| stand there and burn inside (craker #14) |
| | (#)Lun 20 Sep 2021 - 21:52 | |
| Les cartons s’entassent dans un coin de l’appartement, savant mélange de tout un tas de bric-à-brac accumulé au fil des années sans que jamais un seul tri ne soit fait. J’ai réuni les maigres bibelots, emballer la vaisselle en tentant de ne rien casser. Mes vêtements ont eu le droit à un tri en règle pour que je finisse par me séparer de la moitié que j’irais déposer dans un centre d’entraide. Ma précieuse machine à écrire à rejoins sa mallette, soigneusement enrubanner dans une tonne de papier bulle, entourer par mille et uns carnets en tout genre, la plupart recouverts de mon écriture à l’encre noire. Il m’a pris l’idée de démonter quelques meubles, stupide était l’initiative quand la moitié tombe en ruine, bien trop souvent malmener par les habitants des lieux. Je récupère malgré tout quelques effets, mon lit, une commode et autres éléments de décor que constituait la partie cuisine. Le reste se retrouvera aux bonnes œuvres ou bien laissé en charité pour le prochain occupant des lieux.
L’appartement ne cesse de se vider alors que l’échéance du déménagement approche à grand pas. Dans quelques jours, je fermerais cette porte derrière moi, sans plus jamais en revenir. Et dans tout cela, la chambre d’Ariane est restée intacte jusque-là. À trop reculer la fatalité, j’ai préféré commencer à trier notre impressionnante collection de livre plutôt que de m’en aller ouvrir la boîte de Pandore. Mais les jours défilent et le temps me devient compter. Il va falloir déterminer ce que je fais de ses affaires, prendre des mesures qui ne m’enchantent guère. Si un jour durant je me verrais tout conserver dans des cartons jusqu’à son retour, que je continue à espérer, le lendemain, je me vois tout brûler dans un excès de colère et de rage. Sur le guéridon près de la porte de sa chambre, trône le colis qu’elle m’a fait parvenir il y a quelques jours désormais. L’objet à la silhouette d’un livre grossièrement empaqueté est gravé de mon nom tracé par des lettres qui ne jure que pour son écriture. Je ne l’ai pas ouvert. Il est là, à me narguer, me rappeler sans cesse qu’elle a pris toutes les cartes du jeu sans jamais me donner la main. Son répondeur est officiellement rempli de mes messages depuis des semaines déjà, mes nombreux textes reste sans réponse quand bien même je lui annonçais qu’elle serait la tante d’un petit garçon. Rien.
Juste le silence et l’écho de mes mots qui ne font plus vraiment de sens tant j’ai l’impression de supplier un fantôme de me revenir. Le colis est la seule preuve, un tant soit peu tangible, de sa présence sur cette fichue Terre. On avait toujours su se chamailler l’un et l’autre. On pouvait se dire les pires horreurs pour tenter de faire passer le reste pour une simple banalité. C’est que l’on a tout traversé, sans jamais faillir, sans que jamais elle ne lâche, la main que j’avais tendu vers elle dès le premier jour. Puis elle a disparu, sans un bruit, sans laisser de traces. Elle danse désormais dans cet appartement sans âme qui ne reflète que le spectre de ses répliques acerbes. Elle me manque, la connasse. Il y avait eu des périodes de silence, des guerres plus longues que les autres, des absences d’une durée signifiante, mais jamais ainsi. Jamais dans la plus grande des indifférences. Jamais en brisant sciemment l’unique règle qui faisait foi dans notre relation. Et me voilà à soupirer pour tenter de chasser cette fichue boule qui gonfle dans ma gorge à mesure que son absence pèse encore plus lourdement sur mes épaules.
À tourner en rond, c’est finalement la colère profonde qui l’emporte lorsque j’ouvre la porte à la volée. Le lieu semble comme sacré, figé dans un temps complètement dépassé. Le lit est tiré au carré, ce qui n’était probablement jamais arrivé. Quelques livres ont disparu de la pile qui lui servait de table de nuit, les photos s’agglutinent encore du côté du miroir et dans la penderie se battent en duel quelques vêtements qu’elle avait laissés derrière elle. Le matériel, ce qui ne fait aucun sens, s’entasse dans un carton avant que je ne m’attarde sur le reste. Des jouets d’Abel qui traîne encore là, quelques cartes d’un jeu de poker, des souvenirs de vacances et surtout la montagne de livre qui vient en copie de la mienne juste à l’extérieur de cette pièce. Les versions que j’avais su lui dénicher, les autres exemplaires qu’elle avait griffonner de ses idées et au milieu de tout cela, dans le bordel ambiant, mon manuscrit. Le titre, qu’elle avait choisi, écrit en rouge majuscule sur la première feuille. Puis ses millions de commentaires en tout genre qui s’entassent dans la marge écrit en tout petit tant elle avait eu des choses à dire. Les marques d’encouragement qui se dessine entre deux reproches et quatre ratures. Et le manque qui grandis à mesure que ses annotations résonnent de sa voix dans un coin de ma tête. Ariane est partout et nulle part à la fois. Elle ricane de son coup de génie, elle qui a su prendre la fuite sans que personne ne vienne lui courir après. Elle qui nous a rayés de sa vie en un claquement de doigts. Puis son silence qui perdure et qui tape dans toutes les cicatrices qui font mal. L’absence qui creuse un trou béant dans ma poitrine, me forçant a chercher l’air avec difficulté à mesure que je réalise tout ce que je vais devoir traverser sans ma sœur à mes côtés.
La minute d’après me voilà a déballer ce stupide colis, à la recherche d’un indice, n’importe quoi. Dans le carton, se cache un exemplaire des Fleurs du Mal. Une version ancienne, en français. Entre les pages, un polaroïd pris dans ce que je crois reconnaître comme une librairie parisienne. Sur le cliché, ne se cache pas le visage de ma sœur, mais une étagère emplie sur un rayon de l’exemplaire de mon bouquin. Au dos, juste quelques mots. « T’as réussi l’idiot. » Rien de plus. Une insulte passagère, enrobée dans un présent qui ne fait plus tellement de sens. Mes doigts cherchent mon téléphone, composent son numéro. Quelques sonneries dans le vide et cet éternel répondeur, qui boucle, répètent les mêmes conneries. L’émotion qui prime ne reste que la colère et la rancœur. De celles qui me font jeter le téléphone au travers de la pièce avant de hurler sans aucun intérêt. Un cri de rage qui s’en vient à faire trembler les murs à défaut de pouvoir s’abattre directement sur elle. La pièce semble tourner sur elle-même quand les idées s’embrouillent et les yeux s’embuent de larmes que je n’estime pas nécessaire. Ma main s’écrase sur le haut de son étagère, envoyant valser les bibelots, tranchant la peau d’une sculpture de verre qui explose en mille morceaux.
Il ne me reste que cette colère sourde, cette incompréhension profonde d’avoir préféré file sans demander son reste, laissant son fils à l’abandon. Me laissant seul sans un signe d’elle. Assis en plein milieu du bordel, je laisse toutes les émotions m’avaler dans la tempête, laissant l’autorisation de sortie à une tristesse que je ne saurais définir, de celle qui flirt avec une angoisse de l’abandon jamais diagnostiqué auparavant. La carapace se craquelle, les fondations s’effondrent quand il ne reste que le vide d’une absence que je me retrouve bien incapable de gérer.
Chaque respiration se fait avec difficulté tant je lutte pour retenir les perles salées, tant je refuse de tout abandonner pour cette petite conne qui ne l’a jamais mérité. Elle que j’ai toujours protégée, elle pour qui j’aurais tout donné avait préféré me tourner le dos comme si je n’étais que le premier des étranges. Et cela fait bien trop mal pour continuer à prétendre que ce n’est qu’une simple formalité.
@rosalie craine |
| | | | (#)Mar 21 Sep 2021 - 7:11 | |
| Les rues du quartier de Spring Hill n’ont jamais été aussi familières que dans les dernières semaines alors que tu les arpentes constamment à pied, ton regard se perdant ici et là sur les différents commerces, les rues que tu as l’impression de découvrir bien plus que lorsque tu ne faisais que conduire en direction du manoir Craine, ou alors de cet appartement que tu fréquentais en secret. Le secret n’est plus, et bientôt, l’appartement ne sera lui aussi qu’un souvenir laissé derrière alors que le futur, celui qui prend beaucoup de place sous ton nombril désormais, invoque des changements d’un peu partout, dans ta vie comme dans celle de Wyatt. Le déménagement du Parker est imminent, et même si tu ne peux pas vraiment lui être d’une grande aide, tu souhaites quand même faire ta part, même si ça consiste seulement à lui apporter un café de bon matin. La matinée est douce, le soleil se lève de plus en plus tôt, rappelant que l’hiver est désormais bel et bien derrière vous, le printemps en place, vous guidant peu à peu vers l’été qui arrivera sans aucun doute bien trop vite. Et avec l’été, la naissance de votre fils. La pensée provoque toujours une vague d’anxiété et tu te forces à te concentrer sur le moment présent. Sur ce qui t’entoure, ce qui a de juste là, à porté de la main.
Tes yeux se posent sur une librairie devant laquelle tu as passé des dizaines de fois dans les derniers mois, mais c’est une nouvelle touche de couleur mise à l’avant qui attire pleinement ton attention. Tu reconnaîtrais la couverture parmi mille, tu n’as pas besoin de lire le nom de l’auteur au bas pour savoir sans aucun doute qu’il s’agit du roman de Wyatt et qu’il se trouve dans la vitrine, exposé auprès d’une dizaine d’autres ouvrages sous le signe des nouveautés à lire. Tu as déjà une (ou plusieurs) copies du roman chez toi, mais ça ne t’empêche pas de rentrer dans ladite librairie et d’en acheter un nouvel exemplaire que tu parcoures rapidement des yeux. C’est une main distraite qui plonge dans ton sac pour en sortir un article de journal découpé à la main. Une critique du roman qui se trouve à nouveau sous tes yeux. Tu ne sais pas si Wyatt l’a lu, tu te doutes bien que oui, mais tu n’as pas pu t’empêcher de la converser et de la lui apporter, juste au cas. La critique est bonne, excellente même et ça te fait plaisir de savoir que son roman semble connaître un grand succès depuis sa sortie. S’il y a cette petite voix dans ta tête, celle de tes travers, de cette Rosalie que tu tentes de ton mieux d’enterrer et de laisser loin derrière qui te rappelle ce pincement de jalousie que tu ressens devant sa réussite alors que toi tu n’as rien écrit depuis le début de l’année, ce n’est pas cette dernière qui prend le plus de place. Non, elle est là, tu l’entends, mais tu fais de ton mieux pour ne pas lui donner le premier rôle. Plutôt, tu écoutes celle qui parle plus doucement mais qui répète encore et encore à quel point tu es impressionnée qu’après tout ce temps, qu’après tout ce qui s’est passé, tout ce que tu as provoqué, il soit parvenu à se relever et à écrire une telle histoire.
Tu as longuement hésité avant de le lire, le roman. Effrayée de ce que pouvait contenir les pages, effrayée de la culpabilité qui pointerait sans aucun doute son nom si tu osais te plonger dans l’histoire créé de toute pièce par le Parker. Tu avais déjà trois exemplaires du livre chez toi avant que tu n’oses finalement à en ouvrir un et te perdre dans l’univers. C’était à la fois familier de retrouver le style d’écriture et les mots de Wyatt, tout comme c’était confrontant de découvrir une partie de lui qui t’étais complètement inconnue, qu’il avait gardé hors de ta vue, pour se protéger sans doute, des années durant. Tu l’avais lu à quelques reprises depuis, t’imprégnant complètement de l’univers, te retrouvant peut-être même un peu trop dans les traits de Jules qui cherche sans cesse à se défaire des normes et des attentes qui lui ont si longtemps été imposées. Vous n’aviez pas vraiment reparler de son roman depuis que tu en avais appris l’existence par inadvertance presque un mois plus tôt, vos conversations tournant encore plus souvent qu’autrement autour de l’existence de votre fils, mais avec chaque lecture que tu faisais du livre, tu inscrivais tes propres critiques dans un carnet, dans l’espoir qu’un jour votre relation soit à un point où tu pourrais te permettre de lui dire tout ce que tu en penses sans que ça ne risque de déclencher une énième guerre froide.
C’est avec une difficulté nouvelle (merci le ventre) et deux cafés dans les mains que tu montes les quelques marches qui mènent à l’appartement de Wyatt. Trois coups sont apposés contre le panneau de bois, mais ces derniers demeurent sans réponse. Tu réitères le même geste après une minute, obtenant le même résultat. Wyatt savait pourtant que tu venais le voir ce matin, tu lui avais envoyé un message la veille. Tu oses tourner la poignée de porte et celle-ci n’étant pas verrouillée, tu prends la décision d’ouvrir la porte et de rentrer dans l’appartement. « J’en ai pas des litres, mais je viens avec de la caféine. » que tu annonces d’une douce voix alors que ton regard tourne partout dans l’appartement, à la recherche de la silhouette du Parker. Il y a des boîtes un peu partout, mais pas de trace de Wyatt. Tu poses finalement ton sac et les cafés sur le comptoir de la cuisine quand tu aperçois enfin que la porte de la chambre au fond du couloir est ouverte. Cette pièce maudite, oubliée depuis le départ d’Ariane. Tu ne pourrais expliquer pourquoi, mais cette réalisation te provoque immédiatement un malaise palpable alors que tu avances lentement en direction de la pièce. « Wyatt? » La scène qui s’offre sous tes yeux quand tu pousses la porte pour pénétrer dans la chambre n’en est pas une que tu as déjà vu dans le passé. Au sol se trouve plusieurs débris de bibelots en tout genre qui ont éclaté sous un choc certain, des vêtements et des livres sont éparpillés ici et là et au milieu du bordel se trouve Wyatt. Wyatt qui ne parle pas, qui ne semble même pas réagir à ta présence. Wyatt au visage défait et aux yeux rougis, bien qu’aucune larme ne semble envahir ses joues livides. Tu mets quelques secondes à réagir, mais rapidement, tu t’agenouilles à côté de lui tout en faisant attention à ne pas te couper avec les morceaux de verres. Tu poses tes mains sur l’un de ses bras, cherchant son regard sans vraiment le trouver. « Hey hey, ça va. Je suis là. On est là. » Ta voix n’est qu’un murmure alors que tu réalises rapidement que la respiration du Wyatt est rapide, difficile, comme s’il était au beau milieu d’une crise de panique. « Respire, ça va. Tout va bien. Respire. » que tu répètes encore et encore, même si tu vois bien que non, tout ne va pas bien. La chambre et son bordel témoigne d’une chose : l’absence d’Ariane frappe fort, encore une fois. Elle fait ses marques sur un Wyatt qui se tient le dos droit en tout temps, mais qui semble finalement avoir cédé sous tes yeux et tu détestes le sentiment d’impuissance qui t’envahit de le voir dans un tel état. Tes doigts serrent son bras un peu plus fort, dans l’espoir que cela l’aide à se calmer et puis tu remarques que du sang coule de manière importante de l’une de ses mains. « Tu saignes. » que tu murmures doucement alors que ton regard passe en revue le bordel autour de toi et tu attrapes finalement un foulard qu’Ariane a laissé derrière et tu viens presser ce dernier sur la coupure de Wyatt. À défaut de savoir quoi dire, de savoir quoi faire, tu restes là en silence, tes mains entourant les siennes, à attendre que la tempête ne se calme, ne serait-ce qu’un petit peu. |
| | | | (#)Dim 3 Oct 2021 - 12:41 | |
| L’étape n’aurait dû être que d’une simplicité sans nom : empiler tout le bordel de la rouquine dans des cartons et se la jouer héros du jour sous la forme de donation à des œuvres de charité. Elle aurait eu toutes les occasions du monde de m’en vouloir si un jour elle se décidait à refaire une apparition dans les parages. Cela ne devait être qu’une formalité, une nécessité afin d’emménager plus rapidement dans mon nouvel appartement sans me traîner le boulet des merdes qu’Ariane avait su accumuler au fil des années. Pourtant, rien ne semble aisé lorsque je me retrouve dans cette pièce encore empreint de quelques fragrances de son parfum. Tout ce que j’avais accumulé dans un coin, tout ce que je n’ai pas eu le temps d’extérioriser depuis son départ semble se bousculer pour avoir le privilège d’exploser en premier. C’est l’orage qui se mélange à la tempête quand les quelques mots qu’elle a su m’adresser sur un bout de papier glacé, ne font que confirmer son statut de sale garce égoïste.
Incapable de pouvoir déverser ma colère sur sa personne, ce sont tous les objets de la pièce qui prenne les coups à défaut de pouvoir faire mal avec des mots. Tout ce dont je ne saurais lui dire se déverse entre les bibelots, se déchire entre les pages de quelques livres et s’étiole dans les bouts de verres qui explosent contre mon poing. Elle a bien trop merdé pour que je ne veuille aller la chercher, qu’importe qu’elle vienne de confirmer l’intuition qui me hurlait depuis le départ que c’était sur nos terres qu’elle était partie se réfugier. Son silence à signer la fin de toutes les promesses silencieuses que j’avais su lui faire, réveillant par la même occasion quelques blessures bien trop profonde. Il ne reste que ce sentiment d’abandon qui persiste au point de venir me voler l’air au creux de mes poumons. À l’irrémédiable douleur qui tiraille, se mêle alors l’angoisse qui me tourne autour depuis bien des semaines déjà. Le parfait cocktail explosif qui s’en vient à exploser entre quatre murs.
Je ne sais plus vraiment si c’est la colère envers ma sœur ou si c’est l’anxiété de ne pas l’avoir à mes côtés pour tout ce qui est en train de se chambouler qui finis par me faire tomber au sol. Soudainement, le réflexe de respiration ne semble plus aussi inné tandis que mes pensées se battent en duel dans un crescendo de hurlements qui me rappelle à quel point je ne serais jamais bon en rien. L’adulte déterminé, incapable de flancher, armer contre toutes les éventualités, laisse sa place à l’adolescent tiraillé par des responsabilités d’une envergure démesurée. Pour la première fois depuis ce qui semble être une éternité, l’armure, c’est fait la malle laissant alors à découvert toutes les cicatrices béantes.
« Wyatt ? » La voix semble lointaine et familière tandis que je serre le poing pour que la douleur me ramène à ce qui doit être. La bataille fait rage dans un coin de ma tête jusqu’à que je sente une main fraîche venir en contact de ma peau. Un sursaut et la difficulté à respirer qui s’accentue à l’idée même que quelqu’un est tout le loisir de me voir ainsi. C’est le corps qui réagit en premier alors que je cherche à m’éloigner, alors que mes bras cherchent à couvrir mon visage qu’importe le sang qui s’écoule de ma paume. « Hey hey, ça va. Je suis là. On est là. » La voix qui s’en revient, beaucoup plus prêt, bien trop familière cette fois. Rosalie. Elle est là, je peux sentir son souffle juste à côté sans jamais trouver la force de tourner la tête afin de la regarder. « Respire, ça va. Tout va bien. Respire. » Plus facile à dire qu’à faire quand chaque inspiration semble accompagner une centaine de lames de couteaux au creux de ma poitrine. C’est l’enfer d’être ainsi mis à nu devant elle. C’est toute ma conscience qui se bat avec les vieux démons sans gagner le moindre round. Je voudrais me lever, mais mes jambes refusent. Je souhaiterais qu’elle s’éloigne, mais d’entre mes lèvres ne s’échappe qu’un râle témoin de la confusion qui me gagne. Sors de là Rosalie. « Tu saignes. » Et la seconde d’après elle s’en vient à bander la paume de ma main cachant aux yeux du monde la cicatrice qui restera. Mes doigts s’accrochent entre mes cheveux, tirant sur les mèches pour me rappeler que ce n’est pas la tempête émotionnelle qui prendra le dessus. Tu vaux mieux que cela Parker.
Je ne sais plus si les minutes ont défilé à toute vitesse ou si le temps semblait s’être arrêté, mais le manège a assez duré quand elle est témoin de tout ce que je n’ai jamais souhaité. Je me dégage de son étreinte, dissimule la grimace qui s’impose lorsque j’appose ma main blessée sur le sol. « Ça va. » que je murmure d’une voix rauque attestant bien du contraire. Déterminé à renfiler le masque comme si rien ne c’était passer, je me hisse sur mes jambes à toute vitesse oubliant la respiration chaotique et le sang perdu. Mon corps, lui, n’a rien oublier lorsqu’il ordonne à ma tête d’envoyer toute la nausée et à mes jambes de vaciller. Je me rattrape sur le contour de lit tandis que les étoiles dansent devant mes yeux. Ça ne va pas. |
| | | | (#)Dim 3 Oct 2021 - 13:36 | |
| Tu ne l’as jamais vu comme ça et si tu es complètement honnête, tu aurais préféré ne jamais avoir à le voir ainsi. Parce que ce n’est pas comme ça que tu le connais Wyatt. Il est le premier à se moquer de la faiblesse des autres, le premier à prétendre que rien ne l’atteint jamais, qu’il est toujours en parfait contrôle. Tu sais que c’est faux, tu as toujours su voir derrière cette carapace, et ça le fait chier, il te l’a souvent dit. Mais ça, c’est différent. Ça, ce n’est pas seulement de voir derrière la carapace. C’est la carapace qui s’écrase au sol, qui éclate, complètement inexistante. C’est la douleur à l’état brut et c’est l’incapacité de gérer plus longtemps tout ce poids qui l’écrase depuis des mois. C’est trop de changements en même temps et ce n’est pas assez de support quand celle vers qui il s’est toujours tourné par le passé n’est plus là pour le forcer à se tenir droit. Son fantôme est partout dans cette pièce, mais elle, elle est nulle part. Elle a laissé un trou géant qui semble impossible à combler et ça a fini par le rattraper, peu importe ce qu’il pourra bien dire pour tenter de justifier la situation. Ça n’a aucune importance quand tout ce que tu veux dans l’immédiat, c’est qu’il reprenne son souffle. Qu’il retrouve son calme. Qu’il revienne doucement à lui-même. Parce que ça te chavire bien plus que tu n’es prête à l’admettre, de le voir dans un tel état. De ne pas savoir quoi dire, de ne pas savoir quoi faire. Tu t’approches doucement, tu parles pour remplir un silence chaotique, tu cherches ses yeux, mais jamais il ne tourne la tête dans ta direction. Tu presses sa coupure d’un foulard rapidement souillé de sang, mais ça n’a pas d’importance. Tu peux rester exactement ainsi aussi longtemps qu’il en a besoin. Des secondes, des minutes, des heures s’il le faut. Tu ne bougeras pas. Tu n’as besoin de rien sauf d’une chose : qu’il te dise enfin tout ce qu’il retient depuis trop longtemps.
Ses doigts tirent contre ses cheveux et ta main libre vient agripper ses doigts pour qu’il cesse. Tu ne veux pas qu’il se fasse mal, aussi anodin ce mal puisse être. Mais rien ne semble l’aider à redescendre de cette panique qui continue de prendre toute la place dans cette chambre. Quand il revient un peu à lui, il te repousse et la surprise t’empêche de t’accrocher plus fortement à lui sur le coup. « Ça va. » « Wyatt… » Il se lève, mais son corps le trahit quand il peine à tenir sur ses jambes, quand il doit se retenir sur le bord du lit pour ne pas chavirer complètement. Tes mouvements sont trop lents alors que tu voudrais pouvoir le rattraper, mais ton ventre l’en empêche et c’est avec quelques secondes de retard que tu le forces à s’asseoir sur le lit alors qu’il peine à garder les yeux ouverts, qu’il semble chancelant, près de perdre conscience. « Assieds-toi. Prends le temps. » Prends le temps d’aller mal. C’est correct. Je suis là. Tu prends place à côté de lui et cette fois-ci, tu serres ses mains bien plus fort, de façon à ce qu’il ne puisse pas se défaire du contact même s’il tentait de se dégager. Cette fois-ci, tu caresses sa peau du bout des doigts alors que tu attends encore un peu, quelques secondes, quelques minutes peut-être. Tu laisses le temps faire son œuvre avant de l’assaillir de mots ou de questions parce que tu sais que ce n’est pas ça dont il a besoin en ce moment. Quand tu sens qu’il est un peu plus calme, tu oses te rapprocher un peu plus. Assez proche pour que tes bras viennent l’entourer, pour que ta tête trouve cette place si particulière contre son torse. De cette manière qu’il t’a serré sur la plage, quand tu avais l’impression que ton univers en entier ne faisait plus de sens. Alors tu resserres l’étreinte, pour lui rappeler que tu es là, peu importe. Qu’il n’a pas besoin de se cacher. Que tu comprends. « Parle-moi. » que tu murmures doucement sans jamais lever la tête, de peur qu’il te repousse à nouveau si tu tentes le moindre mouvement brusque. Mais ce n’est pas toi qui bouges. Qui donne un coup si fort que tu pourrais jurer qu’il se sent de l’extérieur. Sans y réfléchir plus longtemps, tu attrapes l’une des mains de Wyatt que tu viens poser sur ton ventre, à l’endroit même où votre fils s’empresse de donner un autre coup. « On est là. » que tu répètes, levant le regard cette fois-ci. |
| | | | (#)Dim 10 Oct 2021 - 14:11 | |
| C’est une véritable bataille que mène mon corps contre mon esprit dès l’instant où il est assimilé que Rosalie est en train d’assister à un spectacle qui ne devait jamais se produire. Le refus même de paraître faible à ses yeux cherche à prendre le dessus sur l’angoisse qui ne cesse de gagner du terrain au point de m’écraser la poitrine. Je refuse de laisser entrevoir la moindre faiblesse quand bien même toute l’absence d’Ariane pèse sur mes épaules, réveillant de vieilles blessures et laissant apparaître tout ce que je n’ai jamais voulu remettre en question. Obséder par l’idée de ne présenter qu’un masque de droiture et une version infaillible de ma personne, les pensées s’emmêlent et s’entrecroise avec l’envie de cour circuiter toutes difficultés.
À trop vouloir me montrer plus fort que la moyenne, à trop vouloir jouer un rôle, je flanche au premier pas. Mon corps me rappelle à l’ordre avec violence enchaînant les étoiles qui dansent en contraste contre mes pupilles et un mal de crâne puissant me donnant l’ordre de retrouver une position assise. « Assieds-toi. Prends le temps. » Le paradoxe s’enchaîne avec cette volonté de laisser la crise d’angoisse déborder et cette envie de ne rien laisser paraître. Il s’accentue avec le désir de demander à Rosalie de partir tout en ayant envie qu’elle se rapproche encore plus. À croire qu’elle m’entend, à penser qu’elle me connaît bien plus que je ne voudrais l’admettre, lorsqu’elle s’assoit à mes côtés, prenant le temps de me rappeler de respirer. Son touché renvoi un million de frissons sur mon épiderme tandis que je ferme les yeux avec violence pour retirer cette sensation de tournis qui me file la nausée.
Je sursaute presque quand Rosalie vient trouver sa place contre moi. Son corps se love au mien d’une manière bien trop naturelle, comme si l’on n’avait jamais vraiment oublié comment s’étreindre. Elle met toutes ses forces entre ses bras et je perds toute ma volonté à sentir sa peau contre la mienne. C’est rassurant de l’avoir contre moi, c’est apaisant de sentir son parfum. « Parle-moi. » Comme s’il était si simple de trouver les mots, comme si j’avais réellement envie de m’épancher sur le problème. Je souffle sans que jamais elle ne me regarde. Tout ce que je voudrais, c’est pouvoir claquer des doigts et faire comme si rien de tout cela n’avait existé. Prétendre que le départ de ma sœur n’est qu’une formalité et son silence une banalité. Mais Rosalie a toujours su lire entre les lignes. « C’est à elle que j’ai besoin de parler. » Rien n’est énoncé avec méchanceté, mais la vérité se tient en ces quelques mots. Ce n’est pas auprès de la principale concernée que je souhaite m’épancher, mais vers celle qui a toujours tout su avant les autres et qui sait bien mieux que personne, trouver les mots pour me remettre les idées en place.
Tout cela devient encore plus véridique lorsque sa main entraîne la mienne contre son ventre arrondi. Juste là, notre fils me rappelle sa présence. « On est là. » Une demi-seconde supplémentaire et voilà qu’il redonne un coup juste sous le creux de ma paume faisant alors renaître les angoisses aux galops. Je n’ai plus le contrôle de rien lorsque ma main se met à trembler contre le tissu de son tee-shirt, lorsque mes yeux s’embuent sans que je ne leur en donne l’autorisation. Qu’il manifeste sa présence, me rappelle tous les doutes qui m’assaillent depuis des jours. La panique de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir lui offrir tout ce qu’un enfant mérite. Des angoisses qui vont creuser loin dans un passé que j’avais laissé de côté. « Tout sera mal interprété. » que je souffle entre deux respirations à nouveau bien trop haletantes. « Si je te dis tout ce qui me traverse l’esprit. » Pour ne pas dire tous les doutes qui m’angoissent. « On arrivera pas à se comprendre. » Et je suis fatigué des malentendus, des fausses interprétations. Je préfère encore prétendre. |
| | | | (#)Dim 10 Oct 2021 - 15:39 | |
| Il s’obstine encore, mais tu ne le laisses pas faire. Il n’a pas la force de réellement te repousser de toute façon, tu l’as parfaitement compris à ses jambes qui peinent à le soutenir, à son regard fuyant qui se veut plus embuer qu’il ne l’admettra jamais, aux réactions de son corps que tu connais par cœur malgré tout ce que vous pourrez en dire. Tu prends place à ses côtés, l’intime de se calmer, de respirer, que tout ira bien, que tu ne vas nulle part. D’un naturel qui n’a plus lieu d’être entre vous, qui transgresse les quelques règles que vous aviez pourtant mis entre vous depuis l’annonce de ta grossesse, tu retrouves ta place contre lui, laisse le contact de vos peaux faire ce que les mots n’ont jamais su achever. Tes doigts caressent son dos par-dessus l’étoffe de son t-shirt, alors que ta respiration est devenue plus bruyante sans que tu ne le réalises, probablement pour qu’il suive chacune de tes inspirations, pour qu’il vienne souffler au même rythme que toi. Tu veux qu’il te parle, tu as besoin de comprendre tout ce qui se trame présentement dans sa tête, de savoir quelle tempête qui le harcèle si tu veux avoir ne serait-ce que l’espoir de pouvoir l’aider, un petit peu. La réalité c’est que vous aviez beau vous voir régulièrement depuis plusieurs semaines maintenant, les conversations entre vous restaient très superficielles, tournaient autour des quelques informations offertes à chacun de tes suivis et constituaient en de nombreuses disputes inutiles sur les différents choix de prénoms à donner à votre fils sur lesquels vous n’arriviez pas à vous entendre (surprise, surprise.) Si tu avais Talia pour ventiler et à qui offrir le moindre de tes doutes et toutes tes angoisses, tu savais que c’était plus compliqué pour Wyatt qui se retrouvait pour la première fois depuis que tu le connaissais (depuis toujours peut-être) sans celle qui lui avait longtemps servi de pilier. « C’est à elle que j’ai besoin de parler. » « Je sais. » Qu’est-ce que tu es censée répondre à ça? Tu n’es pas Ariane, tu ne le seras jamais et tu as beau chercher, tu as beau essayer, tu n’as toujours pas trouvé la formule gagnante pour la faire revenir, pour l’obliger à prendre tes appels, ou plutôt l’un des siens.
Tu te sens inutile, incapable de lui offrir ce dont il a affreusement besoin dans l’immédiat et sans trop y réfléchir, tu laisses la présence de votre fils être un élément qui l’aide à se replacer dans le moment présent, sans réaliser que c’est plutôt l’effet inverse qui se produit chez le Parker. Tu la sens, sa main qui tremble contre ton ventre. Tu les vois, ses yeux mouillés, ses larmes qu’il refoule avec le peu de force qu’il possède encore et tu t’en veux un peu plus de ne pas savoir quoi faire. « Tout sera mal interprété. » Tu te détaches légèrement de lui, ne sachant plus si ta proximité l’aide ou le nuit, tes doigts venant tout de même trouver leur place sur sa cuisse, comme un dernier rappel qu’il peut garder ou refuser. « Si je te dis tout ce qui me traverse l’esprit. » Tu secoues la tête. Tu sais trop bien pourquoi il pense ainsi, mais tu sais qu’il ne peut plus garder tout ça pour lui plus longuement. Qu’il a besoin d’évacuer. Et que dans l’immédiat, tu es la seule paire d’oreilles qui s’offre à lui. La seule épaule sur laquelle il peut venir chercher du réconfort, s’il se l’autorise enfin. « On arrivera pas à se comprendre. » « On a pas besoin de se comprendre. T’as juste besoin de parler, Wyatt. » Pour une fois, ce n’est pas une question de trouver un juste milieu ou de faire un compromis. Ce n’est pas le temps de répondre à des questions qui sont stressantes, ni même le temps de faire des plans quelconques pour cet avenir qui est juste là, approchant bien trop rapidement. Aujourd’hui, il s’agit seulement de souffler. De se libérer d’un poids. De retrouver l’équilibre, peu importe comment ça se doit se faire. « Prétends que je suis Ariane. Je me contenterai de grogner et de t’insulter entre deux phrases. » Tu échappes un léger rire alors que tu plonges son regard dans le sien, tes doigts serrant un peu plus fort contre sa cuisse. « Tu peux dire tout ce que tu veux. Sans jugement. C’est promis. » Laisse-moi être là pour toi, s’il-te-plaît.
Dernière édition par Rosalie Craine le Lun 11 Oct 2021 - 12:09, édité 1 fois |
| | | | (#)Dim 10 Oct 2021 - 21:32 | |
| À chaque inspiration, je me raccroche à la sensation que laissent ses doigts sur mon dos. À chaque expiration, je tente de me rappeler où l’on se trouve et à quel point je dois rester concentré. Il faut du temps, quelques minutes et plus encore, pour que ma respiration s’apaise enfin, pour que je reprenne un peu plus le contrôle de mes capacités. C’est seulement à cet instant que je réalise le bordel qui nous entoure, la rage qui est venue transformer cette chambre pour exprimer un ras-le-bol dont les mots ne couveront jamais assez l’intensité. Dans chacune de mes respirations, résonne son absence. « Je sais. » Ce n’est pas ce qu’elle voulait entendre, c’est pourtant bien tout ce que je peux lui offrir. Elle qui n’avait jamais compris le lien qui semblait nous unir chez les Parker, elle avait désormais la preuve que l’on avait bien du mal à fonctionner l’un sans l’autre. Enfin. Que j’avais bien du mal à tourner rond sans la naine rousse qui passait son temps à me gueuler dessus.
Notre fils se manifeste dans le ventre de sa mère comme un rappel à toutes mes angoisses, a tout ce que je ne peux partager avec celle qui a toujours tout entendu de ma part. Il frappe ma main de ce que je devine être un coup de pied et c’est une nouvelle brique qui me tombe sur le coin de la tête. Énième réalisation que le temps nous est compter à mesure que les semaines défilent et que tout semble être en suspens entre nous. Il n’a toujours pas de prénom, on est bien incapable de s’entendre sur le nom de famille qu’il portera, les règles que nous nous sommes imposés me paraissent futile les trois-quarts du temps et je me perds dans tout ce qui pourrait tourner au vinaigre. Comme cette conversation qu’elle cherche à avoir, mais qui pourrait prendre une tournure bien trop dramatique, nous connaissant. « On a pas besoin de se comprendre. T’as juste besoin de parler, Wyatt. » Il m’est bien impossible de retenir le rire qui s’échappe dans mes lèvres, à mi-chemin entre le gémissement et un ricanement étrange. « J’ai pas envie de partir dans une dispute. » Je n’en ai physiquement pas la force ce soir, pourtant, je sais d’avance que quelque chose tournera mal. C’est bien notre spécialité après tout, non ? « Prétends que je suis Ariane. Je me contenterai de grogner et de t’insulter entre deux phrases. » C’est un rire bien plus franc qui éclate dans la pièce tandis que Rosalie semble fière de sa petite réplique. « Crois-moi, t’as pas envie de te prendre la colère que j’ai contre elle. » Je la réserve uniquement pour ma sœur cette colère-là. Celle qui gronde depuis des semaines, celle que je vais couver jusqu’à son retour, quoiqu’il m’en coûte. C’est une discussion que l’on aura un jour, juste elle et moi, je n’en démords pas. Elle ne pourra pas m’échapper éternellement, un jour, j’irais la trouver, quand je serais prêt, maintenant que je sais exactement où aller la chercher.
« Tu peux dire tout ce que tu veux. Sans jugement. C’est promis. » Ses doigts s’enfoncent dans ma cuisse à mesure que ses paroles laissent une marque dans l’ambiance sinistre de cette chambre. J’ai du mal à la croire quand tout ce que je dis est souvent sûr interpréter, analyser et décortiquer dans tous les sens. Pourtant les mots sont là, sur le bord de mes lèvres prêt à se déverser en tout sens. Comme s’il se doutait d’une chose, notre fils replace un coup contre ma main, juste un. La petite impulsion dont j’avais cruellement besoin. « J’aurais aimé qu’elle soit là pour la sortie de mon livre. » La confession est minime, mais c’est un pas en avant. « Pour me rappeler que je suis le roi des cons à douter de l’intérêt que les gens porte à mon écriture et que je dois aller le vendre ce putain de bouquin. » Les mots d’Ariane, j’aurais pu les deviner par cent fois, mais ce n’est jamais pareil quand c’est prononcer par elle. L’impact est différent, il claque plus fort derrière les oreilles. « Elle m’aurait dit que le sien se vendait mieux et j’aurais voulu lui prouver le contraire. » Bien sûr que l’on aurait transformé cela en compétition malsaine, mais c’était notre manière de fonctionner. C’était nous et c’est bien tout ce qui pouvait compter. « Et entre deux insultes, j’aurais pu lui glisser que je suis terrifié à l’idée de devenir père. » Et encore, le terme sonne presque trop faible. Je manque cruellement de vocabulaire pour qualifier toutes les pensées qui sont devenues les reines de mes insomnies ces dernières semaines. |
| | | | (#)Lun 11 Oct 2021 - 13:14 | |
| Les minutes semblent éternelles alors que la panique prend tout son temps avant de redescendre pour Wyatt. L’attente est pénible, mais nécessaire alors que chaque râlement te tort le cœur, alors que tu le sens qui s’accroche à toi, tes doigts continuant leur danse que tu espères réconfortante dans son dos. C’est tout ce que toi tu peux lui offrir devant la triste réalité que tu ne sauras jamais être celle dont il a véritablement besoin dans le moment. Autrefois, tu aurais cherché à combattre ce fait. Tu aurais pesté de ne pas pouvoir être tout pour lui. Aujourd’hui, alors que la principale concernée se fait absente depuis trop longtemps déjà, tu comprends. Tu comprends et étonnamment, tu acceptes. Tu n’essayes pas de voler la place de qui que ce soit, au contraire, tu donnerais n’importe quoi pour qu’elle vienne la reprendre Ariane, cette place que tu lui as si souvent maudis. Tu ne saurais l’admettre à voix haute, mais tu préfères encore être jalouse de la rouquine que de devoir voir l’état dans lequel Wyatt se retrouve aujourd’hui, à supporter un poids immense sur ses épaules qu’il se refuse à partager avec qui que ce soit d’autre. Sans véritablement savoir si tu vas parvenir à quoique ce soit, tu essayes tout de même d’être présente, de dire les bons mots, dans une douceur qui ne te ressemble pas. Elle n’a jamais pris beaucoup de place dans ta vie, la douce Rosie. Même Wyatt, qui est bien l’un des seuls à l’avoir vu par le passé, n’y a pas eu droit si souvent que ça. Mais ce soir, elle est bien la seule version de toi que tu dois lui offrir, la seule avec le potentiel de le calmer, de l’apaiser.
« J’ai pas envie de partir dans une dispute. » Tu souffles doucement. Tu ne sais pas comment lui faire comprendre que tu n’as pas l’intention d’utiliser quoique ce soit qui se dit ici contre lui. Que tu n’es pas là pour lui faire la guerre, pour une fois. « Je suis pas là pour ça. » Et tu as bien l’intention de t’y tenir, peu importe ce qu’il te dit, peu importe ce que ça peut provoquer comme réaction pour toi. Tu te fais un point de garder le tout sous silence. Ça n’a pas d’importance. Pas aujourd’hui. Ta remarque sur sa soeur lui arrache son premier rire franc, ce qui a le don de te rassurer un peu. « Crois-moi, t’as pas envie de te prendre la colère que j’ai contre elle. » « Si ça peut te faire du bien, je peux la prendre. » Pour toi, je peux faire ça. « Je suis plus forte que j’en ai l’air. » que tu rajoutes en arborant ta meilleure bitch face, une gracieuseté que tu as apprise de la Parker elle-même. Vous êtes faites sur le même frame après tout, Ariane et toi. Et ce serait loin d’être la première fois que tu te prends la colère de Wyatt en pleine gueule, même si cette fois, tu pourrais t’en distancer parce qu’elle ne t’est pas adressée, pour faire changement.
Et si ce n’est pas la colère qu’il éprouve contre Ariane qu’il veut te partager au final, c’est correct aussi. Tu veux juste qu’il se vide le cœur, qu’il se vide la tête, qu’il laisse filer toutes les pensées qui le harcèlent et qui l’épuisent au point d’avoir créer cette scène que tu as manqué, mais qui semble avoir été bien chaotique vu l’état des lieux. C’est après un autre coup de pied de votre fils que Wyatt semble enfin trouvé le courage de s’ouvrir. « J’aurais aimé qu’elle soit là pour la sortie de mon livre. » Évidemment, tu peux facilement le concevoir. Et c’est plus difficile que tu ne l’aurais imaginé, de laisser de côté tes propres sentiments, tes propres pensées à ce sujet. Du genre qu’elle aurait sûrement été là pour cette sortie et toutes celles d’après si tu n’avais pas saboté sa carrière il y a si longtemps de ça. Que l’histoire en entier serait différente pour tout le monde, si tu n’avais pas fait les choix que tu as fait, mais tu sais aussi bien que lui que de vouloir réécrire le scénario ne changera pas la réalité, votre réalité. Tu restes donc silencieuse, te concentre sur la pression que tes doigts exercent sur sa cuisse alors qu’il reprend. « Pour me rappeler que je suis le roi des cons à douter de l’intérêt que les gens porte à mon écriture et que je dois aller le vendre ce putain de bouquin. » Tu ne peux t’empêcher de rire légèrement, tu jurerais presque l’entendre, Ariane, dans la bouche de son frère. « Elle m’aurait dit que le sien se vendait mieux et j’aurais voulu lui prouver le contraire. » « Y’a rien qui t’empêche de le faire. » Elle n’est pas là pour le narguer certes, mais ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas tout mettre en place pour assurer un franc succès à ce bouquin qui mérite d’être lu et relu. « Elle te le dirait pas, mais je suis certaine qu’elle est fière que tu aies finalement publier quelque chose, après tout ce temps. » Malgré moi. Malgré ce que moi, j’ai fait. Malgré ce que moi, j’ai pu dire par le passé.
Tu baisses les yeux légèrement, retiens d’autres commentaires qui sont pourtant juste là, mais qui risqueraient de vous mener sur cette pente glissante qu’il veut éviter à tout prix. « Et entre deux insultes, j’aurais pu lui glisser que je suis terrifié à l’idée de devenir père. » Cette confidence-là, elle est bien plus dure à séparer de toi, puisqu’elle fait écho à une peur que tu traînes toi-même à tous les jours depuis que tu as appris que tu étais enceinte. Cette peur de ne pas être une bonne mère pour votre garçon, de ne pas savoir être assez pour lui, de lui imposer une vie qui est moins qu’idéale quand tu sais trop bien que ta relation avec son père n’a jamais été facile ni idéale, même dans vos meilleurs jours. Tu déglutis difficilement, t’assures de prendre quelques secondes pour ne pas parler trop vite, pour ne pas risquer des commentaires qui risqueraient d’être mal pris, mal tournés. « Elle te dirait que t’es trop vieux pour devenir père et qu’entre nos deux caractères, il a tout le potentiel pour devenir presque aussi chiant qu’Abel. » Elle tremble un peu ta voix, alors que tu penses à ce petit garçon qui grandit désormais sans sa mère. « Presque parce qu’évidemment, faudrait pas détrôner son fils. » Tu échappes un léger rire. Combien de fois l’avais-tu entendu référer à Abel comme étant le suppôt de Satan, après ces nuits où le sommeil ne semblait jamais venir pour le bambin qui avait les poumons les plus en santé de Brisbane? « Et puis elle te dirait sûrement de prendre sur toi et d’en parler avec moi parce qu’elle saurait à quel point je suis terrifiée, moi aussi… » Et cette conversation, à défaut que vous puissiez l’avoir séparément avec Ariane, il est sans doute nécessaire que vous l’ayez, ensemble. |
| | | | (#)Mar 19 Oct 2021 - 23:40 | |
| « Je suis pas là pour ça. » Mon souffle s’apaise, le rythme cardiaque se ralentit à mesure que les paroles de Rosalie emplissent la pièce. Pas de dispute, elle semble étonnement sérieuse et, pour la première fois depuis une éternité, je suis tenté de la croire. Bien loin de nos habitudes, de tout ce qui semble nous définir depuis des années, on tente de faire quelques pas vers l’avant, dans un calme relativement étrange. « Si ça peut te faire du bien, je peux la prendre. » Je pourrais faire exploser toute ma colère contre elle, ce serait bien choisir l’élément de facilité, mais cela me paraît si futile. Tout faire sortir n’apportera pas les réponses que je cherche, tout hurler ne changera rien au fait qu’Ariane refuse encore et toujours de me parler. « Je suis plus forte que j’en ai l’air. » La grimace qu’elle tente d’accoler aux faits m’arrache un léger rire défaitiste. « Pas pour ce genre-là. » Elle a souvent connu ma colère Rosalie, elle en a bien trop souvent été la cause principale, mais ce qui couve depuis des semaines s’envole vers un niveau que je n’avais jamais atteint auparavant. Si auparavant, j’ai pu râler sur ma sœur, jamais je n’ai autant voulu la détruire avec des mots. Je voudrais qu’elle paye pour son abandon, pour tout ce qu’elle fait subir à Abel. Le moment viendra, j’en reste certain, même si je dois parcourir le monde pour la retrouver. Un jour, elle entendra tout ce que j’ai emmagasiné.
En attendant, il ne me reste qu’à étaler les regrets qui s’empilent depuis des jours, les paroles que je meurs d’entendre de sa bouche, mais qui ne devront résonner que dans ma maigre imitation de l’accent francisé de la rousse. « Y’a rien qui t’empêche de le faire. » Jouer la compétition contre ma sœur a toujours été un moteur de motivation. Bien trop souvent, on se devait de se lancer des défis pour mieux avancer. C’est à la suite d’un pari risqué qu’elle a osé publier ses conversations de messages textes. Il lui avait fallu maintes menaces pour que je reprenne l’écriture d’une manière sérieuse et quand tout devenait enfin concret, elle s’est fait la malle. « C’est pas pareil. » Parce que je ne l’entends pas vociférer dans son coin, parce qu’on pourra pas se retrouver dans le bureau de Boyd tous les lundis matin à le harceler pour nous donner des chiffres. Je me retrouve juste comme un vieux con, à attendre. « Elle te le dirait pas, mais je suis certaine qu’elle est fière que tu aies finalement publié quelques, après tout ce temps. » Il serait inutile de relever le ton employé sur le temps écoulé. Je me contente de me pencher vers l’avant pour attraper l’exemplaire de mon bouquin qui traînait au sol. Entre les pages, le polaroïd toujours intact. « Elle joue la maline. » Son mot n’a rien d’un compliment et pourtant, je le prends comme tel. Une manifestation presque divine qui se voulait rassurante, mais n’a fait que déclencher mes angoisses et ma colère.
Après un énième souffle, tout ce que je semblais retenir depuis des jours m’échappe sans filtre. Les inquiétudes que je me refusais de laisser transparaître, s’envolent entre deux phrases. Rosalie n’en reste que l’unique témoin et c’est bien tout ce que je redoutais. « Elle te dirait que t’es trop vieux pour devenir père et qu’entre nos deux caractères, il a tout le potentiel pour devenir presque aussi chiant qu’Abel. » Mon cœur se serre à la pensée de mon neveu. Je me fais la promesse d’envoyer un message à son père, simplement pour avoir des nouvelles. « Presque parce qu’évidemment, faudrait pas détrôner son fils. » Je le pensais également, mais est-ce qu’elle s’en souci encore ? Elle qui a fui sans jamais se soucier du petit garçon qui l’attend désespérément. « Je voudrais l’étrangler pour l’avoir laissé. » Les mots restent incroyablement soft quand mes pensées galopent vers des envies d’une violence inouïe. Reste alors que l’incompréhension face à des décisions qui ne font pas de sens. Elle serait partie avec lui, j’aurais encore compris. Mais rien ne semble correcte quand elle a décidé de se la jouer purement égoïste.
« Et puis elle te dirait sûrement de prendre sur toi et d’en parler avec moi parce qu’elle saurait à quel point je suis terrifiée, moi aussi… » Je sens ses doigts qui enserrent le tissu de mon jean dès l’instant où nos regards se croisent. « Elle aurait jamais dit cela. » Elle aurait eu conscience du problème, c’est certain quand elle avait accès aux deux sons de cloche, mais jamais elle ne m’aurait poussé auprès de Rosalie. Ce serait allé à l’encontre de toute l’éthique qu’elle a imposée durant ces dernières années, si elle avait décidé de revoir son jugement sur la Craine, jamais elle ne m’en aurait vanté les louanges. Ce serait bien trop admettre. « Par contre, elle m’aurait probablement insulté de tous les noms pour avoir été assez con de pas utiliser de protection. » Oh, ça, elle s’en serait donné à cœur joie et l’idée même marche un léger rire. Juste assez pour gagner du temps sur la conversation qui est en train de couver dans les dernières paroles de la future maman à mes côtés. Je souffle et tente de me lever à nouveau, la pièce semble devenir floue, mais le monde tourne beaucoup moins vite. J’ai juste besoin de prendre de la distance, une seconde, pour avoir les idées en place. Maladroitement, je prends appui sur la commode de la chambre. « Mais toi, tu as des choses à me dire aussi, je crois… » Maintenant, que j’ai laissé s’entrouvrir la boîte de Pandore. Il faut savoir saisir le moment avant que l’occasion se perde à nouveau dans des regards en biais et des conversations polies. |
| | | | (#)Mer 20 Oct 2021 - 21:17 | |
| Wyatt semble enfin se calmer à tes côtés, bien qu’il demeure éternellement réticent à te dire concrètement toutes les pensées qui l’assaillent. Tu sais que l’absence d’Ariane pèse bien plus qu’il ne semble prêt à l’admettre, même quand la scène sous tes yeux parle pour lui. Tu fais ton possible pour être conciliante, rassurante. Ce n’est pas quelque chose qui fait beaucoup de sens entre vous, mais l’offre reste là, s’il ressent le besoin enfin de vider son sac. Les détails partagés sur sa sœur sont superficiels au mieux, mais c’est le début de quelque chose quand tu comprends trop bien que derrière bouille une colère qu’il n’ose pas te faire subir, même après que tu lui aies proposé de le faire. Tu n’as pas de recette miracle, pas de mot magique pour faire disparaître ce qui le pèse. Peut-être donc que le mieux que tu puisses faire pour lui en ce moment, c’est l’écouter sans trop en ajouter, même si ça non plus, ça ne te vient pas naturellement. « C’est pas pareil. » Plus rien ne sera jamais pareil quand Ariane a décidé de se la jouer égoïste ultime et à ça, tu ne peux que hausser légèrement les épaules. Tu demeures persuadée que peu importe où elle est, peu importe ce qu’elle fait, elle demeure fière de lui, à sa façon bien tordue. Tu ne les comprends pas, les liens qui unissent les Parker, ce fait a été établi maintes et maintes fois déjà, mais tu la connais assez pour savoir au moins ça. Et comme pour te le confirmer, Wyatt attrape une copie de son livre et l’ouvre, laissant entrevoir un polaroïd. Tu attrapes la copie du livre pour mieux observer la photo, et le mot inscrit à l’endos dans cette écriture que tu reconnaîtrais parmi mille. « Elle joue la maline. » Du Ariane tout craché. « J’te l’avais dit. » Elle est fière. Elle ne lui dira pas. Elle ne l’écrira pas non plus. Mais elle l’est et quitte à se raccrocher à quoique ce soit, peut-être qu’il devrait se raccrocher à ça.
Quand Wyatt souffle enfin sur cette peur de devenir père, tu sais qu’il serait bien hypocrite de ta part de ne pas lui faire peur des mêmes craintes qui t’étouffent en permanence depuis le moment où tu as vu la deuxième ligne apparaître sur ce premier test de grossesse que tu as fait plusieurs mois plus tôt, chez Ariane justement. Parler d’Abel, ce n’est qu’une petite distraction avant de trouver le courage de dire que toi aussi, tu es terrifiée. Ce n’est que des mots pour gagner du temps, même si le sujet de conversation demeure éternellement sensible. « Je voudrais l’étrangler pour l’avoir laissé. » Tu relèves les yeux vers lui et elle est encore cruellement présente dans le fond de son regard, la colère. L’incompréhension aussi face à un geste qui ne fait toujours pas de sens dans ton esprit. « Je pense que tu te fais du mal, à essayer de comprendre. » À essayer de rationaliser l’irrationnel, à vouloir lui trouver des raisons, des excuses quand rien ne peut vraiment justifier sa manière d’agir. Lui qui a éternellement réparé les pots cassés derrière elle, il ne peut rien pour les dégâts qu’elle a causé cette fois-ci, et tu comprends peu à peu à quel point ça doit être invivable pour lui de ne rien pouvoir faire. « C’est pas de ta faute. T’aurais rien pu faire pour l’arrêter. » Même si elle lui avait dit, même si elle l’avait laissé sous-entendre. Tu le connais assez pour savoir qu’ils doivent s’accumuler, les scénarios dans son esprit. Que ça tourne, que ça bouille, que ça l’empêche de dormir. Alors tu insistes un peu plus, de tes doigts sur sa cuisse à ton regard qui s’adoucit lorsque vos yeux se croisent jusqu’à la douceur de tes mots choisis, qui contraste cruellement avec tout ce que vous avez l’habitude de vous offrir.
« Elle aurait jamais dit cela. » Tu n’es pas d’accord, mais tu te contentes de rire doucement tout en haussant les épaules. Non, elle n’a jamais été la plus grande fan de votre relation – avec raison quand même – mais tu préfères croire que devant les faits, avec cette nouvelle vie à venir, elle aurait un peu changé les règles, elle aurait essayé de vous ramener l’un à l’autre ne serait-ce que pour vous comprendre un peu mieux plutôt que de tenter éternellement de vous séparer. Mais ça, comme tout le reste, vous ne le saurez jamais. « Par contre, elle m’aurait probablement insulté de tous les noms pour avoir été assez con de pas utiliser de protection. » Ça, ça t’arrache un rire plus franc. Oh qu’elle s’en serait donnée à cœur joie à ce niveau-là Ariane, il n’y a aucun doute possible. « On a toujours joué avec le feu. » que tu admets et c’est pratiquement un miracle que cette situation ne se soit pas produite plus tôt. Vous en aviez la preuve sous le nez après tout : ça ne prenait qu’une seule fois. Wyatt se lève, impose une distance entre vous deux qui te prend légèrement de court, mais il semble mieux tenir sur ses jambes et dans l’immédiat, c’est bien tout ce qui compte. « Mais toi, tu as des choses à me dire aussi, je crois… » Tu baisses les yeux quelques secondes. Tu aurais presque oublié que tu avais mentionné être terrifiée, toi aussi. Tu soupires légèrement, avant de lever la tête dans sa direction à nouveau sans toutefois oser te lever pour briser la distance entre vous. « J’ai peur de pas être à la hauteur. C’est tout. » Ce n’est pas tout et il le comprendra bien facilement Wyatt, quand il est bien le seul qui a toujours su mieux te comprendre dans les silences que dans les mots. Ça ne prendra que quelques regards échangés supplémentaires pour comprendre tout ce que vous ne savez clairement articuler et maintenant plus que jamais, tu réalises que vous êtes à la même place et étonnamment, une équipe pour la première fois depuis bien trop longtemps.
Tu viens caresser ton ventre encore un peu, votre fils toujours aussi actif avant de te lever à ton tour. Tu viens poser une main sur le bras de Wyatt. « Ça va aller? » C’est une question presque autant que c’est un simple commentaire qui se veut rassurant alors que rapidement, tu détournes ton attention sur l’état de la pièce plutôt que de te perdre trop longuement dans ses yeux. « Tu devrais commencer à aller porter tes boîtes dans la voiture. Je me charge de la chambre. » Tu ne peux pas faire revenir Ariane, mais tu peux faire disparaître les traces de sa douleur et de sa colère sans poser plus de questions. Tu peux t’occuper d’empiler les livres dans une boîte, de ramasser les quelques vêtements qui restent et les mettre dans un sac poubelle qu’il pourra faire disparaître comme il en juge approprié. Tu peux faire disparaître les morceaux de vitres sur le sol et t’assurer qu’il ne reste que les meubles à transporter une fois le tout ramasser. Ce n’est pas grand-chose, mais tu peux au moins faire ça. Sans vraiment lui donner le choix, tu t’actives dans la chambre et rapidement, les preuves de la présence d’Ariane Parker se dissipent peu à peu, un dernier rappel de la lourdeur de ses choix à elle. |
| | | | | | | | stand there and burn inside (craker #14) |
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