Tu es venu pour rejoindre une personne qui t’a dit serait sûrement là aujourd’hui. Changer de décor alors que le printemps pointe son nez c’est plutôt une bonne idée. Profiter du bord de mer, de la vue l’océan, c’est un plaisir que tu ne prends pas souvent alors que tu apprécies énormément le cadre. Tu prends note mentalement de venir plus souvent ou plutôt de sortir plus souvent de ta tanière qu’est ton karaoké. Ton bébé où tu as même ton lieu de vie. Ce n’est pas l’idéal, c’est très petit mais les finances ne te permettent pas autre chose pour l’instant. Au fond tu n’as pas besoin de plus car tu passes ton temps dans l’enceinte de ton karaoké. Il faudrait que tu te coupes de temps en temps. Tu as beau aimé ton business de bien des manières, il ne faudrait pas que tu en fasses une overdose. Rester entre les quatre murs de ton studio n’est pas ce que tu préfères c’est pourquoi tu te congratules intérieurement une nouvelle fois d’être venu ici aujourd’hui.

Tu portes un jeans et une chemise, des lunettes de soleil et tu regardes autour de toi. Pas de signe de la personne en question. Tu commences à aller vers les différents stands pour les initiations aux sports. Tu ne comptes pas en faire un seul mais ça t’intéresse. Si Benji, ton petit fils, était là, il serait en train de mettre son nom partout. Malheureusement il vit à Melbourne et tu n’es absolument pas capable de l’accueillir comme il se doit dans ton petit studio. Pas sûr qu’il serait d’accord de venir passer quelques temps chez toi non plus. Tu le sais. Ca fait bien longtemps que tu ne représentes plus un bon divertissement pour ton petit fils qui a déjà une vingtaine d’années.

« Vous voulez essayer le surf ? » « Oh non, merci. Je n’ai pas apporté mon maillot. » Ton excuse est misérable et tu espères fortement que la personne ne va pas insister. « Je viens surtout observer. » Que tu ajoutes car tu te sens obliger de te justifier. Tu détestes dire non mais au fond de toi ça te touche qu’ils ne t’imaginent pas trop vieux pour faire ce genre d’activité. La personne du stand qui est donc en train de s’occuper de quelqu’un d’autre qui a des vrais questions vis à vis des essaies possibles. Tu te détournes un petit peu car tu te sens gêné. Tu vas un peu plus loin et tu cherches un endroit pour te prendre à boire.

Tu commandes deux verres de coca zéro parce qu’il y avait une promo et que tu comptes rester ici quelques heures mais tu n’avais pas réfléchit que tu allais devoir te les trimballer pendant tout ce temps aussi. Tu as soit l’option d’en finir un cul sec, ou presque, soit tu en donnes un au premier venu. Tu vas te positionner face aux vagues, sur le sable toujours bien sûr. Tu sirotes ton coca et tu te décales - subtilement? - vers une personne qui a l’air d’être ici seule également. Est-ce que cette personne est en train de regarder un de ses proches s’essayer au surf ? « J’ai eu un verre gratuit, c’est du coca sans sucre, vous le voulez ? Ça fait un peu trop tout ça pour moi. » Car ce ne sont pas de simple verres de 33cl, ce sont des pintes carrément. Tu fais un sourire espérant que la personne ne sera pas trop suspicieuse. Tu ne sais pas comment tu réagirais si un parfait inconnu te proposait un verre de coca sans sucre.

« Je ne suis pas habitué à me faire offrir des verres. Mais merci. » Ton for intérieur qui se dit que le dit monsieur est pourtant très joli et c’est un grand tort qu’il ne se fasse pas offrir des verres plus souvent. Loin, très très très très loin de toi l’idée de charmer l’homme en question car déjà tu ne sais pas charmer, tu es dans le placard, tu attends quelqu’un. Ta sexualité a toujours été une partie bien secondaire de ta vie et tu as bien des choses qui remplissent tes journées avant de commencer à effleurer l’idée de rencontre quelqu’un a des fins charnels et cela de manière sociable comme là. Les app sont ton refuge quand tu te décides quelques rares fois d’aller de ce côté là.

L’homme à tes côtés a pris ton verre et vraiment, tu le trouves aussi courageux que sympathique de part ce simple geste. Tu ne l’aurais pas fait à sa place. Ou en tout cas, il y aurait peu d’éléments qui te fassent prendre le verre d’un parfait inconnu. « Alors, vous appartenez à quelle catégorie ? Vous êtes l’accompagnateur qui observe ? Le passant qui admire les vagues ? L’enthousiaste qui s’est dégonflé ? » La dernière proposition te fait sourire si largement que même un léger rire file entre tes lèvres.

« Les deux premières collent bien. J’ai une connaissance qui doit être… » Tu fais un signe vague qui montre juste, l’endroit tout entier et c’est grand par ici. « … quelque part. Je crois qu’il voulait s’essayer à certains sports. J’observe majoritairement. Les gens. Les vagues et je crois que je viens de comprendre qu’il s’agit de quelque chose lié aux Jeux Olympiques c’est ça ? » Tu es à l’ouest sur la nouvelle vis à vis des JO et de la ville de Brisbane. Tu n’as pas lu, tu n’as que observé. On t’a dit qu’il y avait de l’animation dans le coin, tu n’avais pas eu toutes les informations. Cela dit, ce n’est pas bien grave. « Vous vous situez aussi quelque part dans ces trois catégories ? S’il s’agit de retrouver de la motivation je peux essayer de vous en redonner. Si vous êtes venu seul vous serez bien mieux à admirer les vagues. Ça m’a l’air dangereux quand même le sport. » C’est que tu parles de manière générale. T’es mignon Raymond. Mais oui le sport n’a jamais été ton fort même si certains de tes amis te disent que c’est un bon moyen de faire des rencontres. Il n’en reste que tu n’as pas besoin d’en faire, des rencontres. Ta vie est bien remplie comme ça.

« Les Jeux Olympiques de 2032…» C’est qu’il est au courant lui comparé à toi. Tu l’écoutes avec attention. «… en effet. Je trouve que la ville s’y prend un peu tôt.» Tu réalises seulement maintenant qu’il a dit 2032, Effectivement c’est pas demain la veille. « Soit c’est le ministre de la santé qui s’est dit que l’opportunité était parfaite pour mettre les gens au sport, soit le ministre du sport qui ne trouve pas assez d’athlètes pour nous représenter. On a peut-être notre prochain champion quelque part par ici. » Tu hausses les sourcils très haut, te disant qu’effectivement, il y a le temps de se préparer puisque c’est dans plus de dix ans.« Intéressant ça. » Car tu trouves que c’est finalement très intelligent de leur part. Ton esprit qui divague sur toutes ces nouvelles infirmation que cet homme t’a donné, tu ne regardes même plus les athlètes en herbes devant toi, qui sont sur leurs planches. « Pour être honnête, je suis surtout ici par curiosité. Je voulais voir ce que l’animation valait. Peut-être que je repasserai avec ma fille quand elle sera disponible. Ce sera l’occasion d’essayer une nouvelle activité ensemble. » Tu hoches la tête alors que tu apprends qu’il a une fille. Toi aussi mais les termes sont assez compliqué et tu préfères ne pas en parler. Elle ne vit pas dans la même ville que toi non plus donc tu ne te laisses même pas à espérer pouvoir répliquer l’idée de cet homme.

« Qu’est-ce que vous voyez comme un danger ici ? Moi, j’appelle ça sortir de sa zone de confort. Et ça pourrait vous plaire. » Tu dodelines de la tête. « Je viens de me lancer dans un nouveau business je n’ai pas envie de me retrouver inapte à travailler. » Quand tu dis inapte ça englobe aussi la mort. Car les années avancent et tu préfères te préserver. « Je suis plus tout jeune. J’approche du grand six et zéro. » Que tu dis avec un rire dans la voix. Non pas que tu as un problème avec ton âge mais tu es conscient des limites que ton âge peut t’apporter. « Je m’appelle Raymond. Enchanté. J’ai ouvert un karaoké à Redcliffe. » Tu t’exposes, te présentes. « J’ai repris un karaoké mais j’ai tout refait à l’intérieur. » Et tu te reprends car l’endroit avait toujours été un karaoké ce qui aide bien pour avoir déjà une clientèle avertie. Ceux qui venaient avant. Est-ce que tu es en train de faire ta pub ? Oui c’est bien ça que tu essaies de faire. Glisser la qualité de ton business et la localisation. Rien qu’avec ça il pourra trouver sur l’internet du web la localisation plus précise si jamais il a envie de revenir. Avec sa fille peut être même. Tu penses qu’il est le genre de mec à avoir du cran à chanter devant un petit public.

« C’est vrai qu’on ne sait jamais. Une rencontre avec un requin est si vite arrivée. » Il te fait rire. Tu n’avais même pas pensé aux requins. Ce sont que des mythes à ton avis. Ton fils l’a dit bien des fois à ta femme en grandissant. Elle qui était inquiète qu’il aille dans certaines régions pour pratiquer le surf. Tu ne crois pas non plus que l’homme à tes côtés soit effrayé par ces animaux marins. Il plaisante. Tu sais pertinemment que tu peux te blesser tout seul sans l’aide d’un tiers. Lui a l’air plutôt robuste et également plus jeune que toi. Ca ne doit pas être son cas. Tu te demandes quel métier il fait. Tu l’imagines bien inspecteur ou quelque chose dans les forces de l’ordre. « Le seul problème que je vois, c’est que vous ne serez probablement pas éligible en candidat des JO. » Tu portes une main à ta poitrine. « J’ai cru que vous alliez dire que je serai mort d’ici là. » Tu te mets à rire avant de te présenter et qu’il en fasse de même.

« Sergio. » Puis tu lui offres les informations qu’il n’a pas demandé  propos de ton karaoké. Il a l’air de t’écouter en plus. « C’est un projet ambitieux de reprendre un karaoké. Les affaires se passent bien ? Et vous avez quel genre de clientèle, au quotidien ? » Ah ça c’était pas encore dans la poche au niveau de la clientèle. « C’est devenu difficile de trouver un bon karaoké aujourd’hui. Il y a d’un côté ceux remplis d’étudiants ivres, et de l’autre une concentration de pots de départ à la retraite. Je serais intéressé par un juste milieu, j’imagine. » Tu comprends mieux pourquoi il t’interroge. Il est client de karaoké lui même. Tu te tournes légèrement vers lui, les sourcils haussés car agréablement surpris.

« On a quelques groupes d’habitués qui viennent une fois par semaine. Quelques anniversaires les après midis aussi mais il y a des box privées qui sont très prisées en soirées de fin de semaine. » Tu as bien oublié ton verre et tout ce qui se passe autour. Sergio est à présent un client potentiel. « Je peux vous inviter pour une soirée. Vous vous faites votre propre opinion. Vous pouvez être jusqu’à sept dans une box privée. Y’a la salle principale pour les plus téméraire sinon. La scène est à côté du bar. C’est toujours une très bonne ambiance. » Tu n’es pas objectif mais tu le penses réellement malgré tout. Toi qui est fan des karaokés tu es fier de ce que tu as fait de l’endroit, même si tu n’es pas encore sûr de la longévité que celui ci va avoir. Tu aimerais bien une boule de cristal juste pour cette information là. « C’est quoi votre chanson phare au karaoké ? » Tu es très curieux de cette information et tu espères qu’il va être enclin à te répondre.

Raymond ne voyait absolument que du feu au double jeu de la personne en face de lui. Il ne voyait en lui qu’un client potentiel et même deux, voir plus. S'il a une fille, celle ci doit avoir des camarades qui doivent aimer chanter entre deux diabolo menthe. Tu t’imagines aussi ce gaillard de Sergio comme quelqu’un avec un certain coffre. Tu lui associais facilement des chansons tel que certains grands artistes d’opéra dont tu ne sais les noms. Mais l’idée est là. « Ce serait avec plaisir, pourquoi pas un de ces soirs. » Il confirme sa venue dans un futur proche et tu ne te dis même pas l’espace d’un instant qu’il dit ça pour être poli simplement. C’est lui qui a lancé le sujet et véritablement, tu es certain qu’il sera là pour vérifier l’ambiance et la qualité des lieux dans sa globalité.

« Je ne dirais pas que j’ai un titre préféré, tout dépend du catalogue… Musicalement je suis resté dans les années 80 alors ce sera certainement des succès de cette époque. Bon Jovi, REM, The Police, Guns N’Roses… Il faut un peu d’alcool pour que je tente un Take On Me. » Et maintenant qu’il venait de parler de Bon Jovi tu le voyais exactement aimer ce genre de musique là, mais aussi de le chanter. Un sourire large sur tes lèvres alors que tu l’imagines déjà sur la petite scène à côté du bar dans ton établissement. « Mais faites-moi rêver. Il y a des titres qui vous font saigner les oreilles à force de les entendre mal chantés ? » Là tu ris brièvement car il est vrai que certains sont sélectionnés en boucle. « En ce moment on a beaucoup de gens qui viennent chanter Driving license. Une petite jeune qui vient de gagner un succès phénoménal d’un seul coup apparemment. Je commence à beaucoup apprécier la chanson. Je commence même à connaître certaines paroles. » Ce qui est un miracle en soit quand on sait que tu ne sais que dire des mots approximatif la plupart du temps. Tu ne te souviens d’ailleurs pas du nom de la chanteuse. Ta mémoire n’est pas optimale non, mais tu es certain que juste avec le titre, il saura de quoi tu parles s’il est un fin connaisseur.

Vous continuez à parler musique tout en observant les différents participant aux essaies. Tu termines par donner l’instagram du karaoké à Sergio afin qu’il ne perde pas l’information du lieu et le nom. Il est plus important que tout qu’il vienne voir le karaoké de ses propres yeux afin d’en faire un client fidèle, tu espères.