I’m still standing
Raelyn Blackwell & @Damon Williams

Notre course à travers les tuyaux s’est bien terminée en dehors du bâtiment, mais Léo et moi avons finalement décidé de rebrousser chemin chacun de notre côté : lui pour trouver sa girafe rousse et moi pour retrouver Amos. Il est quelque part dans le bâtiment et moi je n’ai pas l’intention de rentrer chez moi tant que je n’aurais pas la certitude de mon petit ami est vivant et en sécurité : je sais qu’il en fera de même : il ne quittera pas le lycée tant qu’il ne m’aura pas retrouvée.

Je n’ai pas grand chose pour moi, je suis petite, frêle et j’ai une plus grande gueule que ce que je ne suis musclée mais s’il y a quelque chose qu’on ne peut pas m’enlever, c’est que je suis courageuse. Certains diraient tête brûlée, certainement un peu trop pour ma propre sécurité. Je ne suis armée que d’un petit scalpel volé dans la salle de chimie et, dans les couloirs, je crie le prénom de mon cher et tendre. Des pas sur ma droite m’alertent et, prudent, je me tais et me fige. Léo et moi avons maîtrisé le tueur, mais peut-être s’est-il redressé ? Nous n’avons pas pris la peine de vérifier s’il était encore en vie et de constater à quel point il était amoché. Doucement, je me dirige vers la pièce dont s’échappe le bruit et je pousse la porte, mon scalpel brandi devant moi, comme s’il pouvait avoir la moindre utilité contre un psychopathe armé. « Amos ? T’es là ? » Doucement, je contourne le bureau. « Ah. C’est toi. » Le petit blond de tout à l’heure me fait face et il a l’air bien plus terrifié que moi. Comment weirdo l’a-t-il déjà appelé ? Calculette ? Face de mouette ? Girouette ? « Tu l’as toujours pas trouvé ton bureau du directeur ? » Il était obsedé par ça alors que nous cherchions une sortie : notre plan était bien meilleur. « T’as trouvé les clés des portes ? » Je l’interroge, l’air intéressé. S’il a les clés, bien plus d’élèves pourront s’enfuir que par les conduits d’aération et, surtout, peut-être que le mouvement de foule me permettra de retrouver Amos, que je cherche toujours désespérément.

Cela devait faire bien dix ou douze fois que Damon venait faire le tour de la pièce dans laquelle il se trouvait - une salle de classe de littérature, d’après les bouquins qu’il pouvait apercevoir dans les bibliothèques présentes -, afin de s’assurer qu’aucun piège ne s’y trouvait, ou qu’aucun tueur se cachait là surtout. Il n’avait pas réussi à trouver de quoi venir bloquer la porte, puisque la salle de classe ne possédait rien d’autres que des chaises bancales qui viendraient se renverser à peine la porte poussée. Cependant, il s’était dit que de garder un extincteur à portée de mains n’étaient là pas une mauvaise idée. Alors, dès qu’il venait à faire un tour de garde supplémentaire de la pièce, il venait rapprocher l’arme rouge à ses côtés. Ce n’était pas très pratique, mais étant donné qu’il ne savait trop comment se rendre jusqu’à l’entrée du lycée pour le moment sans risquer de s’exposer au tueur, il préférait rester là en sécurité en attendant de trouver le plan parfait.

Cependant, il n’avait pas réellement prévu que quelqu’un vienne le déranger pendant qu’il établissait son plan de son côté, et dès lors qu’il commença à entendre le bruit de pas venant dans sa direction et se rapprochant de la porte de la salle de classe, la panique vint le prendre de court et son extincteur sous le bras, Damon vint plonger sous le bureau se situant en tête de classe; comme si ce geste là allait le sauver de n’importe quel tueur en venant à corser son chemin. « Amos ? T’es là ? » Il n’eut même pas le temps de venir analyser la voix qu’il venait d’entendre - alors que pourtant, il la connaissait -, que la jeune femme avait déjà fait le contour du bureau pour se présenter face au blond. « Ah. C’est toi. » Le peur et la panique le trahissaient sur le moindre pore de sa peau, alors que ses yeux peinaient à ne plus rester écarquiller alors qu’il avait reconnu Rae, la demoiselle qui était aux côtés de Léo un peu plus tôt dans la soirée. D’ailleurs, heureusement que ce n’était qu’elle, car Damon n’avait à aucun moment tenté de se défendre contre son agresseur.

« Tu l’as toujours pas trouvé ton bureau du directeur ? T’as trouvé les clés des portes ? » Damon eut quelques secondes de réflexion, d’hésitation, avant de venir secouer la tête et de se relever sur ses coudes. « Oui, oui j’ai tout trouvé. » Dans un autre monde, il aurait pu se rebeller et lui demander ce que ça pouvait bien lui faire de savoir où il en était dans son aventure; elle l’avait clamé haut et fort qu’il pourrait servir de bouclier humain s’ils en avaient besoin. Cependant, l’italien ne savait en rien se rebeller et il vint simplement venir hocher la tête pour accompagner des gestes ses paroles. « Léo et toi avez trouvé l’arme que vous cherchiez ? » Il vint pousser l’extincteur un peu plus loin, ne trouvant plus aucune utilité à cette arme désormais, connaissant l’identité des pas venant dans sa direction. « Où est Léo, d’ailleurs ? » Son regard pouvait désormais balayer la pièce de tout du long, et la jeune fille semblait être seule, sans l’acolyte qu’elle avait à ses côtés la dernière fois que leurs chemins s’étaient rencontrés.

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Je ne m’attendais pas à tomber sur le petit garçon : je n’avais qu’un objectif en tête, retrouver mon petit-ami et m’accrocher à ce but me permets d’oublier que le tueur a pu se libérer ou que, peut-être il n’était pas seul. Amos ne m’aurait pas laissée, il est là, quelque part, alors je ne vais pas le laisser non plus, même si je suis morte de peur, même si le seul allié que je peux trouver pour mener à bien mes recherches est le petit calculette qui semble sur le point de se faire dessus. Je ne suis pas bien effrayante, pourtant. « Oui, oui j’ai tout trouvé. » - « Bah qu’est ce que tu fais ici dans ce cas ? » S’il a trouvé les clés de l’école, le saint graal, la certitude de pouvoir sortir rapidement d’ici, que fait-il encore enfermé dans ce bureau ? « Me dit pas que tu te pisses dessus à l’idée de sortir dans les couloirs ? » Mon visage se pare d’un sourire moqueur, et je secoue la tête en laissant échapper un rire.
 
« Léo et toi avez trouvé l’arme que vous cherchiez ? » On a trouvé une sortie surtout, mais contre toute attente, nous avons tous les deux décidé de faire demi tour pour porter secours à quelqu’un. Lui, sa girafe, moi, mon quarterback. « Où est Léo, d’ailleurs ? » - « On a trouvé une sortie. Mais il est revenu pour chercher sa copine. » Même s’il prétend que ce n’est pas ce qu’elle est. « Moi aussi je cherche quelqu’un. » Sans quoi, j’aurais pris mes jambes à mon cou pour rentrer m’enfermer chez moi, en sécurité dans mon manoir ultra sécurisé et auprès de mon ambassadeur de père. « Si tu m’aides à le trouver, je t’accompagne jusqu’à la sortie. » Je ne suis peut-être pas le soutien qu’il espérait, je manque de muscle et je ne suis guère impressionnante. Mais j’ai de la ressource, je suis une peste, ça demande bien ça. « Mon petit ami, c’est le quaterback de l’école. » Mais il le sait certainement, tout le monde nous connaît. Je suis la reine du bal de promo et la capitaine de l’équipe de cheerleaders après tout. « Si on le trouve, personne osera s’en prendre à nous. » Parce que lui a l’allure d’un vrai protecteur, bien plus que moi.

« Bah qu’est ce que tu fais ici dans ce cas ? » Avec difficulté, Damon vint déglutir alors qu’il tentait de ne pas lâcher le regard de la jeune femme - une première, le manque de sens de toute cette situation lui faisait faire des choses impensables. « Me dit pas que tu te pisses dessus à l’idée de sortir dans les couloirs ? » Finalement, maintenir le regard de Rae n’était pas si important que ça, surtout lorsqu’elle en venait à des détections de la sorte. « J’ai entendu d’autres élèves dire que le tueur était de nouveau en liberté… » Ce qui était, à ses yeux, une raison amplement suffisante pour ne pas trainer dans les couloirs sans une réelle raison valable. Tant qu’il n’aurait pas un plan d’évasion qui semblait exploitable, il ne s’aventurerait pas de façon aussi imprudente dans les couloirs.

D’ailleurs, n’était-elle pas accompagnée de son côté, la blonde, avant qu’ils ne se séparent ? « On a trouvé une sortie. Mais il est revenu pour chercher sa copine. » Deux informations dans cette phrase: quelqu’un était assez idiot pour venir supporter Léo et le considérer comme son petit-ami, et ils avaient réussi à trouver un moyen de s’échapper. Effectivement, leur plan était bien plus rapide et efficace que celui du Williams. « Moi aussi je cherche quelqu’un. » Damon avait de son côté trouvé quelqu’un, qui était finalement repartie pour prêter main forte à un groupe d’élèves en danger. Aucun d’eux ne devait avoir vu assez de films d’horreur pour comprendre que se séparer dans de telles situations, c’était signer là son arrêt de mort. Il vint déglutir de nouveau avec difficulté. « Si tu m’aides à le trouver, je t’accompagne jusqu’à la sortie. » Ce fut u regard bercé d’espoir qu’il vint relever en vitesse vers Rae. « Vrai… vraiment ? » Etrangement, la seconde suivante, il avait retrouvé la force pour venir se hisser sur ses deux jambes. « Mon petit ami, c’est le quaterback de l’école. Si on le trouve, personne osera s’en prendre à nous. » Damon hocha vivement la tête. Il n’avait aucun mal à imaginer la scène, bien moins que celle où il était lui seul face au tueur en tous cas. « Ca me va. Et puis… » Il vint tirer de sa poche le trousseau de clefs contenant celle du portail principal. « On pourra ressortir par la grande porte une fois qu’on l’aura retrouvé. » Quitte à s’échapper d’ici, autant le faire par le moyen le plus facile.

Et même si tout ce plan semblait parfait, quelque-chose venait quand même chiffonner l’italien. Il hésita un instant, mais entre mourir entre les griffes d’un tueur et celles de la demoiselle à ses côtés, il préférait encore la seconde option. « Dis moi… » Il était rouge de honte de venir la déranger de la sorte. Surtout pour une question aussi idiote. « Pourquoi tu fais ça ? Tu as littéralement dit à Léo tout à l’heure que t’aurais pas hésité un seul instant à me sacrifier, et là tu viens m’aider… » Il n’aimait pas ce type de retournement de situations; il en avait l’habitude et ça ne finissait jamais bien pour lui, Léo en chef de ligne pour assurer que ce soit effectivement le cas.

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« J’ai entendu d’autres élèves dire que le tueur était de nouveau en liberté… » Si je lève les yeux au ciel, si je fais semblant de le trouver ridicule et d’être excédée, il n’en reste pas moins vrai que l’idée qu’un tueur sanguinaire se balade à nouveau dans les couloirs du lycée me glace le sang. Et si Amos était tombé sur lui ? Et si c’était pour ça que je n’arrive pas à mettre la main sur lui ? Non, garde ton sang froid Raelyn, Amos est le garçon le plus musclé de l’école et il est malin en plus de ça. Il ne peut rien lui être arrivé. « Dis pas de bêtise, on lui a renversé de l’acide sur le visage et il s’est enfoncé plusieurs bouts de verre dans le dos. » Non, il ne peut pas s’être relevé. Et s’ils étaient deux ?

« Vrai… vraiment ? » Seigneur. Sa crise d’acnée violente aurait-elle atteint le cerveau ? Ou bien est-il simplement complètement demeuré en plus d’être complètement miope ? En guise de seule réponse, je lève les yeux au ciel : nous n’avons pas de temps à perdre. « Ça me va. Et puis… On pourra ressortir par la grande porte une fois qu’on l’aura retrouvé. » Je hoche la tête rapidement. Le gamin est utile au moins : il sort de sa poche le trousseau de clé qui nous permettra de nous enfuir. « Dis à personne d’autre que t’as ça. On va devenir une cible sinon. » L’enfer dans ce genre de situation, n’est-ce pas les autres ? Dans la panique et le désespoir, l’être humain est capable des pires horreurs.  « Dis moi… » Je fronce les sourcils avant d’éclater de rire. « J’espère que tu vas pas me demander de sortir avec toi, looseur. » Égocentrique et vaniteuse, moi ? « Pourquoi tu fais ça ? Tu as littéralement dit à Léo tout à l’heure que t’aurais pas hésité un seul instant à me sacrifier, et là tu viens m’aider… » N’a-t-il rien compris ? « A deux on est plus fort que tout seul. » Surtout si l’un des deux peut faire office de bouclier humain. Naïf petit enfant.

Dans le couloir, je mets mon index devant mes lèvres pour lui faire signe de ne pas faire de bruit. Nous longeons les murs et les portes des différentes salles de classe, que je pousse délicatement à la recherche de mon petit ami. J’en fais basculer une, avant de pousser un hurlement strident.

La personne qui se trouve juste derrière l’encadrement de la porte n’est pas Amos. La silhouette porte le même sweat à capuche que le type que nous avons attaqué avec Léo, et son visage est méconnaissable, déformé par l’acide. Il brandit son couteau et je suis morte de peur. « COURS ! » Je n’attends pas de voir si Damon m’écoute : je me lance dans les couloirs, au hasard, tentant de semer le meurtrier de Brittany et qui sait combien d’autres élèves.

« Dis pas de bêtise, on lui a renversé de l’acide sur le visage et il s’est enfoncé plusieurs bouts de verre dans le dos. » Les yeux du gamin blond vinrent s’écarquiller un instant en entendant les mots de Rae à ses côtés. Il avait compris que Léo et elle avait appréhendé le tueur plus tôt dans la soirée, notamment en l’enfermant dans une autre pièce où il se trouvait désormais seul, mais il ne s’était à aucun moment imaginé qu’ils en étaient arrivés à faire des choses comme ça. « De… l’acide ? » Sa voix était frêle, sa voix était fragile - simple reflet en réalité de sa personnalité. Il n’était pas habitué aux violences envers les autres, se contentant de subir celles qui pouvaient être dirigées vers sa propre personne.

Son petit truc à lui, Damon, c’était la réflexion et la logique; ce qui l’avait poussé à réussir à trouver les trousseau de clefs de l’école entière dans le bureau du directeur, un peu plus tôt dans la soirée. Le périple avait été semé d’embuches, mais il avait réussi à survivre jusque maintenant et même s’il n’était pas du genre combattant, il comptait pas mourir ou croupir ici ce soir. « Dis à personne d’autre que t’as ça. On va devenir une cible sinon. » Hochant vivement la tête, il vint ranger avec hâte le trousseau de clefs dans sa poche, comme venait de lui indiquer Rae. Elle avait raison - Dieu qu’il était peiné de penser ça autant de fois, alors qu’elle l’avait traité comme un moins que rien depuis la première seconde de leur rencontre -, le but n’était pas qu’ils deviennent des cibles mais bien qu’ils retrouvent le chemin de la sortie sans trop d’encombres, et si possible en traçant la voie pour bien d’autres élèves ensuite. La seule chose dont Damon doutait en cet instant, c’étaient des intentions de la blonde; pourquoi lui venir en aide alors qu’elle n’en avait strictement rien à faire de lui ? « J’espère que tu vas pas me demander de sortir avec toi, looseur. » Comme si j’oserais une chose pareille se traduit par une couleur rouge sur ses joues, alors qu’il secouait la tête pour venir montrer son désaccord. Jamais, ô grand jamais, il n’aurait osé une telle chose. Il voulait juste s’assurer qu’elle ne se jouait pas une fois de plus de lui, rien d’autre en cet instant. « A deux on est plus fort que tout seul. » Damn, elle avait une fois de plus raison. Elle était embêtante, la gamine, à en arriver toujours à ce point là. Alors, docilement, naïvement même, l’italien vint hocher la tête alors qu’ils se mirent en route vers la sortie.

Les couloirs étaient déserts, en cet instant. Il semblait que tous les élèves du lycée avaient disparu assez rapidement après que la rumeur d’un tueur en liberté n’en soit plus rien d’une rumeur, justement. Ils vinrent évoluer avec précision, avec discrétion, alors que le but de Rae de retrouver au passage son petit ami était toujours l’objectif officiel de cette mission - Damon devait, lui, se retenir de ne pas partir au courant au moins bruit de vent un peu plus fort qu’un autre. Les portes de salles de classe s’enchainaient, sans grand succès; il lui semblait qu’ils allaient finir voués à repartir d’ici sans le quarterback pour leur sauver la mise. Ce ne fut qu’après une bonne dizaine de portes ouvertes que la voix - ou plutôt, le cri - de Rae se fit entendre. Derrière cette ultime porte ne se trouvaient ni son petit-ami, ni la sortie, mais quelqu’un qui filait les jetons à Damon alors qu’il n’avait aperçu que sa simple silhouette. « COURS ! » Elle n’avait même pas fini de parler que déjà, les jambes du gamin blond s’étaient mises à fonctionner en sans inverse de cette salle de classe. L’instinct de survie étant quelque-chose de réellement innée apparemment, car d’ordinaire, il se serait surement simplement fait dessus sans pouvoir bouger le moindre muscle; tout n’était peut-être pas à refaire chez lui.

Les couloirs qui étaient déserts les minutes d’avant semblaient désormais être semés d’obstacles et d’embûches, mais surtout semblaient interminables. Damon avait l’impression de sentir le souffle du tueur dans son cou alors qu’il était presque persuadé qu’il était déjà à mille lieux d’eux, et passait son temps à venir regarder en arrière pour tenter de voir s’ils étaient suivis. A un moment même, à force d’oublier de regarder vers l’avant, il vint se prendre les pieds dans ce qui devait juste être un carreau de carrelage plus haut que l’autre, et vint se rétamer de tout son long, face contre terre en première intention, sur le sol glacial. Il ne sut vraiment si ce fut ses lunettes ou ses dents qui vinrent céder en premier, mais en tous cas, du sang s’écoulait désormais de sa bouche et remplissait cette dernière d’un gout de fer atroce.

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« De… l’acide ? » Il a l’air terrorisé, le petit blond, et je lève les yeux au ciel le plus visiblement possible. « Pourquoi, tu trouves que c’est pas sympa ? » On parle d’un tueur qui se balade dans le lycée, il voulait qu’on fasse quoi, qu’on lui donne une tape sur le dos de la main ? « T’aurais préféré de la barbapapa ? » Bon, l’acide, c’était l’idée de Léo, mais je tais ce détail et je m’accapare aussi les lauriers : après tout, c’est moi qui ai suggéré de le mélanger à de l'huile pour que le tueur glisse et que nous puissions fuir en l’enfermant, c’était un travail d’équipe, même si je peine à avouer que j’ai fait équipe avec weirdo.

Le plan est rapidement validé par calculette qui n’a de toute façon pas trop le choix puisque, même s’il est en possession des clés, il se terre depuis dieu seul sait combien de temps dans une salle de classe par peur de sortir dans le couloir et de se faire attraper. Quel intérêt d’avoir remué tout le lycée pour mettre les mains sur un ticket de sortie, dans ce cas ? Je prends la tête de notre petit groupe puisque je suis désespérée à l’idée de retrouver mon petit ami : je suis certainement un peu moins prudente que je le devrais : si le tueur s’est réellement libéré, alors il pourra entendre mes appels sans grand mal mais tant pis, je prends le risque.

J’ai l’impression de me liquéfier lorsque j’ouvre une porte et que, face à moi, se dresse un visage déformé par l’acide et méconnaissable. Il s’agit du tueur, je reconnais sa tenue et un hurlement s’échappe de mes lèvres alors que je commence à courir. Sur l’instant, je me moque bien de laisser Damon en arrière. Sauf qu’il trébuche et que, alors que je vois le meurtrier s’approcher de plus en plus de lui, je laisse échapper un juron avant de me précipiter pour l’aider à se révéler. « Dépêche-toi espèce d’empoté ! » Il y a du sang qui coule de sa bouche, mais ce n’est pas le moment de s’en préoccuper. Ses lunettes sont en revanche brisées et, vu l’épaisseur du verre, je doute qu’il soit capable de voir quelque chose sans. Heureusement, nous ne sommes plus loin des portes du lycée. Je laisse Damon prendre de l’avance, puisque c’est lui qui a les clés dans sa main. Sauf qu’il n’y voit plus rien, et que ça traîne. « Mais putain qu’est ce que tu f… » Mon hurlement est stoppé net : je ne suis plus capable de parler. Mon cerveau ne comprend pas ce qu’il se passe alors qu’une quantité effroyable de sang s’échappe de ma carotide. Le tueur est là, il m’a rattrapé et, d’un geste chirurgical, a tranché ma gorge à l’aide d’un énorme bout de verre qui vient certainement de notre piège. Je gargouille quelques mots parfaitement incompréhensibles, à présent incapable d’émettre le moindre son et, la seconde suivante, je m’effondre dans mon propre sang. Dépêche-toi espèce d’empoté, c’est malheureux comme dernière phrase avant de mourir, non ?

« Pourquoi, tu trouves que c’est pas sympa ? T’aurais préféré de la barbapapa ? » Il savait parfaitement qu’elle était en train de se payer de sa tête, Rae, mais ce n’était pas pour autant qu’il était effrayé par la situation. Même la blonde commençait à lui faire peur, à lui expliquer les stratagèmes par lesquels ils étaient passés, Léo et elle. Déglutissant avec difficulté, la bouche sèche, Damon vint secouer avec hésitation son visage. Non, bien sûr que non la barbapapa n’était pas une bonne arme de défense contre un agresseur de ce type là - du type mortel -, mais il n’était pas habitué à tant de violence.

Qu’importait, maintenant ils se devaient de trouver la sortie, de s’en aller de cet enfer. Si le tueur  continuait effectivement de rôder dans les couloirs, il ne fallait pas qu’ils y traînent à leur tour. Venant vérifier toutes les salles de classe, l’espoir de voir apparaître derrière l’une de ses portes le petit-ami de Rae s’amenuisait de plus en plus; celui de tomber sur le tueur de son côté n’avait jamais été présent et pourtant ce fut sur le chemin du fou-furieux qu’ils tombèrent. Rapidement, les deux jeunes gens se mirent à courir dans le sens-inverse, désormais sans plus aucune distinction précise: seule l’idée de se sauver de cette situation les animait.

Ce nouveau plan était parfait, mais ne prenait pas en compte le manque d’agilité de la part de Damon. Il vint s’emmêler les pinceaux et les pieds, et vint finir la face contre le sol. Une dent se fit la malle, ne parlons même pas des verres de ses lunettes qui vinrent se briser des deux côtés. « Dépêche-toi espèce d’empoté ! » Le souffle de Damon se faisait court, ce dernier s’étant retrouvé coupé dans la chute. Elle était marrante, Rae, à venir lui crier dessus de la sorte mais ce n’était pas ce qui viendrait lui donner un coup de main - bien au contraire, cela avait tendance à terroriser. Cependant, contre toutes attentes, la demoiselle vint l’aider à se relever là où pourtant elle avait toujours juré qu’il lui servirait de bouclier humain dès que l’instant se présentait - et en l’occurrence, le laisser à terre aurait rempli cette tâche avec brio.

« Mais putain qu’est ce que tu f… » Il avait à peine eu le temps de se remettre debout et de réajuster ses verre cassés que la jeune femme se trouva être coupée en pleine phrase. Damon sentit ce qui se passa plus rapidement qu’il ne le comprit, des projections de sang venant couvrir son visage alors qu’une expression d’effroi et d’étonnement à la fois prit possession du visage de Rae. Portant sa main à son visage, tremblante, Damon vint toucher le liquide chaud qui lui coulait désormais dessus avant de comprendre ce qui se passait: il avait beau avoir les lunettes brisées, la couleur du sang était inimitable. Rae avait toujours les yeux écarquillés, debout par un certain miracle, alors que Damon vint pousser un hurlement à son tour. Il avait pas signé pour ça en venant au bal ce soir bordel. Lui qui voulait juste paraître cool se retrouvait mort de trouille - et s’il ne se mettait pas en action maintenant, il sera mort tout court dans les quelques secondes à venir. Des jambes semblèrent comprendre plus rapidement que le reste de son corps ce qu’il se passait, puisqu’il se mit de nouveau à courir avant que ses mains aient arrêté de trembler devant ses yeux. La sortie du lycée se trouvait à l’extérieur, au bout du couloir dans lequel Damon courrait désormais comme un dératé. Si dans leur plan initial, Rae et lui avaient prévu de récupérer d’autres personnes au passage, l’italien courait dans le but seul de se sauver lui. Il était devenu égoïste en cet instant, mais un tueur lui courait après et il trouvait que ce n’était pas le pire des moments pour le devenir, égoïste.

C’était quoi l’idée de venir mettre autant de clefs sur le même porte-clefs, pour de vrai ? Damon avait enfin pu atteindre l’entrée du lycée, la grille étant le dernier obstacle entre la liberté, la vie, et lui. Le bruit des clefs s’entrechoquant entre elles lorsqu’il cherchait celle qui serait là bonne devait s’entendre depuis l’autre bout du lycée, mais Damon avait pris de l’avantage durant son dernier sprint: Rae était tombée à terre et avait constitué un obstacle à enjamber pour l’ennemi. Finalement, c’était elle qui avait servi de bouclier humain là où calculette tentait de retrouver le chemin pour rentrer chez lui, les lunettes cassées, une dent en moins mais la vie devant lui.