Passer de longues heures de vol dans un avion est certainement la chose qui l’avait autant rebuté à l’idée de revenir en Australie. Bon, ça et le bordel qu’elle avait causé mais sa culpabilité a toujours qu’un léger poids face à son inconfort et de passer autant de temps à face à un plateau déplorable, un café-chaussette avec le siège du passager de devant la figure parce que monsieur devant s’étale et a besoin d’espace pour y ranger ses cent-vingt kilos. Elle pourrait taper un scandale mais sur le chemin du retour de Sydney, elle est dans une optique (qui aura sûrement changé dans une journée) d’être adulte et de ne pas agir en gamine pourrie gâtée, ce qui insinue de ne pas taper de scandale et victimiser une pauvre personne qui n’est pas responsable de son état et même si ça inclut de faire quelque chose qu’elle ne sait pas c’est à dire : prendre sur elle. Elle bouille et s’agace mais parvient à se divertir avec des films jusqu’à l’escale. Tout y passe. Des comédies romantiques au films d’horreur en passant par le dernier film d’animation à la mode. Celui-là, elle le regarde pour en parler à ses neveux et avoir quelque chose à rattraper avec eux. Elle avait eu Olivia de nombreuses fois au téléphone pendant qu’elle était en Californie mais les enfants oublient vite et les conversations au téléphone ne les intéressent pas. Elle se réjouit autant qu’elle a peur de passer du temps avec eux. S' ils ne l’aimaient plus, eux aussi ? Si Olivia, la grande soeur modèle qui l’a toujours soutenu, se mettait brusquement à lui souligner son égoïsme. Si ce retour se passait mal ? Sa chrysalide était fausse à Los Angeles mais là bas, elle pouvait agir comme si elle n’était pas qu’une vulgaire menteuse à la double vie. Sa sœur ne l’avait jamais jugé mais pourquoi ne commencerait-elle pas maintenant ? Beaucoup de pensée lui traversent l’esprit et plus l’avion s’approche de Sydney, plus elle prie pour un demi-tour voir un crash heureux en haute mer dont elle pourrait se servir pour disparaître. Après, ça a marché pour les Disparus de Lost non ? Pas moyen de le savoir, elle n’a jamais vu la fin.

“Tu as l’air en forme, ça me fait très plaisir que tu sois venue plus tôt pour passer du temps avec nous. Tu dormiras dans la chambre d’Ava si ça ne t’embête pas.” lui dit-Olivia après l’avoir réceptionné. Elle lui répond d’un sourire poli., ne sachant pas vraiment quoi dire. Olivia est comme on l’aurait attendu, gentille avec elle et toujours attentionnée. “Oui, vous me manquiez et j’avais envie de faire un saut à Sydney pour voir des amis avant de rentrer à Brisbane.” explique t-elle en observant la route sous un ciel de nuit.. Elle regrette d’être si peu bavarde mais si le retour à Sydney sans se passer en douceur, qu'adviendra t-il du second retour, celui dans le Queensland. “Oui, à ce propos Clara, Yasmine est à la maison.” Changement de visage. La surprise comme la peur gagne le visage de Clara. “Il lui est arrivé une sacré tuile récemment et nous lui avons proposé de venir à la maison.” ajoute Olivia avant de se lancer dans de plus amples explications.

Elle n’a pas eu de mal à s’endormir malgré tout. D’avoir passé les dernières vingt quatre heures en transit, ça avait achevé son corps avant toutes ses réflexions. La journée a l’air plutôt bien entamée quand elle sort du lit, pensant à une petite fille qui doit vouloir par-dessus tout récupérer sa chambre. La maison est calme. Naturellement, elle s’avance vers la cuisine où elle entend du mouvement. Elle s’attend à tomber sur son aînée mais la silhouette qui apparaît est différente.  Elle savait que Yasmine était là et elle savait aussi que si elles ne restaient pas à deux dans la même pièce alors chacune ferait semblant de prétendre que tout va bien. Seule à seule, la peur gagne Clara mais après tout, elle ne va pas retourner à l’étage ? Ce serait gros, Yasmine l’a bien entendu. C’est le moment d’être un peu moins lâche. Ou du moins, de prétendre l’inverse. C’est pourquoi elle s’avance dans la pièce, un sourire calme aux lèvres. “Bonjour” dit-elle, se demandant ce qu’elle pourrait dire d’autre. Avec tout ce qu’Olivia lui avait expliqué sur le chemin, quel sujet de conversation pourrait-elle trouver ? Pourquoi il y’a pas de guide pour ça? Tranquillement, elle se dirige vers la machine à café. “Tout le monde est parti ? Je ne pensais pas me lever si tard.” Elle meurt d’envie de demander comment ça va, converser naturellement mais ça ne se fait pas aussi facilement.

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{when you forget the word of your favorite song}
crédits gif & code fiche/ (she-wolvess & malibu) ✰ w/ @Clara Davis

"J’ai un secret à te dire." Yasmine se tortilla sous les couvertures, battant des pieds avec exagération et colla son nez à celui d’Ava avec qui elle avait partagé son lit le temps d’une nuit.
Son séjour à Sydney avait débuté une semaine plus tôt, et tout se passait bien. Le rythme était différent ici, simplement parce qu’il était induit par l’énergie de la tribu de Qasim et Olivia chez qui elle avait trouvé asile le temps de quelques semaines. Elle avait craint de les ennuyer, même si c’était la cheffe de famille qui lui avait proposé de venir pour se ressourcer, mais elle avait trouvé sa place sitôt qu’elle était arrivée. Elle avait la sensation d’être une de ces filles au pair qui débarquaient d’une autre contrée pour voir autre chose et s’instruire, à la différence qu’elle, elle essayait de faire le point sur ce qui avait été sa vie ces derniers mois. Dans le fond, elle ne savait pas exactement par quoi commencer, tant de choses s’étaient passées, mais elle s’était fait une mission de penser un peu à elle et de mettre de côté le ressenti de ceux qui formaient son entourage.
Elle avait perdu un bébé. Le fait était atroce, mais c’était sa réalité. Elle était dans son droit le plus total de mal le gérer, pourtant elle s’était sentie atrocement coupable de ne pas être capable de passer au-dessus de ce traumatisme qui lui était tombé dessus sans s’annoncer. Elle avait besoin d’aide pour le surmonter, mais ce n’était pas facile à envisager. Edgerton avait lui-même émit l’idée qu’elle s’en remette à quelqu’un d’autre que lui, pour lui faciliter la tache, pour lui laisser  le temps de supporter tout ça aussi, alors elle savait que la thérapie était le seul moyen fiable pour lui permettre de faire la paix avec toutes ces choses qu’elle s’imputait sévèrement. Ça irait bien, elle était plutôt confiante, encore qu’elle avait des moments de doute qui la faisait regretter de s’être exilée, seule, sans le pilier solide qu’était devenu son partenaire au cours des dernières années. Il lui manquait, il ne pouvait en être autrement quand on savait qu’ils passaient le plus clair de leur temps ensemble, mais ils restaient en contact permanent, et elle le savait aussi entouré qu’elle l’était en ce moment.
Elle avait cependant trouvé un autre moyen de garder les pieds sur Terre. Et ce moyen, c’était les facéties des enfants de la maison. Elle avait craint, le temps de son voyage en train, que la proximité d’un bébé aussi jeune ne la plonge dans cet univers alternatif auquel elle essayait d’échapper de toutes ses forces, mais Reda avait fini de panser les plaies profondes avec lesquelles elle s’était présentée sur le palier de Qasim et Olivia — tout comme Mehdi et Ava. Cette dernière lui attrapa le visage à deux mains, et sur le ton de la confidence, passa aux aveux "Tata Clara vient à la maison." finit-elle par lui souffler, son haleine tiède lui arrivant au visage par bouffées. Yasmine frotta son nez contre le sien, plusieurs fois pour le réchauffer, et passa outre le battement que manqua son coeur quand, l’attrapant sous les couvertures, elle lui répondit en la chatouillant "Je sais, c’est pour ça qu’on a dormi ensemble, petite tête." Le rire strident que lâcha Ava, Yasmine le retint en lui faisant signe de se taire, un doigt posé sur sa propre bouche. Olivia l’avait prévenue de la visite de Clara — ou du retour de Clara, les choses n’étaient pas tout à fait claires puisqu’elle devait admettre que, surprise par cette annonce, elle s’était enfoncée dans une réflexion intense pour mettre des mots sur ce que ça lui faisait d’apprendre cette nouvelle. Ça la rendait heureuse, mais ça la rendait nerveuse aussi… assez pour la faire se retourner plusieurs fois cette nuit-là et reconsidérer toutes ces fois où, à la place d’Ava, ça avait été Clara d’étendue à ses côtés pour partager ses secrets.

Le temps avait vite filé, elle ne réussissait plus à mettre un temps exact sur le nombre de mois qu’elles avaient passé à, quoi, s’ignorer ? Yasmine préférait ne pas y songer pour le moment, et tandis qu’elle exultait en entendant Ava rire, elle finit par l’encourager à se lever et l’aida à se préparer pour l’école, retirant une épine du pied de ses parents qui s’occupèrent des garçons en se préparant eux-mêmes pour le travail. La maison retrouva le silence dès que tous furent partis, la laissant profiter des reliefs d’un petit-déjeuner qu’elle avait insisté pour préparer pour tout le monde. Après avoir enregistré un message vocal pour Edge, elle retourna à sa besogne, et elle faisait prendre les dernières louches de pâte à pancakes quand, derrière elle, une voix encore ensommeillée, se fit entendre.
Elle rafla l’assiette tiède sur laquelle elle venait de poser son dernier pancake tout frais quand elle se retourna pour voir Clara apparaître "Hey." C’était si impersonnel comme façon de se saluer que, d’emblée, elle se sentit un peu mal à l’aise — comme en témoignait la mèche de cheveux bouclées, raccourcie depuis quelques jours, quand elle s’était laissée convaincre par Olivia de passer à une coupe carrée, qu’elle glissa derrière son oreille. Pas assez toutefois pour ne pas répondre à sa question "Tu les as ratés de peu. Ava est surexcitée de te voir, elle a parlé de toi dès le réveil." lui dit-elle, s’animant pour mettre devant elle une assiette, un verre, un mug rempli de café et des couverts "J’espère que t’as faim." Elle n’attendit pas tellement qu’elle le lui confirme, elle lui servit une petite pile de pancakes et un verre de jus d’orange, se cachant derrière de la bienséance pour ne pas s’appesantir sur l’idée, qu’il y avait quelques mois de ça, elles s’étaient bêtement chamaillées.

Cette situation est l’exacte description qu’elle aurait donné à la gênance extrême. Bien qu’elle ait passé les derniers jours à penser au moment où elle reverrait Yasmine, elle se retrouve face au fait qu’elle n’est pas prête et qu’elle n’a pas les mots en tête pour justifier la conduite qui l’avait amené à mentir pendant des années à celle à qui elle avait promis de ne pas le faire. Papa et Olivia lui pardonnaient tout, toujours, ce qui l’avait amené à développer l’habitude de ne jamais s’excuser. Ils l’aimaient tellement qu’elle pouvait agir comme la pire des égoïstes, elle serait toujours tel l’enfant prodigue qui revient à la maison. C’est beau et en même temps très injuste. C’était un tort que d’agir en prenant tout le monde pour acquis mais à presque trente ans, il se corrige difficilement. Elle s’était approchée timidement de la cuisine bien que dans le fond, elle connait assez Yasmine pour savoir qu’elle ne lui étalerait pas son linge sale de si bon matin dans la cuisine d’Olivia. Elle savait qu’elle n’aurait qu’à vivre ce moment en attendant d’avoir la conversation qui s’impose. C’était peut-être la punition de l’univers. On sent le malaise à trois kilomètres mais Clara réunit son peu de courage pour prendre place face à son amie qui gentiment lui dépose une assiette de pancake sous le nez. "Tu les as ratés de peu. Ava est surexcitée de te voir, elle a parlé de toi dès le réveil." La pensée de sa nièce lui apporte un sourire sur le visage. Malgré tout ce qu’elle a fait, ça fait du bien de savoir que des personnes attendent son retour sans arrière pensée. “Oui, Olivia m’a prévenu que j’étais déjà invitée à prendre le thé après l’école avec ses poupées et que ce serait suivi d’un spectacle privé de toutes les danses qu’elle apprit cette année. Je te parie même que si on a le temps, on aura droit à un défilé de mode.” répond t-elle, amusée comme si c’était l’évènement du siècle qui allait se tenir dans la chambre d’enfant. Cela dit, c’était pour des moments comme ça qu’elle avait émis le souhait de trainer quelques jours à Sydney. Être une fille fausse qui s’épanouit dans un monde faux, ça ne coupe pas l’envie de toucher un peu de réel. "J’espère que t’as faim." La façon dont elle engloutit son premier pancake répond à la question de façon visuelle, à sa gloutonnerie, Clara répond. “ça fait trente six heures où j’ai eu que droit à des plateaux d’avion! C’est merveilleux” dit-elle la bouche encore pleine. Elle aurait fait la moue mais ce n’est pas le moment. Après avoir avalé sa bouchée, elle ajoute. “Merci de m’avoir préparé le petit déjeuner. Cela me fait très plaisir!” Et surtout, elle n’était pas obligée. Elle garde le nez dans l’assiette, toujours gênée. Est-ce que c’est là ? Le moment de briser la glace ? Elle ne sait pas. Elle aimerait tellement mettre fin à cette boule au ventre et pourtant, elle a l’impression que de faire ça, là, au bout de dix minutes, ça fait “wrecking ball”. “Olivia m’a dit pour ton père, vous tenez le coup ton frère et toi?” finit-elle par dire. Olivia lui avait dit un peu plus mais elle ne voulait pas non plus tout étaler sur la table et ne voulait pas parler de sujet que Yasmine n’aimerait pas traiter avec elle. Sa question n’en est pas moins sincère. Il y’a quelques années, la situation était inversée. Elle était passée pas loin de perdre son père et ça l’aurait anéanti. Même si elle était loin à ce moment, ça lui avait fait mal de réaliser qui Yasmine passait par là et qu’elle était à l’autre bout du monde. Elle meurt d’envie de lui demander ce qu’elle peut faire pour aider mais pour ça, il faut être présent et le temps qu’elle va passer en Australie n’est pas encore déterminé. “Olivia m’a aussi dit que tu avais eu une année difficile. Je suis désolée de ne pas avoir été là.” finit-elle par sortir, ne pouvant plus le tenir à l’intérieur et ne sachant pas plus ce qu’on dit, après, ou en attendant la foudre.

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"Je suis peut-être responsable de certaines danses qu’elle présentera ce soir. Si on te le demande, tu diras que tu t’es rendue compte de rien." C’était étrange, de parler à Clara. Ça l’était d’autant plus qu’avant, elle n’avait jamais ressenti la moindre gêne en sa présence. Elles étaient différentes, c’était une certitude dont personne n’avait jamais douté, il suffisait simplement de les regarder. Mais elles avaient su apprendre l’une de l’autre pour devenir les très bonnes amies qu’elles… étaient toujours ?
La question était silencieuse, et elle sortait de nulle part. Yasmine était loyale, parfois à l’extrême ; mais elle pardonnait vite aussi, et si elle devait être tout à fait honnête avec elle-même, remettant en perspective ce qu’elle avait appris de la bouche de Clara il y avait des mois de ça, elle n’avait jamais rien eu à lui reprocher auparavant. Alors d’accord, elle lui avait menti, elle s’était un minimum jouée de la confiance qu’elle lui accordait, mais est-ce que ça méritait vraiment de ruiner une amitié aussi forte que la leur ? Elle ne réussissait pas à mettre le doigt sur la réponse à cette question en particulier, sans doute parce que la revoir après tout le temps, c’était déjà assez bouleversant dans le fond pour qu’elle se lance tout de suite dans l’élaboration d’une abolition du sentiment qu’elle avait ressenti en apprenant la vérité au sujet de Clara.
Elle la regarda de l’autre côté du comptoir, parfaite fée du logis, avec sa spatule et ses sourires pour la faire se sentir chez elle. Elle l’était, indéniablement "T’as besoin de manger, t’as que la peau sur les os." Elle croyait entendre sa mère, ce n’était pas la première fois qu’elle remarquait que parfois, elle avait les mêmes accents maternels que Fatima. Ils étaient moins sévères, seulement ils étaient bel et bien là. Intérieurement, elle roula des yeux contre elle-même, refusant de répondre au cliché de celle qui s’offusquait d’avoir des points communs avec sa génitrice ; ce n’était pas une mauvaise chose, elle appréciait de plus en plus de lui ressembler autant. Mais là n’était pas la question, et tandis que le malaise prenait de l’ampleur dans la petite cuisine, Yasmine se détourna un instant du tableau d’une Clara appréciant son petit-déjeuner pour poser ses ustensiles dans l’évier.

Elle profita d’empoigner sa tasse de thé refroidi, marquant une pause dans ses mouvements quand en se retournant de nouveau, elle laissa échapper avec douceur "Et moi ça me fait plaisir de te voir." Elle était honnête. C’était étrange, c’est vrai, mais restait que ça lui faisait du bien qu’elle soit là, s’ajoutant à la somme des choses qui élevaient le sentiment qu’elle avait d’aller un peu mieux. Elle contourna le comptoir du petit-déjeuner pour  aller s’asseoir sur le tabouret à ses côtés, et même si le sujet que sa meilleure amie entama n’était pas facile, elle garda un demi-sourire, les mains entourant sa tasse dans un geste usuel, réconfortant pour elle "On a eu très peur, mais tu connais papa… c’est une force tranquille, ça veut pas dire qu’il ne sait pas se battre." Elle opina, marquant l’emphase sur la fierté qu’elle ressentait face à la résilience d’Amjad et des efforts qu’il avait déployé pour rester. Elle arqua très brièvement un sourcil quand, reprenant sur sa lancée, elle donna de ses nouvelles à Clara "Il est un peu diminué. Il a du mal à marcher, à remettre les mots dans le bon ordre aussi. J’ai la naïveté de penser qu’à coté de sa rééducation, le fait qu’on soit tous là, ça l’aide à voir sa guérison avec optimisme." Là encore, elle opina du chef, puis son sourire s’élargit en même temps que ses yeux grossirent sous ce qu’elle ajouta avec humour, s’agitant pour mieux croiser les jambes "Mais entre toi et moi, je l’ai jamais autant entendu râler." Elle se risqua à, spontanément, laisser un rire lui échapper.
Ce dernier s’amenuisa doucement, et la tension la gagna de nouveau, confrontée aux paroles de la jeune femme qui était assez délicate pour lui faire savoir qu’elle savait pourquoi elle était là. Elle ne faisait pas tout un secret de sa fausse-couche désormais. La majorité de son entourage s’était inquiétée de la voir partir pour Sydney, alors il avait fallu qu’elle explique les choses, sans pour autant rentrer dans les détails. La nouvelle avait été accueillie avec beaucoup de pudeur, ça lui avait fait du bien, cette discrétion de la part de sa famille ; ça lui avait fait un temps oublier l’idée qu’ils lui en voudraient de tout ça.
Perdant son regard dans sa tasse de thé, elle finit par prendre une légère inspiration après ce temps de silence qui était retombé suite aux paroles de Clara, et elle se redressa. Yasmine tendit la main vers elle, la posant sur son épaule, et puis prenant une gorgée de thé pour se donner du courage, elle lui dit enfin "T’es là aujourd’hui." Une douce pression de ses doigts sur son épaule, un clin d’œil raté comme toujours, et elle continua "Et puis les torts sont partagés. J’ai pas été très présente non plus pour toi ces derniers temps." Elle prit une seconde gorgée, récupérant sa main qu’elle cala sous son menton tandis que la facétie se dessina sur son visage, à demi tourné vers la jeune femme. Elle fronça le nez, lui adressant un regard franc alors qu'elle était en train de déguster les pancakes qu'elle lui avait mis dans son assiette, observant ses traits qu’elle n’avait pas vus depuis longtemps "Tu dois avoir des tonnes de choses à me raconter. Je te laisse choisir par où commencer."

L’idée d’une soirée simple en famille la met dans un état particulièrement allègre. Elle avait pensé aux milles bêtises qu’elle pourrait faire avec ses neveux et quand Olivia lui avait partagé les projets de sa fille, Clara en avait presque eu les étoiles aux yeux. Elle venait de passer tout une année devant des caméras à jouer de divers drama pour contenter des producteurs. Elle avait balancé des stories qui n’étaient que mensonges, ou au mieux, altération de la vérité. Clara en a finit par ne plus avoir une réelle conscience de ce qu’est la réalité et dieu merci, elle a toujours une famille pour la faire redescendre un peu.  "Je suis peut-être responsable de certaines danses qu’elle présentera ce soir. Si on te le demande, tu diras que tu t’es rendue compte de rien." Elle lève les bras comme si elle jurait sur sa vie. “Je ferais comme si de rien.” Alors qu’elle se doute bien que derrière toutes les chorégraphies, il y’a forcément une touche de Yasmine ou d’elle même. Elles avaient peaufiné les leurs pendant des années. Ses mains reviennent vite à son assiette qu’elle dévore avant de remercier Yasmine pour la lui avoir préparé. Le repas est délicieux et Clara ne ment pas en parlant du plaisir de retrouver de la vraie nourriture après autant d’heure d’avion mais aussi parce que ses derniers repas n’étaient que des plats préparés sur le pouce ou à mettre dans un micro-onde. Les pancakes sont sucrés mais garde un goût d’amertume. Comment Yasmine fait-elle pour être aussi bienveillante envers elle alors qu’elle lui avait caché une partie significative de sa vie qu’elle continue encore aujourd’hui à cacher aux membres de sa famille ? C’est un mystère et alors qu’une fois de plus, elle admire son amie, sa culpabilité monte en flèche de ne pas être capable de prendre exemple.  "T’as besoin de manger, t’as que la peau sur les os." lui répond Yasmine alors qu’elle la remercie. Aussitôt dit, Yasmine fait une grimace se rendant certainement compte à l’instant à quel point elle ressemble à sa propre mère. Cette expression ne manque pas de faire rire Clara qui devine ce qu’il se passe dans la tête de la brune. “J’ai eu l’impression d’entendre ta mère et j’ai comme l’impression que tu t’en es rendue compte aussi.” dit-elle en riant, sans se moquer parce que Clara avait toujours nourrit une affection pour Fatima. Hormis Olivia, elle était la seule figure maternelle qu’elle avait connue. Dieu merci, cette dernière ne sait pas tout ce dont Clara peut être capable. "Et moi ça me fait plaisir de te voir." ajoute Yasmine, ce qui ajoute à ce malaise parce que même si Clara ne doute pas de la sincérité de sa plus vieille amie, elle continue de se dire que ça ne devrait pas être le cas. En guise de réponse, elle se contente d’un sourire tout en continuant d’engloutir son assiette.

Parce qu’elles venaient de mentionner Fatima, Clara a le courage de demander des nouvelles d’Amjad et poser la question fatidique sur son état. Il y’a plusieurs années, c’était son propre père qui étaient sérieusement malade et si Clara ne se sentait pas assez en odeur de sainteté pour s’attendre à ce que Yasmine se confie sur le sujet, elle reste désolée que les Khadji aient à traverser et s’inquiète pour son amie. La famille avait toujours été très unie.  "On a eu très peur, mais tu connais papa… c’est une force tranquille, ça veut pas dire qu’il ne sait pas se battre." Elle n’en doute et sait très bien qu’il doit être en train de tout oeuvrer pour faire disparaître cette ride d’inquiétude qui se dessine sur le front de Yasmine au moment où elle la met à jour sur la situation.  "Il est un peu diminué. Il a du mal à marcher, à remettre les mots dans le bon ordre aussi. J’ai la naïveté de penser qu’à coté de sa rééducation, le fait qu’on soit tous là, ça l’aide à voir sa guérison avec optimisme." Elle ne sait pas quoi répondre à ce sujet. Elle pourrait tenter de l’aider en lui parlant des émotions qui l’habitait quand elle était elle même dans cette situation mais elle a le sentiment que cela ne ferait que ramener la conversation à elle. Ce qu’elle souhaite éviter par dessus tout. Elle avait connu la peur de perdre ce père qui était tout pour elle et si être naïve est ce qui aide Yasmine à tenir, elle n’a pas le droit de l’en dissuader ou de l’inquiéter. "Mais entre toi et moi, je l’ai jamais autant entendu râler." Un sourire se dessine sur le regard de la jeune femme. “Tu sais, quelque part, c’est bon signe de râler. C’est qu’il a de l’énergie!” dit-elle en essayant d’être le plus positive possible. C’est un travail de longue haleine que de se rééduquer. Elle ferait que se plaindre à sa place et elle n’a pas trente ans. Malgré tout, elle profite de cette conversation et finit par s’excuser pour tout ce qui est arrivé dernièrement.  "T’es là aujourd’hui." répond Yasmine avant d’ajouter "Et puis les torts sont partagés. J’ai pas été très présente non plus pour toi ces derniers temps." Sa tête se fige en observant Yasmine l’air de lui dire qu’elle n’est pas obligée de s’inventer des torts. Elle n’en a aucun et afin de dissiper le doute, elle joint la parole au geste. “Tu n’as absolument rien à partager. C’est moi qui ai décidé de partir sans explications.” Et elle ne le regrette pas. Enfin, la partie où elle part. Peut-être aurait-elle dû s’expliquer en le faisant mais c’est trop tard pour changer ça. Clara avait eu besoin d’air et curieusement, se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre à l’autre bout de la planète l’avait beaucoup aidé avant de la lasser. "Tu dois avoir des tonnes de choses à me raconter. Je te laisse choisir par où commencer." “Oh !” dit-elle, ne sachant par où commencer. Elle repousse son assiette désormais vide et attrape son café. “Je crois que j’ai passé l’année à m’inventer des dramas. J’ai eu cette offre pour une téléréalité qui consistait à être enfermée avec des gens et sortir les pires crasses les uns sur les autres. J’ai été éliminée, j’étais là bas pour être “l’Australienne” et fatalement, on se moque de l’accent des étrangers mais ils ne vont pas gagner et on m’a engagé pour faire un genre de road trip entre copine à travers les State, on a joué The simple Life, pour résumer.” Et c’était pas plus glorieux qu’à l’époque de Paris hilton et Nicole Richie. “Ne me regarde pas, c’était amusant mais clairement j’allais pas en faire une carrière là bas.” Vivre chez les américains, quelle horreur.

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La même réflexion traversa l’esprit de Yasmine quand Clara mentionna Fatima. Elle serait déçue, sa mère, si elle venait à connaître la vérité autour de la jeune femme. Mais les chiens ne faisaient pas des chats, probablement qu’elle lui trouverait des excuses pour expliquer son besoin de s’être cachée derrière des mensonges et qu’elle lui pardonnerait aisément de s’être égarée. Etonnamment, Fatima avait toujours été plus conciliante avec les défauts des autres que confrontée à ceux de ses propres enfants. Elle partait alors en mission pour redorer le blason des enfants perdus qui se dressaient sur son chemin, se servant de leurs évolutions pour reprocher à sa progéniture bien des choses et leur rabattre constamment les oreilles en les citant comme exemple à suivre pour s’élever dans la société. D’un certain côté, c’était plus qu’injuste d’être forcée de l’entendre déblatérer ce genre de choses, mais de l’autre Yasmine réussissait à comprendre pourquoi ça lui paraissait logique de faire tout une montagne des bêtises faites par ses enfants, que de celles faites par les enfants des autres ; celles-ci, elles n’engageaient pas ses propres méthodes d’éducation, quand les autres remettaient tout en cause.

Elles laissèrent Fatima de côté pour largement se répandre sur le cas d’Amjad. La délicatesse de Clara était appréciée, son humour aussi, et quand elle releva que c’était une preuve d’énergie que son père se mette à râler autant, Yasmine se risqua à rire de son côté en lui disant, les sourcils haussés en signe d’assentiment "T’as sans doute raison." Elle grappillait de l’espoir là où elle pouvait, même si de nouveau, elle était assez optimiste pour se convaincre que très bientôt, tout irait pour le mieux. Ce n’était pas se bercer d’illusions, elle avait beaucoup lu sur la rééducation des victimes d’accident vasculaire cérébral, et elle savait que désormais la science leur permettait de s’en remettre à un bon pourcentage. Elle n’avait plus peur pour son père, ou un peu moins en tout cas, c’était pour ça qu’elle en parlait avec plus ou moins de sérénité.
Une sérénité qui la quitta un peu quand elles entamèrent le sujet qui fâchait, et qu’en bonne copine, douce et fidèle, Yasmine se plaça en fautive de l’absence de Clara de sa vie. Elle savait qu’elle avait été un peu dure avec elle lorsqu’elle était passée aux aveux et avec le temps, elle savait que ce n’était pas justifié. Rectifier le tir, ça avait toujours été à sa portée, et parce qu’elle avait la capacité de relativiser ce genre de choses désormais, elle lui dit en voyant son regard se porter sur elle, un air de dire qu’elle n’avait pas besoin de se placer en responsable de ses errances "Parce que t’en avais peut-être besoin, faut pas te le reprocher." Elle était bien placée pour comprendre pour le coup, et parce qu’elle n’aimait pas sentir l’épaisseur de l’atmosphère autour d’elles, elle décida que c’était le moment de lui offrir l’occasion de discuter de ce qu’elle avait vécu ces derniers temps.
Et en vérité, elle le regretta, puisqu’au plus elle déroulait le récit de sa vie trépidante de vedette de télé-réalité, au plus elle s’apercevait qu’elles étaient vraiment devenues différentes. Elle l’avait toujours été, là n’était pas le sujet, et jamais ça n’avait été un problème pour Yasmine qui avait apprécié Clara comme la sœur un peu fofolle que ses parents ne lui avaient jamais biologiquement donnés. Mais c’était la remettre à une place inconfortable que de la faire s’apercevoir qu’aujourd’hui, leur vie n’avait plus rien en commun. C’était déstabilisant à bien des égards, et un nœud se forma dans sa gorge quand elle comprit qu’elle avait été plus heureuse que jamais en choisissant de vivre cette vie-là. Et elle s’en voulut tout de suite d’en être autant affectée, si bien que quand elle eut terminé, et qu’elle lui dit de ne pas la regarder comme ça, Yasmine se trouva idiote, et lui répondit après s’être raclée la gorge discrètement "Je te regarde juste parce que tu me donnes l’air d’avoir adoré ça." Et en le disant, elle eut le sentiment que c’était un reproche alors que c’en était pas un. Elle détourna les yeux rapidement sur sa tasse de thé à moitié pleine, et avec un léger sourire, un peu forcé quand même, elle ajouta dans la foulée "T’allais pas en faire une carrière, ça veut dire que t’as déjà d’autres projets de reconversion, ou juste que t’as eu des offres plus alléchantes ici ?" Elle était si loin de ce monde-ci, même si elle était une grande consommatrice de télé-réalité à ses heures, les moins glorieuses, il n’en restait pas moins qu’il y avait tout un monde entre elle et ceux qui la rendaient intéressante aux yeux de millions de gens. Elle ne savait pas comment en parler sans avoir la sensation d’être à côté de la plaque, aussi elle lui posa une question à sa portée, qu’elle rendit plus palpable encore quand, tournant la tête vers elle, elle affronta son regard avec détermination "Tu rentres à Brisbane ?"

Elle se retient de se donner un air au moment où Yasmine pointe le fait qu’elle puisse avoir raison. A vrai dire, ce genre de situation est compliquée. Clara ne veut absolument pas effrayer son amie et souhaite plus que tout que le père de cette dernière se remette de son accident mais elle sait en son for intérieur que ses paroles pourraient ne pas être exaucée et qu’il serait cruel de sa part que de trop rassurée son amie si l’issue est funeste. Elle avait entendu toutes ces gentilles paroles quand papa se battait contre son cancer mais elle sait qu’elle aurait haï n’importe quelle personne qui l'avait bercé d’illusion si celui-ci n’avait pas survécu. Et si elle est sincère, elle ne veut pas pousser l’optimisme à un extrême. Les filles finissent par aborder le sujet du départ de Clara. Si elle avait toujours peur d’aborder le sujet, et surtout, d’entendre les réponses de Yasmine et de voir que celle-ci la déteste, elle ne peut pas se mettre des œillères ou tourner autour du pot. Les dés sont jetés, autant en découvrir le résultat. Elle aurait dû s'attendre à ce que Yasmine s'incrimine alors que Clara seule a décidé de partir comme une voleuse. Des propos qu’elle préfère corriger rapidement. Même si c’est plus facile de partager le fardeau, celui-ci est le sien. A elle uniquement. Et là maintenant, son amie a tout sauf besoin de l’en alléger.  "Parce que t’en avais peut-être besoin, faut pas te le reprocher." Elle hoche la tête même si oui, culpabiliser ne mène jamais loin. “J’en avais besoin mais s' il y’a des torts, ce sont uniquement les miens.” insiste t-elle, résistant de ce fait à l’envie de s’alléger la conscience en pointant d’autres sources qui pourrait rendre excusable ses méfaits. Ce qui est fait, est fait alors autant l’assumer même si elle ne souhaite pas non plus se prendre la masse de reproche. Au lieu de ça, l’infirmière préfère se renseigner sur la façon dont Clara avait rempli cette année d’absence. C’est un réflexe que de prétendre que tout s’est merveilleusement bien passé alors que si ça l’avait autant épanoui que ce qu’elle prétend, elle y serait toujours. Elle va dans les grandes lignes, ayant assez honte dans le fond que de s’être occupée avec des émissions de télé vide de sens alors que Yasmine donnait plus de sens à sa vie en aidant les autres. C’est sûrement ce qui la pousse à raconter comme s’il s’agissait d’une expérience incroyable. Quelque part oui mais elle enjolive un peu les faits. "Je te regarde juste parce que tu me donnes l’air d’avoir adoré ça." lui répond Yasmine, ce qui laisse croire à Clara qu’elle en fait un peu trop dans son récit. Elle avait adoré ça mais tout autant qu’elle adorait le fait d’être retour et de pouvoir retrouver sa meilleure amie. “Tu sais, c’est beaucoup plus facile de se plonger dans les drames d’une personne qui n’existe pas que de vivre les siens.” explique t-elle sans aller forcément plus loin. En Californie, Clara était un personnage et elle avait pu s’inventer une vie entière sans que personne ne lui pose de problème ou ne sache la moindre des issues qu’elle pouvait traverser. C’était ça, qui lui avait fait du bien : être quelqu’un d’autre. Maintenant, il est heure qu’elle redevienne elle même si elle ne sait pas forcément ce que cela veut dire.  "T’allais pas en faire une carrière, ça veut dire que t’as déjà d’autres projets de reconversion, ou juste que t’as eu des offres plus alléchantes ici ?" Une reconversion, elle ne sait pas. Ce qu’elle sait c’est que jamais plus elle ne fera un métier classique avec cadre. Elle avait aimé être conseillère mais d’avoir à rendre des comptes et de ne pas être maitresse d’elle même ne lui plaisait pas.  “Je ne sais pas.” Elle hausse les épaules. “En vrai, j’ai aucune idée de ce que j’ai envie de faire. Je me suis juste donnée le mot d’ordre d’essayer d’être qui je suis vraiment.” Et donc, de ne pas s’enfermer dans un plein temps comme madame tout le monde. C’est ce qui l’avait conduit à péter les plombs et à mentir. Désormais, elle ne serait pas comme on l’attends mais au moins honnête avec elle même. “Je me donne du temps pour y penser.” "Tu rentres à Brisbane ?" A cela, elle acquiesce. “Il est temps de retrouver mes bottes. J’ai des choses à régler.” Et par “chose”, elle parle de Freddy et de leur mariage mais si elle n’a pas l’intention de l’en libérer. Elle aimerait poser les choses à plat maintenant que la blessure émotionnelle d’avoir perdu Nicolas par pur égoïsme s’est un petit peu refermée. Elle réalise soudainement qu’elle continue à ne faire que penser à ces problèmes et c’est en levant les yeux vers Yasmine qu’elle aperçoit une mine qui l’inquiète. La brune l’écoute et s’intéresse à elle mais Clara sent bien qu’il y’a une pensée derrière et elle sent que celle-ci ne devrait pas être. “Yasmine?” Elle l’appelle et prend un regard sérieux. Elle ignore ce qu’elle a dit, ou fait. elle se demande si le fait de papoter comme ça est trop tôt. Elle demande, sans chercher à tourner autour du pot. “Qu’est ce que tu ne me dis pas?”

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{when you forget the word of your favorite song}
crédits gif & code fiche/ (she-wolvess & malibu) ✰ w/ @Clara Davis

C’était inutile de batailler avec Clara, Yasmine le savait mieux que personne. Elle était mignonne, elle était drôle… elle était aussi abominablement têtue parfois, et ça faisait son charme. Yasmine était bien faible en comparaison, et elle lui laissa, un peu lâchement d’ailleurs, gagner cette partie là. Si elle voulait se tenir responsable du moins bien de leur relation, elle la laisserait le faire sans forcer les choses. Parce qu’elle n’était pas la plus armée pour remporter ce genre de bataille, parce qu’il y avait aussi une partie d’elle, très éloignée de celle qu’elle était vraiment, qui n’était pas tout à fait en désaccord avec la manière dont sa plus vieille amie exposait les choses. C’était un fait, si elles avaient été moins en contact depuis un moment, c’était à cause de son départ de Brisbane. Aussi, pour Yasmine, qui vivait dans un monde où le conflit était difficile à supporter, elle préférait cent fois ne pas s’arrêter sur cette petite voix qui lui soufflait qu’effectivement, elle, elle n’avait pas grand chose à se reprocher. Qu’importe la réalité, elle tenait à prendre une petite part de responsabilité plutôt que le contraire, c’était comme ça.
En observant Clara raconter son expérience aux Etats Unis, Yasmine ne songea même pas à l’idée qu’elle en faisait autant pour édulcorer la réalité des faits. Elle ne s’imaginait pas tellement que ça avait pu dépasser toutes ses espérances dans le mauvais sens du terme, et alors qu’elle lui donnait l’impression d’avoir vécu l’expérience de sa vie, elle-même se sentit à mille lieues de la vie qu’elle avait construite en quittant l’Australie. L’impression de définitivement avoir été exclue de sa vie était assez blessante pour qu’elle se sente mal à l’aise pour de bon, et ses yeux se déportèrent ailleurs pour échapper à ceux de Clara quand elle lui dit avec toute la douceur que chacun lui connaissait "J’aurais aimé suivre tes aventures là-bas, mais je savais pas vraiment dans quoi tu t’étais lancée, ni comment réussir à participer à mon échelle." Et puis dans le fond, ça lui faisait peur de contempler le personnage qu’elle s’était créée. Elle la connaissait, la vraie Clara, elle savait déceler les variations qui faisaient qu’elle était devenue son amie au fil du temps. Ou du moins, elle l’avait cru avant qu’elle ne lui révèle ses erreurs et ses mensonges, et qu’elle s’était sentit idiote de n’avoir rien remarqué, lui faisant une confiance quasi-aveugle.

La pensée était intime, elle était aussi amère, et pendant qu’elle lui posait des questions pour donner le change et ne pas laisser transparaître son embarras, elle opina doucement du chef quand elle lui répondit qu’elle ne savait pas ce qui l’attendait vraiment. Yasmine but une gorgée de son thé froid dont le goût avait permuté en une mixture imbuvable qui s’accrocha à son palais, et qui lui fit prendre un certain temps avant de lui demander, plus sérieusement qu’elle ne l’aurait voulu "Et qui tu es vraiment, Clara ?" Elle n’avait pas pu retenir cette question-là, mais elle aurait aimé avoir eu le temps de la poser autrement. Ça remettait en cause la relation qu’elles avaient eu jusqu’il y avait un moment encore, et balayait d’un revers de main violent la perspective qu’en effet, elles s’étaient connues par cœur — encore une fois, elle douta de cette pensée là, et se redressa pour enchaîner suite aux paroles de Clara "C’est bien de prendre le temps, et si ça se trouve, tu réfléchiras à des projets qui te combleront encore plus que ceux que tu viens de mettre de côté. Il doit bien y avoir un moyen de vivre la Simple Life aussi en Australie." Un léger sourire remonta le côté droit de son visage, puis elle enchaîna "Ton père va être content que tu sois de nouveau à proximité. Pas que lui d’ailleurs. Je suis persuadée que ma mère tiendra à t’inviter à déjeuner sitôt que t’auras posé le pied à Brisbane." Elle opina de nouveau, comme pour se convaincre que ce serait une merveilleuse idée de rassembler tout le monde autour d’un bon repas préparé par sa mère, et perdit de nouveau une poignée de secondes à fixer sa tasse jusqu’à ce que Clara ne l’appelle par son prénom. Elle sursauta presque "Hmm ?" fit-elle en tournant la tête dans sa direction. Son regard rencontra le sien et ses sourcils se froncèrent quand elle comprit que sa question était on ne peut plus sérieuse "Je comprends pas ta question." lui avoua-t-elle en ne cherchant même pas à y réfléchir, mais en laissant simplement un sourire complet filer cette fois-ci. Elle continua en croisant les jambes sur son tabouret, l’air aussi confus que réservé — son cœur se remit à battre la chamade dans sa poitrine "Tu sais pourquoi je suis ici, et j’ai jamais été très douée pour cacher quoi que ce soit à qui ce soit." Contrairement à elle ? Elle chassa cette annotation mentale aussi vite qu’elle lui traversa l’esprit tandis qu’elle poursuivait sur le même ton "On a traversé des choses différentes ces derniers mois, je suis juste heureuse que ça ce soit mieux passé pour toi, c’est tout." Et elle était sincère dans ce qu’elle lui disait là, il ne fallait pas qu’elle tente de voir au-delà.

Il semble beaucoup simple que de raconter ses histoires de vie quand on les met soi-même en scène. Clara n’avait rien fait aux Etats Unis qui ne soit du naturel, chaque exposition avait été méditée et chaque publication n’avait pas été envoyée sur les réseaux sociaux sans une intention derrière. La raison de ses agissements est encore à expliquer bien que les mots qu’elle avait dit à Yasmine sur le fait qu’il était bien plus simple pour elle d’être une fausse projection d'elle-même que son vrai elle en sont une piste. D’aussi loin qu’elle se souvienne, Clara avait toujours ressenti le besoin d’être comme on pouvait l’attendre bien que ce comportement se finissait toujours par un craquage et un foirage de la belle. "J’aurais aimé suivre tes aventures là-bas, mais je savais pas vraiment dans quoi tu t’étais lancée, ni comment réussir à participer à mon échelle." Une figure d’étonnement apparaît sur son visage. L’idée que Yasmine ait pu avoir une quelconque envie d' assister à ce qui pouvait se passer dans ce pays si lointain la surprend dans le sens où cette dernière est différente d’elle que Clara n’a jamais pensé qu’elle pourrait y voir un avenir dans ce monde de superficialité. A y penser, Clara réalise calmement que peut-être qu’elle avait tenu Yasmine éloignée pour ne pas avoir à justifier de pourquoi elle faisait ça alors que ça n’a pas grand sens et que l’argent facile que cela procure n’est rien à côté de celui d’un travail plus sérieux. Cette discussion amène Clara à mettre le doigt sur sa plus grande problématique, elle ne cesse de s’inventer des vies et des identités si bien qu’elle ne sait même plus qu’elle est la vérité dans ce qu’elle incarne et ce qui ne l’est pas.  "Et qui tu es vraiment, Clara ?" Elle hausse les épaules, elle ne sait pas vraiment. Elle change de souhait et d’envie comme de chemise et elle ne saurait dire si son comportement est réel ou s’il cherche à s’adapter à ce que l’on peut attendre d’elle.  "C’est bien de prendre le temps, et si ça se trouve, tu réfléchiras à des projets qui te combleront encore plus que ceux que tu viens de mettre de côté. Il doit bien y avoir un moyen de vivre la Simple Life aussi en Australie." Elle sourit doucement en répondant “Je l’espère.” Elle n’a pas forcément l’envie de repartir même si ce sentiment l’habitait déjà à son retour du Japon et qu’elle avait finit par se remettre en route. “Je te dirais quand j’aurais défini un plan d’attaque durable.” Quelque chose de concret. "Ton père va être content que tu sois de nouveau à proximité. Pas que lui d’ailleurs. Je suis persuadée que ma mère tiendra à t’inviter à déjeuner sitôt que t’auras posé le pied à Brisbane." Et là, toutes ses pensées sont balayées par le fait qu’être invitée à manger chez les Khadji signifie qu’elle va bien manger. A cela, elle crierait presque amen. “J’en ai déjà l’eau à la bouche.” Elle en serait presque prête à revenir à Brisbane si ça ne s’accompagnait pas de son lot de choses à régler. “J’ai déjà eu papa au téléphone, il était un peu déçu que je passe chez Olivia en premier mais je voulais profiter de tout le monde avant que les fêtes de noël s’en mêlent.” A cette affirmation, elle en vient à trouver Yasmine ailleurs et à se dire qu’il y’a quelque chose que cette dernière ne lui dit pas, ce qui l’interpelle en se demandant si c’est vraiment le moment pour que toute la conversation e tourne qu’autour d’elle et des choses obscures qui trottent dans sa tête. "Je comprends pas ta question." Et bien, a t-elle dit quelque chose qui ne fallait pas ? A quoi est-elle en train de penser à ce moment précis ? Il y’a t-il quelque chose qu’elle ne parvient pas à sortir ?  "Tu sais pourquoi je suis ici, et j’ai jamais été très douée pour cacher quoi que ce soit à qui ce soit." Au contraire, Clara avait toujours trouvé Yasmine très habile à se mettre de côté et à faire taire nombre de ses pensées. Elle avait un entourage apte à la déchiffrer mais ça ne signifie qu’elle est incapable d’être discrète. Cela, elle ne le dit pas à haute voix ne voulant pas insister. "On a traversé des choses différentes ces derniers mois, je suis juste heureuse que ça ce soit mieux passé pour toi, c’est tout." clara en redevient silencieuse. Elle ne sait pas si les choses se sont mieux passés et elle ne pense pas qu’une comparaison soit possible, comme Yasmine l’a souligné, elles ont vécu des évènements différents. “Je vois. Je pense que je devrais aller prendre une douche. tu voudras que l’on sorte se promener après?” La demande est sincère, l’idée d’une promenade pourra alléger les coeurs.

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Demander à Clara qui elle était vraiment et ne pas recevoir de vraie réponse, c’était quelque chose à quoi il était difficile d’assister. Yasmine avait toujours eu une certaine image de Clara, de celle de laquelle on s’inspire pour devenir une meilleure version de soi-même, surtout quand on était comme elle, aussi timide et couvée par sa famille et qu’on recherchait quelque part à s’attacher à ceux qui ne reflétaient pas son propre reflet — loin d’elle l’idée de vivre par procuration cela dit. Enfin, la voir si peu encline à mettre des mots sur ce qu’elle croyait être, ça avait quelque chose de bouleversant dans le fond, tant elle ne la connaissait pas si peu sûre d’elle. Comme un héros qu’on porte comme tel, mais qui cache trop de choses pour apprécier qu’on l’adule et qui fait bonne figure pour faire plaisir aux autres, mais qui souffre en silence. Sa gorge se serra. Yasmine, elle n’adulait pas Clara, pour autant elle lui réservait un respect immense, même quand elle avait démonté une à une les fondations solides de l’image qu’elle avait toujours voulu lui donner d’elle. Elle pencha la tête, l’observant sous ses cils sans chercher à creuser plus loin par politesse, tachant seulement de la rassurer sur le choix qu’elle avait fait de rentrer auprès des siens, et lui promettant déjà des moments agréables passés avec le clan que formaient leurs deux familles. C’était sur ça qu’il fallait se concentrer, lui offrir un retour digne de ce nom et lui permettre de se remettre dans le bain sans qu’elle ne pense une seule seconde à couver des regrets à propos de la vie qu’elle avait laissée derrière elle. Elle devait être plus faste, c’était une certitude que Yasmine gardait à l’esprit, mais il n’y avait rien de mal à vivre plus simplement et à alimenter des ambitions différentes de celles pour quoi on croyait être faits. Même si c’était un peu étrange entre elles, même si dans le fond elle ne savait pas trop sur quel pied danser, elle apporterait son soutien à la jeune femme s’il le fallait, et elle ne la laisserait pas ruminer sur sa gloire éphémère sous le prétexte qu’elles s’étaient perdues de vue pendant un moment donné.

Elle tendait à retrouver un peu de légèreté quand la question de Clara lui fit froncer les sourcils, et que la réponse qu’elle lui accorda, elle sembla la laisser perplexe. Mais Clara, elle connaissait Yasmine aussi bien qu’elle la connaissait, et là où elle ne disait pas grand-chose, il fallait y déceler rien d’autre que de  la délicatesse, aussi instinctive qu’elle pouvait être déroutante tant elle n’aimait pas le conflit. Elle ne l’enterrerait pas sous des reproches, elle ne lui dirait pas à quel point elle avait eu mal quand elle avait comprit qu’elle lui avait menti ces dernières années, et combien ça lui faisait plus mal encore de la voir revenir sans même avoir pris le temps de la prévenir en personne. Si elle n’avait pas été en séjour chez Qasim et Olivia, est-ce qu’elle aurait même su qu’elle rentrait à Brisbane autrement qu’en tombant sur elle à l’improviste ? Elle laissa cette question en suspens dans son esprit, gardant son regard tourné vers la jeune femme qui lui proposait une balade en ne s’attardant pas plus que ça sur les réponses qu’elle lui accordait. Yasmine quitta son tabouret, et le sourire qu’elle lui adressa, il était aussi douloureux que la réalisation qui la frappa et qui lui fit comprendre que, malgré les efforts qu’elles feraient dans un futur plus au moins proche, elles ne réussiraient sans doute jamais à éliminer ce qui flottait au-dessus d’elles et qui ressemblait étrangement à de la tension "J’ai un coup de fil à passer avant, mais si tu veux bien de moi pour t’accompagner…" C’était un oui timide qu’elle appuya par un hochement de tête tandis qu’elle se dirigeait vers l’évier pour y déposer l’assiette vide de Clara. Elle évita de méditer sur le déroulement de cette promenade, elle préféra lui accorder un nouveau, et long, regard qui sécrétait une dose mortelle d’hésitatioN. Jusqu’à ce qu’elle se décide enfin à laisser sa vaisselle de côté, et qu’elle s’approcha de la jeune femme pour la prendre dans ses bras, et la serrer contre elle en lui murmurant avec toute la sincérité qu’elle avait en elle, au point de ressentir un léger picotement au raz de ses cils quand elle songea à tout ce qu’elles avaient manquées, tout ce qu’elles avaient peut-être perdues aussi "Je suis contente que tu sois rentrée."

rp terminé.