(tenue)

Mais que fait la police ? C’est littéralement la question qu’Eddie se pose en déambulant à présent seul dans les couloirs du lycée, son appel à l’aide n’ayant pour le moment pas conduit au sauvetage venu de l’extérieur qu’il attendait. Et si le blond avait raison, et si le tueur parvenait à tous les éliminer avant l’arrivée de la moindre voiture de police ? Nicky a pris la fuite au moins, c’est avec la pensée rassurante que son cousin est en sécurité qu’Eddie se motive à terminer ce qu’il a commencé car s’il n’a pas suivi le plus jeune des Yang c’est bien parce qu'il ne perd pas de vue son objectif : piéger ce grand malade qui rôde et lui faire passer l’envie d’ôter des vies comme ça. Eddie avait tout un plan en tête au départ mais il prend de plus en plus le chemin de l’improvisation, maintenant qu’il a mis la main sur une arme qui n’est pas du tout celle qu’il convoitait au départ. Il pensait trouver un flingue et le voilà finalement muni d’un compas, sans parler des menottes dégotées dans le bureau du directeur qu’il a toujours sur lui. Il tient fermement dans sa main son arme pointue qu’il s’imagine déjà planter entre les deux yeux du tueur s’il doit le croiser, même sil voudrait idéalement juste le blesser pour permettre à la police de l’appréhender plus facilement. Un coup de compas ça ne doit pas faire du bien, peu importe la partie du corps où il sera reçu, mais face à un couteau il ne sait pas si le combat sera très équitable maintenant qu’il y pense. Le revolver aurait été tellement mieux, oui mais voilà la rumeur était fausse comme tant d’autres bruits de couloirs dans ce satané lycée.

Eddie laisse ses jambes le guider sans savoir où celles-ci le mèneront mais il regrette très vite d’avoir tourné à gauche au bout d’un couloir quand sa première découverte après ce virage s’avère être un corps sans vie. Son tout premier cadavre, heureusement positionné sur le ventre pour qu'il ne soit pas forcé de voir son visage. Il y a tellement de sang qu’il ne se demande même pas si la victime a pu survivre, à vrai dire. « Oh.. mon.. dieu. » L’adolescent reste épouvanté, il espérait échapper à une vision de ce genre ce soir mais le jeune homme par terre a visiblement rejoint la cheerleader et d’autres camarades sur la liste des victimes de la Brisbane State High School. Pas le temps de compter ni de déplorer les morts toutefois, Eddie doit à tout prix décider quoi faire plutôt que de rester planté là à la vue de tous et notamment du tueur qui pourrait très bien repasser par là. Et c’est justement alors qu'il considère cette possibilité que son coeur rate subitement un battement, tout son corps se figeant en entendant à quelques mètres de là les cris d’effroi d’une pauvre fille et les coups semblant lui être assénés. De longues secondes d’horreur qui lui glacent le sang et lui retournent le bide avant que les cris cessent, et désormais ce sont des pas qui retentissent lourdement et se rapprochent de lui sans qu'il ne puisse encore voir qui que ce soit. Eddie tremble de tout son long, d’un instant à l’autre il sera face au tueur et sa seule chance réside vraisemblablement dans cette porte restée entrouverte derrière lui. Alors sans réfléchir il s’y engouffre, découvrant très vite qu’elle mène en fait aux sous-sols du lycée. Il se planque et prie pour que le type ne soit surtout pas attiré lui aussi par ladite porte, car la perspective d'une confrontation ici bas ne l’enchante vraiment pas.

Quel endroit lugubre, ce n’est même pas sûr qu’on retrouverait son corps de sitôt s’il devait mourir ici. Eddie ne lâche pas son compas tandis qu’il reste caché dans un coin à deux pas de la loge du concierge, mais voilà que sa grande crainte se matérialise : la porte s’ouvre doucement dans un grincement qui lui fait froid dans le dos pour laisser apparaître une silhouette immense, probablement celle de ce fou venu pour le liquider lui aussi. Sa fin est proche il peut le sentir alors son instinct de survie lui dicte de se tenir prêt à lutter pour sa vie quand le type se trouvera face à lui. Il l’entend s’approcher, commence à se redresser et finit par bondir hors de sa cachette pour atterrir devant lui avec son bras en l’air prêt à frapper. « Wa- Walker ? » Eddie bafouille, alors ce n’est que lui ? Il ne peut pas croire la chance qui est la sienne même si son camarade, pour le coup, aurait pu en avoir beaucoup moins de son côté. « T’étais à rien de te prendre un coup de compas, bon sang je t’ai pris pour l’autre cinglé. Mais faut dire aussi que tu fais peur quand on ne voit que ton ombre, tu le sais ça ? » Avec ses deux mètres de haut et sa carrure bien sûr que son ombre est effrayante, il est déjà impressionnant quand on le voit juste comme ça. « Je- j’ai trouvé un corps dans un couloir tout à l’heure et j’ai entendu une fille se faire massacrer ou ce qui y ressemblait juste après.. » Sa voix est fébrile, il n’est clairement pas près de s’en remettre et poser des mots dessus est déjà compliqué. « Et.. toi ça va, pas trop secoué ? » Il ne sait pas pourquoi il lui demande ça, ce n’est pas vraiment son pote ce Channing et c'est avant tout l’amour du sport qu'ils ont en commun tous les deux. Ils ne sont pas allergiques l’un à l’autre mais ils ont surtout pris l'habitude de se charrier lorsqu'ils se croisent, le grand brun représentant un peu tout ce qu'Eddie n'est pas.

« Yang ? » L’apparition du grand brun est un soulagement pour Eddie qui se voyait déjà passer ses derniers instants de vie dans ces sous-sols et il comprend que la réciproque est vraie, Channing semblant avoir lui aussi eu une belle frayeur en le voyant surgir avant de comprendre que ça n’était que lui. « Je ne pensais jamais dire ça mais je suis content de te voir. » Ces mots lui arrachent un sourire un peu forcé, l’adolescent étant encore bien trop tendu pour s’amuser de la situation qui n’a au final pas grand-chose de drôle. « Ma compagnie t’est donc à peu près tolérable lorsque nos vies sont en jeu, j’en prends note. » Il veut bien croire que Channing préfère très largement se trouver face à lui plutôt que face au tueur et il pourrait d’ailleurs en dire autant, ils ont beau ne pas être très copains ce n’est pas demain la veille qu’ils s’en prendront physiquement l’un à l’autre. Mais malgré ses intentions pures à l'égard du brun Eddie reste figé dans une position de défense. « Tu serais gentil de baisser ce truc d'ailleurs, j'ai encore besoin de mes deux yeux. » En parlant de yeux ce sont les siens qu'il écarquille, réalisant qu’il n’a même pas eu le réflexe de rabattre ce bras qui le menace d’un compas depuis son arrivée comme si son membre était paralysé par la peur qu’il a eue il y a quelques instants. « Oh je.. désolé Walker. Depuis que j’ai mis la main sur ce truc je le lâche plus, c’est tout ce que j’ai trouvé pour me défendre. » Alors il abaisse son bras, la main cramponnant l’instrument à pointe tremblant quelque peu. Eddie garde en tête que le cinglé au couteau peut à tout moment lui tomber dessus alors il se devait de trouver quelque chose pour le repousser, même si ce n’est pas certain du tout qu’il gagnerait un tel duel. Disons qu’il tient à mettre un minimum de chances de son côté, attendre la mort les bras croisés ne faisant pas partie de ses plans.

Il déballe vite à Channing ce qu’il a vu avant de trouver refuge dans ces sous-sols parce que ça doit sortir, il ne peut pas le garder pour lui. Ce corps d’un tout jeune homme qui aurait pu être n’importe lequel de ses potes et qui restera pour lui sans identité, et ces cris qu’il entend encore dans sa tête sans savoir ce qui est arrivé à cette pauvre fille.. même s'il s'en doute bien. Il ne se fait aucune illusion Eddie, elle a certainement été massacrée comme les autres et il ne peut pas s’empêcher de penser qu’il n’a rien fait pour la sauver, au lieu de ça il a même préféré fuir. « J'ai marché dans du sang si épais que j'ai dû laisser mes pompes sur place... je voulais pas prendre le risque qu'il suive les traces et qu'il me chope. D'autres élèves couraient... » Ses yeux remontent pour rencontrer ceux de Channing, qui semble en avoir lui aussi gros sur le cœur, puis redescendent au niveau de ses pieds pour constater seulement maintenant l’absence de chaussures à ceux-ci. « T’as bien fait, on n’aurait pas tous eu une réaction aussi sensée. » Il parle surtout pour lui Eddie, laisser ses pompes il ne pense pas qu’il l’aurait fait et pour le coup Channing a peut-être bien sauvé sa propre vie comme ça. « Tu es ici depuis longtemps ? » « Seulement quelques minutes. Mais je sais pas ce que je serais devenu si cette porte n’avait pas été là au bon moment derrière moi.. » Eddie sent sa gorge se serrer douloureusement, veut-il vraiment y penser ? Le tueur semblait si proche, c’est un miracle quand il y pense. Il peut voir à l’expression du grand brun que tout ça le retourne et il lui confirme, avec une sincérité qui le surprend même. « J'ai envie de gerber... j'ai la gorge tellement noué que j'ai du mal à respirer. Toute cette merde me tord les tripes. » Un grand gaillard comme lui n’est pas du tout insensible à tout ça, comme quoi il y a beaucoup d’humanité derrière ce physique qui en impose et à vrai dire, malgré leur relation compliquée, Eddie n’en doutait pas vraiment. « Respire Walker. » il lui souffle pour ne pas avouer qu’il est un peu pareil, sa découverte macabre de tout à l’heure lui porte un coup au cœur dès qu’il y pense. « Je flippe vraiment Yang. J'ai pas envie de crever ici en me faisant décapiter par ce fou furieux. Il faut qu'on trouve une solution. » Ils sont trop jeunes pour assister à tout ça mais aussi trop jeunes pour mourir, Eddie non plus ne veut pas finir en charpie. « Écoute, on a pas survécu jusqu’ici pour mourir maintenant, ça je refuse. » Un soupçon de détermination s’entend dans sa voix tandis qu’il va jusqu’à déposer une main sur l’épaule du grand brun. « J’ai peut-être un plan mais.. ça va être risqué, et j’aurais besoin de toi. » Seul il ne pense pas y parvenir, en revanche il pourrait avoir malgré lui trouvé l’endroit parfait pour mettre son plan à exécution. « Je veux piéger ce grand malade et le livrer aux flics, et pour ça je.. propose de l'attirer ici. » Il pose son regard sur Channing pour guetter sa première réaction avant de poursuivre, comme pour lui dire que oui, tu as bien entendu. James lui a dit qu’il était taré, Nicky aussi alors il s’attend à ce que le brun complète la trilogie.

« On peut dire ça comme ça. » Eddie s’en contentera très bien car venant du grand brun ça sonnerait presque comme un compliment. Il reste une compagnie toujours plus acceptable que celle du tueur pour Channing et c’est déjà ça, il faut savoir savourer les petites victoires dans la vie. Et dire qu’il était à deux doigts de crever un œil à son camarade en le prenant pour l’autre barjot, une chance que ses réflexes ne soient pas si bons. Ce compas pourrait vraiment faire mal s’il était utilisé dans l’optique de blesser quelqu’un et c’est bien pour ça qu’Eddie s’en était muni à l’origine. « Ne le lâche pas surtout... ça peut toujours servir. » Eddie hoche lentement la tête alors que ses yeux contemplent l’instrument entre ses mains, si utile aujourd’hui alors qu’il l’a trop longtemps négligé en cours de maths. « Compte là-dessus, je me suis donné trop de mal pour le trouver. » Il repense à ses fouilles dans le bureau du directeur et à son cousin qu’il a dû laisser partir et qu’il n’a pas voulu suivre. Sa gorge se serre à l’idée que le jeune Yang n’ait pas pu s’enfuir à temps mais il n’y a pas de raison, n’est-ce pas ? Il court vite Nicky, il n’a pas pu être rattrapé par le fou au couteau. « Ce serait bien que tu trouves aussi de quoi te défendre Walker. » il lui fait remarquer en constatant que lui n’a rien en sa possession mais pas sûr qu’ils puissent faire des trouvailles très intéressantes dans ces sous-sols.

La réaction que Channing dit avoir eu l’épate, jamais Eddie n’aurait pensé à abandonner ses chaussures pour ne pas laisser ses empreintes dans du sang et permettre ainsi au tueur de le suivre à la trace. Il n’a pas autant de jugeote et ça le grand brun ne tarde pas à le sous-entendre. « Il faut bien que mon gros cerveau me soit utile de temps en temps, ce n'est pas toi qui me dirait le contraire. » Lui dont les notes frôlent plus le D que le A+, c’est certain qu’ils ne jouent pas dans la même cour tous les deux. Il souffre de la comparaison il le sait bien mais ce soir ce n’est pas forcément son gros cerveau qui sauvera Channing, pas si le tueur leur tombe subitement dessus. « C'est quand même rassurant de voir qu'on est tous égaux dans ce genre de situation. T'imagines si ce mec laissait la vie sauve aux têtes bien pleines et butait tous les cancres ? Je ferais pas long feu moi. » Eddie, le roi de l’autodérision ? Que nenni. Il ne pense pas être le gars le plus bête de ce lycée, c’est bien connu qu’il est surtout très je-m’en-foutiste sur les bords mais il accorde ce petit plaisir à Channing. C’est l’occasion, surtout, de rappeler qu’ils sont tous dans la même merde et que ce soir ils ne tireront probablement aucune force de leurs différences. Eddie découvre alors un Walker secoué et apeuré, autrement dit très humain mais ne perdant rien de ses petites piques habituelles. « Toi aussi Yang. Je veux bien t'aider si jamais on croise l'autre fou, mais je ne te ferais certainement pas de bouche à bouche si tu oublies de respirer. » Mince, il y aurait pourtant tellement cru. « J'en attendais pas tant de toi, en revanche.. » Voilà qu’il dépose sur le grand brun un regard espiègle accompagné d’un sourire en coin. « Si ta petite copine se dévoue je ne dirai pas non. » Allez quoi, ce n’est pas parce qu’ils risquent leur peau dans ce trou à rats qu’ils doivent en oublier que leur relation repose sur une bonne dose de taquinerie et de provocation. Eddie n’irait évidemment pas faire du gringue à cette petite brune avec laquelle Channing sort, déjà parce qu’il tient à son intégrité physique et aussi parce que ce n’est tout simplement pas dans ses principes.

Alors oui, Eddie a un plan mais il n’est absolument pas certain de la viabilité de ce dernier. Il est pourtant prêt à le présenter à Channing car le temps leur manque, il leur faut préparer le terrain avant l’arrivée du cinglé qui parait dans tous les cas inévitable. Peu importe où ils se cacheront, ici ou ailleurs il finira par les trouver. Et c’est ici, en l’occurrence, qu’Eddie projette de l’attirer. « Bah voyons. Je savais que tu n'étais pas tout seul là-haut, mais là tu m'impressionnes. » Petit moment de flottement entre les deux garçons durant lequel Eddie observe le brun sans rien dire. « Tu plaisantes, pas vrai ? » Doucement il remue la tête de gauche à droite, ce n’est plus qu’une question de secondes avant que Channing ne le prenne pour un vrai illuminé. « Ben en fait.. » « Quoi, for real Yang ? » Bingo, l’étiquette du fou de service est pour lui. « Qu'est-ce qui cloche chez toi, et pire encore qu'est-ce qui te fait croire que, peu importe à quoi tu penses, ça puisse marcher ? Ou que je vais t'aider ? » Il ne répondra pas à la première question, préférant se focaliser sur les deux suivantes. « Je peux pas te garantir à 100% que ça va marcher mais je crois bien que c’est l’une de nos seules chances. Il faut tenter Walker. » Et ces cris atroces qui leur parviennent ne font qu’appuyer les dires de l’adolescent, il y a désormais urgence et de toute évidence Channing n’a pas mieux à proposer. « C'est quoi ton plan ? » Pas évident d’ordonner ses idées avec les bruits ignobles qu’ils entendent mais c’est le moment pour Eddie de vendre son idée, aussi bancale soit-elle. « Okay écoute, ce mec va bien finir par venir ici et quand ce sera le cas je vais rester bien en évidence pour qu’il fasse de moi sa cible. » Le morceau de viande pour attirer ce type ce sera donc lui. « Toi tu vas te planquer près de la porte et quand il aura fait quelques pas tu lui donneras un puissant coup sur la tête par derrière, mais vraiment de toutes tes forces. Le rate pas Walker car lui il nous ratera pas, tu peux en être sûr. » Il n’a qu’à tendre l’oreille pour s’en rendre compte, c’est le sort qui les attend s’ils ne font rien. « Tu l’assommes ou tu le tues, je m’en fous mais il doit être au minimum inconscient pour qu’on puisse ensuite le déplacer et l’enfermer dans cette petite réserve, là-bas. Y’a pas de fenêtre, aucune issue c’est parfait s’il se réveille. » Le plus important étant de toute façon de lui retirer son couteau, sans lequel il sera bien moins dangereux. « Avant de dire que c’est de la folie pure par pitié considère au moins deux secondes l’idée. Ça peut nous sauver Walker, ainsi que de nombreux autres élèves. » Et il sait que Channing est très altruiste et tourné vers les autres dans le fond alors il espère bien le sensibiliser de cette façon.

Trouver de quoi se défendre dans un lycée, qui plus est avec la panique régnant, ça n’a vraiment rien de simple. Il ne faut pas s’attendre à mettre la main sur des armes à proprement parler, Eddie a bien cru la rumeur qui disait que le directeur planquait un flingue dans son bureau et c’est finalement avec un malheureux compas qu’il en est ressorti. Alors bien sûr c’est mieux que rien mais il ne faut pas oublier qu’en face le type a un couteau, probablement un modèle bien balèse de boucher et ça c’est s’ils ont de la chance, car ce fou a peut-être prévu son coup au point de ramener bien d’autres choses encore pour les massacrer. Ils ne savent pas vraiment contre qui ils se battent au final et c’est bien ça le plus effrayant, ils ne savent rien de leur ennemi ou seulement qu’il est sans pitié. Alors que Channing sonde ces sous-sols à la recherche d’un moyen de défense voilà qu’ils ont la plus surprenante des compagnies. « C'est pas la grenouille qui a disparu la semaine dernière en cours de bio ? » Eddie s’en approche pour constater sur la bestiole les mêmes petites tâches que celles que possédait la mascotte du prof de biologie, bien connue des élèves. « Si je crois bien, sacrée Germaine. » C’est à se demander ce qu’elle fait là d’ailleurs mais ils ont plus urgent à gérer que la recherche d’une réponse à cette question. « Un compas et une grenouille face à ce taré. On est sauvés. » Eddie laisse échapper un rire, la gravité de la situation n’est pas censée s’y prêter mais il trouve assez cocasse que Germaine se soit manifestée pile à ce moment-là. « Tant que tu te sers pas d’elle comme d’un bouclier entre toi et le tueur. » La pauvre, il ne faudrait pas qu’elle finisse en dommage collatéral dans cette histoire. Eddie n’aimerait pas voir ça en tant que jeune défenseur de la cause animale, cette grenouille est d’ailleurs bien mieux en liberté qu’enfermée dans l’attente d’être possiblement disséquée, de son point de vue.

Le tueur n’a pas l’air de faire de distinction entre eux, c’est ce qu’Eddie entend quand il dit qu’ils sont tous égaux face au risque de se faire liquider ce soir mais le grand brun n’est pas de cet avis. « On est pas tous égaux... tu as trouvé un compas et en plus de ne plus avoir de chaussures je n'ai rien pour me défendre. » Les chaussures, c’est vrai qu’Eddie n’y pensait plus et que ça pourrait l’handicaper s’il fallait courir pour sauver sa peau. « Mais toi t’es grand Walker, immense même. T’auras l’avantage de la taille sur ce mec, à moins qu’il soit géant lui aussi. » Ce à quoi il ne croit pas, d’ailleurs si ça se trouve le tueur n’osera même pas s’en prendre à Channing pour cette raison, ce sera certainement bien plus simple pour lui de s’attaquer à des plus petits gabarits. Des filles ou bien des mecs comme Eddie, qui est équipé certes, mais est-ce que ça le sauvera pour autant ? « J’ai un compas d’accord mais je suis pas certain de savoir m’en servir, donc bon. » Il hausse les épaules tout en observant l’instrument qu’il tient toujours dans sa main. C’est sûr qu’il pourrait lui être utile mais à condition de le dégainer au bon moment et de bien viser, aussi. Eddie se permet une remarque qui peut sembler douteuse sur la petite-amie du grand brun mais il ne redoute pas sa réaction, il sait que Channing a de l’humour et ce n’est qu’une petite provocation de plus dans leur relation qui en a connu des tas d’autres avant ça. « Vilain garçon. » Comme il s’y attendait Channing ne s’en formalise pas mais le soupçon d’inquiétude trahissant sa voix l’instant d’après lui ferait presque regretter d’avoir ouvert sa grande bouche. « J'espère qu'elle est saine et sauve. » Eddie lui sourit faiblement, c’est malin maintenant il se sent con. « Blague à part, je l’espère aussi. » L’espace de quelques secondes il était presque parvenu à oublier dans quelle situation ils se trouvent mais la réalité le rattrape, et lui laisse un arrière-goût amer en bouche. « Je veux croire qu’elle va bien et que mon cousin aussi. On leur racontera nos aventures dans ces sous-sols quand on sortira de là. » Il demeure optimiste Eddie, c’est un peu sa seule ressource là tout de suite. Gabrielle va bien, Nicky va bien et eux deux vont s’en tirer, s’il doit prier pour une happy end ce sera pour celle-là.

Son plan a autant de chance de foirer que de réussir, il dirait que c’est un bon 50/50 mais hors de question de présenter des statistiques aussi alarmantes à Channing. Il ne sait pas trop dans quoi il s’apprête à les embarquer en vérité mais c’est le seul plan qu’il ait en stock, ils n’ont pas le temps d’en élaborer un plus sûr car à tout moment le tueur peut débarquer et ça, ils sont bien forcés d’en tenir compte. Eddie a peur autant que le grand brun doit avoir peur, ils sont ensemble dans cette galère et il est certain que peu importe le sort qu’ils connaitront, ce sera le même pour tous les deux. Ils vont survivre ou mourir ensemble, ou bien ils neutraliseront ce cinglé à deux ou bien il les tuera l’un après l’autre. Tout seul Eddie n’aurait pas pu mener à bien un tel plan mais la présence de Channing peut vraiment faire la différence, son rôle étant même déterminant dans ce petit scénario. « Je ne le raterais pas. » Ça, voilà, c’est ce qu’Eddie veut entendre. « Je sais, j’ai confiance en toi. » Bien plus qu’il n’a confiance en lui-même pour stopper ce fou en réalité, ce n’est pas pour rien que les rôles ont été répartis de cette façon. « C'est de la pure folie Yang. Tu es complètement cinglé, mais on va le faire et espérer que ça marche. » Il est donc prêt à faire équipe avec lui, c’est la confirmation dont Eddie avait besoin même s’il n’avait pas vraiment douté de Channing sur ce coup-là. « Tu me diras à quel point je suis fou quand tout ça sera fini car on va s’en sortir Walker, moi j’y crois. » Il faut bien en même temps, il a cet objectif de livrer le tueur à la police depuis le tout début alors s’il n’y croyait pas il ne se serait pas donné tout ce mal jusqu’ici. Le silence s’empare du lieu après ça, Channing part se placer derrière la porte comme ça a été convenu pendant qu’Eddie reste dans l’axe de celle-ci afin de s’assurer d’être vu par la première personne qui la franchira. Il est complètement à découvert et il mentirait s’il disait qu’il n’est pas mort de trouille, là. Le signal est donné au grand brun qui s’assure d’attirer le tueur jusqu’à eux en l’avertissant de leur présence par un léger coup dans la porte, un moment crucial qui peut à partir de là les conduire très vite en enfer. Et ça ne rate pas, Eddie perçoit rapidement le bruit de pas se rapprochant puis il distingue une ombre sous la porte, celle-ci finissant par s’entrouvrir au bout de plusieurs longues secondes. « Oh non.. » L’adolescent sent son palpitant s’affoler et son ventre se tordre affreusement tandis qu’une silhouette apparaît bien vite face à lui. Il est là, il s’avance avec son grand couteau fièrement brandi alors que ses intentions semblent claires : le massacrer comme tous les autres. Un rire sadique s’échappe de son masque, ses pas sont lents et lui de plus en plus proche mais il prend son temps, Eddie lui semblant de toute façon pris au piège. « Hehe. I'll bleed you like a pig, you bastard ! » Impossible de mettre un visage sur cette voix et Eddie n’essaie même pas, la seule chose qu’il a en tête c’est Channing dont l’intervention devrait se faire d’une seconde à l’autre. Et effectivement il devine que le moment fatidique arrive en le sentant sur le point de surgir dans le dos du tueur, auquel il ne veut surtout pas montrer sa peur et qu’il défie du regard une dernière fois. « Burn in hell, fucker. » Si le plan doit mal tourner et que ces mots doivent être ses derniers, au moins il ne l’aura pas supplié. Vas-y Walker, de toutes tes forces comme on a dit.

les dés:

Désespérés ils le sont forcément l’un et l’autre avec un tueur en liberté non loin de là, leur but commun est de quitter ce lycée en vie et pour ça tous les moyens seront bons. Mais le sacrifice de la grenouille Germaine n’en fait pas partie car en plus de mériter de vivre comme eux elle ne leur sera pas d’une grande utilité contre le fou au couteau. C’est à se demander ce qu’elle fait ici d’ailleurs mais ils s’en préoccuperont plus tard.. si tant est qu’il puisse y avoir un plus tard, pour eux deux. Leur survie ce soir n’est pas garantie et ça Eddie commence à en prendre conscience, des camarades sont massacrés aux quatre coins de ce lycée et ils peuvent être les prochains, ce n’est pas du tout exclus que ce grand malade termine le boulot dans ces sous-sols quand il aura anéanti toute forme de vie dans les salles de classe et les couloirs. Il en frissonne rien que d’y penser, que feront-ils quand ce mec passera cette porte et se présentera devant eux avec les mauvaises intentions qu'on imagine bien ? Qui mourra le premier, et qui verra l’autre se faire planter par la lame d’un immense couteau avant d’y passer à son tour ? À leur âge ils devraient se soucier de tout sauf de la mort et pourtant celle-ci les guette dans chaque recoin de ce lycée ce soir, le type ne les a pas encore trouvés mais leur planque n’en sera bientôt plus une. Dans son malheur Eddie a quand même la chance de ne pas être seul et qui sait, c’est peut-être cette étonnante alliance avec le Walker qui les sauvera tous les deux. Ils n’ont pas le choix que de faire bloc pour tenter de résister, en temps normal ces deux-là ne seraient pas du genre à se reposer l’un sur l’autre mais à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. À ce moment-là Eddie esquisse déjà un plan dans sa tête et pense savoir comment Channing pourrait tirer profit de sa taille, à condition quand même que le gars au couteau ne soit pas lui aussi bien plus grand que la moyenne. « Ceux qui l’ont aperçu de loin n’ont pas dit qu’il paraissait particulièrement grand, juste qu’il était lourdement armé et masqué. » C’est avec ces témoignages dérobés à des élèves croisés au détour d’un couloir qu’Eddie se rassure, si c’était un géant comme le Walker ils n'auraient pas manqué de le souligner, non ? Il suppose que c’est le genre de chose qui aurait attiré leur attention alors en attendant de le vérifier par lui-même il préfère considérer que Channing a l’avantage de la taille. Le sien d’avantage c’est plutôt cette arme trouvée dans un tiroir du bureau du directeur, un compas en qui il fonde tous ses espoirs car il n’a vraiment que ça pour se défendre. « Si j'étais toi, j'utiliserais le côté qui pique. » Il contient un rire à la remarque de Channing, ces deux-là ne manquant décidément pas de se charrier même lorsque la situation est grave. « Merci du conseil Walker, j’y aurais pas du tout pensé. » Il étire un sourire moqueur à son tour, et effectivement mieux vaut miser sur le côté pointu s’il veut avoir une chance de faire mal à l’autre type quand il viendra les cueillir ici. Difficile de ne pas penser à ceux dont ils sont sans nouvelles, à Gabrielle la petite-amie du Walker et au cousin d’Eddie, qu’ils espèrent retrouver sains et saufs quand cet enfer sera derrière eux. Eddie a bon espoir qu’ils s’en soient tous les deux sortis et maintenant il leur faut se tirer de là eux aussi car au-delà de leurs camarades ils ont aussi une famille, dehors, qui s’attend à les voir rentrer ce soir. « Ouais. On se partagera la gloire en leur racontant nos mésaventures. » Eddie affiche un sourire satisfait alors qu’il hoche lentement la tête. Le grand brun a tout bon, ils en auront des choses à relater à leurs proches une fois sortis de là parce que oui, ils vont sortir de là, c’est le seul dénouement qu’Eddie est en mesure d’accepter. « J’aime t’entendre employer le futur Walker. » Un peu d’optimisme n’est pas de trop d’un côté comme de l’autre, mieux vaut ça que de partir du principe que c’est fichu pour eux. « Et puis après tout ça, tu sais quoi ? Toi tu intégreras une grande université comme c’est certainement prévu et moi je serai pris dans l’école d’arts scéniques de mes rêves. » Allez, il est même permis de rêver jusque là ce soir parce qu’il faut bien se raccrocher à quelque chose. Ils ont des projets, des ambitions, des rêves et toute une vie à vivre dehors, alors il n’est pas question que tout s’arrête brutalement dans ces sous-sols à un âge où ils ont encore tant à accomplir.

Sur le papier son plan parait foireux mais en pratique il donnera peut-être un résultat inattendu, et leur victoire sur le tueur. Eddie adorerait proposer au grand brun une idée beaucoup plus sûre avec une meilleure garantie de survie pour tous les deux à la fin mais le temps presse, et c’est leur seule carte à jouer. Leur unique chance de stopper ce monstre dans sa folie meurtrière, c’est peut-être du suicide mais il veut se dire qu’ils auront au moins tout tenté. Et contre toute attente Channing accepte de le suivre après avoir souligné à quel point il était fou, ce pour quoi il ne doit pas avoir tellement tort d’ailleurs. Il faut être fou pour planifier d’attirer un tueur sanguinaire jusqu’ici, ça équivaut à se jeter dans la gueule du loup, ni plus ni moins, et c’est bien ce qu’ils s’apprêtent à faire. Une fois chacun à la place qui lui a été attribuée leur petit plan peut être mis à exécution, et c’est donc là que tout va se jouer. Eddie fait très attention à regarder droit vers ce type une fois qu’il est devant lui car laisser couler un seul regard vers Channing derrière pourrait trahir sa présence dans l’ombre du tueur. Il pense que ce dernier ne se doute de rien et pourtant, le grand brun n’a pas le temps d’asséner le fameux coup sur sa tête que le type se retourne, entraînant le Walker dans un violent corps à corps. « Channing attention ! » Y aller.. ne pas y aller.. Eddie effleure la question pendant quelques secondes avant de se raisonner, il ne fera que compliquer les choses s’il se joint à la lutte et il pourrait se prendre un coup de couteau qu’il ne verra même pas venir. Mais il reste à l’affût, bondissant sur l’arme tranchante dès que celle-ci tombe à terre après que Channing ait réussi à maîtriser partiellement l’assaillant. « Je l’ai ! » il s’écrit en brandissant le couteau et en s’assurant surtout d’éloigner celui-ci de son propriétaire. « You fucking bast- » Channing a toutes les chances de l’emporter à présent mais le type tente de reprendre l’avantage, la suite du combat s’effectuant au sol sous les yeux épouvantés d’Eddie. Il n’arrive plus à dire quoi que ce soit, son ventre se tordant à chaque coup donné tandis qu’il prie intérieurement pour que son camarade tienne bon et ne faiblisse surtout pas. Mais au contraire le Walker l’impressionne par sa témérité, l’histoire semble vouée à connaitre une fin heureuse avec victoire par ko du grand brun mais c’est sans compter l’intervention du chien du concierge. « Eddie...? » Il ne répond pas à l’appel du Walker car le voilà saisi d’une douleur vive au mollet qui le détourne complètement de leur petit plan. « Aahh ! » Sans qu'il ne sache pourquoi la bête est en train de le mordre avec rage et s’il n’avait pas mal il pourrait presque rire du caractère insensé de la situation. « Lâche-moi vieux cabot ! » il hurle contre le chien qui finit par déguerpir, le laissant avec une jambe bien attaquée et une morsure pas très jolie à voir. Mais sa douleur Eddie l’oublie bien vite quand il voit le type inconscient au sol, signe que le grand brun a brillamment relevé la mission qui lui avait été confiée. « On a réussi... est-ce que ça va ? » Channing lui ôte les mots de la bouche. « J’allais te poser la même question, tu m’as vraiment fait peur. » Il en tremble même encore, quelle frousse il a eu en voyant le tueur se retourner tout à l’heure. Son cœur a fait un sacré bon et n’est d’ailleurs toujours pas calmé, il lui faudra du temps pour se remettre de cette escalade d’émotions. « Ça va oui.. Je vais sûrement avoir besoin de soins mais on est vivants, et c’est tout ce qui compte. » Eddie étire un grand sourire tout en accueillant la main du brun sur son épaule. « Bien joué Walker, t’as assuré et je crois même pouvoir dire que tu m’as sauvé la vie. Alors merci. » Merci de lui avoir fait confiance et merci, surtout, d’avoir autant lutté pour leurs deux vies. Il lui doit tout, si Channing n’avait pas été là il baignerait actuellement dans une marre de sang car seul il n’avait aucune chance face au tueur. Là tout de suite Eddie a du mal à exprimer toute sa reconnaissance mais le cœur y est, et les bons mots il les trouvera plus tard une fois le choc passé. « On le déplace et après on se tire d’ici d’accord ? C’est terminé, cet enfer est terminé. » La police ne devrait plus tarder, il ne leur reste plus qu’à enfermer ce type dans la petite réserve comme le voulait l'ultime étape de leur plan et ils pourront enfin retrouver leur liberté et leur vie. Mais aussi Gabrielle, Nicky et les autres, qui n’en croiront pas leurs oreilles quand ils leur diront comment ils ont piégé, neutralisé et livré le tueur à la police.