The Turning Point
Megan Monroe & @Jo Carter

Comme toujours, je réalise ma bêtise lorsqu’il est bien trop tard pour faire demi tour. Damon n’est pas le problème. Damon est gentil, agréable à vivre, mignon sans en rajouter : il représente le gendre dont rêvent tous les parents et le prince charmant que cherchent toutes les jeunes filles en fleur. Au-delà de ça, nous nous entendons bien, nous nous sommes trouvés des points communs et si je ne peux pas prétendre que nous sommes fous amoureux, je ne me sens pas mal avec lui, bien au contraire.

Damon n’est pas le problème, le problème, c’est la situation le problème, c’est le regard glaçant de Saül Williams, les lèvres pincés et le nez retroussé d’Elise à chaque fois qu’elle pose les yeux sur moi - comme si elle sentait en permanence une odeur qui lui déplait - et, surtout, cette impression de plus en plus écrasante que je suis en train d’être poussée doucement dans une jolie cage dorée que je fermerai derrière moi. A quoi ressemblera ma vie, demain ? Pourrais-je encore aspirer à être aimée pour de vrai, pour qui je suis, à trouver quelqu’un qui voudra être avec moi par choix et non parce qu’on le lui a imposé ? Je me targue de ne pas être une romantique, mais je suis consciente de ne pas être taillée pour la solitude. Est-ce qui m’attend aux côtés du jeune italien, une vie de solitude ? Je suis magnifique dans la robe conçue et entièrement fabriquée par les mains de ma meilleure amie, couturière de talent. Evidemment, que je suis magnifique. La bague de fiançaille qui trône à mon doigt et de loin le plus beau de mes bijoux, mais mon sautoir, mes boucles d’oreilles, jolies feuilles de laurier en or blanc qui remontent tout le long de mon lobe d’oreilles, et mes braclets ne sont pas en reste. Je porte sur moi bien plus d’argent que je n’en ai jamais possédé et, pourtant, j’ai l’impression de me tenir au bord d’un précipice.

J’ai attendu la veille de mes noces pour envoyer un message à Cameron, mon ancien amant qui est aux abonnés absents depuis l’annonce de mes fiançailles. J’ai composé un simple ”Je pensais que tu me dirais au moins au revoir”, avant d’abandonner mon téléphone pour la nuit. Aujourd’hui, une page se tourne et je n’ai guère le temps de m'appesantir sur un passé qui ne veut pas de moi.

Ma robe n’est pas si serrée et, pourtant, j’ai le sentiment que je peine à respirer. On dit que beaucoup de futures mariées paniquent quelques heures et parfois même quelques minutes avant de remonter l’allée, mais ma situation est bien différente. Ces futures mariées, s’unissent-elles à un homme qui leur était inconnu il y a quelques mois encore ? Héritent-elle d’un beau père qui a déjà prouvé qu’il était violent et, surtout, qu’il comptait bien mettre son nez là où dans chaque seconde de leur existence ? Je n’ai plus de bleu sur le bras depuis longtemps, pourtant, à chaque fois que je me trouve dans la même pièce que l’homme d’affaires, j’ai la sensation de ressentir des picotements dans mon bras droit.

Je suis magnifique. Mais je suis aussi morte de peur. Comme si, depuis le début de tout ça, je réalisais à peine la situation dans laquelle je me suis fourrée à cause de mes erreurs, de ma fougue et de mon imprudence. Certains prétendraient sûrement que, mon problème, c’est que tant que la coupe n’est pas pleine, je fais l’autruche, je refuse de voir que je suis en train de me noyer. Moi, je préfère dire que je trouve un peu de beauté dans chaque situation mais, aujourd’hui, alors que je suis dans la petite salle du vignoble qui m’a été réservée pour que je puisse me préparer, alors que la coiffeuse et les maquilleuses sont parties depuis bien longtemps, je n’arrive plus à respirer. Quand Jo passe la porte, je lui jette le regard le plus rempli de détresse que je ne lui ai jamais jeté. Je suis contente de la voir elle pas Shiloh ou une autre des demoiselles d’honneur choisies par ma belle mère. Je suis contente de voir quelqu’un qui sait et qui a promis de ne pas m’aider à me dérober. « Tu te souviens quand je t’ai dit que j’attendais de toi que tu me traînes par les cheveux jusqu’à l’autel ? » Je plaisantais à moitié à l’époque, inconsciemment consciente de mes faiblesses. « Ma belle famille a payé trop cher en coiffeur pour que je puisse me permettre de ruiner ça. » Mes cheveux blonds et bouclés qui tombent en cascade sur mes épaules, me donnant un air angélique. « Mais là, c’est le moment où j’ai besoin que tu me rappelles toutes les raisons pour lesquelles il est trop tard pour faire marche arrière. » Parce que je ne l’ai pas, je le sais bien. Ni Damon ni moi n’avons de prise sur la situation alors que ses proches - les miens se résument à Jo, Shiloh et quelques connaissances - sont certainement déjà en route.

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Elle avait accepté de foutre les pieds à cette mascarade, et elle avait accepté de le faire sans même recevoir un kopeck, si ce n’était pas son amitié qu’elle prouvait à Barbie Future Mariée, elle ne s’appelait pas Josephine. En revanche, elle avait refusé d’endosser le rôle de la demoiselle d’honneur, craignant de devoir porter une horreur de robe crinoline de couleur douteuse. Pire, un chapeau qui mangerait la moitié du jolie visage qu’elle avait pour elle, et qui aujourd’hui, reflétait une palette de sentiments aussi neutres qu’elle pouvait se le permettre tant elle jugeait en son for intérieur. Mais est-ce que c’était si important que ça, le statut qu’elle avait, quand elle savait qu’elle n’était qu’une figurante de bas-étage dans un mauvais remake de comédie romantique ? Elle ne comprenait toujours pas le délire de Megan, elle s’était lancée dans l’écriture d’une histoire qui lui péterait à la gueule bien assez tôt. Dans le fond, ça l’emmerdait profondément d’être là, à devoir faire comme si elle ne savait pas qu’absolument tout n’était que paraître. Elle n’avait pas rencontré Damon, elle n’avait pas rencontré sa famille… mais elle était arrivée suffisamment tôt pour se rendre compte que tout la smala qui s’agitait autour des principaux intéressés s’évertuaient à garder sur le visage un putain de sourire aussi faux que ses longs cils. Bande de tarés, qu’elle ne cessait de penser attendant que le spectacle ne commence, engoncée dans une tenue qu’elle avait savamment choisie pour ne pas dénoter au milieu du cadre champêtre dans lequel on avait décidé de planter — d’enterrer, serait plus exact — l’union d’un couple monté de toute pièce.
Il était tôt, et elle ne tenait pas à faire la conversation avec personne. A dire vrai, elle n’était là pour personne d’autre que Megan, c’était une certitude qui la fit bouger de là où elle s’était posée pour déambuler là où elle en avait l’autorisation — ou pas, elle s’en carrait bien des instructions de l’organisatrice de mariage. Elle poussa des portes avec, sur son visage fardé en adéquation avec le reste de son apparence impeccable, une expression aussi placide que possible, fusillant du regard quiconque lui interdisait d’aller là où elle voulait aller. Elle n’avait pas le privilège d’être tenue à l’écart de ce qui se tramait vraiment, mise au courant par Megan elle-même, alors pourquoi lui imposer de rester à sa place ? Elle n’applaudirait pas quand les nouveaux époux s’embrasseraient, elle se réjouirait encore moins de voir, accolé au prénom de sa pseudo-copine, le nom d’un type qui avait accepté le deal d’un père assez dominant pour imposer sa loi sous menace de rendre la vie d’une quasi-inconnue impossible à mener. Jo ne savait pas faire semblant, mais elle ne voulait pas nuire à Megan, pas aujourd’hui. Aussi curieux que ça lui paraissait à elle aussi, elle avait assez d’affection pour elle pour ne pas la mettre plus dans la merde qu’elle ne l’était déjà.
Elle poussa une nouvelle porte — sans doute était-ce la bonne, encore qu’elle ne savait pas vraiment ce qu’elle cherchait. Toutefois, quand elle la vit, toute apprêtée pour l’échafaud, elle comprit que c’était elle, sa quête. La promesse qu’elle lui avait faite lui revint en mémoire quand elle l’entendit s’adresser à elle, et alors qu’elle posait sa pochette sur une table ronde disposée à l’entrée de la pièce, elle se dirigea vers elle pour mieux se rendre compte qu’elle était… quoi ? Paniquée ? Elle le serait aussi… quoi qu’elle, elle ne serait pas assez conne pour s’être laissée charmer par les menaces d’un mafieux à la manque, mais vraiment, qui était-elle pour juger ?

Elle força Megan à s’immobiliser, la tenant par les épaules quand elle s’approcha d’elle pour de bon "Déjà, t’es splendide. Tu m’avais pas menti sur la robe." lui chuchota-t-elle dans une démonstration exceptionnelle de gentillesse qui ne dura pas, même si ses yeux restèrent un moment à contempler la robe qu’elle portait, et qu’elle devait bien avouer, était d’une beauté qu’elle avait rarement vue. Déjà, elle reprenait la parole pour lui dire "T’es sûre que c’est pas une option de te traîner par les cheveux ? Ça donnera un petit côté j’ai couru dans les champs pour arriver jusqu’à toi, mon amour. Ça collerait grave avec ton thème." Elle opina, alors qu’elle n’en pensait pas un mot, se retenant de lui rappeler que, s’ils avaient tablé sur un thème comme celui-ci, il ne collait pas tellement à la situation en vérité. Elle s’était attendue à débarquer dans un trip à la noces pourpres — il ne manquerait plus qu’elle ait un polichinelle dans le tiroir, putain "Il est trop tard pour que tu fasses marche-arrière, parce que t’as pas passé je sais pas combien de temps à donner l’impression d’aimer l’idée de faire partie de cette famille, pour te débiner à la toute dernière minute. T’es mignonne, mais t’es pas Julia Roberts, merde." La délicatesse de Jo. Elle aurait pu s’en vouloir si ce n’était pas exactement ce que Megan attendait d’elle à ce moment-là ; qu’elle la secoue… tout en replaçant les mèches de ses longs cheveux bouclés pour l’occasion sur ses épaules qu’elle dégagea alors, continuant sa litanie en plantant ses yeux dans les siens "Et puis faut assumer tes conneries maintenant, hein. C’est pas quand tu t’apprêtes à gâcher ta vie qu’il faut changer d’avis parce que t’as les foins, meuf." Elle aurait pu se taper la tête contre un mur tant elle ne croyait pas à ce qu’elle lui disait. Et d’ailleurs, elle sentit sa gorge s’assécher quand elle ajouta "Ça, c’était un truc auquel t’aurais dû penser bien avant de t’investir. Pense à Damon, il compte sur toi." Elle fit un signe de tête déterminé, comme pour elle-même avaler les couleuvres qu’elle tentait d’enfoncer de force dans la gorge de la future jeune mariée. Juste le temps pour elle se pencher sur elle, et de lui chuchoter en troisième vitesse "On peut se barrer en courant si tu te sens pas capable d’aller jusqu’à l’autel, t’as qu’un mot à dire." Elle ne le dirait pas, elle le savait aussi bien que Megan savait ce qu’elle encourrait… mais pour le coup, elle voulait la faire sourire un peu.

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Megan Monroe & @Jo Carter

Jo a fait l’effort de mettre une jolie robe dans le thème de la cérémonie qui se déroulera au vignoble et si j’en crois ses cheveux tirés en arrière à la perfection et son maquillage on fleek, elle a même mis des heures à se préparer : si je n’étais pas morte de peur ça m’aurait fait rire, pour quelqu’un qui ne voulait rien avoir à faire avec cette union montée de toute pièce, elle a tout de même fait des efforts. Il faut dire que c’est certainement la chose la plus excitante qui se passe dans sa vie, c’est pas dans la maison de retraite dans laquelle elle vit - oui pas vraiment, mais c’est pareil - qu’il se passe des choses aussi trépidantes. « Déjà, t’es splendide. Tu m’avais pas menti sur la robe. » - « Et encore, c’est même pas de celle là que je parlais. » Celle-là, c’est celle que Shiloh m’a faite, celle que j’aime de tout mon cœur et qui me donne un air angélique qui, surprenamment, me va vraiment bien au teint. Celle qui ravira les mirettes de Joséphine, c’est évidemment celle que j’ai prévu de passer plus tard, celle qui ne recevra pas l'approbation de la famille de mon fiancé mais qui a déjà fait briller ses yeux à lui lorsque je l’ai passé chez le tailleur, et ça me suffit. S’il a du mal à se détendre à cause de toute cette mascarade, la robe aidera, sans nul doute. « C’est Shiloh qui a fait celle-là. Je lui transmettrai tes félicitations. » L’idée me fait sourire tant mes deux amies sont deux parfaites opposées : chaque mention d’un acte de douceur de la naïve Shiloh fait souvent lever les yeux au ciel à la brune.

« T’es sûre que c’est pas une option de te traîner par les cheveux ? Ça donnera un petit côté j’ai couru dans les champs pour arriver jusqu’à toi, mon amour. Ça collerait grave avec ton thème. » Je laisse échapper un rire qui ressemble plus à un grognement en tentant une fois de plus de faire remonter l’une de mes boucles blondes pourtant parfaite : le professionnel qui s’est occupé de ma coiffure a fait un travail magnifique, au même titre que les deux maquilleuses et pourtant, rongée par l’angoisse, je ne peux m’empêcher de trouver des défauts partout. « Tu sais combien j’ai payé pour ça ? » Je montre du bout des doigts les boucles lâches mais distinguées. Techniquement, c’est Elise et Saül Williams qui ont payé pour ça, et personne d’autre. « Et je peux même pas me ronger les ongles. » Parce qu’ils ont été recouverts d’une épaisse couche de gel pour sembler plus long, et peint d’une délicate couleur rose pâle. « Il est trop tard pour que tu fasses marche-arrière, parce que t’as pas passé je sais pas combien de temps à donner l’impression d’aimer l’idée de faire partie de cette famille, pour te débiner à la toute dernière minute. T’es mignonne, mais t’es pas Julia Roberts, merde. » - « Faut vraiment qu’on travaille sur tes références cinématographiques putain. Histoire qu’un jour t’en fasse une tirée d’un film sorti après que je sois née. » Houspiller la brune m’aide à me concentrer sur autre chose. Damon est parfait et ce n’est pas le problème : le problème, c’est le piège dans lequel je suis volontairement en train de mettre la gueule. Le problème, c’est que je suis volontairement en train de m’enfermer dans un cage dorée et pourquoi ? Parce que j’ai peur de devoir recommencer ma vie à zéro ? Parce que j’ai peur d’être traînée dans la boue, Cameron avec et de voir mon histoire étalée au vu et au su de tous ?

« Et puis faut assumer tes conneries maintenant, hein. C’est pas quand tu t’apprêtes à gâcher ta vie qu’il faut changer d’avis parce que t’as les foins, meuf. » - « Je sais. » C’est bien trop tard pour ça. Tout le monde est déjà en train de s’installer dans la petite église dans laquelle la berline de luxe va me conduire dans quelques instants et Saül me ferait payer une telle humiliation. Il vaudrait mieux que je sois morte plutôt que d’avoir laissé son fils devant l’autel. « Ça, c’était un truc auquel t’aurais dû penser bien avant de t’investir. Pense à Damon, il compte sur toi. » Et là, elle parle de Damon pile au moment où je m’apprêtais à me faire la même remarque. Elle a raison. Au- delà du courroux de Saül, c’est à Damon que je ne peux pas faire ça. « Tu parles, il serait ravi d’être débarrassé d’une folle comme moi. » Je tente de trouver des excuses mais, déjà, je suis moins vindicative. Une telle humiliation est dure à pardonner. Moi même, j’aurais du mal à me convaincre que j’ai libéré mon fiancé si je m’enfuyais. De toute façon, je n’envisage même pas vraiment cette éventualité : j’ai juste besoin d’un peu de temps pour me rappeler que ce n’est pas si pire. Qu’être condamnée à devenir la prisonnière de mon futur mari n’est pas la plus cruelle des sentences tant il n’a rien à voir avec son père. Seulement, il ne m’aimera jamais, et je ne sais pas si je suis capable de vivre sans ça. « On peut se barrer en courant si tu te sens pas capable d’aller jusqu’à l’autel, t’as qu’un mot à dire. » Je secoue la tête et, la gorge nouée, je ferme les yeux. « T’as aperçu Damon ? » Elle n’a pas tenu à le rencontrer jusque-là et je peux difficilement prétendre que je suis surprise. « Il a tenu à dormir chez sa mère hier soir, parce que c’est la tradition. Putain de conservateur… » Je me mords l’intérieur de la lèvre à défaut de frotter mes yeux : au moins, ça ne se verra pas sur les photos, alors que si je ruinais mon maquillage… « Est-ce qu’il avait l’air angoissé ? » Il l’est certainement puisqu’il n’est qu’un dommage collatéral d’une guerre entre son père et moi qui ne le concernait pas, au début. « Il est plus innocent qu’une brebis à l’abbatoir putain… Je peux pas lui faire ça. » Lui faire quoi ? L’épouser ou le fuir ? J’ai l’impression qu’il ne mérite aucune des deux options et, de toute façon, je n’envisage pas sérieusement la seconde. J’ai juste besoin d’en parler comme si c’était une possibilité, pour me donner l’illusion que je maîtrise encore quelque chose dans cette situation. « C’est un gars bien. Vraiment bien tu sais… » Je songe à notre discussion sur mon passé, à cette envie de me prendre dans les bras pour me réconforter que j’ai sentie dans son regard. « Et l’autre con m’a même pas envoyé un seul message depuis que je lui ai tout dit. » Depuis que je lui ai annoncé la nouvelle de ma plus-si-future-que-ça union.

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Jo était prête à laisser à Megan le privilège de se payer sa tête, celle de ses références cinématographiques en l’occurence, si ça lui chantait, et ce simplement à cause de la position pourrie dans laquelle elle se trouvait. Certes, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même — on n’avait pas idée de faire un pacte avec le Diable pour sauver ses miches —, mais si tout était blanc ou noir, ça se saurait. Elle avait des raisons, des raisons qu’elle lui avait vaguement exposées, traduisant sa décision par le souvenir d’un passé qui, quoi, lui faisait honte ? Sur ce coup-ci, elle était prête à mettre ses travers d’illustre manichéenne de côté parce qu’il fallait le dire, elle lui faisait pitié, la Megan. D’accord, elle était mal placée pour juger elle-même, préférant se cacher derrière son caractère que d’admettre qu’elle souffrait de la vie de secours qu’elle s’obstinait à vivre pour se donner l’impression d’exister, seulement il y avait une différence tout de même et même si elle se faisait chier la plupart du temps, bringuebalée entre ses états d’âme d’artiste contrarié et l’état de sa grand-mère qui ne ferait qu’empirer, elle n’aurait échangé sa place avec Megan pour rien au monde. Elle s’en carrait royalement du faste dans lequel elle allait évoluer à l’instant où elle se ferait officiellement passer la bague au doigt, elle tenait trop à sa dignité pour dépendre du portefeuille de quelqu’un d’autre. Son expérience lui avait fait réaliser que s’en remettre au bon vouloir d’un mécène, quel qu’il était, c’était perdre sa liberté. Alors OK, elle gagnait un mari adorable, la blondinette, mais elle perdait beaucoup trop de choses pour que de son côté, Josephine, ne trouve pas ça triste, putain.
Pourtant, elle était belle à cet instant-là, à endosser le rôle de la future mariée nerveuse, ceintrée de blanc. Qui aurait cru que la voir si angélique lui aurait fait quelque chose, elle qui la connaissait assez pour savoir qu’elle n’avait d’angélique que les traits de son visage parfait, sublimé par des heures de maquillage et de coiffure. C’était triste, en effet, de la voir enfiler une panoplie qui, si elle lui seyait incroyablement, parut bien trop grande à Jo sur le moment. Tant bien que mal, alors qu’elle ne croyait pas un traître mot de ce qu’elle lui disait pour la secouer, elle essaya de jouer le rôle que la blonde avait voulu qu’elle tienne. Mais ça lui faisait mal de mentionner Damon, de mentionner la pseudo-loyauté que sa future femme lui réservait pour la forcer à respecter le plan de départ et ne pas le fuir. Elle le lui proposa quand même parce qu’elle aimait se dire qu’elle avait assez de jugeote pour limiter les dégâts avant que tout ne lui file entre les doigts ; elle la surestimait, c’était certain.

Elle soupira "Nan, j’ai pas aperçu Damon." qu’elle lui répondit avec presque mauvaise humeur, battant en retraite d’un pas pour la regarder évoluer dans sa robe de princesse "C’est pas comme si tu savais pas ce qui t’attendais. Mais ça fait plaisir de savoir que, sous toutes leurs magouilles, ils accordent de l’importance aux traditions." Ou pas. A ses yeux, ça révélait simplement qu’ils vivaient sous la coupe de codes archaïques et que ça ne présageait rien de bon pour l’avenir de Megan qui rejoindrait bientôt les branches de leur arbre généalogique.
Elle remit en place la ligne fine du bracelet qu’elle portait au poignet gauche, l’or lumineux de son bijoux contrastant avec sa peau mate, posant sur Megan un regard mi-figure mi-raisin quand elle se mit à défendre l’innocence de son fiancé. Ça la fascinait, cette manière qu’elle avait de le défendre puisque de son avis, si lui aussi avait accepté le marché qui pesait sur eux, c’était qu’il devait n’avoir pas plus de deux neurones. Sans doute était-ce de la jalousie mal placée, mais elle se sentit obligée de lui dire, s’avançant dans la pièce pour aller jeter un oeil à la coiffeuse sur laquelle étaient posés quelques produits qui avaient servi à la préparation de Megan. Elle empoigna le tube de rouge à lèvres gravé à son nom et le déboucha pour en vérifier la nuance, d’un rose qu’elle avait vu sur les lèvres de la mariée et qu’elle jugea bon s’appliquer généreusement après lui avoir dit "Tu m’avais pas dit qu’il était au courant de tout ça ? Il était peut-être sympa et tout ce que tu veux, mais s’il est dans la confidence, ça fait pas de lui quelqu’un d’innocent… ça fait de lui un complice. Vous l’êtes tous dans cette histoire, en vrai." Elle l’était aussi finalement. Elle haussa les épaules, joignant ses lèvres pour estomper le robe qu’elle avait dessus, et sans jeter ne serait-ce qu’un oeil à son reflet dans le miroir de la coiffeuse, trop sûre d’elle pour ça, elle se tourna vers la jeune femme "Il faut que tu précises quand tu parles de l’autre con. J’ai l’impression qu’ils le sont tous dans ton histoire." Son ton était neutre, mais son regard était déterminé à s’accrocher à celui de Megan. Elle la fixa, s’approchant d’elle de nouveau pour venir passer ses doigts dans ses mèches blondes, les replaçant de nouveau pour que son profil soit dégagé "Hey, respire." qu’elle lui fit dans un murmure.
Chaque fois qu’elle la regardait, elle avait mal au cœur, c’est probablement pour ça qu’elle lui dit de nouveau, dans un souffle plus dense "Tu dis que Damon mérite pas ça, mais tu mérites pas ça non plus ; qu’importe ce que t’as fait qui t’obliges à avoir si peur que son père s’en serve contre toi. Personne n’est parfait." Elle laissa un petit temps filer, rompant le contact de ses doigts avec les cheveux de Megan, mais aussi le contact visuel quand elle ajouta pour la blague — quoi que, sur ce sujet-là, elle ne plaisantait jamais "Enfin, à part moi, mais c’est pas vraiment utile de le préciser ça."

The Turning Point
Megan Williams & @Jo Carter

« Nan, j’ai pas aperçu Damon. » J’aurais aimé qu’elle me dise le contraire mais je ne sais pas ce qui m’aurait le plus rassurée : qu’il soit dans le même état de stress que moi, pour que je me sente moins seule, ou bien qu’au contraire il soit assez calme pour être mon roc tout au long de cette journée ? Peut-être que c’est mieux, dans ces conditions, qu’elle ne l’ait pas vu. Peut-être aussi que ça a évité qu’elle lui tombe dessus : je suis impulsive, mais Jo n’a rien à m’envier à ce sujet là et qui sait quelles auraient été les conséquences si elle avait passé ses nerfs sur le jeune italien ou sur son père. Note à moi même : garder Jo à l'œil tout au long des festivités. A choisir, je préfèrerais qu’elle m’humilie en partant à la pêche d’un gros poisson du type partenaire professionnel de mon futur beau-père plutôt que de la voir péter un plomb, scandalisée par cette mascarade. Nous sommes amies mais je ne la connais pas par cœur et, de toute façon, l’incendiaire brune est bien trop imprévisible. « C’est pas comme si tu savais pas ce qui t’attendais. Mais ça fait plaisir de savoir que, sous toutes leurs magouilles, ils accordent de l’importance aux traditions. » Je laisse échapper un rire nerveux. « Damon vit pour être ce qu’on attend de lui. C’est épuisant d’évoluer à ses côtés, parce que je lui arriverai jamais à la cheville à ce niveau-là. » Damon est bâti pour être quelqu’un de bien. Quelqu’un qui ne fait pas de vagues, qui pense toujours aux autres avant de penser à lui, le genre qui s’engage dans l’humanitaire et adopte des chiots dans un refuge. J’ai conscience d’avoir de la chance mais, aujourd’hui, la nervosité fait ressortir ce qu’il y a de pire dans chaque situation et, dans celle-ci, le pire c’est l’idée de lui être comparée. Parce que je n’ai rien à voir avec lui. Parce que j’agis souvent de façon égoïste, et systématiquement sans réfléchir. Je ne suis que rarement animée par de mauvaises intentions, seulement, faire les choses mal, c’est dans mon ADN.

Je réalise à peine que Jo est en train de fouiller dans mes affaires - celles de la maquilleuse - et qu’elle attrape un rouge à lèvre, et je suis bien trop absorbée pour la réprimander. Au contraire, je lui jette un regard avant de hausser les épaules. « Tu devrais le prendre. Il te va bien. » Il n’est pas à moi de toute façon, et je doute qu’il manque à la Karen ou Jessica à qui elle l’a emprunté. « Tu m’avais pas dit qu’il était au courant de tout ça ? Il était peut-être sympa et tout ce que tu veux, mais s’il est dans la confidence, ça fait pas de lui quelqu’un d’innocent… ça fait de lui un complice. Vous l’êtes tous dans cette histoire, en vrai. » Peut-être qu’elle a raison. Mais nous avons tous des motivations différentes et celles de Damon sont bien moins questionnables que les miennes. « Il fait ça pour éviter la prison à son père. Je vois pas comment quiconque pourrait lui en tenir rigueur. » Moi, je fais ça pour un tas de raisons et j’en oublie finalement laquelle prédomine. Me suis-je laissée entraîner là dedans à cause de la peur que ma liaison et mon passé peu reluisant soient étalés au vue et au su de tous ou bien ai-je surtout été tentée par l’idée d’appartenir à ce clan sélectif et solidaire que forment les Williams ? Au fond, est-ce que c’est important, si l’on part du principe que je ne suis pas pieuse : je ne crois pas qu’il y ait quelqu'un là haut qui m’observe et juge mes actes et mes décisions. Je n’ai pas peur de devoir rendre des comptes à une puissance supérieure : par contre, plus le temps passe, plus j’ai peur de devoir en rendre à mon futur mari.

« Il faut que tu précises quand tu parles de l’autre con. J’ai l’impression qu’ils le sont tous dans ton histoire. » Je roule des yeux avant de les lever au ciel. « Je suis une trainée à t’entendre. » C’est certainement ainsi que m’aurait dépeinte la presse à scandale - ma propre meute - si ma liaison avec Cameron, ancien réalisateur à succès et surtout homme marié avait été découverte. « Cameron. » Nerveuse, je joue avec mes doigts, je m'arrache les cuticules à défaut de pouvoir me ronger les ongles. « Je m’attendais pas à une carte de félicitations ou à ce qu’il me saute au cou… » Mais n’est-ce pas l'hôpital qui se fout de la charité ? « J’aurais juste voulu qu’il me dise au revoir. » Parce que je me sens rejetée par un homme que je n’ai jamais aimé d’un amour profond et sincère, mais auquel j’étais réellement attachée, pas uniquement habituée. « Il s’attendait à quoi ? Il est marié depuis le début cet hypocrite. » Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit ravi, mais je ne m’attendais pas à ça non plus. L’égo des hommes est un cancer. « Hey, respire. » Elle a pas tort, je serai tout sauf canon sur les photos si j’ai l’air au bord du malaise vagal. Je ferme les yeux un instant, et j’essaye de calmer mes mains qui tremblent. Ses doigts remplacent mes boucles blondes et je me répète une fois de plus que je ne dois pas pleurer : devant l’autel, j’y serais autorisée, on mettra ça sur le coup de l’émotion. Avant, c’est difficilement compréhensible. « Tu dis que Damon mérite pas ça, mais tu mérites pas ça non plus ; qu’importe ce que t’as fait qui t'oblige à avoir si peur que son père s’en serve contre toi. Personne n’est parfait. » Elle tente de me rassurer malgré toute l’horreur que la situation lui inspire : Jo est une bonne amie. Une amie particulière, mais une bonne amie tout de même. « Enfin, à part moi, mais c’est pas vraiment utile de le préciser ça. » - « C’est ça oui. » Je lève les yeux au ciel et secoue mes mains, pour tenter de me calmer et de renouer avec la réalité. « Heureusement que t’as refusé d’être ma demoiselle d’honneur, t’aurais pu me faire de l’ombre. » L’ironie que j'insuffle à ces mots est assez évidente pour qu’elle ne se demande pas de quel bois je me chauffe et ce qui me prend. Je laisse échapper un rire un peu plus sincère, avant de plonger mes iris bleus dans les siens. « Je suis désolée au fait. Pour Charlie. » Il paraît que rendre service et être utilisée sont deux choses différentes. Elle a fait la gueule, mais malgré ça, elle a enterré la hache de guerre au moins temporairement pour être là pour moi aujourd’hui. « Sur le coup, ça paraissait être une idée de génie. » C’est ça le problème avec moi : c’est toujours le cas.

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{the turning point}
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Damon vit pour être ce qu’on attend de lui. Elle ne le connaissait pas, Ken, elle n’avait que les paroles de Barbie pour se faire une idée de lui et de ce qu’il était. Elle manquait sans doute d’objectivité, après tout il deviendrait bientôt son époux, celui avec qui elle était sensée passer une partie de sa vie, si ce n’était sa vie entière si elle devait s’en référer à l’idée que le pacte qu’elle avait passé avec Don Williams n’avait pas de date de fin. Pour autant, cette info qu’elle lui lâcha sous le coup de la nervosité, ça aurait pu pousser Jo à avoir un peu se sympathie pour le jeune homme. Elle savait ce que c’était, de devoir se plier au bon-vouloir des autres, elle savait le dilemme que ça représentait d’osciller entre ce qu’on nous imposait, et ce qu’on voulait vraiment. Elle, elle avait fait le choix de laisser les autres de côté, et quand elle parlait des autres, elle parlait de sa propre famille. Elle ne le regrettait pas pour un sou, il lui restait Ava qui représentait à peu près tout ce qu’il y avait dans son univers désormais, mais il y avait des fois où, oui, ça lui manquait de ne plus faire partie de ce tout qui avait été le sien pendant une bonne partie de son existence. Ça n’avait pas été un choix facile, elle était encore toute jeune à l’époque, et même si elle avait eu cette envie longtemps avant d’atteindre sa majorité, elle avait été trop consciente de la manière dont tout exploserait une fois qu’elle prendrait son envol, c’est pour cette raison qu’elle avait autant pris son temps. Alors, elle le jugeait allègrement, Damon, mais elle pouvait le comprendre aussi si, comme le disait Megan, il dépendait de choix qui ne lui appartenaient pas vraiment. De là à dire qu’elle avait de la sympathie pour lui, il pouvait toujours courir. Elle en avait à peine pour Megan, ce n’était pas pour accorder cette faveur à son pseudo-chéri, plutôt se pendre avec la corde qu’ils s’apprêtaient tous les deux à se passer mutuellement autour du cou.
D’un haussement d’épaules, elle refusa de prendre le tube de rouge à lèvres qu’elle avait déjà utilisé pourtant, se rapprochant de la jeune femme pour l’admirer dans sa robe splendide. Il y avait des notions qui échappaient à Josephine, elle devait bien l’admettre. Elle s’était rendue ici sans le dossier-presse du clan qu’elle allait côtoyer quelques heures ; elle n’était pas du genre à faire des recherches pour en savoir plus sur les autres, quand bien même ils jouissaient d’une certaine notoriété. Dans quoi trempait les Williams exactement ? Brusquement, elle fût curieuse de le savoir, le mot prison lui faisant arquer un sourcil savamment dessiné "Il a tué quelqu’un, beau-papa, ou quoi ?" qu’elle lâcha, non sans rentrer le menton, les yeux posés sur Megan. Megan, Megan, Megan… qu’elle pensa en secouant la tête, évitant de la gratifier de ce qu’elle pensait sur le coup, parce qu’elle ne voulait pas enfoncer le couteau — c’était peut-être pire que ce qu’elle s’imaginait en vérité, tout ça.

Dans le fond, elle savait très bien qu’elle faisait la connerie de sa vie, et sans doute qu’elle n’avait pas besoin qu’on le lui rappelle à chaque seconde. On faisait des choix étranges quand on était désespéré, et même si ça lui donnait envie de hurler d’autant se retenir de la prendre par la main pour la sauver de ce bourbier, elle ne pouvait pas lui en vouloir de se laisser charmer par l’éventualité de peser dans un monde très différent du sien. Elle était paparazzi, la crasse, ça la connaissait, aussi on ne pouvait pas lui enlever le fait que c’était un smooth move de sa part que de se laver de celle-ci pour être enduite d’autre chose, qui puait autant sur le fond, mais qui sur la forme, lui donnait des allures de duchesse. Elle n’en avait jamais douté, mais encore une fois, elle était impressionnée par l’intelligence dont elle faisait preuve, dans toute sa bêtise.
En parlant de puanteur. Cameron "Ew, lui." qu’elle grimaça en prenant sens du nouveau sujet de leur discussion tandis que ses doigts s’agitaient autour du visage de Megan pour le lui dégager des mèches volantes de la coiffure qui mettait en valeur son profil "Et toi, tu t’attendais à quoi ? Comme tu dis, il était marié depuis le départ, s’il avait pris ce que vous avez vécu au sérieux, il aurait au moins fait l’effort de se débarrasser de sa femme." Tout paraissait facile dans la bouche de Jo alors qu’elle savait très bien que ça ne l’était pas. En matière d’amour contrarié, elle ne faisait pas le poids, mais elle avait ses expériences — qu’elle ne partagerait pas aujourd’hui avec la jeune femme à qui elle accorda toute son attention "T’encombres pas avec ce genre de pensées maintenant, ça va te faire trébucher quand tu t’avanceras vers l’autel. On n’a pas envie que tu te vautres devant un parterre de vieux riches qui iront se soulager dans un coin quand ils t’auront vue dans cette robe, hmm ?" Non, bien sûr que non, et c’est presque avec un élan maternel qu’elle lui serra les épaules, évitant de lui triturer la peau avec ses longs ongles, pour lui insuffler elle ne savait quoi exactement, avant de faire un pas en arrière pour se désigner d’une main qui mettait en exergue la définition du parfait qu’elle se faisait "Pas besoin d’être ta demoiselle d’honneur pour ça." qu’elle rétorqua sans ironie, toupillant après un instant pour pour aller récupérer sa pochette sur la petite table à l’entrée de la pièce "Meg." qu’elle dit, reprenant la parole en secouant la tête quand elle mentionna Charlie "Si j’étais toi, j’entamerais pas ce sujet maintenant. Je suis là, mais ça veut pas dire que je t’en veux pas." On la traitait souvent de mauvaise tête, se laissant dicter tout un tas de termes très peu glorieux à cause de son caractère de cochon. Mais, étonnamment, elle avait la capacité de faire la part des choses — et elle tenait ses promesses. Elle avait dit à Megan qu’elle serait là à son mariage, et elle l’était. Est-ce que ça voulait pour autant dire qu’elle ne lui tenait pas rigueur de son plan foireux avec Charlie ? Elle préférait éluder la question pour le moment. Elle raffermit son regard à distance, plissant les paupières quand, la tête penchée, elle ajouta à son attention "Pour info, moi non plus, je suis pas une traînée, et tes idées à la con, tu seras sympa de les garder pour toi. Je tiens pas à me retrouver mariée avec le cousin camé de la famiglia. sous le prétexte que ça t’arrange, ça aussi." Rancunière, Josephine ?

The Turning Point
Megan Williams & @Jo Carter

« Il a tué quelqu’un, beau-papa, ou quoi ? » Je laisse échapper un rire amusé. Non, beau-papa n’a tué personne (enfin, je ne suis peut-être pas au courant de tout) et s’il était arrêté il ne prendrait certainement que quelques années à l’ombre dans une prison de riches, là où le séjour est plus agréable que dans un hôtel formule 1, mais ça mettrait surtout à mal sa réputation. Et pour l’homme d’affaires pour qui les apparences sont plus importantes que tout, pour qui la réputation d’un homme est la chose avec laquelle on mesure sa valeur, c’est la pire chose qu’il puisse imaginer. Il préfère se mettre son fils et une partie de sa famille à dos plutôt que d’assumer ses actes mais ce serait hypocrite de le rappeler puisque je ne suis pas en reste : j’ai accepté ses conditions parce qu’elles m’ont semblées bien plus acceptables que l’alternative. Parce qu’on m’a offert la chance d’appartenir un monde dans lequel on n’entre habituellement pas mais dans lequel on naît. Je n’ai pas su refuser et j’ignore ce que ça fait de moi à part quelqu’un avec un désir impétueux de devenir plus, de compter. « Non, ce sont des histoires de fric, comme toujours avec ces gens-là. » C’est étrange finalement : ce sont les gens qui ont le plus d’argent qui en volent aussi le plus, dans la plupart des cas. « Mais c’est assez gros pour qu’il me fasse épouser son fils, à partir de là, j’ai tout dit. » Sauf la partie où ce mariage arrangerait bien Saül sans toutes ses magouilles financières : la bisexualité de Damon est son secret, pas le mien. Ce n’est pas à moi de l’évoquer, même avec Jo en qui j’ai confiance.

« Ew, lui. » Je lève les yeux au ciel. Elle ne dirait pas ew si elle l’avait déjà vu en photo, c’est une certitude. C’est facile de comprendre comme je suis tombée dans le piège, comment je n’ai pas eu l’impression de faire quelque chose de mal puisque c’était si bon, d’être regardée comme ça par un homme comme lui. « Et toi, tu t’attendais à quoi ? Comme tu dis, il était marié depuis le départ, s’il avait pris ce que vous avez vécu au sérieux, il aurait au moins fait l’effort de se débarrasser de sa femme. » - « Je le lui ai jamais demandé. » Parce que je sais qu’il ne l’aurait pas fait autant que parce que ça m’allait bien, de ne pas être enchaînée par les carcans d’un vrai couple. D’être toujours libre, mais d’avoir quelqu’un. « Et je sais pas à quoi je m’attendais. Pas à ça. Je pensais qu’on était adultes et qu’il aurait la décence d’avoir une dernière discussion avec moi. » Pas juste une porte claquée et silence radio, depuis qu’il a appris que j’étais fiancée. Évidemment, il ne connaît pas les dessous de mon arrangement avec la famille Williams. Je ne peux pas le lui dire, j’ai déjà pris des risques en en parlant avec Jo parce que j'avais besoin d’une alliée. « T’encombres pas avec ce genre de pensées maintenant, ça va te faire trébucher quand tu t’avanceras vers l’autel. On n’a pas envie que tu te vautres devant un parterre de vieux riches qui iront se soulager dans un coin quand ils t’auront vue dans cette robe, hmm ? » - « T’es répugnante Joséphine. » Je ne veux pas penser au moment où je m’avancerai vers l’autel pour la simple et bonne raison que je vais le faire seule : je n’ai pas de parent auquel je pourrais m’accrocher. « Mais t’as raison. C’est fini et je dois plus penser à ça. » Plus penser à lui. C’est plus facile à dire qu’à faire. Il n’y a que pour moi que, malgré la nature compliquée de notre relation, trois ans, ce n’est pas rien ? « Il doit être convaincu que je me suis servie de lui jusqu’à trouver un riche héritier auquel m’accrocher. Et c’est mieux comme ça. » Parce que s’il en est persuadé, il ne cherchera pas d’autre explication. S’il en est persuadé, il restera loin de Saül et de ses menaces et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.

« Pas besoin d’être ta demoiselle d’honneur pour ça. » Je lève les yeux au ciel mais, malgré tout, le trait d’esprit de la brune m’arrache un sourire et apporte un peu de légèreté à la situation. « Dans tes rêves. » Elle est canon, mais je me suis assurée d’être à couper le souffle aujourd’hui. Le clou du spectacle, c’est la robe que j’enfilerai plus tard et quand elle me verra dedans, Jo aura toutes les raisons de remettre sur le tapis cette histoire de vieillards lubriques. « Meg. » Oh je n’aime pas qu’elle prononce mon nom comme ça. Ce ton, il pue les ”Meg, ne t’aventure pas dans cette direction” autant que les ”Meg, tais toi si tu veux vivre”. Je connais assez Jo pour m’en rendre contre. « Si j’étais toi, j’entamerais pas ce sujet maintenant. Je suis là, mais ça veut pas dire que je t’en veux pas. » Je fais la grimace, comme une enfant prise en faute. Même quand j’arrive à me persuader que ce que je fais est innocent, elle est toujours là la petite voix qui me dit ”tu vas t’attirer des emmerdes, ma fille. Sauf que ma bonne fée manque de force de conviction et la preuve en est : je ne l’écoute que rarement. « Pour info, moi non plus, je suis pas une traînée, et tes idées à la con, tu seras sympa de les garder pour toi. Je tiens pas à me retrouver mariée avec le cousin camé de la famiglia. sous le prétexte que ça t’arrange, ça aussi. » - « Je pense pas que t’es une trainée, pour ce que ça vaut. » Ce serait hypocrite étant donné ma situation, non ? « Et ils voudraient pas de toi dans la famiglia. Belle maman a déjà failli s’étrangler en apprenant que son fils épousait une photographe, alors imagine une star ratée de la chanson. » Ok, c’est peut-être pas la meilleure façon de commencer des excuses. C’est peut-être même la pire mais Jo me tend des perches, aussi. « Je voyais pas le mal. Charlie est quelqu’un de génial et je t’ai pas forcée à la rencontrer ni à lui rouler un patin. » Aheum, encore une fois je m’y prends peut-être mal. « Mais c’était pas cool de pas tout te raconter, j’en suis consciente. » J’en suis consciente parce que je me suis faite choper et tout pousse à croire que si j’ai l’occasion de refaire ce genre de connerie, je le ferai. « Bravo d’ailleurs, t’as pas perdu ton temps. » J’esquisse un sourire mi amusé mi coupable. Il faut dire que les deux jeunes femmes n’avaient pas l’air de passer un mauvais moment, quand je les ai prises en photos. « C’est trop tôt pour te demander de me donner les détails croustillants ? » Elle a l’air sacrément contrariée Joséphine. « Je veux pas sortir la carte de je suis la mariée et il faut me distraire pour que j’oublie mon stress. » Ce serait bien plus facile, ceci dit. « Alors t’es fâchée à quel point ? Faudra que je fasse quoi pour me faire pardonner ? »

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"Tu sais quoi, je change d’avis à propos du cousin camé de la famiglia." Quitte à gratter de l’oseille, autant le faire avec un diamant au doigt qu’elle pensait en pointant la jeune femme avec son index. Elle avait compris à quel point les Williams avaient les poches pleines — en même temps, difficile de passer à côté de l’opulence de la cérémonie à venir. Si elle laissait croire le contraire à ce moment-là, bonne dramaturge, ça ne l’intéressait pas. Elle venait d’une famille modeste, Josephine, elle ne courrait pas après l’argent. Etonnant, mais c’était la vérité. Devenir célèbre, ça n’avait jamais été un désir induit par son appât du gain. La preuve en était, elle avait promis à Roman la moitié de son avance sur ses ventes de disques qu’elle aurait dû remporter à The X-Factor — tant qu’elle avait de quoi se saper pour attirer l’attention, de quoi picorer dans son assiette, Jo restait assez simple dans son rapport avec l’argent. Elle avait faim d’autres choses que de millions, alors elle surjouait l’opportunisme pour faire sourire la jeune mariée stressée qu’elle avait en face d’elle et pour qui, l’argent, avait tellement d’importance qu’elle préférait mettre les deux pieds dans la merde avant d’en voir la vraie couleur. Ça, ça en disait pas mal sur elle, mais ce n’était pas forcément négatif. Jo pensait juste que d’une certaine façon, elle avait dû morfler pour accorder autant d’importance à quelque chose d’aussi éphémère que des petites coupures. Et là, en la regardant dans sa robe, magnifique, elle se rendit compte qu’elle aurait beau faire toutes les suppositions du monde et se complaire dans un imaginaire qu’elle lui réservait entièrement, elle ne la connaissait pas, pas même un peu.
Elle s’en remettrait "Nous, on est adultes. Les bonnes femmes, je veux dire." précisa-t-elle, se désignant d’une main impérieuse qu’elle posa sur le haut de sa poitrine, avec sur le visage, un air de philosophe à la manque, qu’elle doubla d’un monologue pseudo-féministe qu’elle se reprocherait plus tard parce que clairement, elle en avait rien à foutre de tout ça ; elle avait été élevé avec des hommes, alors bon "Mais les hommes, ça reste des petits garçons toute leur vie. Il faut tout leur dire pour qu’ils fassent pas de bourde… t’aurais dû prendre les choses en mains si tu voulais mettre les choses au clair avec lui et lui faire regretter de s’en foutre que tu te maries à quelqu’un de plus digne de confiance que lui. Tu devrais lui envoyer une photo de toi dans ta robe, à ce connard." Quelle idée lumineuse, Jo "Ta dernière discussion, tu l’auras quand sa femme se rendra compte qu’il a passé une bonne partie de son temps entre tes cuisses. Là, il viendra se déculpabiliser d’avoir été un enfoiré en te faisant culpabiliser d’être la putain de l’histoire. Parce que c’est connu, c’est nous les viles tentatrices." Elle mima le diabolisme en faisant danser ses longs doigts devant son propre visage et haussa les épaules en jouant des cils quand Megan la qualifia de répugnante "Mais je suis aussi super jolie." True dat.

Elle en aurait des choses à lui dire à ce Cameron, et peut-être que si elle avait vraiment quelque chose à taper, elle aurait fait des pieds et des mains pour trouver son nom et aller lui tirer les oreilles — ou autre chose, allez savoir. Pour l’heure, il n’avait pas été convié, et elle refusait que sous le prétexte qu’il avait sauté la mariée plus de fois qu’à son tour, il s’immisce dans ses efforts de ne pas la faire flancher. Elle se donnait du mal, putain, alors il pouvait bien aller se faire foutre, cet enfoiré. Elle était la seule à pouvoir juger Megan, point.
Elle le faisait à peine à ce moment-là, elle se trouvait même assez sympa, et c’était même sans se forcer. Mais il fallait toujours qu’elle fasse tourner le vent, Megan, et pas dans le bon sens du terme ; elle aurait pu être plus virulente, lui dire de fermer sa gueule et d’aller se marier, mais autant elle lui en voulait sur le fond de s’être moquée d’elle en la mettant dans les pattes d’une nana avide de vengeance, autant elle ne voulait pas lui gâcher sa journée — parce qu’elle méritait de ressentir qu’elle faisait le bon choix malgré tout, et qu’elle devait en profiter avant que ça ne lui claque à la gueule.
Jo prit une grande inspiration après l’avoir mise en garde, et laissa un rire, entre aigreur et respiration mal contrôlée, lui échapper quand elle la qualifia de star ratée de la chanson "De la part d’une meuf qui va se marier juste pour sauver ses fesses, je te trouve bien critique, ma chérie." Elle préférait qu’on la qualifie de traînée. Sa vexation prit de l’ampleur, et son teint devint plus soutenu sous la couche de maquillage appliquée savamment sur son visage de poupée "Le problème avec toi, c’est que tu vois jamais le mal." qu’elle lui répondit, et elle enchaîna sans expliciter cette pensée-là — en quoi était-ce si mal, en quoi ça lui faisait du mal d’avoir été utilisée ? Elle ne s’épancherait pas "J’ai roulé de patin à personne, j’ai saisi l’opportunité qu’on m’a offerte. Tu devrais comprendre, c’est pas ce que t’es en train de faire en acceptant de te marier aujourd’hui ?" Elle haussa les épaules, faussement nonchalante en regardant à droite et à gauche "Et elle était motivée, ça a pas été compliqué d’obtenir ce pour quoi je croyais être là à la base." Elle avait l’impression de se justifier. Sa pochette entre ses doigts, elle posa enfin, et plus avidement son regard sur Megan "Y a pas de détails croustillants à donner, je fais pas dans la vengeance à deux balles. Ce genre de trucs, ça te retombe sur la gueule alors que t’essaies juste de rendre service, et tu te retrouves avec un mec ou une nana qui te rend responsable d’un adultère. Mais ça aussi, tu devrais comprendre." Elle inclina la tête sur le côté sans expliciter cette pensée-là non plus, et eut un léger sourire, qu’elle dissimula en baissant brièvement la tête, quand elle lui demanda à quel point elle était fâchée, et ce qu’elle devrait faire pour se faire pardonner.
Elle éluda ces questions-là, et s’approcha d’elle dans la foulée. Elle cala sa pochette sous un de ses bras, et se remit à vérifier les quelques détails de sa tenue splendide, et de sa coiffure, avant de lui attraper le visage à deux mains et de poser ses lèvres sur les siennes ; pas comme une amoureuse, loin de là. C’était très rapide, une bise sur les lèvres comme on en fait dans les pays scandinave. C’était sororal, rien de plus. Un baiser à une amie à qui elle murmura dans l’espace qui les séparait, ses doigts se raffermissant sur ses joues pour lui insuffler encore un peu de courage — et lui laisser une petite trace de rouge à lèvres sur les siennes "Ça, c’est pour la chance."

The Turning Point
Megan Williams & @Jo Carter

« Nous, on est adultes Les bonnes femmes, je veux dire. » Je suis pas certaine que ce genre d’affirmation puisse réellement s’appliquer à moi, pour ce que ça vaut. Ma liaison avec Cameron, c’était autant une façon d’arriver où je voulais professionnellement parlant qu’un caprice de gamine qui a toujours manqué de figure masculine dans son existence, pour être tout à fait honnête. « Mais les hommes, ça reste des petits garçons toute leur vie. Il faut tout leur dire pour qu’ils fassent pas de bourde… T’aurais dû prendre les choses en mains si tu voulais mettre les choses au clair avec lui et lui faire regretter de s’en foutre que tu te maries à quelqu’un de plus digne de confiance que lui. Tu devrais lui envoyer une photo de toi dans ta robe, à ce connard. » - « Je vais pas supplier pour quelque chose qui relève juste de la correction. » Je suis prête à beaucoup piétiner ma fierté, mais j’ai mes limites. Et harceler quelqu’un qui a visiblement décidé de me ghoster à la moindre contrariété, ça atteint les limites de ce que mon amour-propre est capable d’encaisser. « Mais tu marques un point. » Je tire mon téléphone de la pochette dans laquelle il va passer la soirée, celle que je confierai dans quelques instants aux bons soins de Shiloh, avant de le tendre en direction de la brune. « Donne tout ce que t’as. Je veux qu’il rage et qu’il s’en morde les doigts. » Le fait de savoir si c’est une bonne idée ou non ne rentre pas en ligne de compte, ça ne rentre de toute façon jamais en ligne de compte avec moi, ce genre de considération. C’est certainement la pire des idées, mais il est impossible de m’arrêter quand j’ai une idée en tête : j’arrange déjà mes cheveux que je remonte déjà - avec grâce, évidemment - ma poitrine pour qu’elle soit le plus à son avantage possible. « Ta dernière discussion, tu l’auras quand sa femme se rendra compte qu’il a passé une bonne partie de son temps entre tes cuisses. Là, il viendra se déculpabiliser d’avoir été un enfoiré en te faisant culpabiliser d’être la putain de l’histoire. Parce que c’est connu, c’est nous les viles tentatrices. » J’ai beau savoir que Joséphine a certainement raison, il n’en reste pas moins dure d’entendre une relation qui a duré trois ans de ma vie de façon si brutale. Est-ce volontaire de la part de l’australienne ? Cherche-t-elle à provoquer l’électrochoc nécessaire à me faire passer à autre chose ? Je l’ignore, mais je grimace, je crois qu’il existe encore une part de moi qui espère avec compté. J’avais jamais trompé ma femme. C’est ce qu’il disait Cameron, est-ce que ça aussi, c’était des conneries ? « Il peut toujours essayer. C’est pas moi qui l’ai forcé la première fois, ni toutes les fois suivantes. J’ai pas besoin de supplier pour qu’un type ait envie de me sauter. » Avec Jo, j’envoie valser toute forme de subtilité et de classe puisque le langage cru et direct est celui qu’elle comprend le mieux. De toute façon je ne fais que pointer du doigt l’évidence, de la même façon qu’elle le fait en s’envoyant elle-même des fleurs : nous avons toutes les deux conscience de nos atouts et de notre succès auprès de la gent masculine.

Et pour Jo, ça ne s’arrête pas là si j’en crois le succès de mon amie auprès de la blonde que je lui ai envoyée comme un cadeau, empoisonné certes, mais un cadeau tout de même. Je sais que le sujet est épineux, je sais que je m’aventure la tête la première sur une pente glissante, mais je compte bien sur l’excuse de ”oh regarde comme je suis magnifique dans ma robe de mariée, bien trop pour que tu m’en veuilles” pour adoucir mon amie. « De la part d’une meuf qui va se marier juste pour sauver ses fesses, je te trouve bien critique, ma chérie. » - « Ok, fair. » Je l’ai peut-être méritée, celle-là. On ne peut pas réellement dire que je l’ai bien cherchée, je ne fais jamais les choses à cause de mauvaises intentions, mais je peux difficilement nier que je la mérite. « Le problème avec toi, c’est que tu vois jamais le mal. » Une seconde, et je commence à me dire que même si je le mérite, elle en fait des caisses. Ok, je n’ai pas réfléchi, mais mon action était-elle si condamnable que ça ? Est-ce que je mérite de passer au pugilat alors que Jo n’a de toute évidence pas passé une mauvaise soirée ? Je le sais, j’étais là pour les photos, même s’il vaut peut-être mieux que j’évite de le préciser. « J’ai roulé de patin à personne, j’ai saisi l’opportunité qu’on m’a offerte. Tu devrais comprendre, c’est pas ce que t’es en train de faire en acceptant de te marier aujourd’hui ? » - « Ouais, donc je suppose que la carte ”laissez passer”, je peux oublier. » Peut-être qu’elle avait raison. Peut-être que j’aurais pas dû aborder le sujet aujourd’hui mais j’ai du mal à supporter l’idée qu’elle soit en colère contre moi, je suis pas capable de rester les bras croisés et je suis pas du genre à respecter le temps et l’espace dont les gens ont besoin pour digérer : j’aime parler, j’aime résoudre les conflits le plus rapidement possible parce qu’ils m’angoissent tant qu’il reste des non dits. « Et elle était motivée, ça a pas été compliqué d’obtenir ce pour quoi je croyais être là à la base. » - « T’étais là pour passer une bonne soirée. Je t’ai pas promis la rencontre avec la femme de ta vie non plus. » Ok, je vais trop loin, bien sûr que je vais trop loin et en signe d’innocence - et un peu d’excuse aussi - je lève les deux mains. « Désolée. Je suis désolée. » Et elle sait que je ne suis pas du genre à présenter des excuses. « Pour ce que ça vaut, Charlie est vraiment quelqu’un de bien. » On est loin de se connaître par cœur, elle est moi, mais je suis presque persuadée qu’elle ne ferait pas de mal à une mouche, pas intentionnellement en tout cas. « Donc lui tiens pas rigueur du contexte foireux de votre rencontre. Elle est vraiment cool. » Elle m’a adoptée bien plus vite que la majorité de l’entourage de Damon, ça suffit pour défendre sa valeur à mes yeux. « Et c’était mon idée, pas la sienne. Mais ça, je suppose que tu t’en doutes… » Elle a compris avec le temps que lorsqu’une idée est vraiment très à chier, y’a des chances qu’elle vienne de moi. « Y’a pas de détails croustillants à donner, je fais pas dans la vengeance à deux balles. Ce genre de trucs, ça te retombe sur la gueule alors que t’essaies juste de rendre service, et tu te retrouves avec un mec ou une nana qui te rend responsable d’un adultère. Mais ça aussi, tu devrais comprendre. » - « On tire à balles réelles, donc. » Je grimace, un peu secouée et chagrinée par la référence à un sujet qui me fait encore du mal : je lui en ai parlé il y a quelques minutes à peine, elle le sait très bien. Elle ne me dit même pas ce que ça prendra pour qu’elle me pardonne mais je m’en moque : elle est là, cela ne peut que vouloir dire que c’est possible, qu’il faudra du temps et certainement un peu de sueur de ma part - ce n’est pas bien grave, personne ne peut m’accuser de ne pas être déterminée - mais elle me pardonnera.

Quand elle se lève et qu’elle dépose un baiser furtif contre mes lèvres, j’écarquille les yeux. Je sais bien qu’on se dit bonjour comme ça dans certains pays, mais ici elle est en Australie alors elle me fera pas croire que c’est autre chose que sa façon à elle de faire la maligne et de me faire tourner en bourrique. « Ça, c’est pour la chance. » - « Je serais bientôt une femme mariée Joséphine, fait attention à toi. » Je l’observe avec un sourcil levé et un air résolument amusé sur mon minois. « Va falloir tirer un trait sur moi et te trouver quelqu’un. J’ai l’intention d’élever ma future équipe de foot dans la même garderie que tes mioches. » Le sarcasme est palpable mais ne dit-on pas qu’il vaut mieux rire d’une situation grotesque qu’en pleurer ? « Essaye de t’amuser un peu. L’église ce sera chiant, mais la soirée pourra que décoincer les invités de mon beau-père. » Je lui adresse un clin d'œil avant d’ajouter. « Et fais attention à pas te décrocher la mâchoire quand j'apparaitrai avec ma seconde robe. Je te jure que t’en auras pour ton argent. » Surtout qu’elle a rien payé, et qu’elle va manger et boire du champagne hors de prix à l'œil.

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Bien sûr qu’elle marquait un point, est-ce que c’était nécessaire de le souligner ? Pour que sa tête enfle encore plus, sans doute que ça l’était. Pour le reste, sa proposition détruisait totalement son laïus sur la maturité des femmes qui prenait le pas sur celle des hommes, mais qui s’en souciait véritablement dans le fond ? Sûrement pas Megan, elle était trop occupée à vouloir rendre la monnaie de sa pièce à Cameron qu’elle ne demanda pas son reste et fila son téléphone portable à Jo aussitôt qu’elle lui proposa un plan. Elle, elle ne bouda pas son plaisir, quand bien même elle ne faisait pas dans la petite vengeance comme elle le lui dirait plus tard, sur le moment, elle aimait l’idée de faire regretter à Mr C. de s’être comporté comme un mufle avec la future mariée. Il n’y avait rien de plus jouissif que de chatouiller les regrets d’un bonhomme qui ne savait pas garder sa braguette fermée, et elle avait beau ne pas le connaître lui non plus, elle savait qu’en recevant les clichés qu’elle prit avec l’agilité de quelqu’un qui savait comment mettre ses copines en valeur, il s’en mordrait les doigts et irait noyer sa nostalgie dans quelques verres d’alcool fort. Toute cette histoire avec Megan, ça ne l’empêcherait pas d’aller voir ailleurs si l’occasion lui était donnée, et ça elle en était persuadée… comme elle l’avait dit à Charlie lors de la grande illusion dans laquelle elle avait été projetée par les soins de Barbie, ce n’était souvent pas l’histoire d’une fois, ce genre de vices. Et Megan ne serait sans doute pas sa seule erreur, mais c’était inutile de le lui dire et de ruiner davantage le tableau qu’elle s’était fait de l’histoire qu’elle avait vécue avec ce type. Ce n’était plus qu’un souvenir désormais, pas vrai ?

Elle la laissa jeter un coup d’œil aux photos qu’elle venait de prendre, laissant l’écran de son téléphone allumé sur celle qu’elle elle préférait pendant qu’elle revenait sur l’impair qu’elle avait commis en pensant judicieux de se servir d’elle pour arranger quelqu’un d’autre. Un de ses sourcils se arqua face à la défense maigre qu’elle lui servait, et elle passa dessus pour ne pas lui rappeler qu’elle avait beau s’excuser, ça ne l’empêcherait jamais d’avoir des idées de merde. Elle se demandait, Josephine, ce qui avait pu la marquer autant dans sa vie pour qu’elle soit si peu capable de faire les bons choix. Mais l’heure n’était pas à l’inspection minutieuse du cas Megan Monroe — elle l’était encore pour quelques instants, et tant qu’elle n’aurait pas la bague au doigt pour de vrai, elle refusait de l’appeler Williams. L’arc de son sourcil s’accentua alors qu’un léger filet de rire lui échappa quand, une nouvelle fois, elle mit l’accent sur les qualités de Charlie. Elle ne doutait pas qu’elle fût quelqu’un de bien, la blonde, le courant était bien passé entre elles, et elle avait apprécié sa répartie autant que le baiser qu’elle avait échangé. Mais de la à vanter la personne qu’elle était, elle avait besoin de davantage de données.
Cette fois, Jo ne s’exempta pas de lui répondre "Mais Charlie est aussi trop amoureuse du mec qui a été trempé son biscuit dans un autre verre de lait." Elle fit danser ses deux sourcils avec taquinerie, puis faisant claquer sa langue sur son palais, elle ajouta en se trémoussant sur ses jambes pour remonter le bustier de sa robe fleurie "J’en donne pas l’air, mais je me rends compte quand ça pue l’amour, et je suis pas du genre à me battre pour obtenir gain de cause dans ce genre de cas." Elle avait autre chose à foutre que de laisser ce connard de Cupidon lui trouer les fesses avec ses flèches — vu la taille qu’elles avaient, il ne manquerait pas sa cible  qui plus est, ce serait bien sa veine "Tu sais ce qu’on dit, vaut mieux être seule, tout ça, tout ça." Tout ça, ça évitait bien des problèmes. Encore qu’elle ne disait jamais non à un ou deux problèmes, le souci n’était pas là… mais elle avait appris à ne pas jouer avec les sentiments des autres, et elle ne tenait pas à expliquer pourquoi.
Elle toupilla sur sa hauteur de talons pour poser son regard sur Megan, pas le moins du monde surprise que c’était son idée et pas celle de l’autre blonde. Elle s’en était doutée évidemment, c’est pour ça qu’elle n’essaya pas d’édulcorer la tirade qu’elle lui adressa à propos de son refus de jouer à la maîtresse. Œil pour œil, c’était une philosophie qui allait bien à la chanteuse, et tant pis si ça blessait la mariée qu’elle utilise sa propre histoire avec un homme maqué pour expliciter sa pensée, elle n’avait qu’à pas la mettre entre un couple avec des problèmes. Mature, elle avait dit ?

Elle préférait contourner la petite tension qui régnait entre elles à ce moment-là pour faire dans la provocation, et alla planter ses lèvres sur celle de la jeune femme. Rien de romantique ne s’en dégageait, quand bien même Jo avait essayé plusieurs fois de faire entendre avec ironie à Megan qu’elle aurait tout à gagner à tomber sous son charme, mais cette dernière préférait jouer cette carte-ci, et curieusement, elle le comprenait. Un léger sourire vint remonter l’une de ses pommettes, et alors qu’elle lui remettait l’une de ses boucles d’oreille à l’endroit, elle lui dit "Il va faire quoi, Damon ? Me casser la gueule pour un baiser sans la langue ?" Elle ne l’avait que vaguement croisé, il paraissait bien trop frêle pour lui tomber dessus. Elle ferait plus de dégâts en le plaquant au sol que le contraire, mais elle décida de laisser Megan se complaire dans l’image du mari viril — tu parles, il en était encore à vouloir plaire à papa.
Elle retint un rire, se reculant une fois qu’elle eut terminé d’arranger les boucles d’oreilles de la mariée "Ton équipe de foot sera déjà au complet que j’aurais même pas encore mis en route le premier. On a pas tous ton ambition, Megan." la taquina-t-elle avant de rouler des yeux "Hey, tu crois que si j’essaye de me mettre beau-papa dans la poche, y a moyen que je figure sur son testament ? Parce que Charlie, c’est une chose, mais je dirais pas non à un milliardaire." En fait si, mais elle n’avait pas besoin de le savoir. Elle redevint sérieuse à la seconde où la jeune femme termina sa phrase "Et toi, fais attention à toi tout court. C’est plus un jeu là, tu vas définitivement faire partie d’un monde que tu connais à peine… et je dis pas ça pour te faire peur, je dis ça pour que tu sois plus prudente." Dans le fond, elle espérait secrètement qu’elle pouvait vraiment compter sur Damon ; l’image qu’elle se faisait de cette histoire était angoissante, tellement qu’elle eut la sensation que son cœur se mit à battre plus fort sous le tissu volant de sa robe quand elle prit conscience que ce n’était plus qu’une question de minutes avant que Megan ne se jette elle-même dans la fosse aux lions. Elle ne montra rien cependant, elle se contenta de la regarder, et de lui demander en dernier recours, la tête penchée sur le côté "T’es vraiment sûre de vouloir faire ça ?" Elle connaissait déjà la réponse. Seulement, si quelque chose de grave finissait par arriver, elle aurait au moins la satisfaction de s’en être assurée.

The Turning Point
Megan Williams & @Jo Carter

La maturité voudrait que je réponde par la négative à la proposition de Jo, que je me refuse le petit plaisir d’envoyer à mon ancien amant une photo provocatrice prise dans ma robe de mariée sous prétexte que je dois aller de l’avant. Sauf que je suis loin d’être assez mature pour ça, et bien loin de toujours faire les bon choix. Sauf que les mauvaises idées m’apparaissent toujours comme les meilleures au premier abord et celle-ci ne fait pas exception à la règle. Alors je pose, avec ma poitrine mise en valeur, une moue innocente et des yeux de biche. Je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez et l’envie de faire payer Cameron pour l’ignorance qu’il me sert depuis qu’il a appris que je m’apprêtais à en épouser un autre. Jo fait ça comme une professionnelle - les plus belles de mes photos instagram sont de toute façon prises par la brune qui sait comment me mettre en valeur - et lorsque je récupère mon téléphone j’esquisse un sourire satisfait avant de sélectionner le cliché le plus provocateur : c’est ce dernier que j’envoie à l’agent. Pour le reste de la journée, pour ne plus penser à ce passé qui ne mène à rien, j’éteins l’appareil que je dépose face cachée sur la petite coiffeuse. Qu’il me rappelle, il n’aura pour seule réponse que mon silence, comme moi depuis des semaines.

« Mais Charlie est aussi trop amoureuse du mec qui a été tremper son biscuit dans un autre verre de lait. » Peut-être qu’elle est amoureuse de Léo. Peut-être qu’elle se voile la face, peut-être que c’est à sens unique ou en tout cas qu’il ne l’aime pas avec la même puissance que le contraire : la vérité c’est que je ne m’en suis pas soucié une seule seconde lorsque j’ai pondu mon plan tout sauf brillant pour renvoyer l’ascenseur à son époux. « Tu sais que le type avec lequel il la trompe, c’est l’oncle de Damon ? » Comme si la situation n'était pas assez compliquée et douloureuse comme ça. « Je sais pas si il osera se montrer aujourd’hui. Il est invité tu sais… » Je préviens, pour être sûre qu’elle ne m’accuse pas de lui avoir encore caché des informations et de l’avoir mise dans une situation peu enviable. « Mais à sa place, je me ferais discret. Je viendrais pas au risque de croiser mon amant alors que je suis avec ma femme. » Le sait-elle Jo, qu’ils sont mariés ? Ai-je encore laissé échapper une information de trop pour les nerfs de la brune ? « J’en donne pas l’air, mais je me rends compte quand ça pue l’amour, et je suis pas du genre à me battre pour obtenir gain de cause dans ce genre de cas. » Je hausse les épaules. Se battre pour obtenir gain de cause est une chose, passer du bon temps en est une autre et je suis devenue spécialiste dans l’art de prétendre qu’il est facile de ne pas tout mélanger. « Tu sais ce qu’on dit, vaut mieux être seule, tout ça, tout ça. » Là, elle met le doigt sur une grosse divergence d’opinion. Être seule à mes yeux, c’est terrifiant. Être seule, ça me renverrait trop à mon passé, à la gamine pauvre et qui n’intéressait personne. En apprenant la situation dans laquelle j’ai grandi, Damon n’a fait aucun raccourci, il n’a pas supposé ou en tout cas pas à voix haute que c’était aussi pour ça que j’avais accepté le marché de son père. Il aurait pu. Il n’aurait pas tout à fait été dans le faux. Hors de question d’avouer ça à ma diva d’amie. Tout est question de paraître dans mon univers et il est hors de question que je paraisse être autre chose que forte et déterminée.

« Il va voir quoi, Damon ? Me casser la gueule pour un baiser sans la langue ? » - « Peut-être. Tu sais pas de quoi il est capable. » Je hausse les épaules avec un sourire innocent au coin des lèvres. Elle est belle cette réalité alternative dans laquelle mon futur mari tiendrait assez à moi pour s’en prendre à quiconque menaçant de me dérober à lui. « Ton équipe de foot sera déjà au complet que j’aurais même pas encore mis en route le premier. On a pas tous ton ambition, Megan. » - « Tu me brises le cœur Joséphine. Je voulais organiser ma première baby shower avec toi. On aurait pu faire un de ces shootings photos bien clichés entre copines enceintes, tu vois de quoi je parle ? » Elle aurait fait la gueule parce que j’aurais été bien plus resplendissante (cela va de soit) de toute façon. « Hey, tu crois que si j’essaye de me mettre beau-papa dans la poche, y a moyen que je figure sur son testament ? Parce que Charlie, c’est une chose, mais je dirais pas non à un milliardaire. » - « Sa seconde épouse était à peine plus vieille que toi. » En réalité, j’ignore l’âge qu’avait Ariane. « Mais elle s’est évanouie mystérieusement dans la nature en laissant son gosse derrière elle. Alors si j’étais toi, je passerais mon tour. » C’est bien plus drôle de laisser entendre qu’il s’est peut-être débarrassé d’elle quand je suis persuadée qu’elle était simplement trop lâche pour prendre ses responsabilités. Trop égoïste, aussi. « Et puis je veux pas de toi en belle-mère. » Je fais mine d’être dégoutée, outrée à l’idée que cela soit simplement possible.

« Et toi, fais attention à toi tout court. C’est plus un jeu là, tu vas définitivement faire partie d’un monde que tu connais à peine… et je dis pas ça pour te faire peur, je dis ça pour que tu sois plus prudente. » Si mon visage se referme, c’est que je suis déterminée et qu’il n’est plus possible de faire marche arrière ou de changer d’avis. J’ai beau répéter que j’épouse Damon et pas sa famille, je sais que je donne à Saül Williams le pouvoir de faire de moi l’une des pièces de sa collection de marionnettes. Ce dont je suis persuadée, c’est que je peux être une marionnette particulièrement désagréable. Le genre rebelle qu’il finira par se lasser d’essayer de contrôler. Ce monde, je veux en faire partie. Tant pis si ça fait de moi une femme vénale, tant pis si ça fait de moi une gold digger. La sécurité financière que m’a vendue Saül, je la veux. Le train de vie auquel j’ai goûté ces dernières semaines, ces derniers mois, je ne peux plus y renoncer. « T’es vraiment sûre de vouloir faire ça ? » Je déglutis et je me retourne vers le miroir, en apparence imperturbable, pour arranger une mèche de cheveux en la glissant derrière mes oreilles. Je ferme les yeux le temps d’une grande inspiration, avant de me retourner vers mon amie. « Est-ce que ça fait de moi une mauvaise personne d’avoir envie de faire partie de ce monde ? » Quelles sont les convictions de Joséphine ? « Est-ce que c’est condamnable ? » C’est le plus sincère et authentique que je sois capable d’être, j’espère qu’elle en a conscience.

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{the turning point}
crédits gif & code fiche/(demctozdemirgifs & malibu) ✰ w/ @Megan Williams

Josephine regarda Megan se satisfaire de la gentille vengeance qu’elle envoya  à Cameron en millions de pixels. Le sourcil levé, les yeux suivant le moindre de ses micro-mouvements, elle songea qu’elle était douée, la blonde, pour jouer sur les deux tableaux. Sur son visage, elle portait une expression aussi angélique que l’aura qu’elle dégageait dans sa splendide robe de mariée, et c’était déconcertant quelque part. Il fallait qu’elle soit sacrément bonne actrice pour parfaire le jeu dans lequel elle s’était lancé avec son soi disant cher et tendre, et parce qu’elle ne l’avait jamais vu interagir avec sa famille, elle se demanda si elle avait choisi de se présenter comme la sainte-nitouche qu’elle n’était pas, ou si elle était assez honnête avec eux pour qu’ils sachent tous qu’elle était bien loin de répondre à l’image de la bru bien sous tous rapports. Etant donné que beau-papa la faisait chanter, il devait y avoir deux poids deux mesures, et en fonction de face à qui elle se trouvait, elle devait faire en sorte de s’adapter. C’était ça, sa grande force, à Megan : l’adaptation, et peut-être qu’en la regardant là, camper sur la décision à la con qu’elle allait prendre, elle l’envia d’être aussi armée pour faire face à n’importe quelle situation sans se démonter, fière et brave, ancrée sur ses deux pieds.
Quand elle posa son téléphone après l’avoir éteint, Jo lui adressa un regard bref, un peu gênée de méditer sur une qualité, qu’elle, elle n’avait définitivement pas. Se positionner sur ce qu’elle ressentait à l’égard de la jeune femme, elle ne l’avait jamais fait, mais elle n’aimait pas l’idée de ressentir ne serait-ce qu’une particule de jalousie à son encontre. Il n’y avait pas de quoi qui plus est étant donné qu’elle filait droit vers les problèmes.

Elle se reprit bien vite, sa verve reprenant de sa superbe, et sa silhouette venant rejoindre celle de la future mariée en quelques courtes enjambées. Elle éclata de rire quand elle apprit de la bouche de cette dernière que le mec de Charlie se tapait l’oncle de Damon. Ça lui fit lui demander, un large sourire mesquin fendant ses lèvres de la même couleur que celle de Megan "Mais ils ont quoi dans cette famille pour que vous soyez tous à attendre votre tour ?" A part l’argent, s’entendait. Elle secoua la tête de droite à gauche, l’air de ne pas en revenir, et fit disparaître les restes de son rire en s’éclaircissant la gorge dans la foulée "J’espère qu’il osera se montrer aujourd’hui, j’ai envie de voir sa gueule depuis que Charlie m’a parlé de lui." Curiosité maladive, c’était son plus gros défaut — ou pas. Foncièrement, elle en avait rien à secouer de monsieur Charlie, mais c’était dans sa nature de se foutre de la gueule de tous ceux qui croisaient sa route, et ce dernier ne ferait pas exception à la règle d’autant qu’elle connaissait au moins un de ses sales petits secrets. Il faudrait qu’elle lui trouve un surnom en conséquence, une bonne distraction pour échapper aux psaumes du curé qui marierait Ken et Barbie. Elle renifla sans dédain, simplement pour accompagner la manière dont elle se redressa soudain face à Megan "Ils sont mariés alors ? Je pensais qu’ils étaient juste ensemble, ça change la donne. Elle avait pas tort de vouloir lui faire payer sa connerie." Elle ne laissa aucune surprise lui échapper, elle haussa juste les épaules en se disant que c’était peine perdue. Charlie ne saurait jamais qu’elle lui donnait raison désormais, et c’était bien mieux comme ça.

Encore une fois, elle laissa un rire lui échapper "Je vois de quoi tu parles, mais tu devras te trouver un autre pigeon pour avoir l’air con sur tes photos. Je fais pas dans le cheap, je te rappelle, et j’ai trop d’ego pour accepter de poser en mode baleine devant l’objectif d’un photographe que t’auras trouvé sur Instagram." C’était tout de même rassurant que Megan prévoyait de rester qui elle était, et que les échanges qu’elles avaient, aussi peu classes et raffinés qu’ils étaient, ils resteraient inchangés. Enfin, elle l’espérait en secret, pas moyen de lui dire qu’elle viendrait lui secouer la carcasse si jamais elle finissait par se la raconter d’être pleine aux as. C’était elle la grosse tête de leur duo, il ne fallait pas l’oublier, et elle refuserait de partager l’affiche avec elle sous le prétexte qu’elle serait plus friquée, et puis quoi encore. Elle se recula, et fit volte-face en entendant la jeune femme lui répondre à propos de ses velléités d’aller charmer son beau-père pour apparaître dans son testament "Putain, j’en apprends des choses sur ta belle-famille. Pas étonnant que tu sois si impatiente d’en faire partie, ils ont l’air d’avoir la même énergie chaotique que toi." Comme quoi, l’adage qui disaient que les opposés s’attirent est basée sur des conneries.
Elle laissa un pfft apposer son point lorsque Megan lui dit qu’elle refusait de l’avoir comme belle-mère pour mieux se concentrer sur ce qu’elle ajouta après qu’elle-même s’était exprimée. Jo pencha la tête sur le côté, brassant sa pochette pour mieux la regarder à distance, et le silence qui s’étira entre elles à ce moment-là, il paraissait plus épais que toutes ces fois où elles s’étaient insultées juste pour le plaisir. Là, Josephine prit conscience que c’était vraiment sérieux, et qu’il ne fallait pas qu’elle compte sur son autodérision pour répondre à la jeune mariée qu’elle avait à plusieurs mètres d’elle, enjôlée dans une robe à couper le souffle, emmaillotée dans des doutes qu’elle cherchait à apaiser avant le clou du spectacle. Elle roula ses lèvres l’une sur l’autre, et c’était probablement la première fois depuis qu’elles se connaissaient qu’elle s’adressa à elle sans ironie, juste avec le ton d’une jeune-femme qui souffrait de la même sensation d’être trop loin de chez elle pour savoir si ce qu’elle faisait était bien ou pas "Non. Ça fait de toi quelqu’un qui a envie de s’en sortir à sa manière." Elle haussa les épaules en faisant alterner sa pochette d’une main à l’autre "Et j’ai jamais dit que ça faisait de toi quelqu’un de mauvais de prétendre à la grande vie, je te demande juste de faire attention, et de t’entourer des bonnes personnes." Son regard soutint le sien pendant une poignée de secondes. Vouloir faire partie d’un autre monde, elle connaissait, elle avait eu assez confiance en elle-même pour se dire qu’elle y parviendrait avant de se casser la gueule sans que personne ne s’échine à venir la relever. Non, elle ne savait pas exactement ce que Megan était pour elle, et inversement, mais elle savait dans le fond qu’elle ne la laisserait pas seule si jamais elle venait à dégringoler du trône qu’elle s’apprêtait à investir. Brusquement, elle rompit, presque pudiquement, le regard qu’elle échangeait avec elle pour mieux pointer du doigt le téléphone que Megan avait éteint tout à l’heure, et lui demander avec un soupçon d’émotion dans le ton de sa voix, une discrète fêlure distincte que quand elle chantait ses chansons préférées "Tu me diras ce qu’il en pense de ta robe."

The Turning Point
Megan Williams & @Jo Carter

« Mais ils ont quoi dans cette famille pour que vous soyez tous à attendre votre tour ? » J’explose de rire, il fallait bien Jo pour tourner ce drame digne d’une telenovela en quelque chose de drôle. Moi, lorsque je les ai vus, j’ai simplement ressenti l’envie de leur casser les genoux à tous les deux à cause de la peine que cela allait causer à Charlie. « Je te rappelle que j’attendais pas mon tour. Ça m’est tombé dessus. » Et ce quelle que soit la version à laquelle on adhère : le chantage ou le coup de foudre. « J’espère qu’il osera se montrer aujourd’hui, j’ai envie de voir sa gueule depuis que Charlie m’a parlé de lui. » - « Je pense qu’il le fera pas. » Léo ne m’a jamais semblé désagréable au cours de nos quelques échanges et rencontres, mais je n’ai pas été frappée par l’impression qu’il dégageait le genre de courage nécessaire à montrer le bout de son nez compte tenu des circonstances. « Mais il est plutôt mignon. Quand tu le vois, t’as envie de mettre ta main au feu que c’est vraiment un gentil garçon et qu’il ferait pas de mal à une mouche. » Et la réalité est toute autre puisque du mal, il en a fait à Charlie. « Ils sont mariés alors ? Je pensais qu’ils étaient juste ensemble, ça change la donne. Elle avait pas tort de vouloir lui faire payer sa connerie. » Je réponds par l’affirmative en hochant la tête, réprimant au dernier moment un ”tu vois que j’avais raison” qui ne ferait qu’envenimer la situation, j’en suis certaine.

« Je vois de quoi tu parles, mais tu devras te trouver un autre pigeon pour avoir l’air con sur tes photos. Je fais pas dans le cheap, je te rappelle, et j’ai trop d'égo pour accepter de poser en mode baleine devant l’objectif d’un photographe que t’auras trouvé sur Instagram. » - « Tu m’insultes. Tu te doutes que j’ai des contacts dans le milieu. » Je suis photographe, après tout. « Tant pis. Dans ce cas, je serai obligée de poser avec Damon pour t’envoyer un faire part niais à vomir. Je te l’enverrai en recommandé. » Et… Il est temps de changer de sujet, puisque celui-là me rappelle à quel point je suis en train de m’embarquer dans une vie solitaire, et à quel point je m’apprête sûrement à tirer un train sur l’idée de vivre une belle histoire authentique et d’avoir la chance de fonder une famille. On s’en fout. Je m’en fous. En tout cas, j’essaye de m’en convaincre.

« Putain, j’en apprends des choses sur ta belle-famille. Pas étonnant que tu sois si impatiente d’en faire partie, ils ont l’air d’avoir la même énergie chaotique que toi. » - « C’est le plus beau compliment que tu m’aies jamais fait. » Je lui adresse un sourire, je fais la maligne alors qu’elle pointe une fois de plus la merde dans laquelle je me suis fourrée, mais à laquelle je reste volontairement bien aveugle. « Y’a un gamin qui a besoin d’une mère en tout cas. Alors fonce, tente ta chance. » Je prétends plaisanter, mais je déteste Ariane de toute mon âme parce que je sais ce que c’est, d’être abandonné par la personne qui était censée nous protéger envers et contre tout. Je sais ce que c’est, de se demander ce qui nous manquait pour qu’elle ait envie de rester ou de rester clean. J’ai autant souffert de l’absence de mon père que de celle de ma mère qui, enfermée dans ses paradis artificiels, n’était jamais vraiment là.

Elle ne sait rien de tout ça, Jo. Si elle savait, serait-elle toujours aussi dure avec moi ? Continuerait-elle à répéter que je fais le mauvais choix ? Comprendrait-elle pourquoi malgré les circonstances et même si Saül Williams est un sociopathe, aujourd’hui représente une forme de victoire à mes yeux ? Sait-elle ce que c’est, l’impression que la vie est injuste et le sentiment que parce qu’on a eu des cartes de merde à la naissance, on ne fera jamais rien de sa vie, on ne sera jamais quelqu’un ? Je ne veux plus connaître la misère et je ne veux plus jamais connaître la honte de qui je suis, du milieu duquel je viens. Et ce mariage représente l’assurance que ça n’arrivera plus jamais. Ma voix tremble, j’en suis certaine, quand je lui demande l’absolution, d’une certaine manière. « Non. Ça fait de toi quelqu’un qui a envie de s’en sortir à sa manière. » Je hoche la tête doucement, la gorge trop nouée pour savoir quoi répondre. Je ne veux pas juste m’en sortir. Je veux m’élever. Je veux monter si haut que j’en deviendrai intouchable. Que plus rien ne pourra m’atteindre et me faire chuter. Jo hausse les épaules, Jo fait tout pour paraître détachée mais je sens sa sincérité. Pour la première fois depuis qu’on se connaît, on tient ce qui peut être considéré comme une conversation à cœur ouvert et nous ne sommes ni l’une ni l’autre à l’aise dans ce genre d’exercice. « Et j’ai jamais dit que ça faisait de toi quelqu’un de mauvais de prétendre à la grande vie, je te demande juste de faire attention, et de t’entourer des bonnes personnes. » - « T’es là, non ? » Et il y a Shiloh, il y a Damon. Une armée bien peu terrifiante, en comparaison de Saül Williams et de ses magouilles, mais des gens en qui j’ai confiance. Pour certains c’est une évidence, pour d’autre, une surprise. Mais il n’en reste pas moins vrai que je sais que je peux compter sur eux. « Tu me diras ce qu’il en pense de ta robe. » - « Il répondra pas. Mais il va faire un infarctus ou envoyer son téléphone contre le mur. » Et là, j’aurais gagné. Je savoure une victoire qu’il ne m’offrira pas, mais que je devine. Et je sais que je suis prête. Que grâce à mon amie, je vais affronter tous ces inconnus à l’église la tête haute. « Redis-moi que je suis à couper le souffle. » Je suis peut-être vaniteuse, mais ma beauté a longtemps été ma meilleure arme. Et j’en ai besoin aujourd’hui, pour trouver le courage de m’embarquer pour l’aventure la plus tumultueuse de ma vie.

RP terminé