C'est dans un soupir qu'Alma avait poussé les portes de l'hôpital. Le programme de la journée était simple et tristement routinier : rendez vous en radiologie pour un scanner de vérification. Il était temps de vérifier si le mal qui rongeait Maria ne s'était pas développé sur d'autres organes, et c'était Alma qui avait la dure tâche de l'accompagner pour cette journée. Leur mère, incapable de se libérer du travail, aurait préféré être présente bien sûr, mais la brune ferait en sorte de lui délivrer un compte rendu complet dès qu'elle la verrait. Les murs de l'hôpital paraissaient bien trop familiers à Alma qui, encore aujourd'hui, devait en fouler le sol. Il n'y avait pas de pire endroit que celui ci selon elle, car là où certaines voyaient de l'espoir et des guérisons, la mexicaine ne voyait que le désespoir et les risques. Le risque principal, pour elle, c'était purement et simplement de perdre la chose la plus précieuse à ses yeux : Maria. L'innocente Maria, la douce et gentille Maria, l'esprit le plus pur qui pouvait exister en ce monde et qui ne méritait absolument pas la maladie qui la rongeait de jour en jour. Souvent, dans un élan de culpabilité, Alma songeait que sa petite sœur payait pour toutes les horreurs des Gutiérrez : pour le lâche abandon de Sergio, pour les erreurs et la colère de Rudy, pour l'égoïsme de Diego qui favorisait sa carrière plutôt qu'aider sa famille financièrement parlant, pour la jalousie constante d'Alma qui rêvait d'une vie qu'elle n'avait pas. Oui, elle était persuadée que le cancer qui brûlait les veines de son adorable sœur était l'ultime punition d'une famille dysfonctionnelle et brisée. Le petit ange était pris en charge par les médecins. Elle n'avait même pas bronché à l'idée de laisser Alma un moment pour partir avec les infirmières : elle était, pour son jeune âge, déjà bien trop habituée à ces protocoles. Alors qu'elle attendait que l'examen de Maria se passe et se termine pour la ramener, Alma faisait les cent pas. Il était impossible pour elle de s'installer et d'attendre immobile, ses nerfs étaient toujours trop à vif pour qu'elle puisse gérer sa nervosité. Et si elle n'avait qu'en tête l'idée de ce danger incessant de voir sa petite sœur mourir, la brune n'aurait jamais songé à un autre problème qu'elle aurait pu rencontrer ici. Le risque de croiser Winston, par exemple, était loin d'avoir traversé son esprit : c'est pourtant son regard qu'elle venait de croiser au détour du couloir. La surprise se lisait clairement sur son visage à lui comme sur le sien. Ah. Un an sans l'avoir vu et voilà qu'il l'interpellait de la pire des façons. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, Alma aurait été incapable d'ouvrir la bouche pour s'adresser à lui s'il ne l'avait pas fait avant elle. Elle n'était sûrement toujours pas capable de le faire, bien trop perturbée par le mélange douloureux d'émotions qui se bousculait dans sa tête. De la colère après son départ sans explications, de la tristesse parce que leur relation lui manquait toujours un peu, une grosse envie de fuir cette situation bien trop gênante à son goût. Je… Salut? Était-ce une question, là ? Lui demandait-il l'autorisation de lui adresser la parole ? Salut. Son ton était froid, sa voix hésitante. En un mot elle venait déjà de trahir à quel point le croiser était difficile pour elle. Oui, elle faisait des efforts pour passer à autre chose et oui, elle pensait avoir fait le deuil de leur relation. Mais l'avoir juste face à elle changeait clairement la donne. Tout va bien? Elle haussa les épaules, surprise de la question. Comment pouvait-il demander ? Non, ça n'allait pas, il l'avait laissée du jour au lendemain sans aucune raison. Mais avait-elle pour autant le droit de lui faire une crise juste ici, au milieu de ces gens malades ? Avec ta sœur, je veux dire. Il la sortait de ses pensées d'un coup, elle ne s'attendait pas à ça. Finalement, elle était presque déçue qu'il ne s'intéresse pas à elle. Oh, hm, oui.. On est venues faire un contrôle. Ça va, je crois. Parce qu'il était impossible de savoir, en réalité. Et toi ? Fallait-il vraiment continuer cette conversation ? Enfin je veux dire.. toi ça va ?

S'il y a bien quelque chose qu'Alma a appris à ses dépens, tout au long de sa vie, c'est qu'il n'existait pas de notice pour traverser sa vie sans encombres. Il n'y avait aucune façon de gérer à la perfection une famille dysfonctionnelle, l'absence d'un père ou la jalousie dans une fratrie. Rien ni personne ne savait quelle était la chose à dire à une petite de même pas dix ans lorsqu'un homme en blouse blanche venait de lui annoncer qu'elle risquait de mourir avant même d'avoir eu le temps de vivre quoi que ce soit. Personne au monde ne savait non plus comment faire pour traverser une rupture ou pour réparer un cœur brisé. Non, il n'y avait aucun remède miracle même pour la pire des injustices. La brune l'avait compris, elle ne l'acceptait pas pourtant. Tout semblait insurmontable avec tant d'épreuves accumulées, et pourtant elle était toujours là, plus forte que jamais. Il y a quelques semaines, Alma aurait été incapable de regarder Winston dans les yeux sans fondre en larmes. Mais elle apprenait jour après jour, et bien qu'elle sentait sa poitrine se serrer rien qu'à le savoir juste en face d'elle, elle réussissait à donner le change par fierté. Cool. Cool ? Vraiment ? Elle était persuadée que c'était loin de l'être, car malgré tout la petite restait malade. Son état n'empirait pas depuis quelques semaines au moins, alors oui, peut-être que ça l'était au fond. J’espère que ça continuera comme ça. Elle opina du chef, ne sachant trop quoi répondre. Elle aussi l'espérait sincèrement. Elle aurait même voulu pouvoir espérer plus que ça : une rémission, un avenir peut-être ? L'espoir fait vivre, comme on dit. Tu… Elle n'attendait pas avant de prendre des nouvelles à son tour, préférant choisir la direction de la conversation. Oh bah écoute. Un sourire en coin surgit sur les lèvres d'Alma. Elle reconnaissait dans les yeux du jeune homme la flamme qui l'animait lorsqu'il avait des tas de choses à dire, et elle était surprise de voir qu'il avait envie de s'étendre avec elle. Pourquoi ne l'avait il pas fait pour s'expliquer au lieu de rompre sans explications ? Elle aurait préféré. Je m’éclate en chir. On a fait une amputation trans-tibiale y’a pas si longtemps. C’était cool. Elle hocha la tête une nouvelle fois, ravie de savoir qu'il avait enfin trouvé sa voix pour sûr. Contente pour toi. Elle était sincère et s'en mordait la lèvre : elle aurait été encore plus contente s'ils avaient partagé tout ça dans d'autres circonstances. Mais c'était de sa faute à lui, elle n'avait pas à culpabiliser. Je travaille pas mal en ce moment du coup. Mais c’est cool. Tout était cool d'après Winston. Il n'avait que ce mot à la bouche et ça faisait rire Alma intérieurement. Elle le détestait pour mille raisons, elle lui en voudrait sans doute à tout jamais. Mais pour une obscure raison, la façon qu'il avait d'essayer de cacher son angoisse face à cette situation irréaliste amusait la mexicaine. Comme si après avoir souffert si longtemps pour lui - et à cause de lui - c'était à son tour d'être angoissé, de se perdre dans ses mots, de paniquer face à elle. Comme quoi les rôles s'inversent parfois. Enfin. Et toi? Tu gères toujours aussi bien tes deux boulots? Avait-elle réellement envie de jouer à ce jeu là avec Winston ? Avait-elle réellement raison de lui raconter ce qui s'était passé pour elle cette dernière année ? Après tout, s'il avait voulu en savoir plus, il aurait simplement dû ne pas partir - ou reprendre contact plus tôt, avec des explications en prime. Oh, non, ça fait quelques mois que j'ai trouvé un travail vraiment bien dans une agence immobilière. Elle ne put s'empêcher malgré tout de lui donner des nouvelles comme demandé. Elle était fière de pouvoir dire ça, de lui montrer qu'elle avait pu trouver sa voie elle aussi. Et à part ça? Que cherchait-il au juste ? Pourquoi continuaient ils cette conversation ? Y avait-il un sens à tout ça ? Ça va. Qu'elle se contentait de répondre en baissant les yeux pour éviter le regard de Winston. Rien que les habituelles galères de famille... entre Rudy en prison et Sergio de retour pour jouer le père modèle, j'ai pas le temps de m'ennuyer. Il n'avait pas besoin de savoir ça, mais en même temps elle n'avait pas grand monde à qui en parler. Il ne deviendrait pas son confident, c'était certain, mais après tout son ex savait bien ce qu'il se passait chez les Gutiérrez, alors ces nouvelles ne devraient pas le surprendre. Mais je vais bien.. mieux. Parce qu'elle était loin d'aller bien lorsqu'il était parti, parce qu'elle avait mis longtemps à se remettre à sourire. Est-ce que.. est-ce qu'un jour je saurais pourquoi tu as fait ça ? Elle regrettait déjà d'avoir posé la question et pourtant il était trop tard, les mots avaient dépassé sa pensée. Ce n'était ni le lieu, ni le moment pour parler d'eux, mais tant pis.

Une part d'Alma aurait eu envie de prendre Winston dans ses bras. Il lui manquait dans sa vie. La brune pouvait se souvenir de son odeur, du goût de ses lèvres ou du sentiment de sécurité qu'elle avait en se blottissant contre lui tous les soirs. Elle le détestait d'autant plus de la priver de ces choses là. Rester avec lui à faire un brin de causette cordiale était bien plus compliqué à gérer qu'elle n'aurait bien voulu l'admettre mais c'était pourtant là qu'ils en étaient. Parler boulot comme des inconnus le feraient lui brisait le cœur, mais c'était ce qu'ils étaient, aujourd'hui, après tout : deux inconnus. C’est top. Ça doit te faire du bien d’avoir un peu plus de temps libre. Elle opina du chef sans réelle conviction : son temps libre était toujours bien trop chargée entre les rendez vous médicaux de sa sœur et les drames familiaux à gérer. C'est vrai. Mais je n'avais pas trop le choix, après avoir fini aux urgences pour épuisement Diego m'a fait promettre de changer de boulot. Et de n'en trouver plus qu'un au lieu de deux. L'opportunité que lui avait offerte Erika était tombée au bon moment juste après. Win était il réellement la bonne personne à qui dévoiler tout ça ? Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir puisque déjà il posait plus de questions sur sa famille. Ton père est de retour? A son plus grand malheur. Depuis mon anniversaire, oui. Au moins un que Sergio n'aurait pas raté. Winston, en revanche, avait été aux abonnés absents. Pourquoi? Elle aurait aimé le savoir. D'après ce qu'il dit il veut réunir la famille. Je suis sûre qu'il a autre chose en tête. Comme réussir à faire retomber Maritza dans ses bras encore une fois de plus. Mais elle n'avait aucune envie de s'éterniser sur ce sujet là, Alma préférait tenter sa chance avec une question plus problématique encore que celle de sa famille. Leur rupture, à Winston et elle - ou plutôt son abandon. Pourquoi j’ai fait quoi? Les yeux de la brune se levaient en l'air, exaspérée. Avait-il réellement besoin de plus amples explications ? D'une illustration de la question ? Il savait pertinemment ce qu'il avait fait, elle le savait aussi. Se regarder en chiens de faïence et prétendre le contraire ne changerait rien. Alma n'avait pourtant pas le courage de se répéter ou d'exiger des explications. Elle avait tenté sa chance mais refusait de se faire du mal en cherchant à tout prix des réponses qui ne feraient sans doute que rouvrir des plaies en train de cicatriser. Elle était sur la bonne voie en faisant le deuil de cette histoire, retrouver Winston ici ne devait pas la faire faillir. C’est comme ça. Les choses évoluent je suppose. Elle osait espérer que si leur séparation était simplement liée au fait qu'ils aient pris des chemins différents et évolué, une discussion leur aurait permis de s'en rendre compte et de se quitter en bonne intelligence. Ce n'était pas le cas, elle le sentait. Et si elle s'était persuadée qu'il avait eu de bonnes raisons de partir ou qu'il était juste un connard sans cœur, ce qui lui aurait valut, à ses yeux, une raison suffisante ; elle refusait de croire qu'il l'avait fait parce que "les choses évoluent". Il avait une chance : le contexte ne se prêtait absolument pas à une confrontation. L'esprit d'Alma avait déjà bien trop à faire avec son inquiétude pour sa petite sœur. Si tu le dis. Un message pour prévenir que les choses ont évoluées aurait été un minimum, malgré tout.. mais tant pis. Pas de confrontation ne voulait pas dire que la mexicaine se laisserait totalement faire pour autant. Oui, elle était perturbée de la présence de Winston face à elle. Oui, elle avait passé des heures à pleurer pour lui, à cause de lui. Mais elle était une Gutiérrez avant tout, et toutes les politesses du monde ne pouvaient l'empêcher d'avoir le sang chaud. Tu veux un café en attendant ta soeur? Elle jetait un oeil à son portable pour y lire l'heure. Elle avait une bonne vingtaine de minutes devant elle avant le retour de Maria. Ils en ont encore pour un moment alors j'imagine que j'ai le temps pour un café, oui. A quoi bon ? Elle se demandait bien où il voudrait en venir en buvant un café avec elle, mais force était de constater que les hommes avaient tendance à se comporter sans logique autour d'elle ces derniers temps. A deux pas du service se trouvait la cafeteria de l'hôpital, et c'est ici qu'ils se trouvaient désormais. Alma s'empressait de venir commander pour eux deux machinalement avant de se rendre compte qu'elle ne lui avait pas demandé ce dont il avait envie. Tu prends toujours la même chose j'espère. Elle n'avait pas changé d'habitude de son côté, toujours aussi fan des cappuccinos.

Tu as été aux urgences? Elle ignorait pourquoi elle avait eu besoin de lui donner ce détail et s'en mordait les doigts. Il n'avait pas à savoir, n'avait plus aucun droit sur sa vie. Rien de grave. Diego à prit soin de moi. Et puis il lui avait dit qu'elle devrait quitter un de ses boulots, ce qu'elle avait fait peu après. Il a eu raison. Elle eut envie de commenter le fait qu'il se sentait obligé de dire ce qu'il pensait le mieux pour elle mais s'en empêchait. Alors que la conversation déviait dangereusement sur un sujet brûlant, la brune se contentait de dire qu'elle aurait aimé avoir une discussion claire avec Winston bien avant aujourd'hui. Je sais. Il n'avait pourtant pas fait les choses comme il aurait dû. Aujourd'hui il voulait mieux faire visiblement, puisqu'il invitait la mexicaine pour un café. Et bien qu'elle s'en voudrait sans doute d'avoir accepté, c'est ce qu'elle fit. Cool. Comme ils l'avaient fait déjà bien des fois auparavant, ils se rendirent à la cafétériat de l'hôpital où elle leur commandait leurs deux cafés. Rien n’a changé. Si, trop de choses en réalité. Mais ça non plus, elle ne le dirait pas. Tu m’en veux encore? Alma faisait partie des personnes qui faisaient toujours passer les autres en priorité. Pas longtemps rancunière de manière générale, toujours avenante. C'était à la fois preuve de sa grande bienveillance et la pire de ses malédictions. Oui, être bienveillant envers et contre tout était une vertu et lui permettait d'être souvent qualifiée de personne de confiance. Mais c'est aussi ça qui l'amenait trop souvent à souffrir. L'exemple le plus concret était le fait qu'elle ait abandonné ses études pour se consacrer à sa famille, sachant pertinemment qu'en faisant ça elle abandonnait tout espoir de sortir un jour de sa condition moyenne, de se lancer dans une grande carrière. Elle l'avait fait même si sa raison lui avait crié de ne pas le faire, avait tout sacrifié pour les gens qu'elle aimait. Et si elle ne s'était jamais vantée de rien, si elle avait toujours intérioriser ses craintes, ses doutes, elle avait finie par craquer récemment en remettant toute sa rancœur sur les épaules de Diego. Sa relation avec Winston pouvait s'apparenter elle aussi à un sacrifice de plus dans sa vie. Elle avait tout fait pour lui, elle avait tout donné à celui qu'elle estimait être l'homme de sa vie, qu'elle voyait déjà le futur père de ses enfants. Et alors qu'elle avait subit leur rupture, qu'elle avait vécu dans un tel désarroi des mois durant, encore une fois, face à lui aujourd'hui, elle prenait sur elle. Parce qu'il avait beau avoir eu un comportement horrible avec elle, Alma était comme ça. Loin de signifier qu'elle lui pardonnait d'avoir disparu de sa vie du jour au lendemain, c'était simplement sa façon à elle de gérer les choses. Jusqu'au jour où elle finit par craquer, encore. Je sais que c’était pas… top. Alma grinçait des dents. L'instant où elle allait finir par lâcher le fond de ses pensées n'était plus très loin. Dans un accès de colère, elle finit d'ailleurs par lui répondre sèchement. Pas top ? Bien sûr que je t'en veux, tu crois quoi ? Qu'un an de silence et un café à l'hôpital suffiraient à me faire oublier ? Elle s'était soudain montrée plus froide, Win l'ayant touchée dans sa fierté en posant cette question idiote. Des regards s'étaient tournés vers elle, lui faisant réaliser qu'elle avait parlé trop fort - juste assez pour attirer les curieux. Elle se forçait à avaler une gorgée de café qui lui brûlait la gorge, juste pour ne pas faire d'esclandre dans l'hôpital. Ce n'était ni l'endroit ni le moment de régler ses comptes. Les personnes qui se trouvaient ici avaient tous d'autres problèmes bien plus importants à gérer que la crise qui pourrait éclater entre Alma et son ex. Elle aussi, d'ailleurs, avait d'autres choses à penser. Maria devait être et rester sa priorité numéro une. Je suis contente de savoir que tu vas bien et d'avoir de tes nouvelles Win, mais parler de ça... - d'eux, de leur relation et de leur rupture, de lui qui a merdé et d'elle qui a pleuré toutes les larmes de son corps pendant des mois, en somme - c'est trop. J'peux pas. Et qui lui en voudrait pour ça ? Elle s'était déjà montrée bien polie en adressant la parole au brun et en prenant des nouvelles. Resasser lui faisait trop de mal pour aborder le sujet brûlant de leur séparation avec lui, bien qu'elle aurait aimé pouvoir être plus forte, qu'elle aurait pensé avoir réussit à être passée totalement à autre chose. Pardon je.. oublie. Elle en venait encore à s'excuser alors même qu'elle n'était en rien fautive dans cette situation. Mais c'était plus fort qu'elle, tout son entourage le savait. Si la majorité d'entre eux trouvaient ça adorable, d'autres s'en servaient contre elle, et c'était tout à fait ce qu'elle craignait que Winston ferait. Elle n'avait plus de raison d'avoir confiance en lui après tout.

Parler ou refuser d'aborder un sujet douloureux, passer à autre chose ou se remémorer sans cesse les difficultés. Voilà deux choix qu'elle avait dû faire à bien des reprises au cours de la dernière année Alma. La rupture avec Winston avait été douloureuse et elle n'en s'en était jamais cachée. Ni au début face à lui alors qu'il était venu chercher ses affaires, ni par la suite auprès de son entourage devant qui elle n'hésitait pas à verser une larme peu importe à quel point elle haïssait cette sensation de faiblesse. Et si une grande partie d'elle souffrait encore bien trop de cette période et rêvait d'avoir des explications avec celui qu'elle pensait être l'amour de sa vie, tout le reste de son corps lui criait de fuir, de ne jamais lui poser de questions, de rester dans une ignorance qui pouvait sembler protectrice. Oui, apprendre qu'il l'avait quitté simplement par lassitude aurait sans doute raviver des douleurs, rouvert des plaies à peine cicatrisées. Peut-être qu'il valait mieux se convaincre que leur relation devait se terminer ainsi, que tout était écrit et qu'ils n'étaient pas faits pour finir leurs vies ensemble. Dans tous les cas, Alma était sûre d'une seule chose : elle ne savait pas comment réagir face à lui. Un coup sociable et chaleureuse, puis froide et distante ; elle était passée par des tas d'émotions qu'elle avait du mal à gérer, des tas de réactions qu'il lui était difficile de contenir. Mais quelle était la conduite à suivre face à un ex qui nous a fait souffrir ? Elle n'avait pas la réponse et ne l'aurait certainement jamais. Pas oublier. Alors quoi ? Winston et ses réflexions énigmatiques agaçaient la brune. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que s'il savait communiquer correctement, bien des doutes auraient pu être levés. C'est donc à cause de lui qu'elle restait dans le flou, à cause de lui que son cœur avait été brisé, à cause de lui qu'elle était tombée si bas. Oui, il était coupable de tout ses maux, et c'est pour ça qu'elle décidait soudain de refuser toute discussion au sujet de leur rupture. Ok. Je pensais que tu voulais en parler, comme tu avais abordé le sujet... Elle secouait la tête pour appuyer son refus, mais comprenait son incompréhension. Elle avait été la première à poser une question et à se montrer curieuse : elle le regrettait déjà. On en parle plus. Plus jamais, ou plus aujourd'hui ? Peu importe, il fallait qu'elle se sorte cette idée de la tête. Oui c'est mieux. J'aurais pas dû aborder le sujet, et surtout pas ici et maintenant. Mais en même temps, ils n'étaient plus censés se croiser après tout ça. Elle était même sûre qu'il avait toujours prit ses précautions pour éviter Alma lors de ses visites à l'hôpital, et elle s'en portait bien de cette façon jusqu'à présent. Avoir décidé de prendre ce café et de passer ne serait-ce qu'une dizaine de minutes ensemble n'avait rien de logique, et pourtant elle mourait d'envie de rester juste un peu plus avec lui. Je comprends, c’est un peu bizarre comme situation. Bizarre était un euphémisme. Ça me fait plaisir de voir que tu vas bien aussi Alma. Pourquoi avait-elle à la foi envie de l'étrangler et de le prendre dans ses bras ? Par curiosité. Elle s'attendait au pire, fixait son regard dans le sien. Tu as gardé mon numéro? Alma fronçait les sourcils, surprise de sa question. Où voulait-il en venir, au juste ? Oui. Elle répondait simplement la vérité sans chercher à comprendre, sans essayer de commenter. Si elle voulait être totalement honnête, Alma aurait dû lui dire qu'elle avait aussi gardé leurs photos sur son téléphone, certaines bricoles qu'il lui avait achetées ou qui lui rappelaient un bon souvenir d'eux. Elle avait même laissé sur sa messagerie vocale un message de lui sagement enregistré, et bien qu'elle ne l'ait jamais plus écouté après leur rupture, savoir qu'il était là lui avait apporté un peu de baume au cœur certains soirs. Elle aurait aimé savoir se contenter de sa réponse et garder ses secrets pour elle, mais son envie de le piquer l'emportait. Pourquoi, tu attendais que je te rappelle ? Elle prit une gorgée de son café avant de se mordre la lèvre. Enfin je veux dire.. qu'évidemment j'y ai pensé. Mais je n'allais pas le faire. Évidemment. Elle en disait trop et s'en rendait bien compte, mais elle ne savait pas s'empêcher de le faire. Pourquoi tu voulais savoir ça ? Elle le questionnait sans savoir pourquoi elle le faisait. Après tout elle n'en avait plus rien à faire - elle s'en était persuadée.

Pourquoi? Parce qu'elle avait pleuré toutes les larmes de son corps pour lui, qu'elle l'avait détesté comme elle n'avait jamais détesté quelqu'un, qu'il l'avait abandonnée sans jamais lui donner la moindre explication et qu'elle n'aurait eu aucun intérêt à lui montrer une quelconque attention alors que lui n'avait fait preuve que de dédain. Voilà toutes les raisons qui l'avaient poussée à garder le silence et à lutter contre elle même pour ne jamais reprendre contact. Il ne le méritait pas, elle le savait bien, et c'était tout ce qui comptait peu importe à quel point elle avait eu envie d'avoir de ses nouvelles ou combien de fois elle avait brûlé de savoir ce qu'il faisait, avec qui il était et où il se trouvait. C’est pas ce que je voulais dire. Elle lui demandait évidemment les raisons de sa question, ne comprenant absolument pas où il voulait en venir et où cette conversation allait bien pouvoir les mener. S'il disait des choses qu'il ne pensait pas, pourquoi s'obstinait il à continuer cette discussion ? Pourquoi avoir proposé ce café, et pourquoi avait elle accepté ? Alma ne pouvait s'empêcher de songer qu'ils n'étaient que deux idiots incapables de savoir se tenir et converser normalement sans que des sous entendus ne soient ma interprétés, sans que des souvenirs ne reviennent les hanter. Ça devait être ça, avoir aimé quelqu'un, avoir le cœur brisé : un mélange d'émotions indéfinissables qui vous rendent débile. Je sais pas. Par curiosité? Qu'aurait-elle pu faire d'autre ? Le bloquer sur tous les réseaux sociaux et supprimer son numéro de téléphone n'auraient jamais pu apaiser sa souffrance. Alma n'était pas du genre à vouloir se couper d'une partie de sa vie ou d'elle même peu importe à quel point elle avait eu mal. Récemment elle avait accepté de repasser du temps avec son indigne de père, et aussi douloureux qu'étaient les souvenirs qui lui revenaient en mémoire en sa présence, elle se sentait aussi complète de le savoir juste un peu dans sa vie. Couper les points avec Winston avait été suffisamment difficile pour la brune pour qu'elle essaie en plus de complètement l'effacer. Savoir que leur histoire avait valu le coup pour elle était un moyen de garder la tête haute, de savoir qu'elle avait agit de manière juste, et qu'il était celui qui ne méritait rien de tout ce qu'elle avait pu lui offrir. Au moins je sais que si un jour je devais t’envoyer un message, j’aurais pas un c’est qui en retour. Voulait-il dire qu'il y avait pensé, un jour, à la recontacter ? Qu'il avait pensé à elle ne serait-ce qu'une seconde ? Longtemps Alma avait pensé - pour se convaincre que c'était leur rupture était la meilleure chose à faire - qu'il n'en avait jamais rien eu à faire d'elle. Mais son comportement gêné d'aujourd'hui et ses questions laissaient penser le contraire. Winston l'avait il aimée, finalement ? Lorsqu'ils étaient ensembles, elle savait bien que oui. Après sa disparition, elle s'était persuadée que non. Désormais, elle n'avait plus aucune idée de ce qu'elle devait penser de toute cette situation. Je l'ai pas gardé dans l'espoir qu'on se reparle, c'est juste que je n'ai jamais réussi à le supprimer. T'as été important, alors.. Elle balbutiait, se coupait sans réellement finir sa phrase. Elle non plus ne savait plus où elle venait réellement en venir en disant ça. Sans doute même qu'il n'y avait aucun objectif à ces mots, qu'elle avait simplement eu besoin de les prononcer, de lui rappeler qu'elle ne pourrait jamais l'oublier même si elle l'avait haït profondément. On a un peu de mal à s'exprimer tous les deux non? Qu'il lançait l'air rieur, mais il avait raison et ils le savaient tous les deux. C'est clair. Leur conversation ne ressemblait à rien, la fluidité qu'ils avaient alors qu'ils échangeaient pendant des heures à l'époque de leur couple avait visiblement disparue, laissant place à une gêne non dissimulée. Il y a peut être un de nous deux qui s’enfonce un peu. Il lui arrachait un sourire qu'elle s'obstinait à enlever de son visage à l'instant où elle s'en était rendue compte. En même temps le contexte est... particulier. Ils s'étaient promis de ne pas aborder de sujet houleux alors que leurs lèvres en brûlaient d'envie. Alma mourait d'envie de lui dire que tout n'était que de sa faute. La concernant, elle se voyait avec lui pour le restant de leurs jours et n'aurait jamais voulu le quitter. Elle s'était imaginée un avenir avec lui, et si elle avait eu le choix, elle aurait sans aucun doute choisi de rester avec Win peu importe les raisons qui l'avaient amené à partir de cette façon. Je suis déjà impressionnée qu'on soit si civilisés. On dirait presque deux adultes matures qui savent faire la part des choses. Elle se mentait à elle même en affirmant ça, sachant pertinemment qu'en privé, elle aurait réagit bien différemment. Ici, elle se contentait de finir son café pour se forcer à ne pas continuer de dire des choses qu'elle pourrait regretter.