« La musique est vraiment chiante, ça se voit que j'ai pas choisi la playlist. » C'est du piano qui résonne dans la petite salle louée pour un cocktail de fiançailles. La famille et une poignée d'amis triés sur le volets sont invités à cet évènement un peu spécial durant lequel Damon et Megan doivent s'échanger quelques mots et durant lequel ils recevront aussi quelques cadeaux - les petits chanceux. Bien sûr, la famille Williams finance le tout : la salle, le traiteur, les musiciens... C'est pourtant supposé être une soirée "en toute décomplexion" et l'invitation précisait que le dress code était libre. Personne n'est venu décontracté, pourtant. Ils doivent tous avoir l'habitude de ce genre de piège qui dit "venez comme vous êtes" mais qui se traduit par "tenue correcte exigée". Fort heureusement, Murphy ne s'est pas laissée avoir. Elle a sorti de son placard une robe volée pour l'occasion dans une boutique absolument hors de prix. C'est une robe qu'elle aurait pu avoir grâce à Arthur, mais lui demander n'importe quel service la met dans un embarras grandissant avec le temps. La petite robe noire aux fines bretelles lui va comme un gant et met en valeur la finesse de ses traits, marqués d'un maquillage tout à fait léger. D'habitude, on demande aux proches de la mariée d'être habillées en couleur, mais le noir va bien aux cheveux de l'Australienne.

« Oh superbe, ton beau-père va faire un discours. » Murphy ne l'aime pas beaucoup. Il a l'air de n'être là que pour faire le show, pour satisfaire un public qu'il a lui-même choisi. Bien qu'il soit dans un monde que Murphy donnerait tout pour intégrer, il n'est pas le genre de personnage qu'elle se plairait à approcher. Il doit être du genre à aller à la chasse accompagné de ses chiens et assis sur son cheval, pour que les proies soient plus facile à abattre. Comment Megan fait-elle pour accepter d'être reliée à un type pareil ? Le discours est plutôt plat et sans grande saveur mais les gens applaudissent de bon cœur. Quand l'attention se dissipe à nouveau, Murphy se tourne vers sa sœur. « Il n'a pas un frère, Damon ? C'est pour la science. » C'est surtout pour elle, puisque Arthur est prompt à faire la tête et à bouder pour tout et rien. Peut-être que Damon a un frère caché qu'il sera facile d'amadouer. En attendant, c'est l'attention de Megan que Murphy monopolise en espérant que sa sœur ne veuille pas sortir d'ici tout de suite. Ce soir, tout a été préparé pour elle. Et il se peut même qu'une surprise de taille se présente avant l'arrivée en grande pompe du gâteau...

@megan williams

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Megan Monroe & @Murphy Rowe

Je ne sais pas exactement ce qu’est supposé être une fête de fiançailles mais, ce soir, j’ai l’impression d’assister à un cocktail, une réception à destination des cadres de Michaël Hills plutôt qu’à soirée supposée nous célébrer moi et Damon. Mon prénom à moi figure sur les cartons d’invitation et a été prononcé quelques fois, mais nous assistons bien à une soirée en l’honneur de la famille Williams, je ne m’y trompe pas. Je n’ai même pas pu (voulu ?) inviter le moindre proche, si ce n’est Murphy qui m’a fait des yeux de chien battu dès qu’elle nous a entendus parler de la réception à l’appartement. J’ai accepté en me disant que ce n’était pas une si mauvaise idée finalement : j’aurais quelqu’un avec qui échanger quand tout le monde parlera du marché du diamant et de la future collection de sautoir de l’entreprise. « Tu peux aller lui parler, je serai pas vexée. » Que je murmure à l’oreille de mon fiancé qui trépigne à mes côtés puisqu’un homme d’affaires visiblement renommé (moi, j’ai déjà oublié son nom) vient d’entrer et n’a pas encore été accosté par un autre requin présent dans la salle. Je lui donne ma bénédiction pour aller travailler ses relations puisque, de toute façon, cette soirée n’a rien d’une petite soirée intime destinée qu’à nous et nos familles.

Qu’à cela ne tienne, je profite aussi de la soirée pour rencontrer du beau monde. ”Oui, je suis comblée d’épouser un garçon aussi ambitieux et intelligent que Damon.”, ”Non, je n’ai jamais songé à me lancer dans le mannequinat”, ”Non, je ne crois pas qu’on se soit déjà vu quelque part, je dois ressembler à quelqu’un que vous connaissez”. Tous les hommes présents ici me donnent l’impression d’être des clones, une pâle imitation de mon futur beau père et j’en ai compté plus d’un qui a louché sur mon décolleté sans vraiment chercher à s’en cacher. J’abandonne et je rejoins ma sœur avec un mal de crâne qui pointe le bout de son nez. « La musique est vraiment chiante, ça se voit que j'ai pas choisi la playlist. » - « Je l’ai pas choisie non plus. » J’esquisse un sourire en direction de la brune : il n’y a pas grand-chose que j’ai choisi dans cette soirée, de toute façon. « Je t’avais dit que ce serait chiant. Que c’était surtout une soirée pour que Saül puisse nous présenter Damon et moi en tant que couple à ses collaborateurs. » Je n’ai jamais plus eu l’impression d’être une femme trophée que ce soir, et je sais que ce n’était pas l’idée de Damon. « Oh superbe, ton beau-père va faire un discours. » - « Quand on parle du loup… Tu veux boire une gorgée à chaque fois qu’il dit ”je” dans son discours ? » Le champagne n’est pas la boisson la plus indiquée pour ce genre de jeu d’alcool mais il n’y a que ça, des flûtes à perte de vue.

Mon beau père est mégalo et égocentrique : son discours parle plus de lui que de Damon ou moi - où est passé mon fiancé d’ailleurs ? - et finalement, je suis ravie que Murphy se soit invitée à ce cocktail. « Il n'a pas un frère, Damon ? C'est pour la science. » Je termine ma gorgée de champagne en manquant de m’étouffer avant de lui répondre. « Si, un demi-frère. » Je fais mine de chercher quelqu’un dans l’assemblée. « Je le vois pas, il doit pas encore être arrivé. Mince, il est mignon comme tout en plus. » Il a surtout moins de deux ans mais ce que Murphy ne sait pas peut me permettre de rire à ses dépends. « Je te le présenterai au mariage. » Elle pourra faire la baby-sitter et se faire baver dessus, elle sera ravie. « Vous vous habituez l’un à l’autre, Damon et toi ? » Je sais que l’italien rêve de la voir quitter l’appartement : il ne m’en parle pas pour respect pour moi et à cause de la longue discussion à cœur ouvert que nous avons eue le soir de l’arrivée de Murphy, mais je sais. « Ton père, il t’a rappelée ? » Il est supposé le faire tous les soirs, pour qu’ils puissent discuter et se réconcilier mais il oublie ou bien ils se ratent bien souvent, si j’en crois les justifications de Murphy.

« Je t’avais dit que ce serait chiant. Que c’était surtout une soirée pour que Saül puisse nous présenter Damon et moi en tant que couple à ses collaborateurs. » « C'est dé-gueu-lasse. » Non, Megan n'est pas un morceau de viande que l'on présente à une foule venue l'admirer. Que cela se passe ainsi révolte profondément Murphy qui aimerait beaucoup en toucher deux mots à l'organisateur. Par dessus tout, c'est à Damon qu'elle voudrait faire la leçon, persuadée qu'il est autant responsable que les organisateurs. Après tout, il n'a rien fait pour protéger sa fiancée d'une telle mascarade. Il aurait pu s'imposer, refuser. Loin de se douter des enjeux et des ficelles qui sont tirées en coulisse, Murphy reste malgré tout absolument révoltée que les choses se déroulent selon ce plan absolument abject qui a, en plus, le mérite de ne sortir que de la tête d'un seul homme. Il les a bine vu, les vieux pervers venus admirer la jeune fiancée. Dès le départ, ils sont venus lui tourner autour comme des mouches à miel, attirés par son décolleté et certainement pas par l'envie de la féliciter pour son mariage imminent. Le prochain à s'approcher prendra son poing en pleine figure, Murphy se l'est jurée. « Quand on parle du loup… Tu veux boire une gorgée à chaque fois qu’il dit ”je” dans son discours ? » Et avant que Murphy n'ait le temps d'approuver, l'homme en question s'est déjà attiré les rires gras d'une foule en délire, toute agglutinée autour de la petite scène improvisée.

Et où est-il, d'ailleurs, le deuxième intéressé ? Ne devrait-il pas être aux côtés de sa fiancée ? Murphy l'aurait sans doute chassé pour se trouver un peu seule avec sa sœur. Après tout, elles ont quelques deux décennies de souvenirs à rattraper. Ca fait beaucoup. « Si, un demi-frère. » Les yeux de l'australienne s'illuminent. Elle ne voit pas beauté ou gentillesse, non. Murphy voit avant tout la pluie de dollars qui pourrait s'abattre sur elle à la seconde où elle jettera son dévolu sur le demi-frère en question. Tant qu'ils ont leur père en commun, les garçons doivent avoir à peu près la même fortune, non ? « Je le vois pas, il doit pas encore être arrivé. Mince, il est mignon comme tout en plus. » « Il ressemble à quoi ? Il est riche ? » Non, Murphy ne passera pas par quatre chemins, certainement pas avec sa sœur. Elle a toujours été la reine des menteuses, mais pas en compagnie de cette famille nouvellement retrouvée - enfin, pas pour tout du moins. L'histoire de leur père, c'est une autre affaire. « Je te le présenterai au mariage. » « Tu ferais ça ? » dit-elle, la voix toute pleine d'émotion. D'un mouvement tout à faire naturel, Murphy enroule ses bras autour du buste de sa sœur pour la serrer toute contre elle, sourire aux lèvres. C'est comme un cadeau de noël - sauf que le cadeau a moins d'un an, pleure sa maman et fait dans ses couches. « Merci ! » Et aussitôt, voilà que l'évènement des présentations est noté dans l'agenda mental de Murphy qui se fait désormais une joie d'aller à ce mariage. En plus d'y trouver de la nourriture gratuite, elle risque donc d'y trouver l'amour ? Magnifique !

« Vous vous habituez l’un à l’autre, Damon et toi ? » Pourquoi faut-il qu'elle parle des sujets qui fâchent ? Roulant des yeux, Murphy marque un temps de pause. « Il a mis un de mes pulls à laver trop chaud et il a rétréci. Le pull, pas Damon, malheureusement. » Est-ce que cela répond à ta question, Megan ? Non, vraiment, Murphy et Damon ne s'habituent pas l'un à l'autre. La dernière querelle - encore en cours, la guerre n'est pas finie, l'adversaire doit encore répondre à l'affront - remonte à l'avant-veille, date fatidique à laquelle Murphy a rempli la bouteille de shampoing de Damon avec de la mayonnaise en hurlant "c'est bon pour tes cheveux!" à travers la porte de la salle de bain. Leurs querelles sont enfantines mais fatigantes et à la longue, Murphy finira peut-être par leur laisser de l'espace. En attendant, elle est ravie de partager cet espace avec le bébé-couple, profitant au passage d'avoir un endroit où dormir bien plus confortable que tout ceux où elle a un jour pu crécher. « Il est chiant. Et précieux. Comment tu fais pour le supporter ? » Imitant sa voix, Murphy tente de singer Damon. « Murphy, pourquoi tu as mis de la mayonnaise dans mon shampoing ? Parce que c'est bon pour ses cheveux, je lui ai déjà dit. » Grand sourire aux lèvres, Murphy essaie de dédramatiser la situation. Après tout, s'il ne veut pas d'elle, il devra malgré tout se faire à son envahissante présence. « Ton père, il t’a rappelée ? » La brune secoue la tête, perdant son sourire en même temps que son regard dans la foule. Hal ne se soucie pas beaucoup de sa fille, pas comme le font les autres parents. Et puisqu'elle lui a laissé un mot, il ne doit pas être assez inquiet pour la contacter. Et Murphy ne souhaite pas franchement en parler.

Fort heureusement, la soirée n'est pas terminée - parce que Murphy a plus d'un tour dans son sac. « J'ai une surprise pour toi. Bon, c'est pas quelque chose de cher mais... Non, c'est pas non plus un de ces robots qui font la cuisine tout seul. » Non, c'est bien mieux, selon Murphy. C'est un évènement qu'elle prépare depuis quelques jours et qui devrait se présenter d'une minute à l'autre. Alors qu'un sourire étire les lèvres de Murphy, cette dernière plante à nouveau ses yeux dans ceux de sa sœur jumelle. « Je crois que tu vas adorer. » Oh, Megan, tu ne devineras jamais qui attend derrière la porte le signal de sa fille retrouvée.

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Megan Monroe & @Murphy Rowe

« C’est dé-gueu-lasse. » Je hausse les épaules, pas parce que je ne suis pas d’accord avec elle mais, malheureusement, parce que je commence à m’habituer. Me traiter comme un vulgaire trophée, cela ne pèse pas dans la balance à côté de tout ce dont Saül est capable : il me l’a prouvé lors de ce spectacle de faucons auquel il m’a convoquée. « Après le mariage, les choses seront plus calmes. » J’ai peur qu’au contraire tout empire mais je ne peux pas l’expliquer à Murphy, parce qu’il faudrait également tout lui dire à propos des circonstances dudit mariage. « Et c’est pas grand-chose à côté de tout ce que Damon m’apporte. » Je lui présente le sourire de jeune fiancée comblée et aveuglé par l’amour qu’on attend que je sois. Cette jeune fille-là supporterait sans grand mal que Saül empiète sur sa vie puisqu’elle s’apprête à épouser son preux chevalier.

« Il ressemble à quoi ? Il est riche ? » L’image de l’adorable Abel avec ses joues de bébé me vient à l’esprit et je me mords l’intérieur de la lèvre pour m’empêcher de rire : il doit être à des kilomètres de ce que Murphy imagine. Je ne me moque d’elle que par malice, pas parce que je cherche à lui nuire. C’est amusant, de la balader de la sorte et, surtout, cela n’aura guère de conséquences. « Ton romantisme m’impressionne. » La pique est gratuite, accompagnée d’un sourire digne d’une modèle d’une publicité de dentifrice. « Il est très mignon oui. Et c’est un Williams, pour répondre à ta question. » La famille de mon futur époux baigne dans l’argent. « Tu feras ça ? » - « Évidemment. » Je le lui collerai dans les bras : le problème de la nounou pour la soirée de mes noces est résolu. « Merci ! » Je pose doucement ma main sur son épaule en réaction à ses remerciement : nous venons de nous rencontrer, il est trop tôt pour se tomber dans les bras ou embrasser sa joue.

« Il a mis un de mes pulls à laver trop chaud et il a rétréci. Le pull, pas Damon, malheureusement. » Je lève les yeux au ciel et me retiens de lui dire qu’elle, elle lui vole sa chambre. « Je suis sûre qu’il a proposé de te le rembourser. » L’argent n’est pas un problème pour mon fiancé et sa générosité n’est plus à prouver. « Ou même de t’en acheter un autre. » Il a dû se sentir mal et ce malgré les circonstances : c’est une pâte, Damon. Il lui aurait offert un pull valant quatre à cinq fois le prix du sien. « Il est chiant. Et précieux. Comment tu fais pour le supporter ? » - « Je suis amoureuse de lui. » C’est ce que je suis supposée dire en premier, en tout cas. Ce qui suit en revanche je ne l’invente pas, je suis totalement sincère. Je n’ai pas besoin d’inventer pour lui donner des raisons d’apprécier l’italien. « Il a le cœur sur la main, il est doux et à l’écoute. Il est cultivé, adore parler de fantasy, et c’est un artiste. » Comme je le suis moi même. « Tu devrais lui donner ta chance. Franchement, niveau beau frère, tu aurais pu plus mal tomber. » Beau frère et surtout logeur, en ce moment. L’appartement lui appartient et il l’y accueille sans trop rechigner. « Murphy pourquoi tu as mis de la mayonnaise dans mon shampoing ? Parce que c’est bon pour ses cheveux, je lui ai déjà dit. » Je ne devrais pas rire mais l’imitation de ma jumelle rend la chose difficile : j’ai besoin d’un peu de légèreté dans cette soirée si guindée, tellement à l’opposé de ce que je suis. Je ris, mais je lui fait tout de même les gros yeux avant d’ajouter, à voix basse. « C’est moi qui dors dans ses bras et qui passe ma main dans ses cheveux. S’ils pouvaient éviter de sentir la mayonnaise, je t’en serais infiniment reconnaissante. » J’essuie une larme de rire au coin de mon oeil, avant de redevenir plus sérieuse et pour cause : Murphy me parle d’une surprise et tout de suite, je suis méfiante.

« J’ai une surprise pour toi. Bon, c’est pas quelque chose de cher mais… Non, c’est pas non plus un de ces robots qui font la cuisine tout seul. » Je devrais peut-être lui faire confiance mais elle me donne l’impression que quelque chose cloche. On n’offre pas de cadeau au beau milieu d’une soirée et, de plus, Murphy ne me connaît pas assez pour savoir ce que j’aime et ce qui est à éviter. « Je crois que tu vas adorer. » - « Je sais pas si je dois avoir peur ou me réjouir. » Sourcils froncés, je la laisse enrouler ses doigts autour de mon poignet et m'entraîner dans un coin de la salle de réception, près d’une porte. « Murphy, qu’est ce qu’il y a derrière cette porte ? » Elle a l’air d’une gamine surexcitée et cela ne me dit rien qui vaille. « Si ce sont des stripteaseurs, t’as pu te rendre compte par toi-même que c’est pas vraiment ce genre de soirée. » Saül ne me pardonnerait pas ce genre d’incartade devant ses partenaires. Je suis loin de me douter que ce qu’elle a préparé est encore pire, encore plus humiliant, aussi.

« Je suis amoureuse de lui. » Alors c'est à ça que ça ressemble, l'amour ? L'opulence ? Un appartement partagé ? Elle les a bien vu, Murphy. Elle sait comment ils agissent l'un avec l'autre. Ils ont parfois des gestes tendres, un contact ou deux, quelques sourires lancés à travers la pièce. Murphy les admire souvent depuis le canapé, avant de lancer un regard mauvais à Damon dans le dos de sa fiancée. Elle est ce qu'elle a toujours rêvé de connaître : une sœur aimable qui n'hésite pas à lui ouvrir sa porte. Et Damon est loin de la mériter. Bien sûr, Murphy ne cache pas ses sentiments à Megan. Damon, c'est un petit bourgeois pincé qui s'est échappé de son bras à la seconde où il a pu aller discuter affaires avec des collègues de son père. Voilà qui donne à Murphy un peu de temps pour discuter avec sa sœur jumelle. Chaque situation est nouvelle. A chaque instant, elles s'adaptent l'une à l'autre et se découvrent, tout est pour l'instant rose et agréable, mais rien ne le sera bientôt plus. Très bientôt, même. Car derrière la porte se cache l'élément matrice, qui lie les deux sœurs par le sang. Mais cela, Megan ne le sait pas encore. Murphy, elle, n'a qu'une hâte : présenter sa surprise à la jeune femme. Pour une fois, c'est à elle de lui faire un cadeau. C'est à elle de lui rendre ces semaines de générosité. « Il a le cœur sur la main, il est doux et à l’écoute. Il est cultivé, adore parler de fantasy, et c’est un artiste. » Murphy lève les yeux au ciel, gardant tout de même un grand sourire étalé sur la figure. « Tu devrais lui donner ta chance. Franchement, niveau beau frère, tu aurais pu plus mal tomber. » « Ce que t'es niaise. Je vais vomir. » Mais c'est vrai, vu le milieu duquel Damon est issu, Murphy aurait pu avoir moins de chance. Au moins, le jeune homme tolère sa présence et ne met pas de mayonnaise dans son shampoing. « C’est moi qui dors dans ses bras et qui passe ma main dans ses cheveux. S’ils pouvaient éviter de sentir la mayonnaise, je t’en serais infiniment reconnaissante. » « Il paraît que ça rend les cheveux doux. » Un rire s'échappe à nouveau de la cage thoracique de la brune avant qu'elle ne reporte son regard sur la foule. Bientôt, eux aussi ils verront l'idée géniale qu'à eue Murphy pour pimenter un peu cette petite fête.

Et il est déjà venu le temps d'aller ouvrir les portes, alors que l'aiguille de la montre - volée - de Murphy s'agite lentement vers un compte rond. « Je sais pas si je dois avoir peur ou me réjouir. » « Tu vas adorer. Relax. » Ca, c'est peut-être s'avancer un peu, mais qu'importe. Elle a adoré l'inventer, ce cadeau. Rien ne pourra lui faire croire que Megan ne ressentira pas au moins un peu de joie en la voyant s'avancer dans la pièce. Doucement, la brune attrape le poignet de la blonde pour la lâcher devant une porte. « Murphy, qu’est ce qu’il y a derrière cette porte ? » « Oh mais ce que t'es bavarde ! » Elles ont au moins cela ça en commun. Il est rassurant de se dire que les liens du sang veulent dire quelque choses, même s'ils n'ont pas été entretenus pendant plus de vingt ans. « Si ce sont des stripteaseurs, t’as pu te rendre compte par toi-même que c’est pas vraiment ce genre de soirée. » « Tu parles, ça leur aurait fait un peu de bien à tous, là. » Et sa main se pose sur la poignée.

Entre alors une petite femme brune aux cheveux un peu emmêlés. Elle semble sortie d'une fête des années 80, avec sa veste en faux cuir et son jean déchiré. Murphy serre un peu des dents en voyant sa tenue. Pourtant, elle pourra jurer à Megan qu'elle lui avait demandé d'enfiler une robe. Le sourire aviné de cette drôle de femme ne laisse pas beaucoup de doutes quant à son occupation du début de la journée. Elle s'avance, chancelante et bras tendus, vers ses deux filles. Murphy lui rend son sourire ainsi que son accolade, fronçant sur nez en le posant dans ses cheveux sombres. « Tu as mis trop de parfum, maman. » Le mot sonne toujours bizarre dans sa bouche, mais elle doit absolument s'y habituer. Après tout, les gens normaux vivent dans des familles comme celles-là : un père, une mère, et des enfants. Tout ce petit cocon a été séparé depuis trop longtemps. Mais elle ne voit pas l'étrange regard que la mère lance à la blonde. Plutôt, elle ne veut pas le voir, pas le remarquer alors que cette rencontre doit être parfaite.

« Surprise ! » Et la réplique aurait pu être dite en chœur si Billie avait été moins captivée par sa fiancée de fille. « C'est un évènement important alors je me suis dit qu'on devait être en famille. » En famille. Comme dans ses rêves. Mais voilà, l'idée était belle quand elle n'était qu'à l'état de songe.

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Megan Monroe & @Murphy Rowe

« Ce que t'es niaise. Je vais vomir. » Quelle ingrate. Je lève les yeux au ciel pour m’empêcher de lui rappeler qu’elle vit chez nous, dans un appartement que l’italien a entièrement payé, qu’elle est logée et blanchie et que ce sont encore une fois les revenus de mon fiancé qui payent ses céréales du matin. Murphy est aussi agaçante qu’elle est drôle et, ce soir, elle a au moins le mérite de me distraire au milieu de cette foule de quarantenaires ennuyeux. La soirée de ce soir est supposée être à propos de moi, mais elle n’est qu’à propos de Saül et je ne devrais même pas être surprise.

C’est quand ma soeur me parle de surprise que je me dis que ça commence à sentir le roussi. Murphy n’a pas les moyens de m’acheter quoi que ce soit - pas besoin de savoir lire entre les lignes pour comprendre qu’elle ne roule pas sur l’or - et je ne veux pas d’un collier de pâtes ou d’une autre bizarrerie qu’elle aurait faite elle-même. Elle est beaucoup trop enthousiaste pour que ce soit bon signe et j’ai le ventre noué, le cœur qui bat plus vite et le visage qui commence à chauffer. « Tu vas adorer. Relax. » Plus facile à dire qu’à faire : comment peut-elle faire ce genre de promesses alors que nous ne nous connaissons pas encore réellement ? On fait du mieux qu’on peut, mais rattraper vingt trois ans en quelques semaines seulement tient de l’impossible et nous sommes toutes les deux encore mal à l’aise lorsque nous nous retrouvons seules. « Oh mais ce que t'es bavarde ! » Elle lâche mon poignet, et j’observe la porte comme si elle allait m’apporter une réponse. « C’est une bonne surprise, c’est promis ? » Je tente de me convaincre que je me fais des idées, que je dois laisser sa chance à la brune parce qu’après tout elle veut bien faire. A partir de là, ça ne peut pas être si terrible, si ? Ce sera peut-être raté, mais sans conséquence, je tente de m’en convaincre. « Tu parles, ça leur aurait fait un peu de bien à tous, là. » - « Je dis pas le contraire, mais je te jure que j’aime assez ma tête attachée à mon cou. » Et Saül me tuera de ses propres mains si je l’humilie de la sorte.

Je me suis trompée. C’est encore pire que ce que je craignais puisque, lorsqu’elle ouvre la porte, c’est ma mère que je découvre derrière. Choquée, je reste immobile et silencieuse quelques secondes, la bouche légèrement entrouverte, le regard braqué dans celui de ma mère. Elle sait. Elle sait que je dicte les règles, que je choisis quand on se voit et que je viens à elle, toujours, jamais l’inverse. Quelque part dans son état d’ivresse, elle s’en souvient puisqu’elle m’observe avec un air penaud sur le visage, sans oser réellement braquer son regard dans le mien trop longtemps. « Tu as mis trop de parfum, maman. » C’est Murphy que je détaille à présent. Murphy qui salue ma mère comme si elle avait la moindre légitimité à l’inviter ce soir, comme si elle avait la moindre légitimité à se conduire avec elle comme si elles étaient de vieilles amies ayant traversé des épreuves ensemble - je deviens peut-être paranoïaque - comme si elle avait le droit de la prendre dans les bras quand c’est moi qui sait ce que c’est de grandir avec notre égoïste de mère. Ma mère, pas la sienne. Billie tranche dans le décor sophistiqué. Billie fait de la peine et affiche à tout le monde le milieu duquel je viens et, lorsqu’elle s’avance vers moi pour me prendre dans les bras, je recule au dernier moment de quelques pas en arrière. « Surprise ! » Je dévisage Murphy, le visage plein de colère. Elle pense que c’en est une bonne, de surprise ? Visiblement, ma mère a déjà compris puisque, quelque part dans son visage de camée perdue, je perçois du doute et de la tristesse. Je ne peux pas m’arrêter là dessus, parce que ça me ferait de la peine et que je n’ai pas ce luxe là. « C'est un événement important alors je me suis dit qu'on devait être en famille. » Les yeux écarquillés et la lèvre tremblante, j’observe Murphy. « Tu t’es dis qu’on devait être en famille ? » Là, si elle me connaissait, elle saurait que la suite n’annonce rien de bon. Je vais la blesser, je vais certainement m’en vouloir, mais je n’écoute que ma propre peine et ma détresse. « Mais on est pas une famille, Murphy. » Je le crache autant pour la brune que pour son aînée. Murphy vient de débarquer et elle pense qu’on va tous se prendre par la main et chanter kumbaya ? Ma mère croit-elle que ce qu’elle a fait pendant toutes ces années, c’est m’éduquer ? Je me suis construire toute seule parce que j’y étais obligée, je n’ai pas de famille. C’est brutal, c’est cruel, mais sur l’heure leurs petits cœurs sont la dernière de mes préoccupations. Je disparais dans la pièce dans laquelle la jeune femme avait caché ma mère, prête à exploser, retenant des larmes de frustration, de peine et d’humiliation. Murphy me suit, ma mère hésite, dans un état de semi-conscience - peut-être n’a-t-elle rien entendu - et, après avoir tenté de prendre quelques grandes inspirations, j’éclate au visage de ma jumelle. « Comment t’as osé faire ça ? » Quand l’a-t-elle rencontré ? Pourquoi ne m’a-t-elle rien dit ? « Pourquoi t’as fait ça dans mon dos ? De quel droit ? » Ce sont mes fiançailles, et ma mère est ma merde à gérer. Où était-elle la brune, pendant toutes ces années où je grandissais en familles d'accueil et m’occupais d’une adulte parfaitement dysfonctionnelle ? « Tu voulais m’humilier ? C’est ça ? » Et humilier notre mère au passage ? Mes yeux joliment maquillés se remplissent déjà de larmes de rage que je ne parviens pas à retenir. « Mais qu’est ce que je t’ai fait Murphy ? » Puisqu’à mes yeux, elle me reproche forcément quelque chose pour avoir été si cruelle.

La surprise est de taille, fera-t-elle plaisir à Megan ? a en croire son regard, rien ne lui plaît. De la présence de sa mère à la présence de Murphy, tout semble soudain prendre une tournure dramatique. Et alors que la foule se tait, Murphy se rend alors compte qu'elle a peut-être fait une petite bêtise. « Quoi ? » Ne sont-elles pas contente de se voir ? Si on avait amené à Murphy son père pour cette fête, cette dernière aurait été ravie. Mais au regard de Megan, Murphy comprend. Croit comprendre. Peut-être que c'est parce qu'elles ne se sont pas vues depuis longtemps. Billie l'a dit à Murphy, Megan ne vient pas beaucoup la voir. Peut-être a-t-elle oublié de préciser à Murphy qu'elles ne se voyaient tout simplement du plus tout. Oups. « Tu t’es dis qu’on devait être en famille ? » « Oui ? » Oh qu'elle est timide, cette réponse. Murphy redevient bien rapidement une gamine de quinze ans qui se fait gronder par son père. Jouer les caïds, ça a quelque chose de facile quand personne ne regarde. Aussitôt que le public se fait nombreux - nombreux étant deux personnes - Murphy rentre dans sa coquille. « Mais on est pas une famille, Murphy. » Et Murphy se brise, à l'intérieur. C'est douloureux, comme une bouffe d'air brûlante. Une gifle. Un coup de poing. Un coup de couteau. Une grande estafilade juste dans son ego et dans ses sentiments. Si elles ne sont pas une famille, que fait-elle ici ? Pourquoi Megan a-t-elle accepté de l'inviter ? Que fera-t-elle au mariage de sa sœur ? Ou est-ce qu'elle n'en sont pas, justement, des sœurs ? Murphy a malheureusement tout mélangé : le sang n'a jamais fait la famille, même si un des deux partis le veut très fort. Visiblement, Murphy est de ce côté là.

Quand Megan quitte la pièce, Murphy la suit, résolue et un peu honteuse. Les regards vrillent les deux jeunes femmes et surtout Billie, qui ne sait plus ou se mettre. Murphy prend soudain la mesure du ridicule. Billie a l'air de sortir d'un dessin-animé, avec ses cheveux en bataille et ses yeux hagards. La mine contrite, Murphy suit Megan, s'excusant d'un mouvement de main auprès du beau-père de cette dernière. Son courroux ne se lit que dans une petite flamme qui brille dans ses yeux mais les apparences sont parfaitement sauvegardées. Rien ne présage l'éclatement qui aura lieu après la cérémonie, pour sûr. En attendant, Murphy esquive les invités et rejoint sa jumelle, qui n'attend pas un mot de sa sœur avant d'exploser à sa figure. « Comment t’as osé faire ça ? » « Comment toi t'oses me faire ça ? Je voulais juste te faire une surprise. » Juste une surprise qui ne devait blesser personne. Dans son désir de réunir autour d'elle une famille, Murphy a oublié l'essentiel : certaines personnes ne veulent juste pas se retrouver. « Pourquoi t’as fait ça dans mon dos ? De quel droit ? » « Je croyais que ça pouvait te faire plaisir. » Et s'il y a bien des personnes a qui cela a fait plaisir c'est aux invités qui se sont délectés du spectacle. Ils ne s'attendaient probablement pas à voir la parfaite petite fiancée à s'écrouler de cette manière. Oh que les masques tombent, soudain. Murphy ne portait plus le sien depuis quelques temps. Quelle erreur. Elle ne la répètera pas. « Tu voulais m’humilier ? C’est ça ? » « Oh bah oui, bien sûr, j'ai fait ça exprès. » qu'elle martèle, les yeux et les mains levés au ciel. Les choses seraient si faciles si tout n'était qu'un complot. Au moins, tout serait clair. Mais la réalité est pire, plus blessante. Et Murphy l'a mauvaise.

Si Megan se met à pleurer, Murphy reste parfaitement de marbre. Les mots prononcés précédemment sont trop durs. Trop forts. Elle ne fera plus l'erreur de s'ouvrir, pas avec une femme qui a prétendu essayer de faire famille avec elle avant de la poignarder d'un grand coup dans le dos. « Mais qu’est ce que je t’ai fait Murphy ? » Rien. Absolument rien. Sauf... « T'as pas cherché à me retrouver ! » Voilà ce qu'elle a fait. Voilà pourquoi Murphy fait toutes ces erreurs. « Si on se connaissait depuis plus longtemps, j'aurais pu savoir que ça ne te ferait pas plaisir. Mais tu fais toutes ces choses comme m'accueillir chez toi, m'accepter comme ta sœur pour dire après que... » Non, elle ne peut pas. Elle ne répètera pas les mots prononcés par Megan. Sa langue le lui refuse. Reculant, Murphy rejoint déjà la porte que Megan vient de refermer - figurativement comme au sens propre. « Reste égoïste et reste seule. J'irai faire mes surprises à quelqu'un qui les mérite et ne m'humiliera pas devant un parterre gratiné. T'aurais dû me dire que tu m'amenais ici comme un faire-valoir. » Est-elle autre chose, si Megan la repousse si facilement ?

tell me, do you really think you go to hell for having loved ?
Megan Monroe & @Murphy Rowe

« Comment toi t'oses me faire ça ? Je voulais juste te faire une surprise. Je croyais que ça pouvait te faire plaisir. » - « Une bonne surprise ? Me faire plaisir ? » Enragée, je fais volte face et mes yeux lancent des éclairs sur la petite brune. « Une boîte de chocolat, c'est une bonne surprise. Une après midi au spa c’est une bonne surprise. Ramener la mère de quelqu’un à un événement auquel elle était pas invitée, c’est un cadeau empoisonné. Mais… » Au bord des larmes aussi bien que de la crise de nerf, je pose mes mains sur mon front, pour dans mes cheveux que je tire en arrière. « Mais tu l’as bien regardée Murphy ? » Est-ce que tu as vu que c’était une toxicomane ? Est-ce que tu as vu que ce n’était pas quelqu’un sur qui on peut compter ? Est-ce que tu as conscience qu’à cause d’elle je n’ai jamais eu le loisir d’être une enfant ?

Bien sûr, c’est trop violent, d’accuser Murphy d’avoir volontairement fomenté un plan pour me blesser, me toucher ou me faire réagir. Ca l’est encore plus de lui rappeler que si nous partageons une partie de notre ADN, nous n’avons pas grandi dans le même foyer. Est-ce que je ressens pour elle ce que l’on est supposé ressentir pour une sœur ? Je ne crois pas, mais elle ne rend pas les choses faciles, en faisant ce genre de chose, elle ne rend pas les choses faciles en essayant coûte que coûte de nous réunir toutes les trois comme si nous avions quoi que ce soit à nous dire. « Oh bah oui, bien sûr, j'ai fait ça exprès. » Le regard que je lui jette est noir de colère. Soit elle est idiote, soit elle est aveugle et je ne sais pas ce qui est préférable. « Comment tu l’as trouvée ? » J’aboie presque, agressive parce que je me sens attaquée, dos au mur, bien plus agressive que je ne le suis réellement au fond. Depuis des semaines, elle veut la rencontrer et, depuis des semaines, je trouve de bonnes excuses pour repousser le moment où ça arrivera puisque je le redoute. Comment regarder ma mère en face alors qu’elle m’a menti pendant des années ? Elle est là, avec nous dans la pièce, et je ne parviens même pas à croiser son regard tant j’ai honte d’être sa fille et tant je me déteste pour ce genre de pensées. « Tu l’avais déjà vue ? T’as fait ça dans mon dos ? » Je ne suis personne pour lui interdire de rencontrer sa génitrice, théoriquement. Sauf que c’est moi qui la loge depuis des semaines supposées être quelques jours seulement. Je fais des efforts parce qu’elle n’a pas l’air d’avoir grand monde, que c’est également mon cas et que j’ai pensé qu’on pourrait se serrer les coudes.

« T'as pas cherché à me retrouver ! » Cette fois-ci, c’est Murphy qui semble au bord de l’implosion. La voilà, sa blessure, et si j’étais moins en colère où centrée sur les miennes, je l’entendrais. Sur l’heure, je vis mal de recevoir des reproches alors que c’est elle qui me couvre de honte à une soirée supposée tourner autour de moi. « Si on se connaissait depuis plus longtemps, j'aurais pu savoir que ça ne te ferait pas plaisir. Mais tu fais toutes ces choses comme m'accueillir chez toi, m'accepter comme ta sœur pour dire après que... » - « Te retrouver ? Et pour faire quoi ? » J’étais encore une adolescente lorsque j’ai compris que je n’étais pas venue au monde seule, mais accompagnée. Une enfant qui ballotée dans tous les sens par le système parce que ma mère avait déraillé depuis longtemps. Qu’est ce que j’avais à offrir ? Qui aurais-je alors intéressé ? « T’inviter à dormir à la maison ? Tu crois vraiment que c’était le pied de grandir avec elle ? Que c’était enviable ? » Je parle de Billie comme si elle n’était pas là et c’est presque le cas : j’ai grandi avec elle, je sais voir quand elle est sous l’influence de ces merdes qu’elle s’enfile à longueur de journée. Elle n’est pas vraiment là, elle ne l’est jamais vraiment. « Tu crois que j’avais envie de rencontrer ce père qui savait que j'existais et qui s’en foutait ? » C’est sa faute à lui aussi, si je n’ai jamais eu de foyer. C’est leur faute à tous, et voilà qu'ils viennent tout gâcher alors que j'essaye de m’en fabriquer un, aussi factice soit-il. « Tu crois que j’avais envie de constater que, oui, on était deux et que de toi il avait bien voulu s’occuper ? » La vérité, c’est que je n’ai jamais pris la moindre décision. Lorsque j’ai trouvé cette photo, j’ai simplement enfoui l’information au plus profond de mon esprit puisque j’étais incapable de la gérer, incapable de faire avec. Alors j’ai fait comme si cela n’existait pas.

« Reste égoïste et reste seule. J'irai faire mes surprises à quelqu'un qui les mérite et ne m'humiliera pas devant un parterre gratiné. T'aurais dû me dire que tu m'amenais ici comme un faire-valoir. » - « Je t’ai pas invitée. Tu t’es incrustée et je t’ai laissé faire parce que je me suis dit que ça te ferait du bien. » Puisqu’elle a été mise à la porte et que tout semblait si compliqué. « Tu sais ce que t’es ? T’es jalouse. Et c'est vraiment moche à voir. » Parce que ce qu’elle voit lui met la poudre aux yeux. Je ne pense même plus vraiment tout ce que je dis. Je suis blessée et, dans ma chute, je tente simplement d’entraîner le plus de monde possible pour ne pas me sentir seule. « Je suis pas seule. » Je vais me marier, et elle ne sait pas que mon fiancé ne m’aime pas. Je le suis peut-être, seule, mais au moins, de l’extérieur j’ai l’air comblée.

« Mais tu l’as bien regardée Murphy ? » Oui, elle l'a bien regardée. Oui, elle l'aime déjà, cette mère qu'elle ne connaît pas. Peut-être que si elle l'appelait par son prénom - Billie, c'est un joli prénom - cette dernière la reprendrait, préférant déjà "maman". De toute façon, depuis la seconde une, c'est ainsi que Murphy l'appelle et ça n'a pas eu l'air de la gêner. Bien sûr, Murphy a remarqué qu'au coin de son nez, un peu de poudre se figeait de temps à autre. Au cours de ses quelques visites, elle l'a déjà vu sous plusieurs jours, de la joie à la colère en passant par la tristesse. Mais Murphy ne s'en fait pas : les choses seront plus stables lorsqu'elles auront pris le temps de faire un peu mieux connaissance... pas vrai ? En tout cas, Murphy ne se formalise pas : elle et sa mère ont bien le temps de faire connaissance, pendant toutes les années qu'il leur reste à passer ensemble. Mais ça, Megan ne le comprend pas. Après tout, elle n'a jamais cherché à retrouver sa sœur, bien qu'elle en ait été en pleine capacité. Billie, c'est plus compliqué à dire. Elle n'a peut-être juste pas eu les ressources pour la trouver. Les choses sont étrangement plus excusables, pour leur mère. Murphy a constaté son état et elle n'est pas stupide. Après tout, elles ont peut-être le même dealer. C'est une chose qui soude véritablement une mère et une fille. « Comment tu l’as trouvée ? » « J'ai cherché. Un truc que t'es pas capable de faire. » qu'elle marmonne en donnant un coup de pied dans le tapis sur lequel elle marche. La traque n'a pas été bien compliquée : quelques photos volée à son père, une autre volée à Megan portant leurs prénoms et le tour était joué. Murphy a déjà prouvé qu'elle était pourvue d'excellentes capacités d'enquêtrice.

Et après tout, si Megan ne veut pas accepter son présent, ce n'est pas de la faute de Murphy, qui se voit comme la grande incomprise de toute cette histoire. « Tu l’avais déjà vue ? T’as fait ça dans mon dos ? » Oui, connasse. « J'ai pas besoin de ton autorisation pour voir ma mère. » qu'elle crache, renvoyant à Megan son regard noir. Non, elle n'a besoin de l'autorisation de personne et certainement pas de Megan. Si elle ne veut pas chercher, c'est son problème. Murphy, elle, est en quête de ses gènes. Et quand elle regarde Billie, tout est clair. Megan est-elle vraiment sa sœur ? Sa sœur qui l'ouvre à nouveau pour poser des questions stupides, vides de sens et amères. « Te retrouver ? Et pour faire quoi ? T’inviter à dormir à la maison ? Tu crois vraiment que c’était le pied de grandir avec elle ? Que c’était enviable ? » « T'es vraiment conne de penser que t'es la seule à avoir eu une enfance de merde. » Le voilà le problème de Megan : elle se prend pour le vilain petit canard alors que désormais, elle a tout. Murphy n'a aucune idée de ce qu'elle a traversé mais elle sait une chose : son sort est enviable, aujourd'hui, elle qui va se marier à un bon parti et qui vit dans un appartement de rêve. Seulement voilà, Murphy ne connaît pas non plus l'envers du décor. « Tu crois que j’avais envie de rencontrer ce père qui savait que j'existais et qui s’en foutait ? Tu crois que j’avais envie de constater que, oui, on était deux et que de toi il avait bien voulu s’occuper ? » « Oh mais pitié, tu le connais pas, c'est un mythomane Megan. Je pouvais pas me fier à lui, je l'ai jamais fait. » Elle ne le fait toujours pas. Bras croisés, Murphy s'enferme dans son mutisme. Elle n'a vraiment pas envie de parler de Hal, pas à une personne qui ne l'a pas cherché. Lui, au moins, n'a pas menti en disant qu'il avait essayé.

« Je t’ai pas invitée. Tu t’es incrustée et je t’ai laissé faire parce que je me suis dit que ça te ferait du bien. » « Ce que t'es généreuse. Hypocrite, c'est peut-être plus juste, remarque. » Rien ne fait plus mal que de constater que Megan lui a menti tout ce temps, en prétendant l'accueillir à bras ouverts. Les larmes montent aux yeux de la brune, juste comme lorsqu'elle était gamine et qu'un professeur lui a expliqué que non, son père n'était pas une rockstar mondialement connue. Après ça, tout n'a toujours été que chute libre. C'est au fond toujours le cas. « Tu sais ce que t’es ? T’es jalouse. Et c'est vraiment moche à voir. » C'est toi qu'est moche à voir, qu'elle se retient de dire en se dirigeant vers la porte, incapable d'en supporter d'avantage. « Je suis pas seule. » « Bientôt, tu le seras. Damon se rendra vite compte combien t'es pourrie à l'intérieur. » La porte s'entrouvre sur Billie, qui attend sagement de l'autre côté. Elle semble perdue. Murphy attrape sa main et se tourne une dernière fois vers Megan. « Il m'a pas fallu longtemps pour m'en rendre compte. Tu crois qu'il restera aveugle combien de temps ? Tic tac, Cendrillon. Viens, maman. On s'en va. » Cendrillon, elle, épouse le prince à la fin du conte. Où sera Murphy quand même Megan lui aura tournée le dos ?