| (jarchie #13) everytime you leave make me wanting you more |
| | (#)Lun 8 Nov 2021 - 2:12 | |
| everytime you leave make me wanting you more. Assis sur sa chaise, ses coudes posés sur le bureau devant lui et ses doigts croisés entre eux, James fixait le mur face à lui à la recherche d'une impulsion quelconque. Il y a plusieurs jours qu'il était rentré de Paris avec (presque) autant de cernes sous les yeux que de souvenirs de son escapade aux Galeries Lafayette, et une question lui tournait sans répit dans la tête : et Archie, dans tout ça ? Si sa relation avec l'actionnaire était floue bien avant qu'il ne s'envole pour l'Europe et mette plusieurs milliers de kilomètres entre eux, leur rapprochement survenu quelques jours avant son départ s'était chargé de compliquer plus encore les choses alors même qu'ils semblaient jusqu'ici trouver un certain équilibre. A présent qu'il pouvait presque encore sentir l'odeur du brun sur sa peau, James se détestait autant d'avoir laissé tomber ses barrières qu'il détestait Archie de ne pas avoir été plus malin que lui en lui cédant en retour. Parce que c'était au mieux une mauvaise idée, au pire le début d'emmerdes dans lesquelles il s'était pourtant juré de ne plus jamais replonger. Il pourrait continuer de se voiler la face, prétendre que tout ça n'avait aucune importance et que ça ne risquait pas d'impacter leur collaboration à Weatherton, mais s'il y en a bien un à qui il n'était pas capable de mentir, c'était à lui-même. Et ne pas savoir si tout ça représentait quoi que ce soit aux yeux d'Archie était le plus destabilisant. Ainsi c'est alors qu'il fixait son portable avec l'irrépressible besoin d'en avoir le cœur net que James opta finalement pour une solution plus radicale. Archie n'était qu'à quelques mètres de là et il ne pouvait pas prendre le risque de lui envoyer un message auquel l'actionnaire ne prendrait peut être même pas la peine de répondre. Face à lui, Archie ne pourrait ni se défiler ni lui mentir sans que James ne voit pas clair dans son jeu. C'était le principal avantage et le principal inconvénient au fait de le connaître depuis quinze ans. James n'eut ainsi qu'un couloir à traverser pour surprendre Archie en pleine conversation avec une employée et James saisit l'occasion au vol pour s'approcher. « Archie. J'ai besoin que tu me rejoignes dans mon bureau dans cinq minutes. » Il souffla sans même prendre la peine de chuchoter, songeant qu'il rendrait cette invitation bien plus suspecte s'il en faisait tout un mystère que s'il s'adressait simplement à lui comme à l'actionnaire de Weatherton. Aux yeux des autres il aurait l'air de le convier à parler affaires dans son bureau, et c'était très exactement l'impression qu'il voulait donner pour éviter de faire germer toutes sortes de questions dans l'esprit curieux de leurs collaborateurs. Remontant le couloir en sens inverse, James retrouva ses quartiers où il attendit patiemment d'être rejoint par Archie, non sans qu'une pointe d'appréhension nouvelle ne lui serre le ventre. Il ne manquerait plus qu'il se fasse désirer.
Les pas si reconnaissables de l'actionnaire résonnèrent pourtant de l'autre coté de la porte que James avait veillé à laisser entre-ouverte, et c'est le regard du créateur qui bientôt se releva vers la silhouette du brun. Il était venu, et bien qu'il en soit soulagé James savait aussi qu'il n'était plus question de repousser cette discussion. « Entre et ferme la porte derrière toi. » Que ce qu'il avait à lui dire sorte ou non du cadre professionnel, l'intimité des rencontres qui se tenaient entre ces quatre murs était un principe auquel James ne dérogeait jamais. C'était d'autant plus vrai ici qu'Archie et lui ne discuteraient pas des retombées financières de Weatherton, ils sauraient trouver bien d'autres moments pour ça. « Je sais que tu sais pourquoi je t'ai fait venir. » Il le savait parce qu'en dépit de tous ses efforts pour rester parfaitement imperturbable et professionnel, il y en avait toujours un devant qui James ne pouvait jamais faire autrement que se trahir, quoi qu'il fasse. Archie avait sans doute perçu ses intentions à la seconde où il l'avait convié à le rejoindre dans son bureau, ce qui lui ferait presque se demander pourquoi il n'avait pas saisi la première occasion pour éviter cette rencontre. Peu importe, l'essentiel était qu'il était venu. Il aviserait pour le reste ensuite. « Et comme je crois qu'on a dépassé ce stade, je ne vais pas tourner autour du pot. » Ce serait suffisamment difficile de poser des mots sur les innombrables questions qu'avaient soulevé leur rapprochement de ces dernières semaines. User de grandes formules et mettre les formes ne les avancerait à rien, alors il aimait autant lui poser une bonne fois pour toutes la question qui lui brûlait les lèvres. « Où on en est, tous les deux ? » Son regard accrocha le sien et James se défit subitement de toute la rigueur qui le caractérisait habituellement. Ici il ne s'adressait pas à l'actionnaire, mais bien à l'homme dont les mains avaient effleuré sa peau quelques semaines plus tôt et dont la seule présence dans cette pièce rendait particulièrement difficile d'être de ce coté-ci du bureau quand une part de lui, encore honteuse, rêverait de faire meilleur usage de cette intimité. Pourtant James restait à sa place comme si elle seule pouvait encore le protéger de ses désirs, s'exposant déjà suffisamment en prononçant ces mots. Il comptait parler, juste parler. « Ce que tu m'as écrit l'autre soir dans ton message... » Lorsqu'il était à Paris et qu'il n'avait rien trouvé de mieux à faire que de correspondre avec celui qu'il aurait pourtant du s'efforcer d'oublier. « Quand tu as laissé entendre que je te manquais. » Bien sûr qu'il avait gardé sa formulation en tête, il n'était pas encore assez saoulé au champagne pour avoir oublié. « Tu le pensais ? » Ou est-ce qu'il allait s'empresser de dire que ça ne signifiait rien ? S'il le pensait, alors ils se retrouveraient face au plus grand dilemme que leur relation ait jusqu'ici connu : continuer de se voiler la face sur ce qu'ils s'inspiraient l'un à l'autre, ou mettre leur fierté de coté et essayer de discuter en toute transparence. James n'était pas encore certain d'être prêt à prendre ce risque, il devait d'abord s'assurer que le jeu en valait la chandelle.
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| | | | (#)Sam 13 Nov 2021 - 6:09 | |
| everytime you leave make me wanting you more. « Oh, moi ? Pas grand-chose. J’ai bossé, je me suis servi une coupe de vin et c’était déjà l’heure d’aller me coucher. » Archie haussait les épaules sans vraiment savoir quoi ajouter. En ce moment, il ne menait pas la vie la plus palpitante. Il ne sortait plus autant dans les bars parce qu’il avait regretté la dernière fois. Sa gueule de bois en compagnie d’une quasi inconnue lui avait rappelé qu’il n’était plus si jeune et que son corps ne se remettait pas aussi rapidement des nuits d’abus. « Et toi, alors ? Qu’est-ce que tu as fait hier soir ? » Il demandait finalement en retour à la couturière qui s’était arrêtée à son bureau pour prendre de ses nouvelles. Étrange de sa part. Mais l’actionnaire se doutait bien que le bureau entier savait qu’il était célibataire et, surtout, riche. Ce n’est pas inhabituel pour lui de recevoir les jolis sourires, les cils battants et les compliments. « Je suis sortie avec des amies. Je suis rentrée vers vingt-deux heures alors j’ai regardé un épisode de Orange is the New Black. Tu regardes ? » Lèvres pincées, le garçon secoue la tête. Sa culture cinématographique n’est pas à jour. Il n’a même pas d’abonnement à Netflix parce que sa télévision ne fait qu’amasser la poussière. « Non, désolé. Je ne suis pas trop branché série. » Il admet en ricanant, légèrement embêté par la présence un peu trop forcée de l’employée. Après tout, s’il est venu à Weatherton aujourd’hui, c’est pour travailler – et pour espionner quelqu’un d’autre.
« Archie. J'ai besoin que tu me rejoignes dans mon bureau dans cinq minutes. » Il tend le cou vers la porte de son bureau qui est grande ouverte. La jeune femme disparait immédiatement de son champ de vision, comme si elle n’avait jamais existé. « Oui, pas de problème. J’arrive. » Il répond à James d’une voix professionnelle. La couturière comprend que c’est le temps pour elle de disparaître et de se remettre au travail. Archie, quant à lui, serre soigneusement le nœud de sa cravate et se relève en repassant les plis sur ses pantalons avec ses mains. Il jette un dernier coup d’œil à son ordinateur portable avant de rabattre l’écran. Quand il sort de son bureau, il ferme à clef derrière lui.
Le couloir est plus long que dans ses souvenirs. Il passe devant plusieurs locaux tous utilisés, il salue d’un signe de la tête toutes les filles qu’il croise, toujours vêtu de son sourire le plus charmant, mais il déglutit difficilement en voyant la porte entrouverte du bureau de James. Avec un peu de chance, il veut lui parler du budget pour la prochaine collection, ou de celui pour la campagne sur les réseaux sociaux, ou il veut lui faire parvenir les graphismes des profits réalisés depuis la Fashion Week, précieux papiers auxquels il n’a pas encore eu accès – et auxquels il ne devrait simplement pas avoir accès puisqu’il est un actionnaire, pas un comptable (même s’il connait tout autant ce second métier). Avec un peu de chance, James fera comme si rien ne s’était passé, comme d’habitude. Et leur petit jeu continuera sans que jamais les problèmes ne viennent même si, et il en est conscient, il joue avec le feu depuis le moment où il a laissé James l’approcher dans sa salle de sport. Il a peut-être l’impression que tout ira en sa faveur, comme d’habitude. Il sait se sortir de toutes les situations hasardeuses, c’est pour cette raison que son nom est si grand aujourd’hui. « Entre et ferme la porte derrière toi. » Le dos bien droit, Archie acquiesce et pénètre dans la salle. Il ferme le battant et louche une seconde de trop sur le verrou dont James lui avait parlé quand ils correspondaient à des milliers de kilomètres. Il n’est cependant pas assez fou pour verrouiller à clef. « Je sais que tu sais pourquoi je t'ai fait venir. » Il sait maintenant qu’il tente de lui faire deviner. Il ne va pas sortir des montagnes de chiffres. Mais Archie préfère jouer les innocents et hausser un sourcil. Il pose ses deux mains sur le dossier du fauteuil réservé aux invités et interroge le styliste du regard. « Je n’aime pas les énigmes. » Et, immédiatement, ses ongles se plantent dans le rembourrage du fauteuil. « Et comme je crois qu'on a dépassé ce stade, je ne vais pas tourner autour du pot. » Un ricanement silencieux secoue sa poitrine. Ses yeux partent à l’exploration de tous les recoins du bureau. Il observe les crayons entassés dans un petit socle, il analyse la lampe LED qui est restée éteinte, il tente de deviner ce qui se cache derrière la paperasse retournée. Des esquisses, peut-être, ou des notes que James a prises pour ne pas oublier certaines choses importantes, comme de prendre rendez-vous chez le coiffeur. « Où on en est, tous les deux ? » Il redresse ses yeux pour les planter dans ceux de James afin de ne pas ressembler au fautif. « J’en sais rien. Qu’est-ce que tu veux dire ? » Non, il ne parlera pas de relation, de futur, d’amourettes. Ce qu’il a fait avec le garçon quelques semaines plus tôt, il ne le refera plus jamais (il arrive presque à se convaincre lui-même). Pourtant, il s’humecte les lèvres d’embarras lorsqu’il se fait rappeler les messages qu’ils se sont envoyés. En effet. Il lui avait dit, à sa façon, qu’il lui manquait. Il valait mieux trouver une excuse pour camoufler son erreur – parce que c’en était une aux yeux de celui qui ne peut pas supporter d’être tombé amoureux d’un homme qui pourrait le ruiner. « L’alcool nous fait dire certains trucs et nous fait faire certaines choses. Tu en es déjà conscient. » Il commence en prenant la discussion à la légère et accompagnant ses paroles d’un rire subtil et détaché. Comme si rien au monde n’importait. « Écoute. Je ne veux pas en parler. Comme je t’ai dit, j’avais bu. » Il n’avait pas bu. « Je ne veux pas que tu crois que je suis… intéressé par… par… » Par quoi serait-il intéressé ? Par l’idée de repasser la soirée avec lui ? Par l’officialisation de leur relation ? Par lui, tout simplement ? « Ce ne sont que des expériences. Je tente des trucs avant d’être trop vieux pour le faire. » Il ment presque bien. « Ne commence pas à t’imaginer que je suis comme toi. » Il soulève enfin, la voix à nouveau sérieuse, comme si sa vie était en danger.
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| | | | (#)Lun 22 Nov 2021 - 1:08 | |
| everytime you leave make me wanting you more. Archie n'avait pas fait de difficultés au moment où James l'avait convoqué dans son bureau en cachant son besoin d'avoir une conversation avec lui derrière un voile formel. S'il n'avait pas encore reculé, James savait que c'était loin d'être gagné d'avance et que la seule personne encore moins à l'aise que lui à l'idée de parler de ce qui s'était passé l'autre soir n'était autre qu'Archie lui-même. Ils formaient une sacrée paire d'handicapés sentimentaux, tous les deux, et James était bien incapable de savoir si le silence d'Archie de ces derniers jours tendait à prouver que tout ça ne signifiait finalement rien à ses yeux. Peut être, et derrière cette invitation à parler c'était probablement ce que le créateur espérait découvrir. Lorsque le brun passa finalement la porte et la referma derrière lui, James laissa son regard le détailler l'espace d'un instant. Il se tenait droit, immobile, et ne paraissait pas particulièrement nerveux. S'il s'attendait sans doute à ce que James ferme les yeux sur leur rapprochement de l'autre soir et enchaîne sur une de leurs réunions de travail habituelles, c'est parce qu'ils n'avaient jamais été très doués pour parler d'autre chose. C'était encore derrière leurs costumes ajustés qu'ils se sentaient les plus imprenables, quand bien même ce n'était plus maintenant l'unique accoutrement dans lequel Archie pourrait se vanter de l'avoir vu. Non pas qu'il tienne spécifiquement à y repenser dans un moment pareil, n'étant pas certain qu'il saurait donner le change aussi bien qu'à son habitude. « Je n’aime pas les énigmes. » Relevant son menton vers lui, James ne prit pas la peine de retenir le soupire qui filtra d'entre ses lèvres. Bien sûr qu'il faisait l'innocent, parce que c'était beaucoup plus facile de faire comme s'ils pouvaient encore simplement se tenir dans le même bureau sans que ça ne soulève certaines questions. Lui aussi aurait très bien pu faire comme si cette soirée ne représentait rien et balayer la question du revers de la main comme il en avait l'habitude. Mais Archie n'était pas un type qu'il avait rencontré dans un bar et ramené chez lui sans aucune certitude de le revoir un jour. Ils travaillaient ensemble, ils se croisaient quotidiennement entre l'atelier et leurs bureaux respectifs et ne pouvaient pas s'ignorer sans que Weatherton soit la première à en pâtir, ce qui était inenvisageable. Ils avaient mélangé ce qui n'aurait jamais du l'être et il était hors de question qu'il le laisse se voiler la face comme s'il n'avait jamais eu aucun rôle à jouer dans tout ça. « On n'est pas entrain de jouer. » Non, parce qu'il y avait bien plus en jeu que son amour-propre de toute façon déjà piétiné le jour où il l'avait laissé s'approcher Archie une nouvelle fois après qu'il lui ait pourtant déjà spécifié ne rien vouloir avoir à faire avec lui. Si James était fier pour certaines choses, il avait semble-t-il toujours eu un penchant pour les histoires qui n'avaient rien d'heureuses et pour les hommes qui prenaient tout ce qu'ils voulaient prendre avant de passer leur chemin. Pourquoi tenait-il alors tellement à avoir cette conversation ? Sans doute pour avoir au moins une chance d'apercevoir le mur avant de se le prendre en pleine face, cette fois-ci. « J’en sais rien. Qu’est-ce que tu veux dire ? » Ses yeux clairs le fixaient avec une dureté différente de celle qu'on y voyait briller d'habitude. « C'est pas de boulot dont je suis entrain de te parler, si c'est ce que tu veux savoir. » Mais il savait, bien sûr qu'il savait. Il l'avait probablement su dès l'instant où il avait remonté le couloir pour rejoindre son bureau. Pourtant il jouait au plus idiot et attendait de James qu'il s'avance sur un terrain qui n'avait pourtant rien de familier et encore moins de rassurant. Sa vie privée était bien le dernier sujet sur lequel il prenait le temps de s'étendre, plus encore sur son lieu de travail et face à celui devant qui il avait laissé tomber des barrières qu'il n'avait plus abattu pour personne depuis plusieurs années. De toutes les situations inconfortables dans lesquelles il avait déjà pu se retrouver, celle-ci était la pire. « L’alcool nous fait dire certains trucs et nous fait faire certaines choses. Tu en es déjà conscient. » Cette fois James pensait sans doute obtenir une réponse plus convaincante en invoquant les sms qu'ils avaient échangé durant son séjour à Paris, mais c'était sans compter sur la capacité d'Archie à ignorer l'éléphant qui trônait pourtant au milieu de la pièce. « On a été au lycée ensemble, je sais très bien comment tu es quand tu as bu. » En l'occurrence, plus stupide qu'à n'importe quel autre moment et assurément dépourvu de toute dignité. Oui, Archie n'était jamais bien vaillant lorsqu'il avait trop bu et il aurait été bien incapable de lui envoyer ces sms dans un tel état. Ou il l'aurait fait et la conversation aurait été bien plus grotesque. « T'aurais jamais pris le risque de te saouler avant de me contacter, ça aussi je le sais. » Parce qu'ils marchaient déjà sur des œufs tous les deux depuis des mois, qu'un rien suffisait toujours à créer un malaise, même le plus petit regard ou le moindre échange qui déviait rien qu'un peu du boulot. Ils s'étaient embrassés, Archie l'avait ramassé sur le trottoir après son agression et même ce dîner avec la famille de l'actionnaire était venu en rajouter une couche. Au fond c'était un miracle si Archie n'avait pas encore donné sa démission. Par chance il était beaucoup trop fier pour ça. « Écoute. Je ne veux pas en parler. Comme je t’ai dit, j’avais bu. » Non, ça James savait bien que c'était faux. « Arrête. On sait tous les deux que l'alcool avait rien à voir dans ce que tu m'as écrit pendant mon voyage en Europe ni dans ce qui s'est passé chez moi. » Chez lui, l'autre soir, lorsqu'ils n'avaient cette fois pas simplement partagé un baiser. Archie aurait vite fait d'évoquer le vin, là encore, mais ils savaient tous les deux qu'ils s'en étaient désintéressés dès l'instant où Archie s'était improvisé infirmier auprès d'un James diminué après son hospitalisation. La suite, ils la connaissaient l'un comme l'autre.
Mais Archie, lui, semblait tout particulièrement vouloir l'occulter. Sans être une surprise, ça n'en était pas moins suffisant pour heurter James dans son ego une nouvelle fois – il était peut être démesurément trop gros, oui. « Je ne veux pas que tu crois que je suis… intéressé par… par… » « Par moi ? » Son regard se planta dans le sien sans plus lui laisser aucune chance de s'en dérober. Il n'était pas entrain d'essayer de lui faire avouer ce qu'Archie ne consentirait de toute façon jamais à admettre, tout du moins en étant sobre, tout ce qu'il voulait c'était savoir ce qu'ils étaient censés faire maintenant que leur relation était plus que largement sortie du cadre professionnel. Et si tout ça en valait seulement la peine, ou si chaque fois que les lèvres d'Archie rencontraient les siennes devait forcément impliquer qu'il redevienne distant dès la seconde suivante. James aimait jouer, mais ce jeu-là ne l'amuserait pas éternellement. « Ce ne sont que des expériences. Je tente des trucs avant d’être trop vieux pour le faire. » Le blond eut cette fois un rire incontrôlable. Faux, et mauvais. Au fond, comment avait-il seulement pu croire que la conversation ne tournerait pas au sketch, cette fois encore ? Communiquer n'avait jamais été leur fort, alors il devrait probablement lui sauter dessus et remettre ce genre de problématiques à plus tard. Seulement James ne foncerait pas tête baissée une troisième fois, son amour-propre pourrait ne pas supporter un nouveau rejet. « Ne commence pas à t’imaginer que je suis comme toi. » Fidèle à lui-même, Archie se cherchait des excuses pour ne pas avoir à affronter la réalité. Parce qu'il avait honte, ou peur. Comme un enfant qui tenterait désespérément de faire oublier sa bêtise et de se convaincre qu'il pouvait s'assagir. Pourtant James était là, lorsqu'il avait brisé toute distance entre leurs deux corps pour poser ses mains à même sa peau. Il avait senti ses lèvres puis chacun des gestes qui avaient suivi. Il était là, et il savait encore reconnaître un homme alcoolisé d'un homme qui avait simplement envie que ça se passe. « Je t'avais juste demandé de refaire mon bandage. » James posa d'une voix calme et dénuée d'émotion. Il resituait simplement les faits, rappelant ainsi à Archie qu'il avait délibérément décidé de faire prendre à cet échange une tournure bien différente et contre laquelle James n'avait à aucun moment choisi d'interférer. Parce qu'il s'en était trouvé incapable, dès lors que le souffle et les doigts de l'actionnaire se promenaient partout sur sa peau. Parce qu'il voulait le sentir autant qu'il voulait sans doute se prouver qu'il pouvait lui plaire, même dans l'état qui était le sien ce jour-là. Même en étant qui il était, tout ce qu'Archie avait toujours méprisé. « Qu'est-ce que ça représentait au juste comme expérience, de poser tes lèvres dans mon cou et de promener tes mains sur moi ? » A nouveau, il se contentait d'énoncer les faits. Mais c'est vrai, il espérait aussi le faire réagir, l'indisposer au point qu'Archie perde toute contenance et s'emporte, même, si ça pouvait le faire sortir de sa léthargie. James ne supportait pas de voir cet homme lâche debout en face de lui : il voulait une réaction, n'importe laquelle, pourvu qu'il puisse le regarder droit dans les yeux et assumer sa part de responsabilité. Quitte à l'envoyer paître une bonne fois pour toutes, au moins James saurait à quoi s'en tenir. « Tu voulais pouvoir reprendre ta petite vie d'hétéro sans mourir idiot ? Pouvoir raconter cette anecdote à la femme qui te mettra le grappin dessus un jour ? » L'une de celles à qui il adressait toujours ses sourires charmeurs et qui n'attendaient qu'un « oui » de sa part pour lui tomber dans les bras. Non, bien sûr, il en ferait son vilain petit secret parce que c'était tout ce que les hommes comme James pouvaient espérer être aux yeux des hommes comme Archie. « Ce baiser chez toi, c'était aussi une expérience ? » Puisqu'il ne voulait pas se rappeler, autant lui rafraîchir pour de bon la mémoire. Quitte à tirer les choses au clair, James ne comptait pas prendre de gants.
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| | | | (#)Mer 15 Déc 2021 - 3:37 | |
| everytime you leave make me wanting you more. Archie aimait chasser mais ne savait plus quoi faire de sa proie une fois qu’il avait mis les pattes dessus. Il était un chat qui joue avec une petite souris, qui la mordille un peu, l’écrase un peu aussi, mais n’ose jamais la gober complètement. Il la fait rouler, la traîne, elle lui supplie d’arrêter à coup de petits cris aigus mais il n’entend rien parce qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il fait. C’est son instinct qui le pousse à agir ainsi.
C’est son instinct qui l’empêche d’accepter les sentiments qu’il éprouve envers l’homme assis devant lui. James l’effraie parce qu’il n’est pas bête ; il connait Archie plus que quiconque, plus que ses sœurs, plus que ses parents, plus que tous les amis qui ont disparu de sa vie du jour au lendemain parce qu’il avait trop changé. James pourrait le ruiner, il pourrait se ruiner en acceptant de mettre de côté ses valeurs pourries et son égo bien trop gros pour sa petite tête, son petit corps, la minuscule place qu’il possède dans cet univers qui se fiche de lui et son orientation sexuelle. Est-ce que les étoiles le regardent quand elles ne sont pas occupées à brûler ?
« On n'est pas entrain de jouer. » Il jouait pourtant avec sa petite souris. Ses couinements se faisaient de plus en plus forts et de plus en plus nombreux, d’ailleurs. Il a la tête d’un gamin innocent, Archie, quand James le couvre d’un regard ennuyé et quand un soupir de fatigue s’échappe de ses lèvres. C’est comme s’il avait brisé un truc important dans le bureau et que, maintenant, le patron le punissait et se demandait où diantre étaient les parents du petit turbulent. « C'est pas de boulot dont je suis entrain de te parler, si c'est ce que tu veux savoir. » Ça, il s’en doutait. Depuis cette soirée-là, la seule et unique, celle à laquelle les deux garçons pensent en ce moment, il n’arrive pas à effacer ces images derrière ses paupières closes. Pas une fois il n’a frôlé son propre corps avec ses doigts sans se rappeler la chaleur de celui de James. Pas une fois il avait jouit sans imaginer les gémissements du blond à la place des siens ; il est la malédiction qu’il traîne derrière lui, le fardeau, mais aussi le cadeau – il ne savait plus réellement distinguer l’un de l’autre. « Je m’en doute. » Il ne pouvait plus faire marche arrière, alors. Il n’avait pas fermé la porte à clef, mais c’était tout comme. Ses pieds étaient collés au sol comme si ses semelles avaient fondu, ou alors James était son pôle positif. Il se mit à contempler le grand espace – James avait réellement pris le meilleur bureau, et avec raison – mais il ne cessa jamais de lorgner l’homme au centre de la pièce. Il attendait peut-être le feu vert pour fuir en courant même si, au fond de son cœur, il appréciait sa présence et leur complicité d’adversaires d’antan. Peu de gens arrivaient à lui tenir tête.
Mais loin de lui l’envie de parler de sentiments, de fleurs, de la couleur rose et d’amour. Il prétendit que l’alcool avait été maître de ses mains quand il l’avait contacté un soir, quand James dormait entre la tour Eiffel et l’arche de triomphe. « On a été au lycée ensemble, je sais très bien comment tu es quand tu as bu. » Il ne put contenir un ricanement : le genre de ricanement que pousse un gamin fier de son coup. Certes, il était plutôt spécial quand la boisson lui remontait à la tête. Sa nature fougueuse et impétueuse reprenait ses droits et il prenait tous les défis qui se présentaient à lui. « Je me rends compte que je ne t’ai jamais vu bourré à cet âge. » Sa nouvelle stratégie : changer de sujet. Mais James Weatherton connaissait toutes les stratégies d’Archie Kwanteen. Il arrivait toujours à filtrer les futilités pour concentrer tous ses efforts sur l’important. Alors l’actionnaire ne s’en tira pas aussi facilement. « T'aurais jamais pris le risque de te saouler avant de me contacter, ça aussi je le sais. » Il leva les yeux au ciel, pas parce qu’il est embêté, mais plutôt parce qu’il en a marre de constater encore et encore que James le connait comme le fond de sa poche. Il préfère être un étranger. Le mystérieux millionnaire qui ne rappelle personne mais qui réapparait comme un ange à toutes les soirées. « Je change, tu changes, nous changeons tous. Nous sommes des petites fleurs qui grandissent. » Dernière stratégie : l’humour détraqué. Le résultat est toujours aussi décevant. « Arrête. On sait tous les deux que l'alcool avait rien à voir dans ce que tu m'as écrit pendant mon voyage en Europe ni dans ce qui s'est passé chez moi. » Il se tut, cette fois. Il prit appuie sur le dossier du siège devant lui. « D’accord. Tu gagnes. J’étais à jeun. Oui. Voilà, je l'ai dit. Félicitations. Si tu pouvais maintenant éviter de me rappeler les conneries que je fais, tu serais gentil. » Il aurait voulu que son ton soit plus autoritaire mais il ne se rendit compte seulement trop tard qu’il avait sonné comme un chiot fautif.
Il la craignait, la suite. Il y pensait à chaque fois qu’il croisait James. Il savait que les petits jeux ne s’éterniseraient pas. La discussion fatidique aurait lieu un jour ou l’autre, et, ce jour, c’était aujourd’hui. Aussitôt, il se mit sur la défensive et trouva des excuses pour expliquer le manque de contenance dont il avait fait preuve à plusieurs reprises.
Des expériences. Ce n’était que des expériences.
« Je t'avais juste demandé de refaire mon bandage. » Et il s’était senti fautif en le voyant aussi amoché. Il l’avait peut-être fait pour se faire pardonner, indirectement. Un bien pour camoufler un mal. « Qu'est-ce que ça représentait au juste comme expérience, de poser tes lèvres dans mon cou et de promener tes mains sur moi ? » Son premier réflexe, inné, fut de regarder autour d’eux afin de s’assurer que personne ne pouvait les entendre, les voir. Ils étaient évidemment en sécurité dans ce bureau – mais Archie avait les poils dressés et la queue entre les jambes. Il imagina la tête que ferait son père s’il entendait ces mots. Son fils avait touché à un garçon. Son fils avait posé ses lèvres dans le cou d’un homme, et avait promené ses mains sur son corps nu. Un frisson le parcourut et il se massa les tempes. « Arrête. » « Tu voulais pouvoir reprendre ta petite vie d'hétéro sans mourir idiot ? Pouvoir raconter cette anecdote à la femme qui te mettra le grappin dessus un jour ? » Un sourire nerveux étira ses lèvres. Il se caressa la barbe, le regard fuyant. Il détestait James de dire la vérité. Archie était ridicule dans cette histoire, et le seul fautif. « Ce baiser chez toi, c'était aussi une expérience ? » « Bon, d’accord ! » Il interrompit vivement en soulevant la main. Il fit les cent pas dans le bureau en se grattant l’arrière du crâne et en ne cessant de renouer sa ceinture à sa gorge. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? » Il demanda, plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Il se pinça les lèvres en se rappelant le lieu public dans lequel ils se trouvaient tous les deux puis il approcha du bureau de James pour y appuyer ses deux mains grandes ouvertes. « Tu veux que je te fasse mon coming out ? Tu veux pouvoir le crier sur tous les toits, dire à tout le monde qu’Archie aime aussi les mecs… » Il s’étrangla. « Un mec. » Il secoua vivement la tête, envoyant valser ses cheveux comme un plumeau. Et il se mit à rire nerveusement, encore une fois, avant d’écraser son fessier sur la chaise. Il s’y écrasa nonchalamment en regardant James d’un air complètement perdu. Perdu et en colère. Contre lui-même. « J’ai peur, d’accord ? J’ai peur de ce que les gens diront, j’ai peur de recevoir des coups, j’ai peur de tomber. C’est ça que tu voulais entendre, pas vrai ? Tu veux avoir une bonne raison de prouver au monde qu’Archie n’est pas aussi parfait qu’il ne laisse prétendre ? » Et il ajouta finalement : « Comme ça, tu pourras enfin dire que tu as gagné, pour une fois. » Comme si la compétition résidait toujours entre eux alors qu’ils faisaient équipe depuis un an déjà.
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| | | | (#)Lun 3 Jan 2022 - 22:24 | |
| everytime you leave make me wanting you more. « Je me rends compte que je ne t’ai jamais vu bourré à cet âge. » Il brodait, Archie, essayant de détourner la conversation et d'alléger une atmosphère rendue irrespirable par leur seule présence à tous les deux dans ce bureau. Aucun n'aurait cillé s'ils avaient du parler affaires comme ils en avaient l'habitude et enterrer plus longtemps les nombreuses questions soulevées par leur rapprochement, mais aujourd'hui il n'était plus question de fuir. Plus question de planquer les miettes sous le tapis pour se convaincre que tout était parfaitement en ordre. Parce qu'ils n'étaient pas seulement deux hommes attirés l'un par l'autre, mais deux collaborateurs qui chacun à leur manière tenaient cette entreprise à bout de bras. A la réflexion, se rapprocher de l'actionnaire de Weatherton était sans doute l'idée la plus stupide et anti-professionnelle que James aurait pu avoir. Étrange qu'il n'y ait pas songé avant de goûter à ses lèvres. « Je change, tu changes, nous changeons tous. Nous sommes des petites fleurs qui grandissent. » Ses élans poétiques seraient presque divertissants s'ils ne leur faisaient pas perdre un temps précieux, à eux qui avaient déjà tout le mal du monde à mettre de fichus mots sur ce qu'ils ressentaient. N'importe quel autre individu aurait livré ce qu'il avait sur le cœur sans en faire une montagne, mais pour deux hommes comme ceux cela revenait à se faire tatouer faiblesse en plein milieu du font. « Parce que tu crois vraiment être différent du Archie d'il y a quinze ans ? » Son regard soutint le sien plusieurs secondes, ses doigts malmenant le coin de son bureau tandis qu'il cherchait désespérément une bonne raison de ne pas saisir la première échappatoire venue pour filer droit à son atelier et plonger corps et âme dans le boulot. Il pourrait feindre un coup de téléphone, ou n'importe quelle urgence. Il pourrait même convaincre une de ses couturières de débarquer dans son bureau en prétextant avoir besoin de lui. Il pourrait faire tout ça, mais il était hors de question qu'il soit le plus lâche des deux. Son besoin de réponses était aussi grand que l'était son ego, et c'était bien là tout le problème. La façon qu'avait toujours eu Archie de souffler le chaud et le froid l'amusait il y a encore quelques mois, mais aujourd'hui le créateur s'en trouvait blessé dans son orgueil. Parce qu'il s'était juré de ne plus jamais se placer dans une position qui lui vaudrait de souffrir, tôt ou tard, en étant de nouveau laissé sur le bas coté. Il avait donné un pouvoir insoupçonné à Archie lorsqu'il l'avait laissé fendre sa carapace et aujourd'hui l'actionnaire connaissait certaines de ses faiblesses. S'ils avaient été dans un thriller, il ne l'aurait probablement pas laissé ressortir de ce bureau vivant.
« D’accord. Tu gagnes. J’étais à jeun. Oui. Voilà, je l'ai dit. Félicitations. Si tu pouvais maintenant éviter de me rappeler les conneries que je fais, tu serais gentil. » James pensait qu'il serait soulagé de l'entendre admettre qu'il n'avait pas une seule goutte d'alcool dans le sang lorsqu'il lui avait envoyé ces messages, au lieu de ça cet aveu ne soulevait que plus de questions encore. Archie éprouvait des regrets lorsqu'il avait bu. Il en éprouvait aussi lorsqu'il était sobre. Est-ce tout ce qu'il serait toujours à ses yeux, une source de regrets ? « J'ai pas l'intention d'avoir deux fois cette conversation, si ça peut te rassurer. » Tout ça serait suffisamment compliqué pour qu'ils ne se l'imposent pas une deuxième fois. Aucun d'eux n'était particulièrement habile dès qu'il était question de se livrer pleinement et sincèrement, il y avait fort à parier pour que l'un claque la porte au nez de l'autre et celui-ci pourrait alors s'avérer heureux s'il n'y perdait pas quelques doigts au passage. Ce n'était pas dans cette direction que James aspirait à mener cet échange, mais rien ne se passait jamais comme il l'avait prévu entre Archie et lui. Aucun d'eux n'aurait pu parier qu'ils auraient cette conversation un an en arrière, lorsqu'ils se regardaient en chiens de faïence d'un bout à l'autre de l'atelier. Et James ne savait même plus si cette époque lui manquait ou s'il se réjouissait de pouvoir se tenir près de lui sans plus risquer aussi facilement une remarque de sa part. Tout oscillait toujours entre un extrême et l'autre, entre eux, depuis le départ.
Le provoquer, le pousser dans ses retranchements jusqu'à ce qu'Archie se sente assez acculé pour mordre, voilà la meilleure de ses options face au mur imprenable que représentait le brun. James le connaissait assez pour savoir comment lui tirer une réaction et son manque de diplomatie n'avait plus qu'à faire le reste. Il se fichait bien de mettre les pieds dans le plat, Archie était justement l'un des seuls avec qui il pouvait se permettre de parler aussi franchement. D'en montrer autant, aussi. Ils n'avaient pas traversé autant de turbulences tous les deux pour rougir aujourd'hui de poser des mots sur ce qu'ils étaient, peut être, l'un pour l'autre. James avait toujours été un homme tranché, supportant les approximations encore moins que tout le reste. Il préférerait qu'Archie lui envoie son poing dans la figure parce qu'il aurait posé la question de trop plutôt que de le voir ressortir avec un goût d'inachevé. Encore. « Arrête. » Non, il n'arrêterait pas avant d'avoir crevé l’abcès qui leur valait depuis plusieurs semaines de s'ignorer la moitié du temps. Qu'ils aient été suffisamment idiots pour mélanger travail et vie privée était déjà suffisamment absurde, il était hors de question que Weatherton en pâtisse à cause d'eux. « Bon, d’accord ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? » Son regard clair retrouva celui d'Archie, silencieux, tandis qu'il renonça à intervenir. Pour l'instant. « Tu veux que je te fasse mon coming out ? Tu veux pouvoir le crier sur tous les toits, dire à tout le monde qu’Archie aime aussi les mecs… » Sous ses yeux, Archie montrait une détresse et un trouble peu habituels, similaires à ce qu'il avait laissé entrevoir chez lui, quelques mois plus tôt, quand ils effleuraient des sujets plus douloureux pour l'un comme pour l'autre. « Un mec. » Le voilà, le terme qu'une partie de lui appréhendait d'entendre, comme si les choses auraient été plus simples s'il s'était contenté de nourrir une attraction à sens unique pendant qu'Archie, lui, retournait à sa petite vie rangée. Il se serait fait une raison, un jour, et Archie se serait tôt ou tard dégoté une fiancée bien comme il faut. Est-ce que ça pouvait encore arriver ? Probablement, mais James préférait ne pas y penser davantage. Il y avait suffisamment de personnes qu'il rêvait déjà de voir six pieds sous terre pour ne pas en rajouter une autre. « J’ai peur, d’accord ? J’ai peur de ce que les gens diront, j’ai peur de recevoir des coups, j’ai peur de tomber. C’est ça que tu voulais entendre, pas vrai ? Tu veux avoir une bonne raison de prouver au monde qu’Archie n’est pas aussi parfait qu’il ne laisse prétendre ? Comme ça, tu pourras enfin dire que tu as gagné, pour une fois. » Il n'y a encore pas si longtemps, c'était la seule chose qu'il aurait probablement convoité. Une victoire contre lui, pour triompher de celui qu'il avait toujours maudit autant qu'il le désirait aujourd'hui à ses cotés. Mais tout avait changé et même une victoire serait dénuée de saveur si ses sentiments pour lui valaient de toute façon à James de perdre sur toute la ligne, tôt ou tard, faute d'avoir su éviter le mur avant de se le prendre en pleine face.
« J'ai voulu t'oublier, à Paris. » Il lâcha finalement, sans amorce, sans même chercher à rendre cet aveu moins abrupt qu'il ne l'était. C'était une vérité factuelle, quand bien même elle était aussi terriblement naïve. Il avait voulu l'oublier, mais vouloir et pouvoir étaient deux choses bien différentes et ça James le savait. « Après ce qui s'est passé la dernière fois quand on était chez moi, je savais que tu ferais comme si rien ne s'était passé. Encore. » Comme si ça ne voulait strictement rien dire, comme après leur premier baiser chez l'actionnaire. James n'avait sûrement pas besoin de lui rappeler la manière dont il s'était comporté à son égard après cet épisode, ni avec quel mépris il l'avait traité devant sa famille. Peu importe, il n'était même pas là pour remuer le passé. « J'avais pas envie de recommencer ce petit jeu, de te laisser t'approcher pour te sentir t'éloigner la seconde d'après. Je voulais pas encore t'offrir cette satisfaction-là. Alors j'ai vraiment voulu t'oublier. » Il était parti à Paris avec cette idée bien arrêtée dans un coin de son esprit, pourtant il n'avait fallu qu'une poignée d'heures pour que ses efforts se consument d'eux-mêmes. Il n'avait même pas cherché à faire une rencontre, à se rapprocher de Gaspard après des années à avoir éconduit le français. Ça n'aurait sûrement rien changé, ça n'aurait tout au plus fait que compliquer davantage les choses. Ça ne l'aurait pas guéri de lui, en tout cas, il en était persuadé. « Mais tu m'as envoyé ces foutus messages, et tout à coup j'étais plus sûr de rien. » Plus sûr de ce qu'il voulait ou de ne pas le vouloir, lui. Un instant de faiblesse avait poussé Archie à lui écrire, ce soir-là, et ce même instant de faiblesse avait poussé James à lui répondre puis à s'imaginer que tout pourrait toujours être comme ça. Amusant, excitant, à l'image d'un flirt adolescent un brin idiot et crédule.
Seulement ils n'avaient plus quinze ans, n'étaient pas plus romantiques l'un que l'autre et Archie, lui, préférerait sans doute rentrer dans les ordres que d'assumer ce qu'il lui avait dit à demi-mot. Alors ça ne pouvait pas être amusant ou excitant, parce qu'il s'en voudrait toujours aussitôt d'avoir joué ce jeu-là avec lui. « Je cherche pas à gagner. Je cherche pas à te pousser à assumer une part de toi que t'as jamais montré à personne. Je cherche même pas à être celui qui te fera reconsidérer tous tes choix jusqu'à maintenant. » D'avoir toujours menti aux autres mais de s'être aussi toujours menti à lui-même, principalement. « Tout ce que je me contente de faire, depuis des mois, c'est attendre le moment où tu te rendras compte que tu peux pas continuer à jouer avec le feu sans t'apercevoir un jour que tout ça, ça implique des sacrifices que t'es sûrement pas prêt à faire. » Tout ça, c'était ces moments volés avec lui, ces rapprochements auxquels Archie finissait toujours par céder mais qu'il ne pouvait pas assumer au risque de perdre bien trop de choses. C'est lui qui l'avait dit, après tout. Il avait peur du regard que les autres poseraient sur lui, peur de les décevoir. Eux, ses proches. James, lui, était toujours convaincu que personne n'en avait strictement rien à faire d'avec qui il pouvait bien s'afficher, et qu'il y gagnerait dans le pire des cas l'occasion de faire le ménage dans ses fréquentations. Mais le créateur n'était pas idiot pour autant : dans ce lot de personnes dont Archie semblait craindre la réaction, il y avait certainement ses parents. Son père, surtout. « Alors j'ai une question. » Son regard ne se détacha pas du sien tandis qu'il quitta lentement sa chaise pour contourner le bureau et avancer de quelques pas vers lui. Il s'approcha, prudemment. « Est-ce que je suis censé te laisser faire à nouveau, la prochaine fois que tu voudras te rapprocher de moi ? Ne pas t'en empêcher même si je sais que tu t'en dégoûteras toi-même ? » Ça faisait deux questions, c'est vrai, et il n'était même pas certain de savoir quelles réponses il espérait entendre. Mais puisqu'ils en étaient à un point où ils en oubliaient même de s'envoyer des vacheries à la figure pour cacher leurs sentiments, ils pouvaient bien baisser les armes un peu plus. « Je sais que tu as peur. Parce que montrer celui que tu es au fond de toi, ça te rendrait plus vulnérable que tu l'as jamais été. » Et il était constamment dans le contrôle, Archie. Constamment inébranlable aux yeux de ceux qui l'entouraient. Perdre cette sécurité, il n'y était sans doute pas le moins du monde préparé. Il n'avait même jamais eu à s'y préparer une seule seconde, assuré de toujours être protégé par les murs de sa tour d'ivoire. « Si ces connards m'avaient tué, sur ce trottoir, je serais mort la tête haute. » C'est à cette nuit bien particulière qu'il repensait, tout à coup. Aux coups, aux insultes, au trou noir. « Parce que j'ai pris des coups, dans ma vie. Mais j'ai jamais laissé personne décider à ma place de ce que je pouvais être ou non. » Peu importe à quel point ça lui avait compliqué les choses, il n'avait jamais prétendu être un autre que celui qu'il était. Et il ne s'était jamais excusé pour ça non plus, pas plus qu'il n'en avait déjà eu honte. « On est différents, tous les deux. J'ai toujours puisé ma force dans le fait d'assumer celui que je suis, mais ton pouvoir à toi tu l'as construit sur une illusion. Et ça t'a convaincu que l'un n'allait pas sans l'autre. » Que s'il assumait son attirance pour un homme, c'est tout son monde et tout ce qu'il avait construit qui s'effondrerait comme un château de cartes. Serait-ce le cas ? Peut être. Mais ce n'était pas une vie, en aucun cas. « Qu'est-ce qu'on est censés faire alors ? » Se cacher ? Arrêter ce petit jeu ? La dureté de son regard contrastait avec la douceur déroutante avec laquelle sa main effleura l'épaule d'Archie. Fichu pour fichu.
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| | | | (#)Ven 14 Jan 2022 - 6:22 | |
| everytime you leave make me wanting you more. « Parce que tu crois vraiment être différent du Archie d'il y a quinze ans ? » Il n’en sait rien. Après tout, il ne voit que son reflet quand il passe devant un miroir ou la fenêtre sans tain de sa prodigieuse voiture, parfaite caricature de son statut social. Il vit dans ses propres souliers et n’a pu seulement s’observer tel qu’il est dans les enregistrements vidéo immortalisant ses anniversaires ou les Noëls passés en famille avec grand-maman muffins et grand-papa guerre du Vietnam. James a toujours eu un meilleur aperçu de lui, moins biaisés, les deux pieds sur terre. Archie pouvait seulement se comparer à ses amitiés passées et constater qu’il avait pris en maturité contrairement à ceux qu’il avait emportés dans ses déboires. Certes, il n’avait pas perdu les qualités et les défauts qui faisaient de lui l’homme qu’il est aujourd’hui, mais il s’était débarrassé de quelques parures artificielles au fils des années et surtout de cette vie de patachon qu’il menait sans compter les verres. Il n’avait plus besoin de survivre dans un environnement hostile car il l’avait dompté ainsi que tous ses contempteurs. Devenez le roi de la jungle et vous ne craindrez plus jamais les autres animaux.
Excepté un. Celui qui connait les secrets derrière son succès mais aussi les failles à ses projets. James sait faire la différence entre les paroles d’un Archie à jeun et d’un autre complètement bourré, et l’idée flatte ce dernier, tout comme elle l’insupporte. Ses émotions erratiques se disputent constamment quand il croise le regard du styliste et c’est peut-être la sensation qu’il cherche dans sa vie de plus en plus routinière et morose. Ainsi, il s’amuse à le croiser dans les couloirs et à l’imaginer partager son quotidien. « J'ai pas l'intention d'avoir deux fois cette conversation, si ça peut te rassurer. » L’affirmation a effectivement un pouvoir rassurant qui permet à Archie de souffler un peu. Il sait toutefois que la discussion n’est pas terminée et que James n’a pas l’intention de le laisser fuir sans qu’il n’ait craché ses quatre vérités. Même si la porte n’est pas verrouillée derrière lui, il est mentalement coincé dans la boîte carrée qui constitue le bureau de l’artiste et, si en temps normal il se serait fait un plaisir à estimer les couts des fournitures, de ce bureau en bois exotique, de cette lampe à l’abat-jour filigrané, de ce cadre gommé de feuille d’or, à l’instant il ne peut que contempler la matité de ses chaussures en cuir traité. « Tant mieux. Je n’ai pas l’intention d’accepter la seconde invitation. » Vaut mieux en finir le plus rapidement possible et tourner la page.
Malheureusement pour Archie, les entrailles de la crevasse qui l’engloutit sont plus profondes qu’il ne l’aurait espéré et il se fait coincer dans son propre piège – il le décrit ainsi parce qu’il refuse d’accepter que James puisse avoir l’emprise sur lui. Complètement nu, du moins il en a l’impression, il déverse sur le tapis ses plus intimes secrets, admettant pour la seconde fois à voix haute qu’il n’est pas l’homme qu’il affiche en public depuis toujours. Il n’a jamais cessé de suivre au pied et à la lettre le règlement qu’il s’était mentalement écrit, s’empêchant de laisser ses rêveries s’étendre au-delà de la limite du permis, cherchant les galbes féminins du regard dans les bars et même dans la cour de récréation, comme s’il allait pouvoir se transformer en commençant le plus tôt possible à façonner un nouveau lui. Il déteste soudainement James d’avoir réussi à le faire parler et il le blâme d’avoir cherché à mener une bataille qu’il aura finalement gagnée. Il l’avait dit : il était sorti du placard, du moins, juste la tête, avant d’aussitôt refermer la porte pour ne laisser personne d’autre entrevoir sa sincérité. « J'ai voulu t'oublier, à Paris. » Lui aussi. Ils jouaient tous les deux au même jeu dangereux ; ils se ressemblaient bien plus qu’ils ne l’auraient cru. Deux opposés qui se ressemblent dans leurs divergences. « Après ce qui s'est passé la dernière fois quand on était chez moi, je savais que tu ferais comme si rien ne s'était passé. Encore. » Les lèvres d’Archie se mettent à nouveau à trembler et ses doigts s’enroulent fermement autour des accoudoirs du siège. Les reproches lui parurent aussi tranchantes et préhensibles qu’une lame qu’on lui aurait planté dans la chair. James savait qu’Archie ne serait pas assez fort pour confronter la réalité ; leur réalité. Il se sent encore plus minuscule sur cette chaise qu’il ne sent plus en-dessous de ses fesses, son corps s’étant mis à flotter au-dessus du sol. « Mais tu m'as envoyé ces foutus messages, et tout à coup j'étais plus sûr de rien. » Il la comprend, la leçon. C’était sa faute s’ils avaient cette discussion aujourd’hui et il devait assumer la responsabilité. Il était toujours le premier à tenter le diable en humant le parfum de James ou en frôlant sa silhouette par « mégarde ». « Je n’ai jamais été sûr de rien. » Ils souffrent de la même façon, tous les deux, et c’est sa manière de faire passer le message.
« Je cherche pas à gagner. Je cherche pas à te pousser à assumer une part de toi que t'as jamais montré à personne. Je cherche même pas à être celui qui te fera reconsidérer tous tes choix jusqu'à maintenant. » Il ne cherche peut-être pas à le faire mais il ne lui suffit que de respirer pour qu’Archie remette tous ses choix en questions. La phrase est terriblement clichée et surutilisée mais il est inutile de tourner autour du pot et de chercher des synonymes pour l’enjoliver : James est la faiblesse d’Archie, un point c’est tout. Tous les rois du monde cachent une brèche dans leur armure. « Tout ce que je me contente de faire, depuis des mois, c'est attendre le moment où tu te rendras compte que tu peux pas continuer à jouer avec le feu sans t'apercevoir un jour que tout ça, ça implique des sacrifices que t'es sûrement pas prêt à faire. » Il le sait depuis toujours qu’il n’a pas la force d’accepter qui il est, mais ça fait bien plus mal d’entendre l’autre garçon le dire. Il transforme l’hypothèse en fait. « Alors j'ai une question. » Il relève le nez, incertain de pouvoir l’entendre, cette question. « Est-ce que je suis censé te laisser faire à nouveau, la prochaine fois que tu voudras te rapprocher de moi ? Ne pas t'en empêcher même si je sais que tu t'en dégoûteras toi-même ? » Et incertain de pouvoir y répondre aussi. Hébété, il s’humecte la lèvre inférieure, ouvre la bouche comme le paon bavasseur qu’il est, mais aucun son ne s’échappe de ses cordes vocales paralysées. Il la referme aussitôt en la cachant derrière le revers de sa main. Il se racle la gorge et finit par hausser les épaules en secouant ses mèches, qui sautillent de droite à gauche. S’il connaissait la réponse à ces questions, il ne serait pas confronté aujourd’hui. « Je sais que tu as peur. Parce que montrer celui que tu es au fond de toi, ça te rendrait plus vulnérable que tu l'as jamais été. Si ces connards m'avaient tué, sur ce trottoir, je serais mort la tête haute. » Ses poings se serrent dangereusement et il retient une injure ou un haut-le-cœur, il n’est pas bien certain de pouvoir distinguer l’un de l’autre. S’il y a bien une chose qu’il n’a jamais pu cacher au fond de lui, c’est son instinct protecteur. Ses sœurs y ont passé, James aussi. S’il tape dans un sac de boxe tous les matins, c’est bien pour diffuser la colère dans tout son corps afin de l’empêcher de s’agglutiner dans ses poings. « Parce que j'ai pris des coups, dans ma vie. Mais j'ai jamais laissé personne décider à ma place de ce que je pouvais être ou non. » Il ne l’interrompt pas mais il s’empresse de préciser, comme s’il cherchait à trouver des excuses pour être pitoyable : « Tu as appris à te ficher de l’avis des autres quand tu étais gamin. Tu en as l’habitude. » Les mots sonnent comme un reproche mais il ne s’agit là encore que d’une misérable tentative d’Archie de se dédouaner. Véritable handicapé des relations saines. « On est différents, tous les deux. J'ai toujours puisé ma force dans le fait d'assumer celui que je suis, mais ton pouvoir à toi tu l'as construit sur une illusion. Et ça t'a convaincu que l'un n'allait pas sans l'autre. » Il n’aime pas se faire sonder ainsi. Il n’a jamais contacté un psychologue parce qu’il craignait d’apprendre certaines choses sur lui qui le lui plairaient pas. Il a peur de ne pas être parfait comme l’image qu’il projette. « Je te déteste tellement. » Il marmonne d’un ton épuisé et ironique tout en se passant les mains sur le visage pour étirer ses cernes de fatigues. Il le déteste de lui dire la vérité, de le laisser entrevoir qui il est réellement et non son reflet dans le miroir ou dans la vitre sans tain de sa voiture. « Qu'est-ce qu'on est censés faire alors ? » La main de James se pose d’une façon légère sur son épaule mais le rapprochement ne s’attarde pas. Un lourd frisson le traverse de bas en haut et il se secoue pour se réveiller un peu. Il doit répondre à la question, cette fois, parce qu’ils ne peuvent plus continuer à courir après leur queue, tous les deux. Ils savent bien qu’ils ne l’attraperont jamais. Ils mourront d’épuisement avant d’y arriver. « Je ne sais pas. Je… » Comment prononcer ces mots qu’il ne pourrait même pas écrire sur papier ? « J’aurais préféré pouvoir te dire que je mettais fin à ce petit jeu mais je crois qu’on a compris tous les deux que je ne suis pas capable de faire comme si je ne ressentais rien à ton égard. » Il ne le regarde pas. « Je ne suis plus capable de vivre comme avant. » D’aller dans les bars pour glisser des compliments aux oreilles des filles, de faire les yeux doux à la serveuse, de profiter des plaisirs du corps, de jouir sans regretter de ne pas le faire auprès de James. « Voyons où cela nous porte. » Il le fixe à nouveau, l’air soudainement grave. « Mais je ne veux pas que ça s’apprenne. Restons professionnel. Personne n’a à savoir. » Et, encore une fois, il aimerait lui dire qu’il n’a pas honte de James, seulement de lui-même, mais impossible pour lui de prononcer ces mots tellement son égo lutte pour ne pas perdre la face. Il fait partie de ces gens qui ne disent pas « je t’aime » parce que ça leur écrase la poitrine, leur couple le souffle, et leur rappelle qu’ils ne sont que des êtres humains.
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| | | | (#)Sam 29 Jan 2022 - 22:30 | |
| everytime you leave make me wanting you more. « Tant mieux. Je n’ai pas l’intention d’accepter la seconde invitation. » Et c'est précisément parce que James le savait qu'il ne leur imposerait pas deux fois une mise au point comme celle-ci, ni Archie ni lui n'ayant jamais su verbaliser leurs sentiments autrement qu'en les masquant derrière un masque de mépris. Se sauter à la gorge et se toiser d'un bout à l'autre de l'atelier avait longtemps été leur manière de se montrer qu'en dépit de ce qui les avait toujours opposés, ils tenaient bien plus à la compagnie l'un de l'autre qu'ils n'étaient prêts à le dire. Puis il y avait eu le reste ; les regards de plus en plus longs, les caresses de moins en moins furtives, les baisers, tout. Et ça n'avait pas rendu les choses plus faciles, loin de là. Leur franchise avait beau être ce qu'elle était, ils marchaient toujours sur des œufs et faisaient preuve d'une pudeur presque insensée au moment d'évoquer les sujets les plus intimes. Maintenant que James y repensait, il était bien plus à l'aise pour s'ouvrir à Archie lorsqu'il avait encore un peu d'alcool dans le sang et trop peu d'heures de sommeil au compteur pour faire preuve du moindre contrôle. Une excuse pour se dévoiler l'un à l'autre et mettre de coté leur fierté, voilà ce dont ils avaient au fond toujours eu besoin. Voilà ce qui leur aurait évité ces discours sans fin et à demi assurés, aujourd'hui. Voilà ce qui aurait aussi évité à James d'évoquer Paris, ces sentiments troubles qu'il avait éprouvé en descendant de l'avion lorsque l'absence d'Archie s'était faite sentir jusque dans chaque coin de son être mais qu'une relative délivrance l'avait aussi envahi. L'oublier aurait été tellement plus simple, tout comme de rentrer au bras d'un séduisant français qu'il n'aurait eu qu'à apprécier, à la longue. Mais si James n'avait jamais manqué d'audace dans ses idées, force est de constater qu'il n'avait su aller au bout de celle-ci. « Je n’ai jamais été sûr de rien. » Et il le voyait, James. Il le voyait dans le regard d'Archie tout comme il l'avait aperçu vu dans le sien, bien plus souvent qu'on pourrait le croire. L'assurance était bien une chose dont les deux hommes ne manquaient pas dans leur travail mais lorsque venait le moment d'ôter ce costume de rigueur et de professionnalisme, c'est à peine s'ils savaient l'un et l'autre tenir debout.
James n'était pas beaucoup plus à l'aise à l'idée d'effleurer des sujets qu'il s'était jusque là convaincu d'enterrer, et c'était l'autre raison pour laquelle il ne comptait pas revenir dessus une fois cette discussion close et l'abcès crevé. Son agression quelques mois plus tôt, les brimades répétées qui l'avaient accompagné toute une partie de sa vie. Tout ça le rappelait à une faiblesse qu'il ne voulait plus ressentir, c'est pourquoi il s'était toujours convaincu d'avancer. Il ne serait pas devenu l'homme qu'il était s'il avait laissé ces événements définir qui il pouvait être, et il en tirait aujourd'hui une immense fierté. La route avait été longue et sinueuse, mais elle avait forgé son caractère. Elle l'avait forgé, lui. « Tu as appris à te ficher de l’avis des autres quand tu étais gamin. Tu en as l’habitude. » Le caractère d'Archie, lui, l'avait probablement été par des années d'une éducation extrême et liberticide, que James ne pouvait sans doute qu'à peine imaginer. Dieu sait qu'il aurait été différent si son père ne l'avait pas autant soutenu. C'est en ça qu'une part de lui n'avait jamais complètement méprisé Archie, y compris du temps où ses poings agrippaient un peu trop souvent le col de son t-shirt. Il n'y avait qu'un tyran pour façonner un être rempli d'autant de colère – pour lui-même, avant tout. « Je te déteste tellement. » Et il aurait pu faire semblant de le croire s'ils n'avaient pas dépassé ce stade depuis longtemps, tous les deux. Alors c'est un rictus sarcastique qui étira le coin de ses lèvres tandis qu'il secoua la tête. « J'en crois pas un foutu mot. » Peu importe à quel point ils avaient longtemps tenté de s'en convaincre, ce qui les unissait et continuait de les enchaîner l'un à l'autre n'était pas de la haine. Si ça les avait probablement animé dans le passé, James ne saurait dire quand la frontière entre mépris et intérêt avait été franchie. « On aimerait tous les deux que ce soit aussi simple. » Parce qu'ils n'auraient qu'à faire ce qu'ils faisaient autrefois : trouver n'importe quel prétexte pour confronter leurs egos et laisser paraître un agacement constant, bien plus facile à dompter que ce pêle-mêle de sentiments qu'aucun d'eux n'était préparé à gérer. C'est parce qu'il était bien plus facile de cultiver des inimitiés que d'assumer des attirances que James avait toujours aimé se faire des ennemis. Il n'avait jamais manqué de répartie, en revanche le concept même de l'attachement lui filait le tournis.
« Je ne sais pas. Je… » Ils étaient deux à ne pas savoir. Deux à tâtonner depuis qu'ils étaient entrés dans ce bureau à défaut de savoir ce qu'ils voulaient vraiment – et plus vraisemblablement encore, ce qu'ils pouvaient se permettre de vouloir. « J’aurais préféré pouvoir te dire que je mettais fin à ce petit jeu mais je crois qu’on a compris tous les deux que je ne suis pas capable de faire comme si je ne ressentais rien à ton égard. » Moi non plus, Archie. « Je ne suis plus capable de vivre comme avant. » James savait ce que ça signifiait pour avoir toujours connu Archie comme un dragueur invétéré doublé d'un fêtard notoire. Qu'il dise ne plus vouloir vivre comme avant serait rassurant s'ils avaient seulement la moindre idée d'où ils allaient. « On n'est pas plus doués l'un que l'autre pour faire semblant. » Parce que lui non plus ne pouvait pas simplement rayer de sa mémoire les dernières semaines, peu importe à quel point il le désirerait. Peu importe à quel point ses sentiments pour Archie étaient devenus un problème dont il aurait aimé pouvoir se débarrasser, aussi simplement que ça. « Ça fait quatre ans cette année qu'Alessandro est... » Son regard se posa quelque part dans le vide de la pièce, évitant consciemment celui d'Archie tandis qu'il tentait de verbaliser des choses qu'il n'avait jamais vraiment partagé avec personne en dehors de Gina. Sans succès, comme bien souvent. Le porte qui abritait ces souvenirs-là se voulait robuste et imprenable, et James ne prétendrait pas en être étonné : il avait construit une véritable forteresse entre son cœur et le reste du monde. « Enfin, c'est pas vraiment un cap que j'imaginais passer dans ces conditions. » Perdu, tiraillé entre son besoin d'être près d'Archie et son envie de s'en tenir loin pour éviter à toute cette situation de se compliquer plus encore et d'avoir cette fois des répercussions sur Weatherton. Il n'aurait jamais pensé qu'il aurait l'esprit de nouveau habité par un homme, un jour, et encore moins celui qui avait rendu sa vie si difficile des années en arrière. Il n'aurait jamais pensé retomber amoureux et encore moins avoir à se maudire une nouvelle fois pour ça. En fait, il aurait nettement préféré ne plus jamais rien ressentir, comme il se l'était promis au décès de son ancien compagnon. C'aurait été bien moins compliqué à beaucoup d'égards. « Laisse tomber. » Ce n'était jamais un sujet qu'il évoquait facilement et aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle. L'heure n'était pas propice à ce genre de confidences, c'était à peine si Archie et lui osaient déjà se regarder dans les yeux. La même scène semblait inlassablement se répéter depuis un an et Archie et lui faire trois pas en arrière chaque fois qu'ils en faisaient un, fébriles, en avant. Ce petit jeu avait longtemps eu son charme mais James savait qu'il n'aurait sans doute pas la patience de le mener beaucoup plus longtemps.
Mais comment décider de ce qu'ils pouvaient être l'un pour l'autre quand ils n'étaient même pas fichus de s'avouer clairement ce qu'ils ressentaient ? Serait-ce toujours comme ça, un d'entre-deux où aucun n'était prêt à se mouiller plus que l'autre ? Sans doute, et ça faisait probablement d'eux de beaux idiots. « Voyons où cela nous porte. » Sa première pensée fut de se dire que c'était trop facile, de simplement se laisser porter. Trop facile, de retirer ses mains du volant en attendant de savoir s'ils sauraient ou non s'éviter de rentrer de plein fouet dans le mur le plus proche. Mais il y avait dans cette idée une pointe de danger qui le séduisait autant qu'elle l'effrayait au fond de lui. Quelque chose qui lui faisait dire qu'improviser, pour une fois, ne pouvait pas être si mal. « C'est ce que tu veux ? » James demanda, ses yeux braqués dans les siens, plus aucune once de sarcasme dans la voix. « Essayer. » Avec lui. Quoi que veuille précisément dire essayer. Il n'était pas entrain de le demander en mariage – grand dieu, bien loin de là – et ils n'avaient pas même à se faire la moindre promesse. Ce ne serait pas rien, au moins, c'était peut être là sa seule certitude. « Partager d'autres moments comme l'autre soir. » Bien sûr qu'il comprendrait où il voulait en venir, de ce qu'Archie lui-même avait qualifié d'expérience un peu plus tôt. Poser des mots sur ce que c'était, voilà ce que James se refusait à faire. « Mais je ne veux pas que ça s’apprenne. Restons professionnel. Personne n’a à savoir. » « Personne ne saura. » Sur ce point ils ne pouvaient qu'être d'accord, quand bien même ils avaient chacun des raisons différentes de ne pas vouloir que ça s'ébruite. « Mais je le ferai par professionnalisme, pas pour te couvrir. » Archie vivait dans le secret, mais ce n'était pas son cas. James avait trop longtemps été pris à parti parce qu'il aimait les hommes, et ça lui avait demandé un trop gros travail sur lui-même de se construire malgré ça. Il ne reviendrait pas en arrière, et ce n'était pas un combat qu'il pouvait mener à la place d'Archie. Alors il ne dirait rien pour le bien de Weatherton et parce qu'il n'avait jamais étalé sa vie privée sur la place publique, mais pas parce qu'il verrait un quelconque problème à ce qu'on leur prête une aventure. Ce n'était pas son problème. « A toi de décider si ça en vaut la peine. » La peine de trembler chaque fois que quelqu'un suspecterait quelque chose, la peine de devoir se cacher de tout et de tout le monde, la peine aussi de fuir son regard en public de peur qu'il ne le trahisse. A lui de décider si James en valait la peine. « Pour ça, j'attends pas de toi une réponse tout de suite. » Il pouvait prendre le temps d'y réfléchir, peser le pour et le contre ou simplement repenser à ces moments volés chez le créateur et à tout ce qu'ils pourraient partager de plus s'ils essayaient. Au fond, combien d'avantages et combien d'inconvénients tout ça représenterait ? La liste serait sûrement longue d'un coté comme de l'autre, et c'est précisément ce qui rendait les choses aussi compliquées. « On m'attend à l'atelier. Tu sais comme ça peut vite devenir l'anarchie si je suis en retard. » Prétexte pour que cet échange tourne court ou véritable besoin de se noyer dans le boulot pour penser à autre chose. Dans un cas comme dans l'autre, il paraissait plus sage d'aller là où on avait besoin de lui. « J'espère t'y voir plus tard. » Parce qu'ils pouvaient éviter de mettre des mots sur ce qu'ils ressentaient aussi longtemps qu'ils le voudraient, James savait qu'il passerait les prochaines heures à chercher Archie du regard. Aux quatre coins de l'atelier comme au détour de chaque couloir, il le ferait aujourd'hui encore.
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| | | | | | | | (jarchie #13) everytime you leave make me wanting you more |
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