Tu lui diras pas à Leo qu'elle a été au moins ton quatrième choix avant d'avoir une réponse. Elle n'a pas besoin de savoir ça. Franchement, tant qu'tu dors pas dans la rue ce soir, tu t'en moques pas mal de qui sera prêt à t'héberger ce soir. À deux doigts de devoir aller pieuter chez ta mère, ouais, ça pourrait être pire quand même. Maisie aurait sûrement fini par dire oui aussi. T'as sûrement juste manqué de patience. Eleonora a été la première à répondre, alors c'est là que tu vas ce soir. Y'a pas d'autres explications. Elle doit bien se demander où est-ce que t'es passé - ou peut-être qu'elle s'en fout aussi, pas certain que toi tu remarquerais si elle disparaîtrait. T'es pas le plus fiable au boulot, mais t'as quand même besoin de fric alors tu finis toujours par te pointer légèrement en retard, mais tu ne manques jamais autant de journée de suite. Le problème ? C'est que t'es rentré chez toi un soir et que les serrures avaient été changées et que tes affaires traînaient sur le perron dans des sacs poubelles. Connasse de Stella. Ça, c'est la première partie du problème en fait. La deuxième partie du problème, c'est d'avoir tombé sur ce pédé d'Arthur qui est repartie avec quelques dents et ta fierté. Au moins, il t'a permis d'avoir quelques journées de congés.

Au bout d'une dizaine de minutes, le chauffeur de taxi finit par se stationner devant l'adresse de Leo. Et bah, finalement t'aurais dû aller chez ta mère. Elle a l'air d'avoir un appart de merde. Elle a pas l'air d'un AirBnB si elle te pose encore la question. Tant pis, c'est quand même ici que tu débarques. Tu lui renvoies un nouveau message pour l'avertir de ton arrivée. Elle a un taxi à payer après tout. « Ta gueule. » Tu prends de l'avance à voir sa tête qui te dévisage avant qu'elle n'émette un commentaire. Ouais tu as l'air à moitié mort. Tu le sais déjà. Elle n'a pas besoin d'en ajouter une couche. Tu la regardes payer le taxi pour toi. Même pas mal à l'aise de la laisser faire. Tu lui dirais bien que tu comptes la rembourser, mais ce serait la prendre pour une conne et elle n'en est pas une. Tu ne rembourses jamais tes dettes. C'est sûrement pour ça que tu te fais péter la gueule aussi souvent. Tu la suis alors qu'elle passe la porte de son immeuble et qu'elle monte un premier palier d'escalier. Putain, t'espères qu'il y en a pas trop. Ta cheville te fait un mal de chien. Voilà l'explication de ta démarche digne d'un mec avec une jambe de bois. Tu rages intérieurement alors qu'elle monte un deuxième palier. Foutu connasse - parce que bien sûr elle fait exprès de vivre au troisième étage.

Tu passes la porte de son appartement après elle. C'est encore plus laid dedans que dehors. « Pitié dis-moi que t'as un truc fort à m'donner. » que tu la supplies en te laissant écraser sur le canapé non sans grommeler de douleur par ce simple geste. « Ton appart, c'est d'la merde. » Ah parce que tu te permets en plus de critiquer le manque de luxe de son logement. Tu devrais fermer ta gueule où tu passeras vraiment la nuit sur le tapis d'entrée.

@eleonora parker

Ce n’est pas ton genre, de faire la charité. Oh non, ce n’est pas ton genre non plus de payer quoique ce soit pour qui que ce soit, même les gens de qui tu es proche. Alors pourquoi est-ce que tu acceptes de dépanner Seth de la sorte? Peut-être parce que t’es gelée comme une balle et que tu ne penses plus clairement, c’est sans doute l’explication la plus logique. Peu importe le pourquoi du comment, tout ce que tu sais c’est que bien vite, tu reçois un texto de la part du pire cuisto en ville (et vraiment, c’est peu dire) et voilà que tu te retrouves sur le bord de ta rue à payer un taxi (beaucoup trop cher, c’est ton dernier vingt for fucks sake) pour l’imbécile à la gueule démolie. « Ta gueule. » Tu pouffes de rire. Tu ne remercies même pas le chauffeur de taxi, pourquoi est-ce que tu le remercierais de t’avoir apporté un gros tas de problèmes après tout? Tu dévisages le Moriarty de la tête aux pieds, il a l’air de s’être pris une sacrée raclée et toi, ça te fait rire de le regarder boîter, surtout que tu sais qu’il va devoir monter une cinquantaine de marches pour se rendre à ton appartement. Oh, ça en vaudrait presque le vingt que tu viens de payer pour son taxi, ça. Il fait son dur, mais tu les entends, les grognements qu’il essaye de camoufler avec chaque nouvelle marche de monter et ton sourire, il s’élargit un peu plus à chaque pas.

C’est que tu ne le connais pas particulièrement bien, le Moriarty et tu es loin de comprendre pourquoi tu es son refuge du soir. Ça fait quelques jours que tu ne l’as pas croisé au resto, tu pensais qu’il s’était fait viré ou un truc du genre. Il est loin d’être fiable, mais remarque que tu es bien loin de pouvoir faire la moindre remarque à ce sujet à qui que ce soit puisque tu es loin d’être un exemple à suivre. Peut-être que tu aurais mieux fait de t’imaginer qu’il était mort finalement, parce qu’il en a tout l’air même s’il arrive encore à traîner sa carcasse jusqu’à ton appartement dont tu fermes la porte une fois qu’il est rentré. Il s’empresse d’aller s’installer sur le canapé (qui n’a absolument rien de confortable, il va passer une belle nuit l’idiot) et tu le vois qui juge ton logement alors que tu te rends au réfrigérateur duquel tu sors deux bières – il a vu comment t’es sympa ce soir, qu’il ne s’habitue pas trop surtout. « Pitié dis-moi que t’as un truc fort à m’donner. » C’est qu’il est plein de demandes ce soir, le petit cuisto à la con. Tu lui tends quand même l’une des deux bières et tu t’installes à côté de lui, rien à foutre si tu te laisses tomber un peu trop brusquement et que ça lui fait mal au passage. « Commence par ça et si l’histoire de ce qui t’est arrivé est assez intéressante, peut-être bien que je t’offrirais quelque chose de plus fort. » T’as des petits comprimés qui pourraient l’aider à mieux se gérer cette nuit quelque part dans ta chambre, mais tu n’es pas sur le point de lui offrir ton meilleur stock sans savoir ce qui s’est passé ou qui lui en veut au point de lui foutre la raclée de sa vie. « Ton appart, c’est d’la merde. » « Tu veux dormir dehors? Be my guest. » Non mais, il se prend pour qui lui? « Qu’est-ce que tu fous là anyway? » T’es pas un AirBnB, pas une banque, pas une dealeuse et certainement pas une infirmière non plus. « Compte pas sur moi pour panser tes petites blessures surtout. » Tu risquerais de vouloir lui en infliger quelques-unes de plus que de soigner celles qu’il arbore déjà, bien honnêtement.

Demandé et vous recevrez. Tu tends la main pour prendre la bière qu'elle te tend. Tu aurais préféré un truc plus costaud. Au diable la bière, aussi bien tomber sur le fort. Whiskey, scotch, n'importe quoi tant que ça assomme un peu. Surtout si t'es pour dormir sur ce canapé de merde, tu peux pas t'endormir en étant sobre là dessus. Oh, bien sûr que tu comptes tenter de négocier une nuit à ses côtés. « Commence par ça et si l’histoire de ce qui t’est arrivé est assez intéressante, peut-être bien que je t’offrirais quelque chose de plus fort. » Tu grimaces légèrement de douleur lorsqu'elle se laisse tomber à tes côtés sans délicatesse. Tu te redresses un peu pour te replacer. Pas certain qu'il existe vraiment une bonne position pour être bien là dessus. « Mauvais endroit au mauvais moment. » que tu grognes à moitié en avalant la moitié de ta bière d'un coup. C'est pas une histoire qui te donnera accès à quelque chose de plus fort. Rien à battre. C'est pas comme si t'allais entrer dans les détails, comme si t'allais te vanter que l'autre connard, lui, il n'avait que les phalanges d'usées. Sa belle gueule était toujours parfaitement intacte. Tu allais encore moins lui dire que c'était mérité. Tu as un orgueil à conserver. C'est mieux de jouer les victimes innocentes.

« Tu veux dormir dehors? Be my guest. » Tu lèves les yeux au ciel. C'qu'elle est susceptible. Dehors ou ici, franchement tu ne vois pas trop de différence. Et puis, il fait plus chaud ici qu'à l'extérieur. Elle pourrait au moins se payer la clim. Tu vas sûrement passer une nuit de merde. Tu as encore trop d'orgueil pour aller passer la nuit chez Madelyne. La vérité, c'est plutôt que tu veux pas traumatisé le gamin avec ta gueule défoncé - oui, parfois tu réfléchis à son bien-être, dans ta gueule Maisie. « Qu’est-ce que tu fous là anyway? » Disons que tom carnet d'adresses des personnes prêtes à t'héberger pour la nuit n'est pas très long. Tu t'es rendue jusqu'à Leo sans vraiment savoir si elle allait dire oui en fait. C'est pas comme si vous étiez super pote, mais tu penses qu'elle te déteste pas encore. C'était un critère suffisant pour tenter le coup. « J'suis entre deux appart'. C'est temporaire. » Oui, oui, bien sûr. Tu diras certainement pas que t'es rentré un soir chez toi et que la serrure avait été changée et tes affaires mises dans des sacs poubelles. Quelle connasse cette Stella. Elle va regretter ton maigre paiement quand son riche anglais comprendra que c'est qu'une connasse lui aussi. « Compte pas sur moi pour panser tes petites blessures surtout. » « T'as plus l'air du genre à me casser la gueule qu'à me la réparer. Je l'avais déjà compris. » Autrement dit, tu ne comptais pas sur elle pour jouer les petites infirmières attentionnées - même si ce serait très agréable. L'hôpital s'est déjà occupé de ton cas. Tu espères encore ne jamais recevoir la facture des frais médicaux. Où est-ce qu'ils vont l'envoyer si t'as pas d'adresse ? Ouais, ouais. Continue d'espérer qu'ils ne te retrouvent jamais comme un con.

Tu étires ton bras pour poser la bouteille de bière (déjà) vide sur la table du salon. Tu observes autour de toi, comme si t'espérais voir apparaître miraculeusement un deuxième lit. Peut-être qu'elle a un coloc qui n'est pas là ce soir. Ouais, ce serait vraiment parfait. « Si tu m'fais dormir ici, j'arriverai jamais à me relever le lendemain. » Ici, sur ce canapé de merde qui sera bien trop dure pour ton dos en miette. Et qu'est-ce que ça peut bien lui foutre à Leo ? Laisse-moi t'expliquer. « J'vais rester pris là au moins une semaine. » Minimum. Donc soit elle te laisse une place dans son lit, soit elle t'endure sur le long terme.

Il n’arrête pas d’en demander Seth, et tu regrettes déjà de l’avoir laissé venir ici. Qu’est-ce qui t’as pris de pas l’envoyer promener aussi? Faut croire qu’il t’a attrapé dans un moment de faiblesse. Il ferait presque pitié, avec sa face qui dit clairement qu’il s’est retrouvé dans une bagarre et qu’il n’a pas gagné. Tu fais ta curieuse, tu veux tout savoir du quand, du qui, du comment et du pourquoi aussi, mais il ne semble pas particulièrement intéressé à te partager son histoire, même si tu lui offres de quoi de bien en retour. « Mauvais endroit au mauvais moment. » Tu roules des yeux, il est vraiment trop nul quand il s’y met (c’est-à-dire tout le temps, à bien y penser.) « J’espère que la bière te plaît parce que c’est tout ce que tu gagnes avec une explication de merde comme celle-là. » Qu’il douille, le petit con, s’il ne veut pas au moins rendre ta soirée plus intéressante avec ce que tu devines être une excellente histoire et un fou rire assuré.

Tu ne comprends même pas pourquoi il est venu et tu peines à croire que tu étais dans le haut de sa liste de gens à contacter en cas d’urgence. Tu sais parfaitement que si les rôles étaient inversés, Seth est bien l’une des dernières personnes à qui tu irais demander de l’aide (qu’il veule l’admettre ou pas, c’est ça qu’il fait, l’imbécile avec sa tronche défigurée.) « J’suis entre deux appart’. C’est temporaire. » T’espères bien. Pas question qu’il colle ici pour un temps. Ça ne fait même pas dix minutes qu’il est là que déjà, tu es tannée de respirer le même air que lui. Ce n’est pas que tu le détestes le Moriarty, ni même qu’il t’insupporte de manière générale. C’est plutôt que tu n’as jamais été particulièrement douée pour cohabiter avec qui que ce soit. C’était la catastrophe du temps qu’Ariane habitait encore chez ta tante en même temps que toi et tu sais parfaitement que tu ferais une coloc de merde, ce qui explique en partie pourquoi tu continues de t’entêter à vivre seule même quand tu n’as pas les moyens de le faire. « J’suis mieux de pas te voir débarquer ici avec tous tes trucs sinon j’te jure que j’fous le feu à tout ce que tu possèdes. » Tu accentues le tout d’un sourire un peu débile, l’air de dire que tu es parfaitement capable de le faire et que ça te ferait plaisir de le faire, même. Il peut rester une nuit, peut-être deux mais après, qu’il aille être entre deux appart’ ailleurs, c’est bien assez que tu l’héberges comme ça à la dernière minute. « T’as plus l’air du genre à me casser la gueule qu’à me la réparer. Je l’avais déjà compris. » « T’es pas aussi con que je pensais, c’est déjà ça. » Et les coups qu’il a mangé ne semblent pas avoir fait trop de dégâts, même si franchement, ce n’est pas comme s’il restait grand-chose à abîmer.

« Si tu m’fais dormir ici, j’arriverai jamais à me relever demain. » Il se plaint encore, sérieux? Tu finis ta bière d’une traite et puis tu diriges vers le frigo à nouveau. Tu songes à sortir deux nouvelles bières, et puis tu te ravises et te dirige plutôt vers l’armoire de laquelle tu sors ta dernière bouteille de whisky. Tu ne peux pas croire que tu vas vraiment partager avec Moriarty, faut croire qu’il n’est pas le seul à avoir manger des coups sur la tête. « J’vais rester pris là au moins une semaine. » « T’as pas fini de chialer? » Non mais, il est lourd à la longue. Tu verses un peu de liquide dans deux verres et si tu hésites pendant quelques secondes, tu finis quand même par en tendre un à Seth. C’est qu’il ferait presque pitié, le petit chien battu. « Tu penses quand même pas que j’vais te laisser dormir avec moi? Faut pas prendre tes rêves pour la réalité mon vieux. » Des plans pour que tu lui fasses vraiment mal dans son sommeil, surtout. « Il est pas si pire que ça, mon canapé. Tu vas survivre pour une nuit ou deux. » Pas plus, c’est décidé.

« J’espère que la bière te plaît parce que c’est tout ce que tu gagnes avec une explication de merde comme celle-là. » Tu roules les yeux, noies tes lèvres et tes douleurs dans la bière. Qu'est-ce que ça peut bien lui faire ce qui t'es vraiment arrivé ? C'est pas comme si elle se faisait vraiment du souci pour toi. Non, Leo, elle veut se foutre de ta gueule. C'est ça qu'elle veut. Ce sera quoi les explications aujourd'hui ? Tu racontes de nouvelles histoires à chaque personne qui te questionne sur ces blessures. « J'ai croisé un vieil ami de Londres. » Ah, tiens, donc, elle, elle aura droit à la vérité ? Enfin, vérité, certainement pas l'histoire en entier. Jamais tu lui diras que ce règlement de compte était mérité. Mieux vaut jouer les victimes sur qui la vie s'acharne injustement. « J'crois que je lui avais manqué. » que tu ajoutes sarcastiquement. Elle n'en saura pas plus que ça. C'est déjà bien assez pour compléter le puzzle dans sa petite tête. Elle est pas conne Leo. Elle peut bien réfléchir et laisser son imagination faire le reste. Plus tu en prends plein la gueule, plus ça la fera marrer sans aucune doute. « J’suis mieux de pas te voir débarquer ici avec tous tes trucs sinon j’te jure que j’fous le feu à tout ce que tu possèdes. » C'est le moment de lui dire que t'es déjà là avec tout ce que tu possèdes parce que tu possèdes que dalle ? Elles viennent et repartent les périodes plus creuses. En ce moment, t'es clairement au fond du trou. Elle doit bien s'en douter Leo. Tu ne seras pas chez elle sinon. « C'est presque tentant. » que tu nargues. Même si bon, c'est pas faux que ce serait pas désagrément de pas avoir à se demander où tu dormiras demain soir. « T’es pas aussi con que je pensais, c’est déjà ça. » Et puis quoi encore ? Elle est chiante Leo. Par chance qu'elle soit pas trop désagréable à regarder. Ça compense pour le reste - même si elle serait beaucoup plus belle si elle apprenait à se la fermer parfois.

« T’as pas fini de chialer? » Non désolé, j'fais juste commencer. C'est vrai qu'elle te connaît pas tant que ça. Elle ne sait pas à quel point tu peux être lamentable et envahissant - pire que la vermine. Tu te redresses soudainement quand elle revient s'installer à côté de toi avec deux verres de whisky. « Là tu parles. » que tu lui réponds plutôt en prenant le verre de ses mains comme si tu avais peur qu'elle le refile à quelqu'un d'autre. Après trois-quatre verres comme celui-là, tu serais prêt à aller ronfler comme un bébé. Encore mieux que des anti-douleurs - pas vraiment, mais on fait avec ce qu'on a. « Tu penses quand même pas que j’vais te laisser dormir avec moi? Faut pas prendre tes rêves pour la réalité mon vieux. » C'est un rire moqueur qui traverse tes lèvres. Bien sûr que tu savais déjà qu'elle dirait non et c'est carrément stupide de sa part. C'est pas parce que tu partages un lit avec elle que tu vas la tripoter sans son consentement. « Relaxe, j'ai pas encore assez bu pour te trouver attirante. » Voilà un joli (mensonge) commentaire qui risque de vraiment lui plaire. Les filles sont jamais contentes quand on les trouve attirantes ni quand on les trouve pas attirantes. C'est censé être quoi le juste milieu ? Elles sont toutes tarées voilà tout. Leo doit bien faire partie du top cinq de l'Australie. « Il est pas si pire que ça, mon canapé. Tu vas survivre pour une nuit ou deux. » Avec deux-trois ressors dans le cul, ouais ça risque d'être une nuit très sympa. Ça paraît que ce n'est pas elle qui va dormir dessus. « C'est toi qui vois. Une nuit dans ton lit ou deux semaines sur ton canapé. » Parce que tu bougeras pas de là, incapable de te relever bien entendue. Elle a qu'à y dormir elle sur son canapé si elle a si peur d'un peu de chaleur humaine. « T'aurais dû ramener la bouteille. » que tu ajoutes en avalant cul sec le verre entre tes mains. Tu te sens déjà mieux. Ça fait trop longtemps que t'as pas picolé. Ton corps te remercie de l'intoxiquer de nouveau.

« J’ai croisé un vieil ami de Londres. J’crois que je lui avais manqué. »
« À ses poings surtout. »

Tu ne peux pas dire que ça te surprend tant que ça, Seth est chiant et même si ça ne fait pas longtemps que tu le connais, ça fait assez longtemps pour que tu puisses dire avec certitude qu’il doit être plutôt doué pour transformer ses quelques amis en ennemis. Peut-être que tu sais le reconnaître parce que tu es un brin trop similaire, à abuser sans cesse de ceux qui osent à te tendre la main avant de leur demander un bras au complet, une jambe quand ils sont assez bons et cons pour continuer de t’offrir alors que normalement, tu n’as rien à donner en retour. D’ailleurs, qu’il n’abuse pas de ton hospitalité soudaine Seth parce que tu vas t’assurer de lui prendre tout ce qu’il a (c’est-à-dire rien du tout, jamais tu ne pensais trouver pire que toi) en échange. « C’est presque tentant. » Qu’il ne soit pas trop tenté surtout parce que ta vague de charité, elle ne va pas durer longtemps.

Mais elle dure encore assez longtemps pour que tu lui offres plus fort que la bière, malgré ce que tu avais dit quelques instants plus tôt. « Là tu parles. » Ouais, ouais, c’est ça. Il s’empare du verre si vite qu’on croirait que tu viens de lui offrir un remède miracle contre tous ses maux, ce qui n’est pas totalement faux quand on y pense, bien que l’effet soit temporaire malheureusement. Mais tous les whiskys du monde ne seront jamais assez forts pour que l’idée de partager ton lit avec Seth Moriarty soit alléchante. Ce n’est pas qu’il a une bonne gueule (du moins, quand elle n’est pas à moitié éclatée et ensanglantée) c’est juste que tu sais mettre une limite à ta connerie, ouais, même celle-là. « Relaxe, j’ai pas encore assez bu pour te trouver attirante. » Et si tu devrais être soulagée de l’entendre, ça ne t’empêche pas de lui foutre un coup de coude dans les côtes, points bonis pour toi si ça lui faisait déjà mal à l’avance ce qui semble être le cas. Pas assez attirante, mon cul ouais. « C’est toi qui vois. Une nuit dans ton lit ou deux semaines sur ton canapé. » Tu roules des yeux. Tu sens que tu t’es vraiment dans le trouble, en acceptant de l’héberger. « Okay, j’te laisse dormir dans mon lit seulement si tu me racontes ce qui s’est passé avec ton BFF anglais. » Hey, tout le monde y gagne dans ce scénario-là, non? « Mais si tu me touches j’te jure que j’te coupe les doigts. » Sans la moindre fucking hésitation. « T’as réussi à te défendre un peu ou moins ou tu lui as juste servi de punching-bag? » Tu ricanes déjà juste à t’imaginer la scène. « T’aurais dû ramener la bouteille. » Tu t’empresses de caler ton verre à ton tour, te relèves pour aller chercher la bouteille et remplis vos verres à nouveau. « Allez, raconte, on a pas toute la nuit. » Ou peut-être bien que oui, tout compte fait.

« À ses poings surtout. » Ouais, à ses poings surtout qui devaient les démanger depuis bien trop longtemps. Depuis presque cinq ans pour être plus précis. C'est quoi les chances pour le croiser ici à Brisbane ? À voir le costume du parfait gosse de riche qu'il portait, il est sûrement ici pour affaires. Il ne va pas rester… il ne va pas rester hen ? Sinon, et bien, c'est une grande ville. Et on sait tous à quel point t'es un genre d'aimants à problème. Ouais Arthur finira sans doute pas retrouver le chemin jusqu'à toi. Tu peux toujours continuer à faire semblant que tu l'ignores. Le déni est toujours une excellente solution. Pour l'instant, c'est plutôt le problème de ne pas dormir sur le canapé que t'essaies de régler. Ton petit commentaire - ou mensonge - ne semble pas plaire à la blonde qui te fout directement un coup dans les côtes. La grimace de douleur est instantanée. « Aïe!! » que tu te plains immédiatement. Qu'elle conne. Pas contente que tu lui dises que t'as pas envie de la tripoter et sûrement pas contente non plus si tu lui dirais le contraire. T'as envie de répliquer, mais parfois, il vaut mieux se taire. C'est ce que tu fais en avalant le reste de ton verre pour te clouer le bec.

« Okay, j’te laisse dormir dans mon lit seulement si tu me racontes ce qui s’est passé avec ton BFF anglais. » Elle va vraiment pas démordre de cette histoire qui est tout sauf intéressante. Avec les coups que tu t'es pris en pleine tronche, cette rencontre avec Arthur est légèrement flou par moment. Commotion cérébrale sans aucun doute. Tu te souviens même plus de tout l'inventaire de tes blessures tellement la liste est longue. Mais bon, ce qui intéresse la jolie Leo, c'est le pourquoi du comment. Ça, tu t'en souviens très très bien. « Mais si tu me touches j’te jure que j’te coupe les doigts. » C'est là que tu dois lui rappeler que tu viens juste de lui dire que tu la trouvais repoussante ? Non, des plans que tu te reprennes un nouveau coup. « Aucune chance que j'ai envie de te toucher. » C'est mieux ? Non sûrement pas. Aussi surprenant que ça puisse paraître, t'es pas assez con pour insister quand l'autre n'est pas intéressé. C'est bien le seul point sur lequel t'es le moindrement respectueux. « T’as réussi à te défendre un peu ou moins ou tu lui as juste servi de punching-bag? » Pourquoi est-ce qu'on y revient encore ? Elle se lève pour aller rechercher la bouteille à l'abandon qu'elle ramène pour remplir de nouveau ton verre et le sien. « Allez, raconte, on a pas toute la nuit. » « T'es chiante. » que tu lui lances en attrapant de nouveau ton verre pour en avaler une longue gorgée. « J'bossais pour son père, c'est un connard. Il arrêtait pas d'me faire chier. » Et il fait constamment chier Arthur aussi. Même encore aujourd'hui, t'en est certain. Ça l'aurait sûrement fait rire ton pote si sa femme c'était pas sa mère. « Alors j'me suis taper sa femme. » Pendant trop longtemps et t'as fait presque exprès pour te faire prendre. Tu dis ça comme si c'était le raisonnement normal à avoir. Ce qui s'est passé ensuite pour les Coventry ? Aucune idée et ça t'intéresse pas de le savoir non plus. « Satisfaite ? » Elle a intérêt parce que tu ne compte pas revenir sur la partie où tu te fais casser la gueule comme le parfait lâche que tu es.

« Aïe!! » Il se plaint, et tu n’as qu’une seule envie : frapper encore un peu plus fort. Mais tu ne le fais pas, tu serais presque gentille avec lui ce soir. Tu lui offres un toit et de quoi boire, on ne peut pas dire que tu manques d’hospitalité face à lui après tout. Bordel, tu vas même jusqu’à lui offrir ton lit en échange d’une simple petite histoire, c’est un deal qui est plus que raisonnable, non? Mais il fait son difficile Seth, parce que c’est tout ce qu’il sait faire. C’est sûrement à force d’être terriblement chiant qu’i s’est fait tabasser d’ailleurs et tu ne peux pas dire que tu ne comprends pas la personne qui lui a fait ça, même si tu meurs d’envie de connaitre les vraies raisons derrière la raclée qu’il vient de manger. « Aucune chance que j’ai envie de te toucher. » Tu roules des yeux, même si c’est ce que tu voulais entendre. Pas question d’aller là avec lui, non. Tu as encore un minimum de standards après tout, et généralement, tu n’aimes pas que tes conquêtes soient aussi maganées par la vie que toi et Dieu sait que Seth, il ne donne pas sa place dans ce département. « T’es chiante. » Tu es tentée de lui enlever son verre des mains juste pour lui prouver jusqu’à quel point tu peux être vraiment chiante, mais tu te ravises au dernier moment quand il vient en prendre une nouvelle gorgée et qu’il ouvre enfin la bouche ensuite pour te donner des détails. « J’bossais pour son père, c’est un connard. Il arrêtait pas d’me faire chier. » Tel père, tel fils? « Alors j’me suis taper sa femme. » Oh putain, celle-là, tu ne t’y attendais pas. Encore heureux que tu n’étais pas en train de prendre une gorgée de ton verre, t’en aurais sûrement mis partout. « Satisfaite? » « Attends, attends. » que tu parviens à dire entre deux rires alors que tu te retournes pour croiser le visage du Moriarty. « T’es en train d’me dire que tu t’es tapé la femme de ton boss et que ton BFF anglais a su… que t’avais couché avec sa mère? » Oh mon dieu, c’est le genre d’histoires qui ne se peuvent pas et pourtant, venant de Seth, tu y crois à cent pour cent. « Me dis pas que tu t’es fait prendre les culottes à terre? » Oh please, faites qu’il le dise en fait, c’est beaucoup trop drôle si c’est ça. « T’es dégueulasse. » que tu finis quand même par dire, avant de venir cogner ton verre contre le sien. « Good job. » Tu ris encore un peu. Il n’y a pas à dire, il l’a mérité, sa raclée. « Tu faisais quoi comme boulot, à Londres? » Il était certainement pas un petit cuisinier comme ici, tu as du mal à imaginer un boss de fast-food être assez chiant pour qu’il ait envie de se venger à ce point-là.

« Attends, attends. » Alors que t'essaies de déjà tourner la page sur le merveilleux souvenir que tu viens de partager avec elle, Leo semble bien vouloir garder cette page sous ses yeux. Qu'est-ce qu'elle veut savoir de plus ? Elle a besoin d'un dessin peut-être ? Un jeu de mime ? Tu peux bien lui montrer dans quel position tu t'es fait prendre, mais faudrait pas revenir sur ta promesse de jamais la toucher parce qu'elle te répugne - et elle y croit bien sûr. Au moins, ton histoire l'a fait rire. Ça t'a fait rire toi aussi pendant un temps. Avant que tout explose et que tu te retrouves avec ta vie de merde australienne. « T’es en train d’me dire que tu t’es tapé la femme de ton boss et que ton BFF anglais a su… que t’avais couché avec sa mère? » Apparemment. C'était évident que la nouvelle allait se rendre un jour ou l'autre jusqu'aux oreilles d'Arthur. T'étais déjà bien loin quand il l'a su. Tu hausses les épaules. « J'me suis tiré avant. » Comme un lâche, c'est ce qu'on pourrait dire. La vérité est plutôt que deux fils se sont touchés dans ton cerveau. Tu as pété un câble et t'as fait ta valise sur un coup de tête très très impulsif. T'as pas réfléchi. C'est la colère qui t'a guidé. Et elle t'a guidé jusqu'à Brisbane. « Me dis pas que tu t’es fait prendre les culottes à terre? » Évidemment, elle veut plus de détails. T'aurais l'air encore plus idiot si tu lui dirais simplement la vérité. C'est bien, de jouer avec le feu, de jouer un jeu interdit, l'adrénaline qui vient avec la peur de se faire prendre. C'est bien pendant un moment, mais même ça, tu finis par te lasser. C'est pas drôle de rendre quelqu'un cocu s'il sait pas qu'il l'est. Bien sûr que t'as fait exprès pour éveiller les soupçons de papa Coventry. « Tu veux la vidéo ou ça va aller ? » Dommage que t'es pas vraiment une copie de cette vidéo. Tu pourrais l'envoyer à Arthur. Ça lui plairait sûrement. Peut-être qu'il l'a déjà vu. « T’es dégueulasse. » Dégueulasse de quoi ? D'avoir baiser une vieille ou d'avoir baiser la mère d'un pote ? Qu'elle soit la mère de Arthur n'est certainement pas la raison pour laquelle tu l'as mise dans ton lit. C'était un détail agaçant que tu pouvais ignorer pour faire chier ton patron. Que Arthur (ou sa famille) soit un dommage collatéral, ça faisait pas partie du plan. « Good job. » - « T'es tarée. » que tu ajoutes alors qu'elle te trouve à la fois dégueulasse et incroyable. Elle vient cogner son verre contre le tien. Et toutes les raisons sont bonnes pour prendre une gorgée de plus. « Tu faisais quoi comme boulot, à Londres? » C'est pas terminé encore de parler de Londres ? T'aimes pas trop te souvenir que ta vie avant, c'était pas trop de la merde. Mais tu sais aussi qu'elle va continuer de te faire chier si tu réponds pas. « Architecte. » C'est pas de la merde être un Moriarty chez les Anglais. Être un Moriarty en Australie par contre, c'est synonyme d'être un raté. « T'as fini avec tes questions de merdes ? On peut aller dormir ? » Comme les deux personnes qui vont passer une nuit extrêmement ennuyeuse parce qu'elle a bien trop peur de devenir accro à toi si elle y goûte.

« J’me suis tiré avant. » C’est déjà ça, sans doute. Tu continues de rire. Tu peines à y croire. T’es impressionnée et dégoûtée à part égale, mais t’es surtout amusée. « Tu veux la vidéo ou ça va aller? » Ça serait beaucoup trop drôle si telle vidéo existait vraiment. Tu vas te contenter d’essayer de ne pas te faire la scène trop visuellement dans ta tête, ça risquerait de te rendre malade. Ça n’explique pas tout, mais ça donne sans aucun doute une idée de la raison pour laquelle il n’est désormais rien de plus qu’un pauvre cuisinier sans talent dans un fast-food tout ce qu’il y a de plus dégueulasse dans l’un des quartiers les plus minables de Brisbane. Quelque chose te dit que sa vie à Londres n’avait pas la même allure, et si tu aurais envie de creuser un peu plus sur le sujet, tu es présentement trop occupée à continuer de te marrer de la situation qui lui a valu la raclée de sa vie – et qui t’impose aussi sa présence dans ton appartement, par le fait même. Peut-être que tu ferais mieux de ne pas tant en rire parce que quelque chose te dit que le karma va s’occuper de toi aussi, éventuellement, mais tu ne vois pas si loin. Tu n’as jamais été très douée pour te projeter dans quoique ce soit après tout, d’où le job de merde, les fréquentations pas trop potables et l’appartement en ruines. Tu survis, jour après jour, sans jamais te donner les chances de faire mieux. Pourquoi est-ce que tu voudrais faire mieux de toute façon? La misère, contrairement à Seth, c’est tout ce que tu connais, tout ce que tu as toujours connu. « T’es tarée. » Il n’est pas le premier à te le dire, pas le dernier non plus sans doute. Tu le sais. T’assumes (presque) toujours ce fait. Il vient quand même cogner son verre contre le tien. Du peu que tu sais de lui, il n’est pas vraiment bien placé pour poser le moindre jugement sur ta personne. Ta curiosité reprend le dessus et tu ne pourrais dire ce qui te surprend le plus dans cette soirée : sa gueule éclatée, la raison pour sa gueule éclatée ou cette maigre bribe de son passé. « Architecte. » Oh how the mighty has fallen. C’est désolant, presque. Ou bien c’est la preuve que tous les efforts du monde ne servent à rien quand tout le monde fini par se retrouver dans le même trou. « T’as fini avec tes questions de merde? On peut aller dormir? » « Sujet sensible, je vois. » Pas surprenant, mais ça aussi, ça t’amuse. « T’as pris une méchante débarque. » La chute a du être douloureuse. Quelque chose te dit qu’elle l’est encore, surtout ce soir. Tu te lèves et tu lui tends quand même une main pour l’aider à se relever. Tu n’es pas complètement sans cœur, malgré ce que tu voudrais faire croire ou laisser paraître. Tu l’aides à s’installer dans ton lit, mais tu ne viens pas te coucher à ses côtés. Tu n’es pas fatiguée, pas encore assez numb pour laisser le sommeil prendre le dessus alors une fois que tu sais qu’il est hors de vue, et qu’il aura toute la misère du monde à sortir du lit sans assistance, tu sors sur ton balcon pour fumer un joint espérer que sa visite soit de courte durée et sans conséquence.

Wishful thinking.