Ses paupières sont lourdes, beaucoup trop lourdes, son alarme sonnait déjà depuis cinq bonnes minutes, si elle ne finissait pas par l’éteindre elle allait une nouvelle fois se faire détester par ses colocataires. Ils avaient la belle vie eux, ils sortaient toujours de leurs lits bien après elle, ils n’avaient pas besoin d’enchaîner plusieurs boulots pour joindre les deux bouts. Lorsqu’ils montraient leur mécontentement, elle n’hésitait pas à leur dire que elle elle travaillait beaucoup. Mitsuko était habituée à se lever de bonne heure depuis toujours, mais elle n’avait rarement ressenti autant de fatigue que durant cette année, ce qu’elle pouvait imputer à son travail de livreuse qui était vraiment physique. La brune avait au moins l’avantage de ne pas avoir à prendre d’abonnement à la salle de sport, ses jambes étant déjà en béton armé. Elle ne trouverait de toute manière pas le temps de faire la moindre activité physique, n’ayant que quelques heures de libres par jour. Elle finit par saisir son portable et arrêter cette fichue sonnerie, elle loucha sur l’heure et se dit qu’il était temps de se mettre un coup de pied dans le derrière. La jeune femme bailla de manière assez bruyante, tout en étirant ses bras. Elle manqua de se ramasser en sortant de sa chambre, un obstacle étant en plein milieu de son chemin. Elle roula des yeux et pestiféra contre celui qu’elle pensait responsable de ce désordre. Le téléphone de l’ancienne chanteuse vibra, elle reconnut immédiatement le prénom d’un de ses collègues et s’attendit à une mauvaise nouvelle. Elle lut le contenu du message tout en continuant son avancée, il s’agissait d’un autre employé de rayon qui lui disait qu’il était actuellement dans son quartier et qu’il pourrait la déposer si elle le souhaitait. Meh, elle préférait encore faire une longue marche à pieds plutôt que de monter dans la voiture de ce pot de colle, qui n’avait toujours pas compris qu’elle n’était pas intéressée par sa personne. Elle déposa l’appareil dans un coin de sa cuisine et n’y retouchera pas avant d’être prête à partir.

Elle prit le chemin de son bus, qui n’était que rarement rempli à cette heure-ci, c’était bien l’un de seuls avantages qu’elle trouvait dans le fait de pratiquer ces horaires. Mitsuko pointa machinalement avant d’entrer dans le vestiaire, elle enfila le gilet sans manches aux couleurs de l’enseigne et rejoignit son premier rayon. Elle salua à peine ses collègues, sa sociabilité étant absente lors de ses premières heures de travail. La jeune femme ne répondra même pas à leur « ça va ? », sachant qu’ils se fichaient éperdument de sa réponse, tout comme elle n’avait rien à faire des leurs. Cette matinée lui semblait interminable, l’envie de respirer l’air frais se faisait cruellement ressentir. S’apercevoir que les premiers clients arrivaient, lui donnait l’envie accélérer la cadence, parce qu’elle craignait déjà d’être interrompue par des demandes de renseignements. Cependant il ne s’agissait pas de sa plus grande peur, non ce qu’elle détestait le plus c’était d’être dérangée par les premiers cris de nourrissons qui finiront tôt ou tard par résonner dans les rayons. Elle avait justement du lait en poudre dans les derniers articles qu’elle devait mettre en rayon, encore et toujours, comme si on faisait exprès de lui en donner. Alors qu’elle s’attelait à ses dernières tâches, elle remarqua qu’une personne pas très adroite essayait d’attraper des objets, elle fit tomber l’un d’entre eux au pire des droits : là où se trouvait une poussette bien évidemment occupée. « Attention ! » Qu’elle cria tout en s’élançant, elle attrapa de justesse le pot qui allait atterrir dans la tête du bébé et elle lâcha un soupir de soulagement. Elle se tourna vers la personne maladroite et lui asséna : « Demandez de l’aide la prochaine fois, on est là pour ça. » Mitsuko ne savait pas ce qu’il lui prenait d’être à la limite d’enguirlander une cliente, ce qui allait certainement lui attirer des problèmes si l’adage ‘ le client est roi ’ était pris autant au sérieux ici qu’il ne l’était au Japon.

L’esprit de Mitsuko vagabondait souvent lorsqu’elle se retrouvait dans ce magasin, travailler toute seule et se retrouver dans des allées où il n’y avait pas encore de clients ne l’aidait pas à garder les pieds sur terre. Et encore, si la demoiselle avait le droit de bosser avec ses écouteurs, cela serait encore pire. Elle devait donc se contenter de la musique diffusée par le supermarché, ce qui ressemblait la plupart du temps à de la torture, elle détestait cette soupe commerciale qui était servie à ses oreilles quotidiennement. Mitsuko ne savait pas qui gérait cela, si le supermarché était obligé de diffuser une radio en particulier, mais il n’y avait nul doute que si elle avait été aux manettes, les morceaux auraient été choisis avec bien plus de goût. Hélas elle n’avait pas le moindre pouvoir sur quoique ce soit, elle ne pouvait même pas suggérer l’ajout de nouveaux articles, son avis d’étrangère ne comptait pas parce qu’elle ne connaissait rien aux besoins des Australiens selon eux. L’employée de rayon avait été particulièrement vexée de cette remarque, cela faisait sept ans qu’elle vivait dans ce pays, elle ne se considérait plus comme tel depuis un moment. Cependant elle avait su se taire, parce que c’était ce qui était attendu d’elle après tout. Elle ne faisait plus que le strict minimum, ils n’en méritaient pas plus, elle avait décidé que ses efforts seraient proportionnels à son salaire et à sa façon d’être traitée. Il n’y avait pas une seule perspective d’évolution par ici de toute façon et puis elle finirait bien par trouver mieux un jour. L’espoir faisait vivre, elle n’avait jamais autant trouvé de sens à cette phrase que maintenant. Elle soupira discrètement, profitant d’avoir encore une certaine tranquillité, qui allait être menacée d’une minute à l’autre, elle le sentait venir.

Elle avait eu du flair ou plutôt fait preuve d’un esprit critique, parce qu’elle savait que le rayon possédant des articles pour nourrissons était un aimant à problèmes. Mitsuko n’avait pas le souvenir d’une seule journée où il ne s’y était strictement rien passé, ce qui la confortait dans sa vision négative de la parentalité. Elle avait cette impression d’y croiser des zombies plutôt que des humains, tant qu’elle s’était habituée à voir des parents au bout du rouleau, compressés par la nouvelle vie qu’ils menaient. La brune avait reperé une maman de petite taille, qui s’entêtait à aller chercher l’objet qu’elle convoitait toute seule. Soit elle ne l’avait pas vue, soit elle se persuadait qu’elle était plus grande qu’elle ne l’était réellement, dans tous les cas elle savait que cela ne pourrait pas avoir d’issue positive. L’employée de rayon ne manquera pas de réflexes, ni de rappeler son existence à la cliente. La demoiselle réagira moins mal qu’elle ne le craignait, puisqu’elle lui apporta une justification et un remerciement, plutôt que de lui dire qu’elle irait se plaindre à la direction. Est-ce qu’assister à une telle scène lui redonnerait foi en l’humanité ? Oui, jusqu’au moment où elle se rendit compte qu’elle avait à faire à un visage familier. Mitsuko ne l’avait pas reconnue, parce qu’elle ne l’avait rencontré qu’une seule fois, brièvement dans un parc. Cependant elle se souvenait très bien de cette entrevue, qui ne s’était pas très bien passée et elle se savait pleinement fautive. Elle n’aurait jamais cru que cette inconnue - à qui elle ne donnait même pas vingt ans - se révélerait être la mère du bébé, elle s’était donc permise de dire qu’elle aurait détesté être à sa place, à jouer la babysitter. Manque de bol, elle avait fait de très mauvaises suppositions, ce qui lui avait valu une bonne remontrance. Elle ne s’était pas excusée pour autant, parce qu’elle s’était trop emportée à son goût.

Maintenant qu’elle se retrouvait de nouveau face à elle, elle se demanda si cela n’était pas une bonne occasion d’effacer l’ardoise. Elle décida de rebondir sur sa dernière phrase. « Non on s’est mal comprises, je n’ai pas dit que je n’aimais pas les babysitters. L’anglais n’est pas ma langue natale, je me suis peut-être mal exprimée. » Jouer l’ignorante l’aidait plutôt bien dans ce genre de cas de figure, elle maîtrisait très bien la langue de Shakespeare, sa mère avait toujours veillé à ce qu’elle ne l’oublie pas, même si elle avait passé presque toute sa vie au Japon entourée de personnes qui ne la parlaient pas du tout. « Je voulais dire que je n’aurais pas aimé exercer ce type de boulot, c’est tout. Je compatissais à ma façon. » Alors que rien n’indiquait que la demoiselle n’aimait pas avoir à s’occuper de son enfant, elle était partie du principe qu’une femme aussi jeune devait forcément penser comme elle. La jeune mère devait bien se moquer d’elle là tout de suite, maintenant qu’elle découvrait qu’en plus d’être livreuse elle faisait un autre travail tout autant dénué d’intérêt. « Avec du recul je me rends compte que j’ai eu un comportement déplacé et j’en suis désolée. » S’excuser auprès de quelqu’un qu’elle ne connaissait même pas, c’était plutôt inédit pour elle, surtout sans en attendre le moindre bénéfice derrière. Mitsuko ne voudrait certainement pas l’admettre, mais depuis qu’elle était sortie de prison elle essayait de devenir une meilleure personne. Cela n’avait l’air que d’un petit pas, mais reconnaître ses torts relevait de l’exploit pour la brune. « Enfin bref, dites-moi si vous avez besoin de quelque chose, je suis assez grande pour l’attraper. » Elle s’en vanterait presque, l’employée de rayon avait toujours trouvé jouissif de ne pas correspondre à un des plus gros clichés qui circulaient sur les asiatiques.  

Faire les courses était assimilable à une corvée pour Mitsuko, cela devait être encore pire en ayant à surveiller un nourrisson, même si un enfant ne sachant pas marcher ne devrait pas poser trop de problèmes, en principe. Elle en oubliait néanmoins qu'il ne s'agissait pas du seul être pouvant commettre des bêtises, la preuve avec la mère qui avait voulu se débrouiller toute seule. L'employée du rayon n'aimait pas demander de l'aide aux autres, mais au vu de la petite taille de la demoiselle c'était ce qu'il y avait de mieux à faire pour elle pour éviter les accidents, même si elle pensait de la même façon qu'elle. Mitsuko avait l'habitude d'attraper des choses pour les autres depuis bien longtemps, elle avait souvent été la plus grande de ses bandes de copines. C'était une façon simple d'être serviable, sans devoir fournir trop d'efforts, à part quand l'article en question était lourd, ce qui était plutôt rare. Si elle avait repéré ce que la cliente voulait vraiment, elle aurait pu le lui donner après son avertissement et s'en aller juste après, mais découvrir son identité l'empêcha de la questionner de manière immédiate. Elle ne pouvait pas jouer à l'idiote qui avait totalement oublié la scène qui s'était déroulée dans un parc, même si cette jeune femme avait probablement tourné la page. La brune avait suffisamment réfléchi depuis, même si elle s'était imaginée qu'elle ne recroiserait jamais cette inconnue, ce n'était pas une raison valable pour refuser de reconnaître ses torts. La cliente visait juste quand elle lui disait qu’elle pensait qu’elle n’aimait pas les enfants, bien que les apprécier ne soit pas une obligation, il était un peu délicat de l’admettre. L’ancienne chanteuse ne les détestait pas depuis une éternité, en réalité elle avait beaucoup de mal avec eux depuis qu’elle était sur le sol Australien, où ils étaient plus nombreux et éduqués d’une manière bien différente. Il serait malvenu de faire une comparaison entre les deux pays et leurs façons de faire, alors elle lui répondu : « Je pense surtout que s’occuper d’un bébé doit être particulièrement stressant et fatiguant. » Il y avait une grande part de vérité dans ses paroles, elle pensait qu’il n’y avait rien de plus angoissant que de devoir s’occuper d’un être aussi fragile et bruyant.  « Je ne considère pas le baby-sitting comme un sous-métier, je trouve au contraire qu’il faut avoir un certain courage pour l’effectuer. » C’était quand même bien plus simple de s’occuper de marchandise, qu’elle soit alimentaire ou non plutôt que d’un humain, surtout d’un humain qui dépendait de soi pour absolument tout. Maintenant qu’elle en parlait de cette façon, elle se rendait compte qu’en réalité elle devrait presque complimenter cette cliente, qui n’avait pas opté pour la facilité en décidant de devenir mère si jeune, elle n’aurait clairement pas fait le même choix à sa place.
 
L’entendre dire qu’il n’y avait pas de mal la soulageait, parce qu’elle n’avait pas eu cette impression quand elle l’avait rencontré la première fois. Elle avait ajouté que ce n’était pas comme si elle s’était attaquée au physique de son enfant, ce qui la fit doucement rire. « Non je ne me serai jamais permise de dire ça, ce n’est pas du tout le cas elle est très mignonne. » Mitsuko ne disait même pas cela pour lui faire plaisir, elle le pensait vraiment. Elle trouvait souvent que les bébés qui venaient de naître étaient plutôt laids, mais lorsqu’ils étaient âgés de quelques mois elle pouvait les trouver agréables à regarder et même à entendre, quand ils rigolaient mais étant donné qu’elle les entendait plus souvent pleurer, elle retenait plus facilement le négatif. L’employée de rayon indiqua son indication et attrapa la boîte qu’elle convoitait, avant de la lui tendre. « Voilà. » Une fois qu’elle en fut dépossédée, elle regarda sa montre électronique, son service touchait à sa fin. « Si jamais vous avez besoin d’autre chose c’est maintenant ou jamais, je vais bientôt partir. » Mitsuko avait hâte de retirer ce gilet laid à l’effigie de l’enseigne, qui allait certainement attirer l’attention de clients avides d’aide avant qu’elle ne puisse rejoindre les vestiaires. Ses paroles semblaient avoir atteints les oreilles du collègue qui l’avait contacté avant qu’elle ne quitte son appartement, celui-ci apparu soudainement à un mètre d’elle, une proximité qui la gênait déjà. « Hey Mitsuko étant donné qu’on termine en même temps, tu veux que je te ramène ? » Comment pouvait-il s’imaginer qu’elle accepterait de monter dans sa voiture pour l’aller alors qu’elle n’avait jamais pas voulu le faire pour le retour ? Ce type avait décidemment trop d’espoir. Elle avait refusé en prétextant qu’elle était déjà dehors et que son bus était sur le point d’arriver, cette fois elle allait devoir en trouver autre chose. Mitsuko essaya de réfléchir très vite, elle eut soudainement ce qui lui semblait être une idée de génie pour se débarrasser de lui. « Non je n’en ai pas besoin, je vais aller boire un verre avec mon amie. » Dit-elle en lançant un regard à la demoiselle, qui sous-entendait qu’elle avait besoin de son aide. Il n’allait certainement pas chercher à s’incruster dans une entrevue avec une inconnue et encore plus avec un bébé en prime. Il ne comprenait pas quand elle lui disait de façon simple qu’elle n’était pas intéressée, elle était donc obligée de ruser, surtout qu’elle le savait plutôt proche de leur chef. Elle ne savait pas s’il serait capable de lui dire n’importe quoi sur elle, prendre des précautions était donc nécessaire.

Lorsque la jeune femme parlait, Mitsuko avait l’impression que pour elle s’occuper des enfants n’était horrible que lorsqu’ils avaient de mauvais tempéraments. La brune avait pourtant l’impression que les démons étaient légion par ici, mais elle en demandait certainement trop aux progénitures australiennes, qui n’étaient clairement pas élevés de la même façon. Sa mère était originaire d’ici, mais elle n’avait pas connu la joie d’avoir une éducation permissive ou plutôt ‘ bienveillante ’ comme il était tendance de la nommer ainsi en ce moment, parce que son père avait veillé au grain. Elle n’avait jamais été aussi libre que depuis qu’elle s’en était éloignée, même si ironiquement elle n’aurait sûrement jamais commise d’actes pouvant l’amener en prison si elle l’avait eu sur son dos. La cliente lui avait au moins accorder qu’il était fatiguant de gérer un enfant, mais elle lui demandait tout de même si elle accepterait de garder un enfant. « Je dirai non, à moins qu’il ne s’agisse d’un membre de ma famille. » Il serait plus difficile de refuser dans ce genre de cas, mais Mitsuko était plutôt tranquille à ce niveau, sa mère ne risquait pas d’enfanter de nouveau. Elle avait aussi quelques cousins dans le coin, mais ils étaient encore plus jeunes qu’elle, elle ne se faisait donc pas de soucis de ce côté-là, elle n’était pas prête d’avoir des enfants dans les pattes. Son manque d’amour pour eux ne l’empêchait pas de les trouver mignons, elle venait de le prouver en complimentant sa fille. Elle semblait avoir la chance d’avoir les yeux clairs de sa mère, s’il y avait bien une chose qu’elle aurait souhaité modifier dans sa propre apparence cela serait sûrement la couleur de ses yeux, qu’elle trouvait trop banale. Mitsuko ne fera pas ce commentaire à haute voix, parce qu’elle se tromperait peut-être en parlant de ressemblance avec la demoiselle, elle ressemblait peut-être plus à son père et il n’était pas dit qu’elle soit encore avec lui. Les australiens étant plus lâches que les japonais, elle serait même prête à parier que ce n’était plus le cas. L’employée de rayon se trouvait presque horrible de faire de tels pronostics sur sa vie en se basant simplement sur son âge, elle décida de se sortir de ces pensées en lui proposant son aide.

Mitsuko avait rempli son devoir, elle n’avait plus qu’à s’en aller, quitter cette cliente avant de se faire alpaguer par des clients. Elle était loin de se douter que c’était son collègue qui allait pointer le bout de son nez. Elle ne supportait plus sa fausse gentillesse, qu’elle percevait plutôt comme une insistance dissimulée. L’employée de rayon avait décidé de se servir de la cliente pour se sauver, elle espérait que celle-ci ne tomberait pas dans le panneau du jeune homme. La demoiselle accepta de rentrer dans son jeu, elle la remercia intérieurement et afficha un grand sourire. « Oui, à tout à l’heure. » Dit-elle avant de congédier définitivement son interlocuteur. Elle fila en direction de la sortie et soupira une fois qu’elle se retrouva enfermée dans les vestiaires. « Putain de pot de colle. » Mitsuko n’aimait pas devoir être redevable, l’inconnue n’avait peut-être pas fait grand-chose en acceptant de se faire passer pour son amie, mais elle lui avait tout de même fait une fleur. La brune se sentait donc obligée de la revoir pour la remercier oralement. Elle n’avait pas beaucoup de temps devant elle, elle avait remarqué que les files d’attente n’étaient pas très longues. Une fois débarrassée des choses superflues, elle se regarda brièvement dans un miroir et partit rejoindre l’extérieur. Elle se plaça près de la sortie et attendit patiemment que la jeune mère n’arrive. Pourvu qu’elle ne tarde pas trop. Elle finit par repérer sa poussette, elle s’approcha d’elle doucement pour ne pas surprendre. « Merci pour le coup de pouce. C’était un ami du patron alors je devais le ménager. » Elle ne pouvait pas le traiter comme les autres, elle qui d’habitude n’avait que peu de scrupules à l’idée de briser les espérances des hommes. Mitsuko s’était sentie obligée de se justifier, pour ne pas avoir trop l’air de quelqu’un incapable de se démerder tout seul, en plus d’avoir été une demoiselle jugeant trop facilement ce qu’elle avait en face d’elle. En réalité elle ne comprenait même pas pourquoi elle tenait autant à l’image qu’elle pouvait dégager auprès d’elle, elle ne pensait même pas qu’elle allait forcément la recroiser dans les rayons. « Je te laisse tranquille, tu dois avoir des choses à faire. » Mitsuko quant à elle avait encore un petit laps de temps devant elle avant d’enchaîner son second boulot.