J’ai toujours cru que si quelqu’un me tirerait dessus un jour, ce serait mon frère. Allez savoir pourquoi. Amour fraternel, besoin obsessionnel de faire payer l’autre pour ses erreurs et de ne pas laisser autrui le faire à notre place. Il doit se sentir con, Saül, de pas avoir eu le droit et l’honneur de me mettre une balle dans le corps, parce que je suis certain qu’il en a rêvé plus d’une fois. Sans doute qu’il aurait orienté l’arme en direction de mon cerveau, lui, par contre, et ce n’est pas franchement pour me plaire. Au moins Otto s’est montré plus subtil, il s’est gardé une seconde chance pour me faire souffrir à nouveau, pour m’éclater le second pied, pour terminer sa cigarette contre ma joue la prochaine fois. Je savais que j’aurais dû le frapper plus fort, cet espèce de petit bâtard. Bâtard c’est un drôle de terme à lui associer, vous ne trouvez pas ? Étrangement concordant avec la réalité des choses.

A chaque mouvement, même faible, j’ai l’impression de sentir tous mes organes se mouvoir dans mon ventre. Ils m’ont retiré la rate, je crois. J’ai pas trop suivi leurs explications, je retombais de fatigue dès qu’ils ouvraient la bouche et cette fois-ci cela n’avait rien à voir avec un quelconque jeu. Je tombe réellement de fatigue, tout le temps, à cause d’un rien. C’est normal qu’ils disent tous mais moi je ne vois pas où est la normalité dans ce qui est de ressembler trait pour trait à un légume en fin de vie. C’est Elon qui avait un cancer ; pas moi. C’est Elon qui avait vécu mille vies ; pas moi. Je compte pas leur faire le plaisir de clamser, c’est tout bonnement hors de question. Ils auraient droit à une nouvelle lecture de testament, ce qui aurait au moins le mérite de rassembler la famille une fois supplémentaire. Même pour le mariage de Damon, personne n’a été foutu de se mettre côte à côte pour une large photo de famille, moi le premier. La vérité, c’est que mon frère me dégoûte sans doute encore bien trop pour ça, surtout alors que notre dernière discussion a tourné autour dudit mariage, justement. Damon méritait mieux. Un meilleur père de sang, un meilleur père d’adoption, une meilleure famille et une meilleure vie. Il a su faire semblant d’être heureux mais les choses ne trompent pas: il ne l’est pas le moins du monde. Je sais reconnaître la tristesse dans le bleu des yeux de mon fils, ce qui n’est apparemment toujours pas le cas de mon frère, lui qui l’a pourtant vu grandir et évoluer sous ses grands yeux ingrats.

Ses grands yeux ingrats qu’il pose désormais sur moi, maintenant, et les miens, fatigués, qui peinent à le suivre malgré la lenteur de ses mouvements. Mes paupières se ferment bien souvent, je n’ai même pas la force de me relever pour au moins faire semblant de pouvoir arriver à sa hauteur et ne pas avoir à l’observer de haut. “Tu viens finir le travail ?” Je n’ironise qu’à moitié, refusant toute sa pitié, toutes ses excuses. Est-ce qu’il sait qui est Otto pour lui, au moins ?

Il est venu avec des fleurs, pour la énième fois. Saül passe à l'hôpital plus de temps que de raison. Abel est resté avec Anja aujourd'hui. Il est bien la seule en qui elle ait confiance et il ne peut décemment pas demander ce service à Damon qui vient seulement de se marier. Quelle belle cérémonie c'était, s'il n'y avait pas eu cette fin de soirée catastrophique. De toute façon, ce qui est fait est fait. Saül a jeté le costume tâché de sang de son frère, n'ayant pas le courage de le porter à nouveau. Pas alors que Auden ne s'est toujours pas réveillé. Les médecins ont dit que son corps avait besoin de repos, mais Saül déteste attendre, c'est bien connu. La dernière fois qu'il s'est trouvé entre ces murs, c'était quand son cœur lui a fait défaut. Un cœur de vieille personne, selon les médecins. Un cœur qui n'a pas été ménagé par le stress et par la vie en général - et par une trop grande prise de stupéfiant, certainement. Ca n'a pas aidé Saül a arrêter ses bêtises, loin de là. Auden arrêtera-t-il de se faire tirer dessus avec cet évènement ? Est-ce le dernier ? Dents serrées, Saül passe la porte de l'hôpital. Les fleurs commencent à s'accumuler dans la chambre. Le premier bouquet a fané, son odeur de putréfaction se répand dans la pièce comme un poison.

Le troisième jour, Saül est venu avec Abel et ce n'était pas une bonne idée. Les pleurs du bambin n'ont pas réveillé Auden mais Saül est resté au chevet de son frère un peu moins longtemps que d'habitude. La veille, c'est toute la journée qu'il était resté assis dans ce maudit fauteuil en cuir jaune. Un meuble affreux et si cela ne tenait qu'à l'italien, Auden serait déjà dans la meilleure clinique d'Australie. En marchant dans les couloirs pour se dégourdir les jambes, Saül s'est aussi heurté à quelques membres du personnel hospitalier à qui il a remonté les bretelles, blâmant le monde entier pour l'absence de son frère. S'il ne reprend pas conscience, ça sera de leur faute. Et c'est toujours la même routine, tous les jours que Dieu fait sont ainsi. Auden ne se réveille pas, Saül marche dans la chambre avant de rejoindre les couloirs. L'après-midi, il apporte un peu de travail et résout quelques problèmes au téléphone en priant pour qu'Auden se réveille avant la fin de l'appel, bousillant au passage un deal financier en cours. Saül ne veut de toute façon voir personne. C'est à peine s'il adresse la parole à Anja quand elle lui fait son compte-rendu quotidien au sujet d'Abel, qui ne comprend certainement pas pourquoi son papa est absent.

Et enfin, au bout de ce qui semble être une éternité, le brun ouvre un œil. Avachi en avant, les coudes sur les genoux, Saül ne l'a pas remarqué. La voix rocailleuse de Auden le tire de ses prières, lui qui croit à nouveau en Dieu maintenant qu'il a entre les mains le sort de son petit frères. Les Je vous salue Marie sont un peu rouillés mais le Nôtre Père est bien ancré dans sa vieille caboche. Sous ses ongles, plus une seule trace de sang. Il a mis du temps à partir pourtant, sous l'eau bouillante. « Tu viens finir le travail ? » Et malgré lui, un soupir de soulagement s'échappe de sa cage thoracique. « Oui. Tu croyais que j'allais attendre ici le temps que tu daignes te réveiller ? » Son ton traduit toute l'ironie de la situation alors que l'aîné a passé plus de temps dans ce fauteuil jaune que dans son lit, ces jours-ci. « Tu es un salaud, je voulais être le premier à te tirer dessus. Ca aurait fait un magnifique cadeau de noël. » Un des rares sourires sincères de Saül fend son visage. Le plus fort de ses souhaits se réalise sous ses yeux, à moins que le manque de sommeil ne lui donne des hallucinations.

Il est presque en aussi piteux état que moi, mon frère. Le sommeil lui manque et la nourriture aussi, sans aucun doute. Il est con, à me veiller comme si ça allait pouvoir arranger mon état. Il n’est même pas un vampire qui pourrait me donner son sang et ça c’est bien dommage, parce qu’à en croire les séries qui défilent à la télévision, cela fait des miracles. Notre premier échange débute par une question ironique de ma part et est reprise par un soupir de la sienne, j’imagine que nous n’avons rarement fait aussi bien en termes de départs. « Oui. Tu croyais que j'allais attendre ici le temps que tu daignes te réveiller ? » Mon sourire est faible, il me coûte beaucoup et demande à mes yeux de se refermer l’espace de quelques secondes. Je voudrais lui faire un doigt d’honneur, je crois, mais ce serait envoyer trop de force, trop loin de mon visage. Attendre ici que je daigne me réveiller, c’est ce qu’il a fait. Il ne le dira pas, je ne lui demanderai pas, mais je le connais assez pour savoir qu’il a trouvé le temps de s’inquiéter pour moi, ce sombre imbécile, comme si une balle (deux) pouvait réellement mettre à terme de façon définitive Auden Williams. “Comment elle est la nourriture, ici, sur l’échelle de talent culinaire de papa ?” Je sais que t’es resté, Saül. Tout comme on sait tous les deux que notre père était un horrible cuisinier et qu’il trouvait même le moyen de rater des œufs au plat. Les jours que maman passait hors de la maison étaient synonymes de supplices culinaires pour les jeunes garçons que nous étions à l’époque.

Le jaune du fauteuil lui va mal au teint. Je voudrais prendre une photo - si j’avais mon appareil, si ma main n’était pas bandée à cause de la brûlure qu’il m’a imposée aussi -, le genre de photo que personne ne publie du vivant du photographié. Ce sont les photos de ce genre qui sont publiées post mortem, qui donnent une autre version de l’homme qui l’était, qui le font enfin découvrir au monde sous un angle nouveau alors que plus jamais ils n’entendront ses mots. Tout est paradoxal, là dedans, et je me rends compte que je n’ai jamais pris de photo de lui depuis plusieurs décennies. « Tu es un salaud, je voulais être le premier à te tirer dessus. Ça aurait fait un magnifique cadeau de noël. » C’est à son tour, de sourire. Un relais vitesse que nous réalisons avec plus de lenteur encore qu’une armée de tortues amputées. Par avance, je sais qu’aucun de nous deux n’osera parler de ce moment et de toute la fatigue que nous ressentons tous les deux. “J’ai trois cicatrices de plus, fais gaffe, je vais être imbattable au concours.” Au concours du plus gros dur, au concours de celui qui a le plus souffert, au concours de celui qui a le plus fait souffrir autrui. Je ne préciserai pas que je n’ai pas infligé la moindre blessure en retour ni même que je me suis moindrement battu. Il avait une arme et rien que pour ça, je l’ai détesté. “Désolé pour Noël, il te reste trois semaines pour me trouver un autre cadeau. Je serai pas difficile cette année, promis.” Surtout parce que je sortirai à peine de l’hôpital au moment de Noël et que ce sera ça, mon cadeau à la con.

Même la chambre est triste et ce ne sont pas les fleurs qui lui donnent une meilleure allure.  Certes, l'odeur de mort est couverte par celle - peut-être plus affreuse encore - des fleurs en décomposition. « Comment elle est la nourriture, ici, sur l’échelle de talent culinaire de papa ? » Avouer, c'est admettre qu'il est ici depuis plusieurs jours déjà. Ici, la nourriture est affreuse. Pire que celle d'Ariane si cela est possible. D'un toussotement, Saül chasse un aveu qui lui arrache la langue. « Horrible. Je ne sais pas pourquoi ils ont insisté pour te garder ici, je t'aurais fait envoyer dans un endroit plus... » Moins... Laid ? Plus... confortable ? Comment peut-on trouver un endroit confortable quand on a de toute façon des blessures potentiellement mortelles ? Qu'est-ce qu'on ressent, quand on est plongé dans le coma ? Saül n'a connu cette chambre - ou son homologue - que quelques heures, le temps de passer des examens histoire de confirmer le mauvais état de son muscle cardiaque. Ce n'est rien comparé au séjour de Auden qui gisait là, endormi, sous les yeux inquiet de cet aîné qui a souhaité sa mort des dizaines de fois. Saül n'a jamais voulu que cela arrive vraiment, comme il l'a constaté dans les jours qui se sont succédés. A Dieu, il a demandé de lui pardonner pour toutes ces fois où, même à l'église, il a demandé à ce qu'on lui enlève ce cadet collant. Peut-être que Dieu le lui a pardonné... pour cette fois. Il n'exhausse après tout les prières que des plus fidèles de ses agneaux.

« J’ai trois cicatrices de plus, fais gaffe, je vais être imbattable au concours. » « Oui mais je t'ai cassé des côtes. Ca me donne des points en plus. » Le voir parler fait plaisir à voir. Il n'a plus rien du flamboyant artiste qui ne connait qu'un sens au mot "scandale" pourtant. Ses traits sont tirés et Saül sait que son temps d'éveil est compté. Peut-être devrait-il prévenir un médecin, mais il ne sacrifiera pas une minute de temps passé en compagnie de son frère pour laisser des incompétent entrer dans la pièce. Auden est en vie. C'est tout ce qui compte. « C'est en te faisait le massage cardiaque. J'ai appuyé trop fort, je crois. » Saül peut encore s'entendre compter à voix haut, les yeux bordés de larmes. Il s'est époumoné un moment dans la nuit avant que quelqu'un ne vienne l'aider. Les secours ont mit une éternité à arriver et c'est comme cela que Saül s'est retrouvé à nettoyer le sang sous ses ongles, de longues heures après le drame. « Désolé pour Noël, il te reste trois semaines pour me trouver un autre cadeau. Je serai pas difficile cette année, promis. » « Je t'offrirai la peau du salaud qui t'a fait ça. Tu en feras une jolie toile. » La réplique est sortie toute seule, mais Saül sait parfaitement qui est le salaud qui a fait ça. Ils partagent le même sang, ils ont probablement bien plus en commun que la simple envie de voir mourir Auden. A la différence de Otto, Saül ne veut l'étrangler que dans ses rêves. Le voilà d'ailleurs qui se redresse, gêné à l'idée d'aborder le sujet.

Noël, c'est une discussion bien plus intéressante à avoir. « On fera noël à la maison, avec un concours de cuisine. Je te laisserai peut-être gagner, ça sera ça ton cadeau. » Et quoi dire de plus ? Soudain, Saül se rend compte que les choses étaient plus faciles lorsque Auden était inconscient. Attendre, ça ne coûte rien à personne. Combler le vide, en revanche... « J'ai un chien maintenant. » C'est tout ce qu'il trouve à dire, pour essayer de s'échapper du piège "Otto". Il les suit jusqu'à l'hôpital, jusque dans ce lieu de repos - parfois éternel - et Saül lui refuse l'entrée de la chambre. Ici, Auden et Saül trouvent la paix, une paix qui ne dure habituellement que quelques semaines avant que les frères ne repartent sur les sentiers de la guerre.

Saül esquive les détails de ma question, ne faisant que me confirmer ce dont je me doutais déjà: ce n’est pas la première fois qu’il vient me rendre visite. Tout a dû se compter en heures et en infirmières qui ont dû le menacer d’appeler la police lorsqu’il a sans doute cherché à rester à mon chevet au-delà des heures d’ouverture. Il ne sait pas faire dans la demie mesure, Saül, tout aussi peu que j’en suis capable moi aussi. « Horrible. Je ne sais pas pourquoi ils ont insisté pour te garder ici, je t'aurais fait envoyer dans un endroit plus... » Je le déteste, à me faire sourire. Ça fait mal, j’entends encore mon crâne cogner contre la terre. Ça aussi, ça a fait mal, même en comparaison à l’impact de la balle et à son cheminement au travers de tous mes organes (ou peut-être pas tous, oui, d’accord). “Je suis sûr que t’aurais eu ton mot à dire s’ils avaient pas eu à m’emmener dans l’hosto le plus proche.” Question de vie ou de mort, littéralement. Je ne suis pas médecin, je ne le serai jamais, et je ne m’y connais pas vraiment en la matière non plus mais je devine à mon état encore aujourd’hui que je ne devais pas être beau à voir, à l’époque. Et cela n’a même rien d’une question d’ego: je n’étais pas beau à voir, transpercé d’une balle tirée à bout portant en plein mon abdomen. “Comment vous m’avez retrouvé, d’ailleurs ?” Ce n’est sûrement pas Otto qui a prévenu qu’un corps gisait dans les vignes et ils ont sans aucun doute eu besoin de nombreuses minutes avant de s’en rendre compte. Alors qui ? Comment ? Angus, peut-être, après m’avoir insulté de tous les noms en ma qualité de piètre chauffeur de taxi ? Personne d’autre ne savait même que j’étais présent, mon absence n’était pas notifiable. J’aurais pu y rester, voilà tout ce que je dis. J’aurais pu y rester et faire un repas divin pour les renards et autres animaux de la nuit.

« Oui mais je t'ai cassé des côtes. Ça me donne des points en plus. »
“Dis pas de conneries, j’ai deux balles qui m’ont traversé le corps. Je gagne.”

Même là, même maintenant, on ne sait pas faire autrement que de jouer à ce jeu stupide. Il m’amuse, pourtant. Notre temps nous est compté, je m’épuise bien plus vite que Sloan encore, mais je me moque bien de savoir à quoi ressemblent nos discussions tant que nous en avons sans nous insulter. « C'est en te faisait le massage cardiaque. J'ai appuyé trop fort, je crois. » Alors c’est pour ça, que j’ai un mal de chien à plusieurs endroits. Comme si la balle n’avait pas fait assez de dégâts, mon frère s’est senti obligé d’y rajouter sa patte. Et vous savez le pire dans tout ça ? C’est que ça m’amuse terriblement, au point où j’en aurai réellement rigolé si mes côtes cassées, justement, ne me faisaient pas un mal de chien. “S’il te plait, me dis pas que y’a eu le bouche à bouche avec.” Tout ce que j’imagine de cette scène, moi, ce sont ses mains se gorgeant de sang à chaque nouvelle pression contre mon thorax et Saül ne pouvant pas trouver de solution miracle en un claquement de doigts. J’esquisse un sourire pour venir parer mes paroles, preuve que tout est soudainement devenu le cadet de mes soucis.

« Je t'offrirai la peau du salaud qui t'a fait ça. Tu en feras une jolie toile. » Oh, c’est bien du Saül tout craché, ça. “Ça ne m’intéresse pas.” Voyez, observez. Même dans un instant pareil, je ne sais pas faire semblant d’être de son avis. Je ne veux pas la vengeance, je ne veux pas la justice non plus. Cela ne m’intéresse pas le moins du monde. Otto n’a pas à payer pour son geste, c’est d’un ennui mortel. Je veux des réponses à mes questions, absolument rien d’autre. Je garde son prénom pour moi, ne sachant pas encore à quel point mon frère sait qu’il en a un autre, de frère. Quel paradoxe de dire que son frère n’est pas le mien, on dirait un de ces problèmes mathématiques à la con qu’on nous donnait à l’école. C’est pas Pythagore qui m’a aidé, quand je pissais le sang dans les vignes.

Alors il continue, Saul, comme une personne sénile qui fait semblant de ne pas avoir entendu les sujets qui fâchent. « On fera noël à la maison, avec un concours de cuisine. Je te laisserai peut-être gagner, ça sera ça ton cadeau. » Je souffle doucement. On appellera ça un rire, maintenant, parce que même expulser l’air de mes poumons me fait mal. Le moindre mouvement me fait mal, à vrai dire. “Je commencerai à peine ma rééducation, ça sera enfin l’occasion pour toi de gagner presque loyalement.” Je commencerai à peine ma rééducation et je n’ai aucune idée de l’état dans lequel je serai ; je ne sais pas si je pourrai le faire, son concours de cuisine. Damon sera là ? « J'ai un chien maintenant. » - “Il arrive à te supporter ? Je suis resté combien d’années dans le coma, au juste ?” La surprise est entière, je ne cherche pas à le cacher.

Il y a des choses qui soudent parfois les frères. La mort proche de l'un d'entre eux est l'un de ces événements. La dernière fois, c'était dans le lit de la rivière dans lequel Saül a failli se noyer. Depuis, l'aîné a peur une irrationnelle de l'eau et de tout ce qui s'en rapproche. La chasse, oui. La pêche, très peu pour lui, même s'il a pied. C'est un motif récurrent de moquerie auquel Saül ne réchappe pas. « Je suis sûr que t’aurais eu ton mot à dire s’ils avaient pas eu à m’emmener dans l’hosto le plus proche. » Le premier lève les yeux au ciel à la remarque du second. Bien sûr qu'il aurait eu son mot à dire, il est Saül Williams. On ne demande rien à Saül Williams. On s'exécute. « T'étais pas non plus dans un état nécessitant de prendre des décisions vitales. » Si. Et il s'est fait des cheveux blancs, Saül, à attendre le réveil de son cadet. Il ne le lui dira pas. Son teint gris et les cernes de dix pieds de long qu'il arbore non sans honte le prouveront assez à Auden qui aura les armes nécessaire pour se moquer de ce frère poule. Ils n'ont pas eu l'habitude d'être entourés de l'amour filial de leur mère qui n'a jamais été trop proche de ses fils. Et Elon... mieux vaut éviter le sujet si l'on ne veut pas jeter un froid, surtout en ce qui concerne Saül. « Comment vous m’avez retrouvé, d’ailleurs ? » Un rictus marque le visage de l'homme d'affaires. « Tu te souviens quand je disais que je pisserai sur ta tombe, quand on était gamin ? » Une sombre histoire d'urine et le tour est joué. Heureusement que ce soir là, Saül était trop soûl pour se rendre compte de la bêtise que représente le fait d'aller pisser dans les vignes, à la vue de tous.

Fort heureusement, Saül l'a retrouvé avant d'en venir à de telles extrémités. Au concours le plus ridicule de l'histoire, Auden gagne assurément et son frère n'essaie pas de lui reprendre le titre. Il est de toute façon trop fatigué pour essayer de se déchirer avec le cadet qui, allongé dans son lit, n'est pas non plus des plus frais. « S’il te plait, me dis pas que y’a eu le bouche à bouche avec. » Oh non, certainement pas de la part de Saül. Bras croisés, le quarantenaire s'empresse de répondre, témoignant de la gêne qu'il éprouve. « Ce n'était pas nécessaire. Et ce n'est d'ailleurs pas recommandé. » Le voilà prêt à se lancer dans une thèse histoire de mettre cette histoire bien derrière eux.

« Ça ne m’intéresse pas. » « Moi ça m'intéresse. » qu'il lâche, secouant la tête. Ls Williams règlent leurs comptes et payent leurs dettes mieux que les Lannister, c'est bien connu. Il sait, Saül, que le responsable de l'odieux forfait n'est autre que son frère biologique, un homme aux normes sociales délirantes. Qui tire sur quelqu'un pour réclamer un trône dont il n'a jamais été le détenteur ? Un trône qui n'existe pas ? Idéalise-t-il la place de frère ? A-t-il demandé à Auden comment c'était, d'être le frère de Saül ? Bien vite - trop vite - le sujet change. « Je commencerai à peine ma rééducation, ça sera enfin l’occasion pour toi de gagner presque loyalement. » « Tu sais que j'ai toujours été meilleur dans ce domaine. » qu'il argue, sourire aux lèvres. Oui, il en est persuadé. Auden, c'est l'artiste de la famille mais Saül a passé plus de temps dans la cuisine de leur grand-mère à la regarder faire. Il en est certain, Auden ne lui arrive pas à la cheville dans cette compétence. « Il arrive à te supporter ? Je suis resté combien d’années dans le coma, au juste ? » Titus s'est imposé, la faute à Damon qui n'a eu d'autre bonne idée que de donner un chien à son père. Forcément, Saül l'a gardé. Et forcément, Saül s'habitue à sa présence réconfortante. « Il s'appelle Titus. Un cadeau de Damon. T'as pas raté grand chose d'autre, t'en fais pas. » C'est dingue, ce qui arrive ensuite. « Notre fils. » Un grand sourire se plaque sur le visage de l'homme d'affaires qui, content de sa plaisanterie, ne pense pas pour autant qu'elle en soit complètement une.

« Tu l'as reconnu ? Ton agresseur. » Sous-entendu "m'as-tu vu en lui?" Trop timoré pour poser la question de but en blanc, Saül se contente d'en faire le tour sans trop en parler directement.

Il peut dire ce qu’il faut, Saül, mais je sais qu’il est inquiet et qu’il a détesté la moindre seconde des derniers jours écoulés. « T'étais pas non plus dans un état nécessitant de prendre des décisions vitales. » Oh oui, non, bien sûr. Loin de moi l’idée d’en faire des tonnes et les fils reliés à mon corps autant que mon incapacité à articuler plus de trois mots sans être essoufflé sont sûrement là pour me faire payer toutes mes mauvaises actions de l’année mais cela ne veut rien dire. Rien à voir avec une balle ayant traversé mon corps, par exemple, et de toute façon je ne vois même pas le rapport de cette dernière avec la situation dans laquelle je suis en cet instant. En plus d’inquiéter mon aîné - ce qui est amusant, je dois bien l’avouer -, cela a aussi le mérite de contenter toutes les personnes que j’ai pu ennuyer dans ma vie, et Dieu sait qu’elles sont nombreuses. “Je me disais bien que je pouvais pas être la cause de ces rides sur ton visage, que tu les avais déjà avant.” Non pas qu’il ait froncé le visage pendant des heures, mon frère, bien sûr que non. J’esquisse un sourire douloureux, incapable de me la fermer même lorsque mon corps me le supplie, et ce n’est pas une maigre tentative de me replacer sur le lit qui saurait changer quoi que ce soit.

Pourtant, tourmenter mon frère n’est pas (déjà) ma nouvelle priorité et je préfère en savoir plus sur ce qu’il s’est passé plutôt que de le questionner sur mon état de santé dont je ne veux rien savoir. « Tu te souviens quand je disais que je pisserai sur ta tombe, quand on était gamin ? » Je m’en souviens tout comme je me souviens lui avoir bien précisé que, étant plus vieux, il allait mourir avant et que je serai le seul à pisser sur sa tombe. Pour autant, cela ne répond pas vraiment à la question formulée, ou tout du moins c’est une réponse bien moins rocambolesque que ce à quoi j’avais commencé à me préparer. Un peu de hasard, beaucoup de chance, et vous obtenez un sauvetage in extremis suite à une balle pas-si-perdue. Et dire qu’Otto a eu l’intelligence d’acheter un silencieux ; je ne l’aurais pas cru capable d’activer autant de neurones à la fois. Il m’a peut-être tiré dessus, le sombre connard, mais il m’offre aussi la possibilité de tourmenter mon frère comme bon me semble et ô Dieu que c’est amusant que de l’imaginer faire du bouche à bouche à un homme. « Ce n'était pas nécessaire. Et ce n'est d'ailleurs pas recommandé. » Qu’il rétorque, le bougon outré. Je n’ai pas besoin d’en savoir davantage et n’ai aucun mal à le croire à ce sujet. Une fois de plus, c’est avec un sourire entendu que je replace ma tête déjà lourde et douloureuse contre le coussin.

« Moi ça m'intéresse. » Pourtant, ce n’est pas lui sur qui on a tiré et c’est encore moins lui qui en subira les conséquences. Alors je me moque bien de savoir ce qui l’intéresse ou non: ce ne sont pas ses affaires, et ce peu importe que cela l’intéresse ou non. Je n’ai pas besoin de lui à mes côtés, ni cette fois-ci ni jamais. Je suis un adulte qui n’a pourtant pas la force d’avoir une véritable discussion (comprendre, une bagarre) avec lui à ce sujet en cet instant, raison pour laquelle j’accepte volontiers de passer à la suite et plutôt parler de ce qui nous attendra pour Noël, quand tout sera un peu moins pire. « Tu sais que j'ai toujours été meilleur dans ce domaine. » Il ment, bien sûr. Je suis le meilleur dans tous les domaines dans lesquels je m’invite, c’est un fait que seuls les jaloux peuvent contester. Cela est aussi le cas pour la cuisine.

Je me fais tirer dessus et Saül a un chien. De ces deux faits, un seul m’étonne réellement, et c’est bien pour cette raison que je questionne davantage encore mon aîné. « Il s'appelle Titus. Un cadeau de Damon. T'as pas raté grand chose d'autre, t'en fais pas. » Bien sûr, il n’y a que Damon qui aurait pu voir le bon en lui, au point de lui confier entre les mains un animal. Il n’y a que ce gamin qui puisse être capable d’autant de pardon et de bonté envers une personne qui ne le mérite qu’un à deux jours par an, et encore. J’esquisse un demi-sourire, pourtant heureux pour lui. Pour eux. « Notre fils. » La réplique, totalement inattendue, a raison de mon sourire qui meurt aussitôt, simplement pour me donner toute l’amplitude d’observer le visage de mon aîné et juger de son sérieux. Parler de Damon sera toujours difficile tant nous défendons des points de vue différents, mais je sais apprécier ses efforts. “Je sais pas d’où il tient ce caractère, pourtant.” Si j’avais dû offrir un animal à mon frère, j’aurais pris soin de lui confier une bombe à l’intérieur de son ventre pour mieux la faire exploser à l’instant même où l’italien l’aurait repris dans ses bras - bien sûr qu’il le fera. Et, enfin, je souris faiblement, mes yeux ne le lâchant toujours pas, sans doute par crainte qu’il se volatilise au moindre clignement.

« Tu l'as reconnu ? Ton agresseur. »
“Je m’en occupe, Saül.”

Et puisqu’un moment de légèreté mène toujours à un autre plus musclé, nous y voilà. Il relance le sujet pour la seconde fois et je l’éconduis à la même hauteur, refusant d’avoir cette discussion avec lui et de donner une importance qu’Otto n’a pas. Pour autant, je ne peux pas croire que tout soit simplement dû à la curiosité de mon aîné. “Qu’est ce que tu sais ?” Est ce qu’il sait qu’il a un frère de sang qui se promène en ville ? Est ce qu’il sait qu’il est totalement ravagé du cerveau ? Est ce qu’il sait ce qu’il prévoyait de faire ?

« Je sais pas d’où il tient ce caractère, pourtant. » « De toi. Qui d'autre ? » Un sourire moqueur passe sur le visage de l'aîné. Ce caractère aimant, parfois orageux, parfois doux comme un agneau. C'est un peu de Auden, beaucoup des traumatismes infligés par la mauvaise fibre paternelle de Saül. Clairement, depuis Abel, Saül s'est découvert des qualités qu'il n'avait malheureusement pas encore acquises à l'arrivée de Damon. Elsie et lui s'étaient préparés, pourtant. Des mois qu'ils essayaient d'avoir cet enfant avant que n'arrive le petit Cosimo dans leur vie. Des mois de déception alors que pour Auden, les choses semblaient si faciles. Les choses ont toujours semblées faciles, pour Auden. Peut-être que le frère cadet est tout simplement plus doué pour la vie de tous les jours, contrairement à son frère qui se bat tous les jours avec son envie de tout foutre en l'air pour aller s'installer au fin fond d'une forêt.

Bien vite, les deux frères reviennent sur le sujet de l'agression subie par Auden. C'est un sujet que Auden n'a peut-être pas envie d'aborder en se réveillant tout juste d'un coma mais qui est nécessaire, pour l'aîné. Surtout parce que l'auteur des faits est son frère biologique, une machine à tuer avec laquelle Saül a des gènes en commun. « Je m’en occupe, Saül. » Dents serrées, Saül se laisse tomber dans le fond de son siège. « Depuis ton lit d'hôpital ? » D'une main, l'homme d'affaires se masse les tempes, tout en soupirant. « Tu ne vas rien faire du tout, ce type est recherché, je ne veux pas que tu essaies de le retrouver. » Quelle place a-t-il prise, soudain ? Celle de frère, celle de chef de meute, ou celle de père ? Peut-être un peu des trois. Se redressant légèrement, Saül vient appuyer ses coudes sur ses genoux. Auden est assez fatigué, mais pas au point de la fermer. C'est sa dernière réplique qui assèche complètement la bouche du quarantenaire et lui glace le sang. « Qu’est ce que tu sais ? » Tenté de ne rien dire à son cadet, Saül opte pourtant la vérité. Ce choix est rare. Mieux vaut en profiter. « Tu veux dire à part que ce type et moi sommes sortis de la même femme ? » Surtout ne pas prononcer le mot "mère" ou tout ce qui s'en rapproche. Une mère, Saül n'en a qu'une, même si cette dernière lui a caché des vérités qu'il aurait préféré ignorer toute sa vie. Pour ne pas avoir à se sentir comme un mouton noir, pour ne jamais - comme si cela avait une influence sur la suite des événements - croiser le chemin de son frère biologique. Ce mot là non plus, il ne le prononcera pas à voix haute. Otto n'est pas un frère. Otto est un type avec lequel Saül partage vaguement quelques traits biologiques. Le seul frère qu'a Saül se résume à Auden, et c'est déjà bien. Jamais Saül n'aurait pensé qu'en terme de folie, quelqu'un viendrait un jour rivaliser avec son cadet.

« Je ne sais pas pourquoi il est venu t'agresser. » C'est presque dit sur le ton de l'excuse et pourtant, les yeux de Saül sont tout sauf remplis d'autre chose que de la sainte colère qui l'anime habituellement. « Il est dangereux, alors j'ai prétendu qu'on t'avait envoyé en Italie pour que tu te remettes. » Mais Otto n'est pas stupide. Otto doit se douter de quelque chose. Sinon, il aurait lui aussi fui le pays et Saül est persuadé que ce n'est pas ce qu'il a fait. Pour rester près de son frère aîné, pour rester dans les parages au cas où Auden donnerait signe de vie, ce grand malade a dû rester sur le sol Australien. « Est-ce qu'il t'a dit quelque chose ? » Avant d'essayer de te tuer.

Au cas où les choses n’étaient déjà pas assez évidentes, je me permets de le préciser une fois de plus: je n’ai aucune envie de parler de ce qu’il s’est passé il y a quelques jours, et encore moins avec Saül. Pour une fois, le problème n’est pas Saül lui-même, mais bien tout ce qui l’entoure, et ce n’est pas en ayant passé les derniers jours dans le coma que j’ai pu en apprendre davantage sur toute cette histoire et démêler le vrai du faux. J’ai besoin de temps, tant pour reprendre des forces que pour investiguer avec soin, cette affaire ne pouvant avoir que de bien trop nombreuses conséquences sur notre famille - et pas seulement une histoire de pistolet et de balles tout sauf perdues. Oh, je voudrais les garder dans mon appartement s’ils les ont retrouvées, d’ailleurs. « Depuis ton lit d'hôpital ? » - “Je m’en charge je te dis.” Je répète donc, le lit d’hôpital n’étant que temporaire. Qu’il ne me donne pas de raisons supplémentaires de me tirer d’ici avant le jour prévu, parce que c’est réellement tout ce dont j’ai envie en cet instant et il sait que j’en serais capable, peu importe à quel point cela viendrait nuire à ma santé. Est-ce que je suis à ça prêt, maintenant, de toute façon ?

Il se masse les tempes alors que ses paroles me font sourire, malgré mon état de santé franchement pitoyable, dans tous les sens du terme. « Tu ne vas rien faire du tout, ce type est recherché, je ne veux pas que tu essaies de le retrouver. » Mes yeux cherchent les siens quelques secondes, prêts à entendre à tout instant qu’il ne fait que blaguer avec moi. Pourtant, rien ne vient. Il est sérieux au possible, le con. “Rappelle-moi, quand est ce que j’ai écouté un de tes ordres pour la dernière fois ?” Sans doute quand il m’a annoncé que je le dégouttais, parce que le sous-entendu était sûrement qu’il voulait que je dégage de son champ de vision, pas vrai ? Cette fois-ci et cette fois-ci seulement, je l’ai écouté sans rien dire, sans me plaindre, sans faire autre chose qu’échanger avec lui un regard noir pourtant brillant d’émotion et des joues devenues saillantes car retenues en otage entre mes dents. Pathétique. J’ai grandi, depuis, et même alité je continuerai de faire valoir mon point de vue: je m’en occupe, que cela lui plaise ou non. Il est peut-être mon aîné, mais cela ne m’empêche pas de pouvoir prendre soin de lui, quand le contexte s’y prête. Plus que jamais, c’est ce qui se produit désormais. « Tu veux dire à part que ce type et moi sommes sortis de la même femme ? » Pourtant, j’en reviens encore à serrer les dents, pour des raisons bien différentes désormais. Merde. Je ne le pensais sincèrement pas en possession de cette information et, bien loin de m’en sentir trahi, je ne peux qu’être étonné de son annonce. “Tu le sais depuis quand ?” Qu’il a un frère de sang, qu’il se prénomme Otto, qu’il est ici en Australie ; oh, et qu’il est totalement fou à lier et qu’il veut me tuer, aussi. Beaucoup de questions se trouvent en sous-entendu, je lui laisse choisir auxquelles il souhaite répondre en premier avant que je lui arrache le reste des confessions d’une façon ou d’une autre par la suite. C’est à lui de juger s’il veut faire les choses calmement ou dans la douleur et les cris - habitude Williams.

« Je ne sais pas pourquoi il est venu t'agresser. » J’écoute, ne trouve rien à ajouter. Pour une fois, ce n’est pas à Saül que j’en veux pour tous les maux du monde. Peu importe nos différents, leur fréquence et leur intensité, je sais qu’il n’aurait pas voulu ma mort. Et si tel avait été le cas, il aurait au moins tenté de me tuer par lui-même. Nous avons bien des défauts, mais nous ne sommes pas lâches. « Il est dangereux, alors j'ai prétendu qu'on t'avait envoyé en Italie pour que tu te remettes. » - “Je dois mettre une robe pour parfaire mon rôle de demoiselle en détresse ou ça ira ?” J’ironise, parce que je ne sais rien faire d’autre dans un tel moment. Mentalement, je note son mensonge, m’étonnant du réflexe intelligent de mon aîné. Dans ce lit d’hôpital, il aurait eu tout le loisir de réitérer ses coups de pistolet, et cette fois-ci je doute qu’il m’aurait de nouveau manqué. « Est-ce qu'il t'a dit quelque chose ? » Beaucoup de conneries, alors j’ai besoin de plusieurs secondes pour retirer de la masse d’informations le peu de mots qui pourraient se montrer intéressants. “Il veut que tu l’acceptes comme ton frère. Et pour ça il avait besoin que la place se libère.” Par ma mort, donc. C’est une psychologie digne d’un vilain de film de super-héros ; le genre de vilain qui finit toujours par être annihilé par la force des supers gentils. “Reste loin de lui, c’est tout ce que je dis. On peut pas prévoir les plans qu’il s’imagine.” Il serait le genre à garder sa mère morte à côté de lui dans le lit ; c’est finalement ce genre de personnage là qu’il est, pas un simple vilain. Il est un putain de Norman Bates en puissance, l’italien qui a eu la malheur de partager un peu trop d’adn avec mon frère. “Et puis jouer au héro ça te va aussi mal qu’au vengeur.” T’as pas intérêt de tenter l’un ou l’autre, Saül, je te jure.