| Magic fingers [Jarchie 12] |
| | (#)Dim 26 Sep 2021, 21:48 | |
| C’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. Il faut être doté d’une bonne dextérité et de patience. Deux qualités qu’Archie ne possède pas vraiment, alors le crayon qu’il tente de faire danser entre ses doigts tombe sur le sol et résonne dans le silence de la classe. Les yeux se tournent vers lui quand il s’abaisse sous sa table pour le récupérer. Il offre un sourire forcé à l’enseignante qui a elle aussi fait une pause, la craie toujours posée sur le tableau vert. « Tu t’amuses bien Archie ? » Elle demande en croisant ses bras sur sa poitrine pour bien faire comprendre à la classe entière qu’Archie dérange à son bon fonctionnement. Cela faisait au moins dix minutes qu’il tentait d’exécuter une figure de pen spinning qu’il avait vue sur YouTube. « Ouais, super, vous pouvez continuer votre cours. » L’élève de seize ans s’exclame en se replaçant sur sa chaise et en lui glissant un clin d’œil qui n’est pas du tout accueilli positivement par l’adulte qui puise dans toutes ses forces pour ne pas lever le ton. Elle souffle tout son air par ses narines et fait à nouveau dos aux élèves pour reprendre les explications des paraboles, un sujet qui n’effraie pas vraiment l’adolescent qui est né dans un berceau plein de fractions et de théorèmes de Pythagore. À peine quelques secondes plus tard, il pose l’extrémité de son crayon sur son pouce, et l’autre sur son index. Il reprend ses efforts pour réaliser la figure.
« Il reste vingt minutes au cours alors je vais vous demander de vous jumeler avec votre voisin de table pour faire les exercices des pages quarante-quatre à quarante-cinq. » Le petit con intelligent lève le nez et esquisse un sourire confiant en croisant le regard de son ami, à droite. Il se replace proprement sur sa chaise tandis que l’autre s’approche de lui non sans que les pattes de son siège défoncent les oreilles de tous les autres élèves en traînant sur le sol. « Non, attends. Nathan, tu peux te mettre avec Sandrine. Archie. » L’enseignante fait claquer ses doigts pour attirer l’attention du concerné. Il lève un sourcil en attendant ses directives et un soupir indiscret s’échappe de ses lèvres lorsqu’elle pointe James, de l’autre côté de la classe. « Avec James, s’il-te-plaît. » Et elle murmure pour que seulement lui entende : « Je pense que ton savoir pourrait lui être bénéfique. » Il savait très bien que cette attention dissimulait plutôt une punition. Mais il ne dit rien, il se redresse de son siège, attrape son étui à crayons et son manuel de mathématiques pour traîner des pieds jusqu’à la place à côté de tapette premier du nom. Il soulève l’air en se laissant mollement tomber sur sa nouvelle chaise et il s’empresse de récupérer son stylo pour à nouveau tenter de le faire danser entre ses doigts. Il ne jette pas un seul regard à son partenaire temporaire avant de marmonner : « Vingt minutes pour tenter de réussir cette stupide figure. » Concentré, il ne remarque pas qu’il coince sa langue entre ses palettes et le crayon tombe à nouveau au sol. « C’est tout un art. Je ne comprends pas comment ils font. » Cette fois, il accorde un peu d’attention James pour mieux l’interroger du regard : « Tu connais le pen spinning ? J’imagine que oui puisque tu sais c’que c’est de manier des objets de cette forme. » Il souffle fièrement en tenant le crayon à la verticale devant le nez de l’autre garçon. Derrière eux, il entend la voix de Katie qui s’élève pour défendre son petit protégé aussi mou que de la compote. « Arrête de faire le con Archie, nous ne sommes pas à la maternelle. » Il rigole crument sans toutefois lui répondre. Il n’a pas envie de se battre contre une fille.
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| | | | (#)Jeu 07 Oct 2021, 21:14 | |
| Dans la liste des cours qui l'avaient toujours profondément ennuyé, ceux de mathématiques tenaient il est vrai une place de choix. Si James avait toujours eu une fibre artistique très développée et avait naturellement nourri un intérêt particulier pour les arts plastiques et la musique à son entrée au lycée, les chiffres n'avaient jamais trouvé grâce à ses yeux et c'était une chose qui l'avait toujours diamétralement opposé à son père. Lui le directeur-général de la Maison de couture familiale, lui qui n'avait eu de cesse de répéter à son fils unique que si l'entreprise était vouée à rester debout pour le jour où il en prendrait probablement les rennes, c'est parce qu'il faisait ce qu'il fallait pour que leurs bilans financiers soient meilleurs d'année en année. Un langage jamais bien mélodieux aux oreilles du jeune James, bien plus impressionné par l'héritage artistique de sa famille que par quoi que ce soit d'autre. Mais parce qu'il avait toujours regardé son père avec des yeux pleins d'admiration et jamais eu un mot plus haut que l'autre à son égard, il s'était promis d'achever sa scolarité avec des moyennes honorables avant d'emprunter la même voie que son grand-père des décennies avant lui : celle de la création. Et ça passait notamment par le fait d'endurer ces longues heures d'arithmétique, toujours ponctuées par les imbécillités du surdoué de la classe – aussi connu pour être son pitre attitré, étonnamment. Un paradoxe que James ne s'expliquait pas et qui lui faisait toujours rouler des yeux dans leurs orbites lorsqu'Archie se faisait remarquer et provoquait souvent l'hilarité générale. Le brun n'avait jamais prêté aucune attention aux paroles de leurs professeurs, mais son bulletin de notes ferait facilement pâlir le blond d'envie. A croire qu'il ne devait pas être si idiot, tout compte fait.
Lorsque leur professeure décida de le coupler avec son camarade, pourtant, l'expression de James se voulut plus désabusée encore. Si Archie aurait sûrement préféré finir en binôme avec un de ses amis qui le suivaient toujours quoi qu'il fasse, c'était aussi le cas de James qui y aurait mis plus de bonne volonté avec n'importe qui ne passant pas son temps à rire bêtement et gesticuler pendant les cours. Son regard clair scruta Archie qui eut à peine attendu de rejoindre la chaise à coté de la sienne pour continuer son cirque : s'il avait l'intention de battre un record de bêtise avant la fin du cours, nul doute qu'il y arriverait sans mal. A sa question, James haussa mollement les épaules et reporta son regard sur son manuel pour montrer son désintérêt. Ce n'est que l'instant d'après qu'il retrouva celui d'Archie, un air soupçonneux au fond des yeux. « Je rêve ou tu viens de comparer mes dessins avec... tes pitreries ? » Ou quoi qu'il soit entrain de faire avec ses doigts et son stylo sans que James ne fasse l'effort d'essayer de comprendre. « T'es au courant qu'on est censés faire ces exercices à deux ? » Il désigna son manuel et grimaça une seconde en lisant l'intitulé du premier exercice. Si Archie n'était pas décidé à y mettre du sien, ça n'était pas son niveau en maths qui leur éviterait le zéro pointé et James ne pouvait pas se permettre de rendre copie blanche. La voix de Katie s'éleva derrière eux et James échangea un regard entendu avec son amie : elle était peut être bien la seule fille de la classe qui n'ait pas rêvé de se retrouver à sa place. « Tu comptes passer tout le cours à faire l'idiot ? » Question rhétorique, il connaissait déjà la réponse. Il planta ses deux yeux dans ceux d'Archie, un soupire agacé passant la barrière de ses lèvres. « Si t'y mets pas du tien je vais finir par croire que ton père fait des chèques à l'école pour que les profs te notent toujours aussi bien. » Rien que dans ce cours ses devoirs surpassaient toujours ceux des meilleurs élèves, alors même qu'Archie adoptait la même attitude je-m'en-foutiste à propos des maths comme du reste. Si James était prêt à reconnaître que chacun avait ses points forts, les facilités d'Archie faisaient chaque fois briller dans son regard une lueur de jalousie. Si ce garçon n'était pas incroyablement intelligent, alors c'est qu'il était au moins incroyablement futé. Les deux, si ça se trouve. « En fait, ça expliquerait pas mal de trucs. » Il souffla en replongeant son nez dans son manuel. Ça expliquerait le fait qu'il ne se fasse jamais renvoyer même lorsqu'il manquait ouvertement de respect à leurs professeurs. Mais ça n'était là qu'une provocation habile pour le faire réagir.
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| | | | (#)Sam 16 Oct 2021, 04:12 | |
| Il n’y aurait rien qui pourrait divertir davantage Archie que le pen spinning à cet instant. « Je rêve ou tu viens de comparer mes dessins avec... tes pitreries ? » Rectifications : James et sa stupidité pourraient certainement l’amuser un peu, aussi. Tous les cirques possèdent leur clown. « Non. Je me fiche de tes dessins. » Qu’il grimace, les deux yeux à nouveau rivés vers le crayon qu’il tente en vain de faire danser autour de son majeur pour retomber entre son index et son pouce. « Je parlais des bites que tu branles dans tes temps libres. » Il ajoute sans lui accorder de regard, sérieux comme le banquier derrière sa caisse et son complet repassé à la perfection. La vérité, c’est qu’il ne se fichait pas totalement de ses dessins : au contraire, il avait lui-même tenté de tracer les contours de robes sur une feuille quand il était jeune garçon, quand il ne pouvait que rêver des jouets de ses sœurs. Mais il n’avait pas le talent et James, si. Une autre raison de se moquer de lui pour camoufler sa jalousie. « T'es au courant qu'on est censés faire ces exercices à deux ? » Heureusement, il peut compter sur son talent naturel en mathématiques pour obtenir les meilleures notes. « Toi et moi ça ne fait pas totalement deux. Tu représentes plutôt… une demie. Ou un quart même. Un huitième… Un seizième… Un trente-deuxième… Je pourrais continuer pendant des heures parce que j’ai pas besoin de faire les exercices pour apprendre la leçon. » Il désigne le manuel du menton et insiste : « Allez, bosse. Je vais te superviser de loin. » Le prochain ricanement qui s’échappe de sa bouche est rempli de fierté. Le crayon tournoie autour de son majeur, rencontre sa paume et s’écrase sur le bureau. Il le récupère immédiatement. Il ignore complètement la réplique de Katie (c’est bien ça son nom ?) et lève les yeux au ciel quand James l’utilise pour relancer le débat. « Tu comptes passer tout le cours à faire l'idiot ? » Le garçon jette un regard en direction de l’enseignante pour s’assurer qu’elle ne les regarde pas. Elle est occupée à corriger un truc, peut-être un examen, peut-être un devoir. Certainement pas celui d’Archie car elle utilise le stylo rouge sans retenue. « Si t'y mets pas du tien je vais finir par croire que ton père fait des chèques à l'école pour que les profs te notent toujours aussi bien. » Il rit réellement cette fois, parce que la répartie est bien trouvée. Il est parfois futé le petit James, c’est pour cette raison qu’il prend un malin plaisir à le considérer comme son ennemi numéro 1 – sauf lorsqu’il se fait attaquer par d’autres qui n’ont pas le droit de le toucher. C’est son pantin en bois. Il n’est pas une propriété publique. « En fait, ça expliquerait pas mal de trucs. » Archie se redresse dans son siège et surplombe James d’un regard à la fois noir et menaçant. « Quel genre de truc ça explique ? Que j’possède un doublon des clefs du concierge et que j’puisse te sauver le cul d’une bande d’hyènes imbéciles ? » Il secoue la tête de droite à gauche et faisant claquer sa langue contre son palet. « Les gens me font confiance, c’est tout. J’te rappelle que tu aurais peut-être perdu tes deux couilles si je n’étais pas intervenu l’autre fois. Alors sois gentil. » Il tapote la page ouverte du manuel de mathématiques : « Apprends ta leçon et arrête de couiner comme une pédale. Tu attires l’attention sur nous, là… » Il relève les yeux, constate que la professeure ne s’applique plus à la correction de paperasse et il se racle la gorge en s’approchant du bureau. Il écrit une première formule d’algèbre sur sa feuille lignée. Son écriture est ronde, propre, soignée, à l’opposé de la rudesse de ses mains. Il sait manier les crayons d’une certaine façon, après tout. Quand il vérifie à nouveau l’adulte, elle a détourné son intérêt d’eux. Il sourit fièrement. « J’y pense. Tu pourrais peut-être me payer pour les conseils que je te donne. » Ceux qui concernent les mathématiques mais aussi ceux qui concernent sa survie dans l’école remplie d’adolescents en rut.
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| | | | (#)Sam 13 Nov 2021, 21:04 | |
| Des pitreries, voilà en quoi consistaient les gesticulations d'Archie à ses yeux. Lui qui n'avait pourtant jamais aucun mal à décrocher les meilleures notes n'était aux yeux du blond qu'un garçon bourré de prétention dont on avait sans doute un peu trop vanté les capacités intellectuelles pour qu'il pense devoir faire le moindre effort et se plier aux mêmes règles que les autres. Archie était intelligent, oui, et ça lui coûtait suffisamment de le reconnaître pour que James ne prenne pas le risque de le décréter tout haut. Mais il manquait sans aucun doute de savoir vivre et pour quelqu'un qu'on avait éduqué dans le respect des règles, c'était pour James on ne peut plus frustrant de voir son camarade n'en faire qu'à sa tête sans jamais se voir montrer la sortie. Ou bien ses parents n'en avaient strictement rien à faire d'avoir élevé une brute grossière et indisciplinée, ou bien Archie était simplement assez doué pour paraître devant eux comme un garçon bien sous tous rapports. Tout le monde savait après tout combien sa famille était aisée, qui sait s'il n'était pas capable de jouer la comédie une fois qu'il n'avait plus de public à amuser. « Non. Je me fiche de tes dessins. » Tiens donc, le contraire l'aurait fortement étonné. Ce n'était pourtant pas faute de lui avoir souvent arraché son carnet des mains pour se moquer des croquis qui y figuraient. « Je parlais des bites que tu branles dans tes temps libres. » Exaspéré, James planta la mine de son crayon sur sa feuille et releva un regard mauvais vers son camarade. Il devait être fier de lui, et c'était probablement ça le pire. « Est-ce qu'on t'a déjà dit que t'étais un abruti ? Parce que si non, il était temps que quelqu'un le fasse. » Grand temps, même, étant donné qu'Archie était purement incontrôlable et ne laissait jamais passer une occasion de montrer qu'il pouvait aller toujours plus loin dans sa connerie. James n'avait jamais vraiment compris pour quelle raison il avait fait de lui l'un de ses boucs émissaires attitrés, s'amusant fréquemment à le bousculer et à l'intimider lorsque ses amis étaient dans les parages, mais même ce regain d'attention de la part du brun ne rattrapait pas le sentiment qui l'habitait chaque fois qu'Archie et ses acolytes lui pourrissaient la vie. Peut être qu'ils se sentaient simplement investis de la mission de tester ses limites, peut être qu'ils avaient bien compris qu'il n'était pas du genre à se battre et moins encore à s'en plaindre autour de lui. « Toi et moi ça ne fait pas totalement deux. Tu représentes plutôt… une demie. Ou un quart même. Un huitième… Un seizième… Un trente-deuxième… Je pourrais continuer pendant des heures parce que j’ai pas besoin de faire les exercices pour apprendre la leçon. » Roulant des yeux, James songea que n'importe quel autre binôme aurait été plus supportable que la compagnie du brun, et ce même si les trois quarts de la classe ricanaient tous les matins lorsqu'il entrait dans la salle de cours. La plupart se seraient au moins montrés moins bavards, et c'aurait déjà été satisfaisant. « Allez, bosse. Je vais te superviser de loin. » Si seulement il pouvait vraiment s'éloigner et le laisser réfléchir sans faire des commentaires toutes les dix secondes. Mais non, il ne lui offrirait même pas ce luxe. « Et par superviser tu veux bien sûr dire faire joujou avec ton stylo tout en regardant les mouches voler ? » Si encore il y mettait un peu de bonne volonté, ils ne mettraient sans doute pas longtemps à résoudre l'exercice et pourraient tout aussi rapidement continuer de se lancer des regards dérobés en silence, tels qu'ils le faisaient d'habitude en pensant être les plus discrets du monde.
James, lui, commencerait presque à douter d'avoir quoi que ce soit à gagner à terminer en binôme avec Archie, soit disant incollable avec les chiffres mais définitivement pas décidé à mettre son orgueil de coté plus d'une demi-seconde. S'il n'avait pas largement démontré que ce genre d'exercices n'étaient qu'une formalité pour lui, le blond en viendrait réellement à douter de ce qui lui valait vraiment une telle réputation. « Quel genre de truc ça explique ? Que j’possède un doublon des clefs du concierge et que j’puisse te sauver le cul d’une bande d’hyènes imbéciles ? » Décontenancé qu'il remette cet épisode sur le tapis alors qu'il pensait qu'Archie voudrait l'enterrer au même titre que lui, James croisa son regard en silence l'espace d'une seconde, réalisant que c'était peut être bien la première fois qu'il s'était réellement senti redevable auprès du brun. « Les gens me font confiance, c’est tout. J’te rappelle que tu aurais peut-être perdu tes deux couilles si je n’étais pas intervenu l’autre fois. Alors sois gentil. » Pas décidé pour autant à lui montrer qu'il avait maintes et maintes fois repensé à cette journée dans le gymnase et au fait qu'il lui ait probablement évité de finir écrasé sous le poing d'une des brutes du lycée – dans le meilleur des cas – James secoua la tête. « T'as effectué ta B.A de l'année, félicitations. Tu sais que te vanter d'une bonne action te rend plus prétentieux qu'autre chose ? » Ce n'était pas comme s'il l'avait probablement crié sur tous les toits, pourtant, ils savaient l'un comme l'autre qu'Archie n'avait sûrement pas envie que tout le lycée se questionne sur la raison pour laquelle il lui était venu en aide ce fameux jour. James lui-même n'avait cessé de se poser la question depuis, et elle tournoyait encore dans son esprit à ce moment précis. « Et puis je te rappelle que j'ai quand même passé la nuit enfermé dans le gymnase à cause de tes conneries. Ça faisait partie de ton plan pour améliorer ton karma, ça aussi ? » Pas sûr qu'il ne lui ait pas donné de bonnes raisons de l'enfermer ce soir-là, mais Archie ferait bien d'y repenser à deux fois la prochaine fois qu'il voudrait se vanter d'avoir pour un court instant montré le visage d'un saint. Il lui passait volontairement le couplet sur son père qui n'avait pas dormi de la nuit en ignorant où il pouvait bien se trouver, évidemment. « Apprends ta leçon et arrête de couiner comme une pédale. Tu attires l’attention sur nous, là… » Cette fois la remarque du brun lui tira un rire faux et James planta à nouveau ses deux yeux dans les siens, soutenant son regard. « C'est vrai que la discrétion c'est ton fort, à toi. » Lui qui roulait des mécaniques toute la journée et parlait toujours plus fort que les autres dans l'espoir d'attirer l'attention. On pouvait reprocher à James de cultiver sa propre originalité, mais Archie était le seul à éprouver le besoin de bomber le torse et d'amuser la galerie partout où il passait. Qu'est-ce que ça pouvait bien cacher, au fond, un tel besoin de se faire admirer ? « J’y pense. Tu pourrais peut-être me payer pour les conseils que je te donne. » Des conseils au mieux inappropriés, au pire inexistants. « Qu'est-ce qui se passe, ton père te donne pas assez d'argent de poche ? » Il devait pourtant avoir tout ce dont il rêvait rien qu'en claquant des doigts. « Tu sais sûrement de quelle note on va écoper lorsque la prof relèvera les copies et qu'on aura rien écrit, pas vrai ? Quoi que je serais curieux de te voir lui faire les yeux doux pour obtenir un 18. » A moins qu'il ait l'intention d'enfiler sa muselière et de se concentrer. Non, ça ce serait vraiment trop beau.
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| | | | (#)Ven 03 Déc 2021, 02:04 | |
| « Est-ce qu'on t'a déjà dit que t'étais un abruti ? Parce que si non, il était temps que quelqu'un le fasse. » Évidemment qu’il a déjà entendu de nombreuses insultes à son égard. Elles sont rarement formulées en face de lui, parce que les gens sont trouillards, mais il a l’oreille affutée et il sait depuis toujours que quelques élèves de l’école ne le considèrent pas comme un roi. Il a conscience de parfois dépasser les bornes mais ça ne change rien à ses yeux : tout ce qu’il veut, c’est de s’amuser le plus possible avant de devenir un adulte. C’est certainement pour cette raison qu’il ne laisse pas le temps à son corps de se reposer avant d’organiser le prochain party. Le café et les boissons énergisantes sont ses alliés les plus précieux et, ce, depuis qu’il a seulement quatorze ans. Il n’obtiendrait pas d’aussi bons résultats scolaires s’il ne trichait pas de cette façon. Ce n’est probablement pas quelque chose que James connait, le fait d’avoir une vie bien remplie, parce qu’il ne l’a jamais vu s’amuser. Même lorsqu’il dessine, il tire une de ces gueules de l’ennui. Il doit être né dénué d’émotions, c’est la seule explication plausible. Le pauvre oisillon. « Est-ce qu'on t’a déjà dit que tu étais chiant ? Parce que si non, il était temps que quelqu’un te rappelle qu’il faut parfois se sortir le balai du cul. Tu sais, il n’y a pas que l’école qui compte dans la vie. Ça me désolerait d’apprendre que tu es mort avant d’avoir seulement tenté de t’amuser un peu. » Il marque une pause, détourne ses yeux du crayon qu’il fait tournoyer entre ses doigts puis souffle en regardant James avec des yeux empathiques : « M’enfin. Si ça peut te faire plaisir de branler tes bites, continue hein. » Il ne voudrait pas l’empêcher de s’épanouir. Qui est-il pour lui faire la morale ? « Oublie pas la protection, le sida se contracte par la bouche aussi. » C’est gentil de sa part de se soucier de sa santé.
Trêve de bavardage : Archie souhaite pratiquer ses talents en pen spinning et il demande à James de s’arranger seul avec les exercices de mathématiques. Après tout, ce n’est pas lui qui a besoin de se pratiquer puisqu’il récolte déjà les meilleurs résultats, à la plus grande surprise de la Terre entière. « Et par superviser tu veux bien sûr dire faire joujou avec ton stylo tout en regardant les mouches voler ? » « Je ne peux pas regarder les mouches si je suis concentré à faire joujou avec mon stylo. » À question idiote, réponse idiote. Archie peut jouer longtemps à ce petit jeu : il a assez de boisson énergisante dans le sang pour tenir deux nuits complètes à argumenter avec James. Ce serait le second qui abandonnerait bien rapidement. On ne gagne pas contre le roi de l’école, encore moins quand on porte un bonnet d’âne.
James remet en questions les véritables capacités du millionnaire en devenir, prétendant que le père de ce dernier filerait des billets verts à l’école pour que ce dernier obtienne de bon résultats. Ce n’est plus vraiment un secret : les parents d’Archie sont riches, sa maison est immense, ses sœurs se feraient aussi couvrir d’or si elles le souhaitaient mais ça ne change rien en la volonté du garçon. Il est ambitieux, compétitif, et il n’a pas besoin de compter sur son père pour obtenir ce qu’il veut. C’est pour cette raison qu’il ira très loin plus tard, contrairement à mauviette bouclée première du nom qui n’aurait certainement pas dû aller se rincer l’œil au gymnase quelques semaines auparavant. « T'as effectué ta B.A de l'année, félicitations. Tu sais que te vanter d'une bonne action te rend plus prétentieux qu'autre chose ? » « Sois gentil, j’ai dit, tes deux couilles ne sont jamais en sécurité ici. » Il marmonne, le ton détaché, les yeux ailleurs comme toujours – parce que le monde entier le regarde, il n’a pas besoin de regarder le monde entier. « Et puis je te rappelle que j'ai quand même passé la nuit enfermé dans le gymnase à cause de tes conneries. Ça faisait partie de ton plan pour améliorer ton karma, ça aussi ? » Il rigole clairement en se trémoussant sur sa chaise. Il avait presque oublié ce détail. C’est normal puisque ce n’est pas lui qui a passé une nuit à humer le parfum de la transpiration. « Il faudra qu’on le refasse, c’était hilarant. Je suis certain qui tu as pleuré et que tu as crié à l’aide. C’était comment de dormir sur des tapis couverts de sueur ? » Il demande en l’interrogeant du regard, cette fois, délaissant momentanément son crayon.
Ils ont trop parlé, le temps passe et le cours se terminera bientôt. Il ne veut pas risquer d’obtenir la note zéro en ne remettant aucun devoir à l’enseignante mais il sait qu’il peut compléter les exercices en quelques minutes, contrairement à James qui traîne de la patte. Petit animal triste. Snif snif. Il aurait certainement besoin d’un coup de main pour passer ce cours, et ça donne une idée à Archie qui pense pouvoir se faire un peu de profit avec ça. « Qu'est-ce qui se passe, ton père te donne pas assez d'argent de poche ? » « Il n’y a que toi qui se contente de l’argent de poche de son père, à ce que je vois. » Parce que, lui, il se débrouille de son côté. Il ne deviendra pas millionnaire à son tour en se croisant les doigts et en regardant les mouches voler, comme le dit si bien James. « Il me reste dix minutes, c’est bien assez. » Enfin, il approche sa table du bureau et fait glisser le manuel de mathématique devant lui, le dérobant à l’imbécile. Immédiatement, il retranscrit une première formule qu’il réduit à sa plus simple forme en claquant des doigts. Pas question d’expliquer sa méthodologie à James. Il n’a qu’à écouter en classe. « Tu t’imagines des trucs, Weatherton. Je ne fais pas les yeux doux. Je mérite tout ce qu’on me donne, et si tu te mets à croire le contraire, je pense qu’on aura un problème. » Il écrit la seconde formule, la réduit en quinze secondes. « J’ai bien hâte de te voir te débrouiller le jour de l’examen. Tu ne pourras pas me voler ma copie comme tu le fais aujourd’hui. » Il complète la troisième aussi rapidement avec l’aide de la calculatrice. Puis la quatrième. Puis la cinquième. Pendant un instant, il est dans sa petite bulle et il oublie tout le monde qui l’entoure. Il a les yeux brillants parce qu’il est un passionné, et même son air stupide le quitte pendant un instant, juste assez longtemps pour qu’on oublie qu’il est un véritable abruti. Quand il termine, il fait claquer le manuel en le fermant, et ce dernier soulève l’air. Il offre son plus beau sourire prétentieux à James. « Voilà, boucle d’or. Tu me remercieras plus tard. »
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| | | | (#)Lun 27 Déc 2021, 19:24 | |
| « Est-ce qu'on t’a déjà dit que tu étais chiant ? Parce que si non, il était temps que quelqu’un te rappelle qu’il faut parfois se sortir le balai du cul. Tu sais, il n’y a pas que l’école qui compte dans la vie. Ça me désolerait d’apprendre que tu es mort avant d’avoir seulement tenté de t’amuser un peu. » Un rictus mauvais au coin des lèvres, James daigna relever son regard dans celui d'Archie. Il suffisait de les observer pour comprendre qu'ils n'avaient pas la même façon de « s'amuser », et ça n'était qu'une preuve de plus que les deux adolescents étaient aux antipodes l'un de l'autre. Archie, le roi de l'école à qui tout le monde vouait une admiration sans borne. Et James, le paria dont on riait dans les couloirs et qu'on poussait accidentellement dans l'urinoir des toilettes. « Si par « t'amuser un peu » tu veux dire boire comme un trou et draguer toutes les filles que tu croises, alors non merci je passe mon tour. » Il va sans dire qu'il avait d'autres aspirations que celles-là, et pas seulement en ce qui concernait la partie sur les filles. « Et puis je suis sûr que n'importe qui perdrait dix neurones rien qu'en passant un quart d'heures avec ta bande. Je vous ai déjà vu d'assez près pour le savoir. » D'accord, cette fois il essayait consciemment de le piquer, connaissant suffisamment les prouesses académiques d'Archie pour que ce commentaire soit teinté d'un peu de mauvaise foi. Peu importe, il pourrait bien collecter les 20 – et c'était ce qu'il faisait – qu'il continuerait de le percevoir comme un idiot qui gâchait ses capacités à traîner avec une bande de crétins tout juste bons à lui cirer les pompes. Pas vraiment des énarques, ceux-là. « M’enfin. Si ça peut te faire plaisir de branler tes bites, continue hein. » Crétin. « Oublie pas la protection, le sida se contracte par la bouche aussi. » Finalement difficile de savoir ce qui était le plus grotesque : qu'Archie le croit à un stade aussi avancé de son épanouissement sexuel ou qu'il se prenne tout à coup pour un prof. « Je te retourne le conseil. Ce serait con de te retrouver avec un gosse sur les bras, je suis pas sûr qu'un siège auto serait très assorti à la voiture que t'a payé ton père. » Le seul point positif ? Les gamins étaient connus pour être de vrais pièges à filles, mais encore faudrait-il qu'Archie ne l'oublie pas en plein soleil. « Je me demande combien il filerait à la fille pour qu'elle accepte de se taire. Sûrement assez pour qu'elle envoie le gamin directement à Harvard pour ses études. » Probablement assez pour qu'elle rachète une partie d'Harvard, même, après tout les Kwanteen étaient connus pour leur train de vie privilégié et Archie n'était sans doute que le pale copie de son propre père à son âge. Bourré de prétention, convaincu de pouvoir écraser le monde sous le talon de sa chaussure, et une tendance plus qu'assumée à se considérer mieux que les autres. Il en serait franchement insupportable si son sourire idiot n'avait pas aussi quelque chose d'attirant.
« Je ne peux pas regarder les mouches si je suis concentré à faire joujou avec mon stylo. » « J'ai toujours pas compris ce que t'étais censé faire avec. A part taper sur les nerfs de tout le monde. » Ceux de leur professeure il y a encore à peine quelques minutes, et maintenant les siens. James ne faisait pas l'idiot quand il avait un crayon entre les doigts, c'était même toujours les moments où il était le plus concentré. Qu'Archie pense devoir épater la galerie chaque fois que quelque chose tombait entre ses doigts avait le don de l'agacer au plus haut point : il était déjà le roi de la classe, qu'est-ce qu'il pouvait encore rechercher en se faisant continuellement remarquer ? Même une bonne action devenait aussitôt un prétexte à se vanter. Dommage, James s'était senti réellement redevable le jour où Archie lui avait évité de finir ratatiné sous le poing d'un de leurs camarades. Si le remercier lui aurait sûrement écorché la bouche, il avait au moins cultivé une certaine gratitude à son égard. « Sois gentil, j’ai dit, tes deux couilles ne sont jamais en sécurité ici. » Comme si quelqu'un qu'on avait déjà tenté d'enfermer dans son casier – une chance qu'ils n'aient pas réussi à l'y faire entrer totalement – pouvait seulement en douter. « Il faudra qu’on le refasse, c’était hilarant. Je suis certain qui tu as pleuré et que tu as crié à l’aide. C’était comment de dormir sur des tapis couverts de sueur ? » Hilarant n'était pas le mot qu'il aurait employé pour résumer cet épisode mais tout ça avait au moins le mérite de confirmer une chose : Archie et lui ne deviendraient jamais amis, peu importe qu'il ait cru s'être senti en phase avec lui ce fameux jour dans le gymnase. Juste avant de s'y retrouver enfermé par la faute même de son sauveur. Archie avait le don d'envoyer des signaux plutôt contradictoires. « Bien sûr, juste avant de filer dans les vestiaires pour farfouiller à l'intérieur de ton casier. Tu devrais penser à changer la combinaison, elle était franchement facile à trouver. » Son regard soutint le sien une seconde avant de se reposer sur sa feuille. Est-ce qu'il bluffait ? Est-ce qu'il avait vraiment employé les longues heures qu'il avait passé enfermé là-dedans à s'acharner sur le casier d'Archie ? Ou est-ce qu'il s'amusait juste à insinuer dans son esprit un doute juste assez gros pour qu'il soit pris de l'envie de changer de code, juste au cas où ? « J'ai été surpris de pas y trouver de magazines cochons, d'ailleurs. » Qu'il ait vraiment ouvert son casier ou non, il ne prenait pas de grand risque en insinuant une telle chose. Archie avait la délicatesse et la subtilité d'un éléphant, mais il n'était pas aussi prévisible qu'il l'avait toujours pensé. James était même convaincu qu'il pourrait s'avérer surprenant s'il creusait un peu sous la surface.
Si Archie n'avait évidemment pas besoin d'argent, James peinait à l'imaginer trimer pour un peu d'argent de poche et supposait donc que son père se contentait de lui donner de quoi céder au moindre de ses caprices. « Il n’y a que toi qui se contente de l’argent de poche de son père, à ce que je vois. » La remarque eut le mérite de lui tirer un rire, mauvais et rempli de sarcasme. « Tu dois me confondre avec les gosses de riches qui te suivent partout. » Ne serait-ce qu'aux toilettes où à ces brunchs dominicaux où se retrouvait la Haute Société de Brisbane, à laquelle James ne considérait pas vraiment faire partie. Si son père gagnait bien sa vie, il n'égalait pas pour autant un Kwanteen et il y avait fort à parier pour qu'Archie ne le laisse pas siéger à la même table que lui même si c'était le cas – et ce n'est pas James qui se battrait pour ça, devoir le supporter le temps d'une heure de cours lui suffisait amplement. « Il me reste dix minutes, c’est bien assez. » Bien sûr qu'Archie n'avait pas besoin de plus de temps pour réussir ses exercices haut la main, il était bien trop conscient de ses facilités. « Tu t’imagines des trucs, Weatherton. Je ne fais pas les yeux doux. Je mérite tout ce qu’on me donne, et si tu te mets à croire le contraire, je pense qu’on aura un problème. » James se contenta de hausser les épaules. Ce ne serait pas la première fois qu'Archie ne prendrait même pas la peine de baisser le ton pour le menacer, se sachant suffisamment intouchable pour que personne ne le lui reproche. « J’ai bien hâte de te voir te débrouiller le jour de l’examen. Tu ne pourras pas me voler ma copie comme tu le fais aujourd’hui. » Comme s'il avait toujours eu l'intention de profiter de ses résultats, lui qui aurait préféré n'importe quel autre scénario à celui de former un binôme avec lui. « Va dire ça à la prof, c'est elle qui nous a mis ensemble. Si j'avais pu choisir tu penses bien qu'on serait pas là à perdre notre temps. » Il aurait choisi quelqu'un d'autre, y compris au détriment de sa note, puisqu'il savait aussi que dans son malheur il était tombé sur l'élève le plus susceptible de leur faire décrocher la plus haute note. Il fallait bien qu'il y ait une contrepartie au fait de supporter les imbécillités d'Archie. « Voilà, boucle d’or. Tu me remercieras plus tard. » Son regard à peine incrédule parcourut la feuille annotée par son camarade. James n'avait pas besoin de s'y connaître aussi bien que lui en mathématiques pour savoir qu'il ne devait pas y avoir l'ombre d'une faute. Alors il croisa son regard en silence, rien qu'un instant, ne résistait pas longtemps à l'envie de souffler. « Y'a dix minutes tu préférais jouer avec ton stylo plutôt que de t'intéresser à l'exercice, et maintenant tu torches tout d'une traite. Tu passes toujours d'un extrême à l'autre comme ça ? » C'en serait presque fascinant si Archie ne savait pas se rendre aussi détestable chaque fois qu'un mot avait le malheur de sortir de sa bouche. Est-ce que tous les génies étaient aussi de sacrés connards ? Sans doute. « Au lit aussi, tu joues les paresseux avant de bâcler le bouquet final en trente secondes ? » Une lueur amusée au fond des yeux, James poursuivit. « Je plains tes conquêtes, si c'est ça. » Ne disait-on pas que les plus vantards étaient aussi les plus démunis, une fois que les choses sérieuses commençaient ? James ne tenait pas vraiment à l'imaginer pendant l'acte, cependant. « Mais bien joué, Einstein. Un de ces quatre c'est toi qui pourras corriger nos copies. » Une manière comme une autre de dire qu'il serait presque impressionné si tout ce talent n'était pas noyé sous une épaisse couche de gouailleries et de vanité.
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| | | | (#)Mer 19 Jan 2022, 23:30 | |
| TW : propos et narration très très très misogynes et homophobes. « Si par « t'amuser un peu » tu veux dire boire comme un trou et draguer toutes les filles que tu croises, alors non merci je passe mon tour. » Ils ne vivent simplement pas dans le même monde. James a peut-être la capacité de s’amuser en se tournant les pouces ou en fixant les murs, mais Archie a besoin d’action pour sentir son cœur battre. Il aime toucher le ciel du bout des doigts en abusant de l’alcool qu’il a trop souvent vomi (tant pis, ça lui faisait simplement plus de place pour en consommer davantage) et tomber dans le coma de la jeunesse infatigable. Bourré, il oublie ses démons qui préfèrent changer de corps le temps qu’il redevienne à jeun. Il arrête de réfléchir. « Et puis je suis sûr que n'importe qui perdrait dix neurones rien qu'en passant un quart d'heures avec ta bande. Je vous ai déjà vu d'assez près pour le savoir. » « Je préfère avoir des potes plutôt que de vivre dans tes chaussures de solitaire pestiféré. » Il répond en lui lançant un regard de dégoût démesuré, comme s’il voyait la maladie de trop près. M’enfin, si James transporte avec lui un quelconque virus, ce n’est certainement pas celui de la peste mais plutôt celui du Sida. Il ne devrait probablement pas être au courant de ce fait historique mais il a malheureusement fait ses recherches en cachette et cette maladie qui a décimé des populations entières dans les années 90 l’a terrorisé et lui a donné une raison de plus pour mépriser les hommes qui se laissent aller à leurs fantaisies (c’est comme ça qu’il les appelle parce que, lui, contrairement à d’autres, il fantasme tout autant sur les courbes et la grâce des femmes alors il n’a pas besoin de se limiter aux pratiques solo). Il pense égoïstement que tous les autres sont comme lui et qu’ils n’ont qu’à faire preuve d’un peu de volonté pour se remettre dans le droit chemin. « Je te retourne le conseil. Ce serait con de te retrouver avec un gosse sur les bras, je suis pas sûr qu'un siège auto serait très assorti à la voiture que t'a payé ton père. » Il a promis de la rembourser un jour, cette voiture. Il est un homme de parole. Ce n’est qu’un achat à crédit étendu sur plusieurs années. « Je me demande combien il filerait à la fille pour qu'elle accepte de se taire. Sûrement assez pour qu'elle envoie le gamin directement à Harvard pour ses études. » « Il faut croire que t’as passé plus de quinze minutes avec ma bande car tu as perdu la totalité de tes neurones. » Il souffle en le dévisageant, avant de lancer, comme s’il avait le contrôle sur les femmes et leur corps (un vrai misogyne en construction, celui-là) : « Elle se ferait avorter parce que, moi, j’aurai pas d’enfants. » C’est aussi simple que ça, voyons. C’est la responsabilité de la femme de se protéger après tout. C’est elle qui accueille le fœtus. (Archie n’est catholique que lorsque ça l’arrange. C’est du temps partiel. )
« J'ai toujours pas compris ce que t'étais censé faire avec. A part taper sur les nerfs de tout le monde. » « Arrête d’assumer que je tape sur les nerfs de tout le monde. Pas tout le monde est une aussi bonne victime que toi. » Il marmonne sans détacher son attention du crayon qui, c’est officiel, n’arrivera jamais à faire le tour de son index sans s’écraser sur le bureau ou le sol. Inutile d’expliquer l’activité qu’il tente de maîtriser, James ne comprendrait certainement pas l’intérêt parce qu’il n’a pas l’esprit assez développé. De toute façon, il n’est pas là pour jouer les professeurs (même si c’est exactement la raison pour laquelle son enseignante les a jumelés tous les deux), il préfère se remémorer les meilleurs moments de l’année et, en première position : la nuit que James a passé enfermé dans le gymnase. « Bien sûr, juste avant de filer dans les vestiaires pour farfouiller à l'intérieur de ton casier. Tu devrais penser à changer la combinaison, elle était franchement facile à trouver. » Il s’accroche à son regard une seconde, sourcil levé. La combinaison n’était pas facile à trouver, au contraire. James avait peut-être jeté un coup d’œil par-dessus son épaule pendant qu’il déverrouillait le cadenas. Si c’est le cas, alors il mériterait de saigner du nez. « J'ai été surpris de pas y trouver de magazines cochons, d'ailleurs. » C’était donc du bluff. Hilare, Archie se met à glousser comme une dinde. « Bien essayé, mais t’as pas cherché assez loin si tu as réellement ouvert mon casier. » L’heure de la justification ridicule a sonné. « Luke s’est fait prendre avec un Playboy à la cafétéria alors il l’a caché dans mon casier. Il l’a complètement oublié, depuis. » Ridicule mais vrai. D’ailleurs, il se demande pourquoi il ne l’a pas jeté depuis, ce magasine sale de toutes les mains (et autre partie du corps moins salubre) qui l’ont touché. « Si tu veux mentir, tu dois connaître ton sujet à la perfection. Il n’y a rien de pire pour notre crédibilité que de se faire coincer en plein mensonge. » Et il lui glisse un clin d’œil d’homme d’affaire qui vient de conclure une vente importante. S’il était plus engagé dans sa comédie, il serrerait la pince à James mais vaut mieux éviter de trop le toucher celui-là, peu importe la maladie qu’il trimbale avec lui.
« Va dire ça à la prof, c'est elle qui nous a mis ensemble. Si j'avais pu choisir tu penses bien qu'on serait pas là à perdre notre temps. » En effet, tous les deux auraient respecté une distance sécuritaire si on ne leur avait pas imposé cette collaboration. Malgré tout, James pourra profiter d’une note parfaite le temps que ça dure. L’instant de quiétude avant la tempête, quand il se retrouvera désarmé devant l’examen et qu’il n’aura que deux heures pour compléter la vingtaine d’exercices qu’Archie balayera en trente minutes. Il fantasme déjà l’idée de lui envoyer son majeur en sortant de la classe en marchant comme un paon. Pour le moment, il devra se contenter de lui refiler un coup de main – de faire un don pour la charité. « Y'a dix minutes tu préférais jouer avec ton stylo plutôt que de t'intéresser à l'exercice, et maintenant tu torches tout d'une traite. Tu passes toujours d'un extrême à l'autre comme ça ? » C’est comme pour son abus de boisson : il vit dans les extrêmes pour profiter constamment de tout ce qui l’entoure. L’autre ne pourrait pas comprendre parce qu’il stagne comme un étang pullulant de nénufars gluants et nidoreux. « Au lit aussi, tu joues les paresseux avant de bâcler le bouquet final en trente secondes ? » Son sourire, cette fois, est faux et dénote un certain agacement. Sans gêne et d’un mouvement calculé, il lui balance le stylo en plein milieu du front, pas pour le blesser, seulement pour l’assommer un peu et le ramener à l’ordre. C’est bien plus amusant que le pen spinning, en fin de compte. « C’est pas comme si tu pouvais me donner des conseils, couilles molles. » Il ricane amèrement avant d’accueillir avec aucune modestie le compliment que James lui adresse. « Yep, je sais. » Il est un génie, c’est tout. Il est né comme ça. « Quand tu verras mon nom dans le National Geographic, tu pourras dire à tous tes amis – si tu en as – que tu allais à l’école avec moi et qu’à de multiples reprises je t’ai sauvé la vie. » Nouveau clin d’œil, cette fois un peu plus complice, comme s’il ne suffisait que de le complimenter et le traiter comme un roi pour l’apprivoiser.
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| | | | | | | | Magic fingers [Jarchie 12] |
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