La nuit passée chez Ezra en est devenue une autre, une troisième, une quatrième. Le trajet jusqu’à l’association est plus rapide depuis chez lui, telle est l’excuse générale. La vérité, c’est qu’elle a aussi peu envie de retourner dans sa maison vide que de laisser le Beauregard seul. S’il a Noah à ses côtés, la jeune femme sait bien que la présence de son fils est à double tranchant, le mettant continuellement sous pression pour qu’il ne se laisse pas aller à la tristesse. La comédie a duré plus d’un mois. Presque deux, en réalité. Mais ça, personne n’a besoin de le savoir et eux n’ont pas non plus le nécessité de tenir les comptes. Sa présence était nécessaire, évidente, vitale. Elle était aussi vouée à prendre fin à un moment, Lily n’étant après tout qu’une amie, et une amie ne peut décemment pas rester autant de temps chez ses proches, encore moins l’un du sexe opposé - que dirait le voisinage ? Leur entente était éphémère, ils le savaient tous deux, raison pour laquelle elle a commencé à venir un peu moins souvent au fil des semaines, pour complètement reprendre ses affaires à terme. Ils seront toujours là l’un pour l’autre sans qu’ils aient besoin de vivre continuellement ensemble et, au final, cela ne change rien. Ils grandissent, passent à autre chose, vont de l’avant. Difficilement, simplement parce qu’ils y sont forcés. Elle se retrouve encore à pleurer sa mort certains soirs, mais Ezra a épanché ses plus grosses larmes.

De toute façon, lui aussi passe à autre chose. ll déménage, change de quartier, oublie toutes les années passées dans son appartement et les souvenirs liés. Lily, quoi que surprise par la soudaineté des choses, ne peut qu’être heureuse pour lui. Noah adore déjà sa nouvelle chambre alors que les murs y sont encore blancs, cela prouve bien tout l’entrain du garçon. Tant mieux, après tout, puisque désormais ses allers venues sont réduites au minimum : il n’a plus Matt à aller voir et sa mère est bien trop loin de lui pour qu’il s’y rende dès qu’il en a envie. Egoïstement, Lily en est bien heureuse, parce que cela permet au Beauregard d’enfin profiter de son fils comme il aurait normalement dû pouvoir le faire depuis le premier jour et ainsi prouver au monde entier quel bon père il fait, sans avoir à fournir le moindre effort. Il a ça dans le sang, c’est évident, et le tout est largement aidé par le fait que lui-même soit un enfant ayant oublié de grandir. Si elle juge bien souvent cette attitude comme un défaut, parfois elle est aussi et surtout soulagée de le voir passer sans trop de mal au milieu de tous les troubles qui agitent sa vie.

Une plante entre les mains, elle vient sonner à sa porte avec la parfaite excuse de l’amie voulant prendre part à l’emménagement à son niveau, un minimum pour qu’il puisse se sentir chez lui le plus rapidement possible. Pour autant, ce n’est qu’une excuse pour le retrouver et lui parler, un jour où Noah est à l’école et qu’ils seront seuls, non censurés. Jamais Lily n’avait été aussi peu assurée de lui avouer quelque chose, jamais n’avait-t-elle aussi peu été capable d’anticiper ses réactions non plus. Sans doute parce que sa demande est particulière, unique, originale. C’est peu dire. Elle lui en demande beaucoup et peu à la fois ; tout dépendra finalement de lui, à terme. Son deuil n’est pas totalement fait, c’est une évidence, mais elle se rend compte que le temps continue d’avancer à une allure folle et que rien n’est à son avantage. Lily s’éclaircit la gorge, répète des mots qu’elle oubliera une fois le pas de la porte passée.

Et une fois le pas de la porte passée, elle n’est déjà plus qu’occupée à embrasser Ezra contre la joue, à peine avancée sur la pointe des pieds. Son sourire s’agrandit, sa simple présence suffisant à la rassurer de tout et son contraire. “Elle est fausse, ne t’en fais pas.” La jeune femme lui précise en faisant glisser la plante entre ses mains, connaissant ses piètres talents de jardinier. Il n’aura pas à craindre de la faire mourir. “J’ai compté, on habite à cinq minutes à pied l’un de l’autre. Tu pourras plus me mentir et me dire ‘je suis en route’ alors que t’es à peine en train de sortir de ton lit.” Souriante, elle ne fait que faire la discussion pour se montrer polie et amicale et ne pas déjà l’accabler de sa demande. Ceci dit, elle pense et pèse le moindre de ses mots, amie un peu trop étouffante qui prévoit déjà de voir Ezra plusieurs fois par semaine - simplement pour s’assurer qu’il continue de passer les étapes du deuil. “Noah s’adapte bien au changement ? Je pense que ça doit lui plaire, ici, tout est plus grand.” Une dernière question et elle passera au vif du sujet ensuite, c’est promis. Parler de son fils pourrait faire office de transition, de toute façon, elle n’est pas que en train de gagner du temps. “C’est bien, pour lui, de se faire de nouveaux souvenirs.” Qu’elle confesse presque, ses yeux retrouvant les siens. Il agit bien et fait du mieux qu’il peut pour le garçon.

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Le temps avait commencé à passer - lentement, surtout sur les premières semaines, puis avec une vitesse qui ressemblait de plus en plus à la normale. Il était venu faire son effet, avait tenté de panser certaines plaies, de minimiser d’autres peines. Le temps était son meilleur allié, Ezra le savait, et pourtant il avait toujours cru que son meilleur allié était celui qu’ils avaient mis six pieds sous terre au début de cette tragédie. Il était indéniable que la perte de Matt était l’épreuve qui était venu affecter de la sorte le Beauregard; cependant, il n’avait pas été seul à devoir traverser cette période de vie plus que compliquée. Le soir où Lily en était venue à lui annoncer la nouvelle, la jeune femme était restée dormir chez lui. Elle était également revenue le lendemain, et le jour d’après. Le suivant n’avait pas dérogé à cette nouvelle habitude - et ce petit manège avait duré plusieurs semaines. S’il y avait bien certaines personnes pour qui Ezra donnerait tout, Lily en faisait partie sans hésiter. Et si elle avait besoin de rester encore un instant de plus à ses côtés pour recharger ses batteries, panser son coeur, il serait son homme. Il avait autant besoin d’elle qu’elle avait surement eu besoin de lui, mais prétendre que c’était de son besoin à elle que tout cela en ressortait était plus simple, plus doux. Il ne mentirait pas cependant si on lui demandait comment il s’était senti lorsque la jeune femme avait cessé de passer ses soirées et ses nuits à ses côtés.

Heureusement, il pouvait compter sur Noah pour venir être le soleil de ses nuits. Le gamin, devenu jeune garçon, avait une force de caractère et un positivisme sur la vie qui était des plus impressionnants. La nouvelle de la perte de son oncle - le préféré, Ezra l’avait rapidement compris malgré tout - lui avait foutu un sacré coup. Mais il avait rapidement compris que Matt n’aurait pas voulu voir la vie des personnes qui lui étaient chères s’arrêter parce-qu’il ne venait plus leur servir les pires blagues que l’humanité avait connu. Alors, Noah avait continué de faire des bêtises, de manger trop de pizza, de courir dans la cour de récréation. Il avait continuer sa vie du meilleur qu’il le pouvait, et c’était de là qu’Ezra avait commencé - voire même continuer, en toute honnêteté - à puiser sa force. Ca, et puis la manette pleine de billets que lui avait laissé Ichabod avant de disparaitre dans la nature sans donner de nouvelles. Le Bates avait fait partie des piliers de la vie d’Ezra, et pourtant, lorsqu’il avait arrêté de donner des nouvelles, un soupire de soulagement s’était échappé d’entre les lèvres du Beauregard. Il lui serait éternellement reconnaissant de tout ce qu’il avait fait pour lui, mais ne plus sentir sa vie sur le point de se terminer lorsqu’il croisait son regard n’allait pas lui manquer. Ce n’était pas pour autant qu’il n’avait pas profiter de son dernier lègue, et avec l’arrivée permanente de Noah dans sa vie, il s’était enfin décidé à venir déménager dans quelque chose de plus grand et d’acheter son propre appartement. Après être restée dix-huit ans dans le même trou à rats, une nouvelle vie lui tendait les bras.

Et par le plus grand des hasards - vraiment, quel enfer -, il se trouvait que la petite maison pour laquelle il avait eu un coup de coeur, et pour laquelle l’enveloppe qu’il avait correspondait, se trouvait à quelques pas de là où habitait désormais Lily. Cela l’avait fait sourire plus d’une fois, lorsqu’il était en train de venir de décharger le camion de déménagement - qui ne comportait finalement pas grand chose, étant donné que son appartement précédant n’était vraiment pas très grand. Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis le déménagement, et lorsqu’il aperçut le visage de la jeune femme à travers le judas, cela le faisait entre sourire. « Voilà la plus belle. » Il avait toujours été doux envers Lily, ou presque; depuis la disparition de Matt cependant, il lésinait d’autant moins sur les compliments qu’il pouvait lui apporter. L’instant d’après, elle venait déjà lui déposer un baiser sur la joue et il venait la serrer un instant de plus dans ses bras - avant que le corps de Lily ne vienne être remplacé entre ses mains par un pot et une plante. Ezra vint hausser un sourcil. « Elle est fausse, ne t’en fais pas. » Il vint feindre - non - le soupire de soulagement, avant de venir y ajouter un petit rire. « Elle n’aurait pas fait long feu sinon, la pauvre. » Au moins, il n’aurait pas peur de la retrouver les quarts fers en l’air d’un jour à l’autre. « J’ai compté, on habite à cinq minutes à pied l’un de l’autre. Tu pourras plus me mentir et me dire ‘je suis en route’ alors que t’es à peine en train de sortir de ton lit. » A cette remarque ci, il vint plutôt forcer le bout du nez. « Es-tu en train de me dire que j’aurais plus jamais aucune excuse pour arrivé en retard ? » Pourtant, là était la spécialité du Beauregard - il blâmait son père et ses habitudes de militaire de l’avoir formaté à venir faire exactement le contraire de ce qu’il attendait.

« Noah s’adapte bien au changement ? Je pense que ça doit lui plaire, ici, tout est plus grand. C’est bien, pour lui, de se faire de nouveaux souvenirs. » Ezra vint finalement se décaler de la prote d’entrée afin de laisser l’opportunité à Lily de venir faire comme chez elle - comme si elle avait besoin de lui pour agir de la sorte. « Il est comme un petit fou, j’ai du mal à le canaliser. » Pourtant, bien sur, c’était un sourire tendre qui s’étirait sur les lèvres du Beauregard en parlant de sa version miniature. « Il est surtout content d’avoir de nouveau un bout de jardin pour courir, et où on peut jouer ensemble. Il a beau avoir beaucoup grandi, il reste un gamin dans le fond. » Et des deux, il n’était pas rare de soupçonner que celui qui s’amusait le plus dans cette affaire, c’était Ezra et non Noah. « Je lui donne une semaine supplémentaire avant de me demander si on peut avoir un chien. » Et il savait d’avance qu’il ne saurait dire non à son gamin, et que bientôt un animal à quatre pattes viendrait courir avec eux dans le jardin. « Je te sers quelque-chose à boire ? Un café ? » L’espace de vie était désormais assez grand pour qu’il ait besoin de demander à la jeune femme ce qu’elle voulait boire avant d’aller jusque-là cuisine, sous peine de ne pas entendre sa réponse s’il faisait les choses dans le sens inverse.

« Voilà la plus belle. » Le sourire de Lily est tendre : il lui a manqué. Elle l’aurait pris dans ses bras si elle avait trouvé la moindre excuse pour, aussi, mais elle reste plus raisonnable et se contente de le saluer d’un simple baiser contre sa joue, en profitant ainsi pour vérifier qu’il continue de se raser. Un indice comme un autre pour s’assurer qu’il aille bien. La distance entre eux en vient à être imposée par la plante que Lily lui présente, ne perdant pas de temps pour préciser qu’elle est totalement fausse et qu’il n’a rien à craindre d’un possible cadeau empoisonné. « Elle n’aurait pas fait long feu sinon, la pauvre. » Son sourire, toujours plus large, a tout d’un ‘je sais’ muet. « Es-tu en train de me dire que j’aurais plus jamais aucune excuse pour arriver en retard ? » Malicieuse, elle fait un pas dans l’appartement, tentant déjà de chercher du coin de l'œil le parfait endroit où poser la plante. “C’est absolument ce que je suis en train de dire.” Et il le savait avant même qu’elle le lui confirme, parce qu’il la connaît comme peut peuvent s’en vanter. Pourtant, si ce n’est pas son retard qu’elle lui reproche, la brune sait par avance qu’elle trouvera toujours à redire, esprit de contradiction et éternelle malice obligent. En réalité, elle est bien trop heureuse de les savoir presque voisin pour prendre le moindre risque de lui donner envie de déménager.

Rapidement, ses questions tiennent pour personnage principal Noah, la brune n’ayant jamais cherché à cacher son attachement pour le jeune garçon. Matt parti, elle se sent d’autant plus relié à lui, redevable aussi. Elle ne remplacera jamais son oncle, c’est un fait, mais elle peut au moins continuer à perpétuer sa mémoire comme il se doit. « Il est comme un petit fou, j’ai du mal à le canaliser. » Tout dans son regard trahit ce qu’elle en pense : tant mieux. Un changement de plus aurait pu déstabiliser le jeune enfant qu’il est mais Lily est soulagée que ça n’ait pas été le cas et qu’il prenne la chose avec un tout autre point de vue. Il a vécu bien assez de choses et sans aucun doute trop pour un enfant, il mérite enfin de profiter de sa jeunesse comme il se doit. “C’est l’âge, ça. Tu te fais vieux.” Il n’a pas beaucoup de mois de plus qu’elle, mais assez pour qu’elle joue dessus. Ces quelques mots lui rappellent pourtant la raison de sa visite et son cœur ayant tendance à se compresser quelque peu, même si elle affiche toujours un sourire trahissant l’humour dans sa réponse. « Il est surtout content d’avoir de nouveau un bout de jardin pour courir, et où on peut jouer ensemble. Il a beau avoir beaucoup grandi, il reste un gamin dans le fond. » Il va demander un chien, un trampoline, et des cages de foot. Dans cet ordre. Et il n’abandonnera aucune de ses demandes, tel que Lily le connaît. « Je lui donne une semaine supplémentaire avant de me demander si on peut avoir un chien. » Et tel que son père le connaît bien évidemment aussi, il anticipe déjà la chose. Lily sait par avance qu’il cédera aux demandes de son enfant, ne sachant faire que ça. Après tout, elle ne voit pas non plus le mal à ce qu’un enfant grandisse avec un animal de compagnie, bien au contraire. Elle est même certaine qu’une présence quotidienne pour Ezra sera bon pour lui - et tant mieux si ce n’est pas une femme avec bien trop peu d’habits sur elle. “Je te donne un mois pour lui en trouver un.” A ce jeu là, elle aura toujours de quoi répondre et anticiper ses actions, ayant l’impression de le connaître par cœur.

« Je te sers quelque-chose à boire ? Un café ? » Ses pas suivent le regard qu’il avait esquissé en direction de la cuisine, simplement curieuse de découvrir dans son ensemble son nouveau chez lui. “Thé. Merci.” Elle répond, l’esprit ailleurs, occupée à découvrir une demeure bien plus grande que tout ce à quoi elle a été habituée - c’est-à-dire à l’appartement de Fortitude, à lui et à lui seul. “C’est beau, ici. Je suis contente pour vous.” Et pour Ezra, si jamais il a gagné au loto, parce que c’est sûrement la seule aubaine qui aurait pu lui offrir la possibilité de changer d’appartement. Ses doigts glissent sur le plan de travail, réflexe inutile, sans aucun doute. “Hey, Ez, prends toi un truc à boire aussi. Je voudrais te parler d’un truc.” Sachant pertinemment que les dernières fois où elle a dit vouloir lui ‘parler d’un truc’, il a été question de la mort d’un fœtus et de celle de son mari, elle nuance rapidement ses propos. “Personne est mort. Pas de mauvaise nouvelle non plus. Promis.” Levant les mains au ciel, elle tente de faire preuve d’un minimum d’humour, quand bien même le stress gagne de plus en plus de terrain sur elle à chaque seconde écoulée. “C’est juste… Un service que je voudrais te demander.” Un service assez particulier et éminemment important à ses yeux, mais vaut mieux ne pas encore le lui préciser et lui apprendre chaque chose en son temps. A vrai dire, Lily ne sait déjà plus comment procéder, ayant surtout peur que sa demande les éloigne d’une quelconque façon, chose qu’elle refuse d’accepter.

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« C’est absolument ce que je suis en train de dire. » Il l’entendait sans aucun mal, la malice dans sa voix. Et en même temps, jusque maintenant, Ezra n’avait jamais vraiment eu d’excuses à tous les retards qu’il avait pu accumuler, que ce soit auprès de la jeune femme ou d’autres personnes; il ne savait juste pas gérer son emploi du temps, ni vérifier régulièrement la pendule, et les deux ensemble ne faisaient pas bon ménage. « C’est l’âge, ça. Tu te fais vieux. » Qu’elle vint par la suite commenter lorsqu’il lui fit part du fait qu’il avait du mal à garder son gamin dans le droit chemin tellement il était excité de vivre dans ce nouveau logement. Il vint froncer les sourcils, le nez, tout son visage. « Aoutch. C’est ma fête aujourd’hui ou comment ça se passe ? » Si son visage paraissait vexé, son ton était surtout amusé. Surtout parce-que Lily n’avait pas tout à fait tort, et qu’Ezra n’était plus tout jeune; les premiers mois qu’il avait passé aux côtés de Noah, le petit n’avait pas énormément d’énergie et ne lui en demandait pas beaucoup de son côté, mais l’énergie d’Ezra avait évolué dans le sens opposé de celle de Noah. Et, dans peu de temps, un chien serait à ajouter à l’équation et le Beauregard sénior était fatigué d’avance. « Je te donne un mois pour lui en trouver un. » - « Donne moi au moins l’impression que je vais avoir le temps de terminer de monter les meubles avant qu’un chien débarque ici, s’il te plait. » Réponse à laquelle il vint ajouter un petit rire. Il savait d’avance, se connaissant assez bien, que tous les meubles ne seraient jamais montés avant que le chien ne débarque ici.

Rapidement, Ezra fut en chemin vers la cuisine, tentant d’être un hôte parfait là où il ne l’avait jamais vraiment été auparavant - changer l’homme de logement et apparemment, cela lui apportait des manières avec. « Thé. Merci. » Les yeux de Lily étaient trop occupés à venir faire sa curieuse pour regarder Ezra en lui donnant sa réponse, ce qui fit sourire le Beauregard, alors qu’il s’attelait à mettre en fonctionnement la bouilloire. « C’est beau, ici. Je suis contente pour vous. » Son sourire vint s’étendre un brin davantage. « Merci. Je suis content d’être tombé sur cette offre, à vrai dire. » Bien sur que non, que Lily n’avait pas besoin de connaitre l’envers du décor et la raison pour laquelle Ezra avait pu se permettre de faire un crédit moins important auprès de la banque grâce à un apport conséquent. « Hey, Ez, prends toi un truc à boire aussi. Je voudrais te parler d’un truc. » Le dit-Ez avait la tête dans le placard de la cuisine, à la recherche des sachets de thé que Lily elle-même avait implanté au fur et à mesure des semaines chez lui pour être sûre d’avoir toujours de quoi faire, lorsqu’il entendit les mots de la jeune femme. Ce qui lui semblait être lentement, il vint sortir la tête du placard - la porte vint trembler comme soufflée par un courant d’air, son geste avait été définitivement plus brusque que prévu -, les yeux d’avance écarquillés à l’idée qu’elle ait envie de lui parler. Pas qu’il n’aimait pas discuter avec la de nouveau Keegan, mais les dernières discussions de cette sorte n’avaient en aucun cas bien tourné. Elle avait du anticiper le malaise à venir, cependant, car il n’eut pas le temps de faire le moindre commentaire qu’elle venait reprendre la parole. « Personne est mort. Pas de mauvaise nouvelle non plus. Promis. » Levant ses mains au ciel comme pour clamer son innocence, il n’y avait cependant pas l’ombre d’un sourire pour l’instant sur les lèvres d’Ezra. « Commence pas tes phrases comme ça s’il te plait, c’est pas vraiment drôle. » Encore un brin sur les nerfs, quelque peu à cran, vous croyez ?

« C’est juste… Un service que je voudrais te demander. » Soupirant légèrement - surtout de soulagement -, il vint version l’eau chaude dans la théière, mettre son café dans sa tasse, et fit signe  à Lit de le suivre pour aller s’installer dans le petit jardin. Deux chaises en plastiques prêtée par son frère Thomas lui servait de mobilier extérieur pour le moment, mais ça ferait amplement l’affaire. Elle allait râler, mais il s’alluma tout de même une cigarette. « Si c’est un service à me demander, déjà ça me fait moins peur. » Un nuage de fumée s’élevait de ses poumons désormais. « Je suis content de te voir, hein, mais t’aurais pas du t’embêtée à venir jusqu’ici pour un service, t’aurais pu me passer un coup de fil. » C’était ce qu’il aurait fait de son côté, lui. Passer un coup de fil, et puis le tour aurait été joué.

« Aoutch. C’est ma fête aujourd’hui ou comment ça se passe ? » Ne serait-ce pas toujours sa fête, en réalité ? Elle a un sourire enfantin face au peu de répartie qu’il intègre à la discussion, simplement heureuse et soulagée qu’ils puissent à nouveau débattre d’un rien sans que cela ne cache des larmes prêtes à couler et des lèvres tremblantes. Le pire est derrière eux, elle lui en fait la promesse silencieuse. Ils ne pourraient sans doute pas vivre pire, de toute façon, et c’est la certitude à laquelle elle se raccroche férocement, préférant finalement ne pas répondre à la question d’Ezra, trouvant le silence bien plus amusant que toute autre éventualité. « Donne moi au moins l’impression que je vais avoir le temps de terminer de monter les meubles avant qu’un chien débarque ici, s’il te plait. » Tout est dans ce mot : l’impression de. Il cédera à la demande du chien avant même de s’en rendre compte et son beau carrelage se retrouvera couvert de traces de boues en forme de patte avant même qu’il n’ait le temps de dire ouf. Si elle aurait pu lui reprocher de céder aux caprices de Noah quelques mois plus tôt encore, aujourd’hui elle ne peut qu’accueillir cette éventualité avec bonheur. La présence d’un chien sera une bonne chose pour les deux Beauregard - mais pas la maison en elle-même, ni ses meubles sûrement voués à rester en stand by un certain temps. “Je t’aiderai pour les meubles. Pour te dire qu’ils sont pas vraiment droits et que un centimètre plus à gauche serait une meilleure place pour eux.” En somme, elle sera horripilante, mais rien dont il n’ait déjà l’habitude.

Ses yeux vagabonds, elle précise rapidement ce qu’elle veut boire pour ainsi laisser Ezra jouer au parfait hôte et se perdre dans ses placards aux allures immenses. Tout semble l’être, maintenant, et Lily ne manque pas de souligner à quel point ce déménagement est une aubaine pour lui et son fils (et leur futur chien). « Merci. Je suis content d’être tombé sur cette offre, à vrai dire. » Le sourire qu’il lui tend suffit à la rendre heureuse. Ils n’avaient pas pu profiter de choses simples depuis bien trop longtemps et le retour temporaire à une vie normale est rassurant, revigorant aussi. Lily en profite d’autant plus alors qu’elle sait que cela ne durera pas éternellement, ses premières paroles venant déjà mettre à mal tout l’équilibre instable de leur quotidien. « Commence pas tes phrases comme ça s’il te plait, c’est pas vraiment drôle. » Elle ne trouve pas ça drôle non plus, à vrai dire, mais n’a rien à répondre à la demande du Beauregard, laquelle fut formulée sans aucune joie sur le visage. Il a raison, il sera toujours trop tôt pour parler des choses ainsi, surtout pour eux qui étaient bien plus proches de Matt que qui que ce soit d’autre en ce monde. Elle se pince les lèvres pour ne plus dire de bêtises pendant au moins dix secondes : de toute évidence, le sujet est toujours aussi sensible qu’au premier jour.

Un service, voilà le terme politiquement correct pour ce qu’elle s’apprête à lui demander. Il est rassurant, ce mot, tant qu’elle ne vient pas en préciser l’ampleur ni même l’importance. Un simple service, comme celui d’arroser ses plantes ou nourrir les chats en son absence. Si seulement ce n’était que ça - si seulement elle pensait à s’absenter et laisser les choses avancer en son absence, sans qu’elle n’ait l'œil partout. Les boissons dans la main du Beauregard, elle le suit silencieusement dans le jardin, future aire de jeux privilégiée de son animal de compagnie. Sa tasse, la jeune femme la pose pour le moment au sol, remerciant au passage Ezra de la lui avoir préparée. « Si c’est un service à me demander, déjà ça me fait moins peur. » C’est parce qu’il n’a toujours qu’une vérité partielle qu’il pense ça. « Je suis content de te voir, hein, mais t’aurais pas du t’embêter à venir jusqu’ici pour un service, t’aurais pu me passer un coup de fil. » Et comme elle s’en était déjà doutée, elle ressent le besoin d’entourer ses doigts autour du café d’Ezra pour le lui dérober sans un mot et venir le poser contre l’autre tasse. Sa cigarette, elle la lui laisse par dépit, préférant plutôt se concentrer sur l’étreinte qu’elle lui offre (impose) une fois de plus. Cette fois-ci, au moins, elle n’existe pas pour qu’elle puisse cacher la tristesse de son visage ni même de quelconques larmes. Ce n’est pas pour autant qu’elle ne cache pas son visage contre son cou et le serre contre elle bien plus que de raison. “Tu sais que tu comptes beaucoup à mes yeux, pas vrai ?” Et que cette phrase même n’est qu’un euphémisme, après tout ce qu’ils ont vécu l’un auprès de l’autre. “Et que tu passeras toujours avant tout le reste.” Il peut dire non. Elle en serait triste, déçue et sans doute énervée, mais elle accepterait sa décision. De toute façon, ce n’est pas le genre de service qui peut être forcé d’une quelconque manière. Elle aurait voulu profiter de son odeur avant d’avoir sa réponse mais il ne sent déjà plus que la cigarette. “Mais de mon côté la vie continue aussi et le temps passe vite, c’est pas simplement une blague.” Les quarante ans sont trop près, la trentaine trop loin. Plus les années passent et plus ses chances d’avoir un enfant se font rares. “Je supporterais pas l’idée de ne jamais avoir d’enfant. C’est tout ce dont je rêve depuis que je suis gamine.” Elle voulait le prince charmant, la bague au doigt, la fille et le fils mais depuis elle a su se montrer raisonnable : élever un enfant, un seul, sera déjà un très bon début à même de la rendre heureuse. Doucement et difficilement, elle fait un pas en arrière pour lui rendre sa liberté et ainsi croiser son regard, les lèvres pincées, plus incertaine que jamais d’avoir le droit de lui demander une telle chose, à lui. Il est le seul nom qui lui soit venu en tête, pourtant. “Je veux vraiment un bébé, Ezra.” Il ne comprendra pas si elle ne lui dit que ces quelques mots-là, il ne trouvera pas le rôle qu’il pourrait jouer dans tout ça. Alors elle ajoute et reprend, le cœur battant. “Avec toi.” Lily aurait suite à ça dû lui préciser les circonstances de son idée, son implication précise, le fait qu’elle ne soit pas en train de lui déclarer sa flamme, le fait qu’elle n’attende pas de lui qu’il joue à nouveau le rôle d’un père s’il ne le désire pas. Elle devient pourtant muette, attendant avant toute chose qu’il lui réponde, peu importe quoi.

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« Je t’aiderai pour les meubles. Pour te dire qu’ils sont pas vraiment droits et que un centimètre plus à gauche serait une meilleure place pour eux. » Elle avait à peine terminé sa phrase que déjà, Ezra venait froncer le bout du nez, en s’imaginant la scène qu’elle était en train de lui décrire. Si Lily venait lui donner un coup de main pour les meubles, elle allait être insupportable - il la connaissait assez bien pour avancer un tel comportement sans se tromper. « Oui oui, on verra. » On verra parce-qu’elle ne viendrait pas aider pour les meubles, autant que le Beauregard allait être capable de résister à son fils et de ne pas prendre de chien maintenant qu’il avait la place. Mais pour une fois, là étaient des projets qu’Ezra avait tout de même hâte de voir apparaitre. Même s’il râlerait toute la journée avec Lily dans les pattes lui indiquant que tout était à revoir et à refaire ici, même si Noah ne serait pas forcément plus supportable lorsqu’il aurait déjà couru quatorze fois par jour dans le jardin en criant à tout le monde qu’il allait bientôt avoir un nouveau copain. Toutes ces scènes semblaient horribles, à première vue, mais il n’avait qu’une hâte: les vivre; car pour une fois elles ne semblaient que lui apporter du bon.

Sauf si Lily commençait ses phrases avec des tournures qui faisaient faire un bon à Ezra sur place, venait lui retourner l’estomac par la même occasion. Bien sur qu’elle ne voulait pas le faire réagir de la sorte, et qu’elle était venue s’excuser aussi rapidement en le rassurant, mais il n’empêchait que le codeur du jeune homme avait loupé un ou deux battements. Pour qu’ils puissent être davantage à l’aise, maintenant qu’il en avait la possibilité, il entraina la jeune femme à sa suite pour qu’ils s’installent sur sa terrasse improvisée. Rapidement, cependant, Lily vint lui retirer sa tasse de café des mains, afin de pouvoir le prendre dans ses bras. S’il vint froncer les sourcils un instant, Ezra n’hésita pas en revanche à venir lui rendre son étreinte; il ne comprenait juste pas réellement où tout cela semblait mener. « Tu sais que tu comptes beaucoup à mes yeux, pas vrai ? Et que tu passeras toujours avant tout le reste. » Les mots de la jeune femme étaient prononcés alors qu’il ne pouvait pas avoir accès à son regard, à ses yeux, et qu’il ne savait donc pas où elle voulait en venir. Il ne pouvait même plus, en réalité, fumer sa cigarette sans que toute la fumée produite s’en aille dans le visage de la jeune femme, alors il se contentait de tenir son bras tendu aussi loin que possible alors qu’il déposait un baiser sur son front à elle. « Bien sur que je le sais. » Les dernières épreuves qu’ils avaient encore du endurer l’avait, une fois de plus, prouvé. Il vint s’apprêter d’ailleurs à lui démontrer qu’il avait compris, mais finalement se ravisa. La jeune femme semblait chercher la meilleure tournure des mots pour lui présenter ce service dont elle avait besoin, et pour une fois son instinct lui souffla d’attendre un instant avant de venir dire la moindre parole de travers. « Mais de mon côté la vie continue aussi et le temps passe vite, c’est pas simplement une blague. » Il avait bien fait de ne rien ajouter, car de toutes façons il ne comprenait pas par anticipation où elle voulait en venir. « Je supporterais pas l’idée de ne jamais avoir d’enfant. C’est tout ce dont je rêve depuis que je suis gamine. » En revanche, il savait, tout ça; même s’il avait mis de côté cette connaissance lors de la dernière discussion qu’ils avaient pu avoir chez lui, il savait pertinemment que fonderont famille était le but ultime pour la jeune femme.

Finalement, Lily vint se détacher de lui, faire un pas en arrière, et leurs regards purent se croiser de nouveau. Avant qu’elle ne soit complètement ruinée, Ezra en profita pour venir inhaler une bouffée de nicotine sur sa cigarette, attendant que la Keegan en vienne jusqu’au bout des faits. « Je veux vraiment un bébé, Ezra. » Léger haussement de sourcil de sa part à lui - jusque là, il avait suivi son discours. « Avec toi. » Le second sourcil vint rejoindre le premier, déjà bien haut, au dessus de ses azurs. Un service, donc, rappelons-le. « Tu veux un bébé avec moi ? » Qu’importe la façon dont elle aurait pu lui apporter cette demande, il aurait dans tous les cas était surpris. Avec l’histoire qu’ils avaient entre eux - après tout, elle lui avait annoncé seulement quelques mois plus tôt qu’une décennie de cela, ils avaient perdu un bébé qui aurait été le leur -, et surtout avec l’histoire qu’elle avait vécu et continuait de vivre, différemment, avec Matt, jamais il n’aurait pensé vivre ce genre de scène. S’il avait réussi à répondre une première phrase rapidement, le reste de ses pensées mis un petit temps à venir. Sa cigarette était de toutes façons proche de la fin, il n’allait pas rester très longtemps sans être réellement expressif - autant verbalement que physiquement. Pourtant, pour une fois, tout ne semblait pas être réellement flou, dans la scène qui se déroulait sous ses yeux. D’ordinaire, il lui fallait un petit temps pour mettre toutes les pièces du puzzle en place et comprendre exactement où il souhaitait se placer par rapport à tout ça; aujourd’hui, ce n’était en rien le cas. « Ok. » Il n’avait pas eu besoin d’y réfléchir à deux fois, la réponse lui paraissait être une évidence même - en grande partie parce-qu’il n’y avait pas réfléchi du tout, en réalité. « Par contre, si tu veux t’y mettre maintenant, faut pas qu’on tarde de trop, Noah devrait être de retour dans pas longtemps. » Le sérieux seul était présent sur ses traits, alors que ses yeux cherchait autant l’heure qu’il était que le gamin en question, pour s’assurer qu’il n’avait pas loupé le retour de son garçon entre les murs de leur nouvelle maison.

Elle aurait préféré le garder tout près d’elle pendant une éternité encore. Ainsi, elle aurait eu le temps de lui décrire avec précision tout l’attachement qu’elle a pour le Beauregard et tous les sentiments qu’elle fait naître en elle, qu’ils soient bons ou mauvais selon le contexte. Leur relation n’a jamais été parfaite, encore moins un long fleuve tranquille, mais il a su se faire une place dans sa vie à force de larmes et de batailles acharnées, d’instants de douceur, aussi, parfois. Aujourd’hui, elle a l’impression de risquer de tout perdre dans le seul but de gagner plus encore et si Lily n’a jamais joué au loto ou tout autre jeu d’hasard, c’est bien pour ça : elle est terrorisée à l’idée de ne pas pouvoir tout contrôler. « Bien sûr que je le sais. » Non, elle ne peut pas le croire. Pas parce qu’elle a parfois tendance à le traiter comme un benêt, mais bien parce qu’elle estime qu’il ne peut pas comprendre à quel point il est important à ses yeux, surtout maintenant que Matt n’est plus là. Le baiser déposé contre son front a tout pour la rassurer, au moins, et elle se permet de souffler doucement contre son cou, prenant garde à ne pas lui laisser de marque de rouge à lèvre. Et, finalement, le voile est levé : Lily veut un enfant, et c’est avec Ezra qu’elle souhaiterait faire cette aventure, pour un millier de raisons faisant du brun la personne qu’il est et tout ce qu’il représente à ses yeux. « Tu veux un bébé avec moi ? » La question est rhétorique, elle n’existe que parce que personne ne fait généralement ce genre de proposition à un ami, à un ex, à un voisin, peu importe ce que représente Ezra. Personne ne fait ce genre de proposition et personne n’en fait encore moins une demande formelle, les yeux dans les yeux. Les lèvres pincées, la trentenaire acquiesce en silence. Il a très bien entendu.

Les quelques secondes de silence paraissent interminables, surtout alors que l’expression de son visage ne trahit pas le moindre sentiment. Elle qui a toujours su lire en lui comme dans un livre ouvert, la voilà dénuée de tout pouvoir, simple mortelle inutile. Ses dents s’en prennent peu à peu à ses joues au fil des secondes égrainées mais à aucun moment elle ne vient perdre le contact avec ses yeux. Finalement, de toutes les réponses qu’elle s’était attendue à recevoir, aucune ne ressemblait à un simple « Ok. » qui a tout pour l’étonner, même venant d’Ezra. Face à une question d’une telle ampleur, elle l’aurait imaginé plus loquace, plus curieux aussi. « Par contre, si tu veux t’y mettre maintenant, faut pas qu’on tarde de trop, Noah devrait être de retour dans pas longtemps. » Si elle n’a aucun mal à comprendre qu’il soit totalement sérieux, Lily de son côté ne peut s’empêcher d’avoir un rire bref mais franc. Déjà, alors qu’il semble occupé à vérifier l’heure et le temps qu’ils ont devant eux pour faire un bébé, elle se contente de revenir faire un pas en avant pour prendre sa main libre dans la sienne. “Je sais pas ce que tu es déjà en train de t’imaginer, Ezra, mais sache simplement que je ne suis pas prête à passer à autre chose, sentimentalement parlant.” Demander à ce qu’il devienne le père de son enfant n’est pas un moyen détourné pour lui demander qu’il soit à ses côtés par la même occasion, en tant que petit-ami. Le cadavre de Matt est encore chaud, elle lui doit une certaine période de respect qui arrivera à son terme quand son coeur aura cessé de se serrer à la simple évocation de son nom. Ses paroles sont douces, elle n’est pas en train de l’accuser de quoi que ce soit, sans doute bien plus amusée par sa réaction que toute autre chose. “Et c’est moi qui veux cet enfant, ce qui veut dire que si tu ne veux pas l’élever ou faire partie de sa vie… je comprendrais. Je ne te demanderai jamais une telle chose.” Lily lui demande de lui laisser une place dans son lit, pas de s’engager à nourrir et aimer une tête blonde en plus jusqu’à la fin de ses jours. Ce pourrait être leur secret et même dans ses pires colères, elle n’aurait rien à lui reprocher, pas s’il lui permet d’enfin accéder à son rêve ultime. “Hey et, Ez, c’est possible que je tombe enceinte sans que la grossesse n’aboutisse. C’est même très possible alors, juste,... te fais pas trop d’espoir, s’il te plaît.” Elle anticipe déjà ses problèmes de santé pour ne pas reproduire les erreurs du passé, espérant pourtant n’être qu’une lanceuse d’alerte qui mettra au monde un bébé en parfaite santé d’ici neuf à dix mois, tout au plus. “T’as pas intérêt de me refiler une saloperie, je te préviens.” Sur un ton bien différent cette fois, elle l’accuse et le prévient, ne sachant où est ce qu’il aurait bien pu trainer ces dix dernières années.

step one, come a
little closer

@lily keegan

***
De toutes les questions que Lily aurait pu venir lui poser aujourd’hui, Ezra ne s’était attendu à aucun moment à celle qui avait franchi la barrière de ses lèvres. Un service, telle était la formulation qu’elle avait choisi d’employer pour amener la conversation sur la table et le jeune homme ne voyait en rien le rapport avec ce qu’elle vint lui demander par la suite. Elle voulait un enfant, il comprenait parfaitement cette partie là. Avec lui, il n’avait pas trop de mal à imaginer les raisons qui lui indiquaient ce choix. En revanche, pour lui cela ne ressemblait en rien à un service mais plutôt à une aubaine; il avait toujours rêvé pouvoir avoir une famille aussi nombreuse que l’avait été la sienne à une époque, à voir des petites têtes blondes courir dans tous les coins et recoins d’une maison, d’un jardin, à toute heure de la journée et de la nuit. Pour lui, il n’y avait pas une seule hésitation à avoir lorsqu’une telle question lui était posée, surtout de la part de quelqu’un qui avait une importance comme celle que Lily avait dans sa vie. Des hauts et des bas avaient beau tenter de se mettre en travers de leur histoire, la jeune femme ne semblait pas comprendre à quel point elle était importante dans son univers à lui également. Il n’y avait peut-être que pour elle et pour Ginny qu’il en viendrait à se plier en quatre et à décrocher la lune en même temps, Ezra.

Alors, lorsqu’un rire vint se faire entendre de la part de la brune, il vint froncer les sourcils, reportant son regard dans sa direction. Si cela relevait d’une mauvaise blague qui la faisait étrangement franchement rire, de son côté il n’aimait pas cette idée là. Sa réponse venait du coeur, était on ne pouvait plus réelle et il n’était pas question que la situation tourne au ridicule de la sorte. « Je sais pas ce que tu es déjà en train de t’imaginer, Ezra, mais sache simplement que je ne suis pas prête à passer à autre chose, sentimentalement parlant. » Toujours les sourcils froncés - Dieu qu’il était perdu dans cette conversation -, il vint hocher son visage quelques fois. « Je sais, je sais. » Ils n’avaient pas besoin de venir épiloguer sur cette partie là de leur vie - rien que l’idée de venir intégrer Matt en prononçant son prénom dans cette conversation avait le don de venir mettre froid dans le dos à Ezra -, mais ce n’était pas pour autant que sa réponse à lui n’était pas d’une évidence même. Elle voulait un enfant, elle avait décidé qu’elle en voulait un de lui; un plus un était toujours égal à deux et il ne voyait pas quelle information ne lui semblait pas évidente pour que Lily vienne en rire de la sorte. « Et c’est moi qui veux cet enfant, ce qui veut dire que si tu ne veux pas l’élever ou faire partie de sa vie… je comprendrais. Je ne te demanderai jamais une telle chose. » Oh, elle parlait de ça. Dieu, qu’il n’avait rien compris du pourquoi elle venait freiner si rapidement alors qu’ils auraient déjà pu passer de la théorie à la pratique. Ne lâchant pas le regard de la brune, il vint serrer sa main dans la sienne, placée par la jeune femme quelques instants plus tôt. « Lily… » Il allait ajouter son nom de famille afin de bien appuyer sur ses prochaines paroles, mais il se ravisa au dernier moment - pour une fois, au bon moment. « … écoute moi bien. » Si elle était passée par un moment de petite hilarité, de son côté Ezra n’avait quitté le sérieux qui prenait part de ses traits. « On m’a déjà fait le coup une fois, on me le fera pas deux fois. Si tu veux un bébé et que tu veux qu’il soit également mon bébé, y’a pas de soucis je suis ton homme quand tu veux et je suis sérieux quand je disais qu’on pouvait s’y mettre de suite mais qu’on devait se dépêcher avant que Noah rentre. » Elle qui avait l’habitude qu’il soit en permanence complètement à côté de ses pompes allait surement être surprise par tant de sérieux dans les paroles du jeune homme - il était lui-même surpris en s’entendant parler. « Par contre, hors de question que ce bébé grandisse sous mes yeux et qu’on fasse genre c’est pas le mien. Si tu veux un bébé de moi, faudra m’accepter avec parce-que l’un n’ira pas sans l’autre. » Son regard accrochait celui de la demoiselle avec une intensité qu’il n’avait pas ressenti depuis bien longtemps. Car en réalité, cette idée de venir faire un bébé semblait comme déjà éclore dans l’esprit d’Ezra à peine avait-elle été implantée; son coeur battait la chamade et l’excitation de toute cette affaire se faisait déjà ressentir en lui.

« Hey et, Ez, c’est possible que je tombe enceinte sans que la grossesse n’aboutisse. C’est même très possible alors, juste,... te fais pas trop d’espoir, s’il te plaît. » Doucement, il vint hocher la tête. « Je sais. » Après une seconde d’hésitation, il vint cependant ajouter un petit quelque-chose. « Enfin, je comprends maintenant que c’est possible. Du moment que je l’apprends pas dans dix ans, je sais et je me ferai pas trop d’espoir. » Oh, le petit tacle placé ici n’était pas nécessaire en temps normal mais semblait indispensable à ses yeux en cet instant. Il n’avait pas eu à hésiter un seul instant pour venir se lancer dans une aventure sui serait surement plus grande qu’eux, mais s’il jouait le jeu il le jouerait à fond. Cela devait être une manière de jouer partagée et il était hors de question à ses yeux de venir apprendre l’envers du décor sur le tard comme ça avait été le cas lorsqu’ils avaient attendu un enfant la dernière fois. « Mais j’ai pas prévu de partir et je suis pas pressé, alors comme je t’ai dit: je suis ton homme, si tu es ma femme. » Et alors, s’apercevant de l’absurdité de la phrase qu’il venait de prononcer, un fin sourire se dessinant malgré tout le sérieux qu'il avait jusque maintenant éprouvé, il vint fermer les yeux et secouer sa tête sans perdre un instant. « Je recommence c’est pas du tout ça que je voulais dire. » Son regard était un brin davantage amusé lorsque ses yeux accrochèrent de nouveau ceux de Lily. « Je suis prêt à être à cent pour cent à tes côtés et à soutenir comme je le pourrais tout ça, mais faut que ce soit partagé et que tu me caches rien, et que tu sois prête à m’avoir encore plus dans tes pattes. » Par être sa femme, voilà ce qu’il entendait. Il ne viendrait même pas rebondir sur tout ce que l’autre version de sa phrase voulait dire, là où il allait déjà enfiler le costume d’un homme qui n’était malheureusement plus.

« T’as pas intérêt de me refiler une saloperie, je te préviens. » Un nouveau sourire vint se faufiler sur ses lèvres. « Je te retourne l’avertissement. » Il avait perçu sans aucun mal la légèreté que Lily avait souhaité insuffler à ses paroles, et il vint accrocher ses wagons à ce train sans aucun mal finalement. « La seule chose que je vais te refiler c’est le plus beau bébé du monde et je te jure que tu vas quand même me détester le jour où tu le mettras au monde. » Il n’avait pu assister à la naissance de son propre fils mais avait connu assez de personnes dans son entourage étant passées par cette étape de vie qu’il ne mentait même pas en venant annoncer ces faits là à Lily.

Lily a tellement de choses à lui dire qu’elle ne sait pas par où commencer, entre le fait qu’elle n’est pas en train de lui demander de reprendre leur relation là où elle s’est arrêtée dix ans plus tôt ni même qu’elle vient lui imposer une paternité dont il ne veut peut-être pas, finalement. Le Ezra dont elle se souvient se rêvait père de dix marmots mais bien des choses se sont passées depuis, bien des épreuves aussi, et depuis le sujet n’a pas été abordé de nouveau entre eux. Alors il aurait eu tous les droits du monde d’avoir changé d’avis, et à aucun instant elle ne lui en aurait voulu d’une telle chose. Lorsqu’il vient soutenir son regard et refermer un peu plus sa main autour de la sienne, pourtant, elle sait déjà à quel genre de réponse s’attendre. « Lily… » Ce n’est jamais une bonne chose lorsqu’il murmure son prénom, elle l’a appris bien malgré elle. « … écoute moi bien. » Ces quelques mots sont encore moins rassurants mais ils gagnent toute l’attention de la brune dont les yeux sondent rapidement ceux du Beauregard. La première salve de paroles est écoutée avec attention, elle tremble légèrement lorsqu’il évoque son envie d’avoir des (un, pour commencer) enfants : jamais elle n’avait entendu ces mots en retour. Pourtant, à chaque instant elle attend qu’il en vienne au bout de ses pensées et que le revirement de paroles débute par un ‘mais’. Il y a toujours un mais, à un moment ou à un autre. « Par contre, hors de question que ce bébé grandisse sous mes yeux et qu’on fasse genre c’est pas le mien. Si tu veux un bébé de moi, faudra m’accepter avec parce-que l’un n’ira pas sans l’autre. » Ses paroles et son ton ne laissent pas de place à un avis contraire et tant mieux, sans doute, parce que Lily n’aurait jamais cherché à l’éloigner de ce futur enfant. Son futur enfant. Allant à contre courant du ton de ses paroles et de la rapidité de ces derniers, elle vient doucement porter sa main contre sa nuque pour la caresser doucement. Sans un mot d’abord, elle laisse quelques secondes de silence avant de les choisir avec soin. “J’espérais que tu dises ça.” Elle espérait qu’il voudrait de cet enfant, qu’il voudrait l’élever et l’aimer comme chacun le mérite. Il aura une famille, il aura même un frère. Il sera entouré et, par-dessus tout, il sera heureux. “Tu es un bon père, je ne t’aurais jamais éloigné de lui par envie.” Il a été un bon père pour Noah malgré les circonstances de sa naissance et de ses premières années de vie, alors elle ne peut qu’imaginer à quel point il sera plus parfait encore pour un enfant qui naîtra à Brisbane, près de lui, et qui grandira à ses côtés et à son contact sans aucune exception. “Mais je veux que tu sois heureux avant toutes choses.” Et si cela avait signifié ne pas élever un enfant supplémentaire, elle l’aurait accepté, au moins soulagée de pouvoir porter le sien et l’élever.

L’idée acceptée par le Beauregard, son devoir lui impose pourtant de lui préciser les difficultés que sa grossesse pourrait rencontrer sans que cela n’ait rien d’inédit, ni même d’inattendu. Si elle commence à y être habituée, ce n’est pas le cas d’Ezra, qui ne manque pas de lui rappeler ce secret qu’elle a tenu durant dix ans. Lily serre les dents, signe évident de son inconfort, mais n’ajoute rien de plus. Il est dans son droit à ainsi le lui reprocher, même elle ne peut pas le nier. « Mais j’ai pas prévu de partir et je suis pas pressé, alors comme je t’ai dit: je suis ton homme, si tu es ma femme. » La formulation est digne d’Ezra, et si son sourire se veut finalement gêné, celui de Lily est triste. Lorsqu’il ferme les yeux et secoue doucement la tête, elle ne le quitte toujours pas du regard, anticipant déjà les traits que leur enfant pourrait tenir de lui et à quel point il lui ressemblera. « Je recommence c’est pas du tout ça que je voulais dire. » Pourtant, c’est un sujet qu’elle voudrait aborder avec lui un jour. Dans sa vision des choses, il semble impensable qu’une femme digne de ce nom puisse avoir un enfant avec le voisin, sans même être en couple avec lui, en étant bien plus loin encore d’être mariée. Si le choix du père s’était posé sur qui que ce soit d’autre, elle aurait imposé un mariage dans le mois à venir, sans prendre en compte ses propres sentiments et encore moins ceux de l’homme en face, simplement en suivant l’idée selon laquelle un enfant doit grandir entouré de ses deux parents, ce derniers liés par les liens du mariage. Pourtant, ce n’est pas n’importe quel homme, et à Ezra elle ne veut pas imposer une telle chose. Le fait qu’elle l’ait choisi pour cette aventure simplifie bien des choses, leurs années communes obligent, mais en compliquent bien plus encore, l’affection infinie qu’elle lui porte oblige. Encore une fois, son bonheur est ce qui doit primer sur le reste, même l’image qu’on pourrait avoir de Lily. Il est sûrement le seul pour qui elle serait capable de se mettre en retrait ainsi. « Je suis prêt à être à cent pour cent à tes côtés et à soutenir comme je le pourrais tout ça, mais faut que ce soit partagé et que tu me caches rien, et que tu sois prête à m’avoir encore plus dans tes pattes. » Il précise ses pensées alors que la brune est perdue dans les siennes, tant et si bien que sa première réponse se résume à un sourire touché. “On va vivre tout ça ensemble, je te le promets. J’ai pas de secrets, Ezra.” Oh si, bien sûr, elle en a des milliers. Mais aucun qui ne touche à cet enfant qui n’existe pas encore, ni même au Beauregard. Elle lui a fait part de son envie de fonder une famille et en comparaison, le reste n’a aucune sorte d’importance.

Essayant à sa façon de faire redescendre la pression, Lily se sert une fois de plus d’une de ses menaces de pacotille dont elle seule a le secret. « Je te retourne l’avertissement. » Elle sourit tout autant que lui, sans même penser un seul instant à être outrée par ces mots. Bien au contraire, il ne fait que jouer le même jeu qu’elle, et cela a tout pour la rassurer. Ils semblent à nouveau insouciants. « La seule chose que je vais te refiler c’est le plus beau bébé du monde et je te jure que tu vas quand même me détester le jour où tu le mettras au monde. » Désormais accrochée à son cou, elle se refuse de laisser le moindre centimètre entre eux, trop occupée à le serrer entre ses bras et à le remercier à sa manière, même s’il a sans doute la pire façon qui soit de la rassurer sur l’accouchement. “Je me désolidarise de toutes les insultes que je risque de te dédier ce jour-là.” Sans en être désolée pour autant, parce que Lily reste Lily en toutes circonstances. Ezra a au moins raison sur une chose, pourtant : il va lui refiler le plus beau bébé du monde, et à ce sujet elle n’est pas capable d’énoncer le moindre doute. La jeune femme décolle finalement son visage du cou du Beauregard pour mieux le place devant lui, observant ainsi ses traits dans un sourire aussi ému qu’amusé. Ils viennent de décider d’avoir un enfant bien plus rapidement qu’ils n’arrivaient à tomber d’accord sur un film, à l’époque. D’autres points communs demeurent entre passé et présent demeurent, tel que le baiser qu’elle avance de façon inopinée, posant ses lèvres sur les siennes comme si elle les découvrait pour la première fois (si on oublie l’épisode datant d’une année à peine et toute une relation vieille de dix ans). Cette fois-ci, aucune n’a le goût d’alcool, ni même plus d’interdit. “Noah rentre dans combien de temps, déjà ?” Les choses auraient dû se passer bien différemment, ils auraient pu avoir un enfant sans que cela n’ait rien de plus logique pour un couple, mais aujourd’hui ce sont des rêves d’enfants qui ne deviendront jamais réalité. Ils feront les choses différemment mais cela ne les empêchera pas d’être heureux, à terme. En témoigne le sourire qu’elle esquisse contre ses lèvres, balayant son passé d’un revers de la main pour mieux se concentrer sur leur futur.