La cérémonie était parfaite. Tout s'est déroulé absolument comme selon les plans de l'homme d'affaires qui sirote désormais une coupe de champagne, Abel entre les bras. Le bambin n'a pas pleuré. Accroché à son père dans son petit costume, il balaie la foule de ses grands yeux bleus. Ses petites boucles blondes ont été soigneusement coiffées par papa qui, tôt dans la journée de la veille, s'est dépêché de trouver un costume pour son fils. Rien ne le contente plus que de savoir ses deux garçons réunis dans le même endroit. Même le vignoble est tout à fait agréable, juste comme Saül l'avait prédit. Bien sûr, certains manquent à l'appel. Marcus ne s'est jamais présenté à l'église et son siège restera certainement vide. Celui de Auden aussi, quoi que Saül continue de guetter son arrivée avec impatience. Après tout, aujourd'hui est un grand jour pour son cadet qui disait vouloir renouer avec son fils biologique. Amer, Saül constate que les choses ne sont visiblement pas aussi faciles. Et depuis leur dispute à la fête foraine, les deux frères ne se sont pas revus.

« Très jolie robe. » Celle qui ne manque pas à l'appel, en revanche, c'est Elise. Saül l'a approchée l'air de rien, pour aller prendre la température. De toute façon, ils auraient fini par se retrouver dans le même coin de la pièce. C'est un grand jour pour le grand garçon qu'ils ont élevé ensemble et même si leur dernière rencontre a été houleuse, les deux divorcés ne savent pas vraiment faire autrement qu'à deux. Ils sont ensemble dans cette galère et bien qu'Elise n'approuve peut-être pas ces épousailles, elle en est pourtant l'une des actrices majeures. La mère du marié est toujours une pièce importante du puzzle. « Abel déteste son nœud-papillon. » Abel, le terrain d'entente sur lequel personne ne peut vraiment s'énerver et qui met toujours tout le monde d'accord. Le bambin accorde d'ailleurs à Elise un grand sourire baveux. Il ne l'a pas beaucoup rencontrée mais il sait certainement qu'elle est quelqu'un de confiance. Les bébés sentent ce genre de choses.

La fin de journée tombe doucement sur le vignoble et la lumière baisse tout doucement. Le temps est bon, en Australie. Certainement tout le contraire de l'Italie, qui essuie peut-être les pluies de saison. Cet évènement rappelle à Saül son propre mariage avec la femme qui se tient aujourd'hui à ses côtés. Celle de laquelle il n'a pas divorcée n'est pas là. Elle aussi doit avoir la tête couverte de pluie quelque part en Europe. « Les mariés ont l'air de bien s'amuser. » Au loin, Saül les voit en grande conversation avec l'un de leurs invités. « Tu te souviens comment c'était pour le nôtre ? » Ils avaient répété la première danse pendant de nombreuses heures, s'étaient chamaillés à propos du professeur qui lançait un peu trop d'œillades à Elise. Le plan de table avait été très difficile à dresser mais ils y étaient parvenus à deux, sans trop s'arracher les cheveux. Et puis la soirée avait été magique malgré les conditions des épousailles. La mère Williams avait pleuré toutes les larmes de son cœur et Elon était resté froid comme la glace, comme à son habitude.

Le mariage de Damon, bien qu'arrangé, ne transporte aucune de ces émotions. Le décor rend le tout bucolique, quoi que les tas de fleurs qui sont accrochées partout ne soient pas au goût du quarantenaire. Et puis la liberté laissée aux mariés quant à la liste de leurs invités est sans doute le point qui améliore le tout. Bien sûr, Saül aussi a eu son mot à dire quant aux invités. Il n'a invité que des amis - ou de futurs amis - avec qui il a déjà conversé de longues minutes, Abel entre les bras. Le bambin commence d'ailleurs à fatiguer. Dans les bras de son père, il se met à rêver.

@elise irish

« Très jolie robe. » La voix de ton ancien époux qui s'élève dans ton dos te fait automatiquement lever les yeux. Ta coupe de champagne à moitié pleine se retrouve vide d'un coup. Un serveur passe heureusement au même moment. Tu peux rapidement changer ta coupe vide pour une pleine. Tu as beau essayer de lui tourner dos encore plus, Saül ne semble pas comprendre le message. Il est d'excellente humeur lui. Il voit tout son plan se réaliser sous ses yeux et il s'en réjouit. Il croit sûrement que rien ne pourra gâcher sa journée. Ce serait te sous-estimer. Tu ne gâchera nullement la journée de Cosimo - Saül s'en charge très bien tout seul - à ton tour de gâcher la sienne en retour. « Abel déteste son nœud-papillon. » Abel à dix mois, bien sûr qu'il déteste son noeud-papillon. Tu détestes cet enfant de te faire un sourire aussi adorable qui réussit à briser ton air glacial pour son père. « Tu mènes encore la vie dure à ton père, hm ? » Il suffit d'un sourire tendre et d'une voix un peu enfantine et le bambin rit aux éclats. On peut dire les pires atrocités du monde et il rira aux éclats. C'est beau d'être un bébé et ne rien comprendre. Tu voles le mouchoir dans la poche du veston de Saül pour essuyer le bout de son menton plein de salive avant de très mal le replacer à sa place initial.

« Les mariés ont l'air de bien s'amuser. » Ton regard suit celui de Saül qui observe au loin Megan et Damon avec un invité, tu ne saurais dire qui. Oui, comme ça, au loin, ils ont l'air de bien s'amuser. Damon est bien meilleur menteur que tu ne l'aurais imaginé. « Tu te souviens comment c'était pour le nôtre ? » Ça pique. À quoi est-ce qu'il joue ? Il croit vraiment qu'il peut juste venir se poser à côté de toi et gratter une nostalgie qui n'existe plus ? T'éviter à tout prix, voilà ce qu'il aurait dû faire toute la journée. C'est ce que toi tu avais prévu. « J'en sais rien, une corvée ? À toi de me le dire. » Tu n'avais aucunement oublier les horribles mots qu'il avait prononcés à ton égard. Je n'ai jamais voulu de toi, vient en tête de liste. Il repasse en boucle dans ta tête suivis de très près du mot incapable, de la rage dans ses yeux et de se sentiment d'étouffement qui te réveilles parfois en pleine nuit. L'avantage de ne plus être marié avec lui, c'est que tu peux lui faire la gueule aussi longtemps que tu veux. Tu n'es plus obligé de faire semblant d'avoir oublié les vacheries de la veille pour passer une journée acceptable. Tu n'as rien oublié. Ni depuis la dernière fois. Ni depuis les vingt dernières années. « Ça ne vaut pas un mariage en Italie. » que tu ajoutes en regardant au loin. Aussi magnifique soit ce mariage, il n'arrive pas à la cheville du votre. Ce n'est que ton opinion personnelle.

« Ah! Vous voilà. » Tu fronces les sourcils d'incompréhension - quand même un peu soulagée que quelqu'un vienne déranger cette conversation qui n'est désirée ni par l'un ni par l'autre. « Les parents du marié sont invités à les rejoindre sur la piste de danse. » Ah, on est déjà rendu là ? Tu n'avais même pas remarqué la musique qui s'était ralentie, Cosimo et Megan ouvrant la première danse de la soirée. Après les mariés, viennent bien sûr les parents des mariés. Elle n'a pas de parent elle ? Ce n'est toutefois qu'un léger rire qui s'échappe d'entre tes lèvres. Avec Abel endormi dans ses bras, aucune chance qu'il te guide jusque là. Il n'a confiance en personne ici pour s'occuper de son fils quelques minutes seulement. Et c'est parfait comme ça.

Se souvient-elle ? Quand ils buvaient avant le mariage, riant à l'idée de savoir leurs parents assis à la même table. Se souvient-elle de tout ce qui a précédé ? Se souvient-elle de leur rencontre, de l'escapade sur les toits ? Saül se souvient de tout dans les moindre détails. Les souvenirs sont flous, comme s'ils appartenaient à un passé trop longtemps pour lui appartenir. « J'en sais rien, une corvée ? À toi de me le dire. » L'homme d'affaires souffle du nez, déportant son regard sur la salle. Oui, leur mariage était une corvée, une tâche à effectuer pour rapprocher Saül des cercles du pouvoir et pour rendre la vie d'Elise plus tranquille. Ont-ils respecté leur part du marché ? « C'était une incroyable cérémonie. » Eux aussi avaient eu des fleurs, mais moins que Damon et Megan. Ils avaient eu leur grande et belle table couverte de bougies. Eux-aussi se donnaient la main sous la nappe pour que personne ne voit combien ils étaient stressés à l'idée de s'être dits oui. La chaise de Auden était restée vide, cette fois-là. Certaines choses ne changeront donc jamais. « Ça ne vaut pas un mariage en Italie. » « Rien ne vaut un mariage en Italie. » Rien ne vaut un mariage en Grèce non plus. A l'abri des regards, Ariane et Saül étaient bien. Ils auraient dû rester dans ce pays, sur cette terre qui aurait pu voir grandir Abel le petit dieu. Ils auraient été heureux, en Europe. Ni trop loin des racines de Saül, ni trop loin de celles de Ariane. Oui, ils auraient été chez eux. Un paradis perdu.

« Ah! Vous voilà. » C'est Anja qui bat des mains pour annoncer que les mariés doivent être rejoints par leurs parents. Megan n'a personne pour danser avec elle mais qu'importe. Saül lève discrètement les yeux au ciel. « Les parents du marié sont invités à les rejoindre sur la piste de danse. » « Je suis obligé ? Abel dort. » « Donne le moi. » Et ni une ni deux, petit Abel se retrouve dans les bras d'Anja. Saül lui accorde sa pleine confiance mais serre tout de même les dents. Le bambin chouine mais se rendort sans peine alors qu'Anja indique aux divorcés la piste de danse. D'un soupir, Saül met une main dans le dos d'Elise pour lui montrer le chemin.

Sur la piste d'argent, ils ne sont que deux à valser tranquillement. La tradition voudrait que chacun danse avec les mariés, mais Megan étant dépourvue de parents pour la représenter, les choses se feront sans doute différemment. Alors que Saül attrape la main d'Elise et pose l'autre sur sa taille, il essaie de se souvenir des sensations ressenties la première fois qu'ils ont dansé ensemble devant le public rassemblé pour leur mariage. Saül marchait toujours sur les pieds d'Elise, mais personne ne s'en est moqué. Ce soir-là, Saül avait eu l'impression d'être complètement seul dans la pièce aux côtés de celle qui était devenue son épouse quelques heures plus tôt. « Je te préviens, je ne me suis pas amélioré. » Les années n'ont rien rendu meilleur. « J'aimerais bien pouvoir te dire le contraire, mais... » D'une moue, Saül évite de justesse d'écraser les pieds de sa compagne. Dents serrées, il tente de mener la danse sans trop regarder ses chaussures parfaitement cirées. « C'est bon, tu l'as ton moment pour me ridiculiser. » Que la vengeance est douce.

« C'était une incroyable cérémonie. » Bien sûr qu'elle l'était. Les mariages chez les Williams sont toujours grandioses. Celles qui rêvent d'un mariage digne des films de princesses seront servis en épousant un Williams. Toutes tes demandes ont été exaucées, même les plus extravagantes. Et même plus encore. Pourtant, d'être ici avec Saül au mariage de votre fils, ça ne te donne tout de même pas envie de ressasser ses vieux souvenirs. Il choisit mal son moment, peu importe ce qu'il tente réellement de faire. « Rien ne vaut un mariage en Italie. » Au moins, vous pouvez vous entendre là dessus. Damon aurait dû y avoir droit lui aussi. Quoi de mieux que de se marier dans les terres qui l'ont vu naître ? Peut-être qu'il aura cette chance plus tard avec la personne qu'il choisira lui-même.

Anja arrive de nul part, soulagée d'enfin trouver les parents du mariés juste à temps pour les accompagner sur la piste de danse. « Je suis obligé ? Abel dort. » Qu'est-ce que tu disais ? Il ne laissera jamais Abel à personne dans cette salle et c'est temps mieux pour tout le monde. Tu n'as pas envie de partager ce moment avec ton ancien époux. « Donne le moi. » Sauf que Anja décide pour l'italien en lui prenant son fils des bras sans lui demander la permission. Tu te dis qu'elle est suicidaire de faire un tel geste, mais elle est simplement plus douée pour remettre son collègue à sa place que tu peux l'être. Mais bon, ce n'était pas nécessaire de libérer ses bras. Saül semble toutefois s'avouer vaincu alors qu'il pose une main dans ton dos pour te guider jusqu'à la piste de danse, là où Cosimo mène déjà la valse avec sa femme. Il attrape ta main, pose son autre main sur ta taille alors que la tienne se pose contre son épaule. À croire qu'elles connaissent leur place par cœur. Ce n'est pas tout-à-fait faux. Les vieux réflexes ne sont jamais bien loin. « Je te préviens, je ne me suis pas amélioré. » C'est pas comme si ça faisait des années que tu ne partageais plus sa vie. Il ne peut pas faire de miracle en un an. Le contraire aurait été étonnant. Ariane n'était sûrement pas du genre à le traîner de force dans des cours de danse. Pourquoi se serait-il amélioré depuis la dernière fois ? « J'aimerais bien pouvoir te dire le contraire, mais... » Il n'apprend vraiment rien à toujours fixer ses pieds. Il faut lever le regard. Tu lui rappellerai bien, mais tu n'as pas non plus particulièrement envie qu'il pose son regard dans le sien. Elle pique la nostalgie aujourd'hui. « C'est bon, tu l'as ton moment pour me ridiculiser. » Oh ce que tu le déteste d'arriver à t'arracher un léger rictus qui ressemble à un sourire. Dommage qu'il ne soit pas vraiment ridiculisé puisque tous les regards sont posés sur les nouveaux mariés. Les divorcés ? Ils n'intéressent plus personne. Sourire ou pas, tu es toujours blessée par ses paroles. Tu ne comptes pas passer l'éponge aussi facilement cette fois.

« C'est pas assez cette fois, Saül. » que tu lui dis en posant ton regard dans le sien quelques secondes avant de le détourner vers la droite. Ce sont de vraies excuses que tu désires. Pas une manière détournée de faire semblant d'en faire et que tu fais semblant d'accepter. Tu ne saurais dire si ses insultes ont vraiment été pires que d'habitude ou si c'est seulement la goutte de trop. C'est aller trop loin, c'est tout. « Tu dois être content. » D'avoir brisé à tout jamais ce qu'il y avait déjà eu entre vous deux. Pouf, vingt ans de mariage partie aux oubliettes. Il n'a jamais voulu de toi dans sa vie ? Parfait, le voilà débarrassé de ta présence pour les prochaines années à venir. Cosimo est grand maintenant. Vous n'êtes même plus obligé de vous voir pour lui. Il peut facilement prendre ses propres décisions par lui-même.

« C'est pas assez cette fois, Saül. » « Ce n'est jamais vraiment assez, pas vrai. » Et pour une fois, la réplique n'est pas dite sur son ton habituel de grincheux. Des excuses, il est incapable d'en formuler. Elle en aurait peut-être eues dans une autre vie, quelques petits mots mâchonnés entre les dents d'un italien ronchon même dans tous les univers alternatifs qu'on pourrait écrire. L'imaginer n'est pas nécessaire il suffit de le figurer quelques instants pour se rendre compte que l'idée n'est pas réalisable dans cette temporalité là. « Je m'excuse. Tu es contente ? » Non, ce n'est pas comme cela qu'on s'excuse, mais c'est tout ce qu'aura Elise. Cette soirée ne peut pas être gâchée par leurs différends. Les noces devraient être belles, fantastiques. Les fleurs ne sont-elles pas là pour ça ? Pour absorber toutes les énergies négatives qui émanent de quelques invités récalcitrants ?

« Tu dois être content. » « Pas toi ? » Pourquoi ne s'inclut-elle pas ? Après tout, Elise ne s'est pas farouchement opposée à cette idée. Elle a d'ailleurs été plutôt favorable, si l'on demande son avis à Saül. Puisque personne ne s'est levé pendant la cérémonie à l'église, alors personne ne s'oppose vraiment à cette union. C'est ainsi que les choses fonctionnent. C'est ainsi que la vie suit son court. « Tu sais qu'il ne pouvait en être autrement. » Et d'après Megan, le soupirant est venu à la réception. Heureusement, Saül ne l'a pas croisé, trop occupé à attendre de son fils un comportement exemplaire. Peut-être est-il parti, averti par quelqu'un que le père de la mariée le cherchait activement. Tant mieux. Saül lui aurait sans doute brisé la mâchoire et les doigts. « Il sera heureux, je te le promets. » Pas comme ils l'ont été. Ce mariage qui a été le leur n'a été qu'un puit sans fond de désespoir et de promesses sans lendemain. Megan et Damon représentent un espoir qu'ils n'ont pas eu, victimes pourtant de la même manigance que Saül a infligé à l'aîné de ses fils.

La danse prend fin et une autre pousse aussitôt Saül à garder sa main dans celle d'Elise. « Je te demande de me faire confiance juste pour cette fois. Tu seras une grand-mère merveilleuse. » C'est dit avec le sourire, un vrai sourire. Elise sera une grand-mère attachante à qui Megan et Damon pourront confier leur progéniture. Toutes les alliances ne sont-elles pas faites pour cela ? Concevoir. Bien sûr, Elise et Saül ont échoué dans cette quête. Mais Damon et Megan la réussiront haut la main, l'ihomme d'affaires en est persuadé.

« Ce n'est jamais vraiment assez, pas vrai. » Non, sûrement pas. Jamais contente. Trop exigeante. Tu hausses les épaules nonchalante en tentant de rester concentré sur les pas tout en ayant une conversation qui allait te faire perdre ton sang froid bien trop rapidement tu le sais déjà. « Je m'excuse. Tu es contente ? » C'est bien la première fois que ces mots traversent ses lèvres. Il aurait dû les garder pour lui si c'est pour présenter des excuses qui sonnent comme une provocation de plus. « Je t'ai déjà connu meilleur menteur. » Autrement dit, il aurait pu mettre un peu plus d'effort à te faire croire qu'il était réellement désolée. Et peut-être que tu aurais pu (encore) passer l'éponge sur les atrocités qu'il t'a dit. Pour l'instant, tu te contentes d'éviter son regard et de prier pour que cette danse se termine le plus rapidement possible. Après, vous pourrez faire semblant de ne pas vous croisez pour le reste de la soirée.  

« Pas toi ? » Il t'énerve à jouer les surpris. Comment peut-il vraiment penser que tu puisses approuver cette union ? Si tu n'as rien fait pour empêcher ce mariage d'arriver, c'est parce que Damon t'a demandé de le faire. On t'a aussi aider à comprendre que tu ne pouvais rien faire pour changer la situation, que Damon était seul maître de ses choix et des conséquences qui viendront après. Avec un peu de chance, au moins, il retiendra une bonne leçon de tout ça. Un mariage n'empêche pas un divorce dans quelques mois s'il change d'avis. « Tu sais qu'il ne pouvait en être autrement. » « Non je ne sais pas. Tu ne fais que me mentir. » Parce que tu ignores toujours l'entièreté de l'histoire qui tourne autour de ce mariage arrangé. De nouvelles informations te sont toutefois venues aux oreilles et tu es parfaitement capable de t'imaginer le reste. Mais tu restes tout de même dans l'ignorance et c'est très agaçant. Peu importe les magouilles derrière tout ça, tu restes convaincu qu'il restait d'autres options qu'un mariage forcé pour votre fils. « Il sera heureux, je te le promets. » Tu lèves les yeux au ciel suite à son mensonge de plus, à une nouvelle promesse qu'il ne tiendra pas. Il parle par expérience pour dire de telles choses ?

La danse est terminée, mais pourtant, Saül garde sa main dans la tienne alors qu'une nouvelle mélodie prend toute la place dans la pièce. Il faut vraiment continuer ce supplice ? « Je te demande de me faire confiance juste pour cette fois. Tu seras une grand-mère merveilleuse. » Le mot grand-mère te crispe immédiatement. Encore faudrait-il que Megan te déteste pas. C'est pas gagné. T'es pas certaine de vouloir faire un effort pour que le contraire se produise. « J'ai toujours eu confiance en toi. » Mais plus maintenant. Plus depuis qu'il a choisi de te mettre de côté. « Je sais que Megan est paparazzi. » Voilà une nouvelle qui risque de la ravir. Ça veut aussi dire que tu as de gros doutes sur le fait qu'elle doit avoir certaines photos compromettantes sur l'Italien. Qu'est-ce qu'elle y gagne dans tout ça ? C'est cette partie que tu ne comprends pas. « C'est pas Cosimo qui me l'a dit. » que tu ajoutes pour pas qu'il ait d'ennuis. Cosimo ne sait même pas que tu le sais. Et puis, tiens profitons du fait que la situation se tende un peu pour le mettre au courant des dernières acquisitions de votre fils. « Oh, j'oubliais. Je lui ai offert Grenade. Toi, tu leur a offert un beau cadeau de mariage ? » que tu demandes sur le ton de l'innocence - ou de l'arrogance plutôt. Le sourire qui prend place sur tes lèvres à tout de sadique et rien de sincère.

tw: violence physique.

Non elle ne croit pas un seul mot de ses excuses et c'est tout naturel. « Non je ne sais pas. Tu ne fais que me mentir. » « Je te protège. » Et c'est un cliché mais c'est vrai. Saül pense vraiment pouvoir protéger son monde et surtout Elise de tout ce qu'il sait à propos de Damon. Surtout de ce qu'il sait à propos de Damon. Egoïstement, il protège aussi Damon des humeurs changeantes de sa mère. L'italien sait très bien que pour toute clémence, Elise n'a parfois que des mots durs. Peut-être aurait-elle protégé son petit et aurait aussi tenté d'empêcher cette union d'avoir lieu, ce qui n'est pas pour arranger les affaires de Saül. Convaincre Elise qu'il n'a fait ça que pour la protéger elle et Damon n'est pas chose aisée. La danse prend une cadence plus douce même si entre les deux anciens époux, le dialogue se tend. Elise mène toujours discrètement la danse, au sens propre. Pas au sens figuré. « J'ai toujours eu confiance en toi. » « Tu mens. » qu'il questionne, les sourcils froncés. Elle n'a pas le droit de lui dire ça. Elle n'a jamais eu une confiance aveugle en l'italien, c'est un mensonge plus gros qu'elle. Même au départ, il y a toujours eu une sorte de flou entre eux. Une grande zone d'ombre.

« Je sais que Megan est paparazzi. » L'homme d'affaires resserre un peu sa prise sur le dos de madame son ex-femme. Dents serrées, il opine discrètement du chef. Bien. Que sait-elle d'autre ? « C'est pas Cosimo qui me l'a dit. » « Alors qui ? » A-t-elle mené sa petite enquête elle-même ? De toute façon, cela ne change rien aux plans de l'homme d'affaires. Qu'on sache que Megan est fleuriste ou paparazzi, ça n'affectera que la réputation de Damon, qui a déjà été menacée par bien pire que cela. « Et ça fait quoi ? Elle est très bien pour Cosimo. Personne n'a besoin de savoir ce qu'il se passe en coulisse. » Personne ne le saura de toute façon.

« Oh, j'oubliais. Je lui ai offert Grenade. Toi, tu leur a offert un beau cadeau de mariage ? »

Oh qu'elle est lourde, la brique qui semble être tombée sur la tête de Saül. Sa bouche s'assèche, son souffle s'amenuise. Je lui ai offert Grenade. Grenade où sont tous les bons souvenirs avec Elise comme avec Ariane. C'était un cadeau de fiançailles, c'est devenu un lieu éloigné du monde durant la grossesse d'Ariane. Un lieu pour voir naître petit Abel, s'il n'y avait pas eu les problèmes qui ont poussé Saül a revenir aux côtés de la française. Les souvenirs passés remontent devant ses yeux et la danse est bien vite oubliée. Alors que tous les invités sont désormais entrés dans la danse, Saül sort de la piste, bien vite suivi par son ex-femme. Les couloirs sont tranquilles, pendant que commencent les vraies festivités. Alors que Elise passe devant Saül, ce dernier attrape son ex-femme par la gorge et la plaque dos au mur dans un mouvement brutal. Ses doigts serrent fermement cette peau qu'il a un jour peut-être aimé... ou peut-être pas, finalement. « Ecoute moi bien. » La fête bat son plein, mais Saül n'en a que faire. Il ne veut simplement être vu de personne quand il règlera son compte au serpent qu'est Elise. « J'ai offert ce mariage à Cosimo. Si tu essaies encore de jouer contre moi, contre le camp que nous formons, si tu continues de te venger comme une enfant, je te tuerai de mes propres mains. »

Après avoir soufflé sa réplique dans l'oreille d'Elise, Saül la relâche, non sans brutalité. Grenade. Les souvenirs. « J'ai offert à Cosimo tout ce que tu ne pourras jamais lui offrir. Je lui ai offert une porte de sortie. » Les endroits dans lesquels Saül a aimé Ariane disparaissent les uns après les autres.

Saül se crispe sous tes prochaines paroles. Tu peux voir d'ici sa mâchoire se serrer. Intérieurement, tu souris. Pendant quelques minutes, tu as soudainement l'impression d'être au-dessus de lui, d'être celle qui contrôle la situation. Pour une fois, c'est Saül qui est dans ton filet et non l'inverse. Ce n'est qu'une impression, bien évidemment. « Alors qui ? » Ton regard se lève vers celui de ton ancien époux. Au moins, il n'essaie pas de mentir. Il avoue tout. Dire le contraire aurait été complètement idiot. « Qu'est-ce que ça change ? » Rien du tout. La source est fiable et il vient de te le confirmer même si tu n'avais aucun doute sur la véracité des propos de Dinis. Tu ne vas certainement pas étalé ta vie privée là ici, avec Saül, au mariage forcé de votre fils. « Et ça fait quoi ? Elle est très bien pour Cosimo. Personne n'a besoin de savoir ce qu'il se passe en coulisse. » En coulisse. Le mot te fait lâcher un rire moqueur. Apparemment, toi aussi tu fais partie de ceux qui n'ont pas besoin de savoir ce qui se passe en coulisse ? Il se passe quoi Saül ? À quel point il est dans la merde ? Assez profond pour marier son fils avec la première venue. « Elle a de jolies photos de toi Megan ? » Entrain de faire quelque chose qu'il n'est pas censé faire ? Il te prend pour une idiote ou quoi ? Tu sais ce que ça fait un paparazzi aux personnes qui ont les moyens d'acheter le silence. Saül a une drôle de méthode pour acheter celui de Megan. Un bon chèque bien gras aurait amplement fait l'affaire.

Cette discussion t'a probablement donné un peu trop d'assurance. Elle t'a donné envie de titiller la colère de ton ancien époux un peu plus loin. Qu'il arrête de se penser maître du monde, intouchable. Il ne l'est pas. Il peut tomber comme tout le monde - et toi aussi, mais tu semble l'oublier. Quand la piste de danse se remplit et que Saül la quitte. Tu conprends facilement le message d'aller régler vos comptes à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. Tu suis Saül dans les couloirs, oses même passé devant lui, mais ta marche est rapidement interrompue par la main de Saül qui se serre autour de ta gorge en te plaquant violemment au mur. L'impact te coupe le souffle et la prise qui se resserre t'empêche de le reprendre. « Ecoute moi bien. » Tu suffoques. Bien sûr que ton premier réflexe est d'essayer de retirer la main de Saül autour de ton cou. Et bien sûr que, malgré tes tentatives, rien ne bouge. « J'ai offert ce mariage à Cosimo. Si tu essaies encore de jouer contre moi, contre le camp que nous formons, si tu continues de te venger comme une enfant, je te tuerai de mes propres mains. » Ton visage est sûrement tourné au rouge tomate. Trente secondes de plus et le manque d'oxygène te fera perdre conscience. C'est à la toute dernière seconde qu'il te relâche d'une manière tout aussi brutale. Peut-être qu'il a eu le temps de sentir ton corps se ramollir entre ses mains. Tu échoues lamentablement au sol sous sa brutalité. La première bouffée d'air qui entre te brûle les poumons. C'est sûrement comme ça qu'il aime être l'italien, à te surplomber, à surplomber le monde entier depuis sa tour d'ivoire. « J'ai offert à Cosimo tout ce que tu ne pourras jamais lui offrir. Je lui ai offert une porte de sortie. » Rapidement l'eau te monte aux yeux, mais aucune larme ne s'écoulera jamais devant cet homme que tu laisses te piétiner depuis de trop nombreuses années - et qui continuera encore à le faire dans les prochaines à venir.

Tu te redresses en prenant appuie contre le mur derrière toi. Ton regard se pose dans celui de Saül et le fuit la seconde d'après. « Tu… » Les mots semblent restés pris dans ta gorge meurtrie. Tu la racles un bon coup. « Tu veux bien m'excuser auprès de Cosimo ? » Pour ce départ précipité sans avertir personne. Tu n'as pas besoin d'entendre sa réponse, tu sais qu'il trouvera un mensonge convenable à dire à votre fils. « On se reverra à mes funérailles. » Parce qu'il a promis de te tuer, non ? C'est sans un mot de plus que tu lui tournes les talons pour quitter cet endroit où tu n'as jamais voulu mettre les pieds.