Tu étais nerveuse de te retrouver à Londres toute seule. C’était ton premier voyage dans la capitale anglaise et si ton agente avait bien rempli tes quelques journées passées dans la ville pluvieuse, tu demeurais tout de même sur les nerfs. Tu avais quelques entrevues à donner, en plus d’une audition pour un potentiel petit rôle dans une série très populaire ici. Si tu décrochais le rôle, tu serais conviée à revenir dans quelques semaines pour le tournage, mais ce n’était rien qui t’empêcherait de continuer à tourner dans la très populaire série australienne The Neighborhood. Tu prévoyais tourner encore dans l’émission produite par le père de ton amie Maddy pendant quelques mois, mais tu savais que toute possibilité de te faire connaître à l’international était bonne à prendre. Si la population anglaise n’était pas ton public cible, préférant encore t’imaginer une grande carrière hollywoodienne, ça demeurait tout de même un pas dans la bonne direction vers une visibilité qui ferait sans doute jalouser la blonde à qui tu rendais visite aujourd’hui. Tu ne savais pas trop pourquoi tu étais rentrée en contact avec la plus jeune des Griffiths, ni même pourquoi tu lui avais demandé si elle pouvait t’héberger pendant ton passage à Londres alors que tu aurais très bien pu être installée dans une chambre d’hôtel où tu aurais bénéficier d’une quiétude que tu devines d’avance ne pas avoir avec Mabel. Pourtant, tu avais cherché à reprendre contact avec elle, pour voir comment elle va, prendre de ses nouvelles et aussi, en grande partie, parce qu’elle était la seule personne que tu connaissais en ville. Maddy t’avait dit à de multiples reprises que c’était une mauvaise idée, que la sorcière demeurait fidèle à elle-même et que vous risquiez de vous tomber sur les nerfs après la première heure, mais tu prenais la chance tout de même. Ça faisait des années que tu n’avais pas passé un moment seule avec Mabel et tu voulais croire que cette dernière avait changé malgré les dires de sa grande sœur. Tu étais ce genre de personnes là, à vouloir croire au meilleur de tout un chacun, même si Mabel avait cette tendance à faire ressortir le pire côté de ta personne.

Mabel avait fait couler beaucoup d’encre dans la presse anglaise, du moins, c’est ce que tu découvrais sur le chemin qui te menait jusqu’à chez elle alors que tu avais trouvé un magazine sur laquelle sa rupture était la nouvelle à la une et quelques recherches sur ton téléphone t’avait permis de récolter quelques détails, dont le nom de son ex et ce qu’il faisait dans la vie, sans jamais te donner quoique ce soit de croustillant. Peut-être Mabel avait-elle elle aussi besoin de compagnie et que c’est pour ça qu’elle avait accepté de t’héberger? Tu le saurais bien assez vite, ou pas connaissant Mabel. Valise à la main, tu frappes quelques coups contre la porte et c’est bien la jeune Griffiths qui t’accueille d’un sourire que tu n’as jamais trouvé sincère. « Penny! Étonnant de te voir de ce côté du globe! » Tu lui rends son sourire, tentant de l’adoucir autant que possible sans réellement y parvenir. « Mabel, ça fait plaisir de te voir aussi. » Normalement, tu t’approcherais pour la serrer dans tes bras, ou du moins lui faire la bise, par signe de politesse, mais la blonde se recule pour te laisser entrer et tu laisses tomber l’idée des plaisances sociales. « J’ai une audition et quelques entrevues, je ne devrais pas trop te déranger pendant mon séjour. Merci de m’héberger. Je l’apprécie vraiment. » Et ça, malgré les tensions qui se faisaient déjà sentir entre vous deux, tu le pensais sincèrement. Une fois la porte fermée derrière toi, tu déposes ta valise contre la porte et fait ton chemin à l’intérieur de l’appartement que tu découvres pour la première fois. « C’est beau chez toi. » Tu te demandes si Maddy a déjà mis les pieds ici. La connaissant, rien n’est moins sûr. « Comment tu vas? » que tu lui demandes, légèrement hypocrite considérant tout ce que tu viens de lire dans le chemin qui t’a mené jusqu’ici. Tu ne laisses toutefois pas entendre – pour le moment du moins – que tu sais pour sa rupture, lui laissant le choix de te le dire par elle-même ou non.

C’était le père des sœurs Griffiths qui avait suggéré, sans réellement réaliser que tu n’avais pas une relation particulièrement amicale avec la plus jeune des deux, que Mabel t’héberge pendant ta vision à Londres. Évidemment, tu n’avais pas eu le cœur de lui dire que tu préférais dormir à l’hôtel et bien vite, il était trop tard pour faire marche-arrière. Tu t’efforçais de voir le côté positif de la situation toutefois : un peu de compagnie ne te ferait certainement pas de tort et puis c’était une chance comme une autre de potentiellement découvrir un côté de Mabel qui t’avait échappé jusqu’à présent. Peut-être avais-tu toujours été influencé par l’opinion que Maddy avait de sa petite sœur, tu n’étais pas certaine d’avoir su être impartiale jusqu’ici si tu étais complètement honnête. Dès le pas de la porte franchit toutefois, la tension monte et le malaise s’installe et tu remets tout de suite en doute l’efficacité de ce plan et trouves même l’idée absurde d’avoir cru que les choses pourraient être différentes. Tu comptes faire un effort toutefois, ne serait-ce que pour ne pas gâcher ton séjour en terre anglaise. « Je suis sûre que tu seras bien occupée. » Pouvais-tu apercevoir des notes de jalousie dans la voix de la blonde? Ce ne serait pas la première fois après tout, tu n’ignorais pas que Mabel avait toujours souhaité une carrière d’actrice, bien qu’elle semblât prise dans son rôle de mannequin. « Je vais bien. Beaucoup de travail, et des soirées pour étoffer nos réseaux. » Nos? Tu n’osas pas poser la question, bien que cette dernière paraissait sans doute sur ton visage. « Comment ça se passe de ton côté? Rien de nouveau à signaler? » Essayais-tu de lui faire comprendre que tu étais au courant, pour sa rupture? Sans doute, même si tu ne savais pas trop ce que tu allais bien pouvoir lui dire pour la réconforter si elle se décidait de se confier à toi. Peut-être valait-il mieux de faire semblant de rien, tout compte fait.

« Tu veux que je te fasse visiter? Tu as peut-être besoin de prendre une douche après les heures d’avion. » Tu hoches la tête. Tu avais en effet besoin d’une longue douche chaude et peut-être bien d’une sieste aussi, bien que tu allais faire de ton mieux pour résister à cette dernière. Tu voulais éviter autant que possible de te retrouver sur un décalage horaire impossible à gérer. « Je veux bien, merci. » Tu suis la blonde le long du couloir, ton regard se perdant sur les différentes décorations sobres se trouvant sur les murs. Elle te montre ta chambre et tu hoches la tête, la remerciant d’un sourire. « Je t’ai laissée une couverture légère mais tu ne devrais pas en avoir besoin. C’est presque l’été ici après tout. » « C’est gentil. » Les politesses s’accumulent sans que ni l’une ni l’autre de vous deux n’osent réellement dire quoique ce soit de substance. « Il y a une salle de bain attenante. On empiétera pas l’une sur l’autre au moins. » « Je vais faire mon possible pour me faire aussi discrète que possible. » Tu ne doutais pas qu’elle comme toi n’aviez aucun problème à l’idée de vous voir aussi peu que possible pendant tes quelques jours à Londres. « Est-ce que tu aurais un endroit à me conseiller pour dîner? J’ai une faim de loup. » Les repas servis dans l’avion n’avaient rien eu de bien appétissant et tu avais envie de découvrir la ville un petit peu avant de te reposer pour le reste de la soirée. « Est-ce que tu aimerais m’accompagner? On me. Pour te remercier de m’héberger. » Elle ne pourrait certainement pas dire que tu n’avais pas les meilleures intentions.

« Rien de nouveau à signaler. » La discussion n’avançait pas rapidement, voire qu’elle n’avançait pas du tout alors que vous tourniez autour de sujet sans jamais l’aborder directement. C’était sans doute un peu trop optimiste de ta part de croire qu’elle se confierait d’elle-même au sujet des rumeurs qui circulent présentement à son sujet. Vous n’êtes pas amies, vous ne l’avez jamais vraiment été. Et pourtant, plus elle refuse de te parler de ce que tu as lu dans les magazines, plus tu as envie de savoir de quoi il en retourne. « À moins qu’il n’y ait un sujet dont tu aies envie de parler? » Est-ce que c’est le moment où tu dois dire que non, tu n’as rien à dire, que non, tu n’es au courant de rien? Est-ce plus hypocrite de continuer à faire semblant de rien ou d’oser enfin aborder le sujet directement? Tu passes une main dans tes cheveux, hésites encore une seconde et puis une autre avant d’enfin oser. « Je dirai que c’est plutôt difficile de se promener en ville sans apercevoir une photo de toi et de ton ex. » que tu souffles finalement, tentant de taire n’importe quel jugement qui pourrait encore se faire entendre dans ta voix. Tu n’étais pas là pour remuer le couteau dans la plaie et si elle te faisait comprendre que le sujet demeurait complètement hors-limite, et bien tu respecterais sa décision. « Je suis désolée de l’apprendre et que ça fasse les nouvelles comme ça. C’est pas quelque chose qui est plaisante à partager avec le monde entier. » C’est d’ailleurs pour cette raison que tu avais toujours préféré garder toutes tes relations loin de la vie médiatique. Et même en priorisant un anonymat, ça n’empêchait pas les rumeurs, pas toutes fausses, de circuler librement.

Tu suis la blonde dans sa visite des lieux et toujours dans un espoir d’être une invitée aussi polie que possible, tu lui proposes de sortir pour manger. « J’ai fait du kedgeree pour ce soir. Mais on peut toujours ressortir après pour que je te montre un peu le quartier et pour boire un verre? » Tu acquiesces d’un mouvement de la tête, lui offrant un léger sourire. « C’est une bonne idée, merci. » Tu voyais bien, qu’elle aussi, faisait autant d’efforts que possible pour que cette colocation des plus temporaires se déroule sans trop d’anicroche. « Tu sais comment tu te rendras à tes auditions? » « Je pensais prendre des taxis ou des Ubers pour me déplacer. » Tu n’avais pas l’intention de lui demander de te promener d’un côté et l’autre de la ville, tu te doutais bien que son horaire devait rester bien occupée et tu n’aurais pas été à l’aise d’assumer qu’elle prendrait tout ce temps off pour toi. « Tu as un horaire chargé dans les prochains jours? » Toutes les questions se posent avec une certaine prudente, tu sais trop bien qu’une seule mauvaise question, qu’un seul commentaire déplacé pourrait déclencher une bombe et rendre l’ambiance, qui se veut lourde oui, mais poli tout du moins, simplement invivable. « Enfin, on peut reparler de tout ça quand tu seras douchée et que tu seras plus confortable. Je sais combien le trajet peut être fatigant. Je t’attends dans le salon. » Un autre hochement de la tête suffit pour conclure ce morceau de la conversation alors que tu disparais dans la chambre qui sera tienne pendant quelques jours alors que Mabel se retourne pour reprendre direction du salon.

La douche te fait du bien, tu te sens bien plus fraîche maintenant que tu as enfilé des vêtements propres. Tu prends ton temps toutefois avant d’émerger de la chambre, pas particulièrement enthousiaste à l’idée de devoir reprendre cette conversation remplie de malaises et de faux-semblants avec la benjamine des Griffiths. Toutefois, ton estomac te rappelle que tu n’as rien avaler depuis de nombreuses heures et c’est ce qui te convaincs enfin à aller rejoindre Mabel au salon. « Ça fait longtemps que tu es installée ici? Tu as l’air vraiment bien. » L’endroit était grand, moderne et confortable et à défaut de savoir comment la complimenter sur sa personne, tu pouvais au moins le faire sur sa demeure. « Tu ne t’ennuies pas trop de ta famille et de tes amis depuis que tu es arrivée ici? » C’était un point qui t’avais toujours fait hésiter quant à la grande carrière et les multiples déplacements, si ta carrière venait qu’à décoller sérieusement en dehors de l’Australie. Autant tu rêvais de vivre le rêve hollywoodien, autant tu ne pouvais t’empêcher de redouter partir loin de ce que tu avais toujours connu de manière plus permanente.

« Je ne pleurerai pas dans tes bras. »
« C’est pas ce que je m’imaginais non plus. »

Elle se braque, Mabel, dès l’évocation des articles et des rumeurs à son sujet et si tu aurais dû comprendre le message plus rapidement, là tout est clair : c’est hors limite que de parler de ça. Tu ne peux t’empêcher d’avoir un mouvement de recul et tu comprends de moins en moins pourquoi tu as accepté de te rendre jusqu’ici. Mark et Matilda avaient réussi à te vendre le séjour comme quelque chose de potentiellement agréable, tu aurais dû savoir connaissant la cadette des Griffiths qu’il n’en serait rien, malgré tous vos efforts. « Et je survivrais aux médias, ce n’est même pas les pires attaques que j’ai reçues. » « Tant mieux alors. » Tant mieux, tant pis? Tu ne sais même plus comment réagir tant le comportement sur la défensive de la Griffiths t’a secoué. « Désolée d’avoir osé demander. » que tu rajoutes sur un ton qui se veut sarcastique au possible. Pour une fois que tu pensais pouvoir ouvrir un dialogue qui va au-delà des politesses que vous avez toujours été obligé de vous adresser vu tes relations avec le reste de sa famille, tu comprends bien finalement que Mabel n’a jamais eu la moindre intention de s’adoucir avec toi et c’est peut-être mieux ainsi, finalement. Ce sera gênant pour les quelques jours à venir, à devoir cohabiter et continuer de faire semblant que la situation n’est pas atrocement lourde, mais tu sais au moins que tu n’auras pas à lui envoyer un cadeau pour la remercier à ton retour à Brisbane, ni même l’obligation de prendre de ses nouvelles si son nom apparaît encore abondamment dans les nouvelles. Sa vie, qu’elle se débrouille, mémo reçu 5 sur 5.

La visite se fait rapidement et sans discussion inutile, ce qui est sans doute pour le mieux. Ton invitation pour le repas est refusée, remplacer par un potentiel verre à partager en soirée et si tu acceptes, tu te dis maintenant que tu serais peut-être mieux de prétendre être trop fatiguée le moment venu, histoire de vous éviter un tête à tête digne d’un calvaire. Tu croyais avoir besoin d’elle pour découvrir la capitale anglaise, tu réalises finalement que tu préfères encore te perdre toute seule dans les rues de Londres que de t’imposer la présence de Mabel inutilement et quelque chose te dit que la blonde ne sera que reconnaissante devant ta nouvelle initiative de ne plus rien lui proposer. « C’est plus simple de circuler en taxi à Londres. Les transports en commun n’ont aucune logique, et louer une voiture peut être risqué. » Tu hoches doucement la tête, prenant bonne note de ce conseil. C’est ce que tu avais l’intention de faire de toute façon, mais c’est bon de savoir que c’est la solution la plus simple. « J’ai quelques rendez-vous en journée, et une soirée que je ne peux pas rater. Et je dois préparer mes affaires pour des défilés en Asie d’ici une dizaine de jours. » En d’autres mots, elle te faisait comprendre qu’elle n'aurait pas vraiment de temps à te consacrer et que tu étais aussi bien de te faire à l’idée tout de suite. « Pas de problème. J’ai de quoi faire de mon côté de toute façon. » Et encore une fois, tu ne pouvais que penser que c’était bien mieux ainsi.

La douche fait du bien et tu redoutes de te retrouver à nouvelle seule en face à face avec Mabel, mais ce serait bien impoli de l’éviter alors qu’elle t’a préparé de quoi manger et qu’elle t’a fait savoir qu’elle t’attendait dans le salon. Les questions que tu lui poses en sont toutes qui sont simplement là pour remplir un silence encore plus maladroit que vos échanges vocaux, et tu ne t’attends pas à de vraies réponses sincères de sa part. Tu as bien compris qu’elle ne voyait aucun intérêt dans l’idée de se confier à toi. « Oh, ça fait presque trois ans que je vis ici. Avant, je louais un studio dans un autre quartier de la ville, parce que je commençais à Londres mais que je n'étais pas certaine de rester. Et puis je suis tombée sous le charme de cet appart et je l’ai acheté. » Tes yeux s’écarquillent légèrement alors que tu réalises que ça doit être les phrases au plus grand nombre de mots qu’elle t’a offert depuis des années. Tu chasses l’air surpris de sur ton visage rapidement toutefois, ne voulant pas paraître impolie. C’est ta prochaine question qui semble la surprendre alors qu’elle s’empresse de vous servir de quoi manger, te faisant soudainement dos. « J’ai des amis ici. » qu’elle commence alors qu’elle place les deux bols sur la table, un devant toi et un devant elle. « Disons que ça a été un peu compliqué au début, mais une fois que j’ai trouvé une bonne base, ça a aidé… » « Ça t’as pris du temps? Trouver ta base, je veux dire… » que tu ne peux t’empêcher de demander. L’idée de partir tournait encore dans ton esprit et tu te demandais plus souvent que tu ne voulais l’admettre si tu n’avais pas commis une erreur en refusant de suivre Micah à Los Angeles quand il y est parti. Tu as l’impression qu’elle lit dans tes pensées lorsqu’elle te demande « Si tu devais quitter Brisbane, tu choisirais quel pays ou quel continent? » et la réponse que tu lui offres est cliché au possible. « Je rejoindrais sûrement Maddy à Hollywood. » que tu admets, redoutant un peu sa réaction face à la mention de son ainée. C’était la vérité toutefois. Si tu devais prendre la décision de partir, c’est bien le seul endroit où tu irais. Le seul, selon toi, où ta carrière pourrait réellement prendre de l’expansion. « Après, je suis partie juste après le lycée, quand tout le monde part au loin pour l’université ou un travail… C’est peut-être plus facile à ce moment-là, où tout le monde part, qu’un peu plus tard, quand tu as commencé à t’installer en tant qu’adulte, avec un cercle d’amis et des habitudes. » « Il y a quand même une différence entre partir dans une autre ville et partir sur un autre continent complètement. » que tu commentes. Tu étais toi aussi partie juste après le lycée, quittant la petite communauté rurale où tes parents vivaient pour t’installer à Perth d’abord, avant de prendre ancrage définitivement à Brisbane. « Je sais pas que je pourrais être si loin de ma famille comme ça. » Tes rapports avec ta famille étaient bien différents de ceux qui existaient entre les Griffiths et tu te savais chanceuse à ce niveau-là. « Avec mon frère autiste et ses besoins grandissants, je me sens déjà mal de ne pas pouvoir aller le voir plus que quelques fois par mois, alors de vivre à l’autre bout du monde… » David serait éternellement un frein dans tes ambitions, que tu veuilles l’admettre ou non, mais tu ne voyais pas ça comme une mauvaise chose, du moins, jamais totalement.

La tension est lourde et désagréable et tu te dis que tu aurais sans doute été mieux de t’installer à l’hôtel, malgré la solitude. Il est trop tard pour faire marche-arrière toutefois, tu sais que partir maintenant serait très mal vu, même si tu sais que ce n’est pas Mabel qui se plaindrait de retrouver le calme de son logement. Une fois le sujet de sa rupture durement balayée, vous tentez une discussion qui se veut plus neutre, même s’il ne semble pas réellement exister de sujets qui soient sans la moindre faille. « Tu n’as que des auditions de prévus, ou tu as d’autres choses à voir? » Tu secoues doucement la tête avant de poser ton sac dans la chambre qu’elle te désigne comme étant la tienne. « J’ai quelques entrevues, et j’espère avoir le temps de jouer la touriste entre deux obligations. » que tu expliques sans trop rentrer dans les détails. « Est-ce que tu as des incontournables à me suggérer? » C’était la première fois que tu mettais les pieds en terre anglaise alors tout était nouveauté à découvrir et tu te doutais bien que tu n’aurais pas le temps de visiter autant que tu le voudrais. Une liste des incontournables selon Mabel, qui habitait la ville depuis un moment, pourrait sans doute te guider au travers des attractions de la capitale anglaise. La Griffiths disparaît ensuite, te laissant quelques minutes pour prendre une douche et te reposer du long voyage entre l’Australie et l’Angleterre. Tu peinais encore à croire que tu étais ici et tu espérais que malgré les conditions de logis moins qu’idéales, tu parviendrais à profiter pleinement de ton séjour. Tu ne laisserais certainement pas Mabel teinté négativement les belles opportunités qui s’offraient à toi ici, surtout que ce n’était que passager tout ça.

Passager oui, mais cela poussait tout de même à la réflexion alors que tu ne pouvais t’empêcher d’envier ne serait-ce qu’un petit peu le courage dont avait fait preuve Mabel en partant s’installer si loin de son pays d’origine. Tu étais curieuse d’en apprendre un peu plus sur son adaptation, tes questions laissant certainement sous-entendre qu’à un certain niveau, toi aussi tu te questionnais, à savoir si tu serais un jour capable de faire le grand saut. « Je dirai que j’ai commencé à me faire des relations les premières semaines, quand je cherchais un peu mes repères dans la ville. Genre où faire mes courses, quel chemin était le plus rapide pour me rendre là où je bossais… Tu trouves des gens pour t’aider et t’aiguiller. Et après quelques mois, quand j’étais un peu plus à l’aise ici, ç’a été plus facile pour commencer à entretenir de vraies relations. » Tu hoches doucement la tête, pour une fois réellement intéressée par ce que la cadette Griffiths pouvait te raconter. Plusieurs mois, ça semble être une éternité, même si tu ne doutes pas qu’elle devait être occupée et aussi bien entourée à l’aide de ses différents contrats de mannequinat. « Hollywood est sans doute logique pour une actrice, plus d’opportunités de carrière. » « Mon ex a signé pour une série Netflix qui est en parti tourné à LA justement. Depuis, il enchaîne les grandes opportunités. » Du moins, c’est ce que tu lisais à sujet dans les magazines, bien incapable de passer devant une couverture montrant une photo de Micah sans t’arrêter pour lire les quelques pages à son sujet, sans jamais vraiment savoir démêler le vrai du faux. « Je n’étais pas la seule à changer de pays ou de continent. Le mannequinat, ça fait aussi beaucoup changer de pays, mais y a beaucoup d’agences en Europe. Je travaille avec des filles qui viennent de l’Europe de l’Est ou d’Asie. Au moins, moi, je parle anglais. » « Ça doit pas toujours être facile. » que tu commentes, la barrière linguistique n’ayant jamais été un problème pour toi puisque tu n’avais jamais travaillé en dehors de l’Australie. « Tu te plais avec l’agence pour laquelle tu travailles? » que tu demandes ensuite, plus par politesse que par réel intérêt, bien que tu lui souhaitais bien évidemment d’être bien là où elle se trouvait. « C’est ça le problème de l’Australie, une grande île loin des autres continents. Si tu pars vivre ailleurs, ce sera plus dur de revenir régulièrement… Mais tu peux aussi partir quelques semaines ou mois pour un tournage et puis retourner au bercail, non? » « Je l’envisage, oui. Si l’opportunité se présente. » Oh c’est qu’il y en avait eu, quelques opportunités. Mais ce n’était jamais le bon temps, le bon projet, le bon ci, le bon ça… Tu étais plus douée que tu ne le réalisais pour trouver des excuses t’empêchant de sortir de ta zone de confort. « Faut voir selon ce qu’on te propose, et ce qui t’intéresse. » Tu hoches doucement la tête. « Pour l’instant, j’avoue que je suis bien avec la série dirigée par ton père et elle connaît toujours un aussi grand succès, donc je serais folle de m’en séparer. » Mais dire que tu n’y pensais pas ne serait-ce qu’un petit peu serait un mensonge puisque tu rêvais de faire autre chose, ayant parfois l’impression d’avoir fait le tour du personnage d’Elsie dans les quatre dernières années. « Ça t’arrive de vouloir revenir en Australie? Ou même de… regretter être partie? » Tu ne sais pas si Mabel allait se risquer à répondre à ta deuxième question, peut-être entrais-tu dans un autre genre de confidences qu’elle n’avait pas envie de te faire, mais tu étais réellement curieuse de savoir si c’était quelque chose qui la rongeait, ta peur de regretter étant quelque chose qui t’arrêtait bien plus souvent que tu ne voulais l’admettre.

« La relève de la garde à Buckhingham Palace est plutôt impressionnante, il faut juste tomber au bon horaire, et se dégoter une place avec une bonne visibilité. » Des contraintes qui semblaient difficiles à aligner vu les contraintes professionnelles qui t’emmenaient en ville, mais tu prenais tout de même bonne note mentalement de la suggestion. Tu espérais vraiment avoir la chance de jouer la touriste pour plus que quelques boutiques ici et là du centre-ville, même si tu n’avais aucune idée en réalité de ce qui serait possible. « Le studio Harry Potter est sans doute trop loin, surtout que tu n’es pas en vacances, mais il y a le Covent Garden pas loin, et la Tour de Londres. Il y a de quoi faire sans trop quitter les quartiers du centre-ville. » « Oui, la Tour est déjà sur ma liste. » que tu lui avoues, bien que tu doutes que ce soit très surprenant puisque ça demeurait l’une des attractions les plus populaires de la ville. « Je dois avoir une carte de la ville avec les principales attractions, je peux essayer de la retrouver. Comme ça, si tu es dispo pour des visites pendant que je travaille, tu pourras toujours profiter de la ville à ton aise. » Tu hoches doucement la tête. Tu n’avais certainement pas dans l’idée de lui proposer de t’accompagner pendant que tu joues à la touriste dans une ville où elle habite depuis des années. Elle n’y prendrait certainement aucun plaisir et toi, tu ne cherchais pas particulièrement des raisons pour multiplier les moments avec elle, déjà que l’accueil semblait donné un ton des plus désagréables, bien que vous sembliez en mesure de vous reprendre doucement. « Ce serait gentil, merci. » que tu te contentes donc de répondre. Une carte, ça ne peut qu’être un plus même si tu pouvais toujours te fier à ton téléphone pour trouver toutes les informations dont tu as besoin. Tu cherchais surtout à éviter de formuler une invitation quelconque, tout en évitant d’être complètement malpolie en lui disant que tu ne voulais pas passer du temps avec elle dans les jours à venir. Se croiser dans cet appartement serait bien suffisant pour toi comme pour elle, tu n’en doutais pas.

« Tu… Cherches à rejoindre ton ex? » Tes yeux s’agrandissent légèrement et puis tu pouffes de rire. Tu ne pensais pas que de mentionner Micah donnerait cette impression, même si tu ne peux pas vraiment en vouloir à Mabel d’avoir pensé ça. Elle ne connaissait rien de ton histoire avec l’acteur après tout, comment pourrait-elle alors que tu t’étais assurée que cette dernière reste loin du monde des médias pendant des années et que te tourner vers elle pour te confier était loin d’être ton premier réflexe? « Oh mon dieu, non, non. » Tu ris encore un peu et puis tu te calmes, prenant une bouchée de ton repas. « Je disais ça comme ça, pour souligner les opportunités de carrière et tout ça. » Si Micah te manquait parfois, il ne serait jamais ta raison principale pour aller t’installer à Los Angeles. Si c’était le cas, tu l’aurais tout simplement suivi quand il te l’a offert, chose que tu n’as pas faite, bien que tu t’étais sentie finalement prête à vivre votre relation pleinement et pas seulement derrière des portes constamment fermées. « J’aime bien l’agence dans laquelle je travaille, oui. Pas que je puisse vraiment comparer vu que j’y suis depuis mon arrivée à Londres, mais ils proposent régulièrement des contrats, et on a pas trop de mal à se faire payer. Je sais que dans une des autres agences, les filles peuvent mettre des mois à récupérer leur argent… » « C’est horrible. » que tu souffles, choquée qu’une telle pratique soit chose courante, même si au fond, tu n’étais pas réellement étonnée. Dans une telle industrie, comme à la télévision et au cinéma, il y avait toujours des domaines qui étaient à éviter plus que d’autres. Des endroits qui faisaient miroiter gloire et succès, promettant de belles choses sans jamais délivrer quoique ce soit. Tu avais été chanceuse de toujours tomber dans des environnements où l’on te respectait et même que l’on t’estimait à ta juste valeur. « Je suis contente que tout se passe bien pour toi. » que tu offres ensuite, sincère malgré tous les différends que tu pouvais avoir eu au fil du temps avec la cadette des Griffiths. « Moins je reviens en Australie, mieux je me porte. » La réponse de Mabel n’était pas surprenante au fond, quoique que très claire et très froide à ton avis. Tu savais que c’était difficile avec sa famille, mais décidément, tu n’avais jamais pris le temps de réaliser à quel point ça semblait peser sur les épaules de la mannequin. « Je ne regrette pas d’être ici. J’y ai vécu des expériences que je n’aurais pas eu si j’étais restée chez mes parents à Brisbane, et qui m’ont aidé à devenir adulte. Quand tu te retrouves à devoir te gérer seule, à te prendre en main… Même si les décisions ne sont pas toujours faciles, tu ne peux qu’être fière de choisir pour toi-même. » La coupure semblait avoir été plus que nécessaire pour Mabel et tu hoches la tête, comprenant partiellement son point de vue, même si encore une fois, tu jugeais que partir si loin de chez soi était peut-être un moyen un peu trop drastique d’effectuer une telle coupure. « Tu regrettes d’être restée en Australie toi? Il y a des opportunités que tu regrettes d’avoir laissé passer? » Tu ne devrais pas être surprise qu’elle te renvoie la question, mais il y a quelque chose d’étrange de t’ouvrir ainsi à Mabel. Comme si tu avais l’impression, à un certain niveau inconscient, que tu étais en train de trahir Maddy. « Oui et non. Je pense que pour l’instant, je ne suis pas prête à quitter le confort de ce que j’ai en Australie. » Ta famille, ton frère, le succès assuré que tu gagnes mois après mois dans cette série qui fonctionne bien. Pourquoi risquer ce qui t’apporte déjà le bonheur? Pour réaliser tes plus grands rêves, Penny. Si tu connais pourtant la réponse, tu n’oses pas t’engager plus longuement sur ce sujet avec Mabel. « Je pense que je suis trop fatiguée pour sortir, tout compte fait. » que tu indiques en te râclant légèrement la gorge, finissant ton repas avant de te lever pour porter ton assiette dans l’évier. « Merci pour le repas, Mabel. Je crois que je vais essayer de me coucher tôt, combattre le décalage horaire et tout ça. » Et surtout, éviter de te perdre plus longuement dans des confidences que tu finirais par regretter, tu en as bien peur.

Tu ne pouvais t’empêcher de te demander si ta relation avec Mabel aurait pu être différente, si cela ne tenait pas de ton amitié avec sa grande sœur. L’animosité entre Maddy et Mabel ne dataient pas d’hier, et comme c’est Maddy qui t’avait pris sous son aile lorsque tu avais commencé à tourner par la série de Mark, comme c’est Maddy qui c’était toujours montrée comme un modèle et une grande sœur pour toi, ça avait en quelque sorte couler de source que tu ne te lies pas d’amitié avec Mabel, malgré ta proximité grandissante avec le reste de la famille Griffiths. D’être ici toute seule avec Mabel forçait à une réflexion que tu n’avais jamais pris le temps de faire. Oui, Mabel savait être désagréable, tout particulièrement avec sa sœur, mais n’était-ce pas là la base de toute relation fraternelle? Tu réalisais que tu ne connaissais pas grand-chose de la mannequin et si ça semblait être trop tard pour que vous puissiez faire table rase et reprendre tout du début, tu réalisais que ce n’était pas aussi impossible que tu te l’étais imaginée d’avoir une conversation intéressante avec elle et tu allais presque jusqu’à regretter toutes les fois où tu avais été froide et méprisante avec elle, ne serait-ce que pour faire comme Maddy. Plongée dans tes pensées, tu en oubliais presque le sujet de la conversation que vous étiez en train d’avoir jusqu’à ce que la voix de la blonde ne te ramène dans le moment présent. « Y a des gens véreux partout. Surtout quand il s’agit d’arnaquer des filles, jeunes et parfois étrangères. C’est pas le genre qui va aller dénoncer, surtout quand y a des histoires de visas derrière. » « C’est vraiment une industrie qui peut être malsaine par moments. » Mais ça, c’est un peu le cas de toutes les industries, quand on prend vraiment le temps d’y réfléchir. Ça semble toujours bien plus dramatique toutefois quand ça implique des jeunes femmes étrangères, comme le mentionne Mabel, dont on abuse la confiance et qui se retrouvent esclaves d’une industrie qui fait miroiter des rêves mais qui ne fait que tout briser sur son passage.

Vous n’alliez rien sauver ni changer ce soir toutefois, bien que la conversation semblât se faire de plus en plus personnelle sur les ambitions de l’une et de l’autre. Tu étais ici pour une audition, pour des campagnes de publicités, pour des entrevues, des opportunités d’affaires et pourtant, tu répétais encore et encore que tu ne te sentais pas prête à quitter le confort de ce que t’offrait ton pays d’origine. La vérité, c’est que tu n’étais pas certaine de ce que tu faisais réellement ici, à Londres. C’était un pas en dehors de ta zone de confort, sans jamais que tu ne sois attachée à quoique ce soit qui te garderait loin de chez toi trop longtemps. Une chance en quelque sorte de voir si tu pouvais t’y faire, quand à peine arrivée, tu pensais déjà à quand tu serais de retour en terre australienne. « L’Australie doit proposer moins d’opportunités, non? » « Ça dépend des points de vue. » Vous saviez très bien toutes les deux qu’en terme de cinéma et de télévision, l’Australie offrait bien moins qu’un endroit comme Los Angeles, mais voilà que tu ne voulais pas l’admettre, comme si donner raison à Mabel qui elle, n’avait pas osé pour aller jusqu’au bout de ses rêves, était quelque chose de trop difficile à faire pour toi. « À quelle heure ton premier rendez-vous demain? » Tu relèves la tête vers la jeune femme, déjà prête à prendre le chemin vers cette pièce qui sera ta chambre pour les prochains jours. « Je suis pas certaine. Je vais m’arranger, ne t’inquiète pas. » Tu voulais fuir, et ce, à tout prix. « J’hésiterai pas si j’ai des questions. » Même si vous saviez parfaitement toutes les deux que tu ne lui demanderais plus rien pour le reste de ton séjour, comme si tu avais déjà abusé du maigre quota que tu t’accordais lorsqu’il s’agissait de Mabel Griffiths.