Les photos sont sorties et je les regarde en buvant un verre un peu plus tôt dans la soirée. La une de la presse people est claire.
« Freddy Mulligan au bras de sa nouvelle conquête. »
« Freddy Mulligan, un cœur pris par une mannequin. »
Mon regard parcoure les images et les titres, les diverses suppositions. Je vois mon bras entourant les épaules de la fille, nos corps bien trop proches. Je me rappelle des paparazzis ce soir-là, du sourire lancé aux caméras, des gestes affectueux exprimés. Une supercherie de plus pour finir dans cette une. Parce que c’est là qu’elle le verra je le sais.
Je devrais être heureux c’est ce que je voulais non ? Qu’elle comprenne d’une manière ou d’une autre que ce nous avait assez duré. Alors pourquoi est-ce que je regarde les photos sans joie aucune, comme un acte parfaitement acté et pourtant dépourvu de profondeur ? Je regarde l’heure. Je vais être en retard. Tant mieux, me crie la voix insidieuse.
Je prends la voiture me dirigeant vers notre lieu de rendez-vous, cette réservation dans un restaurant prise depuis des semaines. Il y a encore quelques temps j’avais été bien trop heureux de la réserver. Tout réside dans le trop. Cela fait des mois que je repousse les tournages loin de Brisbane pour pouvoir rester plus longtemps avec elle, des mois que je m’enivre de sa compagnie sans avoir envie de celle de quique ce soit d’autre. Mais ce n’est pas moi, ça n’a jamais été moi et depuis quelques semaines le sentiment d’étouffer est devenu omniprésent, l’envie de fuir s’insinuant lentement mais sûrement.
Je bois une gorgée de la flasque avant d’entrer et de la ranger dans la poche de mon costume. Est-ce pour me donner du courage ou pour apaiser mes sens ? Pour pouvoir prétendre que je ne suis pas en train de faire la plus grosse connerie de ma vie ? Je suis en retard, trop en retard à ce diner prévu depuis des semaines. Je la voie à travers la vitre au fond du restaurant. Elle est si belle que ça me serre le cœur. Mais c’est aussi ce sentiment qui me confirme qu’il est temps d’en finir. Je suis devenu trop dépendant de sa présence, de l’odeur de sa peau et de la chaleur de son corps, d’écouter son rire et de partager ses journées et ses nuits. Les portes du restaurant sont à peine passées que le masque et le costume sont en place. Il est facile de retrouver l’air arrogant, il me colle à la peau à la perfection, le sourire est artificiel alors que je m’accroche. « Stace. » Il n’y a pas d’excuses alors que je la regarde, pas d’excuse alors que j’arrive déjà bien trop en retard. Il est si faux ce sourire, il est déjà enivré d’alcool, il pue le mensonge et la trahison. Je l’ai invitée ici, pour notre anniversaire. Un an. Un an c’est plus que toutes les relations que j’ai pu avoir. Un an et un je t’aime de trop. Un murmuré dans le creux de son cou un matin un mois plus tôt. Un je t’aime sorti sans que je ne le contrôle. Un diner prévu depuis des semaines, un diner auquel je me pointe après avoir bu. « T’attends depuis longtemps ? » Et là sur la table il y a ce magazine, celui des photos et mon regard s’attarde un instant sur le journal avant de se planter dans le sien avec un air de défi. Elle n’aurait pas dû me faire confiance et elle n’aurait pas dû y croire.
2015 Stacey se souvient de ce matin où, dans la chaleur de ses bras, il est venu déposer de doux baisers dans son cou, l’étreignant un peu plus que d’habitude. Elle s’en souvient, comme si c’était hier, lorsqu’il a prononcé ces trois mots. Ces trois mots qu’elle ne s’est jamais permise de prononcer de peur de le faire fuir alors qu’elle était certaine de ses propres sentiments depuis des mois. Il a été là dans les moments les plus durs, la perte de sa mère d’abord, la lâcheté de son père ensuite qui l’ont obligé à prendre les rênes de la famille Gallagher. Il a été là à chaque instant, l’a épaulé dans cette décision difficile qu’elle a dû se résoudre à prendre d’arrêter ses études. Il sait que la période est toujours compliquée pour elle, qu’elle doit aussi gérer sa petite sœur qui se remet peu à peu de la disparition de leur mère, même si c’est quelque chose dont on ne se remet jamais. Il aurait pu fuir face à tout ça et pourtant, ce matin-là, il est venu susurrer ces quelques mots au creux de son cou. Ils ont eu tout de suite l’effet de réchauffer son cœur, de lui donner une sorte d’énergie dont elle était démunie depuis quelques mois. Il ignore à quel point ces mots lui ont fait du bien, l’ont rassuré. Elle n’a pas hésité un seul instant à se retourner pour trouver son regard d’un bleu perçant pour lui répéter ces mêmes mots… je t’aime.
Peut-être que tout était bien trop beau pour être vrai. Parce que, peu de temps après, Freddy a commencé à s’éloigner d’elle, à ne plus répondre à ses appels, à décliner les différentes invitations que Stacey a pu lui proposer. Elle ne comprend pas. Stacey est dans l’incompréhension en voyant que son petit-ami répond désormais aux abonnés absents. Et l’est d’autant plus quand sa petite sœur Mila vient à lui montrer ce magazine people dans lequel Freddy fait la couverture aux bras d’une mannequin, bien trop proche tous les deux. Elle voit rouge, mais comme toujours, elle ne laisse rien transparaitre. Devant Mila, elle prétend que ce n’est rien, que c’est sûrement un malentendue. Et pourtant, elle se pose des milliers de questions…
« Stace ». Aujourd’hui est leur anniversaire. Un an. Un an qu’ils forment un nous, un an qu’elle est comblée à ses côtés et n’aurait jamais pensé que cela puisse être le cas avec une personnalité comme lui. Mais il semblerait que quelque chose ait changé… Que Freddy Mulligan a subitement changé. « T’attends depuis longtemps ? ». Il ne cherche même pas à s’excuser alors qu’il est en retard, il ne daigne pas non plus lui offrir un baiser alors qu’il l’a toujours fait dès l’instant où il la rejoignait. « D’après toi ? ». Alors qu’il prend place face à elle, l’effluve de son parfum arrive jusqu’à elle, mélangée à une légère odeur d’alcool. « Tu aurais pu me prévenir que tu avais du retard… », la moindre des choses, non ? Une sorte de boule se forme dans son estomac quand elle sent qu’il est bien trop éloigné et que le magazine qu’elle a entreposé sur la table, et surtout, que les rumeurs qui courent dans celui-ci, ne lui semblent plus être qu’un simple malentendue… Elle pousse alors le torchon vers lui « Je suppose qu’il y a une bonne explication à tout ça ? ». Son regard vient à trouver celui de Freddy alors que sa voix reste hésitante, encore accrochée à l’espoir qu’il va démentir tout ce que cet article peut clamer et la rassurer que tout va bien entre eux…
Il ne l’embrasse pas. A quoi cela servirait quand il va en finir ce soir ? Peut être aussi est-ce une façon de ne pas se rappeler de toutes les raisons pour lesquelles il n’a pas envie de faire ça. Il ne veut plus me souvenir du goût de ses lèvres, de la couleur de son sourire. Il aimerait étouffer chacun de mes instincts qui le pousse à vouloir la prendre dans ses bras et déposer un baiser sur sa joue. Au lieu de ça il reste droit. « D’après toi ? » Bien sûr qu’elle a attendu longtemps, Freddy avait presque l’espoir qu’elle soit déjà partie, qu’elle ait pris la décision à sa place. Que dans sa lâcheté, il n’ait pas à le faire, que tout soit bien plus simple. Mais Stacey a bien trop de patience pour cela. « Tu aurais pu me prévenir que tu avais du retard… » Il s’assoit en face d’elle, attrapant le menu avec nonchalance. « J’ai pas fait gaffe. » Je refuse de la regarder, d’affronter son regard, de me perdre dans ses yeux. « On se commande un verre ? » Un verre ou dix, qu’importe, tout pour rendre ce repas un souvenir flou qu’il pourra enterrer au fond de son cœur et ne plus jamais y penser.
Lorsqu’elle pousse le magazine vers lui il observe celui-ci un instant d’un air pensif avant de relever la tête vers elle. « Je suppose qu’il y a une bonne explication à tout ça ? ». Une bonne explication à ces photos, à cette farce organisée. Il pourrait lui dire alors qu’il ne s’est rien passé entre eux, qu’elle a cherché à l’embrasser dans le cœur de la nuit et qu’il l’a repoussée. Il n’en fait rien.
« Qu’est ce que tu veux que je te dise Stacey ? » Il la regarde avec un air de défi, comme si ce n’était pas important. Comme si ces photos n’étaient qu’une image d’une réalité banale quand encore il y a quelques semaines, il enfouissait son visage dans le creux de son cou et murmurait un je t’aime dans son oreille. Il semble tellement loin de l’image qu’il lui a montré ces derniers mois. Ou est-ce l’image qu’il a montré ces derniers mois qui est bien trop loin de la réalité ? Il a envie de lui dire qu’elle le connait, qu’elle savait à quoi elle s’engageait avec lui. Car il a toujours été la personne du départ, le garçon qui n’était pas prêt à s’arrêter de séduire, le garçon qui n’acceptait pas le couple comme quelque chose d’envisageable tout simplement parce qu’il n’était pas fait pour rester. Que ces derniers mois n’ont été qu’une tentative d’être une autre personne, une personne qu’il est incapable d’être. Le serveur passe et le sourire d’apparence revient avec facilité. « Une bouteille de champagne s’il vous plait. » Il ne lui demande pas son avis, sait déjà qu’il aurait dû tenter de se justifier de lui offrir une explication. « Qu’est ce que tu crois que ça veut dire ? » demande-t-il en attrapant le magazine pour regarder les photos d’un air dédaigneux. « Ils ont pas eu mon meilleur profil. » lance-t-il d’un ton que n’importe qui trouverait détestable. Il sait qu’il en faudra beaucoup pour qu’elle fuit, qu’il faudra briser tout ce qu’il y a toujours eu entre eux et écraser les morceaux au sol. Car elle est trop gentille, trop patiente, trop douce et il aurait fini par la briser inévitablement, alors pourquoi continuer plus longtemps ?
2015 « J’ai pas fait gaffe ». Ses sourcils se haussent du fait de la surprise que suscitent ses mots en elle. Il ne s’est même pas rendu compte qu’il était en retard, et même si elle lui fait remarquer, il ne considère pas cela comme important, pas suffisamment en tout cas pour s’excuser. « On se commande un verre ? ». Il a cet air qu’elle ne lui connait que très peu, celui qu’elle a pu voir lors de leur première rencontre et qui l’a faite le repousser justement, refusant une possible histoire, même d’un soir, avec lui. Parce qu’il avait le même air hautain qu’actuellement, le même air détaché, le même air qui pousse à fuir plutôt qu’à rester. Pourtant, il a réussi à rester, il a réussi à lui prouver le contraire, lui montrer qu’il pouvait être sérieux et avoir des sentiments. Mais ce soir, elle ne le reconnait plus, et le voir agir avec autant d’indifférence lui noue l’estomac. Elle ne veut pas commander un verre, du moins, pas tant qu’il ne lui aura pas donné d’explications face à ces photos abjectes. Elles pourraient être pires, mais pour Stacey, elles sont suffisantes, surtout quand on lit les commentaires qui vont avec.
« Qu’est-ce que tu veux que je te dise Stacey ? ». Si elle est restée silencieuse jusqu’à maintenant, elle ne peut s’empêcher de lui répondre immédiatement « Je veux que tu me rassures, Freddy ». Parce que c’est ce qu’elle attend. Elle attend qu’il lui dise que c’est un coup monté encore de paparazzis en manque de scoops pour faire vendre leurs photos. Mais la rassurer ne semble pas faire partie de ses plans et plus la conversation avance, enfin si on peut appeler ça une conversation tant les efforts fournis par Freddy sont inexistants, moins elle se sent sereine. Son ton est las, et on peut même entendre une pointe de tristesse dans celui-ci, même si elle tente de faire encore bonne figure et ne pas montrer son inquiétude grandissante. « Une bouteille de champagne s’il vous plait ». Stacey reste silencieuse face à la commande qu’il passe, celle-ci pouvant la rassurer puisqu’aujourd’hui, ils sont censés fêter leur an ensemble. Un an où elle n’a, à aucun moment, eu quoi que ce soit à lui reprocher, où il a été présent bien plus qu’elle n’aurait pu l’espérer de sa part. Cette bouteille commandée est un bon signe, après tout, s’il ne voulait pas trinquer à leur anniversaire, il ne l’aurait pas commandé ? Si réellement ces photos signifiés quelque chose, il n’y aurait pas de quoi trinqué ? Stacey ne cesse de le fixer, la crainte toujours présente, la peur aussi qu’il ne finisse par lui avouer le pire malgré tout. « Qu’est-ce que tu crois que ça veut dire ? ». Elle s’apprête à ouvrir la bouche pour répondre alors que Freddy se saisit du magazine, mais elle est coupé dans son élan « Ils ont pas eu mon meilleur profil ». Sa bouche se referme aussitôt, elle a ce mouvement de recul avec la tête, comme abasourdi que ce ne soit que ce qu’il retienne de ce torchon « Ton meilleur profil ? C’est tout ce qui compte pour toi ? Le fait qu’ils n’aient pas eu ton meilleur profil ? ». Il y a un certain énervement qui commence à se manifester et, cette fois, Freddy peut le ressentir sans mal alors qu’elle le regarde droit dans les yeux, l’air ahuri « Le fait qu’ils racontent des mensonges sur toi t’es complètement égal ? » Parce que ce sont des mensonges, n’est-ce pas ? « J’ignore ce que ça veut dire, j’espère que ça ne veut strictement rien dire mais tu ne me rassures pas en agissant comme tu le fais, Freddy ! ». Il est difficile pour elle de ne pas hausser davantage le ton, le sien restant bas parce qu’ils sont tout de même dans un restaurant et qu’elle ne tient pas à faire une scène « Et ça ne date pas d’aujourd’hui… » Son comportement pas rassurant, quand il l’a ignoré ces dernières semaines…
« Je veux que tu me rassures, Freddy » Mais il en est incapble. Son regard s’ancre dans le sien et pendant un instant il semble hésiter. Les yeux bleus de Stacey sont teintés d’inquiétude, l’envie de reprendre les mots, de ne pas enclencher l'accélérateur et de foncer droit dans ce mur habitent Freddy qui pendant un instant hésite. Il pourrait écouter la voix qui lui dit de rester, d’accepter qu’il est tombé amoureuse de la jeune femme qui est à l’opposé de tout ce qu’il est. Elle qui est si douce et si gentille, elle qui lui a fait confiance quand elle n’aurait jamais dû le faire. Il n’a pas envie de la blesser et pourtant ce n’est pas cette voix qu’il écoute mais bel et bien son instinct. Son instinct qui lui rappelle qu’elle n’est pas faite pour lui, qu’elle est trop bien pour lui, qu’il ne sera jamais assez bien pour personne alors pourquoi rester ? Pourquoi rester et attendre qu’elle réalise l’homme qu’il est quand il pourrait briser tout en morceaux tout de suite et ne pas être blessé ? Il ignore son commentaire, préfère commander une bouteille de champagne comme si cela allait lui donner du courage pour ce qu’il s’apprête à faire.
« Ton meilleur profil ? C’est tout ce qui compte pour toi ? Le fait qu’ils n’aient pas eu ton meilleur profil ? ». Il la défit du regard, son visage inexpressif de tout sentiment qu’il enfouit au fond de lui sans chercher à les déchiffrer plus longtemps. « Le fait qu’ils racontent des mensonges sur toi t’es complètement égal ? » Parce que ce sont des mensonges, n’est-ce pas ?” DEs mensonges… Même comme ça elle croit encore en lui et c’est bien ça le problème. Elle lui fait trop confiance, elle a une bonne opinion de lui quand cela devrait être tout le contraire, elle serait prête à rester et à se battre pour eux et cela le terrifie plus qu’il ne veut l’admettre, son coeur entrelacé de peur et lâcheté, battant trop vite dans poitrine. « J’ignore ce que ça veut dire, j’espère que ça ne veut strictement rien dire mais tu ne me rassures pas en agissant comme tu le fais, Freddy ! Et ça ne date pas d’aujourd’hui… » Il l’ignore depuis des semaines, depuis qu’il a prononcé ces mots qu’il n’a jamais osé dire à personne. Ce je t’aime sorti tout seul, murmuré contre sa peau, ce cœur qui bat trop vite quand il la regarde. Cette relation qui est tout ce qu’il est. Non il n’est pas fait pour une relation stable, il est après tout l’homme dépeint dans les médias. Alors il choisit de tout détruire, car c’est tellement plus simple que de rester. “ Qu’est ce que ça veut dire ?” il plante son regard froid dans le sien, un rictus étirant ses lèvres. “C’est peut être pas des mensonges Stacey t’as pas pensé à ça ?” Bien plus simple de fuir, quand il pourrait faire le choix d’accepter ses sentiments pour la jeune femme. “T’as toujours su qui j’étais Stacey, ça date pas d’hier.” Il hausse pas les épaules, attrape la journal regardant la photo de cette fille dans ses bras. “ Elle me plaisait. J’ai pas résisté.” Ils sont là les mots qu’il ne reprendra pas. Les mots qui ne sont qu’un mensonge de plus qu’il prononce avec une assurance déconcertante observant son visage pour voir sa réaction, pour voir son cœur être piétiné par des actions qu’il n’a pas commise et par des mots qu’il prononce avec trop de facilité. Elle serait partie tôt ou tard, alors autant que cela arrive maintenant, quand lui est en contrôle, quand il croit être en contrôle de leurs deux coeurs qui ne seront que meurtris par une situation qu’il a créé.
2015 « Qu’est-ce que ça veut dire ? ». Le ton qu’il emploi, ce regard froid qu’il a pour elle ne présage rien de bon. Stacey sent son cœur faire un bond dans sa poitrine, comme si elle présageait dès l’instant où il prononce ces mots que la suite n’allait pas lui plaire, et marquer la fin de quelque chose. « C’est peut-être pas des mensonges Stacey t’as pas pensé à ça ? ». Sa gorge se noue alors que ses mots sont similaires à des couteaux qu’on vient planter un à un dans son dos. Elle ne comprend pas pourquoi il agit de la sorte alors que leur relation était parfaite jusqu’à qu’il est ses mots pour elle. Ces trois mots qui n’ont pas manqué de la faire frissonner, qui l’ont poussé à enfin les dire elle aussi en retour, quand elle n’aurait jamais osé le faire la première. Elle ne comprend pas ce qu’il s’est passé, venant même à se demander si elle a dit ou fait quelque chose qu’il ne fallait pas. Parce que bien sûr, une jeune femme comme Stacey, si douce, si gentille et si empathique préfèrera se remettre en question elle d’abord, avant de blâmer la personne d’en face. Elle est comme ça, rien ne la fera changer, pas même la pire des personnes. La pire des personnes semble d’ailleurs se trouver devant elle ce soir, alors qu’il est pourtant son pilier, son safe space depuis un an. Celui que même sa défunte mère n’a pas manqué de complimenter par deux fois, heureuse de voir sa fille comblée avec lui. Mais il semblerait que ce Freddy-là est subitement disparu, à moins qu’elle ne se soit faite bernée pendant tout ce temps, bien trop naïve et aveuglée par son amour pour l’acteur pour se rendre compte de qui il était réellement… Ses yeux sont écarquillés, son air choqué alors qu’il laisse entendre que ce journal ne ment pas. « T’as toujours su qui j’étais Stacey, ça date pas d’hier ». Elle n’est pas d’accord avec son affirmation quand il n’a eu de cesse de lui prouver le contraire ces derniers mois en étant à ses côtés, en n’ayant aucun regard pour une tout autre fille alors qu’ils sont sortis de nombreuses fois à des soirées avec des amis, alors qu’il a su repousser certains coqueluches qui ont tenté de le séduire, malgré la présence de la blonde à ses côtés « Tu n’as pas cessé de me prouver que tu n’étais pas cette personne, Freddy… » dit-t-elle alors que son regard se plante dans le sien et qu’elle cherche dans ce dernier une faille, celle qui la rassurera sur le fait qu’il ne s’est rien passé avec cette fille, celle qui lui montrera qu’elle ne s’est pas faite avoir par celui qu’elle aime.
« Elle me plaisait. J’ai pas résisté ». Une sueur froide parcourt son corps, alors qu’elle observe Freddy avec cette confiance et cette indifférence en avouant qu’il s’est passé quelque chose avec cette fille qu’il semble prendre plaisir à observer sur ces photos. Stacey, elle, est figée, et si Freddy semble observer sa réaction, il pourra voir qu’elle est à deux doigts de s’effondrer. Il a gagné puisque c’est tout ce qu’il semblait vouloir. Il a surtout réussi à lui prouver qu’elle n’a été qu’une idiote à croire en lui, en lui accordant une confiance aveugle alors qu’elle est tombée follement amoureuse de lui. Son cœur est en mille morceaux, elle a besoin d’un instant pour reprendre le dessus, bien que ses yeux s’humidifient « Comment tu as pu… » susurre-t-elle alors que son regard a quitté le sien pour fixer un point sans importance sur la table avant de le relever « Comment tu as pu me faire ça…Freddy ? ». Sa voix est tremblante, entrecoupé, peinant à prononcer ces mots. Le serveur arrive alors avec sa bouteille de champagne, qu’il s’apprête à déboucher « Ne vous en donnez pas la peine ! ». Cette fois, il y a de la certitude dans ses paroles, alors qu’elle se lève soudainement, attirant les regards des clients alentours « J’ai besoin d’air… ». Elle s’en va sans adresser un regard à Freddy, partant d’un pas pressé pour sortir du restaurant dans lequel elle a l’impression de suffoquer.
Arrivée à l’extérieur, elle fait quelques pas pour s’éloigner de la devanture du restaurant avant de se retrouver dans une ruelle adjacente. Stacey se stoppe, tentant de retrouver son souffle. Elle laisse cette fois ses larmes perler sur ses joues alors que les mots prononcés par Freddy résonnent dans sa tête. Elle porte ses mains à son visage, comme dans l’espoir peut-être de se réveiller de ce cauchemar dans lequel elle a subitement l’impression d’être propulsée. Et alors qu’elle entend des bruits de pas derrière elle, elle se retourne et se retrouve nez à nez avec Freddy « Va-t’en ! » dit-t-elle dès l’instant où son regard croise le sien. Et pourtant, bien qu’elle n’ait plus envie d’avoir à faire à lui, elle ajoute « Pourquoi m’avoir dit je t’aime alors ? Ça ne signifiait donc rien ? Ce ne sont que des mots parmi d’autres pour toi, c’est ça ? ». Elle a besoin de comprendre ce revirement de situation soudain, inattendu, alors que ce matin-là, à aucun moment, elle n’a douté de la véracité de ses propos. Et elle le regrette désormais…
« Tu n’as pas cessé de me prouver que tu n’étais pas cette personne, Freddy… » Le regard de Stacey cherche le sien, comme si elle voulait détruire le masque qu’il lui montre. Lui finit par détourner le regard, incapable d’assumer. Il n’a jamais été comme ça avec personne, pas comme il a été avec elle. Il n’est jamais resté assez longtemps pour dévoiler la douceur et la tendresse, ne s’est jamais assez ouvert pour montrer toutes ses vulnérabilités. Elle a pu voir l’écho de l’homme que seule sa famille a pu voir. Il s’est laissé prendre par la douceur et par l’amour qu’elle lui montrait, s’est laissé avoir quand il aurait dû être celui qui aurait dû rester en contrôle.
Elle est à deux doigts de s’effondrer, il le voit, ses épaules se sont affaissées sous le poids de la vérité qu’il lui a donné. « Comment tu as pu…. » Simplement, il aura suffi de quelques mots prononcés pour détruire les derniers mois de leur relation. Il n’aura pas couché avec cette fille, mais ça n’a pas d’importance, c’est avec une autre qu’il effacera le souvenir de leur relation, le goût de ses lèvres, le goût de sa peau, son sourire, tout ça n’aura plus d’importance d’ici quelques heures. « Comment tu as pu me faire ça…Freddy ? » Il a dû mal à la regarder, du mal à assumer le mal qu’il lui fait. Son visage reste impassible, nonchalant, il se contente d’hausser les épaules plutôt que de répondre. Car si les mots devaient être prononcés, ils risqueraient de se bloquer dans sa gorge. Le serveur s’approche avec le champagne. « Ne vous en donnez pas la peine ! » Elle se lève brutalement et le serveur la regarde sans comprendre. « J’ai besoin d’air. » Elle part en trombe du restaurant et lui se contente de sortir de billets sur la table envers le serveur. « Laissez la bouteille là, je reviens. » Il n’a pas évoqué de nous, n’est pas stupide au point de croire que Stacey va remettre les pieds dans ce restaurant. Il ne devrait même pas la suivre et pourtant il est incapable de ne pas le faire, inquiet malgré lui.
L’ambivalence de ses sentiments est totale, l’envie de fuir et l’envie de l’aimer, l’envie de la blesser et l’envie de demander son pardon. Il s’approche de la jeune femme dont le visage lui est caché. « Va-t’en ! » Les larmes ne devraient pas faire aussi mal, pas quand il a choisi cette situation, pas quand il est celui qui les a fait couler. « Come on Stacey, tu savais qu’on avait une date de fin… » Mais comment pouvait-elle le savoir quand il ne l’avait jamais dit ? Il ne sait pas pourquoi il essaye de se justifier. « Pourquoi m’avoir dit je t’aime alors ? Ça ne signifiait donc rien ? Ce ne sont que des mots parmi d’autres pour toi, c’est ça ? » Bien sûr qu’elle lui rappelle les mots prononcés. Il s’éloigne un peu, se détournant pour allumer une cigarette, pour gagner du temps en réalité et maintenir le masque en place sur son visage, ce rôle qu’il tente désespérément de jouer. « Ca voulait rien dire. Je le pensais pas. » Il plonge son regard dans le sien à ses mots, se force à le soutenir quand son cœur tambourine dans sa poitrine et crie au mensonge. Il est terrifié, bien plus qu’il ne veut l’admettre, à l’idée de s’être attachée à elle.
2015 Il la voit s’éclipser et pourtant, il ne cherche pas à la retenir. Il lui a balancé en pleine figure ces quelques mots qui ont suffit pour qu’elle comprenne que le Freddy qu’elle avait eu le temps de découvrir pendant presque une année de relation, le Freddy qui avait toutes les attentions du monde, qui l’a aidé à se relever plus d’une fois alors que la vie ne l’a pas épargnée, n’était que temporaire. Il s’est évaporé dans la nature, comme il est arrivé dans sa vie, comme sa mère lui a été retiré du jour au lendemain, sans même qu’on ne l’avise. Elle pensait qu’ils passeraient cette soirée à se regarder dans le blanc des yeux, qu’il aurait une nouvelle fois prononcé ces trois mots pour elle, et qu’elle aurait retrouvé la chaleur de ses bras après leur dîner en tête à tête. Stacey avait même imaginé que son silence radio, ces dernières semaines, étaient volontaires afin de garder la surprise entière à cette soirée qui devait être merveilleuse. Une soirée où ils auraient célébré leur un an de relation, un an où elle a été heureuse à ses côtés. Mais il ne leur en laisse pas l’occasion, il ne leur offre pas cette opportunité quand il a préféré tout gâcher avec une autre fille qu’elle, avec qui il n’a pu résister à partager ses draps…
Elle s’éclipse donc, se faufile à travers les tables afin de retrouver l’air extérieur et se dirige vers une ruelle à l’abri des regards. Elle peine à retrouver son souffle, alors qu’elle laisse ses larmes se déverser sur ses joues. Il faut peu de temps pour qu’il finisse par la rejoindre. Stacey n’attend plus rien de lui, et pourtant, au fond d’elle-même, il aimerait qu’il vienne la prendre dans ses bras pour la consoler. Mais comment le pourrait-t-il quand il est à l’origine de ses maux ? Elle lui demande donc de partir, parce qu’elle a lu la cruauté dans son regard, comme elle l’a entendu dans ses paroles et c’est cette image de sa personne qu’elle a toujours voulu fuir… Le naturel semble être revenu avec elle, même avec elle… « Come on Stacey, tu savais qu’on avait une date de fin… ». Les mots lui arrachent le cœur davantage, alors qu’elle lui fait volte-face au moment où il l’a fait passer pour celle qui a été bien trop naïve de croire qu’ils étaient faits pour durer « Une date de fin que tu as décidé seul en allant coucher avec cette fille, Freddy ! ». Il s’est battu tout le long de leur relation pour lui prouver qu’elle pouvait lui faire confiance et voilà qu’à une nuit, il a tout gâché… Sans raison. Parce qu’il a eu ces mots pour elle, ces trois petits mots ce je t’aime dont elle tente d’en comprendre la signification désormais « Ça voulait rien dire. Je le pensais pas ». Il est cruel, alors que ses larmes s’échappent dans un flot incontrôlé le long de ses joues et qu’elle parvient, pourtant, à ne pas s’effondrer. Ses larmes sont silencieuses, elle l’est tout autant quand elle a l’impression de vivre un cauchemar éveillé, dont il n’essaye même pas de l’en extirper. « Je ne te crois pas » répond-t-elle au bout de quelques instants… Les mots sont à peine soufflés alors qu’ils ont cette proximité physique mais qu’un fossé s’est pourtant définitivement creusé entre eux. Elle s’avance pourtant, alors que son visage se tord par la douleur qu’il lui procure « Dis le moi… » le supplie-t-elle « Dis le moi droit dans les yeux que tu ne m’aimes pas… » ou plus… Parce que ce dernier prouvera qu’il l’a aimé au moins un peu. Le pas fera plus de mal, prouvant donc qu’il s’est joué d’elle et qu’elle n’a plus aucune importance pour lui… et en a peut-être jamais eu.
« Une date de fin que tu as décidé seul en allant coucher avec cette fille, Freddy ! » Il se contente d’hausser les épaules. Il n’a même pas couché avec cette fille, quand il aurait dû en avoir envie. Parce qu’il la trouvait belle et désirable et qu’il avait toujours été du genre à suivre ses envies. Sauf que cette fois ce n’était que les bras de Stacey qu’il voulait retrouver et c’est bien ça qui le terrifie.
« Je ne te crois pas » Il lui a montré trop de choses, s’est dévoilé semaines après semaines, laissant tomber les apparences pour montrer le garçon qu’il a su être un jour. Mais ce garçon n’existe plus et il est temps qu’elle le comprenne. Ce garçon n’est qu’un écho d’une version de lui qu’il ne montre que rarement, une version qui n’a plus sa place dans son monde aujourd’hui.
« Dis le moi droit dans les yeux que tu ne m’aimes pas… » Elle s’est rapprochée et lui doit se battre contre l’instinct qui le pousse à vouloir la prendre dans ses bras. Celui qui lui dit d’essuyer ses larmes, de lui dire qu’il l’aime. Parce qu’il l’aime en cet instant et cela le terrifie. Cela le terrifie assez pour vouloir partir à l’autre bout du monde. Tout simplement parce que Stacey se rendra compte bien assez tôt qu’il ne vaut rien. Alors il vaut mieux que ce soit maintenant. Car il n’est pas sûr de pouvoir supporter de la perdre d’une autre façon. Il préfère que ce soit selon ses conditions au moment où il l’a choisi et préfère se voiler la face en se disant que ça ne fera pas aussi mal. Alors pourquoi est-ce qu’il a dû mal à soutenir son regard ? Pourquoi est-ce si dur de la regarder ?
Mais Freddy a toujours été doué pour détruire toutes ses relations, pour enfermer le moindre sentiment derrière une porte dorée qu’il n’a jamais souhaité ouvrir. Alors il efface tout ce qu’il ressent, aussi simplement que ça, s’enfermant dans sa carapace qui n’est faite que d’apparences et de masques. Il la regarde droit dans les yeux. « Je t’aime pas Stacey. Je t’ai jamais aimé. T’étais juste un bon coup qui a duré plus longtemps que d’habitude. Je sais pas comment t’as pu être aussi naïve ? » Les mots sont du poison qu’il propage sans regard en arrière. Cela brûle tous leurs souvenirs, tous leurs moments. Cela fait tambouriner son cœur douloureusement dans sa poitrine. Mais c’est une scène qu’il connait bien, qu’il maîtrise parfaitement, la dernière scène avant son départ de la scène, une qu’il a déjà répété on ne sait combien de fois sauf que cela n’a jamais fait aussi mal qu’en cet instant. Il laisse un sourire apparaître sur ses lèvres, un sourire cruel, un sourire aussi faux que lui. « C’était marrant, maintenant c’est fini. » Marrant. Non c’était dévastateur et doux, c’était une oasis de paix dans laquelle il s’est vu être quelqu’un d’autre. C’était tendre et passionné, c’était une autre personne que lui.
C’est fini et il reste là à la regarder. Réalisant qu’il n’arrive pas à partir, à quitter cette ruelle, qu’il a prononcé ces mots si cruels dans le but qu’elle parte à sa place, qu’il n’ait pas à le faire.
2015 Elle lui demande d’avoir ce courage. Celui de la regarder droit dans les yeux, de lui dire qu’il ne l’aime pas… ou qu’il ne l’aime plus. Stacey ne sait plus à quelle réalité se raccrocher quand elle change du tout au tout. Elle se souvient encore de son regard dans le sien quand il a eu ces mots, ces trois petits mots, et que tout semblait si réel, si sincère émanant de sa bouche. Stacey l’a cru, son cœur tambourinant fortement dans sa poitrine alors qu’elle les a répétés en retour et qu’elle s’est précipitée à l’embrasser, comme pour le remercier de ses sentiments avoués. Parce qu’elle aurait compris aussi qu’il décide de la quitter quand elle n’était plus la Stacey qu’il a pu rencontrer, qu’elle est devenue bien trop triste, bien trop éteinte et bien trop responsable. Et pourtant, il ne l’a pas abandonné, il est resté à ses cotés et c’est aussi ce comportement de sa part qui l’ont conforté dans ce choix qu’elle a fait de prendre un risque avec lui… Prendre le risque de lui faire confiance sur sa personne, de voir au-delà des apparences et surtout prendre le risque de tomber amoureuse de lui… Et si jusqu’alors elle n’avait éprouvé aucun regret, ce soir, il lui fait ressentir le contraire…
« Je t’aime pas Stacey. Je t’ai jamais aimé. T’étais juste un bon coup qui a duré plus longtemps que d’habitude. Je sais pas comment t’as pu être aussi naïve ? ». Il est cruel, odieux et abjecte. Stacey ne reconnait plus l’homme – encore faut-t-il qu’il en mérite l’étiquette – qui se tient devant elle. Ce n’est pas de lui qu’elle est tombée amoureuse, ce n’est pas de lui qu’elle s’est entichée… Ce n’est pas de lui… C’est un cauchemar, duquel elle a besoin de se réveiller, et vite, quand elle sent son cœur écraser par la force des mots qu’il lui jette à la figure. Ça fait mal, cruellement mal alors qu’elle a son regard ancré dans le sien et qu’elle voit ce sourire apparaitre sur ses traits, quand, elle, n’en est plus capable… « C’était marrant, maintenant c’est fini ». Marrant… Comment ose-t-il qualifier leur relation de marrante ? Comment ose-t-il détruire cette relation si douce et apaisante à la fois, si sincère – du moins c’est ce qu’elle pensait jusqu’à ce soir – et réconfortante ? Il souligne sa naïveté, c’est ce qu’elle se reprochera plus tard à elle-même, c’est certain. En attendant, c’est la colère qui l’emporte et l’amène à lui donner une gifle. Parce qu’elle n’a que ce moyen pour lui faire mal, quand lui ne semble pas ressentir celui qu’il lui fait. Il est indifférent, semble ne plus rien éprouver à son égard… Plus rien parce qu’elle reste persuadée qu’il a été attaché à elle, ne serait-ce qu’un petit peu pour être resté à ses côtés pendant un an. Un an marqué par une fin tragique, la fin de leur histoire, celle dont il semble se réjouir alors qu’elle en ressort détruite… Il ajoute une peine de plus à son cœur déjà meurtri et semble en être totalement indifférent. Elle ne cherche pas de sa pitié alors que les larmes roulent de plus belle sur ses joues, qu’elle est incapable de prononcer un mot de plus. Et sur ce dernier geste qu’elle lui a porté alors qu’il ose rester planter devant elle, elle le repousse pour qu’il la laisse passer et quitte définitivement cette allée… et cette relation qui, finalement, n’a jamais rien signifié.