« C’est une surprise. Tu regardes pas à travers le bandeau Stace ! » je chantonne dans la voiture alors que je la vois se tortiller sur son siège pour tenter d’apercevoir où on se dirige. Mon regard s’attarde sur sa chevelure blonde, sur le creux de son cou, sur ses épaules, avant de me concentrer de nouveau sur la route. Ma main vient effleurer sa cuisse comme pour la rassurer avant de me concentrer de nouveau sur la route. « On est bientôt arrivés ! » Je promets, plutôt fier de ma surprise alors qu’elle n’a l’a même pas vu.
Elle ne le sait pas mais je ne devrais pas être là. Elle ne le sait pas mais j’aurais déjà dû me barrer il y a des mois. Ce n’est pas moi, ça n’a jamais été moi. Encore moins à présent que le sourire s’est estompé du visage de la jeune femme et qu’elle dévoile sous mes yeux toute la tristesse du deuil. Stacey a perdu sa mère et moi j’aurais déjà dû fuir il y a des mois. L’occasion aurait dû parfaite pourtant cette fois, le deuil fait partie des choses compliquées que je ne suis absolument pas prêt à gérer ou plutôt que je n’ai aucune envie de gérer. Pourtant je suis là, je n’ai pas fui en courant, et je prends la route pour lui faire la surprise d’une après-midi qui je l’espère ramènera un sourire sur son visage.
Les jours se sont transformés en semaines, les semaines en mois. Si j’ai voulu lui prouver que je pouvais être différent que ce qu’elle pensait de moi pour la simple et unique raison d’arriver à la mettre dans mon lit, j’ai été l’idiot qui s’est laissé prendre au piège. Le piège a été composé de trop de journées passées ensemble, de trop de discussions et de rire et quand enfin je l’ai eu, je n’avais plus aucune envie de partir. Une dernière fois, me suis-je répété pendant des mois en repoussant le moment d’un départ qui finirait inévitablement par arriver. Une dernière fois et pourtant cinq mois sont passés et je ne me suis pas dit ça depuis des semaines.
« On arrive ! » je suis beaucoup trop enthousiaste mais je ne l’emmène pas à n’importe quel endroit. C’est le Lone Pine Sanctuary qui s’étend devant nous et je gare la voiture, sortant du véhicule pour aller lui ouvrir la porte et attraper ses mains pour la guider dehors avec le masque sur les yeux. Je finis par arriver devant l’entrée, me plaçant derrière la jeune femme pour enlever son bandeau. « J’aurais bien aimé t’offrir un kangourou mais je me suis dit que ça ferait un peu trop de monde dans ta chambre. » Mon sourire se fait plus malicieux alors que je reviens devant elle. « Du coup je me suis dit qu’à défaut on pouvait passer l’après-midi ici. »
2014 « C’est une surprise. Tu regardes pas à travers le bandeau Stace ! ». Elle ne l’écoute pas vraiment, se demandant où est-ce qu’il peut bien l’amener comme ça. A vrai dire, elle a été plutôt réticente à le suivre, n’ayant pas le cœur ni le goût à quoi que ce soit. Sa mère a tragiquement perdu la vie dans un accident de voiture il y a de ça trois semaines et le deuil est bien trop dur à supporter. Encore plus quand elle se doit d’être forte pour sa petite sœur, Mila, pour qui la perte est d’autant plus déchirante du fait de son jeune âge. Stacey a promis à celle-ci de ne jamais la laisser tomber, scellant ce pacte par ce geste qu’elles ont toujours eu ensemble du peaky swear. Elle se souvient encore des larmes qui s’échappent des yeux de Mila pas plus tard que ce matin quand elle a retrouvé une photo de leur mère la tenant dans ses bras alors qu’elle venait de naitre…Son petit miracle, comme elle aimait la surnommer. Stacey a encore essuyé ses larmes, a passé un long moment à la réconforter et la laisser cet après-midi a été compliqué pour elle. Mais son père l’a poussé à aller prendre l’air, la rassurant en lui disant qu’il resterait auprès de Mila et veillerait sur elle. Stacey a donc fini par accepter de suivre Freddy et s’est laissé prendre au jeu en acceptant de se faire bander les yeux. Bien sûr, une fois dans la voiture, et surtout après un long moment de trajet, une certaine impatience se manifeste chez la jeune femme, qui s’agite peut-être un peu trop sur son siège. Elle sent la main de Freddy sur sa cuisse, le contact la rassurant, lui arrachant un mince sourire « On est bientôt arrivés ! ». « Promis, je ne triche pas » ou plus serait plus adéquat. Elle tient parole jusqu’au bout, cherchant la main de Freddy qu’elle garde cette fois dans la sienne, le temps d’arriver à destination.
Il n’est pas de ceux qui l’attirent en temps normal. Pourtant, la jeune Gallagher a fini par céder, Freddy parvenant à la séduire et surtout à la convaincre qu’il pouvait être quelqu’un d’autre que ce mec bien trop sur de lui et imbu de sa personne. Il n’est pas n’importe qui, il est acteur, commence à se faire connaitre, ayant jouer dans un film qui a fait décoller sa carrière. Evidemment, lorsqu’il l’a abordé la première fois, Stacey n’a pas cru en ses paroles. Une soirée étudiante des plus banales, elle qui est étudiante en médecine. Il est bien trop sûr de lui quand il l’aborde, convaincue qu’il parviendra à la séduire et à la mettre dans son lit. Elle résiste, surtout parce qu’elle pense qu’il ne cherche à la séduire que pour gagner un défi stupide avec sa bande de potes. Mais il veut lui prouver qu’il n’est pas celui qu’elle croit et, maintenant qu’elle est avec lui depuis plus de cinq mois, qu’il est surtout présent alors qu’elle traverse un moment difficile, elle n’a aucun regret de lui avoir laissé sa chance…
« On arrive ! ». Stacey se laisse guider quand il vient à lui attraper les mains pour la faire sortir de la voiture « C’est bon je peux voir maintenant ? » demande-t-elle alors, elle qui pourtant n’est pas du genre à s’impatienter. Il lui découvre finalement les yeux et elle peut voir ce lieu qu’elle connait que trop bien et qu’elle affectionne tout particulièrement « J’aurai bien aimé t’offrir un kangourou mais je me suis dit que ça ferait un peu trop de monde dans ta chambre ». Elle ne peut s’empêcher de sourire face à sa remarque mais elle est surtout touchée par le geste, et comprend qu’il ne cherche qu’à lui redonner le sourire « En effet… mais j’en connais une qui aurait été ravie ». Evidemment, elle pense à sa sœur, comme toujours avant de se tourner vers Freddy, sourire aux lèvres « Du coup je me suis dit qu’à défaut on pouvait passer l’après-midi ici ». Elle s’approche alors de lui, doucement, toujours avec cet air qui lui est propre, légèrement intimidée, rougissant un tant soit peu « Merci… ». Stacey trouve son regard, glisse sa main dans la sienne à nouveau, se raccrochant à lui comme pour ne pas perdre pied alors que son cœur se serre en pensant au deuil qu’elle est en train de traverser.
Elle le suit alors vers l’entrée et après s’être acquitté du montant des tickets d’entrées, Stacey et Freddy traversent le parc d’un pas pressé, n’accordant pas d’importance aux koalas ou tout autre espèce présente, alors qu’une file de touriste attendent pour prendre leur photo avec le premier. Stacey le retient par la main cependant lorsqu’ils passent devant une des boutiques du parc « Attends, on devrait peut-être leur prendre de quoi manger ». C’est ce qu’ils font, prenant un petit sachet chacun et finissent alors par rejoindre l’enclos des kangourous. Stacey se stoppe quelques instants, son regard dans le vague, un souvenir bien précis se dessinant dans sa tête. Elle remarque cependant le regard de Freddy sur elle et, par défaut et par habitude pour Mila, retrouve rapidement ses esprits et fait mine de rien, bien que sa gorge se serre un peu « On va voir les bébés là-bas ? ».
Elle est un défi de plus, alors pourquoi est ce que je pourrais tout faire aujourd’hui pour faire apparaître un sourire sur son visage ? Elle est une simple aventure, alors pourquoi est ce que cela fait des mois que je dors à ses côtés ? Je chasse les questions de mon esprit depuis déjà des semaines, préférant me concentrer sur ces moments à deux plutôt que sur mes vieilles habitudes, préférant oublier la petite voix qui me souligne que je ne suis pas fait pour les relations stables, pour la monogamie et pour les sentiments.
Elle est ailleurs, pas vraiment à mes côtés et pourtant là. « Promis je ne triche pas. » Ses doigts se lient aux miens, refusent de les lâcher et j’ai l’impression que c’est la seule manière de la rattacher au présent. Stacey a l’esprit à des kilomètres d’ici, probablement perdue dans des souvenirs de visage maternel et de moments brillants à présent entachés par le deuil.
On finit par arriver devant le Sanctuaire et je gare la voiture, la guidant jusque l’entrée. « C’est bon je peux voir maintenant ? » Elle semble impatience et cela me rassure, m’arrachant un petit rire. « Impatiente ! » Je détache le bandeau avant d’observer sa réaction, plutôt fier de mon idée pour lui changer les idées. « En effet… mais j’en connais une qui aurait été ravie » Comme toujours Stacey pense à sa sœur en premier.
Mon regard s’accroche au sien. Elle a toujours l’air intimidée Stacey, malgré les mois qui sont passés, ses joues rougissent toujours à mes phrases provocatrices et je ne semble pas me lasser de ce sourire timide qui est le sien. Ca n’aurait dû être qu’un jeu, après tout elle était la proie parfaite, le genre de fille que je prenais un malin plaisir à séduire pour mieux partir le lendemain. Mais je n’étais pas parti, et là où cette timidité avait éveillé un instinct joueur, elle éveillait à présent bien plus de douceur. « Merci… » Lorsque ses doigts se glissent dans ma main, je porte sa main à mes lèvres pour y déposer un baiser. « C’est ta journée, on fait ce que tu veux aujourd’hui d’accord ? » je lui dis avec un sourire encourageant. Nous nous avançons faire l’entrée et après avoir pris les billets, le choix est tout trouvé, l’enclos des kangourous notre première destination. « Attends, on devrait peut-être leur prendre de quoi manger ». J’acquiesce et les sachets de nourriture achetés, nous rejoignons l’enclos.
Elle se fige devant l’enclos, comme prisonnière de ses souvenirs, le regard vague, le sourire oublié. Pourtant lorsqu’elle remarque mon regard sur elle, la tristesse est cachée avec une rapidité déconcertante, sa tête relevée, comme si de rien n’était. « On va voir les bébés là bas ? » Stacey est tellement habituée à faire bonne figure pour Mila qu’elle finit par le faire même avec moi. J’agrippe son poignet délicatement pour la faire s’arrêter.
« Tu sais que tu n’es pas obligée de faire bonne figure Stacey ? Je ne suis pas Mila. Il n’y a personne ici. Tu as le droit d’être triste. » Mon ton est doux mais ferme. Je ne suis pas le plus doué pour faire attention aux autres et pour m’intéresser à leurs problèmes, mais elle compte bien plus que je ne veux l’admettre et je n’ai pas envie de voir ce masque de bonne figure qu’elle tente en vain de garder quand il est clair que la tristesse est omniprésente
2014 « Impatiente ! ». Et ça ne lui ressemble pas vraiment cette impatience à Stacey. Mais peut-être qu’il y aussi un tout qui la rend nerveuse, l’impression qu’elle devrait être plutôt auprès de sa sœur plutôt qu’ici avec lui. Elle est bien trop inquiète pour elle, oubliant sa propre peine, faisant abstraction de celle-ci alors qu’elle souffre tout autant qu’elle. Elle a simplement plus de maturité pour appréhender la chose, mais elle est aussi malheureuse et détruite que Mila. Stacey a déjà perdue une mère dont elle n’a aucun souvenir car elle avait trois ans quand celle-ci a été sauvagement assassinée, tout comme son père et son frère ainé. Et voilà que le sort semble s’acharner, sa mère adoptive ayant perdu la vie dans un terrible accident, à cause d’un chauffard qui a simplement fuit les lieux. Elle dissimule beaucoup, peut-être bien trop depuis des semaines, au point que ses nerfs risquent de finir par lâcher. Pourtant, quand elle découvre ce que Freddy lui a réservé, un certain apaisement semble se dessiner sur ses traits. Elle est reconnaissante de ce qu’il fait pour elle, elle est surtout reconnaissante que, ces dernières semaines, il soit là pour elle. Il ne manque pas de l’appeler pour être certain qu’elle va bien, lui demandant si elle a besoin de quelque chose en particulier, prêt à débarquer à n’importe quel instant pour elle. Elle aime savoir qu’elle peut compter sur lui, elle aime savoir qu’il est là pour elle alors qu’elle n’aurait jamais pensé, avant d’apprendre à le connaitre, qu’il pouvait être ce genre de personnes. « C’est ta journée, on fait ce que tu veux aujourd’hui d’accord ? ». Ses mots l’apaisent davantage, son geste aussi alors qu’il dépose délicatement un baiser sur sa main. Elle lui sourit, ses joues toujours légèrement rougies alors qu’ils pénètrent dans le sanctuaire.
Après s’être arrêtés pour récupérer des petits sachets de nourriture pour les kangourous, Freddy et Stacey se dirigent vers l’enclos des kangourous. Un lieu que Stacey a beaucoup fréquenté avec sa famille, des souvenirs remontant à la surface alors qu’ils pénètrent ensemble dans l’enclos. Elle marque un temps d’arrêt parce qu’elle se souvient de la dernière fois où elle est venue ici avec sa famille, ayant l’impression d’entendre au loin l’écho du rire de sa mère alors que Mila s’amusait à faire des grimaces à un kangourou qui la fixait sans réagir pour autant. Stacey se souvient de la lueur dans ses yeux, de l’étreinte qu’elle lui a offerte quand elle est venue la rejoindre alors qu’elle nourrissait un bébé kangourou. La gorge de Stacey se serre, les larmes lui montant aux yeux et pourtant, lorsqu’elle sent le regard de Freddy sur elle, elle fait abstraction de toutes ces émotions et reprend le dessus comme si rien n’était. Alors qu’elle avance alors vers l’endroit où les bébés kangourous se trouvent, elle sent la main de Freddy se saisir de son poignet, l’obligeant à s’arrêter « Tu sais que tu n’es pas obligée de faire bonne figure Stacey ? Je ne suis pas Mila. Il n’y a personne ici. Tu as le droit d’être triste ». Ses mots la touchent encore plus, d’une manière différente cette fois. Elle se perd dans le bleu perçant de son regard et sent alors les larmes lui monter à nouveau. Elle hoche doucement la tête, comme si, soudainement, elle prenait conscience qu’elle avait droit, elle aussi, d’être triste et surtout, de le montrer. « Je sais… » laisse-t-elle échapper alors qu’elle peine à sortir les mots. « Je n’arrive pas… » elle marque une pause alors qu’une première larme coule le long de sa joue « Je n’arrive pas à réaliser, Freddy… ». Elle s’approche alors de lui, sans s’en rendre compte, comme pour manifester ce besoin qu’il l’encercle de ses bras pour la rassurer alors qu’elle a l’impression que le sol se dérobe sous ses pieds, les images de sa mère refaisant surface « Elle me manque… elle me manque cruellement ». Son regard vient à retrouver celui de Freddy alors qu’elle ne parvient plus à contenir une seule de ses larmes qu’elle laisse vagabonder à leur rythme le long de ses joues. « J’ai l’impression… qu’elle est… partout… et pourtant… ». Et pourtant, elle n’est plus là. Subitement, elle a disparu, du jour au lendemain, elle se voit priver d’une mère qui a toujours été là pour elle, qui était son pilier, son modèle, celle qu’elle admirait et qu’elle cherchait à rendre fière chaque jour. Stacey est incapable de poursuivre sa phrase alors qu’elle se laisse aller dans les bras de Freddy.
Je peux sans difficulté imaginer qu’elle préférerait être ailleurs. Qu’elle doit penser à sa petite sœur, à toutes choses dont elle va avoir la responsabilité à présent que sa mère est morte. Plus égoïstement je me demande ce que cela voudra dire pour nous, sans me réaliser que c’est la première fois que j’envisage un nous avec quique ce soit. Cela fait des jours que je la vois garder la tête haute pour tout le monde, mais surtout pour sa petite sœur, tout en sachant pertinemment qu’elle ne pourra pas cacher sa tristesse éternellement. Ici nous sommes loin de toutes ses responsabilités, dans un endroit qu’elle a toujours aimé, et même si j’ai envie de lui redonner le sourire, je ne peux m’empêcher d’être inquiet pour elle, finissant par attraper son poignet pour tenter de la faire s’ouvrir. « Je sais… Je n’arrive pas… Je n’arrive pas à réaliser, Freddy… ». Sa mère est morte dans un tragique accident que personne n’aurait pu prévoir. Stacey se retrouve seule. Mes bras l’encerclent, l’attirant contre moi dans un besoin de la rassurer, d’effacer sa peine.
« Elle me manque…elle me manque cruellement. » Ses yeux bleus sont noyés de larmes alors qu’elle relève la tête vers moi et ma main se pose sur sa joue, mon pouce venant les récolter. « J’ai l’impression… qu’elle est… partout… et pourtant… ». Sa mère est morte, celle qui l’a élevée, celle qui a toujours été là pour elle. Je n’arrive pas à imaginer le deuil poignant, la douleur insupportable. Je tente d’imaginer la mort de ma mère, la matriarche des Mulligan ayant toujours été celle qui a le plus cru en moi, qui m’a poussé plus haut et plus loin. Je déglutis, serrant un peu plus fort Stacey contre moi. « Je suis désolé. » je souffle doucement en embrassant ses cheveux. Je n’ai aucune idée de quel mot trouver pour la rassurer. J’aimerais pouvoir effacer sa peine, celle qui la déchire sous mes yeux, celle qui lui donne envie de s’écrouler au sol. Tout ce qu’elle cache à l’intérieur d’elle, tout ce qu’elle ne montre pas, préférant rester forte. Je ne cesse d’être étonné par la force de la jeune femme si gentille et si douce. « Elle est là Stacey. Elle sera toujours pas là. » Sa mère sera toujours présente au fond d’elle-même. Je pose ma main sur son cœur avant d’appuyer mon front contre le sien. Je reste un long moment à la serrer contre moi à défaut de trouver les mots, de savoir quoi dire pour la rassurer. Lorsque je sens que sa respiration commence à redevenir plus normale, j’essuie les larmes sur ses joues délicatement. « Je suis pas très doué pour…ça. Pour tout ça. » je souffle doucement, conscient de n’avoir jamais vraiment été en couple, qu’elle est une des rares personnes avec qui je suis resté. Je n’ai jamais été la personne la plus présente dans la vie de mes amis ou de mes proches, que je fuis les moments difficiles comme la peste. Rester est une première et je ne sais pas vraiment ce que je fais réellement. « Mais je suis là d’accord ? » je souffle doucement, mon regard me noyant dans le sien.
2014 « Je suis désolé ». Stacey se laisse aller alors qu’il vient à la prendre contre lui et la serre un peu plus fort. Elle n’a pas l’habitude à ce qu’on la réconforte. Elle est celle qui réconforte. C’est elle qui tente d’apaiser la peine de sa petite sœur, bien trop jeune pour avoir à affronter une telle épreuve. C’est elle aussi qui épaule son père qui est détruit par la disparition subite de sa femme, son pilier, celle qui représentait tout pour lui. Depuis trois semaines, Stacey peut compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où elle a laissé ses larmes s’échapper devant quelqu’un d’autre. Autrement, c’est seule dans sa chambre, le soir, quand le sommeil ne veut pas venir qu’elle se laisse aller en silence. Alors, forcément, c’est compliqué pour elle, à ce moment-là, de se laisser naturellement sans qu’on la pousse à le faire. Parce qu’elle en a besoin, parce qu’elle n’est pas une machine et a besoin aussi d’exprimer ses émotions comme tout le monde. Dans les bras de Freddy, elle décide alors de se laisser aller alors que ses bras encerclent sa taille et qu’elle se blottisse davantage contre lui « Elle est là Stacey. Elle sera toujours là ». Il a ce geste, menant sa main sur son cœur alors que son front vient à retrouver le sien et qu’elle acquiesce doucement, ses yeux clos alors qu’une larme de plus s’échappe. Elle se laisse aller mais là encore sans bruit, bien trop habitué à dissimuler sa douleur. Il n’y a que les petites secousses qui animent son corps par moment qui trahissent sa tristesse. Elle reste là, contre lui, sa tête reposant contre son torse quelques instants, faisant abstraction de ce qui peut se passer autour d’eux.
« Je suis pas très doué pour…ça. Pour tout ça ». Leur regard se trouve alors qu’il brise le silence qui s’est instauré entre eux, les sanglots moins nombreux, le calme l’ayant regagnée peu à peu « Mais je suis là d’accord ? ». Elle ne peut être que reconnaissante de ce qu’il fait pour elle, et semble ne pas s’en rendre compte. Alors, sa main vient à trouver sa joue, doucement alors qu’elle caresse celle-ci de son pouce, son regard humide se voulant sincère « Je le sais, Freddy » commence-t-elle dans un murmure « Et tu fais déjà beaucoup pour moi, bien plus que tu ne peux le penser » Sa présence l’apaise, l’aide aussi à extérioriser comme elle vient de le faire à l’instant dans ses bras « Je sais que je me suis montrée réticente, mais je suis contente de passer ce moment avec toi ». Sa main n’a pas quitté sa joue alors que son visage s’approche du sien « Merci » murmure-t-elle avant que ses lèvres ne viennent à trouver les siennes. Un baiser mêlé aux quelques larmes qui glissent encore le long de ses joues mais un baiser tendre et doux, qui signifie bien plus qu’elle ne veut l’exprimer. Il y a de la timidité encore dans cette relation qui dure depuis quelques mois déjà, des mots qu’elle n’est pas prête à lui dire peut-être de peur de le faire fuir, lui qui reconnait n’être pas doué pour ça, alors qu’elle pense le contraire, sa présence à ses côtés le prouvant. Quand elle se recule, la tristesse est toujours présente mais un certain apaisement semble se dessiner sur ses traits alors qu’un bébé kangourou passe à proximité d’eux, laissant apparaitre un sourire sur les lèvres de la jeune femme. Elle vient à se baisser, mettant quelques graines dans sa main avant de laisser l’animal s’approcher doucement et venir manger dans sa main « Je ne serai pas contre qu’on trouve un plan pour en kidnapper un » lance-t-elle alors en souriant de plus belle alors qu’elle est incapable de résister face à la petite tête mignonne de l’animal.
Elle a toujours été forte. D’une force douce et sans remous, de celle qui apaise et qui réconforte. Un pilier dans la tempête et peut être pour la première fois ce pillier vacille maintenant que plus personne en cet instant n’a pas besoin de s’appuyer sur elle. Moi j’aimerais enfin qu’elle déverse toute la tristesse que je peux lire dans ses yeux, qu’elle se laisse enfin être celle qui est réconfortée. Je la serre doucement contre moi dans l’espoir qu’enfin elle se laisse aller.
Je n’ai jamais été très doué pour exprimer mes sentiments, encore moins pour gérer le deuil et ses émotions. La main qu’elle pose sur ma joue m’arrache un frisson alors que mes prunelles océans se perdent dans les siennes noyées de larmes. « Je le sais, Freddy. Et tu fais déjà beaucoup pour moi, bien plus que tu ne peux le penser. » Je n’en suis pas complètement convaincu, persuadé que je pourrais faire plus, persuadé qu’elle mériterait sans doute mieux que moi. « Merci. » Elle est douce, ses lèvres ont le goût de ses larmes et son baiser m’enivre un peu plus d’elle et de sa présence, j’aimerais lui redonner le sourire et lui rende sa mère. Je ne me suis jamais attardé aussi longtemps avec quique ce soit. Pour la première fois je n’ai pas envie de partir, pas envie de m’enfuir en courant quand tout ce que j’ai envie c’est d’une minute de plus et d’un sourire de plus. Nos corps s’éloignent un instant et je lui souris timidement, ne sachant pas vraiment quoi dire, ayant envie de lui dire des mots que j’ai rarement osé dire. Je les enferme en moi pour l’instant me contentant d’observer le bébé kangourou qui passe près de nous. Elle se baisse pour lui donner quelques graines et je fais de même, souriant à ses mots. « Je ne serai pas contre qu’on trouve un plan pour en kidnapper un. » « Quand tu veux Gallagher, pour toi je kidnapperai tous les kangourous du monde. » C’est probablement les mots les plus niais que je me suis entendu dire, mais pourtant je les prononce avec un grand sourire malicieux, donnant quelques graines au kangourou avant de déposer un nouveau baiser sur sa tempe. « Ca va aller. » Je lui murmure doucement. Comme une promesse d’un futur meilleur, des jours plus heureux et d’un bonheur retrouvé. Je ne peux rien promettre et pourtant j’en aurais envie.