On ne parle pas ou peu, la tête posée contre la vitre de la berline, j’observe les lampadaires s’éloigner les uns après les autres à mesure que nous traversons la ville. L’esprit accaparé par le discours que j’ai eu du mal à coucher sur papier, car trop personnel, un brin douloureux. Mes mains viennent tirer sur le pantalon à pince avant de passer mes doigts sur le nœud papillon pour l’ajuster, Samuel et Bonnie auront eu raison de moi. C’est étrange de se retrouver ici,  accompagné d'une femme que je connais trop peu pour assister à un gala qui n’a rien d’une œuvre de charité. Je devrais être heureux, fier de pouvoir représenter ma communauté auprès des plus fortunés et pourtant plus la voiture se rapproche du lieu des festivités et plus j’ai envie de faire machine arrière pour aller retrouver les seules personnes qui comptent vraiment. Le chauffeur finit par tirer le frein à main, signe que nous sommes bel et bien arrivés. Lexie s'empresse de sortir ne me donnant pas l'occasion de lui ouvrir la porte. Elle est déjà dehors prête à faire son entrée dans sa robe bleue marine, un choix judicieux qui fait ressortir la couleur de ses yeux. Je me courbe pour m'extraire du véhicule sans me cogner la tête et lui tend mon bras qu’elle ne met pas longtemps à venir lier au sien. « Vous ne faites pas les choses à moitié chez les Walker » que je lui murmure au creux de l’oreille tandis que les paparazzis prennent un malin plaisir à immortaliser le moindre de nos faits et gestes. « Angus, je te présente mon frère, Channing, qui dirige le Walker Group, et ma mère, Mary, qui a organisé ce gala. Chan, Mère, voici Angus, un des artistes qui expose ce soir. » J’esquisse un sourire poli tendant ma main vers le brun avant de me tourner vers sa mère dont les traits du visage reflètent un mépris qui ne présage rien de bon. « Enchanté de faire votre connaissance. Je tenais à vous remercier d'avoir eu la bonté de choisir le centre Asperger de Brisbane pour votre gala de charité. »  Un faux sourire mielleux, celui qu'il m'arrive de sortir au boulot, le même que je peux voir par moment égayer le facies de Leckie. « Ha oui, le frère du petit autiste, c’est ça ? » que dit la vieille peau, me reluquant de la tête aux pieds avec un dédain sans précédent. « Samuel, il s’appelle Samuel. » Mon ton se veut tranchant, je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas lui manquer de respect surtout lorsque je sens Lexie resserrer son étreinte. Ma main de libre vient recouvrir la sienne, celle qui est fermement accrochée à mon avant-bras. Un geste qui signifie que j'ai bien compris le message et que je vais tâcher de faire au mieux pour ne pas ruiner ce début de soirée, du moins pas avant d'être certain qu'elle ait bien remis le chèque entre les mains de la direction du centre.

« Ma chérie, enfin, je sais bien que c’est un gala de charité, mais ce n’était pas nécessaire d’accepter l’invitation du petit peuple. » Je lance un regard à Lexie en lâchant un rire amer. Sa fille ne me laisse pas le temps d’en placer une qu’elle prend les devants comme pour éteindre la flamme qui s’apprête à donner lieu à un incendie. « Ok, Mère, c’est moi qui l’aie invité, et Angus a eu la bonté d’accepter. Si tu veux bien nous excuser, il faut qu’on aille vérifier les œuvres qui sont exposées. » Je viens déposer un baiser sur sa tempe, le tout en ne quittant pas Mary des yeux. « Madame. » que je dis en tirant une révérence digne de l’époque du roi soleil. Je me laisse guider par Lexie, après-tout c’est elle qui connait l’endroit comme sa poche. Walker nage comme un poisson dans l'eau alors que je tente de ne pas couler m'accrochant à son bras comme à un rocher. « Lexiiiie, ma chérie, quelle douce soirée. Ton père serait si fier de toi, c’est tellement dommage qu’il nous ait quitté si tôt … » Je fronce les sourcils,  c’est donc ça, la perte dont elle a fait mention quelques semaines auparavant. « Merci Madame Mills, je vous prie de nous excuser, un artiste requiert notre présence. » On s’éloigne et je l’arrête un moment à mi-chemin entre la vieille et Auden Williams que je peux reconnaitre non sans grande difficulté. « Je vais nous chercher à boire, je reviens. » Parce que je crois qu’on en a bien besoin, elle, pour les mots et les souvenirs que la grand-mère a dû faire ressurgir et moi, pour avoir l’air un peu plus enjoué. Je me dirige vers un serveur et vole deux verres de champagne tandis que je peux voir la brune s'avancer vers celui qui m’a valu pas mal de recherches dès lors que son nom est apparu sur la liste des artistes. « Monsieur Williams, merci d’avoir accepté de vous joindre à nous. » que je dis d’un ton un peu trop solennel et peu naturel. Je tends un verre à Lexie faisant tinter le mien contre la paroi de celui-ci  avant de me délecter de cette boisson hors de prix. « Lesquels de ces différents tableaux ont été créés de vos propres mains ? »   On dit souvent que l’art illumine ce qui ternit dans l’ombre et je suis curieux de savoir ce qu’Auden a eu besoin de mettre en lumière.  

 

« J’espère que tu aimes avoir ta photo dans les journaux. » Seulement s’il est question d’utiliser mon image à bon escient sauf que je ne suis pas dupe. Je sais pertinemment que les gros titres ne seront pas portés sur la cause que je suis venu défendre, mais sur les spéculations d’une relation naissante entre moi et la jeune fille qui se tient fermement à mon bras. C’est pourquoi, je tente de dissimuler mon visage à l’aide du programme de la soirée, en vain. Malgré tout, je ne peux m’empêcher d’espérer qu’un journaliste saura voir l’essentiel là où les autres préféreront se concentrer sur des futilités. Et si je pensais que les paparazzis seraient les personnes que je prendrais le plus plaisir à détester au cours de la soirée, c’était sans compter sur l’abominable sorcière qui sert de mère à Lexie. Aucun doute, elle bat tous les records avec son air condescendant et un manque de tact qu’elle ne prend même pas la peine de dissimuler. Une maladresse volontaire que je ne mets pas longtemps à rectifier et ce, sans cacher un agacement certain. Je me laisse guider par celle qui a tout l’air d’être appréciée de tous jusqu’à ce qu’une vieille fasse référence à son père en parlant de lui au passé. Il n’en faut pas plus à ma cavalière pour que les traits de son visage laissent place à une émotion qu’elle ne m’avait encore jamais montré jusqu’à présent. Un changement qui me pousse à la laisser seule un instant pour aller chercher quelques remontants. “C’est le secret pour arriver à supporter ce genre d’événements pompeux ? L’alcool ?”  « C’est surtout une façon de tolérer les personnes qui y sont présentes si vous voulez mon avis. » J’esquisse un sourire et lève mon verre en direction du brun,  tandis que Lexie a déjà avalé la totalité de sa coupe de champagne. Une sacrée descente que j’aurais bien imité si je n’avais pas un discours important à prononcer et on sait tous que l’état d’ébriété n’a jamais rimé avec grand succès. « Avouez qu’il faut au moins ça pour survivre ici, non ? Cinq minutes qu’on est là, et je rêve déjà d’une cigarette, ou de quelque chose de plus fort. » J’essaye d’avaler ma gorgée sans faire de vagues et par vagues, j’entends le champagne qui est à deux doigts de me sortir par les trous de nez. « Tous ceux qui utilisent ma femme comme modèle. Et si mon nom n’est pas associé à un de ces tableaux, je commencerais à me poser des questions. » Une femme qui ne semble pas être de la partie ce qui, à défaut de m’étonner, force le respect envers ce mari qui a probablement voulu l’épargner. Je détourne le regard pour venir détailler bon nombre de ses portraits, tous plus beaux les uns que les autres. “Et si mon nom n’est pas associé à un de ces tableaux, je commencerais à me poser des questions.” L’humour dont fait preuve le brun a le don de m’arracher un sourire. Une faculté dont son frère semble souvent manquer, mais que je peux néanmoins retrouver chez Damon. “J’espère pour vous que tout ça en vaut la peine, parce que ça doit être d’un ennui mortel.” J'aime à penser que c'est le cas car si l’enjeu n’était pas aussi important, ça ferait bien longtemps que j’aurais mis les voiles. " Ça l’est, en effet, mais ça en vaut bien la peine. Tous ces gens ne sont pas ici pour faire une bonne action, il ne faut pas se leurrer. Mais pendant qu’ils redorent leur image, de l’argent est récolté pour différentes causes, au gré des galas.  Alors c’est gagnant-gagnant. Et puis, après tout, rien n’empêche de quitter la soirée quand c’est socialement acceptable pour aller s’amuser." Elle a au moins le mérite de l’avouer, ce qui n’avait pas l’air d’être gagné lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Nous savons tous que grand nombre de ces gens ne sont pas ici pour faire une bonne action, sauf peut-être Auden qui, à en croire les recherches que j’ai pu mener à son sujet, n’a pas besoin de ça pour faire grimper sa cote de popularité. « Et vous, qu’êtes-vous venu chercher ? » Je doute qu’il soit ici pour exhiber la beauté de sa femme devant les yeux de parfaits inconnus, ni même qu’il soit touché de près comme de loin par le syndrome d’Asperger.  Alors que fait-il ici, lorsqu’il pourrait être chez lui en compagnie de celle chez qui il puise tout son talent ? « Un gala-basket ça tente quelqu’un ? Je fais mon discours et on bouge d’ici ? »que je propose alors que je tourne la tête en direction de la scène.

Mme Walker attrape le micro qui se met à grésiller et je prie pour qu’elle s’en tienne au plan qui consiste à s'en tenir au discours de bienvenue. « Ok, ça va être toi. J’ai confiance en toi, tu vas être génial. Personne d’autre ne pouvait parler aussi bien du Centre que toi. » Faux, les enfants auraient pu le faire bien mieux que moi. J’ai une pensée pour Samuel qui doit probablement être en train de dormir à l’heure qu’il est et que j’ai décidé de préserver de toutes les mauvaises choses que certains auraient pu dire à son encontre. « Va les éblouir. Je serai juste là. Si tu stresses, concentre-toi sur moi, et parle comme s’il n’y avait que moi. » Ses mots, mélangés aux dernières gorgées de ma boisson alcoolisée ont pour effet de m’apaiser. J’inspire un bon coup et me dirige vers le pupitre installé pour l’occasion. « Bonsoir, pour commencer je tenais à vous remercier d’avoir pris de votre temps pour vous joindre à cette soirée. Si nous sommes tous réunis ici ce soir, c’est pour venir en aide au centre Asperger de Brisbane, mais surtout aux membres sans qu’il ne pourrait exister. Une association à but non lucratif visant à accompagner toutes les personnes porteuses – et non atteintes - d’un des nombreux syndromes de la sphère autistique. Mais qu’est-ce que le syndrome d’Asperger me direz-vous ? » Je marque un temps d’arrêt, les yeux à présent rivés sur des personnes qui n’ont pas l’air de porter grand intérêt à ce que je peux bien raconter. Une cause perdue d’avance et qui me pousse à ranger l’ébauche de ce que j’avais préparé sur un bout de papier. « Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais est-ce que cela aurait son importance ?  Je ne crois pas. Je ne m’attends pas à ce que vous ressortiez d’ici en ayant la tête pleine d'informations sur l’autisme et toute la subjectivité que cela peut bien représenter. Non, ce que je souhaite en revanche - et ce, bien plus que la somme que nous pourrons récolter au cours de la soirée - c’est que vous puissiez participer à la déconstruction d’idées reçues et stéréotypées. De quelle façon ? En éduquant vos proches, mais surtout vos enfants sur le sujet. Je veux que mon petit frère et ses camarades puissent se sentir en sécurité autre part qu’au sein même de notre communauté, que les moqueries cessent, qu’ils n’aient plus à devoir changer pour se faire accepter.» Mes doigts viennent ajuste le micro avant de continuer dans ma lancée. « Pour que tout cela soit possible, il faut que cela viennent de vous, de nous. Montrez l’exemple, n’ayez pas peur de reprendre les gens lorsque vous trouvez que leurs propos sont loins d'être appropriés. »  Mon regard se porte sur la femme qui se tient encore à mes côtés. « Mon frère se nomme Samuel, pas « le petit autiste », ni le « freak », mais Samuel. Qui dans cette salle a déjà été ou connait un enfant passionné par quelque chose au point d'être incollable sur le sujet ? »  J’observe les mains se lever petit à petit et lève la mienne en retour. « Bien, et qui parmi vous a déjà eu du mal avec les changements de dernières minutes ou le manque de ponctualité ? » Là encore, des mains se lèvent parmi les invités tandis que du regard, je viens chercher une quelconque approbation dans les yeux de Lexie. « Vous voyez, ils ne sont pas si différents de vous après tout et s'ils ne possèdent pas les mêmes codes sociaux que vous et moi, ça n'en fait pas des brebis galeuse pour autant. Je terminerais en disant que les enfants sont des éponges et quand j’entends les propos de certains à l’encontre de ceux que je peux côtoyer, je ne peux m’empêcher de penser que le problème vient de nous et non d’eux. Cessez d’inculquer cette peur que peut engendrer la différence car s’il m’arrive de n’être certain de rien, je peux vous assurer que nous avons beaucoup à apprendre de tout un chacun. Merci de m’avoir écouté et bonne soirée. » Les applaudissements ne tardent pas à suivre la fin de mon discours alors que je m’empresse de trouver un serveur pour m’emparer d’une coupe de champagne. « Tu crois que ta mère a compris le message ? » que je demande à Lexie après avoir retrouvé ma place initiale. Je doute que ce soit le cas, mais si certains sortent d’ici en gardant à l’esprit  ne serait-ce que dix pour cent de ce que j’ai voulu leur dire alors c’est que j’aurais relevé le pari. « On fait quoi ? Vous voulez rester ou est-ce qu’on migre vers un endroit moins sophistiqué ? » Pour moi, le choix vite vu, pas question de supporter le regard noir de la mère Walker encore plus longtemps. Peut-être qu’elle y réfléchira à deux fois la prochaine fois qu’elle voudra manquer de respect à un gamin de neuf ans.
 

“Je ne me verrais pas dédier autant de temps à autrui, honnêtement.” Quiconque aurait prononcé ces mots, aurait eu le don de m’énerver surtout lors d’une œuvre qui a pour but de venir en aide à mon petit frère. Pourtant, allez savoir pourquoi, c’est bel et bien un rire qui s’échappe de mes lèvres devant le franc-parler de l’artiste. Peut-être, parce que c’est le seul qui n’a pas peur de dire les choses telles qu’elles le sont réellement et que ça fait du bien de voir quelqu’un qui n’essaye pas de s’inventer un semblant de générosité pour expliquer sa présence parmi les invités. “Surtout pas si c’est pour se plier aux demandes de connards.” Je me tourne vers Lexie, qui n’en manque pas une pour s’étouffer avec sa gorgée. Si c’est bien des organisateurs dont il s’agit, alors je ne peux qu’appuyer ses propos et quant à se plier aux demandes de façon générale, je suis bien placé pour savoir de quoi il veut parler. Son frère en connait un rayon à ce sujet, il est même plutôt doué dans l’art et la manière de demander, que dis-je, d’exiger des choses. Son plus grand talent reste tout de même le chantage affectif, un domaine où il excelle et qu’il n’hésite pas à utiliser contre son fils aîné. « J’espère que vous ne me comptez pas dans le lot » Je dissimule une grimace derrière ma coupe de champagne, c'est qu'elle est passée à un rien d'en faire partie. Je la revois encore faire son entrée dans le centre avec son air hautain et ses paroles maladroites. Une première impression qui a néanmoins fini par s’évaporer pour laisser place à une entente plus que cordiale. “Je préfère savoir que l’argent de la vente servira au moins à quelque chose.” Je m’y engage, qu’importe la somme qu’on aura récolté au cours de la soirée, l’intégralité de la cagnotte sera utilisée à bon escient. Y’a quand même un truc que je n’arrive pas à comprendre, comment peut-il accepter l’idée de voir la tête de sa femme se retrouver dans le salon d’un parfait inconnu, pire encore de prendre le risque de voir une de ses peintures finir dans un endroit plus incongru comme des toilettes pour ne citer que ça. Le micro se met à grésiller, un son bien moins pénible que la voix nasillarde qui y met fin. Je n’ai pas le temps d’y songer plus longtemps que je dois déjà monter sur scène pour réciter un discours que peu de gens prendront la peine d’écouter jusqu’au bout.  Une perte de temps, mais pas d’argent et c’est pour cette unique raison que je trouve le courage de me lancer.


« Tu étais génial. » Je murmure un merci. Elle sourit et il n’en faut pas plus à mon corps pour relâcher la pression et ce, malgré la sensation désagréable d'être encore la cible des yeux bioniques de sa mère.  « Franchement, j’en doute. Mais elle est irrécupérable. Ce n’est pas elle que ton discours devait toucher, et je pense que tu as réussi ta mission. » Irrécupérable, c’est ce que je m’efforce de ne pas penser au sujet de la mienne. Non pas que les deux femmes soient comparables, Mary est une plaie, c’est un fait, trop aveuglée par son égo surdimensionné pour se rendre compte de son statut de privilégiée. Ma mère, quant à elle est trop aveuglée par l’amour qu’elle porte encore à mon père pour s’apercevoir que le monde ne tourne pas autour de lui et qu’il y a un petit garçon qui ne demande qu’à retrouver la femme qui l’a un jour enfanté. Pour ce qui est d’avoir réussi ma mission, je doute que ce soit le cas. Les gens comme eux n’ont que faire des gens comme mon frère et moi, ça aussi, c’est un fait. Il faut bien plus qu’un simple discours pour éduquer les nombrilistes, mais si une de ces personnes ressort d’ici en faisant preuve d’un peu plus de tolérance envers autrui alors là oui, j’aurais réussi. « Mon beau-frère tient un bar, on peut y aller. » Tant que c’est son beauf et non son frère, ça me va. Je fais signe au serveur de venir récupérer ma coupe de champagne. Une boisson, souvent synonyme de réussite, que je n’ai jamais apprécié mais qu’avec le temps, j’ai appris à boire sans avoir envie de grimacer. « Deal. Je crois qu’on a atteint le socialement acceptable. Je vais saluer mon frère avant de partir. Auden, vous faites le trajet avec nous ? Mon chauffeur peut vous conduire. » « Ou alors, ton chauffeur peut rester ici pendant qu’on se taille par la porte de derrière ? » Je lui montre le panneau lumineux qui indique la sortie de secours d’un signe de la tête. J’ai beau mourir d'envie de me faire la malle, je sais aussi que les photographes doivent encore nous attendre devant l’entrée principale. Un cliché de mon départ anticipé ne ferait que desservir la cause que je suis venu défendre et c’est aux antipodes de ce pourquoi je suis ici. Lexie s’éloigne pour rejoindre ses pairs, me laissant seul avec Auden. « Rassurez-moi, votre beau-frère propose autre chose que des boissons à bulles ? » Je demande, histoire d’être certain de ne pas quitter un endroit qui sent la luxure à plein nez pour rejoindre un bar qui attire la même clientèle. Je finis par sortir mon téléphone portable pour prétexter un appel et ainsi me diriger vers l’arrière porte sans attirer le regard de celle que je considère désormais comme étant une sorcière. C'est une fois dehors que je cesse toute comédie, adossé au mur de l'immeuble, j'attends que Lexie ne daigne nous rejoindre. « Je pense pas avoir besoin de le stipuler, mais sachez que vous êtes le bienvenu si un jour l'envie vous prend de venir visiter le centre.» Un simple élan de courtoisie plus qu'une réelle invitation. Je doute qu'il puisse un jour avoir de renouveler l'expérience en nous dédiant un peu de son précieux temps, surtout pas après ce qu'il a pu dire. « Ils adorent peindre sauf que je suis pas très doué avec les coups de pinceaux.» J'ai toujours préféré les crayons parce qu'il suffit d'un coup de gomme pour effacer les défauts alors qu'avec la peinture,   on a pas le droit à l'erreur.