I saw you in another's arm, you look happier. Saw you walk inside a bar, she said something to make you laugh, I saw that both your smiles were twice as wide as ours. Yeah, you look happier, you do. Ain't nobody hurt you like I hurt you but ain't nobody love you like I do
[Contexte - UA 2021 Alex revient à Brisbane dix ans après s'être enfuie après avoir abandonné son enfant à la naissance. Elle revient pour l'enterrement de Rachel son ancienne meilleure amie.]
En retard à son enterrement, et c’est finalement en somme logique. Qu’est-ce que vingt minutes de retard quand on cumule déjà plus de dix années d'absences ? Je reviens dans sa vie dix ans plus tard, dix ans trop tard. Et je reviens dans sa vie quand celle ci prends fin. Y’a pas de meilleur moyen pour symboliser le retard non ? C’est trop tard mais je suis là. J’ai mis dix ans pour revenir à Brisbane. 10 longues années pour revenir ici et c’est dans une église que je me rends comme première destination et sûrement unique aussi. Rachel est morte, c’est trop tard et pourtant je suis là. Cachée au fond de l’église derrière mes lunettes de soleil et mes cheveux noirs qui sont à des années lumières du blonde que je portais à l’époque. Le visage pâle de la Londonienne en manque de soleil que je suis. Je suis blanche, trop blanche et je n'ai même pas réussi à cacher ma mauvaise mine derrière du maquillage, à quoi bon ? A quoi bon se maquiller, prendre soin de soit s'il n'y a personne pour le remarquer ? Je ne suis plus que l’ombre de moi même, plus qu’une ombre tapis dans un coin en train de prendre conscience que je l’ai perdu et cette fois définitivement. C’était déjà le cas, je ne dois pas me voiler la face. 10 ans d’absence, de silence, je l’avais déjà perdu depuis longtemps. J'avais gâché notre amitié toute seule, bien avant que la mort s'en charge une bonne fois, définitivement. Je les ai perdu, elle et tout les autres et je n’ai rien à faire ici et pourtant je suis là. Parce que pour une raison qui m’échappe je n’ai pas pu trouver de raisons irréfutables pour ne pas venir. Je n’avais pas non plus de raisons d’être là mais je suis pourtant présente. Pour le dernier jour de Rachel sur terre, enfin même si elle n’est déjà plus parmi nous. Je n’ai pas été là pour elle de son vivant et pourtant j’ai fais des milliers de kilomètres pour sa mort. Je suis revenue à Brisbane pour son enterrement, alors que je n'ai jamais eu la force de revenir avant. J’ai toujours eu une façon bien à moi de choisir comment gérer les moments forts d’une vie. Je fuis face à la vie, je fuis face au bonheur et j’accours quand la mort est proche, sauf que c'est la mienne que j'attendais et pas celle de Rachel. L'annonce a été un choc, un message privé sur mes anciens réseaux sociaux, inactifs mais pourtant toujours ouverts. Ils se sont arrêtés en juillet 2011, mes dernières publications, mes derniers signes de vie mais je n'ai jamais pu les effacer, me connectant de temps en temps pour voir la vie des autres continuer sans moi. Celle de Rachel particulièrement, celle de Tim aussi de temps en temps et j'aurais aimé suivre celle de Caleb mais lui et les réseaux sociaux ça n'a jamais été le grand amour. C'est dingue que le mot amour soit le premier qui me vienne quand je fais référence à Caleb non ? Surtout que si lui n'a pas de réseaux sociaux, ce n'est pas le cas de sa femme. sa femme, mon dieu que ça fait mal de dire ça, de penser ça. Parfois je me dis que j'aurais du supprimer mes comptes au moment ou j'ai disparu de leur vie, mais à croire que les regarder être heureux sans moi, c'est mon ultime punition. Voir Rachel liker un post sur le mariage de Caleb, c'était sans doute le coup de couteau ultime. Il ne m'a pas achevé malheureusement, j'aurais cru mais non même pas, je dois rester sur terre pour souffrir encore et encore. Ma meilleure amie qui approuve le mariage de l'homme de ma vie avec une autre femme, c'est rude, mais c'est ma faute. Ils m'ont oublié, tout le monde m'a oublié, mais c'est tout ce que je mérite non ? Enfin je m'égare. J'en étais à ce message reçu en message privé m'annonçant la mort de Rachel. je sais pas si tu en as encore quelque chose à faire de nous mais Rachel est morte. Les mots sont froids, la vérité est cruelle, mais c'est un fait Rachel est morte et le cercueil au milieu de l'église c'est le sien. Je regarde les gens qui sont venus pour elle, certains me sont familiers bien qu’ils aient tous l’air plus vieux. D’autres me sont inconnus mais je les oublie vite, je fixe l’image de Rachel. Ce sourire figé à jamais sur une photo, ce sourire que je ne verrais plus et j’essaye de me rappeler de son rire mais il n’y a rien qui me revient. Le vide, la mort, c’est tout ce qu’il reste de Rachel. Et les vivants ne m’intéressent plus, je ne sais même plus ou je me situe dans ce monde. Encore trop vivante pour une femme qui se laisse mourir, et un peu trop éteinte pour une femme qui se tient encore debout. Je ne veux pas mourir mais je ne veux pas vraiment vivre non plus, encore moins aujourd'hui. Dix ans, c'est le nombre d'année qui se sont écoulées sans que je ne parle avec Rachel et pourtant alors qu'on est tous réunis pour lui rendre un dernier hommage, j'ai l'impression qu'une partie de moi vient de mourir aussi, elle emporte avec elle nos souvenirs, notre amitié, notre complicité et moi je ne vais garder que la trahison, la peine, l'absence. Elle était le soleil, l'espoir, et avec sa mort, il ne reste plus rien et putain que ça fait mal.
Je finis par m’asseoir au fond, retirant mes lunettes pour respecter la cérémonie. Je m’assieds à côté des inconnus, c'est ce que je suis désormais et j'assiste à la cérémonie toute seule, je vois nos amis communs défiler pour prier devant le cercueil, je vois sa famille, je vois ses proches, je les regarde tous incapable de détourner le regard du cercueil jusqu'au moment ou je le vois lui se lever et s'avancer vers le cercueil. Qu’est-ce qu’il fait là ? Mes yeux se fixent sur lui, je ne vois plus que lui. Je suis venue pour Rachel mais je n’avais pas anticipé qu’il serait là lui aussi. Et je me sens si perdue. Si déstabilisée en le voyant pour la première fois depuis dix ans. Il se lève à nouveau et l’image de sa main dans celle d’une femme me fait l’effet d’un coup de poignard dans le cœur. Et pourtant je le savais. Je savais qu’il avait refait sa vie mais ça n’en reste pas moins douloureux. Rachel sous terre, Caleb en couple, et je me demande ce que je suis venue faire ici. Définitivement je n’ai plus rien à faire dans cette ville, rien à faire ici. M'enfuir j'y pense sérieusement, et c'est une chose que je sais faire normalement. Fuir loin de tout et de tout le monde, je l'ai déjà fait et je le fais encore chaque jour de ma vie, fuir le monde, fuir la réalité, fuir ma vie. Mais pour une raison que j'ignore, aujourd'hui je n'y arrive pas. Je reste dans mon coin et je les regarde sortir en direction du cimetière, je sais que je ne suis pas de sa famille, que je ne suis plus une amie proche et pourtant j'ai l'impression que je dois être présente pour ce moment, que je ne peux pas rester là et la laisser disparaître sous terre toute seule. Les gens sortent tous de l'église et je finis par les imiter en gardant mes distances espérant n'attirer l'attention de personne. Je vois Caleb embrasser une femme, sa femme, une blonde, petite, trop parfaite pour que je puisse la détester mais je la déteste quand même. Je ne sais rien d'elle pourtant, mais putain que je la déteste cette fille. Elle lui glisse quelques mots à l'oreille, elle caresse son visage d'un geste doux. Elle a le droit de caresser sa peau, son corps, elle a le droit de l'embrasser et moi qui croyait ne plus être en mesure de ressentir quoique ce soit, je réalise que c'est faux. Totalement faux même, je peux encore souffrir un peu plus, Rachel morte, Caleb amoureux, cette journée me rappelle que je ne suis pas anesthésiée face à la douleur. Elle lui sourit et il la regarde et ça fait mal de constater qu'elle a le droit à ce regard si tendre, celui que je connais, enfin que je connaissais tant. Elle s'en va, elle le laisse seul et je voudrais oublier la vision que je viens d'avoir, je voudrais oublier le fait qu'elle est la femme de Caleb, je voudrais oublier cette journée et je connais un moyen pour ça. Mais par respect pour Rachel je vais attendre qu'elle soit sous terre pour qu'elle n'assiste pas à ça, elle n'aimait pas me voir me faire du mal. Ils avancent vers le cimetière et je reste cachée au milieu de ceux qui sortent de l'église mais qui n'iront pas suivre le reste de la cérémonie. Et quand tout ceux assez proches de Rachel sont réunis dans le cimetière, je m'avance à mon tour, et je reste devant les grilles pour assister à la fin de la cérémonie. Spectatrice lointaine de sa vie et de sa mort, comme depuis dix ans finalement. Je suis vouée à n'être plus qu'une inconnue au second plan, floue et sans intérêt que l'on ne repère pas, et qui ne brille ni par sa présence, ni par son absence. Ils m'ont oublié et le pire c'est que je l'ai mérité mais moi je n'arrive pas à les oublier et ça me tue. J'entends des pas derrière moi, je remets mes lunettes de soleil avant de me retourner et mon cœur se met à battre plus vite d'un coup quand mon regard croise le sien. Pour la seconde fois de la journée, je réalise que mon cœur n'est pas mort, que je suis encore capable de ressentir des choses fortes et ce que je ressens face à lui me déstabilise énormément tant j'avais oublié que j'étais capable de ressentir de telles choses. « Caleb. » Son prénom qui résonne comme un moyen d'être certaine que je ne rêve pas. J'ai souvent rêvé de le voir devant moi, de le retrouver, mais ce n'était jamais devant un cimetière et surtout dans aucuns de mes rêves il n'avait une bague au doigt que je fixe désormais. « Tu ne devrais pas être ici. » Dans ces mots, je lui signale surtout qu'il ne devrait pas être ici avec moi mais aussi qu'il ne devrait pas être ici à l'enterrement de Rachel, c'est du moins ce que j'avais prévu, il ne devait pas être là. Il ne devait pas me voir, et surtout je ne devais pas le voir avec sa femme. Mais visiblement, s'il y a une chose qui n'a pas changé, c'est que je suis toujours aussi nulle pour faire des plans et encore une fois je me retrouve dans une situation que je n'ai pas préparé et que je ne suis pas certaine de pouvoir gérer.
I SAW YOU IN ANOTHER'S ARM, YOU LOOK HAPPIER. SAW YOU WALK INSIDE A BAR, SHE SAID SOMETHING TO MAKE YOU LAUGH, I SAW THAT BOTH YOUR SMILES WERE TWICE AS WIDE AS OURS. YEAH, YOU LOOK HAPPIER, YOU DO. AIN'T NOBODY HURT YOU LIKE I HURT YOU BUT AIN'T NOBODY LOVE YOU LIKE I DO
Rachel est morte. La nouvelle a été brutale, inattendue et difficile à encaisser. Je l’ai connu grâce à mon ex avec qui, elles étaient toutes les deux inséparables et quand elle m’a quitté, Rachel est restée, elle. On s’est rapprochés pour devenir finalement de bons amis et pourtant on ne peut pas dire que beaucoup de choses nous unissaient elle et moi. Elle restait cette fille qui aimait faire la fête et sortir, cette fille souriant optimiste et pleine de vie. Un peu mon contraire sur bien des points et si en la rencontrant jamais je n’aurais parié sur elle pour une amitié durable ça a pourtant été le cas. Elle a été là pour moi quand j’en ai eu besoin et l’inverse était également vrai. Mais aujourd’hui elle n’est plus là, aujourd’hui si j’enfile ce costume c’est pour lui dire au revoir une dernière fois. Elle était malade depuis plusieurs mois et si je savais que son état de santé se dégradait toujours un peu plus de jour en jour, je gardais espoir. Et elle aussi, d’ailleurs, ou du moins c’est ce qu’elle me disait tout le temps. Certainement plus pour me rassurer moi et pour se rassurer elle-même aussi. Je rejoins Amélie dans le salon qui regarde un dessin-animé alors que la nounou est dans la cuisine pour lui préparer à manger. Victoria est encore dans la salle de bain en train de finir de se préparer et à cet instant précis j’envie l’insouciance et la légèreté de ma fille. Elle n’a que trois ans et demi, elle n’a pas vraiment compris que sa tata Rachel était montée au ciel, elle rit devant son dessin-animé. Elle rit aux éclats et ce son me fait sourire. Amélie ressemble énormément à sa mère. Que ce soit dans la personnalité ou même physiquement. Une magnifique petite fille blonde aux yeux bleus, toujours souriante, toujours les mots pour apaiser ou soulager. Victoria nous rejoint, elle enfile ses talons et je comprends que nous sommes donc prêts à partir. Je pars donner les dernières instructions à la nounou et je rejoins ensuite Amélie dans le salon. « Tu es sage ma chérie, je peux compter sur toi ? » Elle sourit tout en hochant la tête. « Oui papa. » C’est en français qu’elle me répond, dès sa naissance il nous a semblé important de lui apprendre également le français. Victoria lui parle généralement dans sa langue maternelle et moi en anglais. Amélie nous fait un signe de la main avec un grand sourire, signe auquel je réponds avant de prendre la main de ma femme.
C’est dans le silence que je roule vers le lieu de la cérémonie. Victoria connaissait Rachel, elles s’entendaient plutôt bien et je sais que l’annonce de son décès l’a attristé mais pas autant que pour moi. Elle respecte mon silence et la simple présence de sa main sur ma cuisse pendant le trajet suffit à me faire du bien et m’apaiser un peu. De temps en temps elle se penche vers moi pour m’embrasser sur la joue et elle pose sa tête sur mon épaule les dernières minutes du trajet. La cérémonie m’a semblé très longue et je suis presque sûr que Rachel aurait trouvé tout ça beaucoup trop sérieux et peut-être même un peu trop long. Ma main ne lâche jamais celle de Victoria, je la sens quelque fois resserrer doucement l’étreinte, son pouce qui caresse le dos de ma main. Elle est douée pour ce genre de chose, Victoria. En simplement quelques gestes ou quelques regards elle me montre qu’elle est là pour moi et qu’elle me soutient dans cette période difficile et c’est tout ce dont j’ai besoin. À la fin de la cérémonie c’est toujours sans lâcher sa main que nous sortons, je salue certaines connaissances, des amis de Rachel que je n’ai eux, jamais vraiment appréciés. « Je dois y aller, la nounou ne pouvait pas rester trop longtemps. » Elle est gênée de devoir me laisser seul, Victoria, je le sais, je le vois. « Je sais. » Elle me sourit doucement, un sourire tendre et affectueux qui m’apaise et me fait du bien. « T’en fais pas, ça va aller. Et prends la voiture pour rentrer, je prendrai un taxi. » Je lui donne les clés de ma voiture qu’elle garde en main, et elle enroule ses bras autour de ma nuque m’attirant ainsi vers elle pour m’embrasser. Un baiser que je lui rends avec beaucoup de tendresse. « Tu embrasseras Amélie pour moi. » Elle hoche la tête tout en passant son pouce sur mes lèvres, certainement pour m’enlever un peu de rouge à lèvres. « Je t’aime. On se voit tout à l’heure ? » Je lui souris doucement tout en la regardant s’éloigner. Une amie de Rachel me propose de monter en voiture avec elle pour suivre au cimetière, ce que j’accepte et encore une fois le trajet se fait dans le silence. Mais cette fois il n’y a plus la main de Victoria sur ma cuisse ou ses baisers pour me réchauffer un peu le cœur. Et dieu seul sait à quel point j’en aurais eu besoin.
La suite de la cérémonie se poursuit dans le cimetière et c’est là que nous lui disons au revoir une dernière fois. Elle va me manquer, Rachel, elle faisait sûrement partie de mes amies les plus anciens et c’est sur cette pensée que nous nous faisons tous demi-tour. Une fois à l’extérieur du cimetière j’allume une cigarette, Victoria n’aime pas que je fume et si j’essaie d’arrêter aujourd’hui j’en ai beaucoup trop besoin et l’effet de la nicotine sur mon corps me fait un bien fou. Les gens autour de moi parlent entre eux mais je reste en retrait, je fume ma cigarette tout en balayant le paysage des yeux jusqu’à ce que mon regard en croise un autre qui ne m’est pas inconnu. Je la fixe de longues secondes, mais je dois me tromper. Elle est brune et elle porte des lunettes de soleil alors oui, je dois me tromper. Parce qu’elle ne peut pas être là. Elle n’est plus là depuis bien trop longtemps. « Caleb. » Je m’approche un peu d’elle sans la quitter des yeux, mais pour pouvoir la regarder de plus près et maintenant je n’ai plus de doute. Je reconnais les grains de beauté sur son visage que j’ai tant regardé et tant admiré. « Alex ? » Que je lui demande d’un air un peu confus mais pour être sûr de ne pas mon tromper. « Tu ne devrais pas être ici. » Sa voix, son accent que je pouvais écouter pendant des heures sans jamais m’en lasser. J’aurais pu la reconnaître parmi des milliers d’autres femmes. Je déglutis et tire une dernière fois sur ma cigarette avant d’écraser le mégot par terre. « Qu’est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu n’étais plus en Australie depuis… » L’idée de calculer les années me traverse l’esprit mais je me rétracte. « longtemps. » Et surtout, je me demande si Rachel aurait été heureuse de la voir ici aujourd’hui parce qu’il est clair qu’elle ne la portait plus vraiment dans son cœur.
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L'enterrement de Rachel ne suffisait pas comme épreuve, non il fallait que je sois en première loge pour regarder Caleb et sa nouvelle femme. Pour la regarder lui tenir la main et si en soit ce geste est déjà douloureusement affreux à regarder, la suite du spectacle est digne de mes pires cauchemars. Caleb l'homme le plus mal à l'aise avec les effusions en public que j'ai pu rencontrer dans ma vie, se retrouve à embrasser une autre femme au milieu d'une foule de gens et bien que l'image soit douloureuse, je me force à regarder. Et de toutes les punitions que j'ai pu m'infliger aucune n'a jamais égaler celle là en terme de douleur. Regarder Caleb embrasser une autre femme, regarder cette femme passer ses mains autour de son cou, regarder cette femme poser ses doigts sur les lèvres de Caleb, et savoir que cette femme c'est sa femme, celle qu'il a choisit, qu'il aime, qui lui a donné un enfant, voilà la pire punition que je pouvais m'infliger. Ok je l'ai mérité celle là, mais vraiment cette journée risque de m'achever, mais finalement c'est peut-être une bonne chose. C'est moi qui devrait être dans ce cercueil, c'est moi qui gâche ma vie, qui joue avec mon corps, avec ma santé, qui abuse de tout ce que la nature peut offrir, c'est moi qui n'ait aucune raison d'être en vie et pourtant c'est elle qui est dans ce cercueil et putain ça aussi c'est douloureux. Vivement que tout soit fini, que je retrouve ma chambre d’hôtel accompagnée du premier abruti que je vais trouver après avoir bu cinq ou six verres, ou peut-être plus. Voilà à quoi je pense à l'enterrement de mon ancienne meilleure amie, voilà à quoi j'en suis réduite. Mais j'ai la conviction désormais qu'ils m'ont tous oublié, et je peux repartir me tuer à petit feu à Londres ou ailleurs, personne ne m'attends, personne ne saura même que je suis morte, le jour ou enfin la vie en aura marre de moi.
Mais avant ça, j'ai une dernière épreuve à traverser et une que je n'avais absolument pas anticipé et qui me laisse totalement perdue. « Alex ? » Malheureusement il a raison, oui c'est bien moi mais je ne réagis pas réellement, il m'a reconnu et s'il semble confus, je sais que ce n'est pas parce qu'il doute de l'identité de ma personne mais plutôt de ce que je fais ici. Parce que si lui ne devrait pas être ici, à l'enterrement de Rachel, je n'ai peut-être rien à y faire non plus finalement. « Qu’est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu n’étais plus en Australie depuis… » Je suis venue faire le plein de soleil et bronzer un peu dans une église, et à un enterrement. Qu'est-ce que je fais là, sans doute la même chose que lui mais je reste muette encore bien trop perturbée par l'idée de l'avoir face à moi après autant d'années, des années qu'il ne compte pas et qu'il remplace par un simple mot. « longtemps. » Depuis presque dix ans jour pour jour, alors oui ça fait longtemps. Et si lui n'a pas compté, moi j'ai compté, j'ai compté chaque année à la date d'anniversaire de Nathan. C'est fou comme le destin peut parfois être sadique, c'est sans doute un moyen de m'envoyer un message moi qui crie haut et fort que le destin n'existe pas parce que ça fait dix ans presque jour pour jour, si on oublie les vingt jours d'écart mais sur 3650 jours, vingt jours ce n'est rien non ? Dix ans que j'ai quitté Brisbane, mais un peu plus que je l'ai quitté lui et le revoir aujourd'hui me procure une sensation à la fois douce mais aussi très douloureuse. Je ne sais pas ce que je dois ressentir face à lui, je ne sais même pas si j'ai encore le droit de lui parler, après tout, nous ne sommes que deux inconnus désormais. Il a sa vie, sa femme que j'ai vu sur des photos que mon ancienne meilleure amie n'a pas manqué d'aimer et que j'ai eu la joie d'apercevoir aujourd'hui. Il est marié, il est papa, parce que ça aussi visiblement Rachel elle avait aimé c'est un peu ironique non ? Elle qui savait qu'il avait déjà un fils quelque part. Mais il a une vie Caleb, il a une belle vie et je n'en fais pas parti alors je ne sais même pas si j'ai encore le droit de le regarder. Encore le droit d'avoir toutes ces pensées en le regardant. Non, ça je sais que je n'ai pas le droit mais à quoi bon lutter ? J'ai depuis longtemps renoncé à lutter. Mais il a une vie lui, il a la vie qu'il a toujours rêvé alors je devrais m'enfuir à nouveau. Partir sans me retourner pour le laisser vivre sa vie parfaite, avec sa famille parfaite, avec la femme parfaite. Moi jalouse ? Non jamais. Aigrie ? Non plus. Je suis juste réaliste, il a tout. Tout, ce que je n'ai pas su lui donner, tout ce pourquoi j'ai fuis, et il est heureux alors finalement, j'ai réussi, je n'ai pas fais tout ça pour rien. L'un de nous est heureux, ce n'est pas moi mais c'est pas grave, je n'aurais jamais mérité d'être heureuse de toute manière. « Je ne suis plus en Australie depuis dix ans oui. » Je le dis presque détaché comme si c'était une chose normale, qu'il devait déjà savoir. Enfin il le sait. Ca fait dix ans Caleb, dix ans que tu as tourné la page, dix ans que je t'ai abandonné, dix ans que je vis sans toi et je sais que ses dix années seront suivies de dix autres et encore de dix autres à moins que ma vie prenne fin avant. Mais je ne suis plus à Brisbane, je ne suis nul part d'ailleurs. Enfin jusqu'à hier, je n'étais nul part, mais pourtant aujourd'hui, je suis devant lui, à Brisbane. « J'ai atterri hier pour son enterrement, je devais être là. » Incapable de prononcer son prénom, c'est trop douloureux. J'ai honte d'être là, de n'être revenue que pour son enterrement mais c'est encore un choix que je ne pourrais pas expliquer, tant pis, c'est devenu une habitude chez moi et je ne cherche plus à comprendre ce que je fais, et encore moins pourquoi je le fais. Je n'ai plus de compte à rendre à personne, à part à moi-même et ça fait longtemps que j'ai arrêté de vouloir justifier mes choix, je fais et j'ai honte ensuite, c'est une façon de vivre comme une autre après tout non ? Je n'ai plus personne à blesser et c'est tout ce qui compte. Mais revoir Caleb redistribue des cartes en moi, il remet en cause les fondements même de ce qu'est devenu ma vie. Il perturbe mes convictions, il me fait ressentir des choses que j'ai depuis longtemps enfuis au fond de moi. Il me fait du mal autant qu'il me fait du bien mais surtout il me donne l'impression d'être encore en vie alors que mon cœur bat plus fort qu'il ne l'a sans doute jamais fais depuis dix ans. Juste parce qu'il est face à moi. Mais, je ne veux plus être en vie, je ne veux plus rien ressentir, ça fait trop mal. J'allume une cigarette, et pour une fois c'est de sa faute si je fume, parce que c'est lui qui est arrivé une cigarette entre les lèvres. « Je croyais que tu ne fumais pas, que la cigarette c'était dégueulasse ? » On croit visiblement tout les deux des choses, mais je parle, je donne le change alors que rien que le regarder est douloureux. Dix ans c'est long et pourtant si moi je n'ai gardé contact avec aucun de ces gens présents aujourd'hui et que je reconnais pour certains, ce n'est pas le cas de Caleb et Rachel. Il est là pour son enterrement alors j'en déduis qu'ils sont restés proches, et je commence à me demander si Rachel a fini par lui dire la vérité. S'il sait pour cet enfant ? S'il sait pour les raisons de mon départ ? Je me demande si Rachel, avant de mourir, lui a révélé la vérité ou si elle a emporté avec elle ce secret qui nous liait, elle et moi mais je ne peux pas lui demander ça sans risquer de le rendre curieux. « Mais toi qu'est-ce que tu fais là ? On peut pas dire que vous étiez très proches tout les deux. » Et c'est peut-être une nouvelle chose douloureuse, voir qu'ils ont continué à vivre sans moi, tout les deux en contact sans moi alors que j'étais celle qui les liais, celle qui reliait le monde de Caleb et celui de Rachel. Mais il est à son enterrement, elle était là elle aussi et je me demande si elle a prit ma place aussi dans la vie de Rachel ou si elle s'est contentée de me prendre Caleb. On ne t'a rien prit Alex, tu leurs as laissé ta place, tu es partie, tu t'es enfuie, tu as été lâche, tu as abandonné homme et enfant, alors personne n'a eu à te le prendre, tu as laissé l'homme de ta vie et ta meilleure amie, tu as été conne et tu mérites de les voir heureux, enfin de le voir heureux parce que Rachel là ou elle est ne doit pas respirer la joie de vivre. Et ça fait mal de réaliser que j'aurais pu avoir tout ça, mais j'ai préféré fuir, tant pis pour moi, tant mieux pour lui, mais pour l'heure je vais tâcher de ne pas lui montrer que malgré moi, malgré lui, malgré sa femme, mes sentiments pour lui sont toujours intactes et ça c'est une pensée qui me terrifie.
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Assister à l’enterrement d’une amie n’est jamais synonyme d’une bonne journée qui s’annonce. Aujourd’hui ne fait pas exception. Rachel et moi nous nous connaissions depuis plus de dix ans et si les choses n’ont pas démarré du bon pied au début entre nous, elle a fini par devenir une personne importante dans ma vie. Elle ne me jugeait pas, c’était une personne gentille bienveillante optimiste et elle avait toujours le mot pour redonner le sourire ou même simplement donner un peu d’espoir quand on en manquait. On a tous besoin d’une amie comme Rachel dans notre vie mais maintenant elle n’est plus là, et le nombre de personnes présentes aujourd’hui pour lui rendre un dernier hommage est simplement la preuve ultime qu’elle était une personne bien. Quelqu’un d’apprécié de tous et elle nous manquera à chacun. À tout le monde sauf peut-être à Alex à qui il a semblé bon de réapparaître l’air de rien une poignée d’années plus tard. Parce qu’elle, elle n’était plus en contact avec Rachel depuis bien longtemps et même si son prénom n’a pas été prononcé depuis des années je sais pour sûr que ma défunte amie lui en voulait encore beaucoup. Elle s’était donnée dans leur amitié, Rachel. Elle lui faisait confiance bien plus qu’à n’importe qui et cette confiance a été trahie, piétinée. Tout comme moi, j’ai donné beaucoup de ma personne dans la relation que j’entretenais avec Alex mais encore une fois ce n’était pas réciproque et quand les sentiments et l’implication est à sens unique, la relation est vouée à l’échec. Cette même personne qui nous a tous trahis, qui nous a manqué de respect a le culot de se pointer ici le jour de l’enterrement de Rachel. Elle ne parle pas. Elle parle beaucoup moins que dans mes souvenirs, beaucoup moins qu’avant et c’est une bonne chose. « Je ne suis plus en Australie depuis dix ans oui. » Qu’elle me répond fièrement et je ne comprends pas comment elle peut être aussi détachée et manquer autant de tact. Elle ne fait que prouver qu’une chose : tout ça n’était qu’à sens unique. Alex c’était mon premier amour, la première femme dont je suis tombé sous le charme, la première femme dont je suis tombé amoureux. Vraiment amoureux. Notre histoire était intense et surtout pleine de passion, sauf que la manière dont les choses se sont terminées entre nous entache complètement celle-ci. Nous n’étions pas faits pour être ensemble Alex et moi et c’est finalement la seule chose que je dois garder en tête. « J'ai atterri hier pour son enterrement, je devais être là. » Mes sourcils se froncent marquant ainsi l’incompréhension. « Pourquoi ? Tu ne lui as pas parlé depuis dix ans, tu es partie sans lui laisser de nouvelle. » Elle ne devait pas être là, non, au contraire. Sa place n’est pas là. Sa place n’est plus là et elle devrait le savoir. En partant ainsi elle a laissé sa place vacante et c’est sans aucun doute ce qu’elle cherchait de toute façon. Elle a changé Alex, et pas nécessairement en bien. Son attitude laisse penser qu’elle se fiche complètement d’être ici, elle semble tout prendre à la légère et si c’est quelque chose qui pouvait être compréhensible il y a dix ans mais plus aujourd’hui. « Je croyais que tu ne fumais pas, que la cigarette c'était dégueulasse ? » Mes mains glissent dans les poches de mon pantalon alors que je regarde sa cigarette un instant. C’est Alex qui m’a fait fumer ma première cigarette, mon premier joint, mon premier verre d’alcool fort et elle a plutôt raison sur ce point : je n’aimais pas fumer, à l’époque. Les cigarettes entre mes lèvres étaient rares, occasionnelles, juste de temps en temps quand j’accompagnais Alex à l’une de ces soirées que je détestais. « Les gens ont le temps de changer en dix ans. » Une réponse simple qui ne lui apporte pas franchement beaucoup d’informations supplémentaires mais en même temps c’est la vérité, n’est-ce pas ? J’ai commencé à fumer régulièrement il y a environ quatre ans sans que je ne sache vraiment pourquoi. Beaucoup de stress à ce moment de ma vie et je n’ai jamais réussi à arrêter plus d’une semaine, au plus grand dam de Victoria qui ne me demande qu’une chose : que j’arrête enfin de fumer. Elle est comme j’étais avant : elle déteste l’odeur et elle déteste le goût également. « Mais toi qu'est-ce que tu fais là ? On peut pas dire que vous étiez très proches tout les deux. » Elle est restée bloquée dans le passé parce qu’effectivement, il y a dix ans Rachel et moi n’étions pas vraiment proches. J’avais bien entendu fini par l’accepter, j’avais fini par aimer passer du temps en sa compagnie d’Alex qui était, ma petite-amie à l’époque et la femme pour qui j’étais capable de tout. Je finis par hausser les épaules. « Après ton départ on s’est revus plusieurs fois et on s’est rendus compte qu’on avait finalement pas mal de points communs. On était assez proches depuis quelques années. » Je lui passe les détails. Je ne lui dis pas qu’on a couché ensemble elle et moi quelques mois après qu’elle ait quitté le territoire Australien. Je ne lui dis pas non plus qu’elle est la personne vers qui je me suis tourné pour avoir des conseils quand j’ai commencé à tomber amoureux de Victoria. Je ne lui dis pas qu’elle était présente à mon mariage et elle ne sait pas que ma fille considérait Rachel comme une tante, bien qu’il n’y ait aucun lien de sang entre nous. « Elle était incroyable, elle va beaucoup me manquer. » Je lui avoue sans honte, parce que même si Alex a sûrement été la pire meilleure amie pour Rachel et de loin, la pire petite-amie pour moi, elle sait à quel point notre amie en commun était une personne exceptionnelle. « Tu deviens quoi ? T’es retournée en Angleterre ? » Bien qu’elle n’y avait réellement aucune attache, c’est bien pour retourner à Londres qu’elle m’a quitté, non ?
I saw you in another's arm, you look happier. Saw you walk inside a bar, she said something to make you laugh, I saw that both your smiles were twice as wide as ours. Yeah, you look happier, you do. Ain't nobody hurt you like I hurt you but ain't nobody love you like I do
J'ai depuis dix ans développé un don certain pour une chose : me faire du mal et je commence à croire que si j'ai tenu à faire tout ce chemin pour l'enterrement de Rachel, ce n'est pas pour elle réellement. Mais pour moi, pour continuer à me détruire encore un peu en m'infligeant un moment dont j'aurais pu me passer. Personne n'aurait jamais rien eu à redire de mon absence, et c'est plutôt ma présence qui est remarquée. Je n'ai rien à faire ici, je ne faisais plus parti de sa vie, par choix de ma part alors pourquoi traverser la moitié du globe pour venir rendre hommage à une personne dont je ne partageais déjà plus la vie ? Il n'y a pas de logique aucune, et la seule chose plus ou moins logique serait que je m'inflige cette épreuve pour me faire souffrir, pour me punir de ce que j'ai fais, parce que Rachel est morte et que désormais tout espoirs, même infimes, de me faire pardonner sont morts avec elle. Et si l'enterrement n'était pas déjà assez douloureux comme réalité, voir Caleb embrasser une autre, voir Caleb toucher une autre, voir Caleb aimer une autre, je ne suis pas morte mais je crois que j'aimerai tellement l'être. Être à la place de Rachel, être dans ce cercueil noir, dans ce trou, seule. Je donnerai tout pour être à sa place, pour qu'elle vive parce qu'elle, elle était aimée. Parce qu'elle, elle va manquer à tout le monde et le pire c'est qu'elle va me manquer à moi aussi malgré les dix dernières années que j'ai passé sans elle et c'est peut-être ça qui prouve à quel point Rachel a eu un impact dans ma vie, et pourquoi je suis là aujourd'hui. « Pourquoi ? Tu ne lui as pas parlé depuis dix ans, tu es partie sans lui laisser de nouvelle. » J'aurais pu rester à Londres, j'aurais sans doute du d'ailleurs parce que je n'ai plus rien à faire ici et Caleb n'hésite pas à me le faire remarquer. « Parce que c'est Rachel, parce que je n'ai jamais oublié tout ce qu'elle a fait pour moi. » La différence entre Rachel et Caleb, c'est qu'elle sait pourquoi je suis partie, elle sait les raisons qui m'ont poussé à fuir, et elle contrairement à lui, elle savait que j'allais partir même si elle avait tenté de me faire promettre de ne pas l'abandonner. Elle savait que cette histoire allait me faire fuir parce qu'elle savait que je ne pourrais jamais vivre dans la même ville que Caleb sans le voir, sans le toucher, sans être avec lui. Mais visiblement Caleb ne sait pas tout ça, Caleb ne sait rien de toute l'histoire. « Et oui je suis partie sans lui laisser de nouvelle, mais elle savait que je le ferai. » Pas que ça rends les choses moins compliquées ou que ça adoucit mon départ mais elle le savait Rachel et elle a toujours eu toutes les réponses à ses questions sur mon départ. Elle a toujours tout su et égoïstement je pensais qu'en partant, en laissant cette vie derrière moi, je laisserai tout le reste, les bonnes comme les mauvaises choses, je pensais qu'en m'éloignant de Brisbane, en abandonnant ce fils dont je ne voulais pas, en quittant cet homme que je privais d'un fils, en m'éloignant de ceux qui savaient, je pourrais oublier, tourner la page, être quelqu'un d'autres. Et si je suis bien devenue quelqu'un d'autre, je n'ai rien oublié. Ni ce bébé, ni Rachel, ni Caleb et même mes sentiments pour lui semblent rester intacts, bloqués en moi et sa présence ne fait que raviver les souvenirs d'une vie que j'ai voulu oublier en vain. Il fume désormais, il a de la barbe désormais, il est marié et papa aussi désormais mais rien de tout ça ne semble suffisant pour faire taire ce cœur qui s'accélère quand je le regarde. Je déteste l'amour, je déteste réaliser que je suis encore capable d'aimer, je déteste l'idée de l'aimer encore lui, le seul sur cette fichue terre que je n'ai plus le droit d'aimer. « Les gens ont le temps de changer en dix ans. » Les gens oui, les sentiments non, du moins pour moi parce que lui c'est sur que tout a changé. Il est heureux, je le sais, je le devine, je le crois, ne me demandez pas pourquoi j'ai l'intime conviction qu'il a une vie de rêve, peut-être parce que cette pensée me fait un mal de chien et que j'aime ça me faire souffrir. « C'est vrai, tu sembles bien plus à l'aise avec les démonstrations d'affection en public désormais. » Mes mots puent une jalousie que j'essaye pourtant de retenir, que j'essaye d’étouffer avec la fumée de ma cigarette en tirant dessus avec beaucoup trop de convictions jusqu'à m'en brûler la trachée. Oui je l'ai vu avec sa femme, oui j'ai eu mal, et j'ai encore mal, mais c'est là encore un beau moyen de me faire du mal que d'en parler avec lui. Mais pour une fois, ce n'est même pas moi qui ait cherché à me mettre dans une situation compliquée pour moi, je ne pensais juste pas le voir ici, et encore moins le voir ici avec elle. Ce n'est pas une blessure volontaire que je me suis infligée et celle là j'ai beaucoup de mal à la gérer même si j'essaye de rester détachée, sans succès, mais je me force à être distante et froide, mais c'est bien plus facile de l'être à des milliers de kilomètres et dans le climat Londonien. « Après ton départ on s’est revus plusieurs fois et on s’est rendus compte qu’on avait finalement pas mal de points communs. On était assez proches depuis quelques années. » Pourquoi tout ses mots me laissent un goût amer dans la bouche et surtout une pointe dans le cœur ? Mon petit ami et ma meilleure amie ont fini par s'entendre et beaucoup s'apprécier après mon départ et j'ai presque envie de rire finalement tant le destin me semble cruel. « Vous vous êtes revus après mon départ mais pourquoi ? » La surprise est sincère parce qu'ils n'avaient plus de raisons de se voir pourtant non ? C'était moi le lien entre eux, et pourtant c'est sans moi qu'ils sont devenus proches, et visiblement assez proches d'après Caleb, et j'en viens à nouveau à me demander encore si elle lui avait dit des choses sur mon départ, si elle lui avait tout dit ? J'avais la sensation que non mais pourtant les mots de Caleb me font douter et je ne sais même pas ce qui serait le mieux ou le pire, qu'il sache la vérité ou qu'il ne sache rien. « Elle était incroyable, elle va beaucoup me manquer. » Elle l'était oui, elle l'a été avec moi, la seule femme de ma vie et dit comme ça c'est peut-être étrange, mais c'était Rachel. J'avais besoin d'elle pour me guider, pour me conseiller. Elle était incroyable oui, elle l'était tellement qu'elle avait réussi à faire de moi quelqu'un de pas trop mal, du moins d'assez bien pour plaire à Caleb. « Oui elle était incroyable. » J'essaye d'être détachée, j'essaye vraiment mais l'émotion est forte quand je prononce ces mots, elle est forte et sincère. Elle était rayonnante et elle irradiait autour d'elle, elle était une lumière, un chemin à suivre et depuis je me suis perdue. Je n'ai plus son amitié, je n'ai plus l'amour de Caleb, je n'ai plus rien et le pire dans tout ça, c'est que je suis la seule à blâmer pour ça. « Je sais ce que ça fait de vivre sans elle donc je comprends. » Je me veux résignée, mais je suis surtout perdue, dévastée par cette réalité parce que désormais il n'y a plus de retour en arrière possible, plus de demande de pardon possible, plus rien et que ce n'est pas moi qui ait choisi tout ça alors ça fait mal. Bien trop mal même si je ne veux pas l'assumer, ni même l'avouer. J'ai gâché notre amitié, j'ai gâché ma vie aussi et c'est dans ce genre de moment que je le réalise un peu et c'est quand tout est fini, tout est trop tard que j'ouvre un peu les yeux et la réalité est bien trop moche. Et je voudrais fermer les yeux à nouveau, ne pas voir ce cercueil, ne jamais être revenu ici, ne jamais avoir revu Caleb, parce que si tout est moche autour de moi, en moi, lui est bien trop beau, bien trop sexy, bien trop attirant encore aujourd'hui et je me déteste de penser ça, de ressentir ça, de réaliser ça. « Tu deviens quoi ? T’es retournée en Angleterre ? » « Rien. » Le mot sort de lui même et recouvre le reste des paroles de Caleb. Je deviens quoi ? Rien, rien du tout. « Enfin pas grand chose, mais oui je suis rentrée chez moi. » Et il sait mieux que quiconque que je n'ai jamais eu de chez moi, que je n'ai jamais eu quelqu'un qui m'attendait à Londres, il sait mieux que quiconque que mon chez moi c'était auprès de lui, chez lui ou du moins il l'a su mais comme il l'a dit 10 ans sont passés, les gens changent, les choses changent mais ce qui n'a pas changé c'est que je ne me sens pas chez moi à Londres, et plus chez moi à Brisbane. « J'ai appris que tu avais eu un bébé, je pense que des félicitations s'imposent. » Je pourrais me forcer à sourire et j'essaye sincèrement mais ces mots sont bien trop douloureux, oui il a eu un bébé, il en a même eu deux, mais lui comme moi nous ne faisons pas parti de la vie de Caleb, mais au moins cet enfant n'a pas connu la vie avec Caleb, à cause de moi, ou grâce à moi, au moins il n'a pas à assister au bonheur de Caleb et il n'a pas à souffrir de son absence puisqu'il ne l'a jamais connu. Je suis à deux doigts de me féliciter pour mon choix non ? Et pourtant si vous saviez comme j'ai honte, comme j'ai mal et comme je me déteste pour ça. Et comme je déteste aussi cette femme qui a donné à Caleb cette vie qui aurait pu être la mienne. « Tu as tout pour être heureux c'est bien pour toi. » Tu le mérites Caleb, tu mérites d'être heureux mais c'est dur à réaliser que tu l'ais sans moi. C'est bien pour ça que j'ai fais tout ça, pour qu'il puisse vivre sa vie, qu'il puisse être heureux alors je devrais au moins me réjouir de ça, j'ai réussi un truc dans ma vie, j'ai laissé Caleb pour lui donner une chance de réaliser ses rêves. Dommage que ça me fasse si mal de le voir être heureux sans moi.
I SAW YOU IN ANOTHER'S ARM, YOU LOOK HAPPIER. SAW YOU WALK INSIDE A BAR, SHE SAID SOMETHING TO MAKE YOU LAUGH, I SAW THAT BOTH YOUR SMILES WERE TWICE AS WIDE AS OURS. YEAH, YOU LOOK HAPPIER, YOU DO. AIN'T NOBODY HURT YOU LIKE I HURT YOU BUT AIN'T NOBODY LOVE YOU LIKE I DO
Alex est là, Alex est revenue pour assister à l’enterrement de Rachel et s’il y a bien une personne que je ne pensais pas revoir un jour c’est bien elle. Disparue du jour au lendemain, elle m’a brisé le cœur comme jamais personne ne l’avait fait avant elle. Me retrouver de nouveau face à elle me force à faire face à tout un tas de sentiments passés qui semblent remonter à la surface. Je l’ai aimé, Alex. Elle était mon premier amour, celle avec qui j’ai tout découvert. C’était un amour fort, passionnel, rempli de tendresse mais surtout de la passion, beaucoup de passion. Quelque chose de différent que ce que je vis avec Victoria. Pas forcément en mieux. Pas forcément moins bien. Juste différent. Mais je l’ai aussi détesté, Alex. Vraiment beaucoup. Parce qu’à cause d’elle je me suis perdu, à cause d’elle je me suis senti minable et mon cœur s’est brisé en un million de morceaux. Quand je la regarde aujourd’hui ce n’est plus de la haine que je ressens, plus vraiment de l’amour non plus. Sûrement un peu de rancune, de l’incompréhension et peut-être même une pointe de nostalgique. « Parce que c'est Rachel, parce que je n'ai jamais oublié tout ce qu'elle a fait pour moi. » J’arque un sourcil étonné de sa réponse. Si elle n’avait jamais oublié tout ce que Rachel a fait pour elle je ne comprends pas comment elle a pu la laisser sans nouvelle pendant près de dix ans. C’est culoté de sa part comme réponse mais c’est Alex et elle ne semble pas avoir beaucoup changé. « Et oui je suis partie sans lui laisser de nouvelle, mais elle savait que je le ferai. » Je fronce légèrement les sourcils parce que j’ai un peu du mal à la croire. « Ça excuse tout, alors. » Un poil sarcastique parce que ça n’excuse rien. Je ne suis pas sûr que la moindre explication pourrait être acceptable. Jamais Rachel ne lui aurait fait ça. Moi non plus d’ailleurs, j’étais bien trop amoureux d’elle à l’époque. J’aurais fait n’importe quoi pour elle tant je m’étais entichée de cette femme. Je ne fais pas les choses à moitié et quand je tombe amoureux, je le suis vraiment et je me donne à 100% dans la relation.
Elle est différente depuis la dernière fois que je l’ai vue, Alex. Que ce soit physiquement ou même dans sa manière d’être. Ses cheveux sont plus foncés et même si je l’ai toujours préféré blonde je dois bien avouer qu’aujourd’hui je la trouve toujours incroyablement belle ; c’en est presque déstabilisant. « C'est vrai, tu sembles bien plus à l'aise avec les démonstrations d'affection en public désormais. » Sa réflexion m’étonne et j’en arrive à la conclusion qu’elle m’ait vue avec Victoria un peu plus tôt. « Non pas vraiment. » Mon pied s’enfonce dans les graviers pour jouer un peu avec alors que me yeux se baissent pour regarder mon pied faire pendant quelques secondes. C’est surtout que Victoria aime les effusions affectives en public alors je prends sur moi pour parfois essayer de me montrer moins sur la retenue. C’est ça aussi le mariage, tout faire pour rendre son partenaire heureux et épanoui. « Vous vous êtes revus après mon départ mais pourquoi ? » Il me semble déceler une pointe de surprise dans sa voix et je ne peux pas lui en vouloir. On ne peut pas dire que Rachel et moi étions très proches quand Alex et moi étions ensemble. Je ne la détestais pas, non, je l’appréciais mais pas plus que ça. « Au début on s’est croisés deux ou trois fois par hasard. » On a couché ensemble aussi mais je doute que ce soit le genre d’information qu’Alex veuille savoir. Ma femme ne le sait même pas, je me suis bien gardé ce détail pour moi, en partie parce que je n’ai jamais été fier d’avoir couché avec la meilleure amie de mon ex. « C’est clair qu’on ne peut pas dire que les choses avaient bien commencées entre Rachel et moi. » Je me rappelle tout en lâchant un petit rire amusé. Alex doit s’en souvenir elle aussi. « Oui elle était incroyable. Je sais ce que ça fait de vivre sans elle donc je comprends. » La différence c’est que c’est toi qui a décidé de vivre sans elle. Moi c’est la vie qui m’a arraché mon amie. Des mots que je pourrais prononcer facilement mais ne voulant pas la blesser, je préfère ne rien dire et la questionner sur la personne qu’elle est devenue. « Rien. Enfin pas grand chose, mais oui je suis rentrée chez moi. » La froideur de sa réponse m’interpelle et je me demande comment il est possible de ne rien avoir à raconter sur sa vie après dix ans d’absence. Elle ne veut certainement pas me partager les détails de sa nouvelle vie et je respecte sa décision. « J'ai appris que tu avais eu un bébé, je pense que des félicitations s'imposent. » Instinctivement un sourire s’étire sur mes lèvres alors que je viens jouer avec mon alliance. « Merci. » Même si ses félicitations ne sont clairement pas sincères. « Elle s’appelle Amélie, elle a trois ans et demi. » Je pourrais lui montrer une des nombreuses photos présentes dans la galerie de mon téléphone mais je doute qu’elle soit réellement intéressée. « Comment tu le sais ? » Je lui demande tout de même, intrigué de savoir comment cette information a pu arriver jusqu’à ses oreilles à Londres. « Tu as tout pour être heureux c'est bien pour toi. » Je pourrais sourire mais encore une fois, elle n’est pas sincère je pense la connaître assez pour pouvoir l’affirmer. Mais elle n’a pas l’air heureuse, elle et cette constatation me fait mal. Je passe une main dans mes cheveux plus longs qu’Alex ne les avais jamais vu et me masse le cou quelques secondes. « On part dans un café avec quelques amis, je ne sais pas si tu veux te joindre à nous. » Je relève le regard vers elle pour la regarder. Je l’observe un long moment sans rien dire, je regarde chaque trait de son visage avec attention et sans même que je ne me rende compte je me perds dans ses yeux bien trop longtemps. Je m’en rends compte jusqu’à ce que je sente mon cœur dans ma poitrine s’accélérer et mon ventre se tordre. Je brise le contact visuel tout en me raclant la gorge. « On peut partager un taxi si tu veux. » Je devrais la détester, non ? Mais je pense que je suis passé au-dessus de la haine que j’ai longtemps ressentie pour elle. On vaut mieux que ça. Que ce soit au nom de la belle histoire d’amour que nous avons vécu. Du moins à mes yeux c’était une belle histoire et je ne sais pas si elle partage cet avis.
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« Ça excuse tout, alors. » Ca n'excuse rien non, mais elle n'a pas eu à se torturer l'esprit pendant des mois pour savoir pourquoi elle. Et si ça n'excuse rien, ça rends les choses un peu moins violentes non ? Je suis certaine, enfin non je sais, que Caleb aurait aimé avoir les réponses à ses questions, qu'il aurait aimé savoir pourquoi je suis partie du jour au lendemain. Je le sais parce que Rachel me l'avait dit, quand elle était tout ce que j'avais, quand elle était la dernière personne sur terre que je voulais bien voir. Elle a du mentir à Caleb pour protéger mon secret et je suis toujours dans l'incertitude de savoir si elle lui a menti aussi après mon départ. Je le pense parce qu'il ne semble pas aussi froid qu'il devrait l'être avec moi Caleb. Parce qu'il ne semble pas me détester alors qu'il en aurait tout les droits, parce qu'il ne semble juste pas savoir ce que j'ai fais. Et si pour lui la vérité n'excusera pas tout, loin de là, je sais qu'il aurait tout fait pour savoir à l'époque. Rachel savait, Rachel savait toujours tout.
« Non pas vraiment. » C'est pas ce que j'ai vu pourtant et je peux te dire que je vous ai bien regardé, parce que ça fait mal, parce que c'est horrible de te voir si proche d'une autre, et proche d'elle tu l'étais beaucoup. Bien trop pour quelqu'un qui se dit pas à l'aise en public. « C'est pas l'impression que ça donnait. » Pourquoi toujours parler Alex ? Pourquoi je ne peux pas juste me la fermer, pourquoi ma jalousie doit s'exprimer ? Pourquoi je dois m'exprimer sans cesse ainsi. Je pense beaucoup, la douleur est présente quand je repense à Caleb avec sa femme. Sa femme, ça aussi ça fait mal. Je les revois tout les deux à l'enterrement de ma meilleure amie, et si moi je n'avais rien à y faire, elle non plus n'avait pas à être là. Elle a déjà Caleb, elle a déjà tout. Je suis jalouse, je n'en ai pas le droit. Je suis mal, mais ça c'est le quotidien de ma vie depuis des mois, des années même. « Au début on s’est croisés deux ou trois fois par hasard. » Deux ou trois fois par hasard ? Mais ils ne font ou du moins ne faisaient pas partie du même monde non ? Et pourtant ils se sont vus plusieurs fois par hasard et j'ai presque du mal à croire au hasard mais ce qui est le plus important finalement ce n'est pas le nombre de fois ou ils se sont vu mais le nombre de fois ou elle lui a menti pour me protéger. Le nombre de fois ou elle aurait pu lui révéler la vérité sans le faire et plus il me parle d'elle, plus je réalise qu'ils avaient l'air vraiment proche. Pas juste une connaissance qui like des photos sur facebook, non ils avaient l'air vraiment amis, ils avaient l'air de s'apprécier sincèrement et ça devient de plus en plus inconcevable qu'elle ne lui ai jamais rien dit. Pendant un instant j'ai envie de lui poser la question, celle qui me brûle les lèvres. Elle t'a dit pourquoi je suis partie? Mais je ne le fais pas. Je n'ose pas de peur de générer des questions de sa part, je préfère me dire qu'il ne sait pas, c'est mieux, c'est vraiment plus simple finalement. « C’est clair qu’on ne peut pas dire que les choses avaient bien commencées entre Rachel et moi. » Il rit, et j'avais oublié à quel point j'aimais, j'aime, ce son. Je baisse les yeux, mon regard fuit le sien. Fuir voilà l'idée géniale qui me vient. Mais j'en suis incapable parce que malgré tout, malgré les circonstances, malgré les images de Caleb embrassant une autre femme, malgré l'enterrement de celle qui fut ma meilleure amie, ma sœur de cœur, j'ai l'impression d'avoir besoin de rester là, de rester avec lui. « Je lui en avais vraiment voulu ce soir là. » La première rencontre entre Caleb et Rachel avait tourné à la catastrophe. « A l'époque j'avais même cru que j'allais devoir partager mon temps parce que mon copain et ma meilleure amie ne s'entendraient jamais. » Je me replonge dans le passé, je parle d'eux comme s'ils étaient encore ce qu'ils ont pu être pour moi. Mon copain, ma meilleure amie. L'un est marié à une autre femme, l'autre est morte en me détestant, une belle réussite de ma part non ? Et si je sais que tout les deux ils m'aimaient sincèrement à l'époque, en revanche, rien ne pouvait laisser penser qu'un jour ils pourraient s'entendre autant ces deux là. Et pourtant, il parle d'elle avec beaucoup d'affection, il parle d'elle comme si elle avait toujours compté pour lui, il parle d'elle comme j'aurais pu le faire à l'époque. Elle était géniale, oui ça c'est sur. Et elle va manquer à tout le monde, ça aussi c'est un fait que je ne peux qu'approuver. Rachel était parfaite, Rachel était incroyable, Rachel était pleine de vie. Mais si la mort n'a jamais voulu de moi, elle est venue sans scrupule arracher une belle personne, laissant des gens dans le désarroi et dans la douleur de la perte d'une personne si parfaite. Je ne suis pas Rachel, je ne suis pas une bonne personne. Je suis en vie, mais je n'ai personne, je ne manquerai à personne le jour ou je viendrais à disparaître. Pour de bon cette fois sans possibilité de retour comme je le fais aujourd'hui. Je fais irruption dans leur vie, sans cette de Caleb alors qu'il a tout. Qu'il a une vie parfaite, une vie dont il a toujours rêvé, une vie que j'ai refusé d'avoir et que j'envie aujourd'hui. C'est pas sa vie à lui que j'envie, mais celle de sa femme parce qu'elle, elle a vraiment tout. Elle a Caleb et c'est déjà un tout pour moi. Fichus sentiments que je ne peux plus faire taire. Fichu cœur qui se réveille et qui se remet à battre, comme si j'avais besoin de ça maintenant ? Fichu yeux qui semblent retrouver un semblant de beauté en regardant le monde, en regardant Caleb tout simplement. Je me déteste, je le déteste aussi parce qu'il ne fait rien pour ça mais il m'attire pourtant. Il fait raviver dans sentiments que je pensais avoir enterrer. Et son sourire qu'il affiche sur ses lèvres, je sais qu'il est pour son goss. Je sais qu'il sourit parce que je le félicite, enfin non je dis que des félicitations s'imposent mais moi je ne le félicite pas réellement. Je sais que son visage s'illumine parce que je parle de son enfant, mais arrête de sourire Caleb je t'en supplie, arrête de sourire. Je baisse les yeux pour arrêter de voir ce sourire sur son visage qui a trop longtemps été l'une des choses sur cette terre qui pouvait m'apaiser, je baisse les yeux pour éviter d'avoir à sentir mon cœur se remettre à battre plus fort, et c'est la que je le vois jouer avec son alliance. Le contre-coup est violent. Les émotions sont en bordel en moi, et je le déteste vraiment de me montrer à chacun de ses gestes que je suis encore capable d'aimer, de l'aimer lui. « Merci. Elle s’appelle Amélie, elle a trois ans et demi. » Je m'en fous Caleb, si tu savais comme je ne veux rien savoir d'elle parce que ça ne fait que me rappeler que tu as un fils quelque part, qui a bien plus que trois ans et demi. Je ne peux pas dire ça, je me force à sourire même si je ne le regarde toujours pas. Il connaît mes sourires, il connaît mon visage, il sait quand je suis sincère ou non et là je ne le suis pas. « Comment tu le sais ? » Je lève les épaules, je lève les sourcils aussi, l'air songeuse. Je réfléchis, enfin je fais semblant de réfléchir, non pas à ce que je vais pouvoir lui dire mais comment je vais pouvoir le faire. « Je ne t'ai pas stalké si c'est ce que tu demandes. Mais Rachel avait aimé une publication un jour, une photo de pied de bébé ou je ne sais plus quelle connerie et j'ai appris comme ça. » Je me rappelle clairement le jour ou j'ai appris, je me rappelle le post en question, je me rappelle de l'émotion que j'ai ressenti. Je m'en rappelle et si je fais semblant d'avoir l'air détaché et que ça n'a pas d'importance c'est uniquement pour ne pas montrer à quel point j'ai eu mal ce jour. Et à quel point aujourd'hui, trois ans et demi plus tard ou un truc comme ça, j'ai toujours mal. J'ai mal de le voir heureux, même si j'ai envie qu'il soit heureux. J'ai fais tout ça pour qu'il ait la vie de rêve et clairement il l'a non ? Il a sa femme avec qui il se permet des embrassades en public, il a sa fille dont il parle avec les yeux et le sourire de l'homme fier qu'il doit être aujourd'hui. Il est heureux et c'est un peu grâce à moi aussi non ? J'ai pas tout fait foirer finalement. Un léger silence s'installe, je le regarde un instant sa main dans ses cheveux, à croire qu'il le fait exprès. Le sourire, la main dans les cheveux, s'il voulait me draguer il ne pourrait pas s'y prendre autrement, mais je sais que ce n'est pas le cas, je sais que ça a toujours été un signe de malaise chez lui, de gêne et je me dis que c'est sans doute le moment ou je repars. Ou je m'envole de nouveau pour Londres, pour dix ans de vie de débauche pour oublier ce moment. Pour oublier le passé, mais aussi la mort de Rachel et le fait que Caleb m'ait oublié pour toujours. « On part dans un café avec quelques amis, je ne sais pas si tu veux te joindre à nous. » Café ? Bar ? Bar ? Non Café. C'est du pareil au même non. De l'alcool. Je réfléchis, je pose le pour et le contre de sa demande et moi qui pensait qu'il était temps que je parte, le voilà qu'il m'invite, je suis perdue face à cette proposition. Je suis encore plus perdue quand mon regard croise le sien. Une seconde, deux secondes, trois secondes, le contact visuel se prolonge plus que de raison, plus qu'un simple contact visuel amical et voilà qu'à nouveau mes sentiments se ravivent, mes pensées se mélangent, mes envies se réveillent. « On peut partager un taxi si tu veux. » Je baisse les yeux à mon tour, je sens la gêne, je sens aussi mes joues qui me chauffent, putain me revoilà comme une adolescente qui découvre l'amour. Ça craint non. « J'ai ma voiture je peux t'emmener si tu veux ? Tu pourras me parler d'elle. » Elle, Rachel et non sa femme ou sa fille. Même si l'idée de parler de Rachel n'a rien de joyeux, c'est pour elle qu'on est là et surtout une bonne excuse pour faire redescendre la tension que je ressens en moi. C'est moche d'utiliser le souvenir d'une amie morte pour enterrer les sentiments amoureux que je ressens mais c'est bien ce que je fais. « Et aussi de ce que tu es devenu. » Vraiment Alex ? Tu penses que c'est une bonne chose de t'intéresser à lui comme ça? Foutue pour foutue autant profiter des quelques moments qu'il me laisse, de toute façon dans quelques heures je prendrais un avion et nos vies vont se séparer à nouveau. A moins que je ne sois trop saoule pour prendre mon avion, alors ce sera le suivant, mais ma vie n'est plus ici de toute manière. Ma vie n'est plus nulle part de toute manière et je veux juste profiter de me sentir en vie quelques instants auprès du seul homme qui me fait ressentir ce genre d'émotions. Je le regarde un peu, du coin de l’œil, avançant en direction de ma voiture en silence. « A l'époque j'aurais jamais parié que tu puisses avoir autant de barbe un jour. » C'est un léger rire qui accompagne cette remarque, mais il a le mérite d'exister. « Mais ça te va vraiment bien. » Je n'ai pas le droit de lui dire ça je le sais et pourtant je le fais. Je fais tellement de chose que je n'ai pas le droit de toute manière et c'est loin d'être la pire alors je ne suis plus à ça près. Je fais conneries sur conneries, c'est ma vie désormais, et je ne suis plus à une connerie près. Je vais me bruler sans doute, je vais souffrir sans doute, mais c'est mon quotidien ça et je suis prête à prendre le risque pour quelques minutes avec lui. Parce que je réalise à cet instant que je ne suis pas incapable d'aimer, mon corps et mon cœur ne sont pas morts, je suis juste capable de l'aimer lui. Une constatation qui risque de finir par me tuer mais pas maintenant, je laisse ça pour un autre jour parce qu'il est là et c'est tout ce qui compte pour les minutes à venir. « Tu as finis par ouvrir ton restaurant finalement ? » Ce rêve qu'il avait, et auquel je croyais sans doute plus que lui, je veux savoir s'il a réussi, si j’avais raison de croire en lui, si j’avais raison aussi de croire que partir était la meilleure chose pour l'aider à réaliser ses rêves.
I SAW YOU IN ANOTHER'S ARM, YOU LOOK HAPPIER. SAW YOU WALK INSIDE A BAR, SHE SAID SOMETHING TO MAKE YOU LAUGH, I SAW THAT BOTH YOUR SMILES WERE TWICE AS WIDE AS OURS. YEAH, YOU LOOK HAPPIER, YOU DO. AIN'T NOBODY HURT YOU LIKE I HURT YOU BUT AIN'T NOBODY LOVE YOU LIKE I DO
« C'est pas l'impression que ça donnait. » J’ai comme la désagréable impression que c’est un reproche et qu’Alex cherche à ce que je m’excuse et que je lui rende des comptes. Est-ce que je dois vraiment me sentir coupable d’avoir accepté un baiser de ma femme aujourd’hui alors que je dis à dieu à l’une de mes plus proches amies ? Non, pas vraiment. Sa réaction et cette phrase sont clairement déplacées et je n’apprécie pas la voir me faire ce genre de reproches. Je n’ai absolument aucun compte à lui rendre et elle semble avoir totalement oublié que c’est bien elle qui est partie il y a dix ans me laissant ainsi seul sans aucune explication. Ce que je peux comprendre en revanche, c’est sa surprise de me voir ici aujourd’hui bien qu’Alex n’a absolument rien à faire à l’enterrement de Rachel. Elles ne se sont pas parlées depuis dix ans et je suis quasiment sûr que sa présence ne doit pas faire plaisir à Rachel de là où elle est aujourd’hui. Elle en voulait énormément à Alex et même si nous ne parlions plus d’elle depuis de nombreuses années je mettrais ma main à couper qu’elle n’apprécierait pas la voir ici aujourd’hui. C’est culotté de la part d’Alex mais finalement ça lui ressemble bien. Elle a toujours cru que tout lui était permis, égoïste et égocentrique sur les bords elle a dû se dire qu’elle se devait de venir dire au revoir à sa soi-disant amie alors que soyons honnêtes, elles ne s’étaient pas parlées depuis si longtemps que je sais que Rachel ne la considérait plus comme une amie. « Je lui en avais vraiment voulu ce soir là. A l'époque j'avais même cru que j'allais devoir partager mon temps parce que mon copain et ma meilleure amie ne s'entendraient jamais. » Moi aussi je lui en avais voulu ce jour-là et peut-être même à Alex aussi un peu. Mais surtout à Rachel qui m’avait mis plus mal à l’aise que jamais. Sauf que tout ça, c’est du passé et malgré le petit sourire sur mes lèvres en me remémorant tout cela, chacun de mes souvenirs avec Alex sont ternis quand je repense à la manière dont notre histoire s’est terminée. Elle m’a humiliée et surtout, jamais personne ne m’a fait souffrir comme elle. Je me demande si elle en a conscience et surtout je me demande si elle compte s’excuser un jour pour toute la souffrance qu’elle m’a fait endurer. Sûrement pas, la connaissant ça ne doit pas être très important pour elle.
Le sourire sur le visage d’Alex quand je lui parle de ma fille n’a rien de sincère, je la connais assez pour ça et je l’ai assez vu sourire pour voir et savoir y déceler de la sincérité ou non. « Je ne t'ai pas stalké si c'est ce que tu demandes. Mais Rachel avait aimé une publication un jour, une photo de pied de bébé ou je ne sais plus quelle connerie et j'ai appris comme ça. » Non, ce n’est pas du tout ce que je demandais. Et la voilà maintenant qui se montre sur la défensive sans que je ne comprenne pourquoi. Pourtant ma question est très clairement légitime, je ne suis plus en contact avec elle depuis dix ans alors que je lui demande comment est-ce qu’elle a appris la naissance d’Amélie me semble totalement normal. Les silences sont longs entre nous, les malaises sont extrêmement dérangeants. Je ne lui en dis pas plus sur ma fille, pourtant j’en ai des choses à dire sur ma petite princesse et sur tout le bonheur que je ressens à chaque fois que je la prends dans mes bras. Mais je ne suis pas stupide et je sais très bien que ça n’intéresse absolument pas Alex alors je me contente de lui proposer de se joindre à nous pour aller boire un café. Rachel aurait certainement rit en disant qu’on ferait mieux d’aller dans un bar pour boire et faire la fête, elle aurait dit que se rejoindre pour boire un café fait bien trop vieux et qu’elle préférait que l’on termine cette journée autrement. Mais elle est morte alors finalement, on fait ce qu’on veut, pas vrai ? « J'ai ma voiture je peux t'emmener si tu veux ? Tu pourras me parler d'elle. » J’hoche positivement la tête et si l’idée de partager un taxi avec mon ex petite-amie que j’ai aimé si fort que son abandon fut une véritable descente aux enfers pour moi, monter dans sa voiture n’est pas moins étrange. Mais pourtant « Si tu veux, oui. » Elle ne le veut certainement pas vraiment puisque c’est moi qui lui ai proposé de nous rejoindre. « Et aussi de ce que tu es devenu. » Oh si elle savait qu’à propos de moi il n’y a pas grand-chose à savoir de plus. Mais par contre je me demande ce qu’elle est devenue elle. Est-ce qu’elle vit encore avec les sous de son père ou a-t-elle repris des études pour avoir enfin une indépendance financière ? Au vue de notre âge j’espère sincèrement que la deuxième option est la vraie. « A l'époque j'aurais jamais parié que tu puisses avoir autant de barbe un jour. Mais ça te va vraiment bien. » Un compliment que je n’attendais pas et qui me déstabilise certainement plus qu’il ne le devrait. Je lâche un petit rire, certainement pour cacher mon malaise mais le temps que je mets à lui répondre me trahis. « Merci. » que je lui réponds tout en passant naturellement mes doigts sur ma barbe. Mais je me racle la gorge pour lui répondre juste après. « Tu ne fais plus ta coloration. » Une simple remarque, elle est très belle même avec ses cheveux au naturel, Alex. Mais ses cheveux blonds mettaient en valeur ses yeux qui sont toujours aussi magnifiques. « Tu as finis par ouvrir ton restaurant finalement ? » Je m’installe dans sa voiture côté passager. « De la gastronomie française, à Spring Hill. J’ai eu ma première étoile. » J’en suis fier et je sais que j’ai tout pour l’être. Peut-être que lors du trajet en voiture je vais avoir le courage de lui poser moi aussi quelques questions, à cette femme que j’ai aimé comme un fou et qui m’a totalement brisé en décidant de mettre fin à notre relation en partant lâchement. Mais pour le moment on y va doucement, on se questionne sur des petites choses des petits détails alors que la question fatidique sur son départ finira sans aucun doute par arriver plus tard.