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 you're just a little bit too much like me (melchior)

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyMer 13 Oct 2021 - 18:47

Une, deux, trois marches. Il est prêt à toutes les compter pour ensuite savourer son exploit et le crier haut et fort : il aura réussi à monter un escalier. Ou deux, il ne sait pas exactement où se situe l’appartement. Il espère avoir une indication sur la sonnette, quelque chose qui lui confirmera qu’un Nicholls habite bien ici. Jake a beau ne pas être un grand sportif, il n’a habituellement aucun mal à grimper en haut des immeubles. Il se le prouve à lui-même tous les jours en préférant bouder l’ascenseur, quand il est à l’hôpital et qu’il n’est pas dans l’urgence – ce qui est assez rare puisque, justement, il travaille aux urgences. Il justifie le souffle qu’il lui manque actuellement par la nervosité qui l’accable ; dans quelques longues secondes, il va rencontrer son fils. Rien ne lui assure que Melchior vit bien ici et, si c’est bel et bien le cas, il n’est pas sûr qu’il soit chez lui. Il a préféré venir sans savoir et ne pas chercher à le joindre auparavant. Vaughan se connaît suffisamment bien pour savoir que s’il l’avait fait, il aurait été gagné par l’anxiété et n’aurait pas osé se rendre au rendez-vous. Il a rentré l’adresse de Melchior dans son GPS depuis qu’il a reçu le mail du centre de soins, en se promettant de ne pas trop y penser et d’y aller un jour, comme ça, sur un coup de tête. Le jour est enfin arrivé, Jake se trouve devant une porte sur laquelle il y a marqué le nom de famille de Melchior, ainsi qu’un autre. Il vit peut-être avec sa petite amie. Ou son petit ami ? Il n’a aucune idée de la vie que mène son propre enfant. Ne pas le reconnaître était une décision assumée, qu’il ne regrette toujours pas aujourd’hui mais qui le laisse désormais dans une position étrange. Melchior est en train de perdre progressivement sa mère, est-ce qu’il veut progressivement obtenir un père ? Est-ce qu’il a eu une sensation de vide et d’abandon tout au long de sa vie ou est-ce qu’il a compris les raisons de son absence ? Est-ce que sa mère lui a raconté l’histoire qu’ils ont vécu et le service qu’il lui a rendu ou n’est-il qu’un fantôme dans l’histoire de ce jeune homme ? Jake a des centaines de questions et un espoir qui ne meurt jamais : il pense que Melchior a toutes les réponses. L’infirmier met fin à toute attente en enfonçant la sonnette. Tous ses sens sont en alerte, il essaie d’entendre s’il y a du bruit derrière la porte. Tous les scénarios qu’il a pu se construire ces dernières années lui reviennent en tête. Il se rappelle les fois où il imaginait sa vie s’il avait décidé d’assumer cet enfant et de vivre avec son amie – en couple ou non. Il se souvient également des nombreuses fois où il a voulu reprendre contact avec elle pour lui demander de l’introduire en douceur dans la vie de son – leur – fils. Mais surtout, ce sont bien vingt années qui lui reviennent en tête. Les moments où il pensait à Melchior étaient rares, il a passé plus de semaines, mois et années à l’oublier qu’à se rappeler de son existence. Il répondait non quand on lui demandait s’il avait un enfant et n’avait pas une seule pensée à son égard, comme s’il n’avait jamais été mis au monde. Il espérait fonder une famille et ne se voyait pas parler de lui à ses futurs enfants, ni à son futur mari. Il ne le prédestinait dans aucun de ces tableaux, car durant un temps, c’est comme s'il ignorait l’avoir conçu. La poignée de la porte se baisse et le sort de ses pensées, le ramène à la réalité, l’oblige à ouvrir plus grands les yeux. C’est bien un jeune homme qui apparaît de derrière la porte, un jeune homme qui ressemble énormément à son ex et aux photos de l’enfant qu’elle lui donnait de temps en temps. « Melchior, je suppose ? » Il demande mais n’attend aucune confirmation. « Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je suis ton père. » Prononcer cette phrase lui fait un drôle d’effet. « Est-ce que je peux entrer ? » Il demande directement, priant intérieurement pour qu’il ne lui claque pas la porte au nez.

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyDim 17 Oct 2021 - 16:59



Je descends du bus le cœur gros et j’essaie de ne pas me mettre à pleurer, ça fait déjà plusieurs arrêts que je retiens mes larmes. Les portes du bus se referment et les premières larmes roulent sur ma joue. C’est toujours aussi difficile de la voir dans cet état. Aujourd’hui, comme je le fais plusieurs fois par semaine je suis passé voir ma mère. Enfin son fantôme parce que la personne à qui je rends visite n’a que l’apparence de ma mère. Le problème avec cette maladie c’est qu’on ne sait jamais ce qui nous attend quand on poussera la porte de la chambre. Il y a des bons jours où la mémoire de Maman semble refaire surface, au moins partiellement. Et il y a les jours comme aujourd’hui où elle est dans un état second, où elle ne me reconnait pas. C’est toujours difficile de voir qu’elle ne se souvient pas de moi et qu’elle me traite comme un étranger. Mais aujourd’hui elle a demandé aux infirmières que je sorte, parce qu’elle ne me reconnaissait pas et que je lui faisais peur. Mes mots n’ont eu aucun effet, même quand je lui ai dit les larmes aux yeux « Mais Maman c’est moi, c’est ton fils.  » Elle m’a répondu l’air effrayé qu’elle n’avait jamais eu d’enfant et qu’elle voulait que je la laisse tranquille. Alors aujourd’hui un peu plus que d’habitude mon cœur s’est brisé en quittant le centre de soins où Maman séjourne depuis plusieurs mois.

Je rentre à la maison, la tête complètement ailleurs et je marche en pilote automatique, me contentant de faire confiance à mes pas pour me ramener à l’appartement d’Adriana. Enfin chez nous, c’est toujours bizarre pour moi de me dire que j’habite chez elle désormais. Ade sait que les visites au centre de soins sont toujours douloureuses et elle trouve sans cesse de nouvelles techniques pour me faire penser à autre chose et pour me remonter le moral. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle, elle est mon pilier. A mon retour je découvre un post-it sur la table de la cuisine. Je m’en saisis et dessus il est écrit « Ce soir c’est soirée pizzas, commandes ce qui te fait plaisir c’est moi qui régale. » Et ce petit mot m’arrache un petit sourire, c’est précisément de ça dont j’avais besoin : une soirée avec ma meilleure amie devant un film avec des pizzas. Je décide de prendre une douche pour détendre mes muscles et ça marche en partie. Ma tristesse est toujours là mais les tensions s’évacuent petit à petit. Je n’ai pas envie d’être triste devant Ade ce soir quand elle rentrera du travail alors j’essaie de m’occuper pour ne pas penser à la maladie de Maman à laquelle je ne peux rien changer. J’attrape ma guitare et je joue quelques morceaux. Je me concentre sur les partitions et je m’enferme dans une bulle très confortable où j’oublie tout.

J’appelle pour commander les pizzas et je m’assieds sur le canapé, écouteurs sur les oreilles en attendant que le livreur arrive. Quelques minutes plus tard seulement quelqu’un sonne à la porte. 8 minutes seulement ? Ils sont plus que rapide, faudra que je mette un bon avis sur tripadvisor. Surpris par leur rapidité je me lève quand même pour aller ouvrir et là je ne comprends pas. « Melchior, je suppose ?  » Il n’a pas vraiment le look d’un livreur et surtout, où sont passées les pizzas ? Ne comprenant pas qui est cette personne que je prenais pour le livreur je demande « Euh oui c’est pour quoi ?  » L’homme me regarde et me sort une phrase que je n’aurais jamais cru entendre. « Je ne vais pas y aller par quatre chemins, je suis ton père. » Je ne crois pas ce que j’entends, alors je le regarde en répétant « Mon père ?  » Voyant que je suis perturbé par ce qu’il vient de me révéler la personne en face de moi, mon « père » prend les devants « Est-ce que je peux entrer ? » Je ne lui ai pas proposé d’entrer et là on se retrouve comme deux cons à discuter sur le pas de la porte. « Euh oui oui  » Je lui ouvre la porte, ce qui est quand même plutôt imprudent. Je ne le connais pas, c’est peut-être quelqu’un de malintentionné. Je le regarde s’avancer dans l’entrée de l’appartement et en le regardant plus en détail je me dis qu’il n’a pas l’air malintentionné. Mais mon père, vraiment je ne m’en remets pas. Maman ne m’a jamais trop parlé de lui. Je sais qu’ils étaient amis et qu’il l’a aidée à avoir un enfant -je ne veux absolument pas savoir comment- mais je n’ai jamais su quoique ce soit d’autre. Je ne connaissais ni son nom, ni où il se trouvait. Et puis je l’ai toujours considéré comme un donneur plus qu’un père. Je ne l’ai jamais attendu en grandissant en me demandant quand est-ce que mon père allait revenir. Il ne m’a jamais abandonné, il ne me doit rien alors pourquoi venir aujourd’hui ? Et surtout comment il a su que j’habitais ici ?  « Comment est-ce que vous avez eu mon adresse ? Qui vous a contacté ? Pourquoi venir maintenant ?  » Je pose beaucoup de questions mais là j’ai besoin de comprendre. C’est très soudain comme visite, je pensais que je ne le verrais jamais alors j’ai besoin d’un peu de temps pour accepter ça. D’ailleurs je le vouvoie alors qu’il m’a tutoyé, mais pour moi c’est un inconnu alors ça me semble normal, on est deux étrangers dans une même pièce. « Désolé c’est assez surprenant je ne m’attendais pas à une telle visite aujourd’hui. » Je parle beaucoup, mais j’ai énormément de questions à lui poser. J’ai envie d’en savoir plus, de le connaître. « Et j’ai beaucoup de questions . »

@Jake Vaughan :l:
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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyMar 19 Oct 2021 - 13:17

« Euh oui c’est pour quoi ? » seront donc à tout jamais les premiers mots que Jake a entendus de la part de son fils. C’est une première décharge qui lui fait constater tout ce qu’il a loupé en acceptant n’être qu’un donneur ; il n’a pas entendu le tout premier mot, il n’a pas filmé les premiers pas, il n’a pas pansé les premières blessures et n’a pas encouragé les premiers mètres en vélo. Quand Melchior vivait toutes ces expériences, Jake était comblé – célibataire et sans enfant. Par respect pour tout ce qu’il a vécu et parce qu’il a aimé sa vie malgré tout, il ne peut pas dire être désolé ou triste de ne pas avoir essayé de contacter Melchior avant. Il y a une légère once de regrets, un pincement au cœur bel et bien présent. Rien de plus, juste quelques sensations qui s’en iront avec le temps. S’il le laisse le découvrir maintenant et pour les vingt-cinq prochaines années, les dernières seront oubliées, effacées. Jake n’hésite pas très longtemps avant de se présenter. Il utilise volontairement le mot père même s’il ne s’en sent pas légitime. Géniteur ou donneur sont trop impersonnels, trop détachés, à l’opposé de la raison de sa visite d’aujourd’hui. « Mon père ? » Il répète, il demande. Vaughan a l’impression que le jeune homme vient de se prendre un train à pleine vitesse, pourtant il ne fait rien d’autre que vaciller, il ne tombe pas, il accepte. « Euh oui oui. » Il a le droit de rentrer. Pas de porte claquée au nez, pas d'insultes proférées ; juste un accord pour entrer à l’intérieur. Jake s’exécute et fait quelques pas dans l’appartement de Melchior. Il regarde partout autour de lui, comme à l’affût de la moindre information sur son fils. La décoration n’est pas vraiment masculine et une odeur de parfum féminin vole dans l’air : il n’a pas senti cette odeur sur son fils, il en conclut donc qu’une femme vit ici, avec lui. « Comment est-ce que vous avez eu mon adresse ? Qui vous a contacté ? Pourquoi venir maintenant ? » Jake se retourne vers lui en l’entendant reprendre la parole. Les questions s’enchaînent et un sourire s’installe sur les lèvres du plus âgé. La curiosité n’est pas toujours un vilain défaut, parfois, elle démontre une forme d’intéressement : Melchior est réellement concerné. « Désolé c’est assez surprenant je ne m’attendais pas à une telle visite aujourd’hui. Et j’ai beaucoup de questions. » Jake se reconnaît dans ce dernier point. Lui qui espérait trouver tout un tas de réponses chez son fils va d’abord devoir lui en offrir en premier. « Tu peux me tutoyer. » C’est la première chose qu’il dit, avant de se retourner pour avancer dans l’appartement. Loin d’être gêné lorsqu’il n’est pas chez lui, l’infirmier va s’installer sur le canapé. Les émotions sont lourdes à porter, les jambes sont tremblantes, mieux vaut être assis pour avoir cette discussion. « Je m’installe, pardon. » Il s’excuse quand même, ça peut ressembler à une forme d’impolitesse. Il répond juste à la phrase servie à tout le monde « fait comme chez toi » même si, ici, elle n’a pas été prononcée. « J’ai été contacté par le centre de soins où Adélaïde… euh, ta mère est pensionnaire. » Il ne le lâche pas du regard. Il veut lire toutes les émotions qui passent sur son visage lorsqu’il reçoit les informations, apprendre ses mimiques par cœur. Il veut devenir son père, pour de bon. « Ils m’ont envoyé un mail pour me prévenir qu’elle avait été placée là-bas et que son fils, toi, donc, était son nouveau contact à appeler en cas d’urgence. » Il ne lui apprend rien de nouveau, jusque-là. « J’avais signé les papiers pour l’être quand elle est tombée enceinte de toi. Elle avait peur d’avoir un problème à l’accouchement et je lui ai promis que si c’était le cas, tu aurais un parent malgré tout. » Si l’accouchement s’était mal passé, Jake aurait assumé son rôle de père et n’aurait pas laissé Melchior à l’abandon. « Je suis même allé avec elle aux premières échographies. Je t’ai vu avant que tu naisses. » Il n’était pas très investi lors de ces rendez-vous, il y allait seulement pour être un soutien envers son amie. « Au début, j’ai pensé à supprimer le mail en me disant que je n’avais aucun droit sur toi. Et puis je me suis renseigné pour savoir ce qu’avait exactement ta mère… Quand j’ai su pour sa maladie, je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de soutien. » Il a pensé ça il y a des semaines. « J’avais peur de faire le premier pas. C’est un patient qui m’a motivé à venir ici. Un patient parce que je suis infirmier, hein, pas un patient du centre où ta mère est. Je n’y suis pas allé et je ne compte pas le faire. » Il tient à lui dire directement. « Je pense qu’elle se rappellera de moi, de nous, mais… On était ensemble, pour de bon, à une époque. Et je n'ai pas envie de lui faire de faux espoirs au travers de sa maladie. » Il sait que les malades d’Alzheimer ressentent ce qu’ils ressentaient auparavant. Si elle se souvient de lui comme son ami après relation, ça va. Si elle se le remémore comme son petit ami, il risque de lui faire plus de mal que de bien en allant lui rendre visite. « Je peux répondre à toutes les questions que tu as, vraiment. N’hésite pas, je suis venu ici pour ça. » Il est désormais prêt à attendre patiemment son tour pour poser les siennes et apprendre à connaître son fils – s’il veut bien de lui dans sa vie de manière plus permanente.

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptySam 23 Oct 2021 - 22:31



« Tu peux me tutoyer. » Mince je l’ai vouvoyé. J’ai vouvoyé mon père, c’est étrange dit comme ça mais pour moi c’est encore un inconnu. Un inconnu qui s’installe sur le canapé sans gênes. « Je m’installe, pardon. » Mais ça me ne dérange pas, s’il attendait que je le propose, dans l’état de stupeur dans lequel je suis il aurait pu attendre longtemps. « Oui oui pas de soucis. Fais comme chez toi. » C’est très bizarre à dire alors que c’est la première fois que je le vois mais j’ai énormément de questions à lui poser, nous avons 25 ans à rattraper alors autant se mettre à l’aise. Je le rejoins sur le canapé. Il est assis à la place d’Adriana, ça me fait tout drôle de voir quelqu’un d’autre qu’elle assis là. D’ailleurs si elle rentre bientôt elle risque de ne pas tout comprendre.

Mon père prend la parole pour répondre à mes interrogations sur les raisons de sa présence et sur la manière dont il a su où j’habitais. « J’ai été contacté par le centre de soins où Adélaïde… euh, ta mère est pensionnaire. ». Je le regarde avec un air assez surpris. Pourquoi est-ce que le centre l’a contacté ? « Ils m’ont envoyé un mail pour me prévenir qu’elle avait été placée là-bas et que son fils, toi, donc, était son nouveau contact à appeler en cas d’urgence. » Cette phrase, bien que très factuelle est un coup que je prends. J’ai toujours du mal à réaliser qu’on l’a placée là-bas. J’ai l’impression qu’en faisant ça on l’abandonne mais mon frère a insisté en disant que c’était la seule solution que l’on pouvait envisager pour notre mère. J’étais trop déboussolé à ce moment là pour prendre une décision alors je l’ai écouté, c’est toujours difficile à accepter. Je me contente d’hocher la tête, l’encourageant à continuer ses explications. « J’avais signé les papiers pour l’être quand elle est tombée enceinte de toi. Elle avait peur d’avoir un problème à l’accouchement et je lui ai promis que si c’était le cas, tu aurais un parent malgré tout. » Je pense qu’il peut à nouveau lire la surprise dans mon regard. Ma mère a toujours été très discrète sur la grossesse et sur sa relation avec mon père. « Je suis même allé avec elle aux premières échographies. Je t’ai vu avant que tu naisses. » Je suis ému de savoir ça, de voir qu’il était investi à ce point-là. Je l’avais toujours pris pour un simple donneur, je n’avais pas pensé que c’était allé plus loin que ça. Je l’écoute continuer son récit, attentif à chacune de ses paroles, j’ai besoin d’en savoir plus. « Au début, j’ai pensé à supprimer le mail en me disant que je n’avais aucun droit sur toi. Et puis je me suis renseigné pour savoir ce qu’avait exactement ta mère… Quand j’ai su pour sa maladie, je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de soutien. » Mon cœur se brise en repensant à ce qu’il s’est passé ce matin. Même si je ne suis pas seul : j’ai des amis sur qui compter et un frère mais j’ai parfois l’impression d’être seul face à sa maladie, d’être impuissant. Alors, je suis content de savoir qu’il a envie d’être là pour me soutenir, j’en ai bien besoin. « J’avais peur de faire le premier pas. C’est un patient qui m’a motivé à venir ici. Un patient parce que je suis infirmier, hein, pas un patient du centre où ta mère est. Je n’y suis pas allé et je ne compte pas le faire. » Je hoche la tête, la mine triste. Je ne suis pas certain qu’elle se rappelle de lui, tout dépend si elle est dans un bon jour ou pas. Et d’un côté je pense que ça me blesserait encore davantage de savoir qu’elle se rappelle de lui et pas de son fils. Je sais que ce n’est pas de sa faute, que c’est une maladie cruelle mais je pense que ça me ferait plus mal qu’autre chose. « Je pense qu’elle se rappellera de moi, de nous, mais… On était ensemble, pour de bon, à une époque. Et je n'ai pas envie de lui faire de faux espoirs au travers de sa maladie. » Ensemble ? Il a bien dit ensemble ? Encore quelque chose que je découvre. Elle m’a toujours présenté mon père comme un ami, un ami dont elle était très proche mais pas un compagnon. « Je peux répondre à toutes les questions que tu as, vraiment. N’hésite pas, je suis venu ici pour ça. » J’accuse un peu le coup, je ne sais pas par où commencer. « ça fait beaucoup à encaisser tout ça. » Je prends une grande inspiration avant de me lancer. « J’ai toujours cru qu’elle avait été seule pendant la grossesse, ça me fait bizarre de savoir que quelqu’un était là pour elle, que tu étais là. » Le flou que ma mère entretenait sur certains aspects de sa vie personnelle est en train de se dissiper, enfin. « Elle est toujours restée assez secrète sur la grossesse ou votre relation. Elle ne m’a jamais dit que vous étiez ensemble. Donc je suis content de savoir qu’elle n’a pas traversé ça seule. » Je me doute que ce que je viens de lui dire va le blesser, qu’elle ne m’ait jamais ou très rarement parlé de lui ça doit être difficile à accepter. Mais je n’ai aucun autre détail sur cette relation, sur la durée ou la manière dont ça s’est terminé. Et ça ne me regarde sûrement pas, je ne cherche pas à en savoir plus s’il n’a pas envie de m’en parler. « Et pour le centre de soin, je pense que tu as raison de ne pas y aller. J’y suis allé ce matin et c’est vraiment difficile. Elle ne m’a même pas reconnu, elle m’a demandé de sortir de la chambre. Alors je pense qu’il vaut mieux que tu gardes un bon souvenir d’elle. » Je baisse le regard en lui expliquant ce qu’il s’est passé ce matin. Je fixe le sol de l’appartement, le regard perdu dans le vague et l’émotion me gagne à nouveau. Je n’ai toujours pas digéré ce qu’il s’est passé ce matin. J’essaie de changer un peu de sujet histoire d’éviter d’être trop ému et de pleurer devant lui alors que c’est la première fois qu’on se voit. Je le regarde à nouveau avant de lui dire avec un petit sourire timide.« En tout cas tu as eu raison de venir. Ça me fait toujours bizarre de te voir dans mon salon, je pensais qu’on ne se rencontrerait jamais. Mais je suis content que tu sois là. »

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyLun 1 Nov 2021 - 15:05

« Oui oui pas de soucis. Fais comme chez toi. » Melchior invite son père à s’installer après que celui-ci l’ait fait. Jake se force à prendre ses aises et à prendre la parole : s’il ne le fait pas tout de suite, il va se fermer et ne pas réussir à le faire du tout. Il a pourtant révisé, chez lui, devant son miroir. Comme avant un grand oral, il répétait ses arguments, modifiait les tournures de ses histoires, réarrangeait quand ça ne lui convenait pas parfaitement. Quand la porte s’est ouverte sur ce jeune homme, toutes les répétitions rangées dans son esprit se sont envolées, ne lui laissant qu’un vulgaire brouillon sur lequel il ne peut que difficilement se relire. Il a tout de suite compris qu’il allait devoir improviser et ne pas se confondre dans le rôle de quelqu’un qu’il n’est pas. Le Vaughan est bavard mais ne prend pas tout la place. Il sait s’exprimer mais a parfois des trous, ne trouve pas toujours ses mots. Il est sûr de lui, têtu, mais peut également ne pas savoir si telle ou telle chose a sa place. Il est humain, tout simplement, et prend les discussions comme elles viennent. Comme celle-ci. Jake commence à parler, les mots sortent seuls, les émotions aussi : il lui explique comment il a su où le trouver, pourquoi il a été contacté, il rajoute même quelques détails sur la relation qu’il avait avec la mère du garçon. La surprise passe à de nombreuses reprises sur le visage de Melchior, sûrement mélangée avec d’autres sentiments que l’infirmier ne peut pas décrypter. Il ne le connaît pas encore suffisamment pour savoir ce que veut dire l’étincelle au fond de ses yeux, la manière dont il respire, celle dont ses lèvres se pincent. Le plus âgé des deux sait très bien que le corps parle bien plus que les mots mais à ce stade, il est incapable de tout comprendre. Alors il espère que son fils va savoir s’exprimer aussi bien que lui et ne pas se renfermer. « Ça fait beaucoup à encaisser tout ça. » C’est justement à cause de ça que la peur noue le ventre de Jake : il pourrait refuser d’avoir à affronter tout ça parce que ça fait trop d’un coup. « J’ai toujours cru qu’elle avait été seule pendant la grossesse, ça me fait bizarre de savoir que quelqu’un était là pour elle, que tu étais là. Elle est toujours restée assez secrète sur la grossesse ou votre relation. Elle ne m’a jamais dit que vous étiez ensemble. Donc je suis content de savoir qu’elle n’a pas traversé ça seule. » Il y a énormément à dire sur ce qui s’est passé une fois Adélaïde enceinte. Est-ce que Jake est le mieux placé pour le raconter ? Maintenant oui, apparemment. Elle n’a plus toute sa tête et ne pourra jamais raconter à Melchior pourquoi elle a choisi de faire ça seule, pourquoi elle a demandé à Jake, comment ça s’est passé, pourquoi il a accepté. Il se sent responsable et est tout à fait d’accord pour lui dire – s’il veut l’entendre. « Et pour le centre de soin, je pense que tu as raison de ne pas y aller. J’y suis allé ce matin et c’est vraiment difficile. Elle ne m’a même pas reconnu, elle m’a demandé de sortir de la chambre. Alors je pense qu’il vaut mieux que tu gardes un bon souvenir d’elle. » En l’entendant lui raconter ce qu’il a vécu ce matin, Jake ne peut s’empêcher de poser sa main sur la jambe de Melchior, assis à côté de lui. Un geste qui se veut amical – paternel – pour le rassurer. Il est là, maintenant, il n’aura plus à affronter ça seul. Il la retire pourtant rapidement, il ne sait pas s’il a le droit ou non d’agir comme ça avec lui. Tout est un peu trop bizarre, mais ils finiront par se dire ce qu’ils veulent et peuvent accepter de l’un et de l’autre. « En tout cas tu as eu raison de venir. Ça me fait toujours bizarre de te voir dans mon salon, je pensais qu’on ne se rencontrerait jamais. Mais je suis content que tu sois là. » Cette dernière phrase fait sourire Jake. « Je suis content d’être là aussi. » Il pèse le pour et le contre, rapidement, à savoir s’il doit ou non lui raconter son histoire avec sa mère. « Je peux t’expliquer rapidement ce que j’ai vécu avec elle. » Il a peur d’évoquer son homosexualité. Jake est parfaitement assumé depuis des années maintenant mais il n’aimerait pas être renié par son propre fils. Une part de lui ne cesse de lui répéter qu’il a été élevé par une femme ouverte d’esprit, mais il se contredit seul en se rappelant l’homophobie prononcée de son père : on devient qui on veut devenir, avec ou sans bonne éducation. Il regarde Melchior de longues secondes avant de soupirer doucement. « J’aime les hommes. » La phrase est dite, le retour en arrière n’est plus possible, autant enchaîner. « Et quand j’étais plus jeune, c’était très difficile à assumer. Déjà parce que c’était beaucoup moins la norme qu’actuellement et parce qu'à l’époque, dans le coin, c’était carrément illégal. Alors… » Il trouve ça toujours difficile de reparler de son passé, de ces moments difficiles. « Après quelques relations cachées avec des hommes, je me suis dit que j’allais me forcer avec une femme. Ta mère. On est resté quelques mois ensemble avant que je me rende compte de mon malheur. Je lui ai tout expliqué, je lui ai avoué mes préférences et elle m’a parfaitement compris. » Sans elle, il n’aurait jamais réussi à s’ouvrir complètement. « On est resté très amis. Elle quittait souvent la ville pour partir en concerts mais on se retrouvait dès qu’elle revenait. Et à peu près deux ans après notre rupture, elle m’a parlé de son envie d’avoir un enfant. Elle me disait que l’adoption la rejetait et qu’il n’y avait qu’une seule solution, alors… Te voilà. » Il désigne Melchior du menton. « On a arrêté de se voir dès que tu es venu au monde. C’était le deal. On échangeait de temps en temps et elle m’a envoyé quelques photos de toi à tes anniversaires mais ça s’arrêtait là. Mais… même à ce jour, elle reste ma meilleure amie. » Et ça ne changera pas même si elle est malade, d’après Jake. Pour toujours, ce sera elle. « Elle a su te gérer seule, enfin, je crois. T’as jamais eu un beau-père ? Je ne sais absolument rien de toi, je t’avoue. Raconte-moi, qui tu es, ce que tu fais, ce que tu veux être… J’écoute. » Par exemple, il ne sait pas qu’il a un frère.

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyMer 3 Nov 2021 - 23:37



« Je suis content d’être là aussi. » Je le regarde me sourire, c’est plus qu’improbable de le voir là mais j’ai hâte d’en savoir davantage sur lui et surtout sur son histoire avec ma mère. « Je peux t’expliquer rapidement ce que j’ai vécu avec elle. » Suspendu à ses lèvres j’espère savoir dans quel contexte ils se sont rencontrés, combien de temps ils sont restés ensemble ou même la raison de leur éloignement actuel. Au lieu de ça c’est une toute autre vérité qui tombe. « J’aime les hommes. » Alors là je suis surpris puisqu’il m’a avoué il y a quelques instants à peine qu’il avait été en couple avec ma mère. Je suis surpris aussi que ce soit la première chose qu’il me dise alors qu’il me parle d’elle. Je me fiche qu’il soit gay ou hétéro, ça ne change rien de mon côté, j’ai simplement plus de questions que de réponses à ce stade là. Je le laisse parler, terminer ses explications, je sens que c’est quelque chose de difficile à raconter alors je n’ai pas envie de l’interrompre. « Et quand j’étais plus jeune, c’était très difficile à assumer. Déjà parce que c’était beaucoup moins la norme qu’actuellement et parce qu'à l’époque, dans le coin, c’était carrément illégal. Alors… » Je n’ose même pas imaginer le calvaire que ça a dû être à l’époque, j’ai de la peine qu’il ait eu à vivre ça. « Après quelques relations cachées avec des hommes, je me suis dit que j’allais me forcer avec une femme. Ta mère. On est resté quelques mois ensemble avant que je me rende compte de mon malheur. Je lui ai tout expliqué, je lui ai avoué mes préférences et elle m’a parfaitement compris. » J’ai beaucoup de compassion pour lui, ça a dû être une période très difficile à vivre de son côté mais je suis heureux qu’il ait trouvé le courage de s’assumer et de tout avouer à ma mère. Et je suis fier que ma mère ait réagi de cette façon, c’était quelqu’un de sincèrement bon, d’ouverte d’esprit. « On est resté très amis. Elle quittait souvent la ville pour partir en concerts mais on se retrouvait dès qu’elle revenait. Et à peu près deux ans après notre rupture, elle m’a parlé de son envie d’avoir un enfant. Elle me disait que l’adoption la rejetait et qu’il n’y avait qu’une seule solution, alors… Te voilà. » Leur amitié devait être plus que solide pour résister à ça. Je pense qu’à la place de ma mère, en apprenant que leur compagnon est gay est n’a aucune attirance pour elle, de nombreuses personnes auraient été rancunières et n’auraient pas voulu garder contact. Je souris lorsqu’il mentionne ma venue, son geste était d’une grande générosité. « On a arrêté de se voir dès que tu es venu au monde. C’était le deal. On échangeait de temps en temps et elle m’a envoyé quelques photos de toi à tes anniversaires mais ça s’arrêtait là. Mais… même à ce jour, elle reste ma meilleure amie. » Même si la vie les a éloignés ça reste une belle histoire d’amitié plus forte que tout. Je pense à Adriana à ce moment-là. Bon la situation est très différente, nous ne sommes pas du tout dans le cas de Jake et de ma mère mais je vis le même genre d’amitié fusionnelle alors je comprends très bien ce qu’il veut dire par « elle reste ma meilleure amie » : le lien qui unit deux âmes sœurs est plus fort que la distance, le temps et les souvenirs qui s’effacent. Je trouve quand même ça triste qu’ils aient arrêté de se voir à ma naissance. Je comprends très bien que ma mère n’ait pas voulu que je côtoie Jake et que je découvre qu’il est mon père alors qu’il ne me doit rien. Cependant c’est dommage d’avoir coupé le contact aussi brutalement, ils auraient pu se voir plus discrètement sans que je n’en sache jamais rien. Je ne comprends pas le choix que ma mère a fait et il est trop tard pour lui demander sa version de l’histoire. « Elle a su te gérer seule, enfin, je crois. T’as jamais eu un beau-père ? Je ne sais absolument rien de toi, je t’avoue. Raconte-moi, qui tu es, ce que tu fais, ce que tu veux être… J’écoute. » Ma mère est une femme forte, elle a toujours tout assuré seule : une carrière de violoniste professionnelle, des responsabilités à l’orchestre et deux enfants en étant seule. Ma mère c’est un modèle de force, je l’admire beaucoup. Je repense notamment à la bataille acharnée qu’elle a mené contre Alzheimer. Le combat était inégal mais elle s’est battue comme une lionne pour faire travailler sa mémoire, pour ne pas oublier le violon, ses souvenirs les plus précieux et surtout pour ne pas nous oublier nous. J’essaie de reprendre depuis le début et je tiens à le rassurer sur la confession qu’il ma fait.« Pour ton homosexualité moi je m’en fiche, enfin je veux dire que ça ne change rien pour moi. Si ma mère t’appréciait autant et qu’elle te faisait confiance ça veut dire que tu es quelqu’un de bien alors aucune importance de mon côté. » Je le pense sincèrement, le reste n’a pas d’importance. Je réponds par la suite à sa question sur la situation amoureuse de ma mère après qu’ils se soient perdus de vue. « Non jamais de beau père, elle a toujours tenu à son indépendance alors elle nous a élevés seule mon frère et moi. » Il me regarde bizarrement, comme s’il avait raté un épisode. Je suis sûr que ma mère ne lui a pas parlé de mon frère et de cette procédure d’adoption qui avait enfin abouti après des années d’errance administrative. « Elle ne t’a pas dit que l’adoption avait finalement accepté sa demande ? » Je lui donne quelques détails en plus mais je n’ai pas envie de m’attarder sur mon frère. Je tiens énormément à lui mais nous sommes très différents et on ne se comprend pas toujours. Et puis c’est lui qui m’a poussé à accepter de mettre maman dans ce centre de soin. C’est une des dernières fois qu’on s’est vus si je me souviens bien et je n’ai pas envie de repenser à cette décision qui a été un véritable déchirement. « Il a 24 ans mais on ne se voit pas beaucoup, il est très occupé. »  Comme il aime me le rappeler souvent, mais moi aussi j’ai une vie bien remplie, il n’a pas le monopole de l’emploi du temps chargé et de la vie à cent à l’heure. « Et moi aussi je suis pas mal occupé entre tout. Je suis serveur dans un restau italien et je fais partie d’un orchestre et d’un groupe. Alors bon ça occupe tout ça. » Je fais une pause avant d’ajouter « La musique c’est toute ma vie, c’est Maman qui m’a donné envie et je joue du violon depuis tout petit. » Je suis loin de prétendre avoir le quart du talent de ma mère mais elle a su me transmettre cette étincelle, cet amour de la musique qui ne m’a jamais quitté depuis que je suis tombé amoureux du violon en étant tout petit. Maintenant que j’en sais plus sur son passé avec ma mère j’aimerais savoir qui il est aujourd’hui. Est-il en couple ? Est-ce qu’il a d’autres enfants ? Qu’est-ce qui le fait vibrer dans la vie ? « Et toi ? Parle moi un peu de toi aussi. » J’ai hâte d’en savoir plus sur le meilleur ami de toujours de ma mère, sur mon père que j’ai la chance de rencontrer aujourd’hui.

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyLun 8 Nov 2021 - 15:31

Jake fait le choix de s’ouvrir entièrement à son fils et de lui dévoiler toute la vérité sur ce qui le liait – le lie – à la mère de celui-ci. Ce n’est pas facile de raconter une histoire qui a toujours été volontairement dissimulée. Adélaïde savait ce qu’elle voulait, Jake aussi : il vient de faire un énorme pas en arrière et de dévier complètement pour emprunter une autre route que celle qu’ils avaient tracée à deux. Elle n’est pas morte mais sa mémoire s’est envolée, et Jake est prêt à y mettre sa main à couper : si elle était lucide et qu’on lui demandait, elle dirait le vouloir, elle aussi. Que Melchior ne reste pas seul, que Jake prenne ses responsabilités aujourd’hui. Même si son enfant est majeur, même s’il sait s’occuper de lui-même, même s’il n’a plus besoin d’être couvé. Juste pour qu’il y ait quelqu’un qui assure ses arrières. L’infirmier a entendu quelque part que la parentalité est le rôle d’une vie, que ça ne s’arrête pas une fois les dix-huit ans arrivés. Dans son cas et celui de sa meilleure amie, ce n’est pas une entraide mais un relai : c’est à son tour d’assurer, à son tour d’être présent. Si Melchior veut bien de lui, s’ils se revoient après ce soir. « Pour ton homosexualité moi je m’en fiche, enfin je veux dire que ça ne change rien pour moi. Si ma mère t’appréciait autant et qu’elle te faisait confiance ça veut dire que tu es quelqu’un de bien alors aucune importance de mon côté. » Le fait que Melchior tienne à le dire fait sourire Jake : ça le touche sincèrement. « J’ai tout fait pour préserver ses sentiments, pour lui faire comprendre que le problème ne venait pas d’elle. » Jake a trouvé ça extrêmement difficile de rompre pour assumer pleinement son homosexualité, mais avec du recul, ça a été la meilleure décision de sa vie. « Non jamais de beau père, elle a toujours tenu à son indépendance alors elle nous a élevés seule mon frère et moi. » Son frère et lui ? Il entre ouvre la bouche pour demander mais Melchior enchaîne, il a dû lire l’incompréhension sur son visage. « Elle ne t’a pas dit que l’adoption avait finalement accepté sa demande ? Il a 24 ans mais on ne se voit pas beaucoup, il est très occupé. » Vaughan ressent une vague de soulagement qu’il n’arrive pas à s’expliquer : une part de lui est satisfaite de savoir que même s’ils n’arrivent pas à nouer un véritable lien père/fils, il y a quelqu’un pour veiller sur Melchior. Un petit frère. « Et moi aussi je suis pas mal occupé entre tout. Je suis serveur dans un restau italien et je fais partie d’un orchestre et d’un groupe. Alors bon ça occupe tout ça. La musique c’est toute ma vie, c’est Maman qui m’a donné envie et je joue du violon depuis tout petit. » Il hoche la tête, range les informations dans son crâne. « Je comprends mieux. » Il dit, en pouffant légèrement. « Quand j’ai reçu le mail du centre, j’ai voulu te trouver par moi-même sans lire les informations qu’on m’avait données de toi. Et ta mère m’avait dit que tu avais une âme d’artiste. Et je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit que tu n’allais pas suivre les traces de ta mère, que tu allais t’engager dans une voie différente. » Il trouvait ça très logique à ce moment-là, mais maintenant qu’il y pense, le rythme de vie d’Adélaïde n’était pas déplaisant. Il l’était quand elle partait en tournée régulièrement mais avec deux enfants, elle avait dû arrêter. « Du coup je suis allé dans un théâtre en étant persuadé t’y trouver. C’est quand je me suis retrouvé face au vigile de trois mètres que j’ai compris que j’avais fait une bêtise. » Il rigole en racontant. Heureusement qu’Hayden a su le sortir de ce pétrin, ce jour-là. « Et toi ? Parle moi un peu de toi aussi. » Voilà bien longtemps que Jake n’a pas dû se présenter à quelqu’un. Il a dépassé le stade des informations à donner sur soi depuis un bon moment : ses amis, il les a depuis des années, les nouveaux se font une place comme ils le peuvent sans qu’il ait à s’ouvrir de nouveau. Mais pour Melchior, il peut bien le faire. « Je suis infirmier. Ma mère est morte quand j’étais assez jeune et j’ai toujours eu comme projet de vie de soigner les autres, après ça. » Il se rend compte qu’il vient de lui apprendre le décès de sa grand-mère, comme ça, sans prévenir. « Je ne parle plus à mon père depuis des années et je suis fils unique. De mon côté, tu n’as pas vraiment de famille. J’espère que tu n’imaginais pas des repas familiaux à quinze parce que ça risque d’être compliqué. Tu veux le rencontrer ? » Son grand-père. Jake est d’accord de faire un effort et de retourner voir son père, seulement si son fils le veut. « J’ai un chat qui s’appelle le chat. Ou chat, ça dépend de la phrase, c’est parfois étrange de dire que je vais donner à manger à le chat… J’ai jamais su lui trouver un vrai prénom donc si tu as une idée, je suis preneur. » Il n’est jamais trop tard pour renommer son animal, pas vrai ? « Sinon… Je suis un peu marié à mon travail, en fait. J’ai perdu trop d’années à chercher le bon compagnon pour fonder une famille et je n’ai jamais trouvé. J’avais quelqu’un de correct il y a quelques années mais ça s’est terminé. Et maintenant… » Il pense à Marcus, un léger sourire vient s’incruster sur son visage. « Je laisse le temps au temps. Tu es ma seule chance de connaître la paternité, Melchior. Et je sais que c’est un peu tard et que je ne vais pas assister à tes premiers pas ni entendre ton premier mot mais… j’ai vraiment envie de faire partie du reste, si tu veux bien de moi. » Il le regarde droit dans les yeux, essaie d’accrocher, de tisser un lien avec lui. La sonnerie de la porte les dérange dans ce moment : cette fois-ci, c’est bien le livreur de pizzas qui se trouve sur le pas de la porte. « Tu attendais quelqu’un ? » Il demande en regardant Melchior se lever.

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyMar 9 Nov 2021 - 0:41



« J’ai tout fait pour préserver ses sentiments, pour lui faire comprendre que le problème ne venait pas d’elle. » Et je sens qu’il est sincère et que ça a été un moment difficile pour lui. Enfin pour tous les deux mais il a pris une décision courageuse en lui avouant qu’il aimait les hommes. J’imagine que ça a été difficile pour ma mère mais que ça ne devait pas être une surprise. J’en suis persuadé il a eu raison de partir en étant honnête avec elle plutôt que de lui mentir en lui faisant croire qu’ils vivaient une belle histoire d’amour. Je tiens à le rassurer sur le fait que ma mère ne m’a jamais dit qu’elle avait souffert de cette histoire. « Et je suis sûr qu’elle a compris puisqu’elle ne m’a jamais parlé de toi en mal. » Je suis heureux que ma mère ait eu un ami comme Jake, une belle amitié où il prenait réellement soin d’elle et il où il a accepté de lui faire un beau cadeau en l’aidant à avoir un enfant.

Curieux d’en savoir plus sur moi il me demande de me présenter. Je lui parle du restaurant mais surtout de ce qui me fait réellement vibrer et qui me définit : la musique. « Je comprends mieux. » Il a l’air amusé par la situation, je ne comprends pas trop où il veut en venir. « Quand j’ai reçu le mail du centre, j’ai voulu te trouver par moi-même sans lire les informations qu’on m’avait données de toi. Et ta mère m’avait dit que tu avais une âme d’artiste. Et je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit que tu n’allais pas suivre les traces de ta mère, que tu allais t’engager dans une voie différente. » Elle lui a avait donc un petit peu parlé de moi, ça m’étonne qu’elle ne lui ai pas dit que je jouais aussi du violon. Je n’ai jamais voulu suivre à tout prix ma mère dans sa passion. Contrairement à ce que certaines personnes pourraient imaginer elle ne m’a jamais forcé à quoique ce soit. La musique ça a toujours été une évidence, elle m’a toujours soutenu et encouragé mais elle ne m’a jamais forcé. « J’ai pas choisi le violon pour suivre le chemin de Maman mais je suis tombé amoureux de la musique en la suivant à ses concerts. » Je tiens un petit peu à nuancer. Maman jouait de la musique classique, elle écoutait aussi d’autres choses mais je l’imagine mal aimer les morceaux que nous jouons avec Oxtorm. Ou Oxtorm tout court, c’est une sacrée bande anticonformiste, mais je me sens bien avec eux. « Mais je suis pas exactement dans le même chemin qu’elle, je suis dans un groupe de rock c’est très différent de l’orchestre. Je suis pas sûr que Maman aurait aimé ça » Je ris en imaginant Maman au premier rang du concert, je suis pas sûr qu’elle apprécierait toutes les chansons. « Du coup je suis allé dans un théâtre en étant persuadé t’y trouver. C’est quand je me suis retrouvé face au vigile de trois mètres que j’ai compris que j’avais fait une bêtise. » Je suis intrigué, qu’est-ce qu’il s’est passé après ça ? J’espère qu’il n’ a pas eu d’ennuis en entrant dans le théâtre. « Comment ça s’est passé, t’as eu des ennuis ? » Ca me fait sourire qu’il m’ait imaginé faisant du théâtre je pense que je dois être un très mauvais comédien, j’ai jamais essayé le théâtre mais je sens que ce n’est pas fait pour moi.

Je suis curieux à mon tour et j’aimerais en savoir plus sur lui. « Je suis infirmier. Ma mère est morte quand j’étais assez jeune et j’ai toujours eu comme projet de vie de soigner les autres, après ça. » « Oh je suis désolé pour toi. » Je ne sais jamais trop quoi dire dans ses moments-là. Perdre sa mère c’est douloureux et je le sais d’expérience. Même si c’est un peu différent et que ma mère est toujours vivante pour moi la personne qu’elle était nous a quitté il y a longtemps déjà. Le fait qu’il soit infirmer ça ne m’étonne pas, il m’a l’air très attentionné, je peux le voir dans la manière dont il me parle de ma mère, de sa volonté de la protéger et je trouve cette douceur touchante. J’aime les personnes comme ça, simples, altruistes dont le cœur est pur. « Je ne parle plus à mon père depuis des années et je suis fils unique. De mon côté, tu n’as pas vraiment de famille. J’espère que tu n’imaginais pas des repas familiaux à quinze parce que ça risque d’être compliqué. Tu veux le rencontrer ? » Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre eux, ça ne me regarde peut-être pas. En tout cas j’imagine que c’est encore douloureux pour lui, couper les ponts avec un parent ça doit être terrible, j’ai du mal à l’imaginer. Même si les relations avec mon frère ne sont pas toujours très bonnes je ne peux pas envisager d’arrêter de lui parler, malgré tout il reste mon petit frère et je l’aimerais toujours. « Non je préfère pas. Je sais pas ce qui s’est passé entre vous mais si tu ne lui parles plus je pense que c’est pas une bonne idée. » Je n’avais jamais trop pensé aux grands repas de famille, j’ai toujours été habitué à n’être qu’à trois ou quatre quand ma grand-mère nous rejoignait pour noël ou pour les anniversaires. Cette année avec maman au centre de soins je ne sais pas ce qu’on fera pour noël. Mon frère sera sûrement invité dans la famille de sa copine et de mon côté, Ade me proposera sûrement d’aller réveillonner avec sa famille. Il n’y aura certainement pas de repas de noël chez les Nicholls cette année, et je trouve ça un peu triste. « J’ai un chat qui s’appelle le chat. Ou chat, ça dépend de la phrase, c’est parfois étrange de dire que je vais donner à manger à le chat… J’ai jamais su lui trouver un vrai prénom donc si tu as une idée, je suis preneur. » Je souris quand il me parle de son chat, je l’imagine déambuler dans sa maison et Jake l’appelant à l’autre bout de la maison en disant « le chat. » «  C’est facile à retenir comme nom au moins. » Je fais une petite pause avant d’ajouter. « J’aurai peut-être des idées en le voyant, je te dirai ça. » J’aimerais bien voir son chat. Voir où Jake habite, en savoir un peu plus sur son quotidien. Il y a tellement de choses que j’aimerais savoir, et rencontrer son chat ce n’est pas grand-chose mais ça me ferait plaisir, c’est un peu comme s’il me présentait un membre de sa famille. J’ai toujours voulu avoir un chat mais Maman a toujours refusé. D’ailleurs ça fait quelques temps que j’ai envie d’adopter un chat, il faut que j’y réfléchisse plus sérieusement -pas sûr qu’Adriana apprécie l’idée-. « Sinon… Je suis un peu marié à mon travail, en fait. J’ai perdu trop d’années à chercher le bon compagnon pour fonder une famille et je n’ai jamais trouvé. J’avais quelqu’un de correct il y a quelques années mais ça s’est terminé. Et maintenant… » Je peux sentir la déception dans sa voix, perdre quelqu’un qu’on aime c’est toujours douloureux. Je sens qu’il a besoin de se confier alors je le laisse continuer ses explications. « Je laisse le temps au temps. Tu es ma seule chance de connaître la paternité, Melchior. Et je sais que c’est un peu tard et que je ne vais pas assister à tes premiers pas ni entendre ton premier mot mais… j’ai vraiment envie de faire partie du reste, si tu veux bien de moi. » Je suis ému d’entendre ces mots que je n’aurais jamais cru entendre. Je n’ai aucune rancœur, il ne me doit rien, il n’a jamais rien promis et je me suis construit dans l’idée que j’avais eu le parent le plus extraordinaire que l’on pouvait avoir : ma mère, mon héroïne. Mais je suis heureux de découvrir que j’ai aussi un père attentionné, un père tardif certes mais un père quand même et je suis prêt à lui faire une place dans ma vie. Les souvenirs ça se rattrape, je lui montrerai les albums une prochaine fois, les vidéos qu'avait fait maman. Je lui parlerai de mes souvenirs d'enfants, des anecdotes que ma mère nous a raconté et pour les souvenirs manquants ce n'est pas grave on en créera de nouveaux ensemble. « Bien sûr que je veux bien de toi, t’es là maintenant c’est le principal. » Je lui réponds en soutenant son regard jusqu’à que la sonnette nous interrompe.

Je me lève en l’entendant : c’est sûrement les pizzas qu’Ade a commandé. « Tu attendais quelqu’un ? » J’ai oublié de lui parlé d’un détail plutôt important : le fait que je ne vive pas seul mais avec Ade. « Ma copine oui, on habite ensemble et on avait prévu de se faire une soirée pizza. » Je lui réponds avant d’aller payer le livreur avec l’argent qu’Adriana avait laissé sur la table. Je dépose ensuite les pizzas sur le plan de travail et je retourne m’asseoir sur le canapé près de Jake. « Elle travaille encore, elle ne rentre pas tout de suite. » Et d’un côté c’est tant mieux. Je l’apprécie énormément mais là j’ai besoin d’être seul avec Jake, d’apprécier ce moment juste entre père et fils.


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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyMar 16 Nov 2021 - 17:08

« Et je suis sûr qu’elle a compris puisqu’elle ne m’a jamais parlé de toi en mal. » Il hoche son visage de haut en bas. « On a plus longtemps été ami qu’en couple, au final. Notre histoire n’est pas vraiment marquante, ça ne m’étonne pas qu’elle ne t’en ait pas parlé. » Parce qu’il n’y a rien de dire à plus que ça : ils ont essayé, ça n’a pas marché, ils sont restés amis. Et c’est la meilleure décision qu’ils aient prise, tous les deux, puisque de cette amitié est né Melchior, ensuite. Le fruit de leur amitié et non de leur amour ; c’est tout aussi beau, d’après l’infirmier. Son fils commence à lui dire ce qu’il aime faire dans la vie, et il lui avoue que c’est la musique qui a gagné son cœur, Jake ne l’aurait pas cru. « J’ai pas choisi le violon pour suivre le chemin de Maman mais je suis tombé amoureux de la musique en allant à ses concerts. » « Il faut dire qu’elle jouait extrêmement bien. » Jake était à toutes ses répétitions, à une époque, il était le premier à l’encourage et à l’applaudir. Elle avait un talent monstrueux, ça le désole de se dire qu’aujourd’hui, elle a peut-être oublié comment lire une partition. « Mais je suis pas exactement dans le même chemin qu’elle, je suis dans un groupe de rock, c’est très différent de l’orchestre. Je suis pas sûr que Maman aurait aimé ça. » « Un groupe avec des amis à toi ? » La curiosité de Jake ne s’arrête toujours pas. Il veut tout savoir de Melchior. Il sait très bien qu’il n’arrivera pas à rattraper vingt-cinq ans en une soirée mais plus il en sait ce soir, mieux il passera sa nuit ensuite. « C’est vrai qu’elle est très conformiste. Mais je suis sûr que rien que le fait que tu joues de la musique devait lui suffire, peu importe le style. Et ça me plairait beaucoup de te voir jouer, un de ces jours. » Si jamais il a un concert à venir, Jake est preneur : il fera comme avec Adélaïde, il se mettra au premier rang et ressentira de la fierté à regarder les artistes jouer. La seule différence sera qu’il ne regardera pas sa meilleure amie mais son fils, cette fois. « Comment ça s’est passé, t’as eu des ennuis ? » Jake lui raconte son irruption dans le théâtre. « Non, au final je suis tombé sur quelqu’un que je connaissais et qui m’a aidé à me sortir de ce pétrin. Au pire, il m’aurait sorti de là avec toute la délicatesse des vigiles. » Il hausse ses épaules. « En même temps, je les comprends. Un type qui entre dans un théâtre pendant un cours et qui cherche un jeune, ça peut être très mal interprété. »

C’est au tour de Jake de parler de lui. Il a la parole facile, Vaughan, mais ça reste compliqué de résumer quarante-neuf ans en quelques phrases. Il ne veut pas commencer un monologue et lui raconter toutes les étapes de sa vie. Il y a toujours un certain mystère qui entoure les parents, pour un enfant : ils n’auront jamais la certitude de les connaître totalement, car il y a eu une vie avant eux, et qu’il y a ensuite la vie après. Il veut bien dire qui il était avant de le concevoir et de le rencontrer, mais il veut surtout qu’il apprenne à connaître celui qu’il va devenir grâce à lui. Pas qu’un simple homme, non, un père désormais. « Oh je suis désolé pour toi. » « Merci. Ça fait longtemps, maintenant. » Plus de trente ans. La peine reste la même, le manque aussi, la colère forcément : mais il a fait son deuil. Sa mère est mieux là où elle est maintenant, il en est sûr. Et elle veille sur lui depuis toujours, pour toujours ; elle est son ange gardien. Il lui parle ensuite de son père, lui dit être fils unique. « Non je préfère pas. Je sais pas ce qui s’est passé entre vous mais si tu ne lui parles plus je pense que c’est pas une bonne idée. » Il soupire très légèrement. « Il n’a jamais su être suffisamment ouvert d’esprit pour m’accepter tel que je suis. Je sais que l’époque était différence et qu’il a été élevé de manière très stricte, mais personne ne lui a jamais appris à renier son propre enfant. C’est venu de lui, seulement de lui. » Il le dit en baissant légèrement le visage, mais le relève très vite. « Il est le genre de père que je ne veux pas être. Il voulait une copie conforme de lui-même, que je suive ses traces sans essayer d’être moi-même. Moi, je veux te connaître toi, pas que tu sois en mieux ce que je n’ai pas réussi à être dans ma propre vie. » Il tient à lui dire. « Alors, tant mieux. Il ne mérite même pas de savoir qu’il a un petit-fils, à vrai dire. » Car non, Jake n’a jamais dit à son père avoir eu un enfant avec une femme. À quoi bon ? Il lui parle ensuite de son chat, à qui il n’a jamais trouvé de véritable nom. À vrai dire, il lui donne des surnoms dans tous les sens. Il va finir par analyser lequel il lui donne le plus souvent et décréter que c’est son prénom. « C’est facile à retenir comme nom au moins. J’aurai peut-être des idées en le voyant, je te dirai ça. » Jake pourrait sortir son téléphone et lui montrer une photo, mais non. « Oui, tu viendras lui rendre visite. » Lui aussi veut que Melchior vienne voir où il habite, rencontrer sa boule de poils, passer une soirée chez lui. Parce que c’est la suite logique du lien qui est en train de s’installer entre eux : il n’a pas grandi chez son père mais il peut venir y jeter un œil, et même y passer la nuit, si ça lui chante. Jake a de quoi accueillir, dans son petit appartement. Il lui raconte ensuite pourquoi il n’y a personne, dans son entourage, hormis quelques amis. Parce que Jake n’a jamais su se poser avec un homme sur une longue durée. Grand romantique et amoureux de l’amour, il n’a pas su trouver chaussure à son pied pour quelque chose de réellement sérieux. Il voit en Melchior sa seule chance d’avoir un enfant même si, oui, l’idée d’adopter ou de devenir une famille d’accueil lui a déjà effleuré l’esprit plus d’une fois. « Bien sûr que je veux bien de toi, t’es là maintenant c’est le principal. » Les mots de son fils lui font extrêmement plaisir. « J’en suis heureux. » Il lui dit clairement. Rien ne pourrait le rendre plus heureux, à l’heure actuelle, que les mots qu’il vient de prononcer. Rien, ou peut-être que Marcus lui admette avoir envie de lui mais ça, c’est une autre histoire. Quelqu’un sonne à la porte et Jake s’inquiète de déranger : est-ce qu’il avait prévu de recevoir du monde avant l’arrivée impromptu de son père ? « Ma copine oui, on habite ensemble et on avait prévu de se faire une soirée pizza. » Il le laisse aller ouvrir la porte, payer et poser les pizzas sur le comptoir. « Elle travaille encore, elle ne rentre pas tout de suite. » Il s’installe de nouveau à côté de lui. « Je vais quand même y aller, je pense. » Il lui dit, avant de sortir son téléphone et de lui tendre. « Enregistre moi ton numéro et je t’envoie un message en sortant d’ici. » Il le laisse faire ce qu’il vient de demander avant de récupérer son portable. « Et on se recontacte rapidement, d’accord ? Je veux vraiment qu’il y ait quelque chose. » Il a peur qu’il n’y ait rien, après cette soirée, qu’ils s’envoient un ou deux messages et que ça s’essouffle. Jake ne compte pas lui courir après, il veut lui laisser de l’espace et du temps. Mais il faut bien l’admettre, il espère de tout son cœur qu’il n’en ait pas besoin de beaucoup et qu’ils commencent très rapidement à passer du temps ensemble, comme le font les autres, père et fils, qui ont une relation ordinaire. « Tu passeras le bonjour à ta petite amie, du coup. » Il dit, en se levant. « Je connais le chemin. Bonne soirée à toi Melchior. » Il lui fait un sourire et sort de l’appartement. Il sait qu’il va lui falloir quelques heures pour assimiler ce qu’il vient de se passer, mais ça y est : il a rencontré son enfant, et il a vraiment l’air d’être formidable.

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Message(#)you're just a little bit too much like me (melchior) EmptyMar 15 Mar 2022 - 17:30

@Jake Vaughan :l:


J’écoute Jake me parler de sa relation avec ma mère et je lui confie qu’elle ne m’a jamais rien dit de mal sur lui. « On a plus longtemps été ami qu’en couple, au final. Notre histoire n’est pas vraiment marquante, ça ne m’étonne pas qu’elle ne t’en ait pas parlé. » En fait, elle n’a jamais réellement pris le temps de me parler de lui et de mon côté je ne posais pas de question. Je savais que mon père était davantage un donneur mais elle n’a jamais voulu que j’en sache plus ou que je le rencontre. “Je vois, en même temps si c’était juste de l’amitié je peux comprendre.” Jake me demande ce que je fais dans la vie et je lui parle tout de suite de la musique, parce que c’est bien ça qui m’anime et qui me fait vibrer au quotidien. Mon boulot de serveur c’est juste pour payer les factures, je ne suis pas fait pour ça et si je n’en avais pas besoin pour survivre j’aurais lâché ce job il y a bien longtemps. Si j’ai choisi le violon ce n’est pas par hasard, j’en suis tombé amoureux en écoutant maman jouer. « Il faut dire qu’elle jouait extrêmement bien. » Je sais que dire qu’elle était la meilleure n’est pas très objectif mais elle était incroyablement douée et ça c’est un fait. Elle a beaucoup voyagé, elle a donné des concerts aux quatre coins du monde et même si aujourd’hui elle est incapable de lire une partition elle restera un modèle pour moi. “C’est un modèle pour moi oui.” Je lui parle aussi d’Oxtorm, parce que l’orchestre n’est pas le seul endroit où je joue et où je m’épanouis avec la musique. « Un groupe avec des amis à toi ? » La manière dont j’ai rejoint Oxtorm est plutôt atypique. Si je n’avais pas oublié mon Ipod au magasin où Garret travaille je n’aurais jamais rejoint le groupe. Je raconterai cette histoire à Jake une prochaine fois. “A la base non, mais au final je suis tombé au milieu d’une bande de copains donc c’est chouette.” Les répétitions auxquelles j’ai participé se sont très bien passées. L’ambiance y est bien meilleure qu’à l’orchestre. On est une bande de musiciens passionnés, qui aiment bien faire la fête aussi et c’est une vraie bulle d’air à côté de l’ambiance parfois trop sérieuse et étouffante qui règne à l’orchestre. Même si les répétitions sont sérieuse, il n’y a pas cette recherche de la perfection et surtout la compétition entre les musiciens pour devenir premier violon ou chef de pupitre. Je ne suis pas sûr que Maman serait ravie de me voir dans un groupe de rock mais tant pis, c’est aussi une partie de ma personnalité. « C’est vrai qu’elle est très conformiste. Mais je suis sûr que rien que le fait que tu joues de la musique devait lui suffire, peu importe le style. Et ça me plairait beaucoup de te voir jouer, un de ces jours. » Je hoche la tête, je serais ravi de voir Jake assis dans le public pour un concert avec l’orchestre ou dans un bar avec Oxtorm.  “Et ça me ferait plaisir que tu viennes à un concert.” Jake me parle ensuite de ses péripéties au théâtre où il est parti me chercher. « Non, au final je suis tombé sur quelqu’un que je connaissais et qui m’a aidé à me sortir de ce pétrin. Au pire, il m’aurait sorti de là avec toute la délicatesse des vigiles. » Je le regarde hausser les épaules, il ne risquait rien de grave mais c’est toujours plus agréable que ça se soit passé comme ça. “Bon ça va alors, t’as eu du bol.” « En même temps, je les comprends. Un type qui entre dans un théâtre pendant un cours et qui cherche un jeune, ça peut être très mal interprété. » Sa remarque me fait sourire, effectivement dit comme ça ça peut être mal interprété. “J’avais pas vu les choses comme ça mais effectivement oui !” Jake aborde ensuite un sujet difficile : le décès de sa mère. Je suis touché qu’il se confie autant à moi et je ne sais jamais trop comment réagir face à des nouvelles comme ça. Alors je lui dis simplement que je suis désolé qu’il ait dû vivre ça. « Merci. Ça fait longtemps, maintenant. » J’espère que le temps aura pu l’aider à surmonter ce deuil mais je doute qu’on se remette complètement de la perte d’un parent. Il me parle ensuite de son père, à qui il ne parle plus. « Il n’a jamais su être suffisamment ouvert d’esprit pour m’accepter tel que je suis. Je sais que l’époque était différence et qu’il a été élevé de manière très stricte, mais personne ne lui a jamais appris à renier son propre enfant. C’est venu de lui, seulement de lui. » Je le laisse parler, je ne veux pas l’interrompre alors qu’il évoque un souvenir difficile. J’ai mal au cœur pour lui, personne ne devrait être renié par ses parents, surtout à cause d’une orientation sexuelle. « Il est le genre de père que je ne veux pas être. Il voulait une copie conforme de lui-même, que je suive ses traces sans essayer d’être moi-même. Moi, je veux te connaître toi, pas que tu sois en mieux ce que je n’ai pas réussi à être dans ma propre vie. » Je suis ému par son histoire mais aussi parce qu’il accepte de me connaître avec mes qualités et mes défauts. Je suis rassuré qu’il ne cherche pas à rencontrer le fils parfait, celui qui a tout réussi et qui ne connaît aucune difficulté parce que ce n’est pas mon cas. Je fais ce que je peux, je ne suis pas parfait mais j’essaie d’être quelqu’un de bien. « Alors, tant mieux. Il ne mérite même pas de savoir qu’il a un petit-fils, à vrai dire. » Je ne veux pas connaître une personne aussi détestable alors Jake a raison, il n’en saura rien et on sera très bien comme ça. “On se passera très bien de lui alors.” Puis il me parle de son chat, qui n’a pas vraiment de nom et ça me fait rire que Jake n’ait pas trouvé la peine de lui trouver un nom. « Oui, tu viendras lui rendre visite. » Je suis curieux de savoir où Jake vit, j’espère que j’aurais l’occasion de passer le voir chez lui très bientôt. “Avec plaisir, très bientôt j’espère.” Puis Jake fait quelque chose de très touchant, il me parle de la paternité et de la seule occasion que je représente pour lui d’être père, si j’accepte de lui faire une place dans ma vie. Avec un sourire rassurant, je lui confirme que j’ai envie d’apprendre à le connaître. Je le vois sourire en retour, heureux de ma réponse. Nous sommes interrompus par quelqu’un qui toque à la porte et ce bruit me ramène à la réalité : les pizzas. J’explique à Jake que j’attendais ma copine et que ce sont très certainement les pizzas que j’avais commandé pour notre soirée télé. « Je vais quand même y aller, je pense. » Il sort son téléphone et me le tend. « Enregistre moi ton numéro et je t’envoie un message en sortant d’ici. » Je m’exécute avant de lui rendre son téléphone. « Et on se recontacte rapidement, d’accord ? Je veux vraiment qu’il y ait quelque chose. » Et c’est ce que je veux aussi. Je sais que ce ne sera pas forcément facile puisque nous avons 25 ans à rattraper mais de mon côté aussi j’ai envie de construire une vraie relation père fils. Une relation qui sera atypique c’est certain mais je n’ai pas envie de devenir juste un numéro enregistré sur son téléphone, j’ai envie qu’il fasse partie de ma vie même s’il arrive avec un peu de retard. “Avec plaisir oui, faut qu’on s’organise quelque chose.” Il se lève et je l’imite. « Tu passeras le bonjour à ta petite amie, du coup. » “Je lui dirai.” Une prochaine fois je lui parlerai d’elle, je lui parlerai de ma meilleure amie depuis toujours. J’ai hâte de lui raconter tout ça et qu’elle puisse le rencontrer à son tour. J’espère qu’elle partagera mon enthousiasme mais de mon côté l’arrivée de Jake est en plus d’être une surprise une bonne nouvelle. « Je connais le chemin. Bonne soirée à toi Melchior. » Il se dirige vers la porte, m’adresse un dernier sourire avant de franchir le pas de la porte. “Bonne soirée à toi aussi Jake.” Aujourd’hui je me sens moins seul et j’ai l’impression que ma vie vient de prendre un nouveau sens : j’ai une famille, un père et ça c’est une excellente nouvelle. Je me sens un petit peu moins seul pour affronter tout le bazar qu’est la vie et j’espère que Jake restera à mes côtés.

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