« L’âme sœur ? » il rigole car il trouve ça absurde, tu le sais très bien ; la situation aurait été autrement que t’aurais rigolé avec lui en déclarant à quel point c’est stupide mais il se trouve que t’es les deux pieds dans ce plat-là depuis que t’as Jordan à tes côtés. « Alors déjà, tu sais que je ne crois pas en tout ça. » malgré tout, tu souris de façon amusée car tu n’en attendais pas moins de lui. “J’aurai dit la même mais… Je crois que je commence à y croire, moi.” c’est ton meilleur ami et même s’il n’est pas le style à parler sentiments et Amour sur l’oreiller en se baffrant de glace (enfin quoique, ça, il pourrait), tu te dis que s’il y a bien une personne vers qui tu peux te confier, c’est lui. Ta vision des choses a changé depuis quelques mois et voilà que tu vas être la chiante qui va persister à dire que si, ça peut exister, mais faut juste attendre que ça vienne, qu’il faut le vivre pour y croire, et blablabla. Tu grattes même le bord du canapé dans un tic nerveux car ce n’est pas non plus vos conversations privilégiées. « Et puis, qui te dit que je veux me mettre en couple ? » tu roules des yeux. “Ta seule relation restera ta console, je le sais bien. Je ne parle pas de te mettre en couple mais de… Sortir un peu. Rencontrer des gens.” tu te mords la joue pour t’empêcher de rire. “Je peux plus le faire, moi, faut bien que quelqu’un le fasse à ma place et je pense que je me suis assez dévouée pour nous deux depuis tout ce temps.” car si lui jouait tranquillement à ses jeux, c’est toi qui te tapait pierre, paul et gerturde - oh oui, quel enfer. “Et puis, ça ne t’engage à rien. Si ça se trouve, y’a que des moches, sur cette appli. Tout le monde sait que ce n’est que du fake. Mais au moins, on pourrait s’éclater.” en tout cas, toi, t’es persuadée que ça serait drôle. Avec Will et aux dépens de Will, sûrement.

« Tu pourras dire à tout le monde que t’es mariée à un aventurier. »
“Ouais, c’est ça, mariée à un docteur scientifique aventurier. Je parais pathétique à côté.”

T’es un peu larmoyante car t’es triste de savoir que lui aussi va voler ailleurs. Ton pillier, ta base, ton roc, il va partir, il va déployer ses ailes et il va lui aussi faire des voyages qui lui feront sûrement aimer d’être à l’extérieur pour une fois. Oh, tu es heureuse pour lui ; il a travaillé dur pour en arriver à cet objectif et tu as la sensation que d’avoir supporté ses dinosaures depuis autant d’années a servi à quelque chose - et dans le fond, tu trouves ça hyper cool, les dinosaures. Mais cela ne suffit pas à adoucir la peine que tu ressens et que tu ressentiras quand il viendra à partir. « Jordan aime baby yoda ? » tentative d’amoudement numéro soixante-dix ; check. “Nan, c’est pour ça qu’y a une tasse de lui dans la cuisine.” le sarcasme est perceptible et tu n’essaies même pas de le camoufler car tu n’en vois pas l’utilité. Sa question est réellement stupide, il faut dire. Toi, c’est ton joli mug Raiponce que tu sors pour te servir le coca à bulles prêtes à être explosées dans ton cerveau.

« Tout ça à cause d’une photo postée sur instagram ? » tu hausses les épaules en levant ta tasse à tes lèvres. « Suffit de la supprimer. » décidément, “qu’est-ce que je ferai sans toi, Einstein ? Je me le demande.” comme si tu ne l’as pas déjà fait. Tu l’as fait le soir même, sous le coup de la colère - même si tu l’aurais aussi fait le lendemain mais sous le coup de la culpabilité. “J’ai juste l’impression d’être une mauvaise copine qui ne l’a pas écouté comme elle aurait dû.” tu as tellement la frousse de tout faire foirer, le silence de Jordan a été insupportable pour tes nerfs. “Je crois que je me fous tellement de pression pour que ça fonctionne qu’au moindre écart, à la première dispute, je panique. Mais ça doit être normal, non ?” de se disputer ou de paniquer ? Les deux. « La prochaine fois ne pense même pas à Hannah Montana, viens me voir direct. » un léger sourire vient perler sur tes lèvres, ravie de l’entendre dire ces mots avant qu’il ne vienne de lui-même te prendre dans les bras. « Si tu veux on peut aller faire un tour au marché de noël, ça te changera les idées. » tu pout légèrement tout en te calant contre ton mari en hochant la tête. “C’est une bonne idée. Tu supporteras la foule et tous ces trucs-là pour moi ?” que tu demandes d’une petite voix d’enfant émue à souhait. Il faut dire que Will sait mieux que personne comment te parler ; vous avez ce talent l’un envers l’autre car votre amitié est belle comme ça. Merde qu’il va te manquer quand il sera pas là.

« …good for you. » l’inspiration prise juste avant, le torse bombé dans une prise de courage excessive, tu plisses les yeux en observant ton meilleur ami car tu es à peu près certaine qu’il est en train de se demander ce qu’il t’arrive. Si jamais il venait te poser la question, tu serais incapable de te lui fournir une réponse suffisante sachant que tu te poses cette interrogation depuis des mois. Depuis que ta relation a pris un souffle nouveau - ce qui arrive à peu près toutes les deux semaines, et encore plus maintenant que tu es chez lui - qui est chez vous sans qu’iel ne soit là. C’est étrange de se dire que tu n’es pas dans une vulgaire colocation, non. C’est bien plus que ça, cette fois-ci. « T’es en train de me demander d’être aussi sociable que toi ? » il a les yeux qui s’écarquillent et sa question accentue encore plus ton envie d’éclater de rire. Ce que tu fais sans te retenir car t’en as bien besoin après des jours moroses - tu as des points de vie à récupérer même si tu es immortelle, oui oui, tout le monde le sait. “Par téléphone, Will. Par téléphone. C’est comme si tu jouais en ligne mais avec ton esprit plutôt qu’un jeu. C’est pas si compliqué, non ?” tu prends son téléphone et tu le gardes jusqu’à la cuisine pour télécharger l’application.

Tu le laisses sur l’îlot central le temps que tu prépares les boissons et que Will te fasse le plus bel acte du corbeau sur sa branche sur l’espace de travail. « Pleins de cœurs sur Jordie. » ce surnom ridicule que ton mari persiste à donner à ton partenaire a le mérite de te faire secouer la tête tout en portant ton mug Raiponce à tes lèvres. « Ne pas aimer baby yoda c’est presque une preuve qu’on a pas de cœur. Je l’aime tellement que je porte même un caleçon à son effigie, regarde. » “Mais nan ?” et pour preuve que si si, Will descend quelque peu son pantalon et tu peux voir de tes yeux en vrai que non, il ne ment pas. “Ouh, il a l’air cute. Je pourrai presque y penser pour Jor mais j’ai pas envie que vous soyez intime dans ce sens-là.” c’est hors de question qu’ils aient le même, d’autant que tu viens de le voir sur Will et même si ce n’est qu’un petit bout… Ce n’est pas envisageable pour l’instant. Tu ne peux pas te permettre de confondre les deux.

« T’es amoureuse de lui alors je suppose que c’est normal. Et mine de rien ça reste tout nouveau pour toi tout ça. » ce n’est pas faux. Ton meilleur ami a tout juste et ce n’est pas surprenant car il te connaît mieux que personne. Ta relation avec Dan n’a rimé à rien du tout et les autres n’ont jamais été des relations, juste du bon temps avec parfois des soucis d’incompréhension. De celles qui pensaient pouvoir te caser mais non, ça n’était pas arrivé jusqu’à maintenant. Jusqu’à ce que Jordan débarque et chamboule absolument tout. Ah, ça doit être Sofia qui doit rigoler quelque part au loin de voir que l’oiseau moqueur s’est transformé en guimauve ambulante qui s’inquiète à la moindre contrariée. “Je sais mais ça ne rend pas les situations plus faciles.” tu soupires en caressant le contour de ton mug. “Je vais finir par croire que c’est pour ça que l’univers fait que mes proches finissent toujours par partir ailleurs un moment ou un autre.” oui, tu vois un peu loin, mais l’univers est plus grand que l’humanité entière.

« Tu sais que tu peux supporter beaucoup de choses pour toi. » tu fais la moue en tapant légèrement du pied par terre tout en dérivant les yeux car tu papillonnes tes paupières. “Arrête, tu vas me faire chialer de nouveau.” et tu es sincère en disant ça car ça te rappelle seulement que lui aussi va voguer de son propre essor et qu’y a bien un moment où tu vas finalement te retrouver seule comme la pauvre petite idiote que t’es. Tu renifles légèrement, tu passes ta main sur tes yeux et ton nez avant de secouer la tête tout en posant ton mug avec force. “D’abord, on peaufine ton profil et après on y va!” accoudée à l’îlot, tu vas scroller les photos qui pourraient passer pour son compte. “Y’a pas une photo potable là-dedans ?” ton mari est mignon mais il ne sait clairement pas se mettre en valeur, tu es contrariée par ce fait. T’es à deux doigts d’appeler Zoya en urgence avant de te rappeler que tu t’es embrouillée avec elle - ne pas y penser. “Et il faut que tu choisisses cinq tag maximum pour te définir. Jeux vidéos me semble indispensable. Et non, y a pas dinosaures. Ce n’est pas une passion courante.”

« Il y avait toute une collection ! Je t’enverrai le lien si tu veux. »
“Je veux bien, oui!”

Et voilà comment vous vous retrouvez à parler de caleçons de baby Yoda en dix minutes. Votre mariage est parfait, il s’accorde si bien avec ta relation avec Jordan, même si, à ce moment précis, ce n’est pas le ciel dégagé avec le beau soleil de la Thaïlande qui règne au-dessus de vous. C’est un peu nuageux mais c’était pire il y a encore deux jours alors les éclaircies ne sont pas loin. Est-ce que tu vas acheter un caleçon pareil pour faire amende honorable ? C’est loin d’être une idée si ridicule, à vrai dire.

« T’inquiètes pas je bouge pas, moi. Until the very end. » tu pout littéralement car si, Will va bouger, il va partir, c’est lui-même qu’il l’a dit. Certes, il reviendra mais rien que l’idée qu’il soit loin de toi te chagrine incroyablement. Il a toujours été ton socle qui n’a jamais voulu se détacher de son rocher mais voilà que la vie, le travail l’arrache à toi et ces habitudes dont tu ne veux pas te débarrasser - pas celle-là en tout cas. Pourquoi les gens nourrissent-ils des rêves et des ambitions professionnelles, aussi ? Seulement, contrairement à toi, il ne va pas s’échapper pendant deux ans sans donner de nouvelles ; tu espères que ça se comptera seulement en semaines et juste trois ou quatre grands maximum - tu n’en sais rien et tu n’as pas trop envie de demander. Tu es déjà assez triste comme ça, tu ne veux pas te mettre à pleurer de nouveau. T’es déjà toute déséchée de l’intérieur à force.

« Il nous reste quoi à remplir ? » tu fronces le nez. “La description et les photos. Le minimum syndical quoi.” les gens sur cette application ne se foulent pas la cheville. Pour rire et sans le lui dire, tu sélectionnes l’option “en questionnement” dans l’orientation sexuelle. Un bon moyen aussi de savoir s’il va souvent aller regarder et tomber sur des personnes qu’il n’aurait jamais pensé voir - et peut-être commencer à s’inquiéter, qui sait. T’es une garce mais comme t’as été triste pendant quatre jours, on va te pardonner. « J’sais pas, je me prends pas souvent en photo je t’avoue. » tu tapotes sa jambe avec compréhension ; t’es pareille. « Déjà qu’est-ce que c’est une photo potable selon toi ? » tu fais la moue en secouant la tête. “Mmh, j’ai l’impression qu’y en a. Il y en a une mignonne que tu m’avais envoyée pour me prouver que t’étais en mode full focus.” et celle là donc que tu sélectionnes et puis deux ou trois autres derrière qui prouvent à quel point ton mari est le pire geek du monde. Si une femme ne peut pas accepter ça, ça sera déjà un bon critère de sélection naturelle.

« Comment ça, y a pas dinosaures ? » tu serres les dents pour sourire, l’air de dire désolé alors que t’y ai pour rien. « C’est impossible de me décrire sans parler de dinosaures. Essaie Jurassic Park pour voir ? » tu regardes les tags disponibles mais tu secoues la tête. « Sinon geek aussi, il y a pas un truc genre science lovers ? Blond babes ? » tu lèves les yeux vers lui. “Tu sais, au pire, y’a la description. Tu pourras écrire tout ça. Sans oublier ta maison Poudlard. Priorité numéro une.” que tu dis en claquant des doigts avant d’aller remplir ladite description. Simple, court mais efficace. “T’auras intérêt à me dire quand tu auras des matchs.” que tu lui dis en lui redonnant son téléphone. “Allez, laisse-moi deux minutes pour me changer et on va au marché de Noël.” tu as un sourire tout mou envers ton meilleur ami qui est prêt à subir la foule pour tes beaux yeux sans que tu ais besoin de le menacer.

Des amis pareils, c’est très rare. Tu te sens vraiment chanceuse.