C'est dans la salle d'attente du St Vicent's hospital que l'Italienne avait ignoré la sonnerie de son téléphone pour la énième fois, préférant réduire ce dernier au silence par la même occasion, histoire de préserver la tranquillité des autres patients. Ce n'était pas nouveau, Gaïa évitait ses appels. Depuis un moment maintenant, depuis que la journaliste était rentrée d'Alice Springs, pour être honnête. Depuis qu'elle l'avait laissé sur place pour rentrer avec Maze, lui qui avait préféré tourner les talons plutôt que d'affronter la discussion que Gaïa avait amorcée. Et si la journaliste s'était sentie vulnérable comme rarement en osant poser une question, la réaction de Vittorio par rapport à la situation avait fini de la mettre à terre. Alors elle avait fui à son tour, désertant sa chambre d'hôpital après avoir eu le feu vert des médecins, repartant au bras de sa meilleure amie sans laisser la moindre explication à Vittorio. Et oui, depuis, elle faisait la morte. Mais malgré le silence que Gaïa lui imposait depuis des semaines maintenant, il continuait d'envoyer des messages de temps à autre, ou d'essayer d'appeler. À croire que Vittorio ne voulait pas comprendre son silence. Malgré tout, il n'avait pas encore osé débarquer à l'appartement de la jeune femme, alors même qu'il détient un double de ses clés, ce qui au fond voulait sûrement dire que dans un coin de sa tête, l'Italien se sentait peut être fautif. Du moins, c'était ce qui l'Italienne osait espérer, supportant bien plus mal l'absence de Vittorio que ce qu'elle avait bien voulu admettre à voix haute.
Mais pour le moment, Gaïa préférait se concentrer sur ce qu'il y avait autour d'elle, sur les gens qui feuilletaient un magazine et ceux qui grognait sur le distributeur de caféine, chacun attendant la même chose: qu'on l'appelle pour ce pour quoi il était venu. Une radio de contrôle déjà effectuée, l'Italienne, elle, s'apprêtait à affronter une énième séance de kiné, un moment qu'elle redoutait particulièrement car son épaule la faisait toujours souffrir sur certains mouvements, chose que le praticien s'appliquait à exploiter. C'est en grande partie pour cela que la jeune femme voyait le kiné davantage comme un tortionnaire que comme un soignant, n'assistant à ses séances de rééducation que parce que Maze l'y obligeait. Plongée dans ses pensées, l'Italienne n'avait pas remarqué tout de suite l'homme qui venait de s'assoir sur le siège d'à côté. Gaïa observait distraitement les mains de son voisin, sans réellement les voir, puis remontant jusqu'à ses traits qui bizarrement lui parurent familier, la faisant sortir de sa réflexion. Il s'obstinait à regarder ailleurs, et fronçant les sourcils, la journaliste l'avait dévisagé sans la moindre gêne. La jeune femme avait souvent été trop curieuse dans le passé, et ça lui avait déjà joué des tours, cependant elle n'avait jamais pu résister à aller vérifier ses intuitions, et ce peu importe le contexte. Il avait dû sentir le regard de la journaliste sur lui, puisqu'il avait fini par tourner légèrement la tête, permettant à Gaïa de découvrir le visage de son voisin dans son ensemble. Un tas de souvenirs refaisant surface au même moment dans son esprit, sans qu'elle s'y attende. Rome, il y a des années maintenant. Il avait vieilli, mais... « Martin? » La jeune femme était quasiment certaine de ne pas se tromper, et bouillonnait en attendant de voir si l'homme en question allait la reconnaître, ou si elle s'était lamentablement plantée quant à son identité.
Dans un soupire je me laisse choir sur la seule chaise qui est encore libre dans la salle d'attente de l'hôpital. Fermant les yeux, je me masse les paupières avec mon pouce et mon index gauche, essayant ainsi de chasser la fatigue qui s'est accumulé en moi depuis ma sortie de l'hôpital. Donc depuis un mois déjà. Peut-être devrait-je évoquer mes insomnies avec le médecin tout à l'heure ? Quoique, il va encore me mettre sous médoc et je sais que je ne passerais pas à la pharmacie pour le récupérer. J'irais de moi-même racheter du CBD à celui qui à l'habitude de me voir, depuis le temps. Expirant doucement, je me redresse, retient un bâillement et regarde autour de moi alors que, instinctivement, je fais bouger les doigts de ma main droite avant d'étirer doucement les muscles encore bien engourdi de mon bras. J'ai l'impression que ceux-ci sont un peu plus tendu que la veille et voilà que mon esprit se persuade à nouveau que c'est la spasticité qui s'installe finalement et qui va, au fur et à mesure, me priver de l'utilisation de ce bras. D'ici quelques mois, je vais me retrouver avec un bras totalement paralysé et douloureux. Alors qu'en vrai les muscles sont juste un peu plus tendu parce que l'utilisation de ce membre dominant n'est plus aussi normale et naturelle qu'avant.
Alors que j'observe ma main, je remarque que, du coin de l’œil, la jeune femme à mes côtés me regarde. Pendant quelques secondes de plus j'essaie de me dire que son regard n'est pas posé sur moi mais sur la porte par laquelle les différents médecins nous appelleront, avant de me rendre compte que cette dite porte est de l'autre côté. Prenant une profonde inspiration, je fini par me redresser et relève mon visage vers la jeune femme. Et c'est un éclaire qui me traverse lorsque mon regard s'accroche au sien et que nous nous reconnaissant mutuellement. «Gaïa ? » demandais-je en même temps qu'elle prononce mon prénom.
L'étonnement est bien visible sur chacun de nos visages alors que nous nous dévisageons pendant ce que je suppose être de longues minutes, aucun de nous ne sachons réellement quoi dire, tant notre histoire commune remonte à longtemps. En quittant la jeune femme à Rome des années plus tôt, je pensais sincèrement que je ne la reverrais plus jamais. Et pourtant elle est là, assise à mes côtés dans cette salle d'attente. «Je ne pensais pas te revoir un jour» dis-je finalement à mi voix pour ne pas déranger les autres patients présent « Encore moins dans un endroit aussi ...lugubre» je souris doucement en désignant la salle d'attente avant d'hausser les épaules «Qu'est-ce que tu fais ici ? » mon éternelle curiosité insatisfaite est autant porté sur sa présence en ville que celle à l'hôpital.
« Martin? » Elle prononce un prénom, celui qu'elle pense être celui de l'homme juste à côté d'elle. Et en retour, presque en écho, la journaliste entend son prénom à elle, dépasser des lèvres de son voisin, qui semble l'avoir reconnue à son tour. La surprise est là, et au son de sa voix, des souvenirs remontent jusqu'à son esprit. Des souvenirs datant de Rome, des années plus tôt. Des souvenirs d'une étreinte, de plusieurs même, le temps d'une aventure intense de 7 jours. « Je ne pensais pas te revoir un jour. » Il chuchote, et il a raison, alors la jeune femme décide à son tour de moduler le volume de sa voix. « Tu m'en diras tant. » La jeune femme avait beau réfléchir, tenter de se rappeler, elle n'avait pas le souvenir que Martin lui ait un jour parlé de Brisbane. Alors si retrouver l'Italienne ici pouvait le perturber, pour la brune la surprise était tout aussi importante. « Encore moins dans un endroit aussi ...lugubre. » À avoir, Martin n'aimait pas les hôpitaux, ce n'était pas difficile à deviner. Mais si ce dernier décrivait la pièce dans laquelle ils se trouvaient comme lugubre, Gaïa, elle, ne partageait pas totalement son avis. Pour elle, c'était propre, immaculé même, ça sentait la javel, le chlore et surtout ça lui rappelait son séjour forcé d'il y a quelques semaines. Épisode qu'elle essayait péniblement d'occulter, plus pour raisons sentimentales que médicales, d'ailleurs... « Qu'est-ce que tu fais ici ? » La jeune femme arque un sourcil, avec un sourcil en coin. « Ici en Australie? Ou ici à l'hôpital? » Retenant une grimace, la journaliste avait légèrement relevé son bras en écharpe pour que Martin puisse le voir, lui qui était jusque là dissimulé sous sa veste. « Accident d'avion. J'ai fini aux urgences il y a quelques semaines. Une épaule abîmée et un gros coup sur la tête. Je suis là pour la rééducation. » Car son épaule avait été suffisamment abîmée pour qu'elle en ait toujours besoin aujourd'hui. Gaïa avait échappé de très peu à une opération, mais parfois elle se demandait si elle n'aurait pas moins souffert avec une intervention. Mais puisqu'il était trop tard pour continuer à y songer, elle allait docilement à sa rééducation plusieurs fois par semaine, parfois à l'hôpital, et d'autres fois dans un cabinet en ville. L'hôpital, c'était juste quand il y avait des examens neuro à faire. Et le dernier de Gaïa, c'était aujourd'hui. Ensuite, elle n'aurait plus à y penser. « Et pour l'Australie... C'est compliqué à expliquer. Et c'est long, surtout. Je suis arrivée en septembre 2016, au cas où tu te poserais la question. » L'italienne avait lâché un soupir en repensant à tout ça. Ça lui paraissait si loin, maintenant... Et il s'était passé tellement de choses depuis qu'elle avait débarqué sur le sol australien, 5 ans plus tôt... Secouant la tête, elle avait relevé les yeux vers Martin. « Et toi alors, qu'est-ce que tu fais dans le coin? À l'hôpital et en Australie, tu voyageais beaucoup à l'époque, mais je ne me souviens pas que tu m'aies parlé de l'Australie...» Curieuse, la journaliste s'était laissée retomber en arrière, s'appuyant sur le dossier de sa chaise, l'attente de son rendez-vous semblant désormais bien moins ennuyeuse.
S'il y a bien une personne que je n'aurais jamais imaginé revoir un jour c'est bien Gaïa. Il y a des années de cela nous avons passé une semaine incroyable, a visiter tous les recoins touristiques et cachés de Rome et à faire l'amour dans les endroits les plus improbable. Cette semaine était magnifique et magique car nous savions tous les deux que ce n'était que de courte durée. Dès le début de nos rencontres j'ai été sincère : je ne resterais que 7 jours, pas un jour de plus. Alors nous avons pleinement profiter de ces jours qui nous étaient offert. Et lorsque nous nous sommes quitté, c'était avec le cœur léger car nous étions préparé. Ainsi mon départ ne nous a pas déchirer et nous avons perdu tout contacte. Quelles étaient donc les chances que je revois la belle italienne ici, à Brisbane, des années plus tard ? Encore plus dans un hôpital ?
La réponse est pour le moins étonnant : accident d'avion. J'écarquille les yeux et l'interroge du regard, la surprise se lisant parfaitement sur mon visage «Ah ...ah ouais quand même » soufflais-je «Tu fais pas les choses à moitié hein » je laisse échapper un rire avant de secouer la tête « Et en plus tu t'en sors seulement avec une épaule abîmée ? Eh ben dis donc ...» car avouons-le : en général les crash d'avion c'est assez fatal pour la plupart des gens qui sont à l'intérieur. Mais Gaïa ne s'arrête pas là et m'explique que les raisons pour son arrivée en australie en 2016 sont 'compliqué' «2016 ?! » m'exclamais-je en écarquillant encore plus les yeux «bon, va falloir que tu m'expliques le pourquoi du comment, tu a réveillé ma curiosité là »
Et évidemment que la jeune femme me retourne la question et j'avoue que j'hésite un instant à lui dire la vérité. Mais à quoi ça servirais de lui mentir ? De toute manière j'ai comme un pressentiment que maintenant que nous nous sommes retrouver nous allons passé quelques temps pour rattraper le temps perdu. Autant être sincère dès le début, non ? « Sclérose en plaque» dis-je sobrement «Diagnostiqué l'année dernière en mai et qui a évolué vers une forme plus sérieuse en septembre dernier » j'essaie comme je peux de ne pas faire sentir à quel point ce nouveau diagnostique m'affecte moralement «Je viens ici pour un contrôle standard chez le Dr Sanchez, le neurologue de l'hôpital » j'hausse les épaules et pose mon regard sur Gaïa «Mais sinon je suis en Australie depuis 2012 » changeais-je de sujet «J'ai fait mes études de kiné ici, je me suis engagé auprès des sea shepherd puis j'ai tout plaqué et j'ai quitté la ville pour m'installer en Irlande en 2017 ...avant de revenir en Septembre 2019. Et depuis y a plus rien qui va dans ma vie » je laisse échapper un rire jaune, mais n'en dit pas plus, refusant de plomber encore plus l'ambiance déjà bien pesante de cette salle d'attente. «Du coup je suppose que t'as fini tes études ? Tu exerce où ? ? » autant reprendre un sujet qui n'a rien à voir avec tout ce que j'ai annoncé en même pas deux minutes.
Il lui avait demandé ce qu’elle faisait ici, dans la salle d’attente de l’hôpital, et la réponse ne s’était pas faite attendre. L’accident d’avion qui l’avait propulsé jusqu’ici était encore un souvenir à vif dans son esprit, et la réaction de Martin en face n’est pas étonnante. L’air surpris, il s’était sans doute demandé si la jeune femme était sérieuse, mais en voyant qu’elle ne se déridait pas, pas même d’une esquisse de sourire, il avait plus ou moins eu l’air d’accepter l’idée qu’elle n’était pas en train de se foutre de sa gueule. « Ah ...ah ouais quand même. Tu fais pas les choses à moitié hein… » Il avait lâché un rire, avant de secouer la tête. Gaïa de son côté, avait préféré hausser les épaules. Ce n’est pas comme si elle avait choisi de subir un tel traumatisme… « Et en plus tu t'en sors seulement avec une épaule abîmée ? Eh ben dis donc …» La jeune femme avait grimacé, avant d’écarter une mèche de cheveux de son front pour dévoiler la petite cicatrice, encore rose, qui se trouvait sur son front. Le seul vestige restant du coup qu’elle avait prit sur la tête ce jour là. « J’ai écopé d’une belle commotion en plus, mais je ne m’en plains pas. On a tous eu beaucoup de chance, ça aurait pu se terminer beaucoup plus mal. » La présence à l’hôpital étant élucidée, Gaïa s’était sentie obligée de justifier, plus ou moins, sa présence en Australie, puisque la dernière fois que les deux jeunes gens s’étaient vus, c’était à Rome. Bien loin des terres australiennes en somme. Lorsque l’italienne lui avait finalement annoncé qu’en réalité elle est arrivée à Brisbane en 2016, et que la raison de sa venue restait compliquée, il s’était exclamé. « 2016 ?! Bon, va falloir que tu m'expliques le pourquoi du comment, tu a réveillé ma curiosité là. » Gaïa n’y tenait pas particulièrement, à vrai dire. Elle avait l’impression d’avoir expliqué ça à beaucoup trop de monde ces derniers temps, pour être honnête. Mais puisque Martin ne lâcherait visiblement pas l’affaire, la jeune femme avait soupiré, et accepté de lâcher une minuscule information. « Oui, 2016… Je n’ai pas trop envie de m’attarder là dessus, désolée… Mais pour que tu ne sois pas trop frustré, je peux au moins te dire que j’ai suivi quelqu’un. » Elle espérait que cette explication vague suffirait au jeune homme, puisqu’elle ne lui dirait pas grand chose de plus à ce sujet, en tout cas pas aujourd’hui. Peu désireuse de s’attarder plus sur le sujet, l’italienne avait enchaîné pour lui demander à son tour ce qu’il faisait dans le coin. Et Martin avait hésité. « Sclérose en plaque. Diagnostiqué l'année dernière en mai et qui a évolué vers une forme plus sérieuse en septembre dernier. Je viens ici pour un contrôle standard chez le Dr Sanchez, le neurologue de l’hôpital. » Après la semaine intense qu’ils avaient passé ensemble à Rome, des années plus tôt, les deux n’avaient plus eu aucun contact. Gaïa n’avait plus pensé à lui, et on ne pouvait pas dire qu’ils étaient amis ou quoi que ce soit. Mais malgré tout, l’annonce de Martin lui avait mis un coup au moral. « Oh… Je suis désolée. » Stupide. Mais elle ne savait pas quoi lui dire d’autre. Elle n’avait jamais été très douée dans ce genre de situation. Aujourd’hui en était une nouvelle preuve. « Mais sinon je suis en Australie depuis 2012. J’ai fait mes études de kiné ici, je me suis engagé auprès des Sea Shepherd puis j'ai tout plaqué et j'ai quitté la ville pour m'installer en Irlande en 2017… Avant de revenir en Septembre 2019. Et depuis y a plus rien qui va dans ma vie » Il avait lâché un rire triste, résigné. De son côté, Gaïa avait cherché quelque chose à lui dire, sans trouver. « Du coup je suppose que t'as fini tes études ? Tu exerce où ? » L’Italienne lui avait adressé un sourire, presque reconnaissante du changement de sujet. « J’ai commencé à Rome, dans un petit journal. Puis j’ai eu la chance de travailler chez Il Messagero, un grand quotidien, et j’y suis restée même si jusqu’en août 2019, et vu que j’étais toujours en Australie à cette date, j’ai démissionné. » Il y avait tellement de tensions avec son ancien employeur, qui à l’époque ne demandait qu’une chose: que Gaïa rentre à Rome. Elle avait donc fini par partir pour trouver une place plus proche de sa nouvelle vie… Bien à contre-coeur cependant. « En ce moment je suis chez The Australian. Mais plus pour longtemps, j’ai besoin de changement. » Peut être bosser en freelance un moment, histoire de renouer avec le journalisme que la jeune femme aimait tant, bien loin de ce qu’elle faisait actuellement. Dans l’idéal, rester en freelance tant qu’elle n’aurait pas trouvé de poste qui coïnciderait avec ce qu’elle recherchait. « Tu m’as dit que tu étais kiné, tu as ton propre cabinet? Ou alors tu bosses ici? » Elle se rappelait vaguement qu’on lui avait parlé d’un kinésithérapeute dont le nom de famille était Murphy, quand elle cherchait un professionnel de santé. À une hésitation près, la jeune femme aurait pu tomber sur lui pour sa rééducation.
Survivre à un crash d'avion c'est quelque chose d'assez incroyable. Mais survivre en écopant 'seulement' d'une épaule démise et d'une commotion cérébrale qui ne semble pas l'avoir trop handicapé, ça relève vraiment du miracle. Gaïa peut réellement se sentir chanceuse pour le coup ! Je sens, toutefois, que ce sujet est un peu épineux et décide, donc, de le laisser de côté, me concentrant sur son aveux : celui qu'elle habite en ville depuis 2016. Toutefois, là aussi je me heurte à un mur lorsqu'elle m'annonce qu'elle ne souhaite parler de toute cela, m'avouant quand même que c'est à cause d'un homme qu'elle est venue ici. « Ah ouais, je vois ...» dis-je doucement, avec un sourire malicieux «Et tu peux m'en dires un peu plus sur lui ? Ou pas du tout ? » demandais-je en haussant les épaules. Peu importe sa décision, si elle souhaite en parler je l'accepterais. Si elle ne souhaite pas, je n'insisterais pas.
En attendant, je lui avoue, sans filtre, pourquoi je suis ici, évoquant ma maladie. Ce à quoi elle réagit par un simple 'je suis désolée' qui ne change absolument rien. Peu importe qu'elle soit compatissante ou non, ma situation ne change pas. Je suis adresse quand même un sourire et hausse les épaules comme pour signifier que ce n'est rien, mais fini, encore une fois, par changer de sujet. Elle me parle un peu de son parcours professionnel et lorsqu'elle évoque Rome, c'est un doux sourire emprunt de Nostalgie qui vient s'immiscer sur mes lèvres. Notre semaine dans la capitale Italienne était, certes, courte, mais d'autant plus torride, magique et délicieuse. J'avoue que j'ai, depuis, eu du mal à trouver une autre personne aussi incroyable sous les draps que Gaïa. Mais je n'en dirais rien ! «Pas mal ton parcours » dis-je en hochant la tête «j'ai repensé dernièrement à Rome » sous entendu : je n'ai jamais oublié notre semaine. Je ne ressens aucun regret et nous avons tous les deux parfaitement refais notre vie, mais ça reste des souvenirs assez incroyables. «On était quand même fou à l'époque » je laisse échapper un rire amusé en secouant la tête en me rappelant toutes les conneries qu'on a pu faire en sept jours.
Je ne sais pas si ce sujet est épineux pour Gaïa, mais dans tous les cas elle revient assez rapidement vers un thème plus banal et souhaite en savoir un peu plus sur ma vie professionnelle. « yep, j'ai mon propre cabinet au centre ville que je gère avec Swann Buchanan» expliquais-je «En fait, j'habitais à Brisbane de 2012 à 2017 et en 2014 j'ai repris le cabinet. Swann est arrivé courant 2016 et on a travaillé un an ensemble avant que je ne quitte Brisbane pour m'installer près de Galway en Irlande. Je suis de retour depuis septembre 2019 et Swann a accepté que je reprenne ma place auprès de lui lorsque je suis revenu » haussais-je les épaules «Mais du coup, si tu décides de changer de kiné, je peux te donner nos coordonnés » proposais-je avec la plus grande des innocences.
« Ah ouais, je vois ... Et tu peux m'en dires un peu plus sur lui ? Ou pas du tout ? » Il était curieux, Martin. Curieux puisqu'il voudrait en savoir un peu plus sur la personne qui avait fait que la journaliste était venue en Australie... Et pour qui elle avait fini par rester. Cependant, il restait quand même respectueux, apparemment prêt à respecter sa décision si elle décidait de continuer à garder le silence là-dessus. De son côté, la jeune femme avait l'impression de pouvoir satisfaire un minimum la curiosité de Martin, sans donner trop de détails. « C'est un italien. Il bosse dans une salle de sport à Logan City. Et il m'a fallu un accident d'avion pour admettre que je suis amoureuse de lui. » La jeune femme avait secoué la tête. Si peu plus tôt elle avait juré ne rien dire de plus à Martin sur sa situation sentimentale, et qu'elle avait finalement craqué pour une phrase de plus, cette fois-ci, elle resterait muette. Il n'avait pas besoin d'en savoir plus pour le moment. C'est pour cela que la jeune femme avait habilement changé de sujet, pour revenir sur l'état de santé du jeune homme, qui lui avait appris qu'il souffrait d'une sclérose en plaque. Ce à quoi la journaliste avait répondu en s'excusant, comme si ça allait changer quelque chose. Martin se fend d'un sourire, tout en haussant les épaules. Comme si ce n'était rien, finalement. L'italienne n'était pas vraiment d'accord avec ça, mais ce n'était pas ses affaires, elle n'avait pas à s'en mêler. C'est pour cela qu'elle n'avait pas insister. Peut-être qu'il lui parlerait un peu plus en détail de sa maladie un jour, s'ils avaient l'occasion de se recroiser. Vient ensuite le sujet des études, et la jeune femme se retrouve à expliquer à Martin son parcours. Comment elle a intégré Il Messagero à Rome, qu'elle y était restée quelques années, même lorsque la journaliste avait quitté la capitale italienne pour l'Australie. Comment elle avait finalement démissionné pour un journal australien, duquel elle allait démissionner bientôt. C'est quand elle avait eu fini son speech qu'elle avait remarqué le petit sourire présent sur les lèvres de Martin. « Pas mal ton parcours! J'ai repensé dernièrement à Rome... » Pas besoin d'être un génie pour saisir le sous-entendu. Il faisait évidemment référence à la semaine qu'ils avaient passé ensemble dans la capitale romaine, des années plus tôt. La journaliste n'y avait pas repensé depuis très, très longtemps. Mais ce souvenir ravivé l'avait finalement fait sourire. C'est vrai qu'ils avaient passé du bon temps lors de cette liaison, sous les draps et en dehors. « J'y avais pas songé depuis des lustres... » La jeune femme espérait ne pas le vexer en avouant cela, mais elle préférait être honnête. Il s'était passé tant de choses depuis cette époque légère. « On était quand même fous à l'époque. » Il laisse échapper un rire, que la journaliste répète en écho. Il faisait référence à tous leurs méfaits de cette fameuse semaine. Rien de grave, mais certaines actions frôlant vaguement avec l'illégalité. « C'était intense. Un bon souvenir... » Parce que c'est ce que c'était. Un souvenir. Qui rendait ses retrouvailles surprises avec Martin agréables. Une fois le sujet épuisé, parce qu'il n'y avait pas non plus tant de choses que ça à dire, l'italienne lui avait posé des questions banales, sur son boulot. « Yep, j'ai mon propre cabinet au centre ville que je gère avec Swann Buchanan. » Ce nom ne disait absolument rien à la journaliste. Mais elle était contente que Martin ait trouvé quelqu'un avec qui s'associer. « En fait, j'habitais à Brisbane de 2012 à 2017 et en 2014 j'ai repris le cabinet. Swann est arrivé courant 2016 et on a travaillé un an ensemble avant que je ne quitte Brisbane pour m'installer près de Galway en Irlande. Je suis de retour depuis septembre 2019 et Swann a accepté que je reprenne ma place auprès de lui lorsque je suis revenu. » La jeune femme lui avait souri. « Tu as eu de la chance, alors. C'était bien, l'Irlande? » Gaïa y avait déjà mis les pieds, mais pas du côté de Galway, plutôt de l'autre côté du pays; Dublin, Belfast, les villes de la côte Est irlandaise. Elle en gardait un bon souvenir, des falaises à perte de vue, un environnement vert et rafraichissant, des villes lumineuses et pleines de vie. Après lui avoir fait un résumé de ses déménagements, Martin s'était apparemment senti obligé de précisé un point. « Mais du coup, si tu décides de changer de kiné, je peux te donner nos coordonnées. » Il ne perdait pas le nord, le Murphy. Elle lui avait adressé un autre sourire. Elle n'était pas contre l'idée de changer de kiné. Celui de l'hôpital était certes compétent, mais son manque de compassion envers les douleurs de la journaliste et ses attitudes un peu brusque ne donnaient pas vraiment envie de s'attarder. « Avec plaisir, si je peux aider un peu à faire marcher votre cabinet. » Et même si, elle l'espérait, le cabinet en question marchait très bien sans l'italienne dans sa clientèle. Dans tous les cas, elle n'aurait qu'à demander Swann, avec qui elle n'avait aucun lien quelconque, pour éviter une éventuelle situation gênante. « Après, j'ai bientôt fini ma rééducation tu sais. Je ne suis pas sûre de pouvoir vous fournir assez de boulot. » L'italienne avait eu un rire franc, qui avait fait se retourner quelques personnes dans la salle d'attente. En le remarquant, elle leur avait adressé une grimace d'excuse, consciente que faire du bruit dans la salle d'attente d'un hôpital était rarement bien vu. « Et si pour venir vous voir je dois me blesser à nouveau, je suis désolée mais je préfère éviter. » Surtout quand on prenait en considération les répercutions que son accident avait eu. Qu'elles soient physiques ou sentimentales.
L'homme que Gaïa a suivi en Australie est donc un italien qui bosse dans une salle de sport à Logan City et il ne lui aura fallut qu'un banal accident d'avion pour qu'elle se rende compte de l'amour qu'elle lui porte. «Je vois... » hochais-je la tête « C'est fou, il y a des gens il leur suffit de partir dans un couvent ou faire une retraite de yoga pour savoir qu'ils aiment encore une personne. Et puis il y a toi...» je laisse échapper un petit rire amusé, n'en revenant toujours pas de ce qui est arrivé à la jeune femme. Je pense que je serais éternellement étonné à quel point Gaïa s'en est brillamment sortie, physiquement en tout cas.
Après un rapide détour et changement de conversation où je lui annonce la raison pour laquelle je suis ici et que j'hausse simplement les épaules à son 'désolé', je décide que je n'ai pas encore assez entendu parler d'elle. Ainsi donc, j'évoque le fait que je repense encore souvent avec nostalgie à notre semaine à Rome et apprends que ce n'est pas du tout le cas pour elle. J'avoue que c'est avec un petit pincement au cœur que je l'écoute m'annoncer que ça fait des lustres qu'elle n'y a plus pensé, comme si cette semaine n'avait absolument aucune signification pour elle. Certes, elle n'en a pas non plus pour moi, du moins pas sentimentalement, mais je me surprends souvent à repenser à tout ce que nous avons vécu en si peu de temps il y a de ça plusieurs années. Enfin, je ne vais pas lui en vouloir pour ça, chaque humain étant différent au niveau des émotions qui sont rattachées à des souvenirs.
Le sujet dévie à nouveau lorsque Gaïa souhaite savoir dans quoi je travail. Et me voilà à lui expliquer que je gère un cabinet de kinésithérapie avec Swann, mais je ne m'arrête pas là ! Sans vraiment hésiter, je lui avoue avoir déjà été en ville jusqu'en 2017 puis être partie à Galway et être revenu en 2019 pour reprendre exactement le même cabinet. Toutefois, lorsque mon amie s'exclame que j'ai eu de la chance de faire ce que j'ai fait, je grimace légèrement. Est-ce que je dois lui dire que j'ai quitté la ville suite au décès d'un membre de l'équipage des Sea Shepherd ? Et que sa mort m'a bien plus affectée que je n'aimerais l'avouer ? Je me contente toutefois d'hocher la tête en souriant «Oh oui ! Galway c'est incroyable comme ville. J'ai habité pas en ville même mais dans un petit village côtier dans une petite maison avec ...celle qui a été mon épouse pendant deux ans » je souris doucement «On a divorcé en janvier 2019 parce que ...ben tu me connais, je ne suis pas fait pour rester à un seul endroit pour toujours. Et comme elle ne voulait pas bouger, elle m'a 'libérer' des chaînes du mariage et en mars 2019 je me suis lancé dans l'aventure de ma vie qui a été de rejoindre Brisbane sans avion. » je souris doucement, secouant légèrement la tête en me rappelant de cette période de ma vie qui était assez incroyable en vrai.
J'ai tout juste encore le temps de faire un peu de pub pour mon cabinet et de rigoler de bon cœur lorsque Gaïa m'annonce qu'elle ne risque pas de se blesser juste pour pouvoir nous donner du boulot, que la porte de la salle d'attente s'ouvre et que l'infirmière appelle mon nom. « Bon eh bien ...merci pour cette sympathique conversation» dis-je en me redressant « Si un jour tu as envie qu'on la continue autour d'un café ou d'une bière...je n'ai pas changé de nom sur les réseaux sociaux et tu peux aisément trouver le numéro du cabinet. » je pose une main sur l'épaule de la jeune femme et lui adresse un sourire avant de quitter ma place et suivre la professionnelle de santé vers une pièce de consultation annexe.