C'est comme cyclique, une horloge, un mécanisme bien huilé. Une sensation étrange, indicible, une atmosphère de tensions et de dépravations que même Lenore ressentait malgré ses propres vices plus ou moins assumés ou son ouverture d'esprit qui était mise à mal. Et par cinq fois ces périodes à l'aura malsaine et indescriptibles se terminaient par une semaine de pure folie. Un cauchemar éveillé. Sa grand-mère a partagé son opinion issue du Livre, écrite noir sur blanc, mais blondie a refusé d'y croire. Pourtant il n'y avait plus de preuves à collecter, les eaux de Brisbane avaient été du sang, les mouches avaient envahies l'hôpital. Mais à chaque fois que cette folie se terminait, Lenore espérait que s'en était réellement fini. Qu'il n'y aurait pas d'autres épisodes, et que tout avait une explication rationnelle, car jamais la mule n'avait acceptée le peu d'enseignement religieux que sa grand-mère avait essayé d'inculquer à son frère et à elle-même. Cet espoir, qu'elle sait au fond bien ridicule, s'éteint chaque fois un peu plus, et quand l'hôpital se retrouve submergé de patients pustuleux ou ulcéreux parfois-même les deux, Lenore se surprend à faire sa première prière face à son casier. Quelques heures après, piquée devant ce même casier, ce ne sont plus des prières qu'elle réitère, mais des menaces et des insultes envers son geste précédent. Impatiente, mécréante, Lenore est persuadée d'avoir eut la preuve de l'absence ou de l'abandon de Dieu quand après avoir tenté de frapper à sa porte c'est au décès d'une enfant rongée par les abcès, externes comme internes, qu'elle assiste. Angelo la retrouve et encadre les épaules de sa femme de ses mains, un geste qu'il a toujours eut pour elle et qui a toujours eut un je ne sais quoi de rassurant. Alors la blonde se recompose, se tourne vers son mari, l'observe et le voit tout aussi touché et inquiet. Ils se séparent sans rien dire, n'ayant jamais réellement eut besoin de se parler, et Lenore reprend du service. Une collègue l'interpelle : "Celui-ci est aussi dans un sale état, il présente les mêmes lésions inflammatoires dermatologiques, possible pyrexie, pus brun sur les mains et dans le cou de ce que j'ai pu voir." Comme si c'était le moment de jouer les bonnes élèves, Lenore ne prend pas la peine de s'agacer du zèle de Judith via son jargon médical. Elle arrive seulement au niveau de l'homme en question pour lui demander de la suivre avant de s'arrêter pour se tourner et lui tendre son bras : " Vous voulez un appui pour marcher, si vous êtes fiévreux, vous risquez d'avoir des vertiges." Les gouttes qui perlaient sur le front de l'inconnu parlaient d'elles-mêmes, mais l'air renfrogné de ce dernier et le triste avenir qu'elle a commencé à lui imaginer par l'annonce de sa comparse la poussent à faire preuve d'une certaine bienveillance humaine.
Je l’ai entendue déclamer son paravocabulaire comme si je n’étais pas là, dans la même pièce qu’elle, à souffrir des pustules qui me sont apparue sur le corps. Je l’ai entendue et je l’ai détestée d’emblée cette infirmière zélé qui a préféré étaler son savoir comme de la confiture sur une tartine plutôt que de me proposer un peu d’aide, de l’eau ou, mieux, de m’offrir quelques mots de réconfort. Je n’ai pas cinquante ans. Mon corps me brûle et pourtant j’ai froid. Lorsque je me laisse aller à fermer les yeux, j’ai l’impression d’entendre le rire de la faucheuse me taquiner les tympans et résonner dans ma tête, ricocher contre les parois de mon crâne. Parfois, elle ajoute : “c’est terminé. Tu ne reverras plus Raelyn. Tu ne verras pas naître cet enfant que vous avez décidé d’aimer ensemble malgré les doutes et l’univers dans lequel vous évoluez. Celui-ci, tu ne le verras pas atteindre sa première année. Celui-là non plus, tu ne le verra pas grandir et, cette fois, non pas par dévotion pour ton foyer. Tu seras mort, Amos. Tu seras mort en enterré dans le meilleur des cas ou jeter aux feux par décision du gouvernement pour endiguer l’épidémie qui s’abat sur Brisbane.” Suis-je en train de perdre les pédales en même temps que l’espoir ? Est-ce que je dramatise ? J’aurais aimé prétendre que je suis paranoïaque parce que je tiens à cet avenir que Rae et bâtissons à deux. Sauf que je ne suis pas stupide. Je ne suis pas éclairé en matière de médecine, mais je ne peux ignorer ce qui se joue à l’intérieur de moi et qui rejaillit sur mon physique. Je pourris, tout simplement. Je crève à petits feux et j’ai paumé mon téléphone. Je ne sais pas joindre ma complice et, a priori, je présume que ce ne serait pas un environnement pour elle. « Est-ce que je suis contagieux ? » ai-je demandé à la jeune blonde qui fait preuve d’humanité. je pense “enfin” tant les regards de ses collègues, jusqu’ici, m’ont poignardé comme des insultes. « Je n’ai pas besoin d’aide pour marcher. J’ai besoin de savoir si je vais mourir.» Besoin de savoir si l’heure est venue de faire mes adieux à celle que j’aurais volontiers épouser - j’en ai rêvé - et de la rassurer pour la suite si elle devait se dérouler sans moi. « Et peut-être bien d’un verre d’eau...» Ou même de m’allonger, mais je suis trop fier pour l’avouer. J’ai le pressentiment que si je pose ma carcasse sur un lit d’hôpital, il me servira de linceul.
Bonne question. Si il lui semble presque évident maintenant que la contagion est le seul fléau qui semble ne pas s'ajouter au mal du jour, le caractère exponentiel de la propagation laisse pourtant croire le contraire. Lenore est persuadée que la maladie s'attaque au pif, à tout le monde et personne à la fois. Pourquoi ne l'a-t-elle pas contractée ? Pourquoi Angelo est-il lui aussi épargné ? Et la Judith alors ? Il y a encore assez d'infirmiers et de médecins pour assurer un semblant d'accueil, mais pour combien de temps encore ? Si ce n'est pas eux aujourd'hui, ce sera peut-être eux demain ? Il y-a-t-il un tri parmi les infectés et les épargnés ou n'est-ce que du hasard ? Si elle avait ouvert une Bible un jour, la blonde s'inquiéterait du nouveau né à venir, peut-être que sa grand mère n'avait rien dit de ce passage pour ne pas la ronger d'angoisse, peut-être qu'elle estimait aussi qu'à seulement trois mois de grossesse Lenore passerait peut-être entre les mailles du filet, accouchant une fois ce cauchemar terminé. Non. Finit-elle par répondre avant de pousser un soupir exténué. Mais ce n'est que mon avis que je vous partage là. Personne n'est d'accord, seuls les symptômes sont compréhensibles, pas la cause. Lenore se ravise quant à sa proposition d'aide à la marche, déglutit face à la clairvoyance du patient, inquiet mais d'une certaine manière déterminé, elle le laisse passer devant elle dans la pièce qui leur accordera un brin de confidentialité. Je vous apporte ça, vous pouvez vous asseoir, ou non, je reviens tout de suite. Abandonnant l'inconnu à sa solitude, Blondie ne sait plus si elle doit faire preuve de "charité" aveugle, apporter un soutien psychologique faussement réconfortant ou balancer la vérité au risque d'une réaction imprévisible. Quand elle revient avec le verre d'eau, le regard bleu perçant de l'inconnu semble l'aider à trancher. Tenez. dit-elle en déposant le verre après avoir refermé la porte. On ne sait pas avec assurance si cette maladie est contagieuse ou non, je pense que non au vu de mon service ici et de celui d'autres. Ca semble tomber aléatoirement sur les uns les autres sans qu'une quelconque transmission ne rentre en jeu. C'est aussi gratuit que les perturbations que nous avons connu ces dernières semaines. Lenore prépare une compresse pour nettoyer les pustules. Je peux ? Demande-t-elle en s'approchant du patient. Quant à votre autre question... C'est presque tout aussi aléatoire. C'est pas une réponse ça Len. Quel est votre nom ?
Qu’importe qu’il ne s’agisse que d’une opinion non vérifiée par la la science, mais étrennée par son expérience, par son propre constat puisqu’elle circule parmi nous et qu’elle n’a aucun symptome. c’est une chance pour elle. Et en ce qui me concerne, je crois que malgré l’espoir, j’avais décidé que je maintiendrais Rae loin de ce mouroir, même si ça me déchire le coeur. Si la médecine est impuissante, je né défierai pas le Dieu de ma mère. Elle le tient pour “responsable “ des plaies qui sabattent sur le pas, mais pendant une heure, elle m’a aussi expliqué que c’était nous les coupables, qu’à force de vivre dans le pecher nous avons réveillé sa colère. J’ai raccroché après qu’elle ait souligné que j’avais à mon actif un panel qui, à lui-seul, justifierait les nuées de sauterelles. J’ai raccroché sans lui dire que j’étais souffrant. J’ai coupé court, mais trop tard : ma batterie m’a lâché près de 10 minutes plus tard. “Quel con” ai-je songé durant ma solitude. Au lieu de réclamer un verre d’eau, j’aurais dû demander un chargeur et une prise. Qu’à cela ne tienne, je m’y collerai plus tard puisque l’infirmière revient déjà, chargée du chariot supposé me soigner - mes fesses - et de mon verre d’eau. J’en ai bu une gorgée. Elle m’a semblée plus froide qu’à l’accoutumée et j’ai ajouté une liste à mes symptômes : « La fièvre, c’est normal ? » me suis-je enquis tandis qu’elle reçoit mon assentiment pour apposer compresse et désinfectant sur mes plaies purulentes. L’écoutant attentivement, j’ai soupiré, mal à l’aise avec son discours. Moi, j’aime tout contrôler. Je n’arrive à me faire à l’idée que ce qui m’arrive est aussi aléatoire qu’un jeu de loterie. « En gros, c’est la faute à pas de chance, c’est ça. Combien ? » Combien de ses patients ont survécu à ce que j’ai ? « Je dois savoir pour agir, pas pour moi si c’est trop tard, mais je ne suis pas tout seul.» A une époque, je l’étais, mais elle est révolue. Je ne peux pas jouer les égoïstes et laisser Raelyn dans l’ignorance des lieux où je me trouve et du phénomène qui m’y a conduit. « Je m’appelle Amos. Et, je ne veux pas de questions vagues, parce que vous serez peut-être amenées à me rendre un service et comme je ne sais pas de combien de temps je dispose, j’aimerais autant qu’on se parle franchement au lieu de s’attarder en civilité. Vous, comment vous appelez-vous ? » M’y intéresser me rendra plus sympathique quand en réalité, je ne cherche pas à être le contraire. Je me sens uniquement pressé par le temps.
Si le mal qui frappait le patient était connu et enregistré, le grand blond aurait certainement réussi à s’auto-diagnostiquer via internet puisque se voiler la face ne semblait pas être dans ses cordes. La paranoïa voire l’hypocondrie n’est pas particulièrement rare, nombreux sont ceux qui veillent à leur santé, au moins détails, à la moindre fluctuation avec parfois trop de soin; et en opposition il y a ceux qui nient tout, refusent les médicaments, parlent de “petit rhume” à tout va que ce soit une grippe ou pire. Alors, quand l’inconnu interroge Lenore sur sa fièvre, l’évidence semble frappante : ça ne servirait à rien de l’endormir avec des paroles rassurantes creuses, ce serait pire et surtout insultant. La blonde digère les interrogations de plus en plus affûtées du prénommé Amos tandis que le soin qu’elle apporte à ses plaies est une bonne excuse pour réfléchir à ce qu’il dit et ce qu’elle peut répondre. C’est le service évoqué et la mention d’une potentielle famille, compagne ou autre qui interrompt Lenore dans ses hésitations. Appelez moi Lenore. Amorce-t-elle en fixant Amos droit dans les yeux, comme éveillée, comme plus humaine que “blouse blanche”, déposant la dernière compresse imbibée de pus dans la coupelle prévue, elle termine d’appliquer le soin avant de s’asseoir face à l’infecté et lui répondre sans le quitter des yeux. La fièvre n’est pas un bon signe. La plupart des patients qui ont survécu ne l’avaient pas. Ceux qui sont décédés en étaient tous à un stade fiévreux. Et si j’aurais aimé pouvoir vous dire que vous pourriez être une exception au vu du caractère inédit de cette maladie, le pus sécrété par votre pustule me ferait mentir. L’infirmière pousse un soupir désespéré avant de se redresser. Je ne sais pas ce que vous attendez de moi, mais je suis à vous. Vous pouvez me le dire, faites le d’ailleurs tant que vous y voyez encore clair. Elle s’interrompt pour jeter un œil derrière elle, comme pour s’assurer que personne ne viendra la prendre en flagrant délit de sincérité. Je ne sais pas précisément combien de temps vous avez devant vous, mais à ce stade ça ne se compte plus en jours mais en heures. Amos a l’air capable d’entendre la vérité, il la réclame en fait depuis plusieurs minutes déjà, Lenore espère seulement qu’il soit aussi en mesure de l’accepter qu’il en a l’air.
Lénore, c’est noble, certainement autant que la jeune femme qui s’occupe de mon cas. Je lui ai réclamé la vérité et elle me l’a donnée. Je suis convaincu qu’elle avait reçu des ordres contraires, raisons supposées justifiant que sa voix est plus proche du murmure que de la déclaration. Au moins, je sais à quoi m’attendre et je lui en suis reconnaissant. « Merci, Lenore.» ai-je exprimé en gratitude en utilisant ce prénom qu’elle m’a gentiment confié. Au moins n’aurais-je pas l’impression, quand viendra mon dernier souffle, de mourir dans l’indifférence de mon prochain. Rien ne serait plus difficile pour moi alors que j’encaisse douloureusement la nouvelle. Je n’aurai pas l’occasion de voir grandir ma fille et je songe que c’est la deuxième fois que le sort me réserve ce sale tour de cochon. Je réalise aussi que je ne serai pas soutenu, durant cette douloureuse expérience du passage de vie à trépas en tenant la main de ma dulcinée. Elle ne rassurera pas de ses baisers et de son timbre si chaud qui a le don de me consoler. J’imagine que, bientôt, tout ça n’aura plus d’importance puisque je vais délirer à cause de la fière. C’est ce que je comprends de la réaction de l’infirmière et la déduction, au lieu de me soulager, me rend plus fébrile encore, mais d’effroi cette fois. Elle a raison, la jeune blonde. Je dois accoucher du service que j’aimerais qu’elle me rende avant qu’il ne soit trop tard. « De votre franchise et de vous engager à me rendre ce service.» J’ai laissé s’échapper un long soupir de mes lèvres en partie closes et, tête basse, le regard hypnotisé par les furoncles qui les recouvrent, j’accouche : « Ma compagne est enceinte. Elle s’appelle Raelyn. Raelyn Blackwell. J’aimerais que vous la préveniez… et que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour l’empêcher de venir. Dites lui que…. dites que je suis déjà mort s’il le faut.» Est-elle seulement capable de mentir, cette jeune fille ? J’en doute. J’essaie parce qu’il ne me reste plus que l’espoir d’être encore capable, malgré la maladie, de maintenir à l’abri mon univers.
Les remerciements du patient la touchent plus que ce qu'elle avait anticipé. Cet émoi demeure cependant amer, car si les paroles d'Amos la conforte dans l'idée d'avoir bien agit en étant sincère, tout dans son regard comme dans sa gestuelle a tendance à indiquer le contraire. Non pas qu'il ai un quelconque ressentiment qu'il se priverait de communiquer, conscient de la mauvaise foi que ce serait que de s'en prendre à elle après avoir réclamé la vérité, seulement celle-ci n'était pas belle et quand bien même il s'y était préparé, est-on vraiment jamais préparé à sa propre mort ? Lenore a aujourd'hui sa réponse, sans trop savoir qu'en faire. Elle ne réagit pas, se contentant de fixer son interlocuteur attentivement, curieuse du service qu'elle devrait lui rendre, espérant pouvoir tenir sa promesse tout en se sentant étrangement particulièrement investie. Aux premiers mots ajoutés par Amos, les sourcils de la blonde se courbent, le digne désespoir et la détermination infaillible qu'il dégage paraît alors tomber sous le sens. Elle transpose immédiatement sa situation à Angelo, pense à cette future mère bientôt veuve et sa gorge se noue. Maintenant ? Répond-t-elle seulement, comme perdue par la requête du patient. Retrouver sa compagne, elle le ferait, n'imaginant rien de pire pour celle-ci que de ne pas savoir où retrouver son bien-aimé et ce stress n'aurait rien de bon pour son enfant à venir non plus, alors, cette partie de la mission tombait presque sous le sens pour Lenore. Celle qui l'inquiétait le plus c'était celle impliquant le mensonge. Saurait-elle mentir ? Lenore ment pour des banalités, pour se faire plaisir, pour rigoler même si on peut dire. Mais Lenore ne rigole pas avec la vie. Pourrait-être rester de marbre face à une amoureuse endeuillée qui souhaiterais sans doute qu'une seule chose au monde : voir son aimé une dernière fois, pouvoir lui dire au revoir, qu'il soit encore de ce monde ou non. Pourrait-elle inventer un mensonge assez fort pour la dissuader de se rendre à l'hôpital ? Alors que sa mine traduit sans doute le conflit qui l'habite, son regard s'attarde sur les abcès d'Amos. Rien ne prouvait que ceux-ci soient contagieux. Mais en fait personne ne comprenait rien à cette maladie. Et si par compassion elle précipitait Raelyn à une mort quasi-certaine en trahissant le souhaits de son compagnon et en la guidant jusqu'à lui ? Avait-elle vraiment besoin de le voir mutilé ainsi ? Avait-elle vraiment besoin de l'entendre délirer, impuissante ? Ce film aux fins multiples qui se déroulaient dans sa pensée était encore plus insoutenable que celui où elle devrait mentir éhontément face à une personne qui aurait bientôt le cœur meurtri. D'accord. Fit-elle finalement, avant de toute même insister : Pourquoi maintenant ? Je peux rester avec vous le temps qu'il vous reste, et je retrouverais votre compagne en suivant. Sur ces mots, Lenore se leva pour attraper de quoi écrire et tendre le tout à Amos.
«De préférernce.» Pourquoi attendre ? S’il ne me reste plus que quelques heures à vivre, j’aimerais avoir le temps d’avoir Raelyn au téléphone pour tenter de la dissuader si, d'aventures, elle ne croyait un traître mot de l’infirmière Lenore. Ne connaissant pas cette dernière et tétanisée par la peur de me perdre, elle commandera un taxi qu’il la conduise jusqu’à l’hôpital sans tarder. C’est à ce moment-là qu’il me faudra intervenir. Mon rôle sera de l’empêcher pour le bien de l’enfant qu’elle porte et pour le sien,, de se jeter tête la première dans la gueule du loup qu’est cette plaie de maladie. Mes mains ne sont pas belles à voir. Ma nuque me brûle. Je devine que des pustules purulentes complètent le tableau. Je suis comme un irradié de Tchernobyl à la différence que je n’ai pas respiré ou été confronté à des radiations nucléaires. «Je sens que je vous en demande beaucoup. Vous m’avez l’air d’être quelqu’un d’honnête et peut-être un peu fleur bleue. Vous devcez sans doute prier pour qu’un miracle me sauve et vous êtes inquiètes parce que je vous demande de mentir. Si ça peut vous rassurer, il y a peu de chance pour qu’elle vous croit, mais ce sera une façon pour moi de le lui faire accepter plus vite. Vous m’aurez prémâché le travail et rendu un fier service. Je n’ai même plus l’énergie pour une longue tirade comme celle-ci.» Je tousse d’ailleurs. Une fois. Une seconde. Ma respiration se transforme en quinte de toux. «Quand elle sera prévenue et qu’elle aura fait des pieds et des mains pour m’avoir au téléphone, je ne voudrais plus qu’une chose : être seul. Rester avec moi ne changera rien. Je vous remercice de cette proposition bien sûr. MAis,, je ne suis pas taillé pour recevoir en cadeau la pitié et la sollicitude. Je suis certain qu’il y a des tas de gens qui peuvent être sauvés, contrairement à moi. Ils ont plus besoin de vous que moi.» Déjà, je lui tends le téléphone. La confrontation avec ma dulcinée s’est déroulée telle que je l’avais imaginée. J’ai donc récupéré le téléphone. J’ai rassuré, avoué mes sentiments, appeler à la raison de Rae pour que vive notre enfant. Elle m’a promis de lui parler de moi et dès lors que j’ai manifesté des signes de faiblesse, j’ai raccroché à contre coeur. Elle me manque : j’aurais souhaité que ses bras m’enserre jusqu’à ce que je pousse mon dernier souffle. Au lieu de ça, je remercie chaleureusement ma bienfaitrice. «Merci pour tout, Lenore. Remettez lui mes effets quand elle arrivera, après que je sois parti, après votre dernier coup de fil. Et merci encore pour tout ce que vous avez fait pour moi. »ELle ne m’a pas sauvé de la mort, mais elle l’aura rendu plus douce.