Les derniers mois ont été plutôt monotones pour Noah. Depuis que sa sœur a décidé de reprendre son autonomie et de déménager, il se retrouve seul à errer dans la grande villa des Lehmann. Il ne veut pas se l'avouer, mais il se sent seul, la fraternité de l'armée lui manque, les voyages aussi et parfois, il se demande s'il a pris la bonne décision en revenant à Brisbane. Pour oublier tout ça, il passe la majeure partie de son temps plongé dans son travail et ses hobbies. Et il faut dire que gérer seul un domaine aussi grand que celui de ses parents est une grosse occupation. S'il avait une vie privée bien remplie, il devrait songer à embaucher quelqu'un pour l'épauler, mais vous l'aurez compris, en ce moment, c'est tout sauf le cas. De plus, le fait d'être le concurrent direct de Dani est également un frein autant dans son travail que dans sa vie. Ayant quitté la région pendant longtemps, il n'a plus énormément de contact dans sa ville natale, aussi, il avait été heureux de savoir que la jeune femme s'y installait à l'époque. Il n'aurait jamais imaginé qu'elle viendrait pour prendre une part de marché à sa société tout en clamant qu'il ne pourrait plus rien avoir entre eux parce qu'elle ne voulait pas mélanger travail et vie privée.

Bref, tout ça pour dire que Noah se sent souvent seul lorsqu'il ne travaille pas. Il a bien Milo, son meilleur ami, mais celui-ci a aussi sa vie et ses problèmes, il a donc bien d'autres choses à penser que les états d'âme du blond. C'est pour cela que, contrairement à son habitude, lorsque d'anciens camarades du lycée lui ont proposé de sortir ce matin-là, il a accepté. Seulement Noah n'est plus habitué à sortir dans les bars. Plus du tout. Cela fait maintenant plusieurs années qu'ils se contentent des restaurants et des soirées mondaines, qu'il est devenu chiant, en somme. L'image parfaite de l'homme que ses parents voulaient qu'il devienne, un homme clean, dont la réputation n'a aucune tâche d'ombre. Mais, un homme qui s'ennuie, aussi. C'en est au point qu'il doit passer de longues minutes dans son dressing afin de trouver quelque chose qui ne ressemble pas aux costumes cravates de luxe qu'il porte jour après jour. Il en aurait bien porté un, mais il a envie de paraître détendu ce soir, à défaut de l'être réellement. C'est après de longues minutes d'hésitation qu'il sort enfin de chez lui, affublé d'un jean, d'un pull gris et de converses qu'il n'avait pas portées depuis des lustres. Cette tenue lui donne l'impression d'être déguisé, de ne pas être lui-même et pourtant, il s'habillait régulièrement comme ça lors de ses permissions, quelques années plus tôt.

C'est en se demandant ce qui a bien pu le faire changer à ce point qu'il se dirige vers le lieu de rendez-vous, au volant de sa mustang décapotable. Lorsqu'il arrive au bar, il est assez tard et celui-ci est déjà bien rempli. Les gens dansent, boivent, s'amusent et Noah se demande ce qu'il fait là. Il peine à se faufiler jusqu'au barman pour commander un verre de whisky qui, il l'espère, le détendra un peu et lui rappellera ses folles soirées d'autrefois. Il avale son verre en quelques gorgées puis, se met enfin à la recherche de ses anciens camarades. Seulement, il ne les retrouvera pas puisqu'une jolie brune le percute violemment, renversant son verre sur eux. Secouant les mains pour en ôter le liquide dont elles ont partiellement été arrosées, Noah observe la brune pendant quelques secondes sans savoir quoi dire, chose assez rare pour lui. « Oups » déclare-t-elle alors, avant de se mettre à rire ce qui, vous l'admettrez, retire beaucoup à la sincérité des paroles. Un instant, il se demande si cette attitude l'énerve ou lui fait pitié. En tout cas, il n'a aucune envie de rire, ça c'est une certitude. "Ce n'est pas très grave... J'imagine." Répond-il d'un ton peu avenant en observant son jean mouillé, il a l'air de s'être pissé dessus, c'est génial, vraiment. Un soupir plus tard, il relève les yeux vers la brune. À y regarder de plus près, elle a l'air complètement ivre, peut-être même plus que ça, mais ce n'est pas ça qui attire l'attention de Noah. Non, ce qui le perturbe, c'est qu'il l'a déjà vue.

"On se connait, non ?" Demande-t-il, en connaissant la réponse. Il se souvient d'elle, son visage n'a pas vraiment changé, même si cela fait longtemps qu'ils ne se sont plus croisés et qu'ils ont évidemment tous les deux vieillis. Seulement, s'il se rappelle parfaitement de ses parents, les Walker, son nom à elle lui échappe. Lorsqu'ils se croisaient aux galas organisés par les Walker et souvent approvisionnés par les Lehmann, leur différence d'âge faisait que Noah ne s'intéressait que très peu à elle. "Tu es la fille des Walkers, non ? Bexie ? Lennie ?" Tente-t-il vainement de retrouver dans sa mémoire. Peu importe son nom, elle a l'air dans un sale état et comme chaque fois qu'il croise une fille proche de l'âge de sa sœur dans un état pareil, il réagit de la façon dont il aimerait qu'on s'occupe d'Ambre s'il s'agissait d'elle. "Allez viens, on va aller chercher des serviettes pour éponger tout ça." Il la regarde tituber jusqu'au bar, imaginant la chute à tout instant entre son ébriété et ses talons. Mais elle ne doit pas être à son coup d'essai, puisqu'elle arrive sans encombre au bar. En attendant que le barman revienne avec les essuies demandés, le Lehmann reporte son attention sur la jeune femme. "Alors comme ça, tu es passée des soirées mondaines aux bars ?" Noah, ou l'art de mettre les pieds dans le plat tout en laissant un arrière goût amer de jugement. Le pire étant qu'il ne s'en rend même pas compte, sa phrase lui paraît anodine, bien qu'il la juge très fort dans sa tête. S'il lui faut une preuve supplémentaire qu'il manque cruellement d'exercice en termes de socialisation, cette soirée tend déjà à le lui prouver.

Alors qu'il lui demande s'ils se connaissent, la petite brune le dévisage et se rapproche bien trop près au goût de Noah. Apparemment, elle ne connaît pas mieux l'espace vital que les excuses. Ce n'est pas vraiment agréable, mais vu qu'elle vient de le reparfumer à la vodka, ils ne sont déjà plus à ça près. « J'crois pas ... non ... » Et pourtant, il est persuadé d'avoir déjà croisé son regard quelque part, il y a très longtemps. « Quoi que ... Est-ce qu'on a déjà couché ensemble ? » Heureusement qu'il n'est pas en train de boire, il se serait étouffé à coup sûr. Il lève les sourcils, à la fois surpris et un peu offusqué que ce soit forcément la première chose à laquelle elle pense quand il lui dit la connaître. « Ça devait pas être terrible, parce que tu m'as pas fait grande impression. » Parfait. Comme si la première phrase n'avait pas été suffisante, il fallait qu'elle en rajoute une couche. Elle hausse même les épaules dans une attitude complètement désinvolte qui agace le blond, se rend-elle compte qu'avec un autre homme, un peu plus soûle ou un peu plus agressif, ce comportement pourrait être dangereux pour elle ? Il soupire en secouant la tête négativement. "Non, non, non. On n'a pas couché ensemble, je laisse les filles désespérées aux piliers de comptoir." Raille-t-il en haussant les épaules de la même façon qu'elle précédemment.

Et enfin, il se souvient où il l'a déjà croisée. Il ne l'a pas reconnue tout de suite parce que c'était il y a des années, avant même qu'il s'engage dans la Navy et qu'elle n'était qu'une gamine. Il essaye donc de retrouver son nom, mais tombe à côté. Elle soupire, apparemment son égo n'aime pas qu'on ne retrouve pas son nom. « Lexie » Sa voix est froide, mais Noah tire un sourire. "Ah oui, c'était donc ça, tu ne m'as pas fait grande impression non plus apparemment ." À ce demander lequel des deux est le plus pathétique finalement, celle qui a trop bu ou celui qui se formalise des remarques de la première. Elle a l'air contrarié quand il lui propose d'aller chercher de quoi s'essuyer au bar et il secoue la tête en soupirant à nouveau. Il demande des serviettes, elle recommande un verre. Chacun ses priorités. À peine le verre est-il servi qu'elle en boit quelques gorgées pendant que Noah tente de faire la conversation en lui demandant si elle est passée des soirées mondaines aux bars. Elle recommence à le dévisager et il en vient à se demander comment, dans une famille comme les Walker, on ne lui a jamais appris à ne pas faire ça. « Si tu me connaissais, tu saurais que je hais les soirées mondaines et que je fréquente les bars depuis quinze ans, alors ... t'es qui ? » C'est à son tour de lever les yeux au ciel, exaspéré. Pour une fois qu'il fait l'effort d'essayer de faire la conversation à quelqu'un qu'il ne trouve pas agréable, chaque réponse de Lexie l'irrite un peu plus. "Je n'ai pas dit que j'étais ton journal intime ou ton meilleur ami, ma grande, juste que je t'avais reconnu." Annonce-t-il avant de soupirer à nouveau. "Je suis Noah Lehmann, mes parents étaient souvent invités aux galas des tiens. Et non, je n'ai pas non plus couché avec eux, si tu te poses la question." On ne sait jamais, la première question était venue si naturellement qu'il se méfie, maintenant.

Il observe rapidement la salle et aperçoit enfin ses amis du lycée assis à une table. "Un whisky et une vodka, s'il vous plaît." Demande-t-il au serveur en essuyant son pull avec les serviettes données précédemment. Il se dit qu'au moins, il a été bien inspiré de ne pas mettre un de ses costumes hors de prix. Le serveur revient, Noah paye, puis il fait glisser le verre de vodka jusqu'à la brune. "Essaye de ne pas le renverser, celui-là." Pourquoi est-ce qu'il lui offre un verre ? Parce que dans le fond, il a toujours pensé que les gens qui se mettent dans des états pathétiques en soirée sont des gens malheureux et il peut comprendre ça, même s'il ne l'avouera jamais tout haut. La raison officielle est qu'elle serait capable de dire que tout était de sa faute et qu'il lui doit un verre, vu comme elle se montre joviale -ce qui n'est pas son cas à lui non plus, mais il a au moins l'excuse d'être celui qui a été arrosé. "Allez, bonne soirée Be... Euh... Lexie." Ok, cette fois, il l'a clairement fait exprès pour l'agacer, parce qu'il a vu un peu plus tôt qu'elle avait été vexée qu'il ne se souvienne plus de son nom.

Et il va rejoindre ses amis pour passer la soirée avec eux sans un regard supplémentaire pour la brune qu'il laisse au bar avec son verre. Du moins en apparence. Parce qu'en réalité, il pourrait passer le reste de la soirée en oubliant cet incident, mais au lieu de ça, il ne fait que jeter des coups d'œil vers la jeune femme. Il en est à son troisième verre quand il la voit commencer à danser avec un type qui a déjà failli se battre avec plusieurs personnes, il roule de nouveau des yeux en soupirant. "ça va Nono ?" Le surnom le surprend, cela fait des années que personne ne l'a pas appelé ainsi, aussi, son attention revient quelques minutes vers son groupe d'amis avec qui il discute un peu, jusqu'à ce que son regard soit de nouveau attiré vers la piste de danse. Sauf que cette fois, il n'y a plus, ni Lexie, ni le mec alcoolisé aux tendances violentes. "C'est pas vrai !" Grogne-t-il, en se levant d'un bond. Il ne prend même pas le temps de trouver une excuse pour ses camarades avant de s'avancer vers la porte. Il a beau la trouver peu avenante, il ne peut pas se résoudre à la laisser partir avec ce gars-là. Comment pourra-t-il se regarder en face s'il apprend par la suite qu'il s'est passé quelque chose de grave ?

Il les rattrape près de la porte d'entrée et, sans réfléchir, passe un bras autour des épaules de la brune. Et alors que le type ivre se retourne avec ses sourcils froncés, il s'explique. "Désolé, Mec. On avait dit qu'on repartait ensemble." C'est bien sûr complètement faux, il espère seulement qu'au moins pour cette fois, Lexie ne va pas aggraver la situation.

Noah est surpris par le rire de Lexie, il pensait la vexer et voilà qu'elle se met à rire. Est-ce que c'est l'alcool ou bien... Elle se met à lui tapoter la joue en faisant la moue, ce qui le fait reculer en fronçant les sourcils. Trop de proximité, Lexie, il faudrait vraiment apprendre le concept d'espace personnel.

« Hooooo. Quelle mignonne réplique pour dévoiler que tu rentres toujours seul et que t'en as marre des crampes dans ta main droite. »

Il a un moment d'arrêt, surpris. Il a bien trop de fierté mal placée pour pouvoir l'avouer, mais force est de constater que cette fille est finalement moins banale que ce qu'il a pu penser au premier abord. Elle a du répondant et c'est quelque chose que Noah apprécie, même chez les personnes qu'il considère comme peu recommandable. Il ne répond rien cependant, se contentant de secouer la tête en roulant des yeux, exaspéré. Pourtant, elle n'a pas totalement tort, il passe la plupart de son temps seul, même s'il n'a pas à "rentrer", puisqu'il ne sort plus que très peu depuis quelques années. Depuis la tentative de suicide de sa soeur, en fait. Il a arrêté de vivre pour s'occuper d'elle à ce moment-là et elle a beau aller mieux et ne plus vivre avec lui, il n'a jamais réussi à reprendre le cours de sa vie normale.

« Ça, c'est parce que tu n'as pas découvert tous mes talents ! » Murmure-t-elle à son oreille, en réponse à sa provocation quant au fait qu'elle ne lui ait pas fait grande impression. En faisant cela, elle franchit de nouveau le mur invisible qu'il essaye d'imposer entre eux en vain.

"Super. On va dire que je m'en passerai." Grogne-t-il presque en soupirant, alors qu'elle s'éloigne en riant.

Ils arrivent au bar, elle continue de boire pendant qu'il s'essuie avec les serviettes qu'on lui a enfin amenées.

« Ouais ouais ouais, j'ai l'habitude. Tu m'as reconnu, tu penses me connaître, et tu veux soit un autographe, soit de quoi rédiger ton prochain article de presse, mais j'suis pas intéressée. »

"T'as pas trop de mal à avancer avec des chevilles de cette taille ?" demande-t-il en riant franchement, cette fois. "Je suis désolé ma grande, mais je ne sais pas ce que j'en ferais, de ton foutu autographe."

Et comme elle semble le prendre pour une espèce de groupie, il se présente tout de même, ce qui a l'air de l'agacer, alors que c'est elle qui lui a demandé son nom. Décidément, cette fille est aussi horripilante qu'elle peut être intrigante et Noah qui n'a que très peu de patience trouve cela lassant. Aussi, après lui avoir payé un verre pour être certain qu'elle ne finisse pas par lui reprocher d'avoir gaspillé son verre, ils partent chacun de leurs côtés.

Tout pourrait s'arrêter là et pourtant, Noah a beau être avec ses amis, au lieu de profiter de la soirée, il ne fait qu'observer Lexie de loin. Et lorsqu'il la voit partir avec un type louche, c'est sans hésiter une seconde qu'il abandonne ses amis pour aller la rejoindre, lui indiquant qu'ils avaient dit qu'ils repartiraient ensemble, même si ce n'est pas le cas. Cette fois, c'est même lui qui franchit le mur invisible qu'il avait battit mentalement entre eux, en passant son bras autour des épaules de la jeune femme. Elle le regarde alors qu'il prie intérieurement pour qu'elle ne l'envoie pas bouler. Les secondes qui s'écoulent semblent durer une éternité jusqu'à qu'elle se hisse sur la pointe des pieds, attrapant son visage pour venir déposer ses lèvres sur les siennes. N'ayant pas vraiment d'autre choix que de jouer le jeu de Lexie devant le dealer dont il est en train de voler la proie, il la laisse faire et esquisse même un sourire qui se veut ravi lorsqu'elle libère ses lèvres.

« J'ai cru que t'étais parti sans moi, chéri ! »

"Jamais sans..." Elle lui claque fesses et il pince ses lèvres en respirant fort pour ne pas réagir à ça. "Toi, voyons." Termine-t-il, sur un ton un peu plus crispé.

« Désolée, une prochaine fois peut-être ! »

Bah voyons, pense-t-il, c'était bien la peine de faire tout ça, si c'est pour que la prochaine fois, elle finisse quand même avec lui. L'homme face à eux hésite un instant, tout comme la brunette, le blond voit ses poings se serrer. Pendant quelques secondes, il se demande dans quel merdier il s'est mis, à être à deux doigts de se battre pour une fille qu'il trouve plus énervante qu'attirante. Il n'a pas vraiment peur, le type en face est plus petit, il a l'air d'avoir bu beaucoup plus que lui et Noah a appris à se battre à l'armée, mais quitte à utiliser ses poings, il préférerait que le jeu en vaille la chandelle. C'est donc un soulagement quand l'homme finit par abandonner l'idée et qu'il s'éloigne.

C'est étrange quand on y pense, un peu plus tôt, il lui disait qu'il ne couchait pas avec les cas désespérés -ce qui sous-entendait "comme elle", évidemment- et il se retrouve maintenant à la suivre dans un taxi sans résister. Sur la route qui les mène à l'appartement de la petite brune, alors que le silence retombe entre eux, il réfléchit. L'alcool ingurgité au cours de la soirée commence à faire effet, mais pas suffisamment pour que son cerveau se mette en pause. Si de par son répondant, Lexie a un côté intéressant, on ne peut pas franchement dire qu'il est fan de son comportement. Alors, pourquoi accepte-t-il de la suivre jusqu'à son appartement ? C'est tout à fait pathétique, mais la réponse est toute simple : il se sent seul. Et n'importe qui vaut mieux que la solitude, même une fille qu'il trouve désagréable. Désagréable de par son caractère, mais plutôt agréable à regarder tout de même, il ne peut pas le nier.

Il la suit jusqu'à son appartement, ferme la porte derrière lui et reste un instant à regarder les chaussures de Lexie sans savoir s'il doit ôter les siennes également ou pas. Il les retire finalement parce que, personne n'est plus dupe, il va forcément finir par les retirer pendant cette soirée. A cette pensée, il sent son rythme cardiaque s'accélérer sous le coup du stress. Depuis combien de temps n'a-t-il plus passé une soirée improvisée comme celle-ci avec une inconnue ? Soudain, il se demande s'il a vraiment envie de faire ça. Le visage de Dani apparaît dans ses pensées sans qu'il ne comprenne pourquoi et il le chasse en posant son regard sur Lexie.

« Whisky, c'est ça ? » Demande-t-elle alors qu'elle laisse déjà le liquide couler dans le récipient.

Il quitte enfin l'entrée pour se rapprocher du bar et attrape le verre, frôlant les doigts de la jeune femme au passage. "Oui, merci." Ce contact basique lui procure un frisson, à lui qui se disait pourtant aux antipodes d'être attiré par la brunette un peu plus tôt. Il vide son verre d'une traite et le repose sur le comptoir dont il fait le tour pour se rapprocher de Lexie. S'il affiche un air calme et posé, dans sa tête c'est plutôt la panique en réalité. Il avait l'habitude de draguer et des coups d'un soir lorsqu'il était plus jeune, mais cela fait des années qu'il s'est calmé et il a l'impression d'être rouillé, de ne plus savoir ce qu'il doit dire ou faire. Il frôle la brune pour attraper la bouteille dont il se ressert un verre qu'il descend de nouveau cul sec, histoire de se donner du courage. Et puisqu'ils ne sont pas là pour jouer aux billes, une fois son verre reposé, il pose ses mains sur la taille de Lexie qu'il soulève pour qu'elle s'asseye sur le bar. Sans un mot, parce qu'il est évident pour lui qu'ils ne savent pas communiquer tous les deux. Il passe une main dans ses cheveux qui glisse jusqu'à sa nuque et ses anciens réflexes revenant peu à peu, il vient l'embrasser d'abord doucement, puis rapidement avec plus de fougue alors que sa main libre parcours délicatement son dos à la recherche de la fermeture de sa robe.

Alors qu'il boit son second verre d'une traite, il voit Lexie se pincer les lèvres dans une expression peu avenante. Pourtant, ce n'est pas pour se donner du courage avec elle précisément, mais plutôt pour réussir à faire le premier pas qu'il boit ce verre. Il a envie de lui dire qu'il n'a aucun problème avec elle et qu'il la trouve plus que désirable, mais il préfère se taire. Premièrement parce qu'il a passé une partie de la soirée à lui dire le contraire, mais aussi parce qu'il a peur de dire quelque chose qui la vexera encore plus. À la place, il décide donc de prendre les choses en main, en espérant que ses gestes suffiront à faire comprendre ce qu'il n'arrive pas à exprimer par des mots. Assise sur le comptoir, elle le dévisage un instant, comme si elle attendait qu'il prenne une décision, comme si elle s'attendait à ce qu'il parte. Mais son choix, Noah l'a déjà fait lorsqu'il l'a suivie jusque ici, maintenant qu'il est là, dans son appartement, il n'a plus l'intention de partir. Personne ne l'attend et il préfère largement la compagnie de Lexie à la solitude.

Il sent le sourire de la jeune femme contre ses lèvres lorsqu'il l'embrasse et il s'imagine qu'elle pense avoir gagné. Et c'est le cas, puisqu'il a beau l'avoir soutenu qu'il n'avait aucune intention de rentrer avec elle, il est bel et bien là. Les jambes de Lexie s'enroulent autour de lui et ses mains passent sous son pull, faisant monter d'un cran l'excitation. Le vêtement rejoint le sol alors que Noah descend enfin délicatement la fermeture de la robe de la brune afin de la ôter.

« Je ne suis finalement plus une fille désespérée ou tu t'es transformé en pilier de comptoir ? » Demande-t-elle alors, en reprenant ses mots.

Il recule légèrement son visage pour observer l'expression de la brunette. Vu tout ce qu'il lui a balancé plus tôt, cette remarque est amplement méritée et Noah affiche un sourire. Si elle ose lui balancer ça au risque qu'il se vexe et tourne les talons, elle n'est peut-être pas aussi désespérée qu'il le pensait. Et même s'il le pensait, il n'a plus aucune intention de partir maintenant qu'il est là et que chaque caresse de Lexie sur son torse nu l'électrise. À présent, il n'a plus qu'une seule envie et ce n'est clairement pas celle de quitter les lieux, bien au contraire.

"Je me suis peut-être rendu compte que j'avais tort de vouloir m'en passer." Chuchote-t-il à son oreille avant de l'embrasser dans le cou, faisant à son tour référence à leur conversation du début de soirée.

Il n'essaye pas d'expliquer pourquoi il lui a balancé tant de méchanceté gratuite, il ne prend pas la mouche non plus, parce qu'elle a raison, dans le fond, il est ridicule de revenir avec la seule fille du bar qu'il s'est permis d'insulter. Heureusement pour lui, Lexie ne semble pas être rancunière et elle ne fait pas d'autre remarque, il n'en fait pas non plus, laissant leurs corps parler pour eux.

Le lendemain matin, il est réveillé par un frisson provoqué par des doigts caressant son torse. Ses yeux s'ouvrent sur une chambre qu'il ne connaît pas et il les referme aussitôt, agressé par la lumière. Il met quelques secondes à parvenir à les garder ouvert et il observe les murs avant de laisser son regard tomber sur la femme à ses côtés. « Salut. » Il fronce les sourcils en se relevant légèrement, le temps que les souvenirs de la soirée de la veille ne lui reviennent enfin.

"Oh, salut."

Un sourire se dessine sur le visage de Lexie et Noah l'imite, il aurait du mal à faire encore croire qu'elle ne l'intéresse pas après la soirée et la nuit qu'ils viennent de passer ensemble. De son côté, elle a l'air de si bonne humeur ce matin qu'il a presque du mal à la reconnaître. Est-ce parce qu'il est rentré avec elle ou parce qu'elle n'est plus saoule, il n'en sait rien, mais il la trouve bien plus enjouée et avenante que lors de la soirée précédente. Il ne s'imagine même pas que c'est son comportement à lui, qui a pu les mener à ne pas savoir communiquer, là où il voit tous les torts des autres, il a toujours eu du mal à réussir à reconnaître les siens.

« Alors, qu'as-tu pensé de tous mes talents ? » le taquine-t-elle en riant, avant de disparaître sous la couette.

Dans sa phrase, elle fait une nouvelle fois écho à leur conversation de la veille. Une conversation dont il a presque honte, à présent. Et il ne peut que s'estimer heureux de découvrir que Lexie n'est pas trop rancunière.

"C'était pas trop mal, je dois l'avouer."

Il donne sa réponse sur le ton de la plaisanterie et pourtant, ça lui coûte un peu de le reconnaître. Habituellement, il est beaucoup trop borné pour admettre qu'il s'est trompé ou qu'il a jugé trop vite, mais là, il n'a plus vraiment envie de risquer de blesser Lexie. La soirée s'est bien terminée, elle lui a permis de tromper pendant une nuit cette solitude qui le ronge depuis des mois, alors elle mérite bien un peu de considération.

« Je crois que je vais te remontrer, pour être certaine que tu te souviennes de tout. »

Il rit en secouant la tête, alors que le rire de la jeune femme se fait également entendre sous la couette. Il soulève la couette pour capter le regard de la brune, doucement, il passe sa main sur son visage pour replacer correctement une mèche rebelle de ses cheveux.

"Et pourquoi veux-tu que je me souvienne ? Pour que j'ai envie de retester ?"

Il lui laisse le temps de répondre, parce qu'il veut connaître la réponse. Sous un nouveau jour, elle n'est pas aussi antipathique qu'elle a pu en avoir l'air au premier coup d'œil et elle ne lui déplaît pas autant qu'il aimerait le faire croire. Finalement, une fois la réponse obtenue il laisse ses mains parcourir le corps de la jeune femme alors que ses lèvres se perdent dans son cou. Déjà, son odeur l'enivre lui procurant des frissons de désir.

Ce n'est donc qu'après avoir passé un peu plus de temps au lit avec son hôte que Noah se lève finalement, pour se mettre à la recherche de ses vêtements. Une fois retrouvés, il enfile son boxer et son jean, pensant qu'il prendra sa douche en rentrant chez lui pour ne pas abuser de la générosité de Lexie. Alors qu'il est à la recherche de son Pull dans le salon, il se tourne vers la jeune femme.

“Est-ce que tu veux que je parte tout de suite ou je peux te demander un café ?”

Il préfère lui demander, parce que si les rôles avaient été inversés, il n’est pas sûr qu’il aurait eu envie de la voir rester trop longtemps. Pour autant, maintenant qu’ils arrivent à peu près à communiquer sans être pénibles l’un avec l’autre, il n’est pas si pressé de partir, si elle veut bien le laisser boire un café.

"Est-ce que tu aurais vu mon pull ?" Demande-t-il en fronçant les sourcils.

Après avoir passé un peu plus de temps que prévu dans le lit de la jolie brune, Noah entame une chasse aux vêtements dans son appartement. Il les retrouve tous à l'exception de son haut, raison pour laquelle il lui demande si elle l'a vu, au moment même où elle débarque dans le salon, avec le vêtement en question sur le dos.

« Ton pull ? Je ne vois pas, non. »

Il n'arrive pas à s'empêcher de rire devant son air faussement innocent et son sourire amusé. Son regard s'attarde quelques secondes sur ses jambes à l'air, puisque le pull n'est pas assez grand pour les couvrir, puis il secoue la tête.

"Ah. Tout s'explique."

Il croise les bras en souriant lorsqu'il s'aperçoit qu'elle est en train de l'observer de haut en bas, d'une manière semblable à celle dont il la regardait quelques secondes auparavant.

« Mais je dois dire que j'aime beaucoup le spectacle. »

Il lève les yeux au ciel en riant.

"Il n'est pourtant pas à la hauteur de celui que tu m'offres." Répond-il en la regardant à nouveau.

Il la suit ensuite dans la cuisine, mais alors qu'il lui a demandé s'il pouvait avoir un café un peu plus tôt, il se sent d'un coup mal à l'aise. Il n'a pas envie de rester trop longtemps, il se demande si ce n'était pas une erreur de la suivre chez elle, pas parce qu'il regrette ce qu'il s'est passé, mais parce qu'il ne se sent pas à sa place ici et il est persuadé qu'il suffirait d'un rien pour que la conversation tourne mal.

« Tu prends du sucre ? »

Il secoue la tête négativement alors qu'elle se met à ouvrir le frigo et les placards pour en sortir des ingrédients.

« Je peux préparer des œufs et des toasts, si tu veux, pour accompagner le café. Ça ne prendra pas longtemps, et ça n'engage à rien. »

Il hésite un peu avant de répondre puis regarde sa montre. Il est presque dix heures et d'habitude il est déjà au bureau depuis un moment. Il ne risque pas d'être en retard, puisque c'est lui le patron et qu'il concentre ses réunions la semaine, mais il aime autant éviter les interrogatoires indiscrets de sa secrétaire quand il le peut.

"C'est gentil, mais je ne mange pas le matin."

C'est un mensonge, mais en l'état actuel des choses, ce n'est pas comme si elle allait pouvoir vérifier la véracité de ses propos, puisqu'ils ne sont pas censés se revoir. Alors qu'elle lui donne une tasse de café, un silence vient s'installer. Et s'il fait facilement la conversation avec ses proches, Noah a toujours du mal à trouver des sujets à aborder avec les gens qu'il ne connaît pas bien, souvent il parle peu face à des inconnus, d'ailleurs. C'est sûrement pour cela qu'il finit rapidement sa boisson chaude, avant de se lever.

"Hum. Je vais devoir y aller, je dois aller travailler." Annonce-t-il donc, en remettant ses chaussures. En voulant se débarrasser rapidement de son malaise, il manque de franchir la porte torse nu, avant de finalement se retourner pour se rapprocher de Lexie, il n'est évidemment pas question qu'il traverse Brisbane à moitié nu alors qu'il est venu ici en taxi. Arrivé à ses côtés, il passe ses mains sur sa peau, sous son pull, puis le lui retire. "Je suis désolé, je vais devoir récupérer ça, même s'il te va beaucoup mieux qu'à moi." Il enfile rapidement son haut en retournant vers la porte et lance un dernier sourire à la brunette avant de sortir. "À un de ces jours, Lexie." Et la porte se referme derrière lui, le libérant ainsi d'un malaise qu'il s'est imaginé tout seul.