@RORY CRAINE & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹ Come back to London thunder, The sound of sorrow in my room, yeah. And now the tables turn, it's over, And with my fingers burned I start anew, And now I've come back down, I'm older, I look for something else to hold on to.

(TOOWONG, LOGEMENTS). Je ronge mes ongles à mesure que je scrolle sur instagram, à une heure beaucoup trop matinale pour en être déjà à ma seconde tasse de café et ma sixième cigarette. Je n’ai même pas besoin de me couper l’appétit pour les enchaîner de la sorte, un seul coup d’œil sur le hashtag concernant mon ami acteur suffit à me serrer l’estomac. Aiden est sorti en boîte la veille et l’état lamentable dans lequel il a fini fait déjà la joie des torchons en ligne autant que des comptes à la recherche d’un nouveau scandale pour alimenter la soif de curiosité de leurs abonnés et, bien-sûr, c’est Aiden qui en fait les frais. Il l’a un peu cherché, c’est vrai, parce qu’il est une personnalité publique et il devrait savoir à quoi s’attendre quand il se met la tronche à l’envers, mais je n’ai aucune envie de le blâmer plus que de raison alors que j’en suis à mon vingtième appel manqué pour tout autant de messages laissés sans réponse. Il va mal, Aiden, j’en suis convaincue et puisque je n’arrive plus à maintenir un contact avec lui depuis qu’il a la grosse tête et la célébrité devant lui, je compte m’attaquer à celle qui me semble plus accessible, son agente. Je n’ai pas le numéro privé de cette Halston et son assistante m’envoie balader à chaque fois que j’ose demander des nouvelles ; alors j’ai décidé d’user des grands moyens puisque je connais l’adresse de son agence. Je vais me pointer à sept heures tapantes parce que je n’ai rien de mieux à faire que de défendre les intérêts d’un ami qui n’en est plus vraiment un ; parce que je suis incroyablement chiante, aussi, quand je m’y mets et qu’elle ne pourra pas m’échapper. Je vais l’attendre jusqu’au milieu de la nuit s’il le faut, jusqu’au lendemain même, peu importe, je ne vais pas compter les heures alors qu’elle ne fait pas son boulot et laisse Aiden s’empêtrer dans son mal-être. Il  est trop jeune, pas assez préparé pour cette carrière qui s’offre à lui et évidemment qu’il n’avait pas l’entourage pour supporter ce changement de vie. Halston aurait dû le savoir ; Halston aurait dû faire son boulot au-delà de simplement lui trouver des rôles pour s’assurer un petit pactole en mettant en avant son poulain. Je ne suis peut-être pas bien impressionnante, mais je vais le devenir par la force des choses.

Là où je ne le suis pas, par contre, c’est quand je croise la silhouette de Rory qui descend l’escalier alors que je m’apprête à partir. J’hésite un instant, mon cœur déchiré entre l’ami qui m’a oublié et mon colocataire qui est toujours là pour moi. J’ai l’impression d’être dans le Choix de Sophie à ne pas savoir à qui accorder mon intérêt et ma bienveillance aujourd’hui. Swann est entouré malgré sa situation, Aiden n’a personne alors qu’il s’est lui-même mis dans la merde. Je crois que c’est la raison suffisante pour que je sois égoïste un instant ; si je ne compte plus pour lui, il peut bien attendre une heure de plus, n’est-ce pas ? Halston ne va pas s’envoler et s’il le faut, j’irai camper devant son agence demain. « Salut. » Je m’annonce en faisant quelques pas loin de la porte pour m’annoncer, la lumière déjà éteinte dans ma précipitation que je n’ose pas rallumer par peur de réveiller Rory. Je fais quelques pas pour que les premiers rayons du soleil éclairent l’horloge murale au milieu du salon et constater qu’il est vraiment trop tôt pour n’importe qui n’ayant pas l’intention de jouer au bulldozer aujourd’hui. « Je t’ai réveillé ? » Je m’inquiète, consciente de ne pas toujours être des plus discrète, d’autant quand je suis agacée. Je claque les portes, je m’énerve contre mes habits trop grands quand je me trompe de manche, je balance ma tasse dans l’évier sans délicatesse. « Il y a du café dans la cuisine, si tu veux. » Ma voix est douce et contraste avec la furie dont je faisais preuve quelques instants plus tôt. Je n’ai pas oublié Aiden et je m’en veux de l’abandonner de la sorte, mais Swann, lui, ne l’a jamais fait à mon égard bien qu’on se connaisse depuis peu. Et Swann, il occupe un peu trop mes pensées depuis quelques temps. Il n’y a rien d’ambigu à y voir, non, seulement une inquiétude sincère quant à la perte de son frère et du déni qui a suivi cette annonce, qui m’a empêché de m’occuper de mon colocataire comme il l’aurait mérité. Incapable de savoir quoi dire, comment réagir, comment lui assurer de ma présence sans me montrer trop insistante ou intrusive ; alors je me suis presque effacée en attendant qu’il ait besoin de moi, donnant probablement l’impression de ne pas m’en soucier. Mais je m’en soucie. Je m’en soucie bien plus que de raison et même s’il est sûrement trop tôt pour assaillir Rory de mes interrogations, Swann le mérite bien. Je suis les pas de Rory jusqu’à la cuisine, l’observe un instant se servir maintenant que la lumière a été allumée, reste en retrait. Je finis par poser ma veste et mon sac sur le comptoir de la cuisine (Sofia me tuerait) pour m’asseoir sur un tabouret et ne pas quitter Rory des yeux. Suffisamment pour qu’il finisse par se sentir observer et croiser mon regard à son tour. Je pourrais lui dire la vérité, que ça m’impressionne encore qu’il soit entre ses murs, que je sois aussi proche d’une star comme lui et que je me décompose à chaque fois qu’il me regarde parce que bordel, c’est un futur oscarisé que j’ai devant moi et j’en perds mes mots. La première fois, je me suis comportée comme une vraie groupie, lui demandant une photo et le serrant dans mes bras pour m’assurer qu’il était bien réel. J’ai été ridicule, mais la vérité, c’est que je tremble encore quand je le vois et que j’ai très envie de montrer au monde entier que Rory Craine est dans ma cuisine autant que me vanter d’être serrée dans ses bras tout aussi photogéniques et parfaits que son visage. Mais pas aujourd’hui, pas alors que ma voix se fait entendre et n’a rien de celle enjouée et cassée de l’adolescente qui a trop crié le prénom de son idole. « Rory, je peux te demander quelque chose ? » Je l’interpelle comme si nous étions de vieux amis, alors que je ne suis personne pour lui et qu’il n’a aucun intérêt à me répondre par l’affirmative. C’est cette crainte qui me fait poursuivre très rapidement, enchaînant sur une autre peur. « C’est à propos de Swann, tu as le droit de ne pas vouloir que j’en parle. » Il a le droit de vouloir garder ce petit jardin secret, de ne pas faire confiance à la colocataire qu’il a croisé deux fois et qui est trop euphorique, suffisamment pour qu’on puisse douter de sa sincérité. « Et c’est à propos de son frère. » J’ajoute en soutenant son regard pour qu’il y lise la sincérité de ma demande avant même que celle-ci ne soit formulée ; je t’assure, Rory, que ça n’a rien d’indiscret. Ou plutôt, si, ça l’est terriblement, mais je ne pense pas à mal. Pour une fois. C’est promis.

london thunder.

@MAISIE MORIARTY & RORY

Il était tôt. Trop tôt sans doute pour que qui que ce soit de raisonnable veuille décemment quitter le confort de son lit. Rory, lui, avait même une bien meilleure excuse pour vouloir traîner sous les draps et elle était en ce moment même endormie entre ses bras. Depuis que Swann et lui avaient officialisé leur relation au mariage d'Alex puis auprès de leur entourage proche, occuper la même chambre était rapidement apparu naturel et ce, qu'ils passent la nuit dans la colocation de l'anglais ou dans son loft à Springhill. Goûter à nouveau à la joie de s'endormir contre l'homme qu'il aimait et d'ouvrir les yeux tous les matins pour voir son visage faisaient partie des choses qui lui avaient le plus manqué au cours des dix-huit derniers mois, rien d'étonnant donc à ce qu'il s'y soit réhabitué aussi vite. S'ils avaient convenu de prendre leur temps et de profiter de chaque instant de ce nouveau bonheur avant de vraiment penser à la suite, reprendre leurs habitudes était une chose qu'ils n'auraient pas pu remettre plus longtemps à plus tard. Ils avaient besoin de se retrouver et de vivre comme un vrai couple pouvait le faire, mais aussi de profiter de pouvoir cette fois s'aimer sans en faire un secret. Multiplier les sorties à deux et faire tout un tas d'activités qu'ils ne se seraient jamais autorisés il y a encore quatre ans symbolisait forcément beaucoup à l'échelle de leur histoire, mais c'était aussi le cas de ces soirées passées à la colocation avec Maisie, Sofia, Arthur et parfois Llewyn, quand ils venaient les rejoindre. Parce que profiter de ce nouveau départ n'incluait pas seulement de retrouver une intimité dans la chambre de l'anglais, quand bien même cette partie-là était aussi des plus agréables, il va sans dire. Rory appréciait sincèrement les colocataires de Swann et ne se forçait jamais à passer du temps avec eux, souvent amusé d'être le témoin des interactions parfois électriques de Sofia et Maisie – qui n'étaient pas sans lui rappeler celles que pouvaient parfois partager ses deux sœurs. Si Arthur semblait nourrir davantage de réserves à son égard, Rory ne le prenait pas pour autant personnellement. Dans cette collocation toujours pleine de vie, il était finalement tout aussi heureux qu'au sein de sa propre famille, et ça représentait d'autant plus à ses yeux qu'il savait qu'elle en était une à part entière pour Swann.

Si son petit-ami n'était donc pas le moins du monde à blâmer pour son réveil plus que matinal, même le doux son de la respiration de Swann ne semblait ce matin pas suffisant pour le bercer et l'aider à se rendormir. A défaut, Rory le couvait d'un regard amoureux depuis déjà plusieurs minutes, mesurant à chaque instant la chance inouïe qu'il avait de pouvoir goûter à un bonheur aussi simple que celui de l'observer dormir près de lui. Swann paraissait si paisible que l'australien en venait presque à redouter de le réveiller par inadvertance, raison pour laquelle il songea qu'il était peut être préférable qu'il se lève et le laisser terminer sa nuit tranquillement. Délogeant lentement le bras de l'anglais encore enroulé autour de son torse, c'est avec une infinie douceur qu'il écarta les quelques mèches de cheveux qui lui barraient le visage et déposa un baiser contre son front. Remontant le drap sur lui, il glissa finalement hors du lit et se rhabilla avant de quitter la chambre tout en veillant à faire le moins de bruit possible. Parce que malgré l'heure, il ne savait pas qui il pourrait croiser au détour d'un couloir et préférait ne pas prendre le risque d'être surpris en boxer par l'un ou l'autre des colocataires de l'anglais – la teneur officielle de leur relation n'était plus un secret pour personne à présent, mais il leur portait bien trop de respect pour agir complètement comme s'il était chez lui. Alignant quelques pas à travers le couloir, il descendit les escaliers et fut surpris de tomber sur une Maisie déjà debout elle aussi dans une pénombre quasi totale. « Salut. » « Oh, salut Maisie. » S'il ne s'attendait pas à avoir de la compagnie de si bon matin, cette idée était tout sauf pour lui déplaire. Maisie n'avait pas manqué de lui faire très bonne impression dès leur première rencontre, et ça n'était pas uniquement parce qu'elle avait paru particulièrement enthousiaste de faire sa connaissance. S'il avait d'abord mis ses élans démonstratifs sur le compte d'une curiosité touchante, Rory avait mis plus de temps à songer que ça pouvait avoir un rapport avec son métier. Cette idée l'amusait toutefois : du moment qu'il lui paraissait assez accessible pour que Maisie se comporte avec lui comme avec n'importe qui d'autre, ça n'avait pas grande importance qu'il porte l'étiquette acteur en plus de l'étiquette petit-ami de Swann et colocataire à mi-temps. « Je t’ai réveillé ? » Percevant l'inquiétude dans sa voix, Rory s'approcha de quelques pas et s'adressa à elle dans un sourire rassurant. « Oh non, pas du tout. J'ai ouvert les yeux il y a plus d'une heure et impossible après ça de m'en rendormir. J'ai toujours eu le sommeil léger. » Et à défaut de passer une heure à fixer le plafond de la chambre, ce temps lui avait paru bien mieux employé s'il le passait à veiller sur le sommeil de Swann. Mais parce que ça aurait sans doute eu quelque chose d'un peu étrange de le fixer en silence comme s'il pouvait lui arriver quoi que ce soit – promis, il cesserait un jour de s'inquiéter – il s'était dit qu'il se rendrait sûrement plus utile en descendant voir si un peu de vaisselle n'attendait pas dans l'évier de la cuisine ou si un brin de ménage ne devait pas être fait dans le salon. Pas particulièrement maniaque le reste du temps, Rory avait à cœur d'aider à garder cet endroit propre, reconnaissant envers Maisie et les autres de l'y avoir fait une place. « Tu es matinale. Tu as bien dormi ? » Il questionna à son tour dans un sourire chaleureux, songeant que Maisie semblait être là depuis un petit moment, seule, dans ce rez-de-chaussée peu éclairé et quasiment silencieux. Peut être avait-elle simplement l'habitude de se lever aux aurores, ou peut être était-elle elle aussi tombée du lit. « Il y a du café dans la cuisine, si tu veux. » Oh, oui, c'était comme si elle lisait dans ses pensées. La dernière chose dont Rory était normalement capable c'était de tenir une conversation avant d'avoir avalé une tasse de café, c'était presque un miracle s'il était parvenu jusqu'ici à aligner plus de trois mots. « Merci, je crois que ce sera pas de refus. » Et puisqu'ils étaient debout tous les deux et que sa présence ne semblait pas importuner Maisie – ou bien ne lui avait-elle simplement pas encore fait remarquer – il pouvait bien lui tenir un peu compagnie en attendant que Swann se réveille et le reste de la colocation avec. Empruntant le chemin de la cuisine, il y retrouva les quelques réflexes qu'il avait acquis à force de passer du temps entre ces murs et sortit une tasse d'un des placards. Constatant qu'une autre trônait sur la table, visiblement utilisée il y a peu, Rory retrouva le regard de Maisie au moment de remplir la sienne de café. « Je te ressers ? » S'il avait eu la moindre idée qu'elle avait déjà avalé plusieurs cafés avant qu'il ne la rejoigne, probablement qu'il aurait hésité à lui poser la question.

Mais Maisie paraissait calme, presque en retrait, se faufilant d'une pièce à l'autre comme un félin habile qui se glissait dans votre dos en silence. Alors Rory ne perçut pas immédiatement l'anxiété qui était la sienne dans la première question qu'elle lui posa, quand bien même il put lire dans son regard qu'elle semblait lui tenir à cœur. « Rory, je peux te demander quelque chose ? » Se retournant pour lui faire complètement face, il s'adossa contre le plan de travail et hocha doucement la tête. « Bien sûr, oui. » Et parce qu'il ne voulait pas qu'elle hésite plus généralement à lui poser toutes les questions qui pourraient lui passer par la tête – le risque pour que l'une d'elles l'embarrasse étant maigre – il reprit. « Tout va bien, j'espère. » Il n'avait pas de raison d'en douter il y a encore une minute mais à présent quelque chose dans l'expression de Maisie l'interpellait. Une expression qui lui rappelait un peu celle de sa sœur cadette, chaque fois qu'ils avaient une discussion sérieuse et qu'ils se parlaient à cœur ouvert. Maisie devait être à peine plus jeune que Wendy, maintenant qu'il y réfléchissait. « C’est à propos de Swann, tu as le droit de ne pas vouloir que j’en parle. » Instinctivement, son sourire s'étira plus doucement, comme la seule mention du nom de l'anglais savait toujours le faire. Si elle voulait lui parler de Swann, alors il n'y avait aucune raison pour qu'il y ait quoi que ce soit de grave, n'est-ce pas ? « Swann et moi n'avons de secret pour personne, tu sais. » Il assura avec sincérité, pour qu'elle ne nourrisse pas l'impression d'empiéter sur leur intimité sous prétexte qu'il était son petit-ami. Il y a encore quelques années beaucoup de choses ne pouvaient être dites et partagées même avec leur entourage proche, mais aujourd'hui tout était différent et leur bonheur n'avait plus la moindre raison d'être vécu caché. Les rares sujets qui ne regardaient que son petit-ami et lui n'étaient simplement évoqués auprès de personne, ça n'avait rien à voir avec Maisie. « Alors quoi que tu t'apprêtes à me demander, je suis à peu près sûr que ça me dérangera pas du tout d'en parler avec toi. » Elle était charmante, Maisie, et elle y mettait en plus de ça suffisamment les formes pour qu'il n'ait pas envie de lui en vouloir quand bien même sa question s'avérerait indiscrète. « Et c’est à propos de son frère. » « Oh. » Bien sûr, il n'y avait probablement pas de sujet plus sensible que Matt depuis le décès de ce dernier et le déni dans lequel Swann s'était retrouvé piégé bien malgré lui. Tout à coup, Rory comprenait que Maisie ait amené le sujet avec pudeur et lui en était même au fond de lui reconnaissant. « Je ne crois pas que Swann nous en voudrait d'avoir cette conversation, si ça peut te rassurer. » Il en était même sûr, quand bien même lui se montrait toujours prudent lorsqu'il effleurait le sujet avec son petit-ami et s'assurait simplement qu'il lui soit possible de faire son deuil sans qu'il ne pense devoir garder ses ressentis pour lui. Parler de Matt ne deviendrait jamais un tabou, mais ça n'était pas à lui de ramener constamment son souvenir et il respectait plus que tout que Swann puisse avoir besoin de gérer les choses à sa manière, et à son rythme. Il était là pour lui à tout instant, qu'il ait ou non besoin d'extérioriser les choses. « Je sais que ça a du être difficile pour toi de savoir comment réagir face à tout ça lorsqu'il n'avait lui-même pas conscience de ce qui s'était passé. » Lorsque Swann n'avait pas encore accepté la mort de son frère et avait passé plusieurs mois à nier tout élément pouvant pointer dans cette direction. « Tout comme je sais combien tu as du te sentir impuissante de pas savoir comment l'aider sans le forcer à accepter une réalité pour laquelle il était pas encore prêt. » En vivant avec Swann, elle s'était sans doute mainte fois demandée ce qu'elle pouvait faire pour lui et s'il y avait seulement quelque chose à faire, en soi. Oui, ça il ne pouvait que trop bien l'imaginer. « Je suis passé par là. » Il confia dans un souffle, et parce que lui-même avait été témoin de cet état de déni qu'il ne se sentirait en aucun cas permis de briser mais qui l'avait bouleversé tout autant que si Swann avait accepté le décès de Matt dès le départ. Parce que tout ce qu'il pouvait faire, c'était être présent pour lui en attendant le jour où il comprendrait tout et expérimenterait la vraie douleur de cette incommensurable perte. Il l'avait attendu autant qu'il l'avait redouté. « Dis-moi ce qui te tracasse. Ça sortira pas d'ici si tu en as pas envie. » C'était une promesse, personne n'avait même à savoir qu'elle s'était adressée à lui et c'était bien là l'une des seules conditions auxquelles il accepterait de garder le silence même auprès de Swann. Parce qu'il savait qu'il ne trahirait pas Maisie dans la même situation et qu'il serait le premier à le comprendre.

Je suis désolée pour Rory que mon intérêt à l’interpeller ne soit pas uniquement dû à la joie de le côtoyer. Bien sûr, je l’apprécie – et j’essaie vraiment de mettre de côté mon côté groupie qu’il a eu l’honneur de découvrir durant nos premiers échanges, mais à cet instant, la raison derrière mon geste est égoïste. Si dans un premier temps c’est bien mon inquiétude pour Swann qui dicte ma conduite, la problématique sous-jacente vise Aiden et le sentiment de culpabilité qui naît en moi à l’idée de confronter son agente. Je ne suis pas sûre que ce soit la chose à faire (j’en suis même convaincue) et je crois qu’au fond, j’ai surtout besoin de repousser le moment du mieux que je le peux, même si ce n’est qu’une histoire de minutes. Swann n’est pourtant pas une excuse et l’état de mon colocataire me tient à cœur, principalement parce que rien ne semble avoir changé malgré la perte de son frère. Ou plutôt, si, c’est dans la manière dont il agit exactement de la même façon que je réalise que quelque chose a changé en lui. Je sais que le deuil n’est pas un concours, que la douleur de la perte n’est pas proportionnelle aux litres de larmes versées, mais Swann me semble impassible, à distance, peu concerné par ce drame. Peut-être devrais-je m’en réjouir, me dire qu’il s’agit-là d’une façon pour lui de continuer sa vie malgré la terrible épreuve qui le touche ; mais personne ne réagit de manière aussi neutre à un décès, encore moins quelqu’un d’aussi près de ses émotions que Swann. Pourtant, il les a verrouillées, comme il semble avoir renié l’information du décès de Matt ; et je m’inquiète car loin d’y voir une stratégie un peu bancale qui pourrait néanmoins lui convenir, il s’agit surtout d’une bombe à retardement que je ne veux, égoïstement, pas voir exploser. Ou, au moins, dans des conditions sécurisées et certainement pas au-delà de ma surveillance, de celle de Sofia et, surtout, de celle de Rory. Alors oui, peut-être que mon intérêt pour Swann est, ce matin, poussé par un raisonnement égoïste et il ne l’aurait pas été à d’autres moments. Mais c’est bien ça le problème, le moment ne s’est jamais présenté d’être seule avec Rory et, bien trop réservée pour oser lui demander une rencontre tous les deux, je n’ai qu’attendu de saisir la meilleure opportunité, qui semble être celle de ce matin. Dans tous les cas, il existe une certitude, celle qui consiste à demander le soutien de Rory, un besoin qui se serait exprimé, peu importe les circonstances. Celles d’aujourd’hui ne sont pas représentatives de ma manière de faire, certes, mais néanmoins cohérentes avec l’inquiétude que je ressens pour Swann.

« Oh, salut Maisie. » Bien que mes intentions soient très sérieuses, je ne peux m’empêcher d’être intimidée et de pincer les lèvres dès que Rory s’adresse à moi. C’est ridicule, je le sais bien, il est un être humain comme tous les autres, mais il continue de m’impressionner malgré nos échanges qui m’ont permis d’être un peu plus à l’aise. La stratégie de l’imaginer nu ou sur le trône (ne lui le répétez pas) m’a permis de me détendre un peu quant au fait qu’il est un être humain comme les autres et que je dois garder cela en tête, plutôt que de le voir comme l’acteur à succès qu’il est, impressionnant et intimidant. J’essaie d’être plus naturelle, mais mes vieilles habitudes reviennent souvent au galop et si je ne me serais pas souciée de réveiller d’autres invités, je suis tout de suite plus gênée quand il s’agit de Rory Craine. Qui n’est qu’un être humain, je me répète dans ma tête, une leçon qui, je le jure, commence à être apprise malgré quelques retours en arrière occasionnels. « Oh non, pas du tout. J'ai ouvert les yeux il y a plus d'une heure et impossible après ça de m'en rendormir. J'ai toujours eu le sommeil léger. » Je devrais m’inquiéter de cette information, m’assurer qu’il parvient à avoir sa dose quotidienne de sommeil ou, au moins, à tenir durant ses longues journées sans trop subir le contrecoup de nuits trop courtes. Au lieu de ça, je ne pense que penser au fait que de telles rencontres nocturnes peuvent être amenées à se répéter, parce que mon rythme de vie, entre le cinéma et les concerts de mon groupe, m’impose un rythme décalé qui semble similaire à celui d’un Rory au sommeil léger. Merde alors. Il est gentil, Rory, évidemment, mais... merde quand même, alors que je sens mes joues rougir et tout mon être se fragiliser dès que je me trouve si près de lui. Il n’y a rien à y voir, autre que le fait d’avoir une célébrité dans sa cuisine et j’ai menti, plus haut, je crois que, finalement, ces retours en arrière seront persistants. « T’as quand même une belle gueule pour quelqu’un qui dort peu, c’est agaçant. » Je souligne avec un rire qui devient très vite gêné en me rendant compte de ce que je viens de dire. Je pourrais me confondre en excuses, mais eh, au final, ce n’est que la vérité : Rory a une belle gueule et il s’en sort bien mieux que le commun des mortels avec leurs trois kilomètres de cernes sous les yeux. Maintenant, de là à insister sur cette « qualité », je ne suis pas assez à l’aise pour ça, et je préfère qu’on (c’est-à-dire d’un accord unilatéral avec moi-même) oublie ce que je viens de dire. « Tu es matinale. Tu as bien dormi ? » Je secoue la tête par l’affirmative avant de confirmer : « Oui, j’ai juste des trucs à faire ce matin. » Des trucs qui impliquent Aiden, qu’il connaît, mais une chose à la fois : il n’est pas le babysitter de mon ami et, de toute évidence, si je dois user des connaissances de Rory concernant mes proches, c’est avant tout à Swann que je pense. Consciente que je ne peux pas le noyer sous les questions et mon inquiétude sans qu’il soit un minimum réveillé et en mesure de suivre la conversation, je l’invite à se servir en café. « Merci, je crois que ce sera pas de refus. » Sur ses pas, je le suis et me veut hésitante un instant lorsqu’il me demande « Je te ressers ? » avant de secouer la tête. « Oui, s’il te plaît. » C’est une mauvaise idée autant qu’une excellente, je vais faire grimper mon excitation et mon rythme cardiaque, suffisamment pour parvenir à tenir tête à cette Halston ou, s’il daigne se souvenir de mon existence, Aiden. Avec un peu de chance, je pourrais même botter son cul, alors oui, Rory, je vais encore prendre une tasse et peut-être même une dernière au moment de partir.

Pour l’heure, il est néanmoins grand temps de passer au sujet qui me préoccupe. Je sais que je devrais être plus délicate, attendre que ses yeux se décollent et qu’il sache quel jour nous sommes, d’être plus subtile en faisant d’abord la conversation pour ne pas paraître intéressée, mais la vérité, c’est que je le suis. Et ce serait aussi insultant qu’une perte de temps de présumer le contraire ; j’imagine que Rory ne m’en voudra pas puisqu’il a très probablement l’intérêt de Swann encore bien plus à cœur que moi. « Bien sûr, oui. » Il est réceptif et c’est déjà un certain poids qu’il m’ôte des épaules. Maintenant, quant à savoir comment formuler les choses, c’en est un autre que je m’ajoute. « Tout va bien, j'espère. » J’écarquille légèrement les yeux, surprise de son intérêt alors que, dans le fond, on ne se connaît pas vraiment lui et moi et qu’il n’a même pas à être soucieux de la sorte. « Oh, oui, oui, tout va bien. » Je confirme, avec un léger sourire ; le « souci » si j’ose dire, ne vient pas de moi. Il ne vient pas plus de Swann, en réalité, car il ne s’agit à aucun moment d’un souci au sens premier du terme. Je mentionne d’ailleurs qu’il s’agit de mon colocataire, de son petit ami, afin qu’il soit au courant de la gêne que cela me provoque, de façon qu’il se donne le droit de mettre un terme à la discussion au plus vite, en comprenant qu’elle va se faire au détriment du principal concerné. « Swann et moi n'avons de secret pour personne, tu sais. » Ça me surprend, je dois dire. Probablement parce que je n’ai jamais eu une relation aussi fusionnelle pour en arriver à un tel constat que parce que j’ai passé une grande partie de ma vie à mentir ; mais cette confiance qui existe entre tous les deux est touchante, autant qu’elle me rend presque jalouse. Mais le sujet n’est pas à mes états d’âme. J’apprécie la sincérité de Rory autant que sa délicatesse, mais il ne sait pas encore ce que j’ai en tête. Le sujet sera dur et intime, je dois l’admettre. « Alors quoi que tu t'apprêtes à me demander, je suis à peu près sûr que ça me dérangera pas du tout d'en parler avec toi. » J’affiche néanmoins un sourire reconnaissant en murmurant un « d’accord » peu assuré alors que j’ai toujours peur de mettre les pieds dans le plat. Une dernière précision me semble nécessaire, concernant le fait que l’intimité du sujet se rapporte à son frère. « Oh. » Voilà, il regrette, Rory, n’est-ce pas ? Bien sûr qu’il ne fallait pas me donner carte blanche, car si les rôles étaient inversés, je ne suis pas sûre que j’apprécierais que deux proches discutent de mon cas. « Je ne crois pas que Swann nous en voudrait d'avoir cette conversation, si ça peut te rassurer. » « Il est trop gentil pour ça. » Je réplique aussitôt avant de me pincer les lèvres face à la brutalité de mon affirmation, qui me semble pourtant tout à fait justifiée. Swann est trop gentil et s’il avait vent de mes inquiétudes et de ma manière de les atténuer, il ne m’en voudrait pas, pas officiellement du moins. Mais je n’oublie pas que Rory le connaît bien mieux que moi et qu’en ce sens, je peux accorder du crédit à ses mots, suffisamment pour être rassurée. « Je sais que ça a du être difficile pour toi de savoir comment réagir face à tout ça lorsqu'il n'avait lui-même pas conscience de ce qui s'était passé. » Et je lui suis tout autant reconnaissante de m’ôter les mots de la bouche, m’évitant ainsi de formuler ce que j’ai en tête de manière maladroite. « Tout comme je sais combien tu as du te sentir impuissante de pas savoir comment l'aider sans le forcer à accepter une réalité pour laquelle il était pas encore prêt. » Il touche juste, Rory, si juste qu’il ne me paraît plus difficile d’évoquer le sujet, puisque la majorité de mon inquiétude a déjà été verbalisée. « Je suis passé par là. » « Je suis désolée. » Je crois qu’à défaut de pouvoir exprimer mes sympathies à Swann sans prendre le risque de l’agacer, je le fais à l’égard de Rory. Désolée qu’il soit passé par cette posture difficile qui est celle de l’accompagnant, de ce rôle qui implique une terrible impuissance. « Dis-moi ce qui te tracasse. Ça sortira pas d'ici si tu en as pas envie. » « C’est pas... forcément confidentiel. » Je précise, pour le délirer du secret : il n’a aucun secret avec Swann et je ne veux pas commencer à en créer entre eux simplement parce qu’il veut m’être loyal. « Et tu as plutôt bien résumé ce qui me tracasse. » J’avoue, avec un rire nerveux. « Je ne sais pas comment m’y prendre. » Que j’admets, mal à l’aise. « J’ai jamais été confronté à un deuil, de près ou de loin. » Pas au sens premier du terme, du moins. J’en ai fait, des deuils symboliques, de mon père à des amitiés qui m’étaient chères, mais je n’ai jamais eu à mettre en terre quelqu’un. Ou, du moins, je n’y ai jamais assisté. Il y a bien quelques connaissances dans le milieu hospitalier qui ne sont plus, mais j’ai choisi de l’ignorer pour ne pas me confronter à ma propre situation. J’en porterai les regrets, un jour, sûrement, mais pou l'instant je comprends le déni de Swann. « Je voudrais être là pour lui, mais... j’ai toujours peur de le regarder... avec pitié ? D’être trop chiante à m’inquiéter de la sorte ? De mal agir et de lui donner envie de s’énerver ? » Il voit ce que je veux dire, Rory, pas vrai ? « Je voudrais qu’il sache que je suis là, je voudrais l’aider, mais je m’y prends comme un manche. » Alors à défaut, j’ai décidé d’agir comme lui ; de faire comme si cet événement n’avait pas existé, de ne jamais en parler, de ne jamais m’y intéresser, alors que je n’arrête pas de me demander comment je pourrais lui changer les idées, comment je peux être présente sans être collante, comment je peux l’aider sans agir par pitié. « Tu le connais mieux que moi et je me disais que, peut-être, tu aurais... des conseils ? » Ce n’est pas le mot adapté, je m’en rends vite compte. « Je veux dire, je sais qu’il y a pas de solution miracle dans une telle situation, mais juste... comment faire au mieux, tu vois ? » Et j’ai l’impression de m’enfoncer plus que de raison, ainsi je porte ma tasse à mes lèvres pour apprendre à me taire – enfin.

@Rory Craine

london thunder.

@MAISIE MORIARTY & RORY

Matinal, Rory l'avait toujours été. Il était simplement rare de le voir quitter les bras de Swann avant que l'anglais se soit éveillé à son tour, ce qui ce matin n'arriverait sûrement pas avant encore deux bonnes heures – la faute à une horloge interne capricieuse qui lui avait valu d'ouvrir un œil encore plus tôt que d'habitude, alors que dehors la pénombre régnait encore. Avoir de la compagnie à cette heure lui paraissait donc compromis lorsqu'il avait quitté la chambre de l'anglais à pas de loup pour s'assurer qu'il se repose encore un moment, pourtant la présence de Maisie au rez-de-chaussée eut tout d'une bonne surprise. Ça l'était toujours de pouvoir passer un moment avec la jeune femme, même lorsqu'il n'avait pas encore complètement émergé – tout irait mieux une fois son premier café de la journée avalé – et qu'elle semblait déjà bien plus réveillée que lui. « T’as quand même une belle gueule pour quelqu’un qui dort peu, c’est agaçant. » C'est un rire de surprise qu'il expulsa, une pointe de rouge lui montant légèrement aux joues face au constat qu'il ne s'attendait effectivement pas à un tel compliment. Non pas que Maisie n'était pas une jeune femme charmante et agréable, loin de là, mais il ne s'attendait pas à ce qu'elle souligne qu'il avait bonne mine – ou laisse même clairement entendre qu'il avait une belle gueule au détour de cette rencontre déjà inattendue compte tenu de l'heure. Ça n'avait bien évidemment rien de déplaisant, et il ne le prenait pas non plus comme autre chose qu'un compliment tout à fait désintéressé, mais ça avait le mérite de briser la glace sur une note amusante. « Oh et bien, je suis sûr que les maquilleuses qui s'occupent de moi pendant mes jours de tournage ne seraient pas d'accord avec toi. » Il glissa ainsi sur le même ton, sous-entendant qu'il avait pendant ces périodes l'habitude d'enchaîner les courtes nuits pas toujours réparatrices. Heureusement les fins de semaine étaient généralement bien plus reposantes et le rythme qu'il s'imposait pendant un tournage tendait à beaucoup s'affaiblir entre deux projets. L'occasion d'occuper son temps à d'autres choses, et de le passer avec les personnes qu'il aimait. Avec Swann, à nouveau, pour son plus grand bonheur. « Mais merci, c'est gentil. Je suis content de pas t'avoir effrayé. » En apparaissant tout à coup dans l'escalier ou avec sa mine de type qui venait tout juste de se lever, comme le laissa entendre le sourire amusé au coin de ses lèvres. Maisie était d'une compagnie plaisante et il s'en serait voulu si pour une raison ou pour une autre il avait du l'incommoder en la rejoignant de si bonne heure, elle qui ne semblait pas avoir renoncé au confort de son lit par accident comme c'était son cas. « Oui, j’ai juste des trucs à faire ce matin. » Il ne pousserait pas la curiosité jusqu'à lui demander quelles choses, songeant que ça ne le regardait pas. Il avait beau considérer la jeune femme comme une amie – d'autant plus alors qu'elle était la colocataire de Swann et quelqu'un que l'anglais appréciait lui aussi beaucoup – il ne se sentait pas le droit de réclamer plus d'explications. « D'accord. Si pour une raison ou pour une autre t'avais besoin d'un coup de main, n'hésite pas. » Il était réveillé lui aussi alors autant qu'il lui soit utile s'il y avait quoi que ce soit qu'il puisse faire. Rory la connaissait maintenant assez pour savoir que ce n'était sûrement pas le cas et que Maisie saurait certainement se débrouiller seule, mais c'était sa manière de se montrer accessible et de lui rappeler qu'il n'était pas un acteur lorsqu'il était ici, simplement quelqu'un à qui elle pouvait s'adresser de la même manière que les autres et qui serait toujours ravi de lui donner un coup de main. « Oui, s’il te plaît. » C'est doucement qu'il aligna quelques pas jusqu'à la table et dans un sourire qu'il remplit leurs deux tasses de café, content de pouvoir éterniser cet échange avec la brune avant qu'ils ne trouvent sans doute l'un et l'autre mille façons d'occuper les heures qu'ils avaient devant eux. Les moments où ils pouvaient discuter rien qu'elle et lui étaient assez rares pour que l'australien les apprécient d'autant plus.

Rapidement, pourtant, Rory comprit que quelque chose tracassait la jeune femme. Que du moins qu'il y avait une chose qu'elle éprouvait l'envie de lui demander et que ça n'avait sans doute pas de rapport avec le café si elle prenait autant de précautions. « Oh, oui, oui, tout va bien. » C'était déjà une nouvelle rassurante, la première chose que Rory avait redouté étant que Maisie ait des problèmes. Que ce ne soit pas le cas était une bonne chose, la légère gêne qu'elle semblait éprouver étant peut être simplement due au fait qu'il s'agisse d'un sujet relativement personnel qu'il ne lui était pas si facile d'évoquer en sa présence. Ou dans l'hypothèse où elle craindrait de se montrer indiscrète, il s'assura que Maisie sache qu'il y avait très peu de risques qu'elle le soit effectivement. « D’accord. » Ses doutes se confirmèrent à moitié lorsqu'elle évoqua Swann et s'il ne put retenir le sourire qui étira ses lèvres, Rory ne put pas non plus s'empêcher de se montrer à nouveau rassurant. A la façon dont Maisie effleurait le sujet, elle semblait redouter de mal faire en mentionnant son petit-ami avec qui les choses étaient enfin officielles depuis peu. Mais ni Swann ni lui ne voudrait qu'elle prenne des pincettes ou ne se pense pas en droit de lui poser la moindre question qui touche de près ou de loin à leur couple, qui plus est alors qu'ils partageaient le même toit plusieurs jours par semaine et que Rory lui était aussi reconnaissant qu'à Sofia de l'avoir toujours accueilli ici comme s'il était chez lui. La mention de Matt, elle, valut cette fois à son cœur de se serrer dans sa poitrine. Le souvenir du jeune homme restait douloureux plusieurs mois après son décès et les choses s'étaient voulues plus compliquées encore lorsque Swann ne prenait pas lui-même la pleine mesure de la situation. S'étaient passées plusieurs semaines, plusieurs mois avant qu'il ne réalise enfin pour la mort de son frère, et tout s'était pour Rory à ce moment-là confondu dans un mélange de soulagement et d'une insupportable tristesse : celle de voir souffrir l'homme qu'il aimait. « Il est trop gentil pour ça. » Oh oui, c'était là un mot qui sans l'ombre d'un doute caractérisait Swann. « C'est vrai. Et je sais aussi qu'il t'apprécie beaucoup. » Il assura dans un sourire, parce que si l'immense gentillesse et la bonté d'âme de son petit-ami étaient toutes deux avérées depuis bien longtemps – et deux des raisons pour lesquelles il n'avait pu qu'en tomber amoureux – Rory n'avait pas le moindre doute sur le fait que ce détail-là aussi pèserait dans la balance. Aussi vrai qu'il était presque impossible de ne pas apprécier l'anglais, Swann s'attachait très facilement aux autres mais son amitié, pourtant, n'était jamais donnée à la légère. Rory le voyait à l’œuvre avec ses amis, toujours si soucieux et dévoué, et la première de ses pensées était toujours que même aussi amoureux qu'il l'avait toujours été de lui, il aurait certainement su s’accommoder à la longue de n'être qu'un ami à ses yeux si ses sentiments avaient du ne jamais être partagés. Simplement parce que ça aurait été plus supportable que de ne pas l'avoir du tout dans sa vie. Mais par chance c'est bien d'un amour indéfectible dont ils étaient animés depuis des années et en sa qualité de petit-ami qu'il était heureux de pouvoir accueillir les confessions de Maisie. Le sujet n'était certainement évident à évoquer ni pour elle ni pour lui, mais sa détresse l'interpellait et la première chose qu'il pouvait voir, c'était qu'elle s'inquiétait sincèrement pour Swann. « Je suis désolée. » Rory secoua doucement la tête. « Ne le sois pas. Il n'y a rien que je souhaitais plus que d'être auprès de lui dans ces moments-là. Il en aurait fait autant pour moi. » Parce qu'ils s'aimaient dans les moments heureux mais aussi lorsque la vie dressait les pires épreuves sur leur chemin. Swann et lui en avaient traversé ensemble autant qu'individuellement et Rory était suffisamment hanté par le souvenir de sa tentative de suicide, survenue durant l'année où ils étaient séparés, pour qu'il ne veuille plus jamais risquer de le laisser affronter quoi que ce soit seul. Il serait près de lui à chaque instant, toujours habité par la certitude que même les moments difficiles en vaudraient toujours la peine. « C’est pas... forcément confidentiel. Et tu as plutôt bien résumé ce qui me tracasse. » Si c'était le cas alors il avait tendance à vouloir s'en réjouir, au moins parce que ça lui rendait peut être les choses un peu plus faciles au moment de lui confier ce qu'elle avait sur le cœur. Rory voulait que Maisie se sente libre de se montrer parfaitement sincère avec lui, rien de ce qu'elle pourrait lui dire ne serait accueilli autrement qu'avec compréhension et une sincère empathie.

« Je ne sais pas comment m’y prendre. » L'écoutant attentivement, Rory posa sur elle un regard qu'il espérait rassurant. « J’ai jamais été confronté à un deuil, de près ou de loin. » Ainsi c'était sans doute pour cette raison qu'elle nourrissait l'impression de ne pas savoir y faire lorsque quelqu'un qui lui était proche affrontait de son coté ce genre d'épreuves. « Je comprends que ça puisse te donner l'impression d'être démunie face à ce qu'il traverse, mais je t'assure que ça ne fait pas de toi quelqu'un de moins légitime pour le soutenir. » Il assura doucement, parce que c'était certainement des mots qu'elle avait besoin d'entendre : Maisie n'avait peut être jamais ressenti de douleur qui s'apparente exactement à celle qu'éprouvait Swann depuis le décès de son frère, mais elle avait assurément elle aussi connu d'autres souffrances, d'autres pertes et d'autres moments difficiles. Qu'elle n'ait jamais du dire adieu à quelqu'un ne voulait pas dire qu'elle aurait tort d'offrir son épaule à Swann ou de lui assurer qu'elle comprenait ce qu'il éprouvait, loin de là. « Je voudrais être là pour lui, mais... j’ai toujours peur de le regarder... avec pitié ? D’être trop chiante à m’inquiéter de la sorte ? De mal agir et de lui donner envie de s’énerver ? » Rory eut un sourire, bienveillant et absolument pas teinté de la moindre moquerie. « Est-ce que tu as déjà eu l'impression qu'il était à deux doigts de s'énerver ? » Oh, elle savait bien pourquoi il lui posait cette question. Swann était l'une des personnes les plus calmes et les plus compréhensives qui puissent exister, il faudrait réellement beaucoup d'efforts pour parvenir à l'irriter alors ça n'était sans doute pas Maisie, qui sans aucun doute était armée des meilleures intentions, qui pourrait y parvenir. « Je suis sûr que ce n'est pas de la pitié qu'il verrait dans ton regard, mais simplement l'inquiétude d'une amie qui se soucie de lui. » Parce que c'était son cas, il lui suffisait de la voir et de l'entendre pour en être certain. Et Rory en était heureux, sincèrement, parce que Swann méritait d'être entouré de personnes aussi prévenantes et bienveillantes que Maisie. Des personnes déterminées à l'entourer même lorsqu'elles ne savaient pas de quelle façon s'y prendre. « Je voudrais qu’il sache que je suis là, je voudrais l’aider, mais je m’y prends comme un manche. » Lui était pourtant convaincu que Swann n'en penserait rien de tel et ne penserait pas un seul instant à lui reprocher son approche, celle-ci ayant au contraire toutes les chances de le toucher. « Je passe encore parfois par les mêmes craintes, quand il regarde au loin et que je me demande s'il est triste et, s'il l'est, comment je peux faire en sorte de l'aider à se sentir mieux. Alors je t'assure que je comprends. » Ces craintes, il les avait encore si souvent qu'il n'osait pas les partager avec Swann de peur qu'il culpabilise ou pire, de réveiller des pensées douloureuses. Alors il enfouissait ça en lui et l'entourait de toute sa chaleur et de tout son amour, au moins assuré que Swann ne serait plus jamais seul et qu'il ferait personnellement tout pour qu'il ait toujours des raisons d'être heureux. « Tu le connais mieux que moi et je me disais que, peut-être, tu aurais... des conseils ? » Son sourire s'adoucit un peu plus. « Je veux dire, je sais qu’il y a pas de solution miracle dans une telle situation, mais juste... comment faire au mieux, tu vois ? » Bien sûr qu'il acceptait de l'aider, quand bien même il ne détenait malheureusement pas la formule qui aiderait à rendre définitivement le sourire à quelqu'un. Bon nombre de ses proches auraient passé une années plus douce, dans le cas contraire. « Tu en fais déjà beaucoup rien qu'en étant là, tu sais. » Il souffla ainsi, parce que ça lui semblait être la première chose que Maisie devait savoir. A défaut d'être un conseil, il espérait que ça l'aiderait à s'accorder tout le crédit qu'elle méritait en étant une amie assurément dévouée au bonheur de l'anglais. « Même si Swann ne l'exprime pas forcément, je sais qu'il a besoin d'être entouré et que cet endroit est important pour lui pour cette raison. Je sais qu'il s'y sent bien, que vous aidez tous à faire qu'il s'y sente bien, et je suis sûr que ça l'aide beaucoup. » En temps normal il ne se serait jamais permis de parler en son nom, mais ici il cherchait à rassurer Maisie sur le rôle qu'elle tenait aux cotés de l'anglais et qui n'était en rien étranger au fait que son moral s'était déjà amélioré depuis quelques semaines. « Ce que je veux dire, c'est qu'à chaque fois que tu te demandes sur quel pied danser avec lui, chaque fois que tu cherches tes mots pour t'adresser à lui, Swann passe probablement un moment agréable sans penser à la mort de son frère. » Parce que ses hésitations n'étaient sans doute pas la chose sur laquelle Swann se concentrait quand ils passaient du temps ensemble, il était même probable qu'il n'y fasse pas du tout attention et se contente d'apprécier la compagnie de la jeune femme à sa juste valeur. Maisie se trouvait peut être maladroite, mais Rory était convaincu qu'elle l'aidait énormément sans même le savoir. « Aider quelqu'un, c'est parfois juste être présent et lui faire sentir que lorsqu'il ressentira le besoin de parler, on sera là pour lui. Le simple fait de lui demander comment il va aidera Swann à voir que tu es là, s'il a un jour besoin de livrer ce qu'il a sur le cœur. » Ça arriverait, ou peut être pas, mais dans dans tous les cas Maisie aurait fait exactement ce qu'il fallait en se montrant ouverte à une conversation avec lui. Baissant un instant les yeux, une émotion plus grande au fond du cœur, Rory reprit. « Swann souffre, mais je sais qu'il fera tout pour éviter qu'on le voit dans les moments les plus difficiles. Ce qu'il a sûrement besoin d'entendre, c'est qu'il a le droit d'en parler, le droit d'évacuer sa tristesse lorsqu'il en a le besoin. » Rory aimait absolument tout chez Swann, y compris la pudeur dont il faisait parfois preuve vis à vis de ses sentiments. Moins avec lui qu'avec les autres, c'est vrai, mais parler de ce qui l'affectait restait moins évident pour l'anglais parce qu'il devait sans doute penser qu'il l'ennuierait ou l'attristerait en faisant. Et puis, Swann avait appris à faire le moins de vagues possibles et Rory savait qu'il pensait encore parfois devoir se faire le plus petit possible pour satisfaire ses proches. « Je suis désolé si tout ça sonne pas vraiment comme des conseils, mais j'ai le sentiment que tu te sous-estimes quand tu dis ne pas savoir faire face à tout ça. » Et il n'y avait évidemment pas l'ombre d'un jugement là-dessous. Il était juste temps que quelqu'un l'aide à faire preuve de plus d'indulgence à son égard. « Tu es une bonne amie, Maisie. J'espère qu'on te l'a déjà fait remarquer. » Il assura dans un sourire sincère, persuadé que c'était là une chose sur laquelle Swann et lui ne pourraient là encore que s'accorder.

Je m’en veux aussitôt les mots prononcés, me permettant une familiarité que Rory n’accepte peut-être pas. S’il est vrai qu’à force de le croiser dans ma cuisine j’ai appris à me faire une idée de son caractère et à supposer qu’il ne me remettra pas à ma place pour cette réflexion spontanée, je ne veux néanmoins pas le mettre mal à l’aise – d’autant plus s’il n’est pas du genre à le faire savoir. Il est le copain de mon colocataire, pas mon ami, et je dois me passer de telles réflexions. Je sais que j’ai tendance à être trop chaleureuse avec les autres, même nouvellement rencontrés, et je note mentalement de tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler (ce serait vraiment une bonne idée, vu le nombre de malaise que je peux provoquer, si vous voulez mon avis). « Oh et bien, je suis sûr que les maquilleuses qui s'occupent de moi pendant mes jours de tournage ne seraient pas d'accord avec toi. » Je roule légèrement les yeux face à cette réflexion et je me fais une autre note mentale : essayer de cacher mes expressions, surtout comme celles-ci, qui peuvent être vues comme provocatrices et insultantes. Ce n’est pas le but ; néanmoins je suis effectivement légèrement agacée par Rory, que je range aussitôt dans la catégorie des gens beaux qui l’ignorent et c’est rageant, pour les gens comme moi, qui ne cessent de se comparer aux autres et dont l’image est particulièrement faussée (au moins, j’en ai conscience, yeah, mon psy dirait que c’est un bon pas vers la guérison). « Oui, je suis sûre qu’elles doivent atrocement souffrir de t’avoir sur leur chaise. » Quelle dérangeante première vue au réveil, ohlala, sortez-moi ce zombie de cette pièce ! Réalisant néanmoins que mes mots ont encore une fois dépassé mes pensées, le gênant probablement, je m’apprête à m’excuser quand il reprend : « Mais merci, c'est gentil. Je suis content de pas t'avoir effrayé. » Il me donne une occasion en or d’orienter la conversation et de ne pas continuer dans ms compliments qui n’en sont pas vraiment, on ne sait pas trop, au final. « T’inquiète, après avoir croisé Sofia au réveil, j’ai plus peur de rien. » Je suis désolée pour ma colocataire dont les oreilles doivent peut-être siffler, d’autant que le problème réside dans le fait qu’elle est douce et mignonne dès le réveil. Je la range dans la même catégorie que Rory, ces gens sont agaçants, grrr. Car outre la belle gueule, je peux sans surprise rajouter la gentillesse au palmarès de Rory. Je n’en doutais pas, mais il le confirme à nouveau en me proposant son aide. « D'accord. Si pour une raison ou pour une autre t'avais besoin d'un coup de main, n'hésite pas. » Je secoue légèrement la tête. « C’est gentil. » L’offre est entendue, mais pas acceptée dans l’immédiat. Un jour, peut-être, si vraiment je n’arrive pas à botter le cul d’Aiden comme il le faut ; Rory a sûrement plus de force que moi, suffisamment pour l’envoyer sur une autre planète le temps qu’il se remette les idées en place. Ouais, je peux toujours rêver, hm.

Si concernant ce sujet-là, Rory n’est pas en mesure de m’apporter son aide (pour l’heure), pour celui estampillé Swann Buchanan, il est la personne idéale – au détriment de mon colocataire. C’est cette pensée qui me rend hésitante, principalement parce que je n’ai pas envie de mêler Rory à mes interrogations, dans le dos de Swann et d’être à l’origine du moindre remous entre eux. Ils sont couple goals (quoi qu’un peu niais – mais c’est la célibataire éternelle que je suis qui parle, pardonnez-moi) et je n’ai pas envie de mettre cela à mal. Je ne me donne pas une importance que je n possède pas, mais si les rôles étaient inversés, je ne suis pas certaine que j’apprécierais que ma moitié parle de mon cas à mon colocataire, dans mon dos. Mais si je pose la situation, est-ce que j’ai d’autres solutions ? Continuer d’ignorer le décès de Matt pour ne pas brusquer Swann me donne le mauvais rôle, être sur son dos en lui imposant de se confier ou de me dire ce que je peux faire aussi. Il sera agacé par mon attitude quoi qu’elle puisse être ; autant lui donner de vraies raisons de m’en vouloir, quand bien même Swann est trop gentil pour se vexer ou me disputer. Sauf que je ne veux pas non plus que Swann se force à accepter mes manigances sous prétexte qu’élever la voix ne lui ressemble pas. Je tourne et retourne les éléments dans tous les sens pour toujours en arriver à la même conclusion : il n’y a pas de parfaite solution. Alors faire appel à Rory est seulement la moins pire de toutes, dans un sens, parce qu’il connaît Swann comme personne, parce qu’il est le seul qui peut m’offrir des miettes de réponses. « C'est vrai. Et je sais aussi qu'il t'apprécie beaucoup. » « Il changera d’avis. » Je réponds aussitôt, car si ce n’est pas à cause de ma curiosité liée à la « bonne » manière de lui venir en aide, c’est lorsqu’il prendra conscience de toutes les difficultés que j’impose à mes colocataires, à commencer par la présence quasiment quotidienne de Llewyn. Je ne vois pas mon frère comme un problème (pas toujours, même si j’ai terriblement honte de cette pensée), mais je peux comprendre que d’autres le perçoivent ainsi, surtout quand ils n’ont pas demandé à jouer aux parents de substitution d’un gosse à la mère démissionnaire. Et encore, je ne parle pas du reste, des magouilles dans lesquelles je me fourre volontairement ou non, de la surveillance constante dont je peux faire l’objet, des mauvaises décisions qui peuvent amener les mauvaises personnes sur le pas de la porte – et j’oublie tout le reste, aussi.

Alors il changera d’avis, plus tard ou maintenant, en découvrant que j’ai parlé de lui – malgré toute la gentillesse dont il peut faire preuve. Il y a donc un crescendo agréable quand Rory évoque d’abord sa propre situation et l’impuissance qu’il a pu ressentir face à la détresse de l’anglais, qui soulage mon cœur autant qu’il ne l’alourdit. Je suis désolée pour l’un comme pour l’autre, qu’ils vivent cette situation, principal concerné comme dommage collatéral, mais je ne peux mentir et dire que ça ne me fait rien que Rory comprenne où je veux en venir. « Ne le sois pas. Il n'y a rien que je souhaitais plus que d'être auprès de lui dans ces moments-là. Il en aurait fait autant pour moi. » J’acquiesce silencieusement en guise de confirmation. Je n’ai pas besoin de connaître Swann depuis des années pour donner raison à Rory ; évidemment qu’il aurait fait la même chose. « Il a de la chance de t’avoir. » Je me demande ce que ça fait, d’avoir quelqu’un en qui on peut avoir une confiance aveugle. Quelqu’un qui sera toujours là, sans forcément avoir les bons mots, mais dont la présence sera garantie. Quelqu’un qui devient la réponse à toutes les questions, le pansement à tous les maux. Ils sont niais, oui, ils sont beaux, surtout, Rory et Swann, dans leur amour aussi pur qu’intense et je ne mens pas, quand je souligne que je suis heureuse qu’ils puissent compter l’un sur l’autre. Je ne mens pas non plus quand j’avoue que je ne sais pas comment m’y prendre. C’est maladroit, c’est certain, parce qu’on dirait que je parle d’une télécommande que je ne sais pas utiliser, mais c’est sincère. Je le dis à Rory, je suis dans l’inconnu concernant le deuil. Je n’ai jamais perdu quelqu’un et même si j’en ai parfois l’impression avec certains de mes proches, ils sont physiquement présents et je n’ai pas le droit de faire cette comparaison insultante pour tous ceux qui traversent un véritable deuil. « Je comprends que ça puisse te donner l'impression d'être démunie face à ce qu'il traverse, mais je t'assure que ça ne fait pas de toi quelqu'un de moins légitime pour le soutenir. » « Je connais pas cette douleur. » Je réponds, peu convaincue, en haussant les épaules. Je connais bien d’autres douleurs ; mais pas celle-là, qui est votée à l’unanimité comme étant la pire de toutes. Ce n’est pas qu’une histoire de douleur, pourtant, j’en ai conscience, mais j’ai été cette personne qui en voulait à la terre entière quand les autres prétendaient comprendre ma situation ; ils ne pouvaient pas et je n’ai jamais voulu leur donner le bénéfice du doute. Je ne veux pas que Swann le fasse, je ne veux pas qu’il soit gentil simplement pour me faire plaisir alors que ses pensées lui hurleront que la gamine n’y connaît rien et qu’elle est bien hypocrite de le faire croire. Alors oui, je suis moins légitime pour comprendre ; et je réalise que trop tard que Rory a mentionné ma légitimité à le soutenir – ce sont deux choses différentes et quand je m’en rends compte, je plonge mon regard dans le sien un court instant, un remerciement silencieux autant que des excuses qui le sont tout autant par rapport au choix de ses mots. « Est-ce que tu as déjà eu l'impression qu'il était à deux doigts de s'énerver ? » « Oui, le jour où j’ai perdu un dvd de Doctor Who. » Je rétorque avec un léger sourire. Oui, j’ai bien cru que j’avais atteint un palier insurmontable ce jour-là, mais il s’est raisonné avant d’exploser et j’aime croire que c’est parce que je lui ai promis de le remplacer qu’il ne m’a pas traité de mauvaise anglaise. « Je suis sûr que ce n'est pas de la pitié qu'il verrait dans ton regard, mais simplement l'inquiétude d'une amie qui se soucie de lui. » « Et au pire, il me le dira, hein ? Ou toi tu le feras, n’est-ce pas ? » Swann ne se plaindra jamais devant moi de ce qu’il a pu percevoir dans mon regard, mais Rory pourrait être un messager, hein ? Et dire qu’il y a encore quelques minutes je me jurais de ne pas imposer de petites cachoteries entre eux, ah, elle est belle ma volonté. « Je passe encore parfois par les mêmes craintes, quand il regarde au loin et que je me demande s'il est triste et, s'il l'est, comment je peux faire en sorte de l'aider à se sentir mieux. Alors je t'assure que je comprends. » Un sourire de gratitude s’affiche sur mes lèvres, toujours plus rassurée de constater que Rory passe par les mêmes difficultés que moi. Si même la personne qui partage la vie de Swann, son plus précieux allié, ressent la même gêne, ce n’est pas si pire, n’est-ce pas ? « Tu en fais déjà beaucoup rien qu'en étant là, tu sais. » Mais ce n’est pas assez. Je ne sais pas ce que je peux faire de plus, mais je suis convaincue que ce n’est pas assez et que ça ne le sera jamais assez. J’aimerais pouvoir prendre la douleur de Swann et la faire disparaître ; et je ne doute pas que Rory partage cette envie. « Même si Swann ne l'exprime pas forcément, je sais qu'il a besoin d'être entouré et que cet endroit est important pour lui pour cette raison. Je sais qu'il s'y sent bien, que vous aidez tous à faire qu'il s'y sente bien, et je suis sûr que ça l'aide beaucoup. » « Vraiment ? » Je l’interromps, sans songer à mon manque de politesse lorsque j’ajoute : « C’est pas trop étouffant pour lui ? De l’entourer et de nous imposer ? » Je ne sais pas quand il veut être tranquille, je ne perçois pas les signaux et je ne veux pas devenir un poids pour mon ami, je ne veux pas qu’il se force à accepter ma présence pour me faire plaisir. Il aime être entouré, oui, je le sais, mais n’y a-t-il pas de moments où il voudrait que je m’enferme dans ma chambre avec Lee sans en ressortir pour les cinq prochains jours afin qu’il savoure sa tranquillité ? « Ce que je veux dire, c'est qu'à chaque fois que tu te demandes sur quel pied danser avec lui, chaque fois que tu cherches tes mots pour t'adresser à lui, Swann passe probablement un moment agréable sans penser à la mort de son frère. » Oui, peut-être, mais je vois les choses d’un autre angle, peut-être parce que je suis plus pessimiste que Rory. « Tu crois pas qu’il doit trouver ça futile ? De partager un repas, de regarder un film, de sortir avec Lee un après-midi, alors qu’il a toutes ces choses en tête ? » Qu’il oublie durant ces moments-là, oui, mais est-ce que dans le fond Swann ne se dit pas qu’on a l’air ridicule, de continuer notre vie comme si de rien n’était, de parler des gros problèmes que j’ai au boulot à base de fuite d’eau et de client malpoli, alors qu’il traverse l’épreuve la plus difficile de sa vie ? « Aider quelqu'un, c'est parfois juste être présent et lui faire sentir que lorsqu'il ressentira le besoin de parler, on sera là pour lui. Le simple fait de lui demander comment il va aidera Swann à voir que tu es là, s'il a un jour besoin de livrer ce qu'il a sur le cœur. » C’est la question que je n’ose jamais poser, par peur d’être trop insistante et de poursuivre cette idée selon laquelle je le prends en pitié – puisqu’il ne va évidemment pas bien. « Swann souffre, mais je sais qu'il fera tout pour éviter qu'on le voit dans les moments les plus difficiles. Ce qu'il a sûrement besoin d'entendre, c'est qu'il a le droit d'en parler, le droit d'évacuer sa tristesse lorsqu'il en a le besoin. » Et finalement, ça me frappe, plus qu’auparavant, quand Rory le verbalise. « Je... je lui ai jamais dit ça. Je lui ai jamais dit qu’il pouvait m’en parler, il doit me prendre pour la pire des insensibles. » Je souligne avec un rire nerveux, car dans mon incapacité à analyser la situation et à l’aider comme il se doit, je n’ai même pas osé verbaliser l’essentiel. Oh, je le savais que j’agissais comme si tout cela n’était rien, mais ces quelques mots me font réaliser que c’est encore pire que ce que je pensais. « Je suis désolé si tout ça sonne pas vraiment comme des conseils, mais j'ai le sentiment que tu te sous-estimes quand tu dis ne pas savoir faire face à tout ça. » Je secoue la tête par la négative pour lui faire comprendre que je ne suis pas d’accord avec lui – concernant sa première affirmation, du moins. « Tu es une bonne amie, Maisie. J'espère qu'on te l'a déjà fait remarquer. » Je me replonge dans ma tasse de café, peu convaincue à nouveau par cette affirmation. Je suis la pire des amies, Rory, si seulement tu savais. Je suis égoïste, j’abandonne tous ceux qui tiennent à moi et à qui je tiens dès que la première difficulté se présente – et encore plus souvent quand j’ai moi-même créé cette difficulté. « T’as pas à être désolé, ça m’aide déjà à y voir plus clair. » Je souligne dans un premier temps, alors que je désigne sa tasse de café d’un signe de tête. « En plus, je te demande tout ça alors que tu viens de te réveiller et que t’as pas encore bu ton premier café, c’est à moi de m’excuser. » Et le remercier d’avoir les idées aussi claires d’aussi bonne heure. « Mais, donc... si je lui propose de passer du temps avec Lee et moi, ce ne sera pas... trop étouffant ? » Je devrais poser la question au principal intéressé, mais j’ose me référer à Rory. « Je sais, c’est mal d’utiliser un gamin comme ça, mais bon, hm, la fin justifie les moyens, hein ? » J’ajoute avec un léger rire, car je sais que Swann adore Lee et vice-versa. Lee est innocent, Lee est un enfant qui ne pose pas tant de questions, dont la spontanéité est probablement ce dont Swann a besoin à cet instant. « Qu’est-ce qu’il aimerait faire, tu penses ? Enfin, plutôt... qu’est-ce que je devrais éviter pour pas qu’il fasse de liens avec Matt ? » Le surf, déjà, c’est certain, mais je ne sais pas quelle était la relation entre Swann et Matt. Je ne voudrais pas découvrir qu’ils pouvaient passer un après-midi entier dans un café précis et y emmener Swann par manque de prudence. « Je suis vraiment contente qu’il puisse compter sur toi. » Je répète à Rory, avec un sourire bienveillant, ajoutant : « Et je suis rassurée, aussi. » Ils n’ont pas de secret l’un pour l’autre. Il comprendra donc que j’ai repéré les marques sur le poignet de Swann et qu’il s’agit d’une ultime inquiétude que je n’ose pas verbaliser, car ce n’est pas mon rôle, que je n’ai pas à le faire, que ça ne me concerne et ne me regarde pas. Mais je suis rassurée, quand même, en vue du temps que les deux hommes passent ensemble, même si mon inquiétude demeure à son apogée les rares soirs où Swann est seul.

@Rory Craine  

london thunder.

@MAISIE MORIARTY & RORY

Rory ne prétendrait pas qu'il n'avait pas l'habitude des compliments depuis qu'il faisait carrière dans un milieu aussi attaché aux apparences que l'était le Cinéma. Tout comme il ne prétendrait pas ne pas être conscient que sa stature sportive et son visage heureusement épargné malgré des années de football n'avaient pas aidé à ce qu'il décroche certains rôles, signe certains contrats, rencontre certains succès. Il savait tout ça, bien qu'il évite le plus souvent d'y penser. Décevoir les espoirs de son père et s'illustrer comme le fils dont il avait le plus de mal être fier était suffisant pour qu'il ne veuille pas en plus nourrir l'impression de tout devoir à son physique. S'il avait travaillé dur malgré les réticences de ses proches et connu plusieurs revers au début de sa carrière, c'est parce qu'il n'avait jamais parié sur ses atouts ni cru que ces derniers pourraient suffire. Pour autant il avait parfois droit aux bons mots et aux compliments d'une assistante ou d'une habilleuse, entre deux prises, et ça faisait simplement partie des choses qu'il accueillait avec le sourire – quand bien même ça n'avait jamais tout à fait le même poids que lorsque ces mêmes mots lui étaient soufflés de la bouche de Swann, valant généralement à ses yeux de briller d'un éclat bien particulier. De la bouche de Maisie c'était encore quelques peu différent, mais pas pour autant désagréable. C'est essentiellement la surprise et une part de gêne causée par cette rencontre très matinale qui valurent à l'acteur de chercher à dédramatiser la situation – pas dramatique pour un sou, pourtant. « Oui, je suis sûre qu’elles doivent atrocement souffrir de t’avoir sur leur chaise. » Son sourire d'abord un brin embarrassé se détendit légèrement tandis qu'il contint plus difficilement son amusement aux prochaines paroles de la brune. « T’inquiète, après avoir croisé Sofia au réveil, j’ai plus peur de rien. » Oh, c'était pour sûr du second degré quand on avait déjà croisé la jeune femme, n'importe qui l'admettrait sans grand mal. « Je crois que c'est courant d'aimer se taquiner entre colocataires. » Une taquinerie, voilà ce que c'était sans doute et Rory était suffisamment bon public et digne de confiance pour que Maisie soit assurée qu'il ne répéterait rien à personne. « Et sinon, l'entente se passe bien entre vous ? Chaque fois que je viens ici je me dis que j'aurais adoré vivre dans un endroit comme celui-là y'a quelques années. » Avant que sa carrière ne décolle et qu'il devienne plus simple de vivre dans une résidence sécurisée où les gens ne s'intéressaient pas vraiment à leurs voisins de palier. Cette convivialité faisait partie des choses qui avaient toujours secrètement manqué à Rory, aussi profondément attaché soit-il à l'endroit où il vivait et à ses nombreux souvenirs. Saluer la voisine d'à coté en allant chercher son courrier ou recevoir ses voisins pour un barbecue, voilà le genre de choses toutes bêtes qu'il s'était toujours imaginé faire le jour où il quitterait son loft pour un endroit plus simple. « C’est gentil. » Et sa proposition de l'aider s'il y avait quoi que ce soit qu'il puisse faire, elle, était évidemment sincère.

Tout comme l'étaient ses confessions au sujet de Swann, et de cette affection qu'il savait que l'anglais portait à la jeune femme, avec ce regard un brin fraternel qu'il l'avait parfois vu poser sur Maisie. « Il changera d’avis. » Ses yeux rencontrèrent silencieusement les siens, Rory désireux de lui poser la question qu'il ne s'autorisait pourtant pas à formuler tout haut. Pourquoi pensait-elle ça, alors qu'elle ne lui avait jamais donné la moindre raison de penser que sa compagnie puisse être autre chose que sincèrement agréable ? Que craignait-elle que Swann découvre de si rebutant à son sujet ? « Je suis convaincu que non. » Il souffla doucement, convaincu qu'elle avait peut être de bonnes raisons de le penser mais aussi qu'elle n'avait peut être pas encore observé à quel point Swann pouvait faire preuve de patience et de tolérance, plus encore avec les personnes qu'il appréciait réellement. « Je veux dire, je te connais peut être pas aussi bien que je le connais lui, mais je sais qu'il est pas du genre à revoir facilement son jugement lorsqu'on lui a fait si bonne impression. » Et il n'avait pas le sentiment de trahir le moindre secret en soulignant que c'était le cas de Maisie, aussi parce qu'il pourrait sans mal dire la même chose de leur première rencontre. Après tout, il l'avait immédiatement trouvée sympathique et agréable à vivre, même en l'ayant moins côtoyée que Swann. « Je sais pas ce qui te fait dire ça mais si ça peut te rassurer, j'avais moi aussi certains bagages à cause desquels j'ai déjà eu peur de le perdre. » Il ne préciserait pas que c'était effectivement ce qui avait fini par arriver, un an et demi plus tôt, parce qu'à l'époque le secret autour de leur relation avait précipité leur rupture et qu'ils en étaient aujourd'hui tous deux conscients. A présent les choses étaient très différentes et eux libres de s'aimer ouvertement, et même Rory avait acquis une certaine sérénité face à des craintes pourtant récurrentes à l'époque. Et si sa carrière et l'exposition qu'elle impliquait devenait trop dures à gérer pour Swann ? Et si les problèmes qui régissaient sa famille lui faisaient prendre ses jambes à son cou ? Et si aimer un homme doublé d'un acteur impliquait trop de changements à la fois ? Ces questions, il se les était posées assez souvent pour arriver sans le moindre mal à se mettre à la place de Maisie. Quelles que soient ses craintes précises, il n'imaginait rien qui puisse un jour pousser Swann à se détourner d'elle, alors qu'elle semblait avoir gagné si naturellement sa place parmi les personnes qu'il estimait le plus. Et si on lui demandait son avis, Rory dirait qu'il comprenait pourquoi.

Car Maisie n'était pas seulement une jeune femme qui lui apparaissait bienveillante, mais aussi une amie qu'il aimait savoir auprès de Swann. Elle s'inquiétait pour l'anglais autant qu'il continuait lui-même de se faire du souci pour son petit-ami. Et ça lui faisait du bien, de savoir qu'il ne dramatisait pas lorsqu'il se surprenait parfois à redouter de le savoir seul, ou d'appréhender qu'un détail puisse brusquement réveiller le souvenir de Matt. Ses craintes étaient encore nombreuses et il essayait du mieux qu'il pouvait de les faire taire et d'être simplement là pour lui. « Il a de la chance de t’avoir. » De tels mots firent inévitablement naître un sourire sur les lèvres de l'australien, lequel ne pouvait être que sincèrement touché chaque fois qu'on pensait l'anglais chanceux de l'avoir dans sa vie. Aux yeux de Rory, c'était bel et bien lui et depuis le départ qui avait gagné le gros lot le jour où Swann était entré dans la sienne. Lui, à nouveau, qui avait une chance inouïe qu'un homme comme l'anglais ait été prêt à lui offrir son cœur et lui rendre son amour non pas seulement une, mais bien deux fois. « C'est gentil. » Et il croyait la connaître suffisamment pour savoir que Maisie ne cherchait pas à être accommodante, mais que c'était des paroles aussi sincères qu'elle lui donnait elle-même l'impression de l'être depuis leur rencontre. C'est pour ça que ses doutes, ses craintes le touchaient personnellement. Parce que Maisie semblait vouloir terriblement bien faire et simplement manquer d'un peu de confiance en elle pour savoir comment s'y prendre. Comme si elle marchait sur des œufs de peur de dire une bêtise, de commettre un impair, de ternir une relation. Rory pouvait le voir dans son regard, elle se souciait réellement du bien-être de Swann et c'était une autre raison pour laquelle il serait ravi de l'aider à prendre confiance en ses qualités. « Je connais pas cette douleur. » C'est ce qu'il lui avait semblé comprendre, et il pensait toujours que ça ne faisait pas d'elle une personne moins légitime pour comprendre et accueillir celle de Swann. Elle était son amie et elle avait à cœur de bien faire, c'était à ses yeux largement suffisant pour l'aider. « Oui, le jour où j’ai perdu un dvd de Doctor Who. » Rory eut cette fois un rire franc, pour le coup dénué de surprise. « Oh, alors là je veux bien croire qu'il ait pu montrer quelques signes d'agacement. » Si Swann ne s'énervait pas souvent, il est certain que Doctor Who était l'un de ses talons d'Achille, même Rory avait parfois pu l'apprendre à ses dépends. « Je sais que t'es anglaise toi aussi mais si je peux me permettre un conseil, ne critique jamais la Famille Royale devant lui. Surtout Lady Di. Il pourrait le prendre aussi personnellement que si tu t'en prenais à l'un de ses proches. » Le conseil était évidemment soufflé d'un ton amusé, quand bien même elle avait sans doute déjà pu observer un patriotisme et un royalisme très prononcés chez l'anglais. Un détail que Rory avait toujours trouvé attendrissant et qu'il espérait secrètement le voir transmettre à leurs futurs enfants, un jour, rien que parce qu'il adorerait entendre Swann leur parler en long, en large et en travers de la princesse Diana. Comment ne pourrait-il pas fondre, rien que de se l'imaginer ? « Et au pire, il me le dira, hein ? Ou toi tu le feras, n’est-ce pas ? » Rory retrouva un fin sourire. « Je suis sûr que Swann et toi pouvez vous parler sans mon intervention. Il garde peut être certaines choses pour lui mais je sais qu'il laissera aucun non-dit planer au dessus de votre relation. » Encore moins s'il y avait le moindre risque que ça se répercute ensuite sur leur capacité à communiquer tous les deux. Maisie comptait pour Swann et Rory savait qu'il ferait tout pour préserver leur amitié. Et pas seulement parce qu'il avait pu voir combien la présence de chacun de ses colocataires avait joué sur son moral après le décès de son frère. Entouré et soutenu, Swann pouvait maintenant doucement se reconstruire. « Vraiment ? C’est pas trop étouffant pour lui ? De l’entourer et de nous imposer ? » « Au contraire je pense que cette colocation est arrivée au meilleur moment pour lui. Et puis, quand il veut être seul Swann est aussi capable de s'isoler. » Rory n'avait aucun doute sur le fait que l'anglais puisse se sentir à sa place au sein du groupe que formaient ses colocataires et lui, pour autant n'importe qui pourrait comprendre qu'il tienne parfois à prendre un peu plus de recul sur tout ça. Aucun d'eux ne restait jamais loin, de toute façon, tout comme Rory qui n'avait aucune intention de s'éloigner. « Tu crois pas qu’il doit trouver ça futile ? De partager un repas, de regarder un film, de sortir avec Lee un après-midi, alors qu’il a toutes ces choses en tête ? » La question était parfaitement pertinente mais Rory y répondit avec bienveillance. « Non, je pense plutôt que ça l'aide à se raccrocher à la réalité. Une réalité dans laquelle son frère n'est plus là, c'est vrai, mais dans laquelle il peut aussi compter sur chacun de nous. C'est important qu'il ne reste pas trop longtemps seul avec ses pensées. » Il ne savait pas si Maisie était au courant pour sa tentative de suicide – ses tentatives, en vérité – mais songeait que ce n'était pas une chose que Swann voudrait qu'il partage de bon matin autour d'une tasse de café. Et Rory respectait bien trop l'intimité de l'anglais pour réduire ces moments difficiles à de simples anecdotes qu'il serait en droit d'utiliser pour servir son propos. Ce n'était pas à lui d'en parler et il ne le ferait jamais dans son dos. Ses conseils à l'égard de Maisie, eux, visaient à le rassurer mais en aucun cas à la culpabiliser davantage. Quoi qu'elle ait peut être l'impression d'avoir raté dans ses tentatives d'approches avec Swann, Rory était convaincu qu'elle avait déjà énormément contribué à lui changer les idées. Que sa présence à elle seule signifiait déjà beaucoup. « Je... je lui ai jamais dit ça. Je lui ai jamais dit qu’il pouvait m’en parler, il doit me prendre pour la pire des insensibles. » « Non, je suis sûr que non. » Il assura d'une voix posée. [color:c732=584DBF]« Et puis, tu peux toujours le lui faire comprendre la prochaine fois que vous serez tous les deux. Ça représentera toujours autant pour lui. » Il n'y avait pas de date limite pour ce genre de petites attentions, quand bien même la plaie laissée par le décès de Matt tendrait à se refermer avec le temps. Ça resterait toujours quelque chose d'intimement douloureux, et chaque soutien serait le bienvenu. « T’as pas à être désolé, ça m’aide déjà à y voir plus clair. » Alors il en était sincèrement heureux, conscient que Maisie se faisait du souci et désireux de l'aider à son petit niveau. D'autant plus qu'elle était dotée des meilleures intentions.

« En plus, je te demande tout ça alors que tu viens de te réveiller et que t’as pas encore bu ton premier café, c’est à moi de m’excuser. » Son sourire lui ferait comprendre que non, bien sûr, il ne voyait pas le moindre mal à parler de tout ça de bon matin. Ils étaient les seuls à être debout et c'était l'occasion d'en profiter pour apaiser les doutes de la jeune femme. « C'est rien, ça me fait plaisir si je peux me rendre utile. Vous m'avez tous accueilli à bras ouverts et j'ai parfois l'impression d'abuser de votre hospitalité. » Elle lui dirait peut être que ce n'était pas le cas mais Rory avait déjà pensé à leur payer un loyer symbolique, rien que pour les quelques soirées et nuits qu'il passait ici. Il y pensait toujours, à vrai dire. « Alors c'est bien le moins que je puisse faire, te servir un café et t'écouter quand tu en as besoin. » Après tout, il avait lui aussi trouvé comme une petite famille au fil de ses visites et voulait contribuer à sa manière, même si ça n'était jamais grand chose. « Mais, donc... si je lui propose de passer du temps avec Lee et moi, ce ne sera pas... trop étouffant ? » Rory secoua la tête. « Au contraire, il serait bien le dernier que j'imaginerais se plaindre de passer un moment avec vous. Tu l'auras peut être remarqué, mais il adore les enfants. » Il précisa dans un sourire plus doux. C'était la raison pour laquelle l'australien savait depuis qu'il avait rencontré le frère de Maisie que Swann et lui passeraient sans doute de supers moments ensemble. Et d'après ce qu'il avait déjà pu voir ça n'avait pas loupé. Ce qui ne l'étonnait pas du tout, Llewyn étant un garçon attachant. « Je sais, c’est mal d’utiliser un gamin comme ça, mais bon, hm, la fin justifie les moyens, hein ? » « Je pense que le bien que ça procure à Swann vaut largement de recourir à ce genre de stratagèmes. » Il confia d'un air amusé et sur le ton de la confidence, l'air de lui proposer d'en faire leur secret – comme si qui que ce soit pouvait vraiment se plaindre de la compagnie d'un enfant comme Llewyn, de toute manière. Pas Swann, en tout cas. « Qu’est-ce qu’il aimerait faire, tu penses ? Enfin, plutôt... qu’est-ce que je devrais éviter pour pas qu’il fasse de liens avec Matt ? » Elle était prévoyante, Maisie, et qu'elle prenne à cœur de changer les idées à Swann était bien la preuve du genre d'amie qu'elle était. Swann était entre les meilleures mains avec elle, Rory en était persuadé. « Le surf. Ça fait partie des activités qu'il vaut mieux éviter de lui proposer pour le moment. Tout ce qui a trait à l'eau pourrait plus généralement réveiller de mauvais souvenirs. » Maisie connaissait sans doute les détails de la disparition de Matt, auquel cas elle comprendrait sans doute où il voulait en venir et pourquoi la mine de Rory s'était attristée un instant. « Mais une promenade en ville, au parc d'attractions ou n'importe où ailleurs lui ferait sans doute beaucoup de bien. Il adore le football aussi, et les chiens. Oh, et la pizza. La nourriture en général, si tu veux mon avis. » Il précisa dans un rire, ne lui apprenant sans doute rien sur ces derniers points et parce que Maisie partageait le même lieu de vie que Swann depuis assez longtemps pour savoir qu'il valait parfois mieux l'avoir en photo qu'à table. « Je suis vraiment contente qu’il puisse compter sur toi. » Son sourire s'adoucit, cette fois avec beaucoup de reconnaissance, touché qu'elle puisse le penser. « Et je suis rassurée, aussi. » Oh, alors Maisie était peut être bel et bien au courant pour les cicatrices. C'est ce que Rory supposa sans toutefois oser effleurer le sujet directement, conscient qu'il n'était sans doute pas pour rien dans l'inquiétude que la brune ressentait pour son colocataire. « Moi aussi je suis rassuré qu'il vous ait vous, surtout lorsque je dois m'absenter. Je me suis promis de faire en sorte que ça arrive le moins souvent possible à l'avenir. » Il souffla, peut être pour la rassurer là encore et parce qu'il pouvait concevoir que sa profession puisse laisser penser qu'il saisirait la première opportunité pour sauter dans un avion. C'était le cas à l'époque, ça l'était moins maintenant qu'il se savait incapable de partir trop longtemps loin de Swann. « Je l'aime profondément, tu sais. Swann et moi on a un passif un peu douloureux mais il est tout pour moi, et je ferai tout pour qu'il soit le plus heureux possible. » Ces confessions-là, il ne les avait pas anticipées et réalisa en retrouvant le regard de Maisie qu'elles étaient peut être après tout de trop. « Désolé, t'as pas demandé à avoir tous ces détails. Je veux juste que tu sois sûre que son bonheur est tout ce qui m'importe. Tout comme je suis sûr que ça le rassurerait de savoir que la personne qui partage ta vie veut le tien plus que tout. » Et c'est tout ce qu'il se permettrait d'ajouter, ne désirant pas que Maisie le trouve indiscret s'il osait lui demander si ce quelqu'un existait bel et bien et si elle attendait simplement de le présenter au reste de la coloc'. C'était sa vie privée et discuter ensemble de son petit-ami ne signifiait pas qu'il pouvait la questionner en retour sur ses amours.

« Je crois que c'est courant d'aimer se taquiner entre colocataires. » Je hausse les épaules, l’air de lui laisser le choix quant à la bonne réponse à cette réflexion. Peut-être que oui, peut-être que non, peut-être que je taquine Sofia, peut-être que je suis sérieuse ; je suis généreuse et je lui laisse le plaisir de l’interpréter comme il le souhaite. « T’en fais pas, j’compte pas t’épargner. » J’admets avec un léger sourire amusé. Rory fait partie de la colocation, même s’il est un colocataire rapporté, ça ne change rien à l’affection que j’ai pour lui. Oui, bien sûr, j’ai encore de la peine à croire qu’un acteur aussi célèbre squatte ma cuisine et je suis encore souvent prise d’une certaine angoisse quand je le croise, mais, celle-ci disparaît bien souvent après quelques mots échangés. Parce qu’il est comme ça, Rory, il est gentil, bienveillant et que n’importe qui serait vite à l’aise en sa compagnie, parce qu’il fait tout pour que ce soit le cas. Alors il fait partie des meubles, lui aussi, à force de passer du temps ici en compagnie de Swann et je n’ai pas besoin qu’on l’ait évoqué de manière explicite avec ce dernier et Sofia pour considérer Rory comme le quatrième, non cinquième si l’on compte Lee, colocataire. Et en ce sens, qu’il ne se pense pas protéger de mes réflexions ; bien au contraire, il en aura d’autant plus le droit. « Et sinon, l'entente se passe bien entre vous ? Chaque fois que je viens ici je me dis que j'aurais adoré vivre dans un endroit comme celui-là y'a quelques années. » « Ça se passe, ouais, y’a encore personne enterré dans le jardin alors j’imagine que tout roule. » Je rétorque, sarcastique et amusée, avant de relever mon regard en sa direction. « T’es conscient que tu vis quand même pas mal ici ? » Je l’interroge, avant de me reprendre : « pas que ce soit un problème, qu’on soit d'accord. » Non, justement, il s’agit de lui donner ma bénédiction, même s’il n’en a certainement pas besoin. Mais c’est fait ; et Rory peut donc cesser de considérer qu’il « aurait » adoré vivre dans un endroit comme celui-ci, puisque c’est le cas. À moitié, certes, mais ça ne change pas grand-chose à mes yeux.

Et puis, si ça se trouve, il y aura très bientôt une place de libre ici ; je ne l’explique pas à Rory, mais j’ai toujours cette crainte de retomber dans mes vieux travers. Au fond de moi, je sais que ce sera le cas un jour, que je finis toujours par perdre le contrôle en voulant en avoir à outrance ; et ce jour-là, Sofia autant que Swann découvriront le vrai visage de leur colocataire, comme tant d’autres avant eux. Celle qui ne pense pas aux autres, qui ment, qui manipule, celle que je ne reconnais pas, mais que je n’arrive pourtant jamais à tenir à distance bien longtemps. « Je suis convaincu que non. » Mais Rory aussi ne me connaît pas, dans le fond, alors évidemment qu’il s’agit d’une option à laquelle il ne pense pas et je ne peux pas lui en vouloir. « Je veux dire, je te connais peut être pas aussi bien que je le connais lui, mais je sais qu'il est pas du genre à revoir facilement son jugement lorsqu'on lui a fait si bonne impression. » Vraiment ? J’aimerais le croire et je crois que je devrais, il le dit ; il connait très bien Swann et en ce sens, je devrais accorder du crédit à ses propos. Mais j’y arrive pas, c’est plus fort que moi, j’arrive pas à me faire à l’idée que certains puissent me pardonner mes fautes alors que moi-même je n’y arrive pas. « Si bonne impression ? » Je reprends ses mots, non pas pour m’en flatter, mais pour dédramatiser la situation alors que ma main se pose de manière à peine théâtrale sur ma poitrine et qu’un sourire vient rapidement étirer mes lèvres alors que mon bras reprend rapidement place le long de mon corps. « Je sais pas ce qui te fait dire ça mais si ça peut te rassurer, j'avais moi aussi certains bagages à cause desquels j'ai déjà eu peur de le perdre. » Et ma moue se fait plus sérieuse, alors que je reste silencieuse un instant. Ce n’est pas que je veux le pousser à la confidence – j’ai conscience que nous ne sommes pas suffisamment intimes pour cela – mais je suis prise au dépourvu. Je sais que, contrairement à Swann, j’ai tendance à juger rapidement et à réviser mon jugement en cas de nécessité ; et je sais aussi que c’est stupide, mais j’imaginais Rory comme étant aussi irréprochable que ma première impression me l’a indiqué. Je ne dis pas qu’il a de terribles dossiers à cacher, on a tous nos démons, mais j’aimais croire qu’il avait la vie parfaite qui allait avec l’image véhiculée dans les médias. Ces mêmes médias qui, maintenant que j’y songe, n’ont pas hésité à le dépeindre comme un homme violent il n’y a pas si longtemps ; et c’est une nouvelle preuve que je devrais vraiment m’abstenir de tout jugement. Pas que je pense Rory capable de ce qui a été décrit, mais simplement parce qu’il y a beaucoup d’éléments que je ne prends jamais en compte, ou trop tard. « Et ça n’a jamais posé problème ? » Que je demande à Rory, avant de me pincer la lèvre, mal à l’aise d’être ainsi curieuse. « Ces bagages, j’veux dire. Par rapport aux gens qui t’entourent, est-ce qu’ils voient au-delà de ça ? » Et peut-être que ce serait plus facile si j’avais connaissance des bagages en question, mais je ne le demanderai pas. Parce que je n’ai pas besoin de connaître sa vie dans les détails à cet instant, j’ai juste envie d’avoir la confirmation que certains, quand ils vous aiment, arrivent à passer outre. Que même si ça prend du temps, ce n’est pas ce qui nous définit à leurs yeux ; parce que c’est l’étape à laquelle je suis bloquée et je perds de plus en plus espoir d’arriver à la même finalité que Rory. « Tu peux me dire si ça me regarde pas, je sais que j’ai tendance à mettre mon nez là où il faut pas. » Je dédramatise à nouveau, un léger rire aux lèvres. J’en demande trop à Rory. J’en demande toujours trop aux autres ; voilà pourquoi Swann finira par ne plus en pouvoir.

Mais avant que ce soit le cas, j’ai besoin d’être là pour Swann. Le problème, c’est que je ne sais pas comment y arriver ; et pour cette raison, j’ai besoin de l’aide de la personne qui le connaît le mieux, de celle qui pourra me donner les meilleurs conseils pour ne pas envenimer la situation. Et si j’ai l’impression de ne pas pouvoir faire grand-chose à mon échelle, je suis néanmoins rassurée de savoir que je peux compter sur Rory et que ce dernier reste un soutien infaillible pour mon colocataire – l’inverse n’aurait pas eu de sens, soit. « C'est gentil. » C’est sincère, surtout. J’ai beau plaisanter sur le concentré de mièvres qu’ils offrent, au fond, j’aimerais moi aussi trouver un amour du genre, qui soit sincère et profond, qui ne soit pas entaché d’horreurs et de drames à outrance ou, si c’est le cas, soit surmonté conjointement. Mais ce n’est pas parce qu’ils peuvent ainsi compter l’un sur l’autre que j’en oublie ma volonté de tendre la main à Swann. Le problème, je l’ai dit à Rory, c’est que la notion de deuil ne me touche pas. Heureusement, il est vrai, mais ça me rend beaucoup moins légitime à apporter mon aide, peu importe s’il essaie de me rassurer quant au fait que Swann ne m’en voudra jamais pour ma maladresse ou mes inaptitudes. Il ne s’énerve pas, l’anglais. Sauf en cas de force majeure ; et j’ai déjà pu le constater. « Oh, alors là je veux bien croire qu'il ait pu montrer quelques signes d'agacement. » Mon rire se mêle un instant au sien, ajoutant : « j’ai vu ma dernière heure arriver, j’te jure. » Je profite encore un peu de cette pause, au même titre que l’acteur. « Je sais que t'es anglaise toi aussi mais si je peux me permettre un conseil, ne critique jamais la Famille Royale devant lui. Surtout Lady Di. Il pourrait le prendre aussi personnellement que si tu t'en prenais à l'un de ses proches. » Et mon rire ne me quitte pas alors que je glisse un « promis » en scellant mes lèvres de mon index et mon pouce. Je saurai me taire concernant cette institution qui, cliché oblige, est aussi la mienne. Je reprends mon sérieux alors que le sujet le devient à nouveau. Si Swann me dira rien, je compte au moins sur Rory pour être une balance – promis, ce sera pour la bonne cause. « Je suis sûr que Swann et toi pouvez vous parler sans mon intervention. Il garde peut être certaines choses pour lui mais je sais qu'il laissera aucun non-dit planer au dessus de votre relation. » Raté. J’aimerais insister, me ravisant alors que je me contente d’acquiescer silencieusement. J’ai l’impression que Swann pourrait ne pas m’en parler simplement pour ne pas me vexer (parce qu’il sait aussi que j’ai tendance à me monter susceptible, je plaide coupable), mais j’ai envie de faire confiance à l’homme devant moi. Et je le fais rapidement quand il m’offre des birbes de pistes à explorer pour aider Swann. « Au contraire je pense que cette colocation est arrivée au meilleur moment pour lui. Et puis, quand il veut être seul Swann est aussi capable de s'isoler. » Ce n’est pas faux, en démontre les quelques fois où il s’est enfermé dans sa chambre aussitôt revenu du boulot et que j’ai dû me faire violence pour ne pas aller frapper de détresse derrière sa porte, inquiète quant à ce qu’il pourrait faire une fois seul. « C’est vrai, maintenant que tu le dis. » J’admets, alors que l’évidence est sous mes yeux et que j’ai refusé de la voir. Ce que j’admets moins, ce sont les effets des exemples que je cite et qui me semblent futiles pour quelqu’un aux préoccupations tels que celles de Swann. « Non, je pense plutôt que ça l'aide à se raccrocher à la réalité. Une réalité dans laquelle son frère n'est plus là, c'est vrai, mais dans laquelle il peut aussi compter sur chacun de nous. C'est important qu'il ne reste pas trop longtemps seul avec ses pensées. » Et là-aussi, je n’avais pas vu les choses sous cet angle alors que maintenant qu’elles sont verbalisées, elles me semblent évidentes. « T’es vraiment la voix de la sagesse. » Je me contente de souligner avec un fin sourire, pour ne pas me répéter alors qu’il est encore une fois dans le vrai. Un autre constat me frappe soudainement ; je n’ai jamais dit clairement à Swann que j’étais là pour lui. « Non, je suis sûr que non. » Et moi, je suis sûre que oui. « Et puis, tu peux toujours le lui faire comprendre la prochaine fois que vous serez tous les deux. Ça représentera toujours autant pour lui. » Même si je suis terriblement en retard ? Même si j’arrive après tout le monde, après lui avoir laissé croire que la situation ne m’intéressait pas ? « Je n’y manquerai pas. » J’affirme, sincère, car je compte bien le dire, même si, effectivement, j’ai beaucoup de retard. Et alors qu’il s’excuse du peu de conseils qu’il me donne, j’ai pourtant la sensation qu’il m’en a donné de nombreux ; et je ne peux que lui en être reconnaissante.

Je m’excuse doublement, tandis qu’encore une fois, j’ai conscience d’en demander trop, surtout en prenant en compte le fait qu’il n’est même pas huit heures et qu’il n’a sûrement pas les idées claires. « C'est rien, ça me fait plaisir si je peux me rendre utile. Vous m'avez tous accueilli à bras ouverts et j'ai parfois l'impression d'abuser de votre hospitalité. Alors c'est bien le moins que je puisse faire, te servir un café et t'écouter quand tu en as besoin. » Je secoue rapidement la tête de gauche à droite pour lui ôter cette idée de la tête. « Abuser ? Jamais de la vie. On est tous content de t’avoir dans le coin. » Il n’abuse pas Rory et s’il en doute, j’ai l’argument imparable : « Tu veux un exemple d’abus ? Mon frère, le grand j’entends, qui squatte là et qui, lui, est incapable de me servir un café. » Je ne sais pas s’il a eu l’occasion de croiser Seth aux quelques occasions où il ne retrouve pas le chemin de son appart’ ou que mon logement est plus près quand il sort de soirée, mais ça, c’est un exemple d’abus de l’hospitalité qu’on offre. « Au contraire, il serait bien le dernier que j'imaginerais se plaindre de passer un moment avec vous. Tu l'auras peut être remarqué, mais il adore les enfants. » Je hoche la tête. « Et les enfants l’adorent. » J’ajoute ; même si je ne sais pas exactement pour les autres, mais concernant Lee, il s’est clairement attaché à lui au point où j’ai parfois l’impression de les déranger quand je passe du temps avec eux. Mais je peux comprendre Llewyn, qui n’a pas vraiment de grand-frère sur qui compter, Seth ne jouant pas ce rôle. « Je pense que le bien que ça procure à Swann vaut largement de recourir à ce genre de stratagèmes. » J’esquisse un sourire, ravie qu’il confirme mes arguments, avant que je ne reprenne mon sérieux. « Le surf. Ça fait partie des activités qu'il vaut mieux éviter de lui proposer pour le moment. Tout ce qui a trait à l'eau pourrait plus généralement réveiller de mauvais souvenirs. » « Ouais, évidemment. » J’affirme, parce qu’il est vrai que le surf n’était pas sur ma liste ; ce serait cruel de ma part. Néanmoins, j’avais songé à la perspective d’une journée sur la plage parce que Lee adore ça ;  et je réalise que j’aurais été stupide. « Mais une promenade en ville, au parc d'attractions ou n'importe où ailleurs lui ferait sans doute beaucoup de bien. Il adore le football aussi, et les chiens. Oh, et la pizza. La nourriture en général, si tu veux mon avis. » « J’ai remarqué, oui. » Je souligne tout d’abord, avant de capter son regard : « Tu viendrais avec nous ? Si on se fait une journée à Dreamworld, par exemple, tu serais d’accord de nous accompagner ? » Je lui demande, avant de rapidement reprendre : « C’est pas que j’ai peur de rester seule avec lui, ou de faire une bourde, c’est juste que, j’aimerais qu’il soit bien pendant une journée, qu’il puisse être entouré, que tout soit là pour qu’il soit heureux quelques heures et, avec toi, ce sera forcément le cas. » C’est une assurance supplémentaire de ne pas être à côté de la plaque, en résumé. Tout comme Rory me rassure, alors que j’ai remarqué les cicatrices sur les poignets de Swann et que, depuis, au lieu de lui en parler, je ne cesse de me faire des films qui ne cessent jamais de m’inquiéter. « Moi aussi je suis rassuré qu'il vous ait vous, surtout lorsque je dois m'absenter. Je me suis promis de faire en sorte que ça arrive le moins souvent possible à l'avenir. » Et c’est très généreux de sa part de faire cet effort-là, alors qu’on pourrait simplement se relayer. « Tu sais, ma patronne est arrangeante. J’veux dire, si un jour tu as besoin que je garde un œil sur lui, hésites pas. T’as aussi ta vie à vivre. » C’est un acteur, il ne peut pas claquer des doigts et s’absenter. Moi non plus, vous me direz, mais j’ai moins d’importance, moins de responsabilités et, surtout, j’ai l’habitude que mes plans soient chamboulés. « Je l'aime profondément, tu sais. Swann et moi on a un passif un peu douloureux mais il est tout pour moi, et je ferai tout pour qu'il soit le plus heureux possible. » Je lui adresse un regard, surprise qu’il évoque à nouveau ce passif, et, j’avoue, encore plus curieuse même si je n’en montre rien. « Désolé, t'as pas demandé à avoir tous ces détails. Je veux juste que tu sois sûre que son bonheur est tout ce qui m'importe. Tout comme je suis sûr que ça le rassurerait de savoir que la personne qui partage ta vie veut le tien plus que tout. » Encore une fois, je secoue la tête pour lui signifier que je n’y vois aucun inconvénient. « T’en fais pas, chacun son tour d’écouter. » Je lui affirme avec un sourire bienveillant. « J’en ai jamais douté, tu sais. Que tu veux son bonheur, tout comme je doute pas qu’il veut le tien. » Oh, s’il y a un couple à propos duquel je n’imagine pas un seul instant une volonté de nuire à l’autre, c’est bien eux. « Le simple fait que tu prennes le temps de me rassurer, c’en est encore une preuve. » Il aurait pu m’envoyer balader car il a mieux à faire de bon matin, mais ça n’a pas été le cas et je lui en suis reconnaissante. « Et puis, il connait le seul homme de ma vie. C’est Lee et je pense pas qu’il ait de doutes sur lui. » J’ajoute, pour répondre à sa question détournée, avec un léger rire. « Ça m’intéresse pas vraiment tout ça, tu sais. Mais quand je vous vois tous les deux, ouais, ça donne envie, j’avoue tout. » Je plaide coupable ; je ne cherche pas l’amour, mais parfois, j’aimerais avoir cette confiance qu’ils s’accordent l’un à l’autre envers quelqu’un. « Bon, ça me rend jalouse un peu, aussi, hein, va pas croire. » Je conclus avec un léger rire, pour casser le rythme sincère des confessions, y ajoutant une touche d’humour, par habitude.

@Rory Craine

london thunder.

@MAISIE MORIARTY & RORY

« T’en fais pas, j’compte pas t’épargner. » L'amusement se lut rapidement sur les traits de Rory, qui s'il apprenait encore à connaître Maisie pouvait au moins déjà affirmer qu'elle n'avait rien d'une personne menaçante ou dont on voudrait se méfier. Bien au contraire, si cette rencontre matinale lui prouvait une chose, c'est qu'il aurait été dommage qu'ils se contentent plus longtemps d'échanger des banalités ou de brèves discussions au milieu du reste de la colocation. « C'est gentil de me laisser me préparer psychologiquement. » En réalité, à moins qu'elle ait particulièrement bien caché son jeu jusque là, il ne s'attendait pas vraiment à faire les frais de ses taquineries – parce qu'il était probablement question de ça, et de rien d'autre, dans le cas de Sofia. L'ambiance ici ne lui avait jamais paru hostile, et ça ne pouvait pas seulement être parce que Rory avait toujours eu tendance à tout idéaliser. « Ça se passe, ouais, y’a encore personne enterré dans le jardin alors j’imagine que tout roule. » Cette fois, c'est un rire franc qui échappa au brun. « On va croiser les doigts pour que ça reste comme ça, alors. Ça m'embêterait d'avoir un jour à témoigner dans une émission criminelle pour une sombre histoire de poubelle pas vidée. » Oh, il avait passé assez de temps entre ces murs pour s'être fait une idée plutôt fiable de la personnalité de chacun et si Rory pouvait attester une chose, c'est que personne n’assommerait probablement personne avec une casserole. Tenez, Maisie elle-même le disait. « T’es conscient que tu vis quand même pas mal ici ? Pas que ce soit un problème, qu’on soit d'accord. » Et c'est vrai, c'était plutôt un euphémisme que d'affirmer qu'il avait passé pas mal de temps parmi eux ces derniers mois, ainsi peut être bien que la vie en colocation ne lui était pas si étrangère que ça – et de toute façon, n'y était-on pas un peu initié dès lorsqu'on avait grandi entouré de quatre frère et sœurs ? « Tu marques un point. Ce que j'aurais du dire, c'est que je me plais beaucoup parmi vous. Vous savez vraiment faire de cette coloc' un endroit accueillant. » Et parce qu'il soupçonnait Maisie d'être assez douée pour cerner ses semblables, Rory osait espérer qu'elle saurait lire la sincérité dans ses propos. Sans appartenir officiellement à cette colocation lui-même, on pouvait dire qu'il en était l'un des membres non-officiels, ce qui était déjà source de joie pour l'acteur qui voyait en plus s'épanouir son petit-ami au contact de Maisie et les autres.

Voilà pourquoi il ne pouvait rester insensible face aux craintes exprimées par la brune, celles de voir un jour Swann reconsidérer son jugement à son sujet et toute l'estime qu'il lui accordait. Rory ne souhaitait aucunement s'exprimer à la place de son petit-ami, il était par ailleurs convaincu que Swann saurait la rassurer en des mots bien plus convaincants encore, mais ça lui était impensable de laisser Maisie nourrir ces doutes une seule seconde de plus. Précisément parce qu'il savait que Swann, à sa place, s'empresserait de les balayer. « Si bonne impression ? » Il eut un rire un peu gêné, reconnaissant à Maisie de détendre l'atmosphère alors qu'il commençait tout doucement à culpabiliser d'outrepasser son rôle : il était le petit-ami de Swann, pas son attacher de presse, et il regretterait sincèrement que Maisie puisse croire que l'anglais et lui passaient leur temps à échanger à son sujet lorsqu'elle avait le dos tourné. Ce n'était pas le cas, quand bien même il n'avait effectivement aucune raison de douter de l'affection que l'anglais lui portait. « D'accord, je devrais peut être arrêter de parler pour lui. Mais il t'apprécie, Maisie, surtout n'en doute pas. » Voilà une chose qui de toute manière n'avait rien d'étonnante lorsqu'on connaissait Swann, qui laissait pour ainsi dire sa chance à chaque personne qui croisait sa route et ne décidait que très rarement de ne pas accorder sa confiance. Rien de surprenant à ce que Maisie ait été aussitôt adoubée par l'anglais : elle ne leur avait jamais donné ni à l'un ni à l'autre de raison d'y réfléchir à deux fois avant de l'apprécier. Au contraire, Maisie était charmante et ce même de bon matin, ce qui valait tout de même la peine d'être souligné. Et à défaut de vouloir plus longtemps parler au nom de son petit-ami, Rory pouvait au moins tenter de rassurer Maisie sur un point : personne n'était parfait et tout le monde traînait ses propres bagages, lui y compris. « Et ça n’a jamais posé problème ? Ces bagages, j’veux dire. Par rapport aux gens qui t’entourent, est-ce qu’ils voient au-delà de ça ? » Le plus simple aurait sûrement été de lui parler de sa famille, bien plus dysfonctionnelle qu'elle ne le lirait jamais sur une page wikipédia. Ou de toutes les fois où la médiatisation autour de sa carrière lui avait fait craindre de ne jamais pouvoir mener une vie sentimentale épanouie, à l'abri des regards, tel qu'il l'avait toujours souhaité. Il pourrait lui dire bien des choses, mais son but était ici de balayer ses doutes et non de plomber l'ambiance. Qui plus est, il était la preuve que toutes les complications trouvaient toujours une issue, quelle qu'elle soit. « Je sais qu'ils voient plus loin que ça, oui. Je te mentirai pas en te disant que tout a toujours été simple, mais aujourd'hui le soutien de Swann et de mes proches est vraiment ce que j'ai de plus précieux. » Est-ce que sa famille lui avait déjà reproché son choix de carrière ? Bien sûr, et prouver ce qu'il valait n'avait pas été simple quand ses frère et sœurs avaient tous emprunté des chemins considérés comme plus prestigieux. Est-ce qu'il avait failli perdre pour de bon l'homme qu'il aimait parce que Rory Craine venait avec un package un peu trop lourd à assumer ? Aussi, mais tout allait enfin beaucoup mieux et jamais Swann et lui n'avaient été aussi sûrs de vouloir du même avenir, ensemble. Et il en irait de même pour Maisie, il le savait. « Tu peux me dire si ça me regarde pas, je sais que j’ai tendance à mettre mon nez là où il faut pas. » Rory secoua la tête et la rassura dans un sourire. « Non, t'en fais pas. J'ai fait face à assez de questions intrusives au cours d'assez d'interviews pour savoir apprécier quand quelqu'un s'intéresse simplement à moi, sans arrière pensée. » Sans besoin de faire du sensationnel en captant et déformant l'info la plus croustillante. Au moins tout ce qui se disait ce matin dans cette cuisine y resterait et c'était là ce qu'il y avait d'agréable dans le fait de simplement échanger autour d'une tasse de café. « Aie confiance en ceux qui t'entourent, je t'assure qu'ils pourraient te surprendre. » En bien, ça va sans dire, et il ne pensait pas uniquement à Swann – l'anglais n'irait jamais tourner le dos à qui que ce soit, c'était une certitude qui ne valait même pas la peine d'être énoncée tout haut. Rory était aussi convaincu que d'autres personnes dans l'entourage de la brune attendaient sans doute, eux aussi, de lui prouver qu'ils pouvaient l'accepter telle qu'elle était.

« J’ai vu ma dernière heure arriver, j’te jure. » A nouveau, son rire eut tout de spontané et sincère. Oh, si Doctor Who était assurément un sujet à ne pas évoquer à la légère en présence de Swann, il restait peu probable que quiconque l'apprenne véritablement à ses dépends. « Il sait être très menaçant quand il s'y met, hein ? » Quand on savait qu'en plus Swann ressemblait ni plus ni moins à un ange tombé de son nuage – et ça n'était pas seulement sa qualité de petit-ami qui lui ôtait toute objectivité – c'était d'autant plus cocasse d'y penser. « Promis. » Il échangea avec Maisie un clin d’œil lourd de sens ; ainsi les sujets sensibles seraient évités devant l'anglais et tout irait pour le mieux. Et c'était véritablement ce dont était convaincu l'acteur, éternellement optimiste quelle que soit la situation. Maisie semblait douter d'être la personne à qui Swann pourrait vouloir parler et se confier, ou la compagnie idéale dont il pourrait avoir besoin après le décès de son frère, mais Rory était précisément sûr du contraire. D'abord parce qu'il passait assez de temps ici pour voir que Swann était heureux, sans l'ombre d'un doute, en présence de ses colocataires. Et ensuite parce que tous les efforts de Maisie pour protéger l'anglais étaient un gage de confiance supplémentaire aux yeux de son petit-ami. « C’est vrai, maintenant que tu le dis. » Loin pourtant d'être du genre à s'envoyer des fleurs, Rory ne doutait pas d'avoir mis le doigt sur une évidence. Swann était peut être l'une des personnes les plus sociables qu'il connaissait, mais il n'en savait pas moins se faire comprendre lorsqu'il voulait profiter d'un peu de temps seul. « T’es vraiment la voix de la sagesse. » Amusé, Rory secoua doucement la tête. « Je sais pas si on peut vraiment dire ça, mais en tout cas n'hésite jamais à me faire part de tes doutes, lorsque tu en as. » Il souhaitait sincèrement que Maisie puisse se voir tel que Swann et même lui pouvaient le faire, mais si ça prenait un peu de temps avant qu'elle n'en soit capable alors il serait heureux de l'écouter. « Je suis du matin et je donne des conseils gratuitement, autrement dit je suis pas juste là pour piquer dans votre réserves de bières. » Il se permit de préciser dans un léger rire qui eut cette fois pour vocation d'apporter une note plus légère. C'était sa manière de lui dire qu'il n'était pas seulement là pour passer des moments conviviaux avec eux et pouvait aussi jouer les oreilles attentives s'il y avait certaines choses qu'elle n'osait pas dire aux autres. « Je n’y manquerai pas. » Et il en était heureux. Parce que Maisie saurait y faire, il n'en doutait pas, et le dialogue n'en serait ensuite que plus simple entre Swann et elle.

Finalement, elle n'était pas la seule que le doute assaille parfois et c'est l'australien qui, cette fois, songea qu'il prenait peut être plus de place qu'il ne le devrait au sein de la colocation. Maisie semblait le considérer comme l'un de ses membres à part entière, mais il n'était pas question pour lui d'empiéter sur leur espace même pour passer du temps auprès de Swann. « Abuser ? Jamais de la vie. On est tous content de t’avoir dans le coin. » Alors il était soulagé, bien sûr, que sa présence à leurs cotés ne soit pas subie au moins par l'une d'entre eux. « Je suis rassuré de te l'entendre dire. Au début je reconnais que j'avais un peu peur de m'imposer. Après tout, je partage la vie de Swann mais aucun d'entre vous n'a signé pour m'avoir régulièrement dans les pattes. » Et il aurait compris que ça puisse poser un problème, surtout alors que Swann était entré dans leur vie avant que le paramètre Rory s'impose à son tour lorsqu'ils s'étaient remis ensemble. « Tu veux un exemple d’abus ? Mon frère, le grand j’entends, qui squatte là et qui, lui, est incapable de me servir un café. » Rory eut un rire compatissant, sans doute autant pour Maisie que pour son frère, en connaissant après tout un rayon en matière de fratries. « Je l'ai toujours vu passer qu'en coup de vent mais j'imagine que s'il passe du temps ici, c'est aussi pour partager des moments avec sa sœur. » Loin de lui l'envie de vouloir se montrer maladroit, cependant, raison pour laquelle il s'empressa de nuancer ses propos. « J'ai aucune idée de si vous êtes proches ou non, alors arrête-moi si je dis une bêtise. » Rory avait eu davantage d'occasions d'échanger avec le jeune Llewyn, qui lui semblait partager une relation des plus privilégiées avec Maisie. Rory ne prétendrait pas qu'il ne les trouvait pas attendrissants, tous les deux, ni que l'énergie que la jeune femme semblait dépenser à veiller sur son frère n'était pas touchante, elle aussi. L'acteur n'avait pas toutes les données et il ignorait tout de leur historique familial ou de la vraie raison pour laquelle cet endroit était depuis peu devenu un repaire à Moriarty – non pas qu'il trouve que ce soit une mauvaise chose, cependant, bien loin de là. Il avait juste tendance à compatir chaque fois qu'il pressentait qu'une situation familiale n'avait rien de simple : aussi déterminé soit-il depuis toujours à idéaliser chacun de ses proches, Rory reconnaissait sans mal que les Craine n'avait d'une famille parfaitement épanouie que le nom. « Et les enfants l’adorent. » C'est vrai, et cette idée tira le plus sincère des sourires à Rory. Quiconque voyait Swann à l’œuvre avec des enfants ne pouvait que percevoir combien il les mettait à l'aise et combien sa fibre paternelle ressortait toujours. C'était un spectacle que l'acteur admirait toujours avec émotion, n'ignorant rien du désir de l'anglais de devenir père – désir qu'il partageait évidemment en retour. Et parce que Maisie avait à cœur de bien faire en aidant Swann à se changer les idées plusieurs mois après le décès de son frère, c'est tout naturellement que Rory, lui, avait à cœur de l'y aider. « Ouais, évidemment. » Le surf était donc une option écartée, par sécurité et parce que ni elle ni lui ne pouvait prédire la réaction qu'aurait Swann. Un jour, tout ne serait plus aussi douloureux, mais pour l'heure ce genre de choses risquaient de réveiller sa peine. « J’ai remarqué, oui. » Oh, Swann avait beau être anglais – tout comme Maisie ici présente – il avait toujours eu le goût des bonnes choses. « Tu viendrais avec nous ? Si on se fait une journée à Dreamworld, par exemple, tu serais d’accord de nous accompagner ? » Cette proposition étira cette fois son sourire avec un peu plus de surprise. Il va de soi qu'il n'avait pas soumis cette idée pour qu'elle se sente obligée de l'y inclure, pour autant il connaissait maintenant assez Maisie pour savoir qu'elle ne s'y sentait sans doute pas obligée. « C’est pas que j’ai peur de rester seule avec lui, ou de faire une bourde, c’est juste que, j’aimerais qu’il soit bien pendant une journée, qu’il puisse être entouré, que tout soit là pour qu’il soit heureux quelques heures et, avec toi, ce sera forcément le cas. » Les mots de la jeune femme le touchaient en plein cœur mais confortaient également Rory dans l'idée que le sort de Swann lui importait véritablement, ce dont il ne doutait pas jusqu'ici mais représentait énormément à ses yeux. « Bien sûr, oui. Si tu veux que je sois là, je vous accompagnerai avec plaisir. Et si jamais t'avais envie d'en profiter pour, disons, échanger quelques mots avec Swann dans un contexte qui soit pas trop formel, je pourrais toujours proposer à Llewyn un tour de manège. » Ou au stand de confiseries, Rory trouverait sans mal une parade pour occuper Llewyn si sa sœur éprouvait l'envie d'avoir une discussion avec Swann pour soulager une partie de ses doutes. Il serait évidemment plus qu'heureux d'être de la partie, quoi qu'il en soit, quand bien même Rory était persuadé que son petit-ami serait aussi ravi de partager ces moments-là avec Maisie et Llewyn. Le connaissant, il aurait simplement attendu qu'ils se retrouvent pour tout lui raconter dans le détail et lui aurait probablement gagné une peluche à l'un des stands – et la plus grosse qui soit, bien sûr. « Tu sais, ma patronne est arrangeante. J’veux dire, si un jour tu as besoin que je garde un œil sur lui, hésites pas. T’as aussi ta vie à vivre. » Et c'était très généreux de la part de Maisie de le lui proposer, en plus de donner raison à la confiance que Rory lui portait, notamment en ce qui concernait Swann et le fait qu'il soit convaincu que la compagnie de la jeune femme lui soit profitable. « Tu sais, c'est pas une chose dont je sois très fier aujourd'hui, mais l'une des raisons pour lesquelles Swann et moi nous sommes séparés avant de nous remettre ensemble est l'importance que j'ai toujours accordé à ma carrière. » Une importance qui s'expliquait par un parcours professionnel jalonné de désillusions et qui avait valu à Rory de s'accrocher deux fois plus fort à son rêve, une fois ses premiers espoirs de carrière déçus. « Notre couple a toujours été plus important que tout pour moi, mais j'ai sûrement manqué plusieurs occasions de faire des concessions au bon moment, à l'époque, et notre relation en a souffert. C'est pas une chose que je compte laisser se reproduire, même si je sais qu'il veut vraiment que je fasse ce que j'aime. » Et c'était le cas, Rory adorait son métier et n'en changerait pour rien au monde, c'était simplement son souhait le plus précieux aujourd'hui de trouver un meilleur équilibre entre sa vie privée et sa carrière. « Mais quoi qu'il arrive j'ai déjà toute confiance en toi pour veiller sur lui en mon absence, et c'est ce qui me permet de partir chaque matin l'esprit léger. » Et même s'il limiterait autant que possible les voyages qui l'éloigneraient de Swann et de ses proches pour une durée plus longue, il ne renoncerait pas pour autant à ce qu'il aimait faire et savait que ni Swann, ni Maisie ne le voudrait non plus. Pour ça, il était profondément rassuré que Swann puisse compter sur quelqu'un comme Maisie.

Et parce qu'il était sans doute encore un peu tôt pour que Maisie ait droit à tout l'historique de sa relation avec Swann, Rory lui dispenserait certains détails. L'important à ses yeux était qu'elle ne doute pas de sa sincérité et de son envie de rendre l'anglais heureux : il n'y a rien qu'il souhaitait plus au monde. « T’en fais pas, chacun son tour d’écouter. » Il lui offrit un sourire reconnaissait, heureux de pouvoir partager avec elle une discussion aussi sincère et approfondie, après des mois à échanger plus brièvement ou sans pousser le jeu des confessions trop loin. « J’en ai jamais douté, tu sais. Que tu veux son bonheur, tout comme je doute pas qu’il veut le tien. Le simple fait que tu prennes le temps de me rassurer, c’en est encore une preuve. » Il n'aurait pas pu en être autrement, simplement parce que Swann comptait pour Maisie et que lui aussi en avait eu la preuve en discutant aujourd'hui avec elle. «  Merci. Ça compte beaucoup pour moi de savoir ça. » Plus qu'elle n'en avait probablement conscience, le fait que les amis de Swann soient assurés de ses intentions à l'égard de l'anglais symbolisant beaucoup pour lui. Ils n'avaient certes rien à prouver à personne en ce qui concernait leurs sentiments et leur désir mutuel de faire le bonheur de l'autre, mais Rory voulait plus que tout bien faire les choses maintenant qu'ils s'étaient donnés une seconde chance. Il se l'était promis, plus rien ne les séparerait plus maintenant qu'il avait goûté à une vie sans lui – sentiment qu'il ne voudrait revivre pour rien au monde. « Et puis, il connaît le seul homme de ma vie. C’est Lee et je pense pas qu’il ait de doutes sur lui. » Une idée qui lui tira un sourire attendri : qu'il soit ou non le seul homme de la vie de Maisie, il était incontestablement le plus important et Rory ne pouvait que trouver cette idée-là adorable. Lui aussi était profondément protecteur avec ses deux plus jeunes sœurs. « Ça m’intéresse pas vraiment tout ça, tu sais. Mais quand je vous vois tous les deux, ouais, ça donne envie, j’avoue tout. » Impossible pour Rory de ne pas étirer un sourire sincère face à de tels propos. « Bon, ça me rend jalouse un peu, aussi, hein, va pas croire. » Et de ne pas émettre un rire attendri, cette fois, aux confessions de la brune. « Je suis sûr qu'on a déjà du te le dire et que ça sonnera un peu comme une phrase toute faite, mais t'es encore jeune et t'as le temps de rencontrer la bonne personne. » Définitivement, ça sonnait comme une phrase toute faite et pourtant loin de lui l'envie de vouloir dispenser quelconque conseil amoureux. Aussi profondément heureux soit-il auprès de Swann, il ne se sentait pas plus légitime qu'un autre pour aborder la question auprès de quelqu'un d'un peu réticent à ouvrir son cœur. « Tout le temps de vouloir d'une relation, aussi, ça presse absolument pas. » Elle avait le temps d'y penser, oui, après tout Maisie était à peine plus jeune que Wendy et il ne pouvait s'empêcher de poser sur elle un regard plus fraternel à cette idée. « J'ai eu quelques histoires avant Swann, et la plupart se sont pas très bien terminées. J'ai toujours eu un coté un peu idéaliste alors je t'épargnerais le couplet je croyais plus en l'amour quand je l'ai rencontré, mais ce qui est vrai en revanche, c'est qu'il lui a redonné tout son sens. » Parce que Swann était Swann et que Maisie n'avait sûrement pas besoin qu'il lui explique en quoi il s'était toujours illustré comme le petit-ami le plus aimant, affectueux et compréhensif qui soit. Elle le connaissait assez pour avoir déjà observé toutes ces qualités chez lui. « Y'a quand même une chose sur laquelle les comédies romantiques clichées ont raison : l'amour, ça nous tombe souvent dessus quand on s'y attend le moins. » Et ça illustrait parfaitement son histoire avec Swann, quand bien même dans son cas les sentiments amicaux n'avaient pas mis bien longtemps à se changer en tout autre chose. Il avait été une belle surprise, à tous les niveaux, et Maisie en connaîtrait sans doute une à son tour, un jour, lorsque les éléments seraient alignés.

« C'est gentil de me laisser me préparer psychologiquement. » Un salut militaire puis un battement exagéré de cils pour faire valoir l’évidence (à savoir, que je suis une personne droite dans mes bottes et particulièrement attentionnée), je ne renchéris pas. Le but n’est pas d’avertir Rory de tout ce que je compte lui faire subir, qui ira bien au-delà des taquineries si je reste cohérente avec la façon dont je mène ma vie dans cette colocation, mais seulement d’être suffisamment menaçante pour qu’il se sente intégré à la colocation – et non pas lui donner envie de fuir ; ça paraît bizarre, mais je vous assure que ça part d’une bonne intention. Voyez, mes intentions sont si pures que je n’ai encore enterré personne (Sofia à tout hasard) au fond du jardin, c’est bien le signe que cette colocation est idéale et que tout le monde s’aime dans le meilleur des mondes, n’est-ce pas ? « On va croiser les doigts pour que ça reste comme ça, alors. Ça m'embêterait d'avoir un jour à témoigner dans une émission criminelle pour une sombre histoire de poubelle pas vidée. » Ce serait tragique, c’est le moins que l’on puisse dire. « Remarque, si un jour ta carrière a besoin d’un second souffle, fais-moi signe. » Pas que je lui souhaite d’être oublié (et ça m’étonnerait fortement vu le succès de Rory cumulé à son talent), mais si tel était le cas, je n’hésiterai pas à lui donner un coup de main (toujours parce que je suis évidemment très attentionnée) même si ça doit se faire au détriment de quelqu’un (Sofia, toujours). En y réfléchissant, c’est peut-être même le bon plan, les émissions criminelles, parce que ça fait vendre, parce que ça a son public, que c’est diffusé et rediffusé jusqu’à l’écœurement et que Rory touchera toujours des royalties là-dessus. On pourrait même partager pour que je puisse acheter les gardes et bénéficier d’un confort supérieur de ma cellule. Mais eh, je m’égare, comme souvent, et j’en reviens à Rory pour le plus important : lui assurer que sa présence n’est de loin pas un problème. « Tu marques un point. Ce que j'aurais du dire, c'est que je me plais beaucoup parmi vous. Vous savez vraiment faire de cette coloc' un endroit accueillant. » J’affiche un fin sourire, acceptant, pour une fois, le compliment sans sourciller, parce qu’il est surtout dirigé envers Swann et Sofia (oui, même elle). C’est bien eux qui ont instauré cet esprit chill dans la colocation, je n’ai fait que m’y greffer des mois après et je ne regrette pas. C’est sûr qu’en emménageant ici, je ne pensais pas me retrouver dans un squat de luxe, mais, finalement, c’est loin de me déranger.

Ce qui me dérange, par contre, c’est l’image que Swann semble avoir de moi. Une image bien plus agréable et positive que la réalité, ce qui l’obligera, un jour ou l’autre, à se confronter à la réalité : je ne suis pas fiable. Je ne suis pas fiable et je n’ai aucun espoir de rester ici jusqu’à ce qu’on me fiche dehors ; j’arriverai très bien à me tirer d’ici par moi-même et, comme toujours, sans le vouloir. Quand l’hôpital remplacera à nouveau la chaleur d’un foyer accueillant et confortable – et ce n’est qu’une question de temps avant que les mauvaises habitudes n’en redeviennent des habitudes quotidiennes et ce jour-là, mes colocataires pourront me détester d’être entré dans leur vie et de leur faire faux-bord du jour au lendemain. Et je sais que je réfléchis trop ; je vais trop vite, je suis trop biaisée alors j’essaie de détendre l’atmosphère autant que de me détendre moi-même en rivalisant avec Rory pour l’oscar du meilleur acteur. « D'accord, je devrais peut être arrêter de parler pour lui. Mais il t'apprécie, Maisie, surtout n'en doute pas. » C’est pas la perspective qu’il ne puisse pas le faire qui m’angoisse, c’est la perspective que ce soit le cas. Parce que je l’apprécie aussi, Swann, plus qu’un colocataire. Et il n’y a aucune ambiguïté à voir dans mon affection, seulement le fait que je suis consciente des schémas que je mets en place avec les autres et du surinvestissement dont je peux faire preuve. C’est le cas avec Swann, alors qu’il a tout du frère que j’aurais rêvé d’avoir. Mais à la place, j’ai eu... Seth et on ne peut pas dire que les choses se passent bien entre nous, qu’on partage quoi que ce soit ou qu’il soit l’épaule sur laquelle je peux m’appuyer quand les choses vont mal, qu’il soit celui qui m’apporte les conseils qui m’aident à avancer, un rôle que Swann remplit malgré lui, un rôle que je ne devrais pas lui donner. Et lorsque Rory m’avoue qu’il a aussi certains bagages qui ont pu lui faire craindre de le perdre, je sais que je ne devrais pas être aussi curieuse. Je sais que je ne devrais pas lui en demander autant, que je ne devrais pas aussi surinvestir cette relation en cherchant des réponses qu’il n’a sûrement pas, alors que nous sommes juste amenés à nous croiser entre les murs de cette maison. Que nous avons une bonne relation, mais que nous ne sommes pas encore assez intimes pour que je l’oblige à aller sur ce chemin-là. « Je sais qu'ils voient plus loin que ça, oui. Je te mentirai pas en te disant que tout a toujours été simple, mais aujourd'hui le soutien de Swann et de mes proches est vraiment ce que j'ai de plus précieux. » Et je suis jalouse de la facilité que cela semble être, alors même que Rory a bien précisé que ça n’avait pas toujours été simple. Mais la manière dont il en parle, la manière dont il chérit ce soutien qu’on lui accorde aujourd’hui me rend envieuse. J’ai du soutien, c’est sûr, mais j’ai l’impression que ce n’est pas assez, que ce n’est pas sincère, autant que je suis bien consciente de souvent trop en demander, trop en attendre et ce paradoxe est difficile à gérer au quotidien, entre ce que j’espère et ce que j’accepte. Il y a un écart conséquent et je ne peux m’en prendre qu’à moi-même si les choses ne vont pas dans le sens où je l’aimerais.  « Et je suis heureuse pour toi que les choses soient ainsi aujourd’hui. » Moins compliquée, de ce que je comprends ente les lignes. Peut-être que je me répète beaucoup, mais Swann autant que lui méritent tout le bonheur du monde, ensemble comme séparément, parce qu’il ne faut pas plus de quelques minutes pour réaliser toutes les qualités qu’ils possèdent l’un et l’autre. Ils sont foncièrement bienveillants, gentils et doux et ils méritent de recevoir au centuple tout ce qu’ils donnent aux autres. « Non, t'en fais pas. J'ai fait face à assez de questions intrusives au cours d'assez d'interviews pour savoir apprécier quand quelqu'un s'intéresse simplement à moi, sans arrière pensée. » Voyez, même quand je suis trop curieuse, Rory reste agréable alors qu’il aurait toutes les raisons du monde de me recadrer. « Vu le prix qu’on m’a payé pour ces infos, j’ai tout intérêt à être crédible. » Je souligne, avec un large sourire et un air angélique à peine forcé pour qu’il comprenne que tout ceci n’a rien de sérieux. Jamais je ne serais capable de vendre la moindre information à un magazine, même si le chèque pouvait changer mon quotidien. Je ne suis pas fiable, oui, mais je suis loyale. « Aie confiance en ceux qui t'entourent, je t'assure qu'ils pourraient te surprendre. » J’acquiesce, plus sérieuse. « Je dois pouvoir essayer, oui. » Dans un premier temps, même si idéalement j’aimerais y parvenir. « Merci, Rory. » J’ajoute, reconnaissante, autant du temps qu’il m’accorde que la bienveillance de ses paroles.

Celui qui ne l’a pas été, pendant une fraction de seconde, c’est Swann, quand j’ai eu le malheur de toucher à sa collection de Doctor Who. « Il sait être très menaçant quand il s'y met, hein ? » J’acquiesce, exagérant une grimace apeurée sur mon visage, preuve en est que le souvenir est encore très frais et présent – j’en fais des cauchemars, oui, vraiment. Plus sérieusement, qu’on se le dise, Swann fait partie de ces gens d’apparence imperturbable qui, lorsqu’ils sont poussés dans leurs retranchements au point d’en exploser, ne sont certainement pas ceux qu’on souhaiterait se mettre à dos. C’est la raison pour laquelle je ne veux pas que ma maladresse autant que les interrogations que je retiens ne poussent Swann à bout. « Je sais pas si on peut vraiment dire ça, mais en tout cas n'hésite jamais à me faire part de tes doutes, lorsque tu en as. » J’affiche un nouveau sourire reconnaissant alors que, définitivement, ils se sont bien trouvés. Je suis sûre que si mes doutes concernaient Rory, Swann aurait tenu le même discours. « Je suis du matin et je donne des conseils gratuitement, autrement dit je suis pas juste là pour piquer dans votre réserves de bières. » Cette fois, c’est un rire qui s’échappe d’entre mes lèvres, avant d’acquiescer. « C’est noté, entrevue hebdomadaire à sept heures du matin. » Que je suppose, avant d’afficher un air un peu surpris. « Quoi, c’est pas ce que t’as dit ? » My bad. Mais le sourire que j’affiche lui fait comprendre que je ne suis pas sérieuse. Ou qu’à moitié ; aucun rendez-vous n’est pris, mais je le prends au mot et n’hésiterai pas à venir à lui en cas de doutes, pour être certaine que mon attitude ne risque pas de brusquer Swann – des fois que ce serait possible. Et outre les doutes, maintenant qu’il a réussi à balayer quelque peu ceux-ci, il aura surtout le droit à un compte-rendu. Dès que j’aurai eu le courage de parler à Swann. Bientôt. J’espère.

Pour l’heure, il s’agit surtout d’assurer à Rory que sa présence est loin de déranger. Et ce n’est même pas pour être polie que je lui assure cela, mais bien parce que c’est le cas. Il est loin d’être envahissant et dans le cas contraire, il reste le conjoint de Swann, il est donc légitime à passer du temps ici. « Je suis rassuré de te l'entendre dire. Au début je reconnais que j'avais un peu peur de m'imposer. Après tout, je partage la vie de Swann mais aucun d'entre vous n'a signé pour m'avoir régulièrement dans les pattes. » Pour être honnête, je signe mille fois pour un Rory dans les pattes plutôt qu’un Arthur ou un Seth, comme je l’évoque sans tarder. « Je l'ai toujours vu passer qu'en coup de vent mais j'imagine que s'il passe du temps ici, c'est aussi pour partager des moments avec sa sœur. » Le rire qui s’échappe d’entre mes lèvres répond à sa prochaine interrogation : « J'ai aucune idée de si vous êtes proches ou non, alors arrête-moi si je dis une bêtise. » Je mets ma main face à moi, paume vers lui, pour « l’arrêter ». « On ne l’est pas. Il vient ici parce qu’il trouve pas d’autres canapés à squatter quand il est bourré ou qu’il s’est mis la mauvaise personne à dos et qu’il doit se cacher. » Ou juste se remettre des quelques coups qu’il a reçu en se pensant plus malin que les autres. « Nos conversations se limitent souvent à des insultes, alors c’est une drôle de façon de partager quelque chose tous les deux. » J’admets avec un léger sourire, moins fataliste que mes propos le laissent penser. C’est ainsi, Seth et moi n’avons rien en commun et je commence à abandonner la perspective que ce soit un jour le cas, ou qu’à défaut, l’on trouve un terrain pour s’entendre. J’imagine que toutes les familles ne peuvent pas surmonter leurs difficultés ou leurs différences. À défaut d’en avoir une unie entre les murs de l’appartement de ma mère, Llewyn peut au moins compenser un peu en étant ici. Swann revêt à merveille le rôle du parfait grand-frère qui aime passe du temps avec lui et ça peut être une stratégie pour lui changer les idées. « Bien sûr, oui. Si tu veux que je sois là, je vous accompagnerai avec plaisir. Et si jamais t'avais envie d'en profiter pour, disons, échanger quelques mots avec Swann dans un contexte qui soit pas trop formel, je pourrais toujours proposer à Llewyn un tour de manège. » - « Pourquoi pas, oui, merci. On mettra en place un code. » Non, pas du tout. Je pense qu’un seul regard suffira à Rory pour comprendre mes intentions, sans avoir à placer « coléoptère » au sein de la conversation. Ça pourrait juste être comique et changer les idées de Swann pendant une seconde avant qu’il ait la sensation qu’on se fout de lui. Mauvaise idée, donc. Et puisque Rory semble partager certaines de mes craintes concernant Swann, je propose un échange de bons procédés (même si j’ai un peu honte de traiter Swann comme un paquet à se refiler, qu’on se le dise). « Tu sais, c'est pas une chose dont je sois très fier aujourd'hui, mais l'une des raisons pour lesquelles Swann et moi nous sommes séparés avant de nous remettre ensemble est l'importance que j'ai toujours accordé à ma carrière. » Ce qui est légitime, Rory n’en est sûrement pas arrivé là où il en est aujourd’hui sans rien faire. « Notre couple a toujours été plus important que tout pour moi, mais j'ai sûrement manqué plusieurs occasions de faire des concessions au bon moment, à l'époque, et notre relation en a souffert. C'est pas une chose que je compte laisser se reproduire, même si je sais qu'il veut vraiment que je fasse ce que j'aime. » Ce qui est là-aussi légitime. « Mais quoi qu'il arrive j'ai déjà toute confiance en toi pour veiller sur lui en mon absence, et c'est ce qui me permet de partir chaque matin l'esprit léger. » Il a peut-être un peu trop confiance, Rory, mais soit. « Au moins, t’en as conscience cette fois-ci alors tu peux qu’aller vers la meilleure solution pour concilier les deux. » J’ai pas d’ambition, c’est sûr, alors je ne sais peut-être pas trop de quoi je parle, néanmoins j’imagine que si Rory a conscience de la nécessité d’équilibrer son temps entre le privé et le professionnel, il ne peut qu’aller dans la bonne direction.

Et je n’aurai jamais cru que ce serait ce matin que je passerais un cap avec Rory, à échanger de manière aussi personnelle. « Merci. Ça compte beaucoup pour moi de savoir ça. » Et pourtant ce n’est que la vérité, le fait qu’il tient au bonheur de Swann et qu’il vient de m’en faire la démonstration de la manière la plus bienveillante qui soit. Néanmoins, quand il s’agit de ma vie sentimentale, j’ai beaucoup moins à en dire, hormis le fait que, oui, je suis peut-être un peu jalouse de leur bonheur. Faute avouée à moitié pardonnée, n’est-ce pas ? « Je suis sûr qu'on a déjà du te le dire et que ça sonnera un peu comme une phrase toute faite, mais t'es encore jeune et t'as le temps de rencontrer la bonne personne. » J’acquiesce, autant sur le fait qu’on me l’a déjà dit que le fait qu’il s’agit d’une phrase toute faite. « Oui, je m’inquiéterai d’ici vingt-trente ans. » J’ai le temps, donc, comme il le précise. « Tout le temps de vouloir d'une relation, aussi, ça presse absolument pas. » Non, même si parfois j’ai l’impression qu’il s’agit d’un prérequis à mon bonheur selon les normes. Que parce que je n’ai encore jamais vraiment eu de relation, je suis vouée au désastre, parce que je ne peux m’épanouir que si mon quotidien se conjugue à deux. Il y a une certaine pression et même ma jeunesse n’est pas une raison pour m’en épargner. « J'ai eu quelques histoires avant Swann, et la plupart se sont pas très bien terminées. J'ai toujours eu un coté un peu idéaliste alors je t'épargnerais le couplet je croyais plus en l'amour quand je l'ai rencontré, mais ce qui est vrai en revanche, c'est qu'il lui a redonné tout son sens. » J’esquisse un léger rire, même si effectivement c’est un couplet un peu cliché, je ne doute pas qu’il peut être vrai dans certains cas de figure. « Y'a quand même une chose sur laquelle les comédies romantiques clichées ont raison : l'amour, ça nous tombe souvent dessus quand on s'y attend le moins. » - « C’est cliché, mais c’est mignon. » À leur image, parce que je défie quiconque de me dire qu’ils ne sont pas mignons, Swann et Rory. « On verra bien, mais... ouais, vous mettez la barrière très haut. » Parce que moi aussi j’ai envie d’une histoire aussi belle, d’une relation aussi fusionnelle avec mon partenaire et que la réalité est que lorsque je m’entoure, c’est souvent très mal. « Vous serez les premiers au courant, de toute façon. » Mais j’ai le temps de voir venir, il l’a confirmé. Mais dans un sens, même si j’ai avoué que ça ne m’intéresse pas, je dois aussi reconnaître qu’être mise devant le fait de ma solitude me peine plus que je veux bien l’admettre. « Allez, je devrais peut-être te libérer. » Je songe en observant l’heure qui tourne, n’oubliant pas la raison pour laquelle j’étais prête à partir avant que mon chemin croise celui de Rory.

@Rory Craine

london thunder.

@MAISIE MORIARTY & RORY

« Remarque, si un jour ta carrière a besoin d’un second souffle, fais-moi signe. » Le rire émis par l'acteur fut aussi sincère que la bienveillance avec laquelle il observa Maisie. Si leurs précédentes interactions avait déjà mis en lumière la sympathie et le caractère amical de la jeune femme, cette rencontre plus que matinale l'amenait aussi à découvrir qu'elle ne manquait pas d'humour, tout autant que d'une répartie toujours appréciable. « J'y penserai. Les temps sont durs pour tout le monde, après tout. » Oh c'était vrai il n'y a encore pas si longtemps, à vrai dire, lorsque l'affaire Byers avait éclaboussé sa carrière et compromis plusieurs projets sur lesquels Rory comptait beaucoup. C'était de l'histoire ancienne, désormais, mais quiconque s'était vu se faire traîner dans la boue et regarder de haut par tout le milieu savait à quel point cette profession était fragile et impitoyable. S'il ne s'en faisait pas vraiment pour l'avenir, surtout depuis que l'idée de diversifier son activité faisait son bonhomme de chemin, Rory gardait à l'esprit que rien n'était jamais assuré. Et si le Rory d'il y a quelques années était justement prêt à tout pour sa carrière, celui d'aujourd'hui relativisait volontiers tout ce qui n'avait pas trait à l'essentiel : ceux qu'il aimait. C'est aussi en ça qu'il chérissait particulièrement sa place au sein de la coloc', quand bien même il n'en était que le membre non-officiel qui devait essentiellement sa présence parmi eux à son couple avec Swann. Ça lui allait très bien, à vrai dire, de passer plusieurs soirs par semaine pour retrouver Swann et parfois dormir sur place. La seule chose qui lui importait étant de ne déranger personne, mais sur ce point Maisie s'était montrée plus que rassurante. Accueillants, ils l'avaient tous été avec lui dès le premier jour et ça confortait simplement Rory dans l'idée qu'ils formaient un groupe très attachant.

Rien ne lui semblait donc plus naturel que de rassurer Maisie en retour, alors qu'il n'avait aucun doute sur le fait que Swann apprécie particulièrement sa présence. Il n'était peut être pas bien difficile de se faire aimer d'un homme comme Swann, qui avait littéralement le cœur sur la main, mais tous ici avaient énormément apporté à l'anglais au cours des derniers mois et Maisie n'avait pas été en reste. Elle semblait douter de l'impact qu'elle pouvait avoir dans la vie des autres, pourtant son besoin de s'assurer que Swann allait mieux trahissait toute l'empathie dont elle était capable et tout le bien qu'elle pouvait faire autour d'elle. En somme, elle doutait d'être à la hauteur quand son attitude ne laissait pas la moindre place au doute : elle était une amie exemplaire pour Swann, et c'était une raison supplémentaire pour Rory de lui faire toute confiance, peu importe les bagages qu'elle pourrait transporter avec elle. « Et je suis heureuse pour toi que les choses soient ainsi aujourd’hui. » « Merci, Maisie. » Il était heureux lui aussi de pouvoir dire que cette période était derrière lui, peu importe qu'il lui arrive encore de se remettre en question et de se comparer au reste de sa fratrie, tout avait une saveur bien plus douce depuis que Swann faisait de nouveau partie intégrante de sa vie. Il était celui sans qui rien de tout ça n'aurait été possible. Celui grâce à qui Rory avait pu grandir, guérir de ses doutes et du sentiment tenace de ne pas avoir tout ce qu'il fallait pour être pleinement suffisant. Savoir qu'il lui suffisait, à lui, et l'entendre lui répéter qu'il le rendait heureux était tout ce dont il avait besoin. C'était peut être finalement en ça qu'il avait le plus évolué : en s'émancipant du besoin de rendre fiers ses parents et en consacrant toute son énergie à faire le bonheur de l'homme qu'il aimait. « Vu le prix qu’on m’a payé pour ces infos, j’ai tout intérêt à être crédible. » Un nouveau rire, complice celui-ci, tandis que Rory ne voyait en réalité pas la moindre raison de se méfier de Maisie. Et pas seulement parce qu'il l'aurait sans doute percée à jour si elle avait du bosser pour un de ces journaux à scandales qui deux ans plus tôt ne le lâchaient pas d'une semelle. Aussi parce que c'est simplement ce qu'elle lui donnait envie de faire : se fier à elle, tout simplement. « Oh je vois, c'était donc une mise en scène tout ça. » Et s'il n'avait pas déjà trempé ses lèvres dans son café, il aurait même pu se demander s'il n'était pas factice. « Du coup tu ferais une actrice très convaincante, toi aussi, si tu penses un jour à te reconvertir. » N'avait-elle pas déjà un pied dans le Cinéma, en quelques sortes, en travaillant ni plus ni moins de l'autre coté d'une cabine de projection ? Rory n'avait que peu de doutes sur le fait que Maisie puisse un jour vouloir emprunter cette voie, cependant, et c'était probablement mieux comme ça. Si ce milieu était merveilleux à plus d'un titre, il pouvait aussi faire beaucoup de mal lorsque votre chance se mettait à tourner. Il en savait quelque chose, et il n'était même pas le moins bien loti. « Je dois pouvoir essayer, oui. Merci, Rory. » C'est normal sont les mots qu'il se contenta d'exprimer à travers un sourire, soulagé de voir Maisie s'ouvrir à l'idée que son entourage puisse être bien plus disposé qu'elle ne le pensait à l'accepter toute entière. Avec ses défauts, ses failles, son passé. Certaines personnes pourraient toujours décevoir ses espoirs, c'est vrai, mais celles-ci ne mériteraient pas une seule seconde de son temps. Les autres, par contre, s’avéreraient être de vrais amis.

« C’est noté, entrevue hebdomadaire à sept heures du matin. » Voilà que son envie de lui assurer qu'elle pouvait compter sur lui pour l'écouter en cas de besoin était entrain de se retourner contre Rory. « Quoi, c’est pas ce que t’as dit ? » Il riait, bien sûr, conscient d'avoir tendu le bâton pour se faire battre face à une Maisie décidément beaucoup trop maligne pour laisser passer ce genre d'occasion. « Attention, tu m'as surpris dans un bon jour mais je suis pas certain que tu voudrais rencontrer le Rory qui s'est levé du pied gauche. » Il était certes rare qu'il se lève de mauvaise humeur quand Swann était la première personne que ses yeux découvraient au réveil et assurément une source de sourires plutôt que de grimaces, mais qui sait. Une chance finalement qu'il ne passe pas toutes ses nuits ici, ou sinon Maisie pourrait se retrouver à supporter ses humeurs sans avoir signé pour ça. Mais trêve de plaisanterie, il va sans dire qu'il apprécierait de la recroiser et de refaire le monde de bon matin, surtout s'il pouvait l'aider à prendre confiance en ses qualités.

Ce que Rory redoutait survint finalement lorsqu'il fut question du frère aîné de Maisie et que l'acteur s'avança malgré lui un peu trop. « On ne l’est pas. Il vient ici parce qu’il trouve pas d’autres canapés à squatter quand il est bourré ou qu’il s’est mis la mauvaise personne à dos et qu’il doit se cacher. » L'australien étira une légère grimace, regrettant d'avoir présumé que les choses étaient systématiquement aussi simples quand il suffisait d'observer Maisie pour comprendre que c'était tout sauf le cas. « Oh je vois, désolé. » Désolé d'avoir tiré des conclusions trop hâtives. Désolé, aussi, que sa relation avec son frère ne semble pas au beau fixe. « Bon mais s'il sait qu'il peut se réfugier chez sa sœur, c'est sans doute qu'il a des raisons de penser que toi tu lui tourneras pas le dos. » Peut être était-ce simplement lui qui choisissait de voir le bon en chacun et d'appréhender les choses sous un prisme engageant. Peut être que Maisie et son frère se livraient à une guerre froide depuis assez longtemps pour que la question ne suscite au pire qu'un peu d'agacement, au mieux qu'une indifférence totale. Dans un cas comme dans l'autre, il ferait peut être mieux d'éviter de mettre les pieds dans le plat deux fois de suite. « Nos conversations se limitent souvent à des insultes, alors c’est une drôle de façon de partager quelque chose tous les deux. » Rory ne nierait pas que ça lui faisait un peu de peine de l'entendre, mais moins que si Maisie s'était retrouvée complètement isolée et sans famille. Elle avait Llewyn, pour commencer, et les amis qu'elle s'était fait au sein de la coloc'. Les liens du sang était une chose, mais parfois notre vraie famille était celle que l'on se choisissait. « Je compatis. Depuis quelques mois, c'est pas franchement idyllique non plus dans ma fratrie. Mais je crois que c'est écrit dans le contrat des relations fraternelles, qu'on peut malheureusement pas les échanger même quand ils nous tapent sur le système. » Il tenta d'alléger l'atmosphère à sa façon, sans pour autant que la partie qui concernait ses frère et sœurs soit inventée. Les choses rentraient progressivement dans l'ordre, mais tout était loin d'être aussi simple il y a encore quelques mois. Et pour être l'enfant du milieu, celui qui faisait malgré lui le pont entre les plus jeunes et les plus âgés, c'était une situation loin d'être évidente. Mais ils dépasseraient tout ça et se tireraient vers le haut, comme d'habitude. « Pourquoi pas, oui, merci. On mettra en place un code. » Lui se ferait en tous les cas une joie de partager cette journée avec Maisie, Llewyn et Swann, et pas juste parce qu'une part de lui s'émerveillait toujours au milieu des manèges et des stands. « On fera comme tu veux. » Avec ou sans code, ils arriveraient à se comprendre et c'était là l'essentiel, que Maisie sache qu'il pourrait veiller sur son frère s'il lui prenait l'envie d'avoir une discussion avec Swann. C'est à elle que reviendrait le choix et il ne la forcerait en rien à faire part de ses craintes à son petit-ami, quand bien même il était certain que Swann les accueillerait avec bienveillance. C'est ce qu'il faisait toujours, à tel point qu'il était bien impossible de ressasser trop longtemps ses soucis lorsque l'anglais était près de vous. Rory en savait quelque chose, son cœur n'était jamais aussi léger qu'en sa présence, et ce n'était pourtant pas faute de battre pour lui. « Au moins, t’en as conscience cette fois-ci alors tu peux qu’aller vers la meilleure solution pour concilier les deux. » Il secoua doucement la tête. Si son couple avait connu des moments compliqués et qui à l'époque les avaient même séparés, aujourd'hui ils avaient appris de leurs erreurs et Rory s'était promis de ne jamais reproduire les siennes. « C'est ce que j'ai l'intention de faire, oui. » Concilier les choses au mieux. Faire de Swann et de leurs nombreux projets une priorité, car c'était là ce qui comptait le plus à ses yeux. Il aimait certes son travail et n'imaginait pas s'en passer, mais le vrai bonheur consistait à se réveiller près de l'homme qu'il aimait tous les matins et en ça Rory ferait toutes les concessions nécessaires pour le préserver.

Les confessions se voulurent finalement plus personnelles, sans que ça n'ait rien d'une mauvaise chose. Au contraire, Maisie devait déjà savoir que tout ce qui se disait dans cette cuisine n'en sortirait pas. Et ça allait de même pour ses pseudo conseils amoureux, visant bien plus à rassurer Maisie sur le fait qu'elle avait tout le temps de trouver la bonne personne qu'à lui montrer une quelconque marche à suivre. Justement parce qu'elle avait le temps d'y penser. « Oui, je m’inquiéterai d’ici vingt-trente ans. » Voilà, ça lui semblait être une limite raisonnable à partir de laquelle potentiellement s'inquiéter d'être encore célibataire. Et encore, il y avait des personnes qui vivaient très bien seuls sans que ça ne les affecte le moins du monde. « C’est cliché, mais c’est mignon. » Rory eut un petit sourire amusé, conscient qu'il pouvait facilement s'emballer lorsque la conversation se reportait sur Swann. « On verra bien, mais... ouais, vous mettez la barrière très haut. » Et il rougirait presque, cette fois, tandis que ces mots restaient agréables à entendre et qui plus est de la bouche de quelqu'un qui connaissait maintenant aussi bien Swann. Avoir la bénédiction des proches de l'anglais était évidemment un plus, même s'ils s'étaient jurés de ne plus jamais s'inquiéter du regard des autres. « Vous serez les premiers au courant, de toute façon. » Voilà une idée qui lui plaisait bien, connaître en exclusivité le nom du futur heureux élu qui saurait ravir le cœur de la jeune femme. « Tu peux compter sur nous pour lui faire passer un test rigoureux histoire de nous assurer qu'il est bon pour toi. » Oh, nul doute qu'ils en seraient capables, quoi que dans une version sans doute nuancée. « Quoi, c'est pas ce que t'as dit ? » Oh celle-là était facile, il l'admettait, et Maisie n'avait plus généralement rien à craindre quant à l'accueil que la colocation pourrait réserver à un potentiel petit-ami. Tant qu'il était gentil et respectueux envers elle, il ne voyait pas de raison pour que quoi que ce soit se passe mal. « Allez, je devrais peut-être te libérer. » A discuter de la sorte, ils n'avaient pas vu le temps passer et c'était une bonne chose. Ils avaient appris à se connaître davantage, et Rory ne le regrettait pas. « Oui, tu dois avoir des choses à faire. » Et lui aussi, tout du moins d'ici une poignée de minutes. « Et moi je vais aller voir si Swann est réveillé. » Comme il le faisait chaque matin où il se levait avant lui, retournant se blottir contre l'anglais jusqu'à ce que celui-ci ouvre les yeux et lui tire aussitôt un sourire. Ainsi il n'y avait aucun risque pour que la journée démarre sur une mauvaise note. « Passe une bonne journée, et n'oublie pas que je suis là au besoin. » Il lui assura dans un sourire, avant d'emprunter les escaliers et de disparaître à l'étage. Ça ne coûtait rien de le lui rappeler, et ça lui faisait même plaisir. Ainsi elle saurait à quelle porte toquer la prochaine fois qu'elle serait prise de doutes au sujet de Swann ou de quoi que ce soit d'autre.