Il est quatorze heures, et je me prépare doucement à sortir de chez moi. Doucement parce que, je ne me prépare presque pas. En fait, je mets bien vingt minutes à fumer une dernière clope avant de me lever de mon canapé vert. Pourtant je dois me dépêcher parce que Clément m’attend sûrement. Il a dit qu’il avait quelque chose dont il voulait me parler pour avoir mon avis dessus, et vu le ton qu’il employait dans les textos qu’on s’est envoyés, je pense que c’est important. J’ai fini par le comprendre, c’est bien pour ça que je lui ai répondu que je passerais chez lui dans l’après-midi. Je me demande de quoi il veut me parler, et, à vrai dire, je m’inquiète un peu. J’ai peur de beaucoup de choses, si ce n’est tout, et là le ton sérieux de Clément dans ses messages m’interpelle. Je doute que ce ne soit trop grave, sinon il m’aurait directement appelée ou alors il aurait craché le morceau par SMS !

Cependant, je me fais quand même du souci. Parce que c’est dans ma nature, tout simplement. Du coup, je m’allume une deuxième clope. La je-ne-sais-pas-combientième de la journée, d’ailleurs. Je regarde le tableau sur lequel je bosse en ce moment et me fais la réflexion qu’il aurait peut-être l’air bien plus beau à la lumière du jour. Je vais donc ouvrir la fenêtre de mon studio pour laisser le soleil illuminer mon tableau. C’est avec déception que je constate que rien n’a changé, ni le tableau, ni l’image que je m’en fais. Le soleil n’aura pas eu raison de ma perception. Ça y est, je suis agacée, et me dire que je dois sortir n’arrange rien. Le seul truc qui me rassure est le fait que je me dise que si je sors, c’est pour voir Clément, qui en plus a besoin de moi. Je ne me permettrais pas de lui faire faux bond.

Alors j’enfile un gilet en laine noir et je sors. Il ne pleut pas aujourd’hui donc ça suffira largement vu la douceur des températures à ce mois de l’année. Je dois marcher un bon moment puisqu’en ce moment Clément habite dans le quartier de Redcliffe avec Loan. Ça me rassure aussi de penser qu’il n’est sûrement pas tout seul. Quant à ce dont Clément veut me parler, ce n’est sûrement pas trop grave. Du moins je l’espère. Après une bonne marche, j’arrive finalement devant la demeure de Loan & Clément et je sonne sans plus attendre, impatiente d’arriver dans un endroit où je pourrais m’asseoir. Je m’apprête également à dire bonjour avec mon plus grand sourire.

Allongé sur le canapé dans le salon, jambe gauche repliée et jambe droite étendue, bras en travers de mon mon ventre, je me pince l'arrête du nez avec mon pouce et mon majeur gauche. Les yeux fermés, m'efforçant à garder une respiration profonde et calme, j'essaie par tous les moyens de faire partir cette migraine qui a commencé à se faufiler chez moi ce matin et qui prend de plus en plus d'ampleur depuis quelques minutes. J'attends, aussi, que les anti douleurs fassent effet, souhaitant pouvoir accueillir Alexis sans risquer de grimacer à chaque pas que je fais. Je me demande d'ailleurs pourquoi je l'ai contacté tant je les connais, elle et ses tendances à l'anxiété dès que quelque chose touche ses proches. J'aurais peut-être dû accepté lorsqu'elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas venir et je n'aurais pas dû la forcer. Et pourtant, je sais qu'elle est en route !

D'ailleurs, qu'est-ce que je vais lui dire aussi ?  « Hey salut Alex, tu te demande sûrement pourquoi je suis dans cet état ? Eh bien figure toi que c'est sûrement Eddie qui a engagé des gens pour se débarrasser de moi afin que mon studio ne fasse pas d'ombre au sien haha » c'est une pensée des plus irrationnelle, dans le fond je le sais bien. Et Loan m'a clairement dit de cesser d'imaginer une telle chose. Il connaît parfaitement mes déboires avec le danseur et il est persuadé, malgré tout, que l'asiatique ne serait jamais capable d'une telle chose. Je m'en doute aussi et pourtant la partie irrationnelle de mon esprit me hurle que mon passage à l'hôpital d'il y a deux jours est la faute à Eddie.

Lorsque la sonnette retentie, c'est Moana, ma chienne, qui n'a jamais quitté mes côtés depuis mon retour à la maison la veille, qui réagit en première. La petite staffie se lève précipitamment et se met à aboyer contre la porte et le futur intrus. Dans un soupire, je me lève, soutenant mes côtes douloureuses et me dirige, à mon tour, vers l'entrée.  «Moana, ça suffit » lui ordonnais-je de se taire avant d'abaisser la clenche et ouvrir la porte. C'est un doux sourire qui s'affiche lorsque mon regard se pose sur Alexis et je fais un pas de côté pour la laisser entrer  «merci d'être venue et désolé pour le bordel » dis-je en désignant le fait que je n'ai pas eu le courage de rangé quoique ce soit depuis hier midi, Loan étant rentrée tard hier soir et étant reparti tôt ce matin, la cuisine et le salon ne sont clairement pas des plus accueillant. Mais la maison a déjà clairement vu pire.  « Tu veux boire un truc ?» demandais-je, par habitude, en me dirigeant vers la partie cuisine tandis que j'invite Alexis a s'installer sur le canapé du salon, histoire de mettre encore un peu plus de temps entre l'arrivée de la jeune femme et le moment où je vais devoir évoquer son ex et mon hypothèse infondée.

feat. @Clément Winchester

Derrière la porte de l’appartement de Clément et Loan, je me demande bien ce que mon ami me veut. Pourquoi il n’a pas pu m’en parler par sms et pourquoi il a fallu que je vienne chez lui pour comprendre le sujet. Aussi, je me dis que je meurs d’envie d’une cigarette. C’est une réelle addiction que je me traine là et je ne sais pas comment m'en débarrasser. Peut-être qu’un jour il faudra que j’aille voir un psy pour m’en défaire, mais pour l’instant, dès qu’on m’en parle, je n'ai qu’une envie, c’est qu’on me laisse tranquille avec cette histoire « d’addiction », comme j'aime mettre des guillemets pour en parler. Clément me laissera-t-il fumer dans son appartement ? Il est probable que oui, vu qu’il me connait. Il peut sûrement prévoir que je voudrai une cigarette. Oh et puis au pire, je me mettrai à la fenêtre pour la fumer. Tiens, la voilà ma preuve qu’on parle bien d’addiction : je ne fais que parler de cigarette au lieu de me soucier de Clément. En même temps, c’est aussi pour ne pas perdre la tête face aux aboiements de… son chien, visiblement ?

Clément finit par m’ouvrir grand la porte. Je dégaine mon plus grand sourire, et crois immédiatement halluciner.  « Merci d’être venue et désolée pour le bordel. » Mais moi, je n'en ai rien à faire, du bordel. Ce qui m’intrigue, m’intéresse plus que tout là tout de suite, c’est l’énorme hématome que mon ami a sur la pommette gauche et qui me semble plus que louche. Je suis tout simplement bouche bée alors que je me dirige vers le salon pour m’installer sur le canapé. Je n'ai même pas le temps de protester qu’il enchaine. « Tu veux boire un truc ? » Je le regarde, les yeux écarquillés, clignant plusieurs fois pour m’assurer que je ne suis pas dans un rêve et finis par l’interpeller. « Mais Clément ! C’est quoi ça ?! » lâché-je interrogativement en pointant de mon index sa joue visiblement endolorie. C’est sans parler de sa démarche que je trouve bizarre, presque comme s’il boitait. Je me dis tout d’un coup que mon ami a peut-être envie de rester discret quant à ce sujet, bien que ça me pose un grand problème, alors je réponds à sa question. « Un Iced-Tea, s’il te plait… » Assise confortablement sur le canapé, je détaille mon ami et sa démarche. Ce n’est pas possible – quelque chose de grave lui est arrivé et je comprends soudainement pourquoi il voulait que je me déplace. Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé, du moins pas encore, mais ça me prend déjà la tête et le remède à ça, c’est… « J’peux fumer ? » Oui oui, on reparlera d’addiction toute à l’heure. En attendant, je caresse l’animal de compagnie de mon ami comme si j'essayais de chercher du réconfort. De temps en temps, je redirige mon regard vers Clément. J'ai hâte de savoir ce qu’il en est.

Évidemment que la première chose qu'Alexis remarque, c'est la marque de l'hématome sur mon visage. Elle a toujours été très physionomiste à observer le moindre petit changement de l’apparence de quelqu'un, ne serait-ce qu'un infime petit détail. Toutefois, je décide d'ignorer la surprise qui se lit sur le visage de mon amie et, comme tout bon hôte qui se respecte, je me dirige vers la cuisine en lui demandant ce qu'elle souhaite boire. C'est ainsi que je reviens vers le salon avec un icetea pour elle et un coca pour moi, près à lui parler de ce qui me tracasse. Mais avant que je ne puisse m'installer sur le sofa, la jeune femme reprend la parole, me demandant si elle peut fumer.  « Oui, mais dehors du coup s'il te plaît» dis-je me redressant à nouveau. Je contourne la table basse pour me diriger vers la porte coulissante qui s'ouvre sur une terrasse bordée d'un petit jardin.

Ne voulant pas priver Alexis de sa drogue, je retourne vers le salon, reprend les deux boissons et les ramène dehors sur la table de jardin. Refermant la porte derrière nous pour garder au maximum la fraîcheur à l'intérieur, je fini par m'installer sur une chaise, grimaçant lorsqu'une vague de douleur parcours mes côtes. Je met quelques instants pour trouver une position confortable avant d'ouvrir ma boisson et d'en prendre une gorgé

 « Je me suis fait agressé hier dans mon studio» dis-je finalement en reposant la cannette sur la table, relevant en même temps mon regard sur Alexis  « Tout s'est passé tellement vite, mais je me rappelle encore parfaite de leur voix et ...» je pince les lèvres, hésitant  «Je sais qui ils sont » je me passe une main sur le front puis soupire doucement  «Ce sont des gars qui sont venus pour suivre des cours chez nous mais ils foutaient plus la merde qu'autre chose et j'ai décidé de leur interdire l'accès au studio. Et eux on décidé de se venger » j'humecte mes lèvres et attend quelques instants avant de reprendre  « Ils viennent du studio d'Eddie.»

Voilà, la bombe est lâchée. Et c'est à ce moment là que je me demande sincèrement pourquoi j'embarque mon amie dans cette histoire. Elle n'a rien à voir là-dedans, elle mériterait d'être tranquille et d'oublier totalement son ex petit ami. Pourquoi, donc, évoquais-je le nom de ce dernier ici, face à elle ? Mais maintenant que c'est fait, je ne peux plus revenir en arrière.  « Loan me dit que je débloque totalement mais je n'arrête pas de me dire que c'est un coup monté d'Eddie, qu'il est derrière tout ça» et plus j'en parle, plus je me sens con et plus je me dis que c'est vraiment idiot comme hypothèse. Et pourtant, c'est une idée qui s'est implanté dans mon esprit et qui ne cesse de prendre encore plus d'ampleur au fur et à mesure que passent les heures.

feat. @Clément Winchester

Je ne comprends pas pourquoi mon ami ne réagit pas. N’y a-t-il que moi qui ai remarqué son hématome sur la joue ? Pourtant, il est assez visible, et je vois bien que ma réaction ne l’étonne pas. Il sait très bien qu’il a la preuve que quelque chose de grave s’est passé sur le visage, seulement il ne veut sûrement pas en parler tout de suite. Je décide de le laisser faire, lorsqu’il m’indique la terrasse pour fumer. « Oui, mais dehors du coup s'il te plaît » Ca, je veux bien le respecter. Ça ne m’étonne qu’à peine. Même pas, en fait. Il est normal que Clément veuille que son appartement qu’il partage avec Loan reste propre, et ça passe par avoir une bonne odeur ambiante. Et j’ai beau être une fumeuse, je comprends que l’odeur de la clope n’est pas la meilleure chose à avoir dans son habitation. Moi, je fume parfois la fenêtre fermée dans mon studio et je n’en suis pas fière. Je me dirige donc vers la terrasse derrière Clément qui ouvre la porte coulissante pour moi. C’est vraiment un joli appartement qu’ils ont, ces deux-là. Je sors ma clope de son paquet et l’allume allègrement sans attendre alors que Clément part chercher nos deux boissons à l’intérieur. Mon regard ne le quitte pas, mon ami, parce qu’il me cache quelque chose et je m’inquiète. Je m’inquiète très facilement pour ceux que j’aime. Lorsqu’il revient, il s’installe sur une des chaises et je le vois bien grimacer de douleur. Je le vois bien, ma mine devient expressive d’inquiétude alors qu’il prend la parole avant que je puisse dire quelque chose. Enfin.

« Je me suis fait agressé hier dans mon studio » Mon expression faciale est d’un coup catastrophée, je faillis cracher mes poumons et ma gorgée d’iced-tea. Je tousse bruyamment alors que Clément me regarde pour poursuivre. « Tout s'est passé tellement vite, mais je me rappelle encore parfaitement de leur voix et... » Je bois ses dires autant que je bois mon iced-tea, je l’écoute attentivement. Plus rien ne compte, même ma cigarette est en stand-by tant qu’il n’aura pas fini son histoire. « Je sais qui ils sont » Je les fixe, lui, ses yeux et son hématome, avant de plonger sévèrement mon regard dans le sien l’air de demander : et donc ? Mon ami passe une main sur son visage, soupire et continue. « Ce sont des gars qui sont venus pour suivre des cours chez nous mais ils foutaient plus la merde qu'autre chose et j'ai décidé de leur interdire l'accès au studio. Et eux ont décidé de se venger » Doucement, je commence à comprendre la situation. Je ne suis plus dans le flou comme je l’étais au début. Je trouve ça terrible ce qui s’est passé, mais ce qui vient m’achève. « Ils viennent du studio d'Eddie. » Deuxième fois dans cette journée que j’aurais failli cracher mes poumons et ma boisson. Qu’est-ce qu’il vient de dire ? Ils viennent du studio d’Eddie. Mais ça veut dire quoi ? Je pense à voix haute. « Mais… » A moitié à voix haute. Je n’exprime pas tout de suite ce à quoi je pense parce que je suis encore sous le choc. Cela laisse le temps à Clément de balancer une dernière phrase. « Loan me dit que je débloque totalement mais je n'arrête pas de me dire que c'est un coup monté d'Eddie, qu'il est derrière tout ça ».

Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, je n’arrive pas à croire ce que je viens d’apprendre. Mon ex petit-ami aurait-il vraiment tenté d’agresser Clément ? Alors que le choc fait que j’aurais envie de parler en criant, je m’adresse à mon ami le plus doucement possible, presque en chuchotant, presque comme si quelqu’un pouvait nous entendre. « Il était parmi eux ? Eddie, je veux dire. Il faisait partie des gars qui t’ont agressé ? » C’est la première chose dont je dois m’assurer, dont je dois avoir le cœur net. Parce que s’il faisait partie de la bande, s’il a levé la main sur Clément, alors je ne réponds plus de rien en terme de… colère contre lui. Puis je me décentre de mon point de vue et pense à Clément, mon ami, qui a dû, et qui doit encore terriblement souffrir de la situation. « Je suis désolée que ça te soit arrivé Clément. C’est injuste. » affirmé-je avant de rattraper ma clope que j’avais délaissée jusqu’ici et prendre une taffe pour me relaxer. J’essaie d’être la plus présente pour mon ami. « Tu vas porter plainte ? » Je me permets de demander ça avant de prendre une autre gorgée de mon iced-tea. Puis, pensant cette fois-ci à voix haute… « Eddie… » Parce que oui, si c’est un coup monté de sa part, ça veut dire qu’il tombe vraiment, vraiment bas dans mon estime. Comment aurait-il pu faire ça à Clément ? N’a-t-il plus une once d’amitié pour lui, comme il en avait à l’époque ?

Quelle idée n'ais-je donc pas eue ? Pourquoi évoquer le nom de son ex-copain devant Alexis, alors que je sais très bien à quel point elle a souffert de la rupture (et combien elle souffre toujours). Et pourtant, je suis là, à lui parler d'Eddie et de mes hypothèses à con par rapport à l'agression de la veille et le fait que peut-être le danseur pourrait être derrière tout cela. Pourtant Loan est clair et net : Eddie n'a rien à voir la dedans. Et dans le fond, je le sais aussi. Toutefois, une part de moi est persuadé que mon ancien ami ne souhaite qu'une chose : m'éliminer, moi et mon studio qui fait peut-être de l'ombre au sien.

Il n'en faut pas plus à Alexis pour s'étouffer avec sa boisson, choquée par mes aveux. Sans réellement réussir à rassembler ses idées, elle fini par soupirer et me demander si Eddie était avec les gens qui sont venu dans le studio  « non, il n'était pas avec» secouais-je la tête. De toute manière je l'aurais reconnu, mon ancien partenaire de scène ayant un physique qui ne passe pas inaperçu, même déguiser de façon à ce qu'on ne le reconnaisse pas de prime abord.  «Il n'y avait que trois danseurs de lui. Ils étaient déjà venu plusieurs fois chez moi, dans mon studio et ne cessaient de foutre la merde. Donc je les ai viré et je leur ais dit de ne plus venir, ce qu'ils ont très mal prit  » je secoue doucement la tête  «Heureusement qu'il y avait un mec qui est passé au même moment et qui les a fait fuir d'une façon ou d'une autre, sinon... » je ne fini pas ma phrase qui reste en suspens, Alexis se doutant sûrement ce qui viendrait à la suite.

 « Enfin bon, je suis désolé de te mêler à tout ça» reprenais-je après avoir pris une gorgé de ma boisson  «Mais ...je sais pas, je pensais que tu aurais aimé que je t'en parle et donc voilà » je laisse échapper un soupire et secoue doucement la tête  « T'as rien entendu toi ?» demandais-je finalement en reportant mon attention sur la jeune femme, incapable de savoir si elle est encore en contact avec Eddie ou non.

feat. @Clément Winchester

Je crois que je suis toujours sous le choc de ce que je viens d’entendre. J’ai du mal à fonctionner correctement, du mal à ne pas croire que tout ceci n’est qu’un mauvais rêve. Comment suis-je censée réagir, de toute façon ? Qu’est-ce que Clément attend de moi ? Le connaissant, il doit se sentir gêné, au fond, de me mettre dans une telle position. Moi qui dis vouloir oublier Eddie, moi qui dis l’avoir rayé de ma vie anyway. Ce que me dit mon ami fait ressurgir tous les souvenirs que j’ai avec mon ex, et c’est d’autant plus douloureux que je ne retrouve que des souvenirs tendres, teintés de douceur et absolument pas de violence. Eddie ne ferait pas ça… et pourtant, une partie de moi ne peut s’empêcher d’y croire. Je comprendrai plus tard que c’est tout simplement parce que c’est toujours plus simple de trouver des raisons de détester quelqu’un plutôt que d’assumer ses possibles restes de sentiments.

Dans tous les cas, il faut que j’aie le cœur net sur plus d’un détail, et je commence par demander à Clément si mon ex petit ami était carrément présent dans le groupe qui l’a agressé, ce soir-là. « Non, il n'était pas avec. » « Ouf. » Immédiatement, il doit m’entendre soupirer bruyamment de soulagement et reprendre une taffe furtive de ma cigarette. C’est déjà un bon point, non ? Ça n’empêche pas la possibilité qu’il tirait les ficelles de l’opération, et je ne sais pas si j’y crois ou pas. Très honnêtement, je suis plutôt perdue. Je continue d’écouter mon ami en faisant tomber le bout de ma cigarette consumé dans le cendrier prévu à cet effet. « Il n'y avait que trois danseurs de lui. Ils étaient déjà venus plusieurs fois chez moi, dans mon studio et ne cessaient de foutre la merde. Donc je les ai virés et je leur ai dit de ne plus venir, ce qu'ils ont très mal prit. » Le seul truc qui me vient en tête c’est qu’il a eu la bonne réaction en leur disant de dégager. Mais apparemment il l’a payé cher… Je hoche la tête, signe d’écoute active. « Heureusement qu'il y avait un mec qui est passé au même moment et qui les a fait fuir d'une façon ou d'une autre, sinon... » Il ne continue pas, la phrase est en suspens, mais je comprends directement la gravité de la phrase et des événements. Prenant une gorgée de mon iced-tea pour me rafraichir, je pose mon regard doux et dépité sur Clément. « Ouais, je vois… Je sais pas si je suis plus triste ou en colère. »

Triste parce que c’est attristant de voir son ami dans un tel état après s’être fait passer à tabac, en colère parce que ça fout la rage de savoir que de telles personnes pourraient s’en prendre à n’importe lequel ou laquelle de mes ami.e.s d’une telle manière. Et le pire, c’est que je ne peux rien y faire. Si je ne suis pas avec la personne au bon moment… oh et puis de toute façon, qui suis-je pour penser que je lèverais le petit doigt ? Me connaissant, je serais sûrement tétanisée sur place, donc franchement inutile. « Enfin bon, je suis désolé de te mêler à tout ça » recommence-t-il. Pourquoi s’excuse-t-il alors que c’est lui la victime dans tout ça ? « Mais... je sais pas, je pensais que tu aurais aimé que je t'en parle et donc voilà. » Je hoche la tête en approbation avec un petit sourire. Un sourire de compassion, et d’amitié. Je suis heureuse qu’il m’en parle, que la possible implication d’Eddie dans l’affaire ne l’ait pas retenu. « Tu as eu raison de m’en parler. » le rassurai-je. « T'as rien entendu toi ? » Je fais mine de réfléchir pendant un instant, mon regard dans le vide, alors que je connais très bien la réponse. Je cherche quand même, pour pouvoir lui offrir quelque chose, n’importe quoi, mais je ne peux pas. C’est la tête baissée, le regard vers le sol que je lui réponds. « Non, rien… Je n’ai pas entendu parler d’Eddie depuis le soir où on s’est séparés, donc bon… » J’essaie encore de réfléchir juste au cas où j’aurais un éclair de génie, mais je finis par secouer la tête doucement. « Ouais, nan, je peux vraiment pas t’aider sur ce coup-là. » Pourtant j’aimerais, mais rien ne me vient. Je redresse la tête et souris tendrement à Clément. « Tu comptes faire quoi ? Parler à Eddie, obtenir sa version ? » Ce serait sûrement la chose la plus évidente et simple à faire. Enfin, peut-être pas si simple que ça mais ça vaut le coup. Je finis ma clope et en allume une autre, instinctivement. J’ai les mains moites, je suis un peu stressée de cette conversation je l’avoue.

Si je sais que je vais facilement me remettre, physiquement, de mon agression, je sais que moralement le chemin sera plus long encore. Je sens déjà maintenant à quel point je suis plus tendu lorsque je me retrouve seul chez moi qui, pourtant, est un endroit dans lequel je suis en sécurité. Et pourtant, j'ai cette peur qui me prend dès que Loan sort de la maison et qui ne me quitte pas jusqu'à ce qu'il revienne le soir. Ainsi, je sais que jamais il n'aurait l'esprit clair tant que je ne sais pas si Eddie est en cause ou non. C'est pour cela que je décide d'en parler à Alexis qui pourtant doit avoir autre chose à foutre que de m'entendre parler de son ex.

Toutefois, elle est extrêmement conciliante et je sais qu'elle me soutiendra moi et non le danseur. M'assurant que j'ai bien fait de lui parler, elle fini toutefois par m'avouer qu'elle n'a rien entendu, n'ayant de toute manière aucune nouvelles du jeune homme depuis qu'ils se sont séparés  « Je vois ...» soupirais-je en hochant doucement la tête, attrapant ma canette de coca pour en boire une gorgé haussant les épaules lorsqu'elle me demande ce que je compte faire  « Aucune idée» dis-je en secouant la tête, mon regard se posant sur la table  «J'aimerais bien lui parler, mais faut que j'attende le rapport de police et tout ça. » je soupire doucement  «Et en vrai je sais même pas si je veux lui parler. » mes lèvres se pincent  «Je veux dire, je suis pas sûr d'avoir le courage de lui faire face à nouveau, surtout pas dans cet état » Si je me décide de lui parler, ce sera bien plus tard, lorsque mes blessures physiques seront guéries.  «Enfin, on verra bien en tant et en heure. Pour l'instant j'ai juste envie de profiter de Loan et du fait que je sois encore en vie » j'ai l'impression de partir totalement défaitiste pour le coup, mais peu importe, c'est vraiment ce que je pense.