insulter l’idiot qui a manqué de lui faire avoir un accident, elle se stoppe en approchant de lui, et en le reconnaissant surtout. « Gabrielle ? ». Encore lui, évidemment, qui d’autres ? « Walker, j’aurai dû m’en douter » répond-t-elle alors immédiatement, le toisant du regard, ne quittant pas ses lunettes de soleil pour autant. Elle laisse échapper un soupir entre ses lèvres, se demandant si le destin ou elle ne sait quoi d’autre s’amusait avec eux pour les faire se croiser sans cesse. « Tu joues à quoi ? T’a failli m’envoyer dans le décor ! », abruti, a-t-elle envie de ponctuer mais elle se retient. « Tu t’es cru sur un circuit de course ? Ou tu te penses éternellement seul au monde, comme toujours ? ». L’énervement est palpable, grandissant alors qu’elle s’est approchée un peu plus. Elle relève finalement ses lunettes sur sa tête, trouvant le regard de Channing alors qu’elle vient à croiser ses bras sur sa poitrine. « Ton statut de PDG ou je ne sais quoi ne te donne pas tous les pouvoirs, Walker ! ». En plus d’avoir ce procès en travers de la gorge, ce qui explique la pique qu’elle lui envoie, le fait de se retrouver devant son ex à nouveau n’aide en rien pour la calmer.

Brisbane, 30 juillet 2021.Il y a de ces personnes que l’on préférerait ne plus revoir, ne plus recroiser et pourtant, le destin semble vouloir à tout prix vous les faire rencontrer à nouveau. C’est ce que ressent Gabrielle avec Channing Walker. Leur histoire s’est terminée trois ans auparavant, lui quittant Los Angeles, indifférent de la laisser derrière lui, indifférent quant au fait de tirer un trait définitif sur cette relation sans nom et pourtant si fusionnelle qu’ils entretenaient. L’amertume est toujours présente, malgré l’eau passée sous les ponts, malgré le temps qui a su effacer les blessures. Du moins, c’est ce que pensait Gabrielle jusqu’à qu’elle retombe nez à nez avec son ex au mois d’avril dernier. Elle pensait l’avoir oublié, peut-être lui avoir pardonné sa lâcheté, mais elle s’est rendue compte qu’il n’en était rien. Dès l’instant où leur regard se sont croisés à nouveau, Gabrielle a senti ce coup de poignard dans le dos, similaire à celui qu’elle avait ressenti lorsqu’il a quitté sa villa sans un geste, sans un mot tendre à son attention. Peut-être pourrait-t-elle avoir l’honnêteté de reconnaitre qu’elle ne l’a pas aidé en lui montrant la sortie, ouvrant grand la porte pour lui permettre de sortir définitivement de sa villa et surtout de sa vie. Elle ne le fera pas, jamais devant lui. A la place, à chacune de leur rencontre, elle préfère revêtir son masque, celui qu’elle sait très bien utilisée, se montrant froide et dédaigneuse à son égard, parce que, malgré tout, la blessure est toujours là.

C’est le cas pour cette troisième rencontre. Cette fois, cependant, la réaction de l’avocate est justifiée quand il a manqué de l’envoyer dans le décor en lui faisant une queue de poisson. Elle ne manque pas de lui faire remarquer, la colère transparaissant nettement dans ses paroles « Respire un bon coup Gaby. Je sais conduire ». Ce surnom sonne faux entre ses lèvres aujourd’hui. Il n’a plus la même saveur, il n’a plus le don de la faire frissonner de la même manière. Parce qu’il y a un frisson qui parcourt son échine lorsqu’elle l’entend prononcer son diminutif, qui la fera se figer quelques instants.  Elle aimait la résonnance dans sa bouche, elle ne l’aime plus désormais. Parce que plus rien n’est pareil, plus rien ne le sera jamais… « C’est une évidence que non ». Il lui a coupé la route et estime encore savoir conduire, elle n’en est pas certaine. Elle l’assène de questions, jetant son venin sur lui, lui rappelant que ce statut de PDG qu’il est désormais, et peut-être qu’elle déteste parce que c’est aussi la raison pour laquelle leur histoire a pris fin, ne lui donne pas tous les droits « et celui d’avoir peur au volant ne t’accorde pas celui de te décharger sur moi ». Elle pouffe de rire à son audace en prononçant de tels mots alors qu’il a tort sur toute la ligne. S’il vient à planter son regard dans le sien, elle le soutient, sans flancher « Est-ce que tu vois la moindre éraflure sur ma voiture ? Est-ce que la tienne s’est mangée la barrière de sécurité ? ». Elle est désespérée et n’apprécie pas l’ironie et le rire qui l’accompagne ensuite « Quoi, la prise au vent a ruiné ta coiffure ? ». Il pique, ayant certainement remarqué qu’elle est bien habillée, apprêté clairement pour ce jour qui est spécial pour elle. Elle ne sait pas s’il s’en souvient, s’il a oublié, et à vrai dire, elle s’en contrefiche. « Sérieux, j’ai pas le temps pour ces conneries Strange » « Visiblement puisque tu as l’air bien pressé », ne peut-t-elle s’empêcher de lui rétorquer. Elle laisse tomber ses bras le long de son corps alors qu’elle poursuit « Et ce n’est pas de ma coiffure dont je me soucie, ne faisant pas partie de ces personnes qui accordent trop d’importance à leur apparence et de ce que les gens diront sur moi, pour plaire », une nouvelle fois, la remarque est volontairement piquante, lui qui est tenu par la place qu’il a, à être sans cesse bien apprêté, son image importante face à un public qui ne cesse de guetter ses moindres faits et gestes « Je n’ai pas besoin de ça » pour plaire, mais elle ne l’ajoutera pas, il le comprendra tout seul. Elle n’aime pas ce nouveau jeu qui s’instaure entre eux, elle ne l’aime pas parce que l’amertume est bien trop présente, la mauvaise foi aussi. Elle déteste. Gaby préférait clairement leur jeu passé où tout n’était que plaisanterie, alors que désormais, tout est à prendre au sérieux « Ce qui me dérange, c’est ton impolitesse. Tu n’es même pas capable de t’excuser, même si, en effet, ma voiture n’a rien, et moi non plus. D’ailleurs, merci de t’en soucier ». L’ironie est à son tour présente dans ses paroles. « Je suppose que, vu ta conduite, soit tu continues tes courses stupides, soit tu as arrêté et tu es en manque d’adrénaline ? » C’est un secret qu’il lui avait confié, quand ils étaient si proches, mais, désormais, elle lui balance à pleine figure, sans prendre de pincettes, sans savoir si cela va lui plaire qu’elle parle de ça comme ça, alors que la confiance n’existe plus entre eux.

Brisbane, 30 juillet 2021.« Je pourrais aller travailler demain en portant un pull troué et un jogging informe que personne ne me ferait le moindre commentaire, Gaby. ». Un petit rire s’échappe d’entre ses lèvres, pouffant légèrement à ses dires quand elle le pense incapable de le faire réellement. Peut-être qu’elle ne pourrait pas se le permettre, elle, parce qu’elle n’est pas sa propre patronne comme lui peut se vanter de l’être, mais sa vie n’est pas étalée dans les journaux et donc elle n’est pas épiée sans cesse, contrairement à lui. Parce qu’elle en a vu des articles ces dernières semaines sur l’héritier, des articles qui l’ont agacé, notamment de voir son portrait où il avait ce sourire bien trop brillant, bien trop parfait, paraissant bien propre sur lui qui en endorme sûrement plus d’une. S’il a eu ce pouvoir sur elle, se souvenant à la perfection de leur première rencontre et surtout la deuxième où il avait la même allure dans son costard à ce gala de charité, il ne l’a plus désormais. Elle est indifférente ou, du moins, pense l’être. Parce que si c’est l’agacement qui se manifeste en voyant sa photo ou en l’ayant en chair et en os devant elle, il y a aussi une part de nostalgie enfouie au fond d’elle, lui rappelant les souvenirs heureux qu’ils ont pu partager… Mais elle préfère les laisser bien enfouis, les oublier, ne plus y penser et chasser définitivement ses pensées parasites qui ne l’aident pas à être lucide. Gabrielle se mord la langue, ne voulant pas céder à des enfantillages, ceux qui la mèneraient à le mettre au défi de le faire réellement, et de se faire attraper par des paparazzis de la sorte. Elle ne le fera pas, tout comme lui ne portera jamais une telle tenue, celle-ci bien trop décontractée, bien trop privée, cette même tenue qu’il aimait enfiler dans leurs moments de détente à deux, où ils se fichaient bien de leur apparence quand, bien souvent, ces mêmes vêtements finissaient par rejoindre rapidement le sol. « Je le pourrais tout autant, mais avoir l’audace et le courage de le faire en est un autre ». Gaby ne se vante pas ici en prétendant qu’elle le ferait, mais indirectement, elle dit plus cela pour le pique lui, reprochant ce courage qu’il n’a pas su avoir à ses yeux, l’amertume se ressentant lorsqu’elle prononce les mots courage et audace.    

Gabrielle va peut-être trop loin. Ça ne lui ressemble pas, du moins dans le privé, parce qu’elle ne se sert jamais des secrets ou des confessions des autres pour leur faire du mal. Elle le fait volontiers dans son métier, pour avoir des informations manquantes ou pour faire chanter quelqu’un mais jamais elle ne se permettrait ça, que ce soit avec ses frères ou avec ses amis. Mais Channing, qui est-il désormais pour elle ? Un ennemi ? Quelqu’un contre qui elle doit se battre et veut absolument remporter la bataille ? L’adversaire dans ce procès improvisé sur le bas-côté de la route ? L’avocate l’ignore mais elle se rend compte qu’elle a réussi à l’atteindre. Il a cet air décontenancé, surpris sûrement qu’elle utilise une confidence dans laquelle il l’avait mise des années auparavant pour l’atteindre. Une confession dont elle peut se remémorer les détails, comme si c’était hier. Ils étaient chez elle, à Los Angeles, installés dans le canapé. Il avait passé son bras autour d’elle, elle était appuyée contre lui, observant silencieusement la vue que leur offrait la baie vitrée devant eux. Ses doigts s’étaient entrelacés aux siens, jouant subtilement avec ceux-ci alors que son regard était distrait, sa tête reposant doucement sur son torse. Elle se souvient parfaitement du silence brisé par la confession de Channing, lui avouant qu’il participait à des courses illégales parfois et que cette pratique ne datait pas d’hier. Il lui expliqua surtout les raisons qui l’ont poussé à commencer, Gabrielle ayant quitté ses bras pour se mettre en tailleur face à lui et l’écouter attentivement. Elle aurait pu lui en vouloir, lui reprocher de s’adonner à de tels pratiques, mais elle avait senti la voix chancelante de l’héritier lors de sa confession. Son jugement avait été mis de côté, cherchant uniquement à le comprendre plus qu’autre chose. Elle se souvient de sa main qui était passé sur sa joue, avant que ses bras ne se soit noués autour de sa nuque pour l’étreindre, lui murmurant à l’oreille qu’il lui promette d’être prudent, trahissant son inquiétude et surtout son incapacité à le perdre si quelque chose venait à lui arriver…

Oui mais voilà, ce temps est révolu désormais entre eux. La compréhension et l’inquiétude sont loin derrière elle au point qu’elle brise à cet instant le peu de chances qu’ils puissent avoir cette conversation qui pourrait permettre d’apaiser définitivement cette amertume entre eux. Elle le sent au regard qu’il lui porte, à la déception qu’elle peut lire dans son regard alors qu’il s’approche d’elle « et c'est moi qui suis impoli ? ». Elle reste impartiale, statique alors qu’il poursuit « Mais dis moi Gaby. Si tu me détestes à ce point, avec tout ce que tu sais sur moi, pourquoi tu n'es pas déjà allée parler à la presse ? »  La proximité la met mal à l’aise au point où, lorsqu’il ose une troisième fois l’appeler par son surnom, elle fait un pas en arrière tout en lui répondant, la mine sérieuse, le ton froid « Je t’interdis de m’appeler de la sorte, désormais » tu n’en as plus le droit depuis que tu es lâchement parti, elle meurt d’envie d’ajouter mais elle ne le fera pas. Ce surnom n’a plus la même saveur, elle le déteste désormais quand il passe la barrière de ses lèvres « Qu’est-ce qui te retient de me faire payer mon impolitesse ? » « Ne me tente pas » répond-t-elle la seconde d’après. Si elle s’était éloignée, elle ose à nouveau le confronter en faisant ce pas de plus qui les rend bien trop proche, une proximité qu’ils n’ont plus eue depuis des années. « Je n’ai rien à gagner en le faisant ». Elle marque une pause avant d’ajouter « Je ne fais que tenir ma promesse, celle que je t’ai faite quand tu m’en as parlé. « Je n’en parlerai à personne, quoi qu’il arrive » ». Elle reprend les mêmes mots qu’elle a utilisé ce même jour où il lui a avoué sa participation aux courses. Son regard s’est planté dans le sien alors qu’elle poursuit « J’ai beau te détester, Walker, je ne te trahirai pas pour autant ». La colère se ressent, l’amertume à nouveau aussi « Et tu fais ce que tu veux, je n’en ai plus rien à faire ». Parce que si elle tient la promesse de garder son secret, pour autant, elle se contrefout de savoir s’il continue ses courses stupides, car dangereuses et surtout, elle lui dit indirectement qu’elle se contrefiche de ce qu’il peut lui arriver en continuant à y participer « Juste, évite d’envoyer les gens dans le décor, comme tu as manqué de le faire tout à l’heure ». Parce qu’elle ne démordra pas, il a failli réellement lui faire avoir un accident et ça parce qu’il n’a pensé qu’à sa petite personne. Son regard est froid, noir à son égard alors qu’ils sont bien trop proche, qu’il peut entendre aisément son souffle saccadé par cette proximité qui, malgré tout, la met mal à l’aise. Son regard se perd dans le sien, elle a envie de le repousser fortement de ses deux mains mais ne le fera pas. « Et, tu m’excuseras, mais je n’ai plus de temps à perdre avec toi » conclue-t-elle une nouvelle fois avec cette phrase qui peut être à double sens, concernant autant son retard certain qu’elle va avoir à rejoindre ses deux frères tout comme concernant leur relation, celle qui appartient désormais au passé, les deux n’ayant clairement plus rien à se dire.

Brisbane, 30 juillet 2021. « Je me fous de tes états d’âme ». Gabrielle ne le lâche pas du regard et ne se sent pas vacillante face à cette affirmation qui, pourtant, aurait toute la force de la décontenancer et de lui faire perdre ses moyens. Elle le sait qu’il n’en a plus rien à faire de ce qu’elle peut penser ou ressentir, d’autant plus aujourd’hui qu’ils ne représentent plus rien l’un pour l’autre. Si encore a-t-elle pu représenter quoi que ce soit pour lui, quand il n’a pas montré la moindre inquiétude face à ses états d’âme lorsqu’il a choisi de la quitter ce soir d’octobre 2018. Elle sort de là son amertume, elle sort de là sa colère quand elle lui demande de ne plus utiliser ce surnom. Gabrielle ne lui donne plus la permission de le faire maintenant qu’il n’a plus du tout le même effet lorsqu’il passe la barrière de ses lèvres. Elle ne veut plus l’entendre l’appeler ainsi, il en a perdu le droit dès l’instant où il lui a tourné le dos. Dès l’instant où il l’a brisé, lui qui a eu tout le pouvoir de le faire parce qu’il a eu bien trop d’importance pour elle. Il l’a brisé comme jamais personne n’est parvenu à le faire auparavant, même pas ses frères après leur départ ou encore présentement quand ils sont bien trop distants avec elle.  Gabrielle n’est pas consciente pourtant que ce soir, ses propres frères vont aussi la détruire, d’une bien autre manière, peut-être même pire quand ils vont lui balancer toutes ces vérités desquels ils ont tenté de l’en tenir éloignée des années durant. Des vérités qui vont la replonger dans de profonds souvenirs et surtout de profondes blessures, l’obligeant à remettre en question beaucoup de choses de son passé comme de son présent…

« Ce n’est pas un jeu, Strange ». Ce n’est pas un jeu, ce n’en est plus un entre eux, et ça depuis longtemps. Pourtant, elle aime à cet instant avoir cet argument qui le rend vulnérable, qui le rend irritable et soucieux face à cette éventualité qu’elle puisse révéler un secret bien profond à la presse. Mais elle ne le fera pas, il semble en douter et peut-être qu’au fond ça la blesse aussi qu’il puisse penser ça. Parce qu’elle lui a fait la promesse, connaissant les raisons qui l’ont poussé à se lancer dans cette illégalité qui l’ont toujours fait frissonner, craindre pour lui, craindre qu’un coup de fil lui apprenne qu’il a perdu la vie tragiquement. Elle laisse planer ce doute, cette éventualité quelques instants, son côté manipulatrice ressortant face à Channing alors qu’elle ne l’utilise que pour des personnes qui, à ses yeux, n’en valent pas la peine. Son opinion est bien négative désormais à l’égard du jeune homme pour qu’elle en arrive à un tel point. Pourtant, elle le rassurera, lui rappelant même les mots exacts qu’elle a utilisé lorsqu’elle lui a fait la promesse de ne jamais en parler. « Alors arrête d’essayer de me persuader du contraire ». Elle a un fin sourire amusé au coin des lèvres parce qu’elle sent qu’elle a le dessus à cet instant et pourtant elle est blessée de se rendre compte que la confiance est définitivement rompue entre eux. « J’ai bien compris que tu n’en avais plus rien  faire, mais merci de préciser ». Elle ne démentira pas, parce qu’elle est convaincue que c’est réellement le cas et sait également que c’est réciproque. Mais serait-ce un peu de regrets qu’elle entend dans le triste constat émis par l’héritier ? C’est peut-être pour ça aussi que son sourcil s’arque légèrement à sa remarque mais elle n’ajoutera rien de plus, préférant revenir sur sa conduite qui laisse à désirer.

Gabrielle décide qu’il est temps de quitter les lieux, elle n’a plus rien à lui dire, ils n’ont plus rien à se dire et ça depuis longtemps. Elle n’a surtout plus de temps à perdre à ses côtés et ne prête pas attention à son « bien » qu’il émet lorsqu’elle lui tourne le dos. « et encore joyeux anniversaire, mademoiselle Strange ». Il choisit le parfait moment. Le parfait moment, juste avant qu’elle ne reprenne place dans sa voiture pour l’attaquer une dernière fois. Et surtout pour la faire se figer, quelques secondes, en entendant cette remarque à laquelle elle ne s’attendait définitivement plus de sa part. Il n’a pas oublié ce jour si particulier. Et en faisant ça, en lui souhaitant son anniversaire de la sorte, il la propulse des années en arrière quand il lui a susurré le même joyeux anniversaire alors qu’elle se trouvait dans le creux de ses bras. Le mademoiselle Strange sonne comme son Miss California, ce surnom qui lui donnait à l’époque de leur relation, et c’est suffisant pour qu’elle sente comme un poignard dans le dos lorsqu’il a le toupet de lui souhaiter son anniversaire de la sorte. Pourtant, Gabrielle préférera l’ignorer, pénétrant dans sa voiture un millième de secondes après alors qu’elle prend le temps dans l’habitacle de retrouver ses esprits. Elle le voit repartir en trombe, suit cette voiture du regard, la ramenant là aussi à de vieux souvenirs, un de ceux qu’elle préférerait définitivement oublier, tout comme elle préférerait définitivement l’oublier, lui. Elle préférerait aussi qu’il n’est plus ce pouvoir de l’atteindre aussi facilement à chacune de leur rencontre, et peut-être même préférerait-t-elle ne pas être ici à Brisbane pour ne plus avoir à le revoir encore. Gabrielle quitte les lieux à son tour pour rejoindre alors ses frères qui lui ont réservé une surprise pour son anniversaire, et qui vont certainement contribuer à ses regrets d’être venu s’installer dans la ville australienne.