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 Le passé qui nous hante

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Message(#)Le passé qui nous hante  EmptySam 6 Nov 2021 - 23:10

@Melchior Nicholls - Adriana Suarez



25 septembre 2021

Adriana était partie aux aurores de l’appartement, peu désireuse de croiser Mel aujourd’hui. Elle l’aimait de tout son cœur, mais elle n’avait pas la force de faire face à son regard compatissant, alors que ce jour est celui de l’anniversaire de la mort d’Eduardo. Huit ans ont passé depuis, et sa vie a été irrémédiablement bouleversée le 25 septembre 2013.
Ce jour-là, elle avait perdu son frère, et tourné le dos à tous ses amis qui avaient pu acheter de la drogue à Eduardo. Mel en faisait partie. Pendant plusieurs années, les meilleurs amis ne s’étaient plus fréquentés, la colère d’Adriana ayant cédé la place à sa fierté.
Sa famille avait été brisée, ses parents dévastés, et Pablo était rapidement parti, délaissant les siens alors qu’ils avaient besoin de sa présence. Adriana avait eu l’impression de devoir cacher son chagrin, d’être forte, pour ses parents. Elle pleurait, mais ne le faisait que sous la douche ou la tête enfouie dans l’oreiller. Elle redoutait de s’endormir, le soir, parce qu’elle savait qu’au réveil, pendant environ deux secondes, elle aurait oublié qu’Eduardo n’était plus. Et après ces deux secondes d’accalmie, elle savait que la tristesse reviendrait la heurter de plein fouet.
Ce jour-là, ses aspirations avaient aussi changé. Elle ne rêvait plus d’être mannequin. Elle devait maintenant protéger les gens, pour éviter que ce que sa famille traversait, quelqu’un d’autre le subisse également. A la fin du lycée, elle s’était donc orientée vers une faculté de droit et avait ensuite rejoint la police de Brisbane.
Pour chasser la peur qui la suivait comme une ombre, elle avait découvert les arts martiaux, et avait appris à se défendre.

En ce jour du 25 septembre 2013, tout avait soudain basculé, en quelques secondes.

Ce matin, Adriana s’était rendue au poste de police en moto. Dans les vestiaires, elle avait enfilé ses vêtements de sport et avait fait un très long jogging, espérant se vider la tête. Malheureusement, elle avait surtout eu le temps de penser, et la douleur qu’elle avait infligé à son corps au fil des kilomètres parcourus n’avait pas suffi à faire taire celle de son cœur.
Rentrée au poste, une fois douchée, elle avait rejoint la salle de pause pour prendre un café. Comme tous les jours, elle y avait subi les moqueries de ses collègues masculins. Mais aujourd’hui, elle n’était pas assez forte pour les encaisser.

« Vous savez quoi ? Allez tous vous faire foutre ! Je me casse ! »

Elle avait violemment claqué la porte en sortant, puis avait remis sa tenue de civile avant de quitter les locaux. A l’air libre, elle inspira profondément en regardant le ciel bleuté. Elle avait déjà l’impression de mieux respirer. Elle enfourcha sa moto et fit une longue balade. La vitesse la grisait, le vent qui la repoussait lui donnait une sensation de liberté et de force. Mais toutes ces perceptions semblaient aujourd’hui atténuées, comme si un voile noir avait été déposé sur cette journée. Le soleil brillait moins fort, les oiseaux chantaient plus doucement, et surtout, le temps passait moins vite.
Finalement, Adriana décida de rejoindre l’appartement après avoir vérifié l’heure, rassurée de savoir que Mel serait encore au boulot. Là, elle s’était affalée sur le canapé, devant la télé, avec un pot de glace et une bouteille de vodka.

Lorsque son meilleur ami rentra chez eux plusieurs heures plus tard, elle était toujours là, à la même place, fixant vaguement une émission de téléréalité, une cuillère de glace dans la bouche.

« Meeeeel ! Viens regarder ça avec moi, c’est tellement stupide ! »

Elle était bourrée, tout dans son attitude et dans sa voix le trahissait, et la nouvelle gorgée de vodka qu’elle avala directement au goulot ne pouvait que le confirmer.




Dernière édition par Adriana Suárez le Mar 28 Déc 2021 - 21:05, édité 1 fois
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Message(#)Le passé qui nous hante  EmptyMar 21 Déc 2021 - 21:52


Ce matin Ade est partie avant que je me réveille. Je n’ai pas eu l’occasion de lui parler, de lui souhaiter une bonne journée. Enfin bonne journée, tout est relatif, aujourd’hui est un jour difficile pour elle. Aujourd’hui c’est l’anniversaire de la mort d’Eduardo et je n’ai pas besoin de regarder quel jour on est sur mon téléphone. J’y pense depuis un moment, je n’arrive pas à me sortir ce triste anniversaire de la tête. Sûrement parce que j’ai une part de responsabilité dans tout ça. Je sais que je ne suis pas directement responsable de la mort d’Eduardo, ce jour là je n’étais pas là mais en ayant été son client je l’ai encouragé à continuer son trafic. Je sais que je n’étais qu’une petite partie de ses gains, un simple maillon parmi tous ses clients mais je ne peux pas m’empêcher de me dire que si je n’avais pas été comme ça rien de tout ça ne serait arrivé. Je sais que c’est idiot, ça n’aurait sûrement rien changé mais je traine toujours cette culpabilité. Le pire dans tout ça c’est que le jour où c’est arrivé je n’étais pas là pour Ade. J’étais en soirée avec mes « amis » de l’époque, complètement déchiré je n’ai pas répondu quand elle m’a appelée en panique. Je n’ai pas entendu ses pleurs et son désespoir alors que son frère venait de se faire tuer sous ses yeux, alors qu’elle aurait pu mourir aussi. C’est le lendemain en pleine gueule de bois que j’ai découvert les messages et les appels manqués. Je sais que je ne me pardonnerais jamais de ne pas avoir été là pour elle. Je suis son meilleur ami et je n’ai pensé qu’à moi alors qu’elle avait plus que jamais besoin de soutien. J’aurais dû être là pour sécher ses larmes, la prendre dans mes bras et prendre soin d’elle. Au lieu de ça je me souviens m’être assis sur le sol de la salle de bain en me disant « merde mais qu’est-ce que j’ai fait ? ». Je l’ai appelée tout de suite ce jour-là mais j’ai été accueilli par le répondeur, encore et toujours. Je me souviens être allé toquer chez elle et après ce qui a suivi est un des pires épisodes de ma vie. On s’est disputés, enfin elle a vidé son sac, elle m’a avoué en larmes sa déception quant à mon absence mais surtout ma responsabilité dans la mort de son frère avant de claquer la porte. Suite à ça nous avons passé presque deux ans sans nous parler et elle me manquait à un point inimaginable. Depuis cette dispute et pendant ces deux années il n’y a pas un jour où je n’ai pas pensé à elle ou à ce que j’ai fait.

C’est donc une journée spéciale, chaque année je revis le drame mais ce n’est rien comparé à la souffrance qu’Adriana doit endurer. J’ai bien senti qu’elle était tendue depuis plus d’une semaine et j’appréhende beaucoup cette journée. Surtout que ses collègues sont de vraies ordures alors j’ai peur qu’ils ne l’aient pas ménagés dans cette journée extrêmement douloureuse pour Ade. J’ai pris les devants et je suis passé acheter de quoi dîner, son plat préféré et pour le dessert des muffins au chocolat, ses préférés. Je passe la porte de l’appartement et le spectacle que j’observe me brise le cœur. Ade est devant la télé -bon jusque là rien de très alarmant- mais elle est en train de boire. « Meeeeel ! Viens regarder ça avec moi, c’est tellement stupide ! » Son ton et son attitude me le confirment : elle est complètement ivre. « Oh Ade » J’ai mal de la voir comme ça, de la voir se détruire, boire pour oublier sa tristesse. Je la vois porter à nouveau le goulot à ses lèvres et je lui prends délicatement la bouteille des mains. « Je pense que tu devrais arrêter la vodka pour aujourd’hui. » Je regarde le niveau de la bouteille qui est suffisamment bas pour que ça soit inquiétant. Je me dis que si j’étais rentré plus tard ça aurait pu être plus grave, j’ai déjà fini à l’hôpital à cause d’un coma éthylique, je sais à quel point c’est grave alors je n’ai pas envie qu’il lui arrive la même chose. Je baisse le son de la télévision pour qu'on puisse discuter. « Je sais que c’est une journée difficile pour toi, tu veux en parler ou tu préfères qu’on fasse quelque chose à la place ? » Je sais que parler de cette journée ou de ses émotions peut être douloureux alors je ne veux pas la forcer. Je m’adapterais à ce qu’elle préfèrera. « Ah et j’ai pris ça en revenant du travail. » Et je pose les boîtes transparentes avec mes achats pour le dîner. Je la regarde intensément, je suis triste de la voir comme ça mais j’essaie de ne pas le laisser transparaître. En tout cas si dans le passé je n’ai pas été là maintenant je ne compte pas partir et je suis prêt à la soutenir quoiqu’il arrive.


@Adriana Suárez Le passé qui nous hante  4014933344
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Message(#)Le passé qui nous hante  EmptyMar 28 Déc 2021 - 21:49

@Melchior Nicholls - Adriana Suarez


Cette journée était horrible. Elle voudrait déjà être à demain. Ou bien à quelques jours plus tard. En réalité, toutes les journées ont un léger goût amer depuis huit ans, toutes sont empreintes d’un petit voile de tristesse. Mais la douleur s’est atténuée, et la peine s’est transformée en nostalgie. Aujourd’hui est une journée affreuse, mais en réalité, Ade l’anticipe déjà depuis plusieurs jours. Elle le sent, qu’elle est tendue. Et quand ce matin, elle se rend au travail, elle sait déjà qu’elle est montée sur un ressort et qu’elle ne pourra pas supporter certains de ses collègues. Elle ne se surprend donc pas tellement lorsqu’elle claque la porte et rentre chez elle, ravie de voir que Mel n’est pas encore rentré du boulot. Elle ouvre une bouteille de vodka et s’installe devant la télé, se retrouvant rapidement captivée par une émission de télé-réalité dans laquelle des prétendants cherchent l’amour. Leurs techniques de drague sont lourdes, et leurs échanges sont si pauvres, qu’Ade ne peut s’empêcher de rire comme une idiote. Elle n’avait pas conscience qu’on pouvait faire autant de fautes à l’oral, rien qu’en parlant en off, dans une sorte de confessionnal. Cette émission est débile, mais ça la distrait, lui occupe l’esprit, et finalement, ça la rassure même un peu sur ce qu’elle vaut.
Puis, au bout de quelques heures, Mel entre dans l’appartement, et Ade l’interpelle immédiatement, sa voix trainante trahissant sa consommation d’alcool. Elle remarque de suite l’air inquiet de son meilleur ami et lit sa souffrance sur son visage. Elle le connaît par cœur. Elle sait qu’il a envie de la réconforter, aujourd’hui plus qu’un autre jour. Elle sait qu’il s’inquiète de la voir dans cet état. Elle sait aussi que lui-même souffre, regrette son comportement d’il y a huit ans, regrette leur dispute et le fait qu’ils ne se soient ensuite pas parlés pendant près de deux ans. Mais aujourd’hui, pour une fois, elle n’est pas prête à faire passer son meilleur ami avant sa propre souffrance, parce que la sienne l’étouffe, l’enserre, l’empêche de se concentrer sur quelqu’un d’autre. Aujourd’hui, elle ne peut pas prétendre aller bien, elle n’en a pas la force. Alors elle détourne le regard, reporte son attention sur la télévision, pour fuir le regard inquiet de Mel.

« Je pense que tu devrais arrêter la vodka pour aujourd’hui. »

Ade fait la moue en regardant la bouteille quitter ses mains pour rejoindre celles de Mel. Elle n’est pas d’accord. Elle a encore mal, sent toujours la douleur, alors c’est qu’elle ne doit pas avoir assez bu. Ce sera suffisant quand elle ne sera plus capable de sentir quoi que ce soit.

« La bouteille n’est pas vide, alors je crois que j’ai encore un peu de marge ! »

Son regard flou se plante dans celui de Mel. Elle ne sourit pas, le défie de ses yeux marrons de l’arrêter. Pourtant, c’est toujours lui qui a la bouteille, et le voilà en plus qui réalise une OPA hostile sur la télécommande, baissant le son de la télévision.

« Je sais que c’est une journée difficile pour toi, tu veux en parler ou tu préfères qu’on fasse quelque chose à la place ? »

Adriana lève les yeux au ciel. Elle sait que Mel veut l’aider, qu’il fera ce qu’elle voudra aujourd’hui, à partir du moment où ça pourrait lui faire du bien. Mais Ade n’est pas gentille aujourd’hui. Ade est bourrée, Ade est triste, Ade est en colère. Alors son ton est cassant, comme il l’a rarement été.

« Bien sûr, de quoi tu veux parler ? Du fait que mon frère ait été tué il y a huit ans pour une affaire de drogue ? De l’herbe que tu lui achetais ? Ou de ton absence ce soir-là, alors que j’avais besoin de toi ? »

Ses paroles ont à peine franchi ses lèvres qu’elle sait qu’elle est allée trop loin. Elle est certaine d’avoir blessé Mel, et regrette déjà son comportement. Alors elle se prend la tête entre les mains, ramène ses jambes sous elle et tente de respirer calmement pendant quelques secondes. Puis elle relève la tête, l’air penaud, évitant soigneusement le regard de Mel.

« Je suis désolée. Pour ce que j’ai dit il y a quelques minutes, et pour ce que je t’ai dit il y a huit ans. Je regrette, sincèrement. »

Mel désigne ensuite les achats qu’il a effectué, et la brunette est trop contente de pouvoir se concentrer sur autre chose que sa culpabilité.

« Ah et j’ai pris ça en revenant du travail. »

Ade reconnaît immédiatement le logo sur les boîtes transparentes, celui du petit italien à quelques rues d’ici, qui fait les meilleurs tagliatelles à la carbonara que la brunette ait jamais mangé. Elle voit également le petit sachet brun de la boulangerie qui se situe près du travail de Mel, et qui fait des muffins à tomber par terre. Elle esquisse un petit sourire triste à la vue de toutes ces victuailles, sachant que son meilleur ami a eu toutes ses attentions pour elle. Mais son estomac se serre, incapable de pouvoir avaler quoi que ce soit. Elle voudrait dire que c’est le litre de glace qu’elle a avalé qui ne passe pas, mais il manquerait sans doute une partie de la vérité.
Ade détourne son attention du repas et plonge son regard triste dans celui de Mel puis se jette dans ses bras, se blottissant contre lui, là où est sa place, celle qu’elle a trouvé il y a déjà des dizaines d’années, l’endroit où elle se sent bien.

« Ne me laisse pas … Ne me laisse plus. »

Sous-entendu : même si je te repousse. Parce qu’elle a trop besoin de lui. Parce que c’est Mel et Ade, ensemble contre les épreuves, envers et contre tout.



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Message(#)Le passé qui nous hante  EmptySam 29 Jan 2022 - 16:05

@Adriana Suárez



La scène que j’ai devant moi me brise le cœur, Ade complètement ivre et qui essaie de boire pour noyer son chagrin. Le pire dans tout ça c’est que ce n’est pas la première fois que je la vois dans cet état, chaque année c’est plus ou moins la même chose. C’est toujours un drame et j’essaie de lui remonter le moral à chaque fois mais cette année c’est encore pire que d’habitude. D’habitude je la retrouve en train de pleurer, souvent emmurée dans un mutisme mais l’ivresse c’est une première et j’ai un peu de mal à savoir comment gérer ça. Je lui dis qu’elle a assez bu et sans attendre sa répondre je lui prends en douceur la bouteille des mains. « La bouteille n’est pas vide, alors je crois que j’ai encore un peu de marge ! » J’ai mal de la voir comme ça parce que j’ai l’impression de me revoir quelques années auparavant. J’étais persuadé à l’époque que boire et être défoncé c’était la solution pour oublier tous les problèmes, ce n’est qu’un leurre et le lendemain la souffrance est encore pire que la veille. « Ade s’il te plait fais moi confiance t’as assez bu pour aujourd’hui. » Je ne cèderais pas, elle peut me dire ce qu’elle veut elle ne récupèrera pas le bouteille. Si elle boit plus elle va être malade et je me dis qu’elle a déjà trop bu pour éviter la gueule de bois de demain. Je lui demande si elle a envie de parler ou plutôt de s’occuper autrement, c’est à elle de décider. « Bien sûr, de quoi tu veux parler ? Du fait que mon frère ait été tué il y a huit ans pour une affaire de drogue ? De l’herbe que tu lui achetais ? Ou de ton absence ce soir-là, alors que j’avais besoin de toi ? » Ses mots me font l’effet d’un coup de poing en plein dans le ventre. C’est extrêmement blessant mais je me dis que je le mérite ce qu’elle dit ce n’est que la vérité. Comme on dit, il n’y a que la vérité qui blesse. « Je… » Je ne sais pas quoi répondre mais j’ai les larmes aux yeux. Je me sens toujours coupable d’avoir joué un rôle dans les activités de son frère et surtout de ne pas avoir été là pour elle. Je détourne le regard et je fixe le mur pendant qu’elle se prend la tête entre ses mains. « Je suis désolée. Pour ce que j’ai dit il y a quelques minutes, et pour ce que je t’ai dit il y a huit ans. Je regrette, sincèrement. » Je sais qu’elle ne voulait pas me faire du mal en disant ça, la vodka a aidé à libérer sa parole mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir blessé. « T’excuses pas je me suis comporté comme un sale con ce soir-là. Je crois que je regretterais toute ma vie de pas avoir été là pour toi ce jour-là. » Le pire c’est que dans tout ça je ne peux rien faire, le mal est fait et je ne pourrais jamais racheter mon erreur. Je lui parle de ce que j’ai acheté pour le repas, j’ai essayé de prendre des choses qu’elle aime pour lui faire plaisir même si je sais que ça ne peut pas tout résoudre. C’est ma manière de lui montrer que je suis là, que je l’aime et que je suis là pour la soutenir du mieux que je peux. Elle me regarde et je peux voir toute la souffrance dans son regard avant qu’elle ne fonce dans mes bras. Je la serre fort et je pose ma main sur l’arrière de sa tête. « Ne me laisse pas … Ne me laisse plus. » L’abandonner était la pire erreur de ma vie, j’en ai énormément souffert alors je ne veux pas revivre ça. J’ai besoin d’elle et elle a besoin de moi. « Je suis là t’en fais pas je ne partirais plus. » Une fois c’était déjà trop, je ne me suis jamais senti aussi seul que quand j’étais loin d’elle. « Je vais faire réchauffer les tagliatelle et t’apporter de l’eau, tu peux pas rester comme ça. » Non la crème glacée n’est pas un repas et vu la quantité de vodka qu’elle a ingurgité il faut qu’elle mange quelque chose. Je prends une grande inspiration avant de lui dire avec beaucoup de douceur. « Je sais que ça fait mal, que tu te sens coupable et je ne vais pas te dire que ça ira mieux parce que c’est pas vrai. Avec le temps ça sera peut-être un peu moins douloureux mais ça n’effacera pas tout. Mais je sais que ton frère t’aimait beaucoup et qu’il n’aimerait pas voir que tu te fais du mal comme ça. Il voudrait te voir heureuse et que tu te souviennes des bons moments que vous avez passé ensemble. »

Tout va s'arranger, c'еst faux, je sais qu'tu sais.
Des fois j'saurai plus trop quoi dire, mais j'pourrai toujours écouter
Tout va pas changer, enfin, sauf si tu l'fais.
Quand t'as l'désert à traverser, il y a rien à faire, sauf d'avancer
.

De mon point de vue ressasser les bons souvenirs c’est un bel hommage, c’est souvent douloureux mais je trouve que c’est la meilleure manière de se souvenir de quelqu’un, de lui dire qu’on l’a aimé, qu’on l’aime et qu’on pense toujours à lui en faisant revivre ces moments de bonheurs. « Et si tu me racontais ton meilleur souvenir avec lui plutôt ? »

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Message(#)Le passé qui nous hante  EmptyVen 4 Fév 2022 - 22:03

@Melchior Nicholls - Adriana Suarez


Ade est triste, et maintenant, Ade est aussi en colère, car Mel lui ôte toutes ses distractions. Il subtilise à la fois la bouteille de vodka, mais aussi la télécommande de la télé.

« Ade s’il te plait fais moi confiance t’as assez bu pour aujourd’hui. »

Les yeux noisette de la jeune femme sont glacials lorsqu’ils se plantent dans le regard de Mel, parce qu’elle en a besoin, de ces distractions, pour penser à autre chose. Si elle ne fait rien, elle va penser encore plus fort à Eduardo, et se laisser submerger par le chagrin. Elle a besoin de se changer les idées. Mais Mel est là, il l’agace, la prive de sa bouée de sauvetage, alors elle montre les dents et l’assène de reproches. La brunette regrette immédiatement ses paroles, mais les mots ont franchi ses lèvres et elle ne peut pas les rattraper. Elle voit qu’elle a blessé Mel, observe la douleur au fond de ses yeux, mais ne sait pas comment le consoler alors qu’elle est incapable de prendre soin d’elle aujourd’hui.

« T’excuses par je me suis comporté comme un sale con ce soir-là. Je crois que je regretterais toute ma vie de pas avoir été là pour toi ce jour-là. »

Ade déglutit difficilement, secouant la tête. Elle se rappelle de son errance dans les couloirs de l’hôpital, de sa dispute avec Gus, son ex, de son acharnement à vouloir faire partir le sang de son frère qui était incrusté sous ses ongles et qui salissait sa robe blanche. Elle a le cœur au bord des lèvres. Finalement, si Mel avait été présent, elle lui aurait sans doute balancé les pires horreurs du monde, comme elle l’avait fait avec Gus. Alors, peut-être a-t-il bien fait de ne pas être là.

« Je sais pas, Mel. J’étais sans doute pas, en état d’être consolée … »

Après qu’il lui ait promis de ne plus partir -promesse qu’il ne tiendra même pas un mois et demi-, il se leva pour aller réchauffer les plats et apporter de l’eau à la brunette. Elle essayait d’être reconnaissant pour tout ce qu’il faisait pour elle, vraiment, parce qu’elle voyait qu’il faisait des efforts. Mais elle avait l’impression que ces attentions étaient dérisoires à côté du trou béant qui lui transperçait le cœur.

« Je sais que ça fait mal, que tu te sens coupable et je ne vais pas te dire que ça ira mieux parce que c’est pas vrai. Avec le temps ça sera peut-être un peu moins douloureux mais ça n’effacera pas tout. Mais je sais que ton frère t’aimait beaucoup et qu’il n’aimerait pas voir que tu te fais du mal comme ça. Il voudrait te voir heureuse et que tu te souviennes des bons moments que vous avez passé ensemble. »

Elle haussa les épaules, tentant de se donner un air désinvolte, alors qu’elle se pinçait les lèvres pour essayer de ne pas pleurer. Evidemment qu’elle se sentait coupable. Eduardo était dehors parce qu’il l’avait raccompagné après une audition. Et alors qu’il s’était fait agresser, elle avait été incapable de l’aider, maintenue par un des agresseurs. Elle avait assisté, impuissante, au meurtre de son frère. Et cette culpabilité ne pourrait jamais disparaitre. Elle devait cependant reconnaître que oui, les journées étaient plus supportables qu’il y a huit ans, et que même si elle vivait toujours avec cette peine et cette douleur, celles-ci pouvaient être transportées avec elle et ne l’empêchaient pas d’avancer.

« Et si tu me racontais ton meilleur souvenir avec lui plutôt ? »

Les tagliatelles qui sentaient habituellement délicieusement bon lui donnaient la nausée. Elle planta sa fourchette dans les pâtes, jouant avec distraitement, ne mettant rien dans sa bouche.

« Le meilleur souvenir ? »

Elle semblait réfléchir. Il y en avait tellement.

« Je ne sais pas si je peux en choisir un … C’est lui qui m’a rassuré pour que j’ose descendre du super grand toboggan, tu sais, celui qui était dans le parc près de chez nous ! Quand on devait avoir 14-15 ans, il a cassé le nez du voisin parce qu’il avait soulevé ma jupe pour voir ma culotte. »

Elle ne put s’empêcher de rire à l’évocation de ce souvenir.

« Trois semaines avant sa mort, on avait fait le mur, un soir, pour aller voir un concert. Il avait acheté les billets des mois en avance. Après l’heure du coucher, il était venu discrètement dans ma chambre et on avait quitté la maison par ma fenêtre. Les parents n’ont jamais rien su … »

Soudain, sa gorge se serra et sa voix se brisa. Les souvenirs étaient joyeux, mais le trou béant qu’Eduardo avait laissé dans son cœur la faisait atrocement souffrir. Ca lui rappelait à quel point il lui manquait, et à quel point elle avait besoin de lui dans sa vie.

« Je peux pas, Mel ! »

Elle pleurait maintenant, secouée par les sanglots.

« Comment je suis censée faire sans lui ? Sa mort a tout bouleversé ! »

Le chagrin était intense à l’époque, lourd à porter. La famille Suarez avait vécu des semaines particulièrement difficiles. Et si la vie avait repris son cours, la brunette avait bousculé tous ses plans. Elle avait certes continué le mannequinat quelques années, mais simplement pour payer ses études et devenir policière. Elle s’était mise aux arts martiaux. Ses priorités avaient changé, et force est de constater que ses choix de vie avaient été dictés par la mort d’Eduardo.



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Message(#)Le passé qui nous hante  EmptyVen 1 Avr 2022 - 18:45

@Adriana Suárez :l:



Ade est là sur le canapé, une bouteille à la main et complètement déchirée. La scène me brise le cœur, ce n’est pas la première fois que je la vois particulièrement triste, surtout pour les tristes anniversaires de la mort d’Eduardo mais je ne l’avais jamais vue dans cet état. Je confisque la bouteille en lui disant qu’elle a déjà trop bu. Il est hors de question que je la laisse boire jusqu’à ce qu’elle finisse en coma éthylique. Boire pour oublier ce n’est pas une solution, je ne le sais que trop bien, mes quelques passages à l’hôpital me l’ont prouvé, boire n’est pas une solution, au contraire. J’ignore ses remarques et ses critiques, elles me font très mal mais je sais que c’est l’alcool qui parle. Il y a une part de vérité, je sais qu’au fond d’elle elle pense toujours que c’est de ma faute -et ça l’est- mais ce que je pense on s’en fiche pas mal. Ma meilleure amie va mal alors je mets de côté tout ça pour l’aider. Je lui redis que je regrette toujours de ne pas avoir été présente pour elle ce jour-là, je me suis comporté comme le dernier des idiots. « Je sais pas, Mel. J’étais sans doute pas, en état d’être consolée … » Je n’en suis pas convaincu, même si elle n’étais pas en état j’aurais quand même dû être à ses côtés. On a toujours besoin d’un ami dans les moments difficiles. J’essaie de lui faire penser à quelque chose de positif, comme de bons souvenirs qu’elle a de son frère. « Le meilleur souvenir ? » Je me dis que c’est mieux de se rappeler de quelqu’un en repensant aux bons moments plutôt qu’à la tristesse qu’on ressent. C’est une façon de les faire vivre au travers du récit de ces souvenirs, je trouve ça beau et ça redonne toujours un petit peu le sourire de repenser à certaines choses. ”Je ne sais pas si je peux en choisir un … C’est lui qui m’a rassuré pour que j’ose descendre du super grand toboggan, tu sais, celui qui était dans le parc près de chez nous ! Quand on devait avoir 14-15 ans, il a cassé le nez du voisin parce qu’il avait soulevé ma jupe pour voir ma culotte. » Je souris quand elle raconte cette anecdote et je l’écoute sans l’interrompre. Elle rit et je me dis que j’ai eu une bonne intuition en lui demandant de me raconter son meilleur souvenir avec Eduardo.« Trois semaines avant sa mort, on avait fait le mur, un soir, pour aller voir un concert. Il avait acheté les billets des mois en avance. Après l’heure du coucher, il était venu discrètement dans ma chambre et on avait quitté la maison par ma fenêtre. Les parents n’ont jamais rien su … » C’est un bon souvenir mais je vois bien qu’à la fin du récit de cette anecdote elle redevient fébrile. Sa voix se brise et je vois qu’elle recommence à trembler. « Je peux pas, Mel ! » Elle pleure et je me sens vraiment con, je pensais très sincèrement que ça l’aiderait et ça a un petit peu marché. Mais la douleur est trop forte pour être soignée à coups de rire et de bons souvenirs. « Comment je suis censée faire sans lui ? Sa mort a tout bouleversé ! »Je la prends dans mes bras, je la serre fort contre moi et je lui chuchote. “Je suis là maintenant, tu n’es pas seule, ça va aller.” Il n’y a rien d’autre à ajouter, rien ni personne ne pourra jamais remplacer son frère et je n’ai pas de solution pour qu’elle aille mieux. Il n’y a que le temps et l’amour de ses proches qui pourra rendre la douleur un peu plus tolérable. Un pas après l’autre, après la pluie viendra le beau temps.

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