Il s’assoit à côté d’elle avec un petit sourire. Il ne compte plus les galas auxquels il assiste depuis des mois dans le but de croiser les enfants Walker. Il se glisse d’évènements en évènements, créant les conversations de toutes pièces, s’éclipsant dès que les mots se perdent et qu’il manque de se dévoiler. Lexie, il l’a également croisée dans le cœur de la nuit, là où l’alcool coule à flot et la musique fait rage. Il en est resté loin toutes ces fois-là, observant de loin celle qui pourrait être sa sœur, constatant surtout qu’ils sont bien trop similaires. Elle semble être le mouton noir à côté de la perfection si fade aux yeux de l’acteur de Channing Walker. Non Lexie est bien plus intéressante, peut-être parce qu’il se reconnait bien plus en chacune des réactions de la brune.

« Lexie. » Il prononce son prénom avec affection, entrant dans son jeu habituel. « C’est toujours un plaisir de te voir. » Est-ce que ça l’était vraiment quand ce jeu n’aboutissait nulle part ? Dans une autre vie il aurait sans doute aimé jouer avec la jeune femme qui semblait bien lui rendre en retour, probablement se glisser dans son lit le temps d’une nuit. Mais ils étaient dans une autre vie. Et dans cette vie là, Freddy ne pouvait pas avouer pourquoi il ne toucherait jamais à la peau pale de Lexie. Leur possible lien de parenté ne cessait de le hanter, peut-être parce qu’elle était la plus jeune. Peut être aussi parce qu’il partageait la même couleur de yeux et Freddy avait beau se répéter que les yeux bleus n’étaient pas si rares, il avait un pressentiment quand il la voyait.

Ce pressentiment était assez pour qu’il se glisse dans la vie des Walker depuis des mois, pour qu’il croie à cette lettre un peu plus à chaque fois sans jamais être sûr de comment aborder le clan familial. Il joue encore un jeu distant, fait de questions et de fuite, de sourires et de masques artificiels.

Ce soir il est prêt à endurer une soirée à table pour la croiser de nouveau.  Une table dont la moyenne d’âge est beaucoup trop élevée. « Excusez-moi. » Il se tourne vers le serveur non loin. « Le verre de mademoiselle me semble bien vide, vous devriez y remédier. »  Il offre son plus beau sourire au serveur, celui avec lequel il est habitué à obtenir tout ce qu’il veut avec un peu trop de facilité.

Une fois les verres servis il se penche pour venir murmurer à son oreille « de corvée de gala ce soir ? » s’il y avait bien une chose qu’il avait remarqué c’était que la brune détestait ces évènements et lorsqu’elle s’y rendait cela n’apparaissait pas être par choix. Alors il fit la première supposition qui lui vient à l’esprit, son ton entrelacé de provocation, un murmure que seul elle put entendre : « Mama Walker ne t’a pas laissé ton mot à dire ? »  

@Lexie Walker  

Elle lui adresse un sourire tout ce qu’il y a de plus faux, un sourire digne des siens et ça ne fait qu’élargir le sien. Il l’agace, peut-être parce qu’il n’a pas répondu à ses avances ? Peut-être parce qu’il pose trop de questions ?  Des semaines qu’il observe cette famille dans son habitat naturel qu’il a compris que les mots de la matriarche ne sont pas de ceux qui sont contredits. Que l’ainé est absent de par son choix, que le second est bien trop parfait et a les épaules pour assumer toutes les responsabilités, que la dernière, elle, n’a jamais été faite pour être enfermée dans un corset, assise de force à ce gala qu’elle aurait préféré fuir.

« Du tout, j’adore … les bébés phoques et les pauvres orphelins. » C’est elle qui lui plait le plus, c’est à elle qu’il s’identifie dans cette famille.  « Ce qui m’interpelle, cependant, c’est ta présence, ici, ce soir. Tu es tellement philanthrope que je te vois dans tous les galas, ou bien tu as perdu un pari ? » Lui aussi préfère de loin les soirées arrosées à ces galas mondains, aller danser jusqu’au bout de la nuit avec un verre de trop et un rail de cocaïne. Mais il n’est pas ici pour le gala mais bien pour elle. « Faut que je redore mon image, mon agent dit que je finis un peu trop dans la presse à scandale. » murmure-t-il avec un clin d’œil avant de prendre une nouvelle gorgée de son verre.

« Lexie, ma chérie, ta mère n’est pas là ce soir ? » Ca y est la vieille harpie la fait prisonnière, attrapant la main de Lexie pour ne plus la lâcher. « Hoooo et ton père, je suis certaine qu’il aurait adoré être parmi nous. Sa disparition a été si tragique, une grande perte pour nous tous ! Il doit atrocement te manquer. » A la mention du père, Freddy se crispe, ses doigts se resserrant sur sa coupe. Il observe le visage de la brune qui devient plus blanche que la nappe. Il ne peut se demander quel genre d’homme l’homme était.  Pour immédiatement chasser la curiosité. Il ne veut pas le connaître il sait déjà quel genre d’homme il était. Le genre à tromper sa femme, le genre à abandonner l’enfant bâtard qu’il n’aurait jamais pu assumer. Une grande perte, tout est question de point de vue. Mais elle a la peau dure la curiosité, parce qu’il le voit à son regard toute l’affection que la brune avait pour son père, il le voit à l’inspiration qu’elle doit prendre pour se calmer pour ne pas répliquer à la vieille harpie qui a mentionné le père Walker.

« Et il aurait adoré passer cette soirée avec vous. »

L’acteur attend un instant que les conversations ne se concentrent plus sur eux et il finit par demander, le masque de l’acteur souriant et charmeur oublié le temps d’un instant. « Il était comment ? » Il a envie de se mordre la langue face à cette question qu’il n’aurait pas voulu poser, parce qu’il ne veut pas savoir. Et pourtant, la sincérité se lit dans le ton de sa voix, l’envie de combler l’absence de visage, l’absence de personnalité, l’absence de ce père biologique qui n’est peut-être même pas le sien. Quel père a-t-il été ? Quel père aurait-il pu être ? Le regard de Freddy croise celui de Lexie et comme toujours est frappé par la ressemblance. Mais est-ce simplement ce qu’il souhaite voir ou la femme à ses côtés, dont le caractère est sur bien des points de vue similaires au sien, sa sœur ?

@Lexie Walker

« C’est simplement une question d’habitude. Il faut savoir se faire discret, sans pour autant délaisser le plaisir. »  Il lui adresse un regard moqueur, elle a l’air d’être une experte à comment se sortir de l’ennui de ces soirées. Lui s’y sent malgré tout relativement bien, habitué à changer de masques pour l’occasion, même s’il doit le reconnaître, ses soirées à lui sont bien plus intéressantes. « Si tu me fais sortir d’ici avant la fin du repas, je te montrerai comment faire … mais j’suis pas sûre que tu sois prêt pour ça. »

Il y avait bien une chose que l’acteur n’avait pas prévu en rencontrant les Walker. Que la sœur comme le frère pensent qu’il était là pour les draguer. Bien sûr sa réputation ne l’aidait en rien, il savait pertinent qu’il était connu pour son charme et le nombre de personnes qu’il mettait dans son lit. Mais en l’occurrence, pour une fois cela ne l’arrangeait pas alors qu’il se force à contrôler la grimace qui manque de déformer ses traits. Car elle est peut-être sa sœur mais de ça il est le seul au courant. Il se rattrape vite cependant, abordant son éternel sourire moqueur, parce que c’est le jeu, parce que si prétendre qu’il est en train de flirter avec la demoiselle lui permet d’obtenir rien qu’un peu sa confiance, ça sera déjà ça. « Darling, je suis toujours prêt à tout. » Il respire une confiance en lui qui n’est presque pas fictive, après tout cela fait des années qu’il la travaille pour que le masque devienne ce qu’il est vraiment.

Le sourire de l’acteur disparaît vite lorsque des questions sont posées sur le père de Lexie et à son tour il ne peut retenir les interrogations qui le taraudent, la question qui s’échappe sans qu’il ne la retienne.  Lexie l’observe longtemps sans rien dire, elle semble hésiter et il se mord la lèvre, se demandant pourquoi il a posé une question aussi stupide.

« Absent. Aimant. » Deux contradictions. Le deuxième mot le fait boire, quand le premier ne lui rappelle que trop bien les premières années de sa vie.

« Il était très pris par la société, mais quand il était là, il était là à 100 %. Avec lui, on faisait des randonnées, des sorties en mer, on allait au parc d’attractions … C’était la fête. »  Son rire est sans joie et la tristesse qu’il entend sa voix lui serre le cœur. Car il réalise qu’elle ne ment pas. Que le portait de cet homme est juste et véritable. Qu’il était un bon père, il n’était juste pas le sien.  « Comme si ça pouvait effacer les absences, compenser pour tout le reste … »Sa gorge se serre, son teint est devenu pale. Cela ne peut pas être lui, il n’arrive pas à concilier la description à l’image du père biologique qu’il se fait.

« Je l’adorais. Et il nous adorait. Il avait toujours voulu avoir des enfants, contrairement à Mary. Les jours où il était là, il arrivait presque à compenser l’absence d’investissement et d’amour de notre mère. »

Il avait toujours voulu avoir des enfants.

Les mots ne devraient pas faire mal et pourtant ils brisent quelque chose en lui. Alors que soudain il détourne son regard, sa mâchoire se serrant, il repose le verre pour éviter qu’il se brise sous ses doigts. Il réalise trop tard qu’il ne veut pas savoir, pas entendre à quel point ce père était merveilleux quand il a choisi de le laisser derrière lui. Car si Richard Walker est bien son père, cela veut dire que ce père aimant qui voulait des enfants n’a pas voulu de lui, qu’il n’était rien, pas assez pour compter, pas assez pour être aimé ou voulu, tout juste bon pour être laissé devant un hôpital sans un regard en arrière.

Cela ne fonctionne pas à l’image que la jeune femme a de son père. Il ne devrait pas être jaloux quand lui aussi a eu un père aimant, un père qui l’a choisi et qui l’a encouragé au bout de ses rêves et ambitions, un père qui l’a accepté peu importe ses défauts ou ses qualités. Mais pourtant, le manque reste là parce qu’une personne l’a conçu, une personne a fait le choix de le laisser derrière lui et qu’il a passé six ans de sa famille de famille en famille, sa peau abimée et son esprit marqué par certaines, avant de tomber sur la famille qui a choisi de l’aimer.

« Et toi, comment sont tes parents ? Que font-ils dans la vie ? » « Mon père est chirurgien, ma mère avocate, ils sont aimants et présents et on a jamais manqué de rien. » Il répond du tac au tac, d’un ton mécanique, encore trop perdu dans ses pensées, décontenancé. Cela devrait être suffisant. Pourquoi n’arrive-t-il pas à se contenter de la famille qui l’a adopté et aimé ? Pourquoi ne peut-il s’empêcher de chercher à fouiller dans le passé ?

« Et pourquoi tu poses toutes ces questions sur les miens ? Que veux-tu, à la fin ? » La question lui arrache un bref rire qui n’a rien de joyeux, il est même un peu triste. « C’est si grave, que j’ai envie d’apprendre à te connaître ? » Cette fois-ci le ton est sincère alors que son regard rencontre le sien. Aucun sourire moqueur n’étire ses lèvres. Il questionne, une pointe de colère dans la voix. Parce qu’il a envie de savoir qui elle est.

@Lexie Walker  

« Ca, ça m’étonnerait. Mais soit, on verra bien comment tu t’en sortiras tout à l’heure. » Elle était méfiante, testant chacune de ses réactions, cela n’avait rien d’étonnant quand il fuyait dès qu’elle se rapprochait un peu trop.

Lorsqu’elle évoque son père, leur père, il se crispe instantanément, reconnaissant l’amour dans sa voix, l’admiration dans ses yeux, la tristesse dans son cœur. L’homme est mort et il est resté dans l’esprit de ses enfants un père aimant, un père heureux. Alors pourquoi n’arrive-til pas à concilier cette image avec celle du père qui avait une maîtresse, qui n’a pas assumé d’avoir un enfant hors de son mariage, qui a préféré qu’il soit laissé de côté ?  Il n’arrive pas à cacher ses réactions, à cacher la colère dans ses yeux, ses mains se serrant si fort qu’il est heureux de ne plus tenir la coupe entre ses doigts.

Malgré tout pourtant, il a envie de connaître Lexie, peut-être plus que les autres, toujours plus doué avec ses sœurs qu’avec ses frères apparemment. Peut être aussi parce qu’il se reconnait en elle, elle qui lui est bien plus similaire que Channing. Et bien plus similaire que Tessa ou Lincoln. C’est ce sentiment de se voir dans un miroir qui le fait s’accrocher un peu plus à leur conversation. « Grave, non. Inédit, oui. Pourquoi tu voudrais faire ça ? » Un rictus étire ses lèvres. Il réalise que comme lui elle n’est pas habituée à ce qu’on veuille la connaître. Lui non plus n’était pas habituée aux conversations sincères. On voulait lui parler pour devenir une de ses conquêtes ou pour bénéficier de sa notoriété ou de son argent. Et ça il le comprenait. Son regard s’attarda dans le sien un instant et il choisit pourtant de ne pas répondre à la question, détournant brusquement la conversation. « Qu’est ce que tu penses d'une servitude ?  J’envisage d’acheter une nouvelle maison mais le notaire m’a dit qu’il y avait une servitude, tu t’y connais en immobilier non, bon plan ou mauvais plan ? Je peux m’en débarrasser facilement ?Non parce que tu sais je me dis qu’il faudrait vraiment que j’investisse dans l’immobilier, c’est quand même un bon filon et puis j’aimerais bien ouvrir une galerie d’art un jour, faudrait que je cherche un lieu pour ça aussi. Mais bon déjà une maison dans la campagne ça pourrait être sympa, il faudrait vraiment que je me renseigne. Je suppose que toi tu dois vraiment avoir pas mal de différentes propriétés.  » il a attrapé un amuse-bouche et reprit sa coupe, retrouvant son masque habituel de mondanité, un sourire aux lèvres.  Il n’a pas répondu à sa question et le sait parfaitement. Soudain pourtant il se tourne de nouveau vers elle et d’un ton malicieux et secret murmure : « Ca te dit qu’on vole les petits fours et qu’on prenne la fuite ? » Comme un gamin fuyant un monde d’adultes, il cherche à entraîner Lexie dans sa fuite.

@Lexie Walker  

Il débite un monologue qui n’a pas de sens. Pas de sens avec ce qu’il voudrait dire. Pas de sens avec ce qu’il a envie de lui faire comprendre. Freddy a envie de connaître Lexie. Pas pour son argent, par pour sa notoriété ou ses relations. Pour elle. Parce qu’elle est une Walker. Parce qu’elle est peut-être sa soeur.

« Je pense que tu as surestimé mes compétences dans ce domaine, je ne travaille pas pour le Walker Group … Mais tu devrais éviter les servitudes, c’est une source d’ennuis quasi certains. » Il lit l’agacement dans ses yeux. Encore une fois il se défile, choisissant la fuite plutôt que l’honnêteté quand l’honnêteté est bien trop difficile à dire. Il la sent s’échapper, se refermer et aussitôt tente de la rattraper avec une proposition. Voler une bouteille et des petits fours, quitter ce gala auquel aucun d’eux n’a envie d’être, disparaître dans la nuit et peut être, peut être espérer arriver à créer un quelconque lien avec la jeune femme.

« Tu t’occupes des petits fours. Je m’occupe d’une bouteille. On se retrouve dehors dans 5 minutes. »

Il lui adresse un grand sourire mutin, heureux de la voir se laisser embarquer malgré tout. Il l’observe s’éloigner tout en politesse, pendant ce temps, il attrape sa coupe et la termine cul sec. Il espère qu’elle choisira une de ces bonnes bouteilles tant qu’à faire. Quelques instants plus tard, il est déjà debout, adressant des sourires aux invités, s’esquivant dans le couloir, là où s’apprêtent à être servis les petits fours. Lorsque les serveurs ont le dos tourné, l’acteur subtilise un plateau et prend la fuite dans les couloirs luxueux jusqu’à l’extérieur. c’est là qu’il la retrouvera cette femme qui est peut être sa soeur. Cette soeur qui lui ressemble de trop et qui lui donne envie de créer un lien, cette soeur qu’il prétend ne pas vouloir connaître quand en réalité il a envie de tout découvrir.

@Lexie Walker