Tout le monde dit qu’il s’agit de trop d’exagération lorsqu’une personne dit avoir perdu le compte des jours et du temps écoulé. Pourtant, je ne l’ai jamais mieux compris qu’en cet instant. Le soleil se lève et se couche derrière les rideaux de l’hôpital, les visites se suivent, et pourtant je n’arrive pas à retenir la date du jour ni même à comprendre que demain est déjà arrivé. Tout se ressemble, la lumière est toujours la même: jaune, horrible. Je ne pourrais même pas dessiner dans cette pièce, même si j’avais déjà retrouvé toute la dextérité de mes doigts. Maintenant, je sens que l’inspiration m’est revenue, mais bien sûr cela intervient au moment même où je ne peux pas poser mes idées sur papier ; et bien sûr, il aurait été hors de question de faire passer mes idées à Saül pour qu’il tente d’en faire quelque chose. Même pour dessiner un tourbillon, je ne lui ferais absolument pas confiance. J’attendrai de pouvoir être totalement autonome de nouveau ; ou en tout cas en ce qui concerne ma capacité à bouger mes poignets sur une table. Pour ce qu’il en est de marcher, je n’en demande pas autant et si c’est bel et bien quelque chose de plutôt pratique, cela m’importe pourtant bien moins que de pouvoir dessiner à nouveau. C’est ce dont j’ai besoin pour guérir, je le pense sincèrement, et ce n’est pas une lubie de malade.

J’ai renvoyé Saül chez lui. Je suis sûr que cet imbécile commençait à préférer le fauteuil moche et sans doute inconfortable à son lit. Il a pris un peu trop goût à l’eau qui goûte l’acide et aux sandwiches triangle de la machine qui ne tombent qu’une fois sur deux. Honnêtement, pourtant, lorsque ma porte a commencé à s’ouvrir une fois de plus, c’est mon frère que je pensais apercevoir dans l’encadrement - les médecins l’ouvrent différemment, cette foutue porte aussi horrible que le reste du mobilier. Et de toutes les visites que j’aurais pu attendre, les tambours dans ma tête et moi-même n’avions pas pu anticiper que ce serait Ezra qui allait se présenter face à moi. Encore moins que ses bras seraient chargés de la dernière Merveille du Monde en date, me faisant aussitôt sourire. Si j’essaye de me redresser, j’abandonne bien avant de faire reposer mon poids sur mes coudes: tout est encore bien trop douloureux, partout dans mon corps. “Salut.” L’instant est assez particulier pour que je trouve le temps de saluer le Beauregard dans un souffle, n’ayant pourtant d’yeux que pour mon fils qu’il garde encore près de lui. Sloan va bien, et c’est sûrement tout ce qui m’importe, bien avant même le fait de savoir si oui ou non je pourrai dessiner de nouveau un jour - avec un peu de temps, il n’y a pas de raison, vous me direz. “Tu peux le garder sur tes genoux ? Y’a pas assez de place, là.” Là, sur le lit. Là, où les fils se multiplient. Là, où le large pansement sur mon torse laisse penser qu’un moindre mouvement maladroit réveillerait aussitôt une large douleur. Sloan est un enfant, il ne comprendrait pas l’ordre de ne pas bouger, alors si Ezra pouvait simplement s’asseoir sur ce foutu fauteuil jaune et horrible et garder mon fils à hauteur du lit, je pourrais au moins le toucher et lui recommencer à s’amuser avec mes doigts comme si personne ne lui donnait jamais à manger. “Tu l’as depuis combien de jours ? Tout va bien ?” J’ai perdu la notion du temps mais cela ne m’empêche pas le moins du monde d’être un père se préoccupant de la santé de son fils autant que du quotidien de l’homme, lequel n’avait certainement pas prévu d’être perturbé par l’omniprésence d’un enfant supplémentaire. “J’avais pas prévu de jouer la star, je suis désolé.” Les excuses sont sincères mais ne peuvent décemment pas être prononcées sans une connerie à côté, alors je fais mon travail et je joue mon rôle, un faible sourire au coin des lèvres.

a next time would be the ending of me.

@auden williams

(c) harley

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De toutes les situations qu’Ezra pensait avoir à affronter cette année, rien ne lui avait mis la puce à l’oreille pour celle qui s’était présentée. Vous direz, c’était le cas pour toutes les autres d’avant - mais ces dernières l’avaient personnellement touché, étaient venues le chercher là où ses émotions n’attendaient pas à être autant secouées. Lorsque Auden s’était pointé à la porte de chez lui, Sloan dans ses bras et un sac rempli des affaires du petit sur l’épaule, le Beauregard avait d’abord été quelque peu déconcerté. Venant ouvrir la porte avec parcimonie, ne voulant pas que Noah voit qui se trouvait à la porte de chez eux - il était hors de question que le gamin en vienne à penser que sa nouvelle maison n’était déjà plus un lieu de paix et de sérénité -, il était venu se renseigner sur la situation auprès d’Auden debout devant lui avant d’agir pour quelconque raison il aurait de le faire. Les apparences et l’histoire entre eux étaient trompeuses, car le Williams n’était, pour une fois, en aucun cas présent pour venir déclencher une guerre entre eux. Il avait simplement besoin d’un service - et Ezra ne s’était pas gêné pour venir étirer un petit sourire, presque satisfait que les choses se déroulent dans ce sens là. Sloan n’était pas au meilleur de sa forme, semblant présenter une quelconque fièvre passagère, et Auden était attendu ailleurs pour aujourd’hui - un mariage, de ce qu’Ezra avait compris. Il avait juste besoin que son ennemi de toujours vienne prendre soin du petit pendant la journée et la nuit qui allait s’en suivre. Et, alors qu’il s’agissait désormais là du bien-être de son filleul, Ezra vint accepter sans soucis.

Le soucis résidait dans la seconde partie de cette histoire - si on pouvait réellement appeler ça un soucis, en réalité. Auden ne s’était pas présenté le lendemain pour venir chercher son fils comme il avait été convenu, et dans un premier temps Ezra avait mis ça sur une soirée un peu trop arrosée. Il était venu donner le déjeuner à Sloan en même temps que Noah courrait autour de la table, et les deux garçons avaient fini par faire une sieste dans un silence d’or tous les deux dans le lit de Noah. Cependant, alors que la journée commençait à s’étirer dangereusement et qu’il n’avait toujours aucun signe d’Auden, il avait commencé à réellement s’inquiéter. Ses messages restaient sans réponse, et ce fut dans cette incertitude que Sloan était venu passer une seconde nuit chez les Beauregard. On peut le garder avec nous encore longtemps ?, qu’était venu demander Noah. Cela était venu arracher un sourire attendri à Ezra - il était le meilleur grand frère que ce monde ait pu faire exister. Tant que Auden aura besoin, que lui avait répondu son père. Cela venait l’attendrir, de voir le garçon réagir de la sorte à la présence de son petit frère. Cela laissait présager uniquement des bons moments pour le futur.

Le deuxième jour, Ezra avait fini par retrouver dans son téléphone le numéro du frère de Auden - un certain Saül, d’après ce qu’il avait écrit -, afin de venir avoir de vraies nouvelles étant donné que le père de Sloan ne daignait venir lui répondre ou, au mieux, se pointer chez lui. Ce dernier était venu lui répondre, comme si c’était la chose la plus logique de l’univers, que Auden ne pourrait pas récupérer Sloan de suite car ce dernier s’était fait tirer dessus et qu’il était pour le moment encore dans le coma. Le Beauregard avait reçu le message alors qu’il était assis sur sa chaise de bureau, au garage, Sloan sur les genoux en train de jouer avec les stylos éparpillés sur le bureau et dessinant de façon plus qu’approximative sur les factures - tout le talent de son père. Ce fut à partir de ce moment là qu’Ezra avait jugé bon de trouver la situation improbable. Auden s’était rendu à un mariage et avait fini une balle dans le corps dans le coma. Cela venait impliquer quelque-chose de bien pus grand qu’eux, et qui vint percuter Ezra de pleine face: il avait failli y passer; pas que l’idée ne l’enchantait pas, mais le petit garçon assis sur ses genoux ne méritait pas que cela lui arrive. Auden avait beau être une enflure, Sloan ne méritait pas de perdre son père. Cela voulait également dire autre chose: le petit allait rester chez lui quelques jours de plus - et seul Noah, laissé dans l’ombre de la vérité, fut heureux de cette nouvelle. Pour l’occasion, Ezra vint prendre le reste de sa semaine, emportant avec lui de quoi travailler depuis son salon, pour pouvoir garder un oeil attentif sur le petit qui ne mettrait pas longtemps avant de comprendre que l’absence de son père était bien plus longue que prévu.

Cela nous amenait donc à la dernière partie de cette histoire: la raison de la présence d’Ezra dans la chambre d’hôpital d’Auden. S’il avait appris, quelques mois plus tôt, que ce dernier avait été à l’article de la mort, il ne serait en rien formaliser de cette nouvelle et serait venu l’oublier aussitôt apprise. Cependant, alors que Sloan s’agitait dans ses bras décidément heureux de voir son père de nouveau, le Beauregard n’avait pas eu d’autre choix que de venir jusqu’au St Vincent - alors qu’il détestait cet endroit plus que tout autre dans la ville. La surprise fut de mise sur le visage d’Auden, malgré les faibles expressions faciales dont il semblait capable en cet instant, et Ezra ne trouva pas meilleure réponse que de venir étirer une petite moue presque désolée. « Salut. » - « Salut. » Ils n’avaient pas fait autant d’efforts afin d’être aussi poli l’un envers l’autre depuis 1815. « J’en connais un qui avait hâte de te revoir. » Et il n’eut même pas besoin de venir désigner du menton Sloan, les deux hommes savaient parfaitement de qui il s’agissait entre le filleul et son parrain. Lentement, faisant en sorte de ne pas se cogner dans le moindre meuble, Ezra vint s’approcher du lit du Williams. Il était dans un piteuse état et avait une sale gueule en prime - il notait mentalement de venir le prendre en photo avant de partir, afin de lui rappeler ce merveilleux moment dans ceux où il viendrait lui taper sur le système. « Tu peux le garder sur tes genoux ? Y’a pas assez de place, là. » Les yeux du Beauregard balayèrent le lit du regard un instant. « Yep. » Dieu, qu’il était mal à l’aise en réalité. Ses fesses vinrent se caler assez rapidement dans l’hideux fauteuil jaune, seule assise disponible dans cette pièce autre que le lit, et le rapprocha de ce dernier afin que père et fils puissent être tout de même en contact. « Tu l’as depuis combien de jours ? Tout va bien ? » Les petits doigts de Sloan vinrent saisir ceux de son ainé et s’il ne s’agissait pas d’Auden en face de lui, Ezra aurait laissé un petit sourire attendri lui échapper. Tout du moins, il préférait venir laisser son regard se porter sur cette scène là plutôt que sur le teint livide du Williams. « Depuis une semaine. Et il est sage comme une image. » Une semaine qu’Ezra tentait de faire en sorte qu’aucune panique ne traverse ni son regard, ni sa voix, lorsqu’il était avec le bambin. « Noah et lui ont eu le temps de faire plein de bêtises. »

« J’avais pas prévu de jouer la star, je suis désolé. » Venant hausser un sourcil de surprise sans le masquer d’aucune façon, Ezra vint finalement laisser son regard rencontrer celui d’Auden. « Ah ouais ? J’aurais parié le contraire. » Même si sa voix était calme et mesurée, ses paroles restaient tranchantes. Il ne savait réellement faire autrement, en réalité. Il s’agissait tout de même de Auden, à qui il avait déjà tenté de retirer la vie mais sans grand succès - ses poings à lui n’étaient pas assez puissants face à la mâchoire de l’italien. « T’es venu pourrir la vie de combien de personnes sur cette planète pour arriver à finir dans cet état là ? » Parce-que en ce qui concernait celle des Beauregard et des McGrath, ces derniers avaient eu définitivement leurs comptes. Apparement cependant, ils n’étaient pas les seuls voulant rendre des comptes au William - et c’était là autant rassurant que tout son contraire.

« Salut. » Une moue désolée, c’est bien suffisant. Pas davantage de pitié, encore moins de ‘je suis désolé’, c’est tout ce que je demande. Je ne suis pas encore habitué à ce spectacle et je ne veux pas que ça devienne le cas, je supporterais bien mal l’empathie d’autrui. Je ne suis pas malade, je ne suis pas (plus) à l’article de la mort non plus. Des séjours à l’hôpital, tout le monde en a fait. La seule différence, c’est qu’il pensait sûrement que je serais directement allé chez les fous, Ezra. Il n’aurait pas eu tort. « J’en connais un qui avait hâte de te revoir. » Et moi tout autant, en témoigne le fin sourire que je ne cherche même pas à garder pour moi alors que mes yeux se posent sur mon fils. J’ai l’impression qu’il a grandi, encore.

Le décor se pose peu à peu, Ezra aussi inconfortablement que possible assis dans un fauteuil dont il voudrait sans doute se retirer en courant. Il ne le fait pas, pourtant. « Yep. » Pire encore, il répond même à ma demande en portant à ma hauteur le garçon qui ne se doute de rien, qui ne comprend rien non plus sans doute. Il a les traits de sa mère, c’est tout ce que j’observe, désormais. Sloan attrape mes doigts entre ses mains malhabiles, je profite de la proximité pour venir caresser ses joues rondes. Il ne se doute de rien, et c’est bien mieux ainsi, à n’en pas douter. « Depuis une semaine. Et il est sage comme une image. » Une semaine, déjà. Le temps passe trop vite, surtout pour un service qui n’aurait dû durer qu’une soirée. Par réflexe, je viens vérifier sa température en posant ma main sur son front, rassuré de me rendre compte qu’elle a eu le temps de revenir à la normale depuis sept jours. La vie d’Ezra et son organisation a dû être chamboulée, ce n’est pas ce que je voulais. « Noah et lui ont eu le temps de faire plein de bêtises. » - “Il prend son rôle de grand frère très au sérieux, à ce que je vois.” Un grand frère n’en serait pas un s’il n’apprenait pas toutes les bêtises du monde à son cadet, c’est ainsi que sont supposées fonctionner les choses. Même avec un grincheux tel que Massimo, tout s’est passé de la même manière. Et en grandissant, ce sont ces mêmes grands frères qui vous reprochent le moindre écart ; mais ça, Sloan a bien le temps avant de le connaître et pour le moment encore, il a le droit de s’extasier lorsque le moment est venu de faire l’avion pour qu’il daigne manger ses carottes.

Je le vois hausser des sourcils tout comme je sais qu’il m’observe, désormais. Pour ma part, je ne lâche pas le garçon des yeux, ne sachant que trop bien à quel point cet instant se veut éphémère. Sa place n’est pas à l’hôpital, ni lui, ni Ezra. Ce dernier y a déjà passé bien trop de temps. « Ah ouais ? J’aurais parié le contraire. » Et il aurait eu raison de le faire dans n’importe quel autre contexte que le mariage de mon propre fils, pour être honnête. J’aime le feu des projecteurs, ce n’est une surprise pour personne et certainement pas pour lui, mais je ne me serais jamais exposé au détriment de Sloan. Il devrait le savoir, ça. Il est père, lui aussi, et le nombre d’erreurs qu’il a accumulées au fil des années est mirobolant. « T’es venu pourrir la vie de combien de personnes sur cette planète pour arriver à finir dans cet état là ? » Sa répartie m’amuse un peu plus, cette fois, au point où il m’arrache un sourire en sa direction. “Pas même de celui qui m’a fait ça. Tout le monde parle toujours du karma, moi je tiens juste à dire que c’est une belle connerie.” Je ne paye pas pour mes fautes, pour mon caractère de merde, pour tout ce que j’ai pu dire ou faire ces quarante dernières années. Je paye pour avoir vécu auprès de Saül toutes ces années-là et si c’était à refaire, je le ferais sans hésiter la moindre seconde. “J’ai un autre service à te demander.” J’annonce une première fois, me donne quelques secondes supplémentaires pour mettre de l’ordre dans mes idées autant que pour reprendre mon souffle déjà court. “Confie-le à sa mère. J’ai encore trois semaines à croupir ici et même après ça, j’aurai besoin de rééducation. Je ne veux pas l’imposer à ta charge et… ils seront heureux de se revoir.” Lui, comme elle, cela va de soi. Je lui parle sans émotion, sans le regarder dans les yeux non plus, comme si tout n’était qu’à propos d’une simple transaction. Il n’y a rien de vrai là dedans mais je ne peux pas me permettre de me montrer émotif dans un moment où cela ne servirait à rien - cela ne sert jamais à rien, de toute façon, qu’on se le dise. “Elle préférera te voir toi plutôt que moi.” Mais l’inverse n’est pas vrai, parce que j’aurais donné cher pour l’apercevoir à nouveau.

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@auden williams

(c) harley

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Il n’était en rien à l’aise, Ezra, dans cette chambre d’hôpital qui en venait à lui rappeler bien plus de mauvais souvenirs que de bons. Les seuls fois où il avait eu l’occasion de venir arpenter les murs de cet endroit, ou d’un tout à fait similaire, avaient été pour bien trop de mauvaises nouvelles. La seule fois où un rayon de soleil s’était pointé à travers les journées noircies par la peur et par la mort, avait été lorsque Noah avait pu recevoir sa greffe. Ce jour là, Ezra s’était mis à remercier toute personne ayant les capacités compétentes d’avoir pu réaliser ce miracle. Là avait été le seul instant où il s’était senti reconnaissant envers les hôpitaux et tout ce qu’ils apportaient pour la population. Hors cet instant là, ses souvenirs remontant aussi loin que possible, il n’était venu dans une de ces chambres que pour témoigner de la fin d’une vie: sa mère, son frère, son meilleur ami. Aujourd’hui serait venu l’affecter d’une façon particulière, bien que différente, s’il était venu une énième fois pour témoigner d’un moment de gratitude envers une personne s’en allant avant son heure. Elle aurait été minime, sa gratitude envers Auden - mais même pour lui, il serait venu et aurait essayé de pardonner, aurait tenté de trouver les mots justes; il ne voulait simplement pas en arriver à un tel moment.

« Il prend son rôle de grand frère très au sérieux, à ce que je vois. » Aux mots du Williams à propos de son fils à lui, un sourire attendri vint bien sur se glisser ses lèvres. « C’est son rôle préféré je crois. » Même si le bambin, pourtant assis sur ses genoux, n’était pas de lui, Noah ne venait faire aucune différence. Sloan restait son frère, qu’importe les circonstances de son arrivée, et ne comptait pas venir échouer à ses responsabilités. Ezra avait hâte de les voir grandi ensemble, pouvoir partager mille et une chose comme il avait pu le faire avec ses propres frères et soeur des années avant son fils. Auden devait surement partager son point de vue - après tout, ils venaient tous deux d’une famille nombreuse. Si cela donnait autant de baume au coeur au Beauregard, en revanche, c’était d’imaginer que dans un avenir proche, Noah pourrait agir de la sorte avec une nouvelle addition à leur famille, mais du côté d’Ezra cette fois-ci. Ce projet bébé pourrait paraitre aberrant pour n’importe qui ne connaissant en rien le contexte de l’arrivée de ce dernier, mais lui peinait à masquer son impatience. Bien sur, Lily l’avait prévenu que les choses pouvaient ne pas être aussi simples, que certaines embuches pouvaient venir parer leur chemin - mais à l’idée de se savoir peut-être déjà futur père, Ezra était heureux.

Ces pensées là, en revanche, il vint les garder pour lui - hors de question qu’il vienne partager ce genre de ressentis avec Auden, bon Dieu. Surtout que ce dernier semblait être celui lui devant certaines explications et non l’inverse; après tout, c’était Ezra qui s’était retrouvé à devoir prendre soin de son fils pendant qu’il cherchait une fois de plus à se faire remarquer. Il était comme ça, Auden - et c’était pour cette raison et pour mille autres que le Beauregard peinait à le voir en peinture. « Pas même de celui qui m’a fait ça. Tout le monde parle toujours du karma, moi je tiens juste à dire que c’est une belle connerie » Il vint hausser un sourcil, surpris. « Tu veux dire que t’avais même pas énervé le gars qui t’a fait ça et pourtant, te voilà ici aujourd’hui ? » Oh, bien sur qu’il n’allait pas le lâcher et viendrait lui rappeler ce moment là, en particulier, pendant les dizaines d’années à venir - car ils avaient beau ne pas se supporter, ils étaient obligés de devoir cohabiter, leurs familles étant bien trop liées pour agir autrement. « Enfin quelqu’un qui t’a percé à jour au premier regard ? » Il continuait de parler d’une voix douce, d’une voix calme; il ne voulait en rien contrarier Sloan qui était toujours aussi sage en utilisant un ton qui ne serait pas adapté à un enfant si jeune. Il ne comptait pas mâcher ses mots, en revanche.

« J’ai un autre service à te demander. » - « Ca va commencer à te couter cher. » Ezra s’imaginait déjà tout et n’importe quoi, venant de la part d’Auden. « Confie-le à sa mère. » Il ne fallut qu’une seconde à Ezra pour venir relever son regard et son visage vers l’italien. « J’ai encore trois semaines à croupir ici et même après ça, j’aurai besoin de rééducation. Je ne veux pas l’imposer à ta charge et… ils seront heureux de se revoir. » Ezra s’imaginait tout et n’importe quoi, mais ne s’était pas attendu à entendre Auden prononcer de telles paroles. Les bandages se situaient bien sur son abdomen, et pourtant il avait l’impression que c’était sur la tête qu’il avait reçu un coup. « Elle préférera te voir toi plutôt que moi. » - « Y’a pas de mal en même temps. » C’était plus fort que lui. Revenir à de tels souvenirs et à de tels sujets de conversation ne venait en rien montrer son meilleur profil, sa meilleure facette; mais il ne pouvait simplement pas s’en empêcher. Cependant, parce-qu’il n’était pas sans coeur comme l’était Auden, il vint prendre un instant afin de considérer les paroles du Williams - s’autorisant non sans aucune gêne un long soupire. Beaucoup de choses, étrangement, étaient vraies dans ce qu’il venait de dire: Sloan serait bien mieux auprès de sa mère que chez lui, et cette dernière serait bien plus heureuse de voir Ezra que Auden - le temps avait bien changé les choses. « Il me dérange pas, tu sais. » Il vint d’une main douce caresser la joue du bambin. « Il a bien meilleur caractère que toi. » Cela n’était pas si difficile, à dire vrai. « Mais il sera mieux avec elle qu’avec moi. » Il n’y avait aucune nécessité de venir ajouter le moindre prénom, de venir la citer explicitement. Ils savaient tous les deux de qui ils parlaient, et à agir ainsi, cela permettait de ne pas attiser les tentions déjà existantes et palpables entre les deux hommes.

« On va à Sydney, avec Noah. Pas le weekend là, mais celui d’après. » Il n'y avait pas eu un seul scénario préparé à l’avance où Ezra venait expliciter ce type d’informations à l’italien, et pourtant le voilà à venir lui en parler - il n’en avait surement rien à cirer. « Il va passer une partie des grandes vacances là-bas, et Noël surement aussi je pense. » Et pour une fois, cela ne venait pas le rendre triste, car il savait d’avance que le gamin voulait revenir à Brisbane à la rentrée. « Tu t’en fous de tout ça, mais pour dire que je peux emmener Sloan avec moi à ce moment là, si tu veux. » N’était-ce pas là le meilleur signe de paix que pouvait envoyer Ezra à Auden, que de céder à sa demande sans même venir trop rechigner ?

Noah grand frère. C’est un fait avéré dont j’ai encore bien souvent du mal à me rendre compte, tant il n’a pas pu vivre auprès de Sloan autant que les circonstances auraient pu le permettre. Les histoires de famille sont difficiles à suivre chez les McGrath mais lorsque vient le moment de les coupler à celles des Beauregard et des Williams, ô Dieu que cela devient indéfinissable. « C’est son rôle préféré je crois. » Et je serais heureux que mon fils puisse grandir avec une figure fraternelle tel que lui. Noah le protégera des garçons de son âge qui pourraient se moquer de lui, il lui expliquera comment parler pour que les adultes lui pardonnent tout et accèdent à chacune de ses recettes. Il lui apprendra à être un estomac sur pattes, aussi, mais à en croire par les gènes hérités de sa mère je doute qu’il ait réellement besoin d’aide pour en arriver là.

[color=cornflowerblue]« Tu veux dire que t’avais même pas énervé le gars qui t’a fait ça et pourtant, te voilà ici aujourd’hui ? »=darkgreen]Tu comprends vite Beauregard.”

Je n’ai pas la force d’ajouter de l’ironie dans mes mots. J’en ai tout aussi peu pour étoffer mes explications et y ajouter tous les mots cassants qui me viennent à l’esprit en cet instant. Pas d’insultes en présence de Sloan, mais il n’y a pas nécessairement besoin d’en arriver là pour faire mal. « Enfin quelqu’un qui t’a percé à jour au premier regard ? » Il est bien trop curieux, à mes yeux, pour un homme qui n’est pas lié de près ni de loin à cette histoire. Il a pris soin de Sloan et je le remercie sincèrement de ça, mais le reste ne le concerne pas. Nos vies ne sont pas aussi liées qu’il peut le croire et Ezra n’a pas besoin de savoir les raisons exactes de mon hospitalisation. Ma colère est simplement calmée par la douleur ; il le sait. “Attends que tu ne tiennes plus mon enfant entre tes bras pour que je te fasse la peau.” Le ton est doux, calme, bébé friendly. Au fond, je rêve déjà de le tuer de nouveau, simplement parce qu’il a le don de m’exaspérer au plus haut point et ce peu importe le contexte.

J’annonce avoir un second service à lui demander, demande qui me coûte déjà presque autant que les mots que je m’apprête à ajouter. « Ça va commencer à te coûter cher. » J’esquisse un sourire simplement pour la forme mais, bien rapidement, je repose mon attention sur le garçon pour ne pas avoir à penser à l’homme à qui effectivement je dois beaucoup bien malgré moi. Je sens le regard du brun venir me brûler le profil dès lors que je lui fais part du fond de ma pensée et du besoin de le confier à sa mère. Il ne s’y attendait pas ; moi non plus. « Y’a pas de mal en même temps. » - “J’fais des efforts alors si tu veux pas en faire de même, contente toi de la fermer.” Et, enfin, mes yeux viennent retrouver les siens lorsque je refuse que Sloan confonde mes doigts avec une sucette, ne sachant pas à quel point ils risquent de goûter la pharmacie en entier.

Le long soupir d’Ezra n’éveille aucun sentiment particulier en moi. Je sais qu’il dira oui, sûrement parce qu’il n’a tout simplement aucune raison de me refuser ce service que parce que cela signifie qu’il pourra faire se retrouver Sloan et Ginny. C’est à elle que va sa loyauté, sans que cela n’ait rien d’une nouveauté. Il ressent simplement le besoin de me préciser que je l’emmerde et ça non plus, ça n’a rien d’une nouveauté. « Il me dérange pas, tu sais. » Il est un bon garçon. Sage et doux de caractère, il ne crée pas de problèmes. Pour autant, je ne peux pas lui en imposer la charge, même s’il s’avère être son parrain. Je n’imposerais pas même ça à son oncle, mon frère. C’est d’un regard bien plus triste que je l’observe caresser la joue du bambin, sachant que bientôt je ne pourrai même plus faire un geste aussi simple. « Il a bien meilleur caractère que toi. » Comme s’il existait beaucoup de personnes aussi exécrables que moi en ce monde. « Mais il sera mieux avec elle qu’avec moi. » Je ne sous entends pas qu’il s’occupe mal de lui, loin de là, mais il ne pourra jamais rivaliser avec l’amour que lui porte sa mère. Je ne le peux pas non plus.

« On va à Sydney, avec Noah. Pas le weekend là, mais celui d’après. » Après avoir laissé mon regard se reposer naturellement sur mon fils, je le redresse une fois de plus en direction du Beauregard, comprenant sans mal où est-ce qu’il souhaite en venir avec de tels mots. « Il va passer une partie des grandes vacances là-bas, et Noël surement aussi je pense. » C’est bien pour lui. Pour elle, aussi, de le revoir. C’est bien pour eux, tout simplement. « Tu t’en fous de tout ça, mais pour dire que je peux emmener Sloan avec moi à ce moment-là, si tu veux. » - “Je m’en fous pas. Je connais trop Noah pour faire semblant de rien en avoir à foutre.” Nul besoin de préciser que je connais plus encore Ginny, tout comme il n’est pas nécessaire d’ajouter que tout est devenu du vent, aujourd’hui. Ils m’ont retiré mon alliance et je ne sais pas si je la remettrai, si jamais elle signifie encore quoi que ce soit. “Saül pourrait s’occuper de lui si jamais tu manques de temps pour Sloan d’ici là. Il est sage mais il a toujours besoin d’attention.” Parce qu’il est un enfant en bas âge et parce qu’Ezra a un travail qui ne lui permet pas de le garder éternellement à ses côtés - et parce que du mien, il n’est même pas envisageable que je puisse m’occuper de lui. “Tu enverras un message à Ginny ? Je lui ai rien dit, encore.” Parce que je ne lui ai rien dit depuis des mois, ce qui semble donc faire du sens là où il n’y en a plus depuis longtemps.

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@auden williams

(c) harley

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« Tu comprends vite Beauregard. » C’était peut-être là la première fois de sa vie que l’on venait lui dire; il en connaissait au moins un - Ichabod, pour ne pas le nommer - qui serait venu démentir cette révélation en levant les yeux au ciel sans retenue. Cependant, même si les mots de Auden pouvaient être interprétés avec humour, l’attitude générale du brun n’en connait pas du tout - et il fut rapidement énervé d’avoir Ezra à ses côtés, apparemment. « Attends que tu ne tiennes plus mon enfant entre tes bras pour que je te fasse la peau. » Aux mots prononcés par l’italien, il vint esquisser un petit sourire. Comme quoi, certaines choses ne changeraient jamais vraiment, malgré les années passant. Auden et Ezra seraient toujours voués à vouloir se rendre la vie misérable l’un-l’autre - et c’était peut-être mieux ainsi; cela leur permettait de ne jamais vraiment s’ennuyer en compagnie de chacun.

Cependant, ce ne fut pas vers d’autres insultes dissimulés en mots doux, présence de Sloan toujours sur les genoux d’Ezra obligeait, que Auden vint avancer cette fois-ci. Non, il désirait demander un second service au Beauregard - il lui avait déjà imposé le premier, heureusement qu’il venait demander poliment pour le second -, et oh il savait combien il pouvait lui en couter d’en venir à prononcer de telles paroles. Il le savait parfaitement, car le contraire était tout aussi vrai. Ezra restant tout de même Ezra, lorsqu’Auden vint préciser que Ginny ne serait pas forcément des plus ravies de le revoir, il ne put s’empêcher d’y aller de son petit commentaire. C’était enfantin, mais il ne pouvait s’en empêcher; après tout, il le méritait amplement. « J’fais des efforts alors si tu veux pas en faire de même, contente toi de la fermer » Auden ne se rendait-il pas compte qu’il en faisait aussi, de son côté, des efforts ? L’état dans lequel le Williams se trouvait serait idéal pour venir l’achever sans qu’il ne puisse rien y faire; il était assez affaibli pour ne pas pouvoir porter son propre enfant, alors il ne le serait en rien pour venir se défendre. Ezra n’irait jamais jusque là - pas avec le si peu de colère qui le composait en cet instant -, mais il avait noté les détails parce-qu’il n’avait pu s’en empêcher. Ses efforts à lui étaient donc là, dans les détails justement: le fait qu’il soit venu le voir jusque dans son lit d’hôpital pour que père et fils puissent être réunis consistait en un effort de sa part. Dans un monde idéal, il n’aurait plus besoin de croiser la route d’Auden; il avait compris depuis des années que le monde idéal n’était qu’un mythe, une légende, et qu’il serait amené à l’avoir dans les pattes trop souvent pour que ce soit sain pour lui. Cependant, pour lui montrer qu’il n’était pas de mauvaise foi et qu’il savait se montrer adulte, lui, il ne vint répondre à la provocation de l’italien. Sloan allait réellement comprendre que quelque-chose ne tournait pas rond sinon.

A défaut, il vint plutôt lui exposer les plans qu’il avait pour les semaines à venir. Pas pour venir partager l’excitation qu’il avait à propos de ces derniers avec l’autre, mais simplement pour venir lui expliquer que si tel était son désir, il pourrait déposer effectivement Sloan chez Ginny d’ici à une quinzaine de jours, tout au plus. « Je m’en fous pas. Je connais trop Noah pour faire semblant de rien en avoir à foutre. » En silence, pour ne pas remettre de l’huile sur le feu, Ezra vint douter des mots d’Auden. S’il n’en avait pas rien à foutre, comme il le disait, il n’aurait pas fait fuir la mère des deux garçons à l’autre bout dub pays tellement cette dernière avait peur de croiser son mari de nouveau. « Saül pourrait s’occuper de lui si jamais tu manques de temps pour Sloan d’ici là. Il est sage mais il a toujours besoin d’attention. » Comme son père. « Je connais pas ton frère, mais rien que pour avoir échangé avec lui par sms, j’ai pas spécialement envie de le connaitre » Là, contre toute attente, Ezra vint étirer un petit sourire amusé. Ce fameux Saül ne semblait pas être le plus aimable des hommes que cette planète ait pu porter - et c’était à Auden qu’il osait dire ça, un comble alors que ce dernier passait son temps à ressembler à une porte de prison. « Mais je note que je peux le solliciter si j’ai besoin, et je dirai que l’idée vient de toi alors. » Même s’il était peu probable qu’il en vienne à ce point là.

« Tu enverras un message à Ginny ? Je lui ai rien dit, encore. » En entendant les mots d’Auden, Ezra dut venir tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de prendre la parole; juste pour s’assurer d’une fois de plus de ne pas parler trop vite. « A propos de quelle partie, exactement ? » De toutes façons, il allait devoir l’appeler pour la prévenir que son fils venait vivre quelques semaines chez elle et que, Dieu merci, ce n’était pas son père qui viendrait le déposer. Alors, il voulait être sûr de ne pas venir dire de bêtises lorsqu’il lui annoncerait la raison pour laquelle c’était lui et non l’autre qui venait se pointer à Sydney avec Sloan. Sinon, il était sur que la première chose qu’Auden viendrait faire une fois de nouveau sur pieds (ndlr: vraiment j’adore cette expression ptdr) serait de venir lui réduire le visage en bouillie à coups de poing bien placés. Il les connaissait parfaitement bien, ces derniers, le Beauregard et rien dans son corps ne le poussait à venir retenter l’expérience. « De celle où tu ne peux pas t’occuper de Sloan dans l’immédiat ou celle où tu as failli y passer ? » Après tout, il préférait peut-être ne pas lui révéler les réelles raisons pour lesquelles il envoyait son fils chez sa mère, et les garder jalousement pour lui. In fine, dans cette histoire, Ezra finirait par venir raconter la vérité à Ginny mais il pouvait toujours prétendre faire des efforts pendant qu’il était face à Auden.

« Je connais pas ton frère, mais rien que pour avoir échangé avec lui par sms, j’ai pas spécialement envie de le connaitre » J’esquisse un sourire. La famille passe avant toutes choses et je continuerai de la défendre coûte que coûte, c’est un fait, mais l’argument avancé par Damon a tout pour m’amuser. Mon frère est insupportable, ça aussi c’est un fait, et qu’il l’ait fait comprendre aussi rapidement au Beauregard a tout d’un certain exploit. D’habitude, il faut au moins le voir en vrai pour s’en rendre compte. “Ça serait pas mieux si tu le connaissais.” Je défendrai mon frère contre la Terre entière mais sur ce coup-là, je n’ai aucun mal à me ranger de l’avis d’Ezra, simplement parce que c’est une idée qui a tout d’amusante. Pour autant, il ne remet pas en doute sa capacité à prendre soin de Sloan en cas de besoin et c’est finalement tout ce qui importe à mes yeux puisque c’est aussi la raison première pour laquelle nous avons abordé son prénom. Il a de nombreux défauts mais je peux au moins lui faire confiance en ce qu’il s’agit de prendre soin de mon fils - celui-ci, il ne pourra pas le marier de force, c’est déjà ça. « Mais je note que je peux le solliciter si j’ai besoin, et je dirai que l’idée vient de toi alors. » Ce qui ne représente en rien un problème à mes yeux. La famille est tout aussi importante pour mon frère qu’elle l’est pour moi, nous avons simplement des points de vue différents sur cette dernière. Prendre soin de la chair de notre chair, cependant, n’en est pas un. Il s’occupera de Sloan si le besoin s’en fait ressentir, peu importe de qui provient la demande et la façon dont elle est formulée. “Fais toi plaisir.” S’il pense pouvoir créer la discorde entre nous avec si peu, cela m’amuse déjà. Il n’a pas à savoir que Saül s’occupe très bien de le faire seul.

Toute source d’amusement se veut pourtant bien vite balayée par le retour à la réalité et tout ce que cela implique à mes yeux, notamment - et surtout - le fait de parler de Ginny. Elle est ma femme, n’a jamais été la sienne, et pourtant il est le seul à continuer à avoir des contacts avec elle. « A propos de quelle partie, exactement ? » Celle qui parle de la date de tes funérailles, peut-être, Beauregard ? Parce qu’à ce rythme-là, ils vont devoir trouver un créneau rapidement puisque je ne donne pas cher de ta peau et la présence de mon fils à mes côtés ne saurait m’apaiser éternellement. Je serre les dents, refuse d’envisager les différentes possibilités ni même ce qu’ils peuvent bien se dire entre eux alors que nous n’avons pas échangé le moindre mot depuis des mois, nous, les mariés. Je sais que la prochaine fois que j’entendrai parler de sa part, ce sera pour signer des papiers dont je ne veux pas entendre parler. « De celle où tu ne peux pas t’occuper de Sloan dans l’immédiat ou celle où tu as failli y passer ? » Je n’aime aucune des deux possibilités envisagées mais n’ai pas non plus le pouvoir d’en inventer une troisième dans laquelle le voyage de Sloan à Sydney se résume à des vacances que je lui accorde. “Ni l’une ni l’autre. Dis lui simplement que je pense qu’il serait plus heureux avec elle pour le moment.” Je ne renonce pas à la garde de mon fils. Je ne renonce pas à sa présence à mes côtés non plus. Tout n’est que temporaire, je ne fais que trouver des solutions de dernière minute à des problèmes qui n’auraient même jamais dû exister. Il est père, lui aussi, je sais qu’il comprendra. “Pas besoin de préciser mon séjour ici. Et quand je dis ‘pas besoin’, tu comprends bien que je veux dire ‘t’as pas intérêt de lui en parler’.” Je me moque que cela le mette dans une situation inconfortable face à la brune. Ça, ce n’est pas mon problème. J’agis selon elle, selon Sloan, mais certainement pas selon lui. En apprenant que je suis à l’hôpital, Ginny trouverait assez de compassion au fond d’elle pour revenir à Brisbane et ce n’est pas ce qu’aucun de nous souhaite. Surtout pas lui. “Tu as dit quoi à Noah ?” Faire mentir Ezra ne me pose aucun problème ; en faire de même avec Noah est bien moins facile à ordonner.

a next time would be the ending of me.

@auden williams

(c) harley

*** « Ça serait pas mieux si tu le connaissais. » Ezra vint froncer quelque peu les sourcils aux paroles du brun, toujours allongé sagement dans son lit pour le moment. « Je maintiens d’autant plus ce que j’ai dit alors. » Si même Auden venait avouer que son frère était une plaie, alors que lui-même était sûrement la meilleure représentation de cette catégorie de personnes, il n’avait qu’aucun mal à venir le croire. Il se porterait donc d’autant mieux s’il se trouvait bien loin de l’ainé des Williams. Il resterait cependant le meilleur remplaçant qu’il pourrait trouver, si jamais un coup de main se faisait ressentir. Ezra était le premier à venir dire des horreurs sur ses frères, mais il leur faisait confiance les yeux fermés - surtout lorsqu’il s’agissait de prendre soin de son fils; il savait qu’il pouvait compter sur eux.

Venir prendre soin de Sloan n’était cependant pas la partie la plus délicate, ni la plus complexe, de ce semblant d’accord que Auden et Ezra étaient en train de venir établir entre eux deux - regardez-les jouer aux adultes sans venir refaire le portait de l’autre, un exploit. Celle où il allait avoir servir de porte-parole et d’intermédiaire, aux yeux du Beauregard, était davantage à prendre avec des pincettes. Bien qu’il y ait eu toute une histoire de passée entre la toujours mariée Williams et son époux, il savait désormais que Ginny n’était pas celle qui viendrait aborder de tels sujets la première; il ne venait pas rechigner à cette idée, Ezra n’ayant jamais été à l’aise à l’idée de parler d’Auden avec elle. Il savait également les raisons de ce frein, de cette retenue, quant à parler de son mariage - d’où le fait qu’il apprécierait grandement des précisions de la part du mort-vivant avant qu’il en arrive à être nez-à-nez avec la brune. « Ni l’une ni l’autre. Dis lui simplement que je pense qu’il serait plus heureux avec elle pour le moment. » Auden n’avait même pas eu le temps de terminer complètement sa phrase que déjà, les sourcils d’Ezra vinrent se froncer sur son visage. Il n’était pas sûr de bien comprendre ce que le brun était en train de lui insinuer, mais fort heureusement ce denier vint ajouter des précisions de lui-même sans que le Beauregard n’ait besoin d’en réclamer. « Pas besoin de préciser mon séjour ici. Et quand je dis ‘pas besoin’, tu comprends bien que je veux dire ‘t’as pas intérêt de lui en parler’. » - « Tu me demandes de lui mentir alors. » Il regardait désormais Auden droit dans les yeux - que pouvait-il bien lui faire, de toutes façons, il était cloué dans son misérable lit. « Enfin, tu exiges que je lui mente. » Les petits doigts de Sloan vinrent attraper le fil de la perfusion et Ezra vint délicatement lui retirer des mains avant qu’il ne se mette à mordre dedans - un bolus de morphine à son âge n’était pas nécessaire. Après un instant de silence à la suite, peut être un second éventuellement, Ezra vont échapper un soupire. « Non. » Il secoua la tête. « Je lui ai jamais menti, et je compte pas commencer aujourd’hui. Choisis une autre version des faits que je vais lui raconter. » D’ordinaire, il serait venu de façon plus agressive répondre à Auden; le petit sur ses genoux lui permettait de garder son calme, aujourd’hui.

« Tu as dit quoi à Noah ? » - « La vérité. Moi. » Mentir a Noah était le type d’action que Ezra - et Ginny par extension - n’empruntait que lorsque cela était nécessaire et qu’aucune autre solution ne pouvait être envisagée pour préserver son fils. Pour cette situation, typiquement, il n’avait pas besoin de venir lui sortir le moindre mensonge et était venu lui raconter la vérité au sujet des aventures - il ne les classifiait pas comme mésaventures, depuis son point de vue - qu’égalent survenues à Auden. Et encore, il lui en avait parlé uniquement parce-que le gamin s’était demandé pourquoi Sloan restait avec eux aussi longtemps. Noah était encore jeune, mais loin d’être idiot. « Il sait que tu es à l’hôpital parce-qu’on t’a tiré dessus, et que t’as besoin de repos et que c’est pour ça que ton fils reste chez nous. » Autrement dit, il était parfaitement au courant que Auden n’était plus capable présentement de s’occuper seul de sa progéniture et qu’il y avait eu un semblant de justice dans ce monde. Le Williams avait été ignoble avec celle qu’il était supposé protéger, le karma le lui avait rendu correctement la m’ornait de sa pièce. « Tu comptes lui ordonner de mentir à lui aussi, comme si on était tes chiens ? »

Il a de la chance de tenir mon fils, il a de la chance que je sois alité. Il a beaucoup de chance, Ezra, malgré tout ce que tout le monde dit et pense à toujours plaindre le pauvre petit Beauregard n’ayant pas vu grandir son fils dans les premières années de sa vie. Conneries, conneries. S’il l’avait vraiment voulu, il l’aurait fait et il se serait donné les moyens d’être un père digne de ce nom. Se lamenter sur son sort aujourd’hui et se faire passer pour la victime pour gagner l’empathie générale est bien plus facile que d’avoir fourni le moindre effort, à l’époque. Je mets en place des ordres qu’il n’écoutera pas ce qui, en temps et en heure, me donneront assez de raisons pour faire de nouveau parler mes poings. Notre entente n’en a de toute façon toujours eu que le nom. « Tu me demandes de lui mentir alors. » Il n’est peut-être plus un enfant depuis près de trois décennies, mais il en a toujours l’attitude. Mes yeux dans les siens, je ne compte pas lui laisser la moindre seconde de répit, encore moins l’opportunité de modifier la réalité à sa guise. “Tu omets les détails, c’est tout.” Il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire et justement personne ne m’aurait autant emmerdé en temps normal. Personne sauf lui, bien sûr. Lui, le seul homme sur cette Terre qui peut faire le lien entre Ginny et moi et à qui je pourrais confier mon fils sans - trop - de craintes. « Enfin, tu exiges que je lui mente. » Je savais que je n’aurais jamais dû aborder ce sujet avec lui. Maintenant, nous voilà liés par ce dernier, ce qui annonce de bien sombres semaines à venir et des minutes qui seront sans doute à peine supportables. Si je dois augmenter ma dose de médicaments, ce ne serait que pour réduire le son de son horripilante voix et rien d’autre. La douleur physique n’a pas d’importance, elle sera mon moteur pour plus tard, pour créer de grandes choses. “Arrête de dramatiser.” Comme s’il n’avait jamais menti à personne, Ezra parfait Beauregard. Comme s’il n’avait jamais eu à faire quelque chose qui lui déplaisait pour l’intérêt général. Il se fait passer pour le sauveur mais il n’est rien du tout, Ezra, et si la présence de mon fils auprès de moi ne tenait pas à la sienne aussi, je l’aurais déjà congédié depuis bien longtemps. Mon fils d’ailleurs, lui qui voit dans les fils reliés à mon corps un nouveau jeu qu’il ne connaissait pas, Ezra lui faisant doucement comprendre que son idée n’est peut-être pas incroyable pourtant. Ce sont quelques secondes à peine d’une trêve dirigée par la douceur et l’innocence d’un enfant qui ne sait même pas se tenir au milieu d’une bataille sanglante et sans merci. « Non. Je lui ai jamais menti, et je compte pas commencer aujourd’hui. Choisis une autre version des faits que je vais lui raconter. » - “Tu veux pas avoir à éviter certains détails mais tu veux que j’invente toute une autre histoire pour que t’aies le bon rôle ? Va te faire foutre.” Pardon Sloan, bouche tes oreilles Sloan. Au moins, le feu ardent au fond de mes iris n’est pas dirigé vers mon fils mais bien l’homme derrière lui, celui-là même que je rêve déjà à nouveau de voir six pieds sous terre - et ne pensez pas que ce n’est qu’une expression et que je pleurerais sa mort: ce n’est pas le cas. “Dis lui que je reprendrai Sloan quand j’irai mieux, c’est tout ce qu’elle a à savoir.” Le reste, finalement, ne m’importe pas. Nous ne nous parlons plus, de toute façon, et peu importe ce qu’il pourrait lui dire ne saurait rien changer à la situation. Qu’il s’invente l’histoire qu’il désire, ce n’est pas mon problème: je ne serai même pas là pour l’entendre. Tout ce que je sais c’est que je reprendrai la garde de Sloan à la seconde même où je serai en capacité de m’occuper de lui à nouveau, et ce qu’elle le veuille ou non.

Ainsi, à défaut de vouloir savoir ce qu’il finira par dire à Ginny, je demande ce que Noah sait déjà. Paradoxalement, je suis bien plus amené à le côtoyer que sa mère. « La vérité. Moi. » Je vais le tuer. Avant de récupérer mon fils, j’irai le tuer. « Il sait que tu es à l’hôpital parce-qu’on t’a tiré dessus, et que t’as besoin de repos et que c’est pour ça que ton fils reste chez nous. » - “Joue pas au plus fin avec moi, la question était simple.” Il sait tout, c’est ce que je demandais à savoir et c’est ce qu’il m’a enfin répondu après avoir bien trop joué avec le feu. Je cherchais simplement à m’assurer d’avoir la bonne version à lui conter. « Tu comptes lui ordonner de mentir à lui aussi, comme si on était tes chiens ? » Je souffle, avant de rapidement regretter ce réflexe dans mon état actuel. “Bien sûr que non, arrête tes conneries.” Il ne mentira pas à sa mère, alors j’anticipe déjà que Ginny connaîtra toute l’histoire bien avant l’heure. J’aurais dû commencer par là plutôt que de déjà déverser toute ma haine sur Ezra, bien qu’il le mérite largement. “Je veux pas le mêler à cette histoire.” Il n’est qu’un enfant et c’est le rôle des adultes que de les protéger, au cas où le Beauregard l’aurait (encore) oublié. “Je laisserai pas Sloan grandir loin de moi, c’est tout ce qu’il y a à savoir. Même si je pense pas que tu puisses comprendre ce genre de priorité.” Parce que lui, de son côté, n’a jamais eu le moindre mal à laisser son enfant grandir sans lui et à l’autre bout du monde qui plus est.

a next time would be the ending of me.

@auden williams

(c) harley

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« Tu omets les détails, c’est tout. » Omettre ici voulait dire mentir- dans toutes les situations en réalité -, mais voulait surtout souligner qu’Ezra avait raison et que dans la version des faits de Auden, il se devait d’être malhonnête envers Ginny. Et ça, c’était quelque-chose qu’il n’avait jamais fait et qu’il se refuserait toujours à faire. Pas qu’il était particulièrement enjoué de venir donner des nouvelles de Williams à la jeune femme, mais même là il ne viendrait pas lui mentir. « Arrête de dramatiser. » Ezra vint lever les yeux au ciel. C’était le drama-queen en personne qui venait lui dire ça, quel toupet pouvait-il avoir tout de même. Il ne dramatisait rien du tout, il venait simplement expliquer qu’il ne viendrait sous aucun prétexte se plier à de telles exigences de la part de celui qui avait failli y passer quelques jours plus tôt. Et même si ce dernier était venu à passer l’arme à gauche dans ce malheureux incident, Ezra ne serait même pas venu arrondir les angles pour annoncer la nouvelle à sa veuve. Auden n’avait jamais traité Ginny à sa juste valeur, elle méritait de savoir exactement dans quel pétrin il était aujourd’hui. Même si cela ne ferait rien avancer du tout, au moins peut-être qu’une partie d’elle, même enfouie dans son subconscient, pourra se réjouir de voir qu’il ne tient pas sans elle dans les parages. « Tu veux pas avoir à éviter certains détails mais tu veux que j’invente toute une autre histoire pour que t’aies le bon rôle ? Va te faire foutre. » Il vint esquisser un petit sourire amer. « Va te faire foutre aussi. » Qu’ils soient tous les deux au clair sur ce point là au moins - s’il y avait besoin de venir mettre des mots explicite sur ce qu’ils ressentaient tous les deux l’un envers l’autre. Ezra ne lui demandait pas venir inventer une toute autre histoire pour venir la servir sur un plateau à la brune, mais il lui insinuait qu’il ne viendrait lui reporter rien d’autre que la vérité et que Auden devait venir ajuster ses dires pour coller à cette dernière. Avait-il perdu des fonctions cognitives en cours de route, aussi ? « Dis lui que je reprendrai Sloan quand j’irai mieux, c’est tout ce qu’elle a à savoir. » En serrant les dents, Ezra vint opiner du chef. De toutes façons, en réalité, il n’avait pas son mot à dire dans cette histoire; il n’était ni le père, ni la mère du petit et son avis n’était pas demandé. Il devait se plier à ce qu’on lui demandait, au moins au regard de Sloan, qu’importe si ça lui plaisait ou non. Après tout, il ne tolérerait pas que l’autre infirme vienne dire quoi que ce soit sur sa façon de gérer la vie de Noah; il se devait au minimum d’en faire autant.

En parlant du loup, Auden vint lui demander ce que son fils a lui savait que l’incident survenu quelques jours plus tôt. Ezra n’était venu mentir sur aucun aspect des derniers événements en date: Noah était bien trop malin pour saisir si son père venait ou non lui dire la vérité. Il n’avait jamais compté lui dire autre chose que la vérité, toute la vérité - qu’importe ce que Williams pourrait en penser. « Joue pas au plus fin avec moi, la question était simple. » - « La réponse est simple aussi. » Ce n’était pas de sa faute s’il ne voulait pas la comprendre. Noah était au courant de tout et Ezra ne comptait pas lui interdire d’en discuter avec qui voudrait bien parler de ça avec lui; était-ce là où l’autre voulait en venir ? « Bien sûr que non, arrête tes conneries. » - « Bien. » Les choses n’auraient pas été autrement, de toutes façons: il avait perdu son regard sur l’éducation de Noah dès lors qu’il avait levé la main sur sa mère. « Je veux pas le mêler à cette histoire. » Un sourire amer et coincé vint se glisser sur les lèvres de Beauregard, parfaitement en accord avec le petit rire qui s’échappa d’entre ces dernières. « Trop tard. » Noah était impliqué dans les histoires d’Auden, qu’importe ce que ce dernier pourrait en dire et en vouloir, dès lorsqu’il avait décidé de s’imposer dans la vie de Ginny. « Je laisserai pas Sloan grandir loin de moi, c’est tout ce qu’il y a à savoir. Même si je pense pas que tu puisses comprendre ce genre de priorité. » Aux paroles de l’italien, ce fut un regard noir qu’Ezra vint lui lancer. Il était allé trop loin - comme d’habitude. Même à l’article de la mort, il continuait de jouer avec le feu. « Tu sais quoi ? Il commence à se faire tard, il est temps de rentrer. » Il ne laisserait pas Sloan grandir loin de lui soi-disant, mais en attendant il n’était pas apte à s’en occuper et c’était Ezra qui venait le faire à sa place. « Il est temps de rentrer prendre le bain, et Noah a école demain. » Et puis Lily devait surement avoir d’autres choses à faire que de rester à garder le gamin pendant qu’Ezra jouait au généreux chevalier en allant voir Auden à l’hôpital. « Tu dis au revoir à papa Sloan ? » Il vint approcher le gamin pour que son père puisse l’embrasser - un instant, un seul. C’était petit, c’était cruel, mais de toutes façons dans peu de temps on allait leur demander de quitter les lieux. « T’as qu’à m’envoyer un message quand tu voudras le voir, et je te tiens au courant pour Sydney. » Là était le minimum qu’il pouvait faire, et celui qu’il donnerait également. Sloan n’avait rien demandé mais il ne viendrait pas faire d’efforts supplémentaires pour Auden, que ce dernier le comprenne bien.