Jamais tu n’aurais pu t’imaginer trouver de telles correspondances dans les affaires de ta mère. Tu étais tombée sur les lettres dans un accident le plus complet. Tu ne cherchais même pas à fouiner, pour une fois. Tout ce que tu voulais, c’est trouver des vieilles photos de Wyatt, d’Ariane et de toi quand vous étiez bébés, ne serait-ce que pour faire une comparaison avec le nouveau Parker qui était né quelques semaines plus tôt. Tu ne l’aurais jamais admis à ton cousin, mais malgré tous les il est moche ton kid, tu le trouvais plutôt mignon pour un alien miniature et surtout, tu trouvais qu’il avait clairement des airs de Parker, le petit Gabriel, chose que tu souhaitais confirmer avec lesdites photos. Ta tante t’avait confirmé que ta mère avait gardé pas mal de vieux albums photos et qu’après sa mort, c’est elle qui les avait gardés, quelque part dans le fond d’un garde-robe. Ce ne sont pas des photos de bébé qui ont attiré ton attention finalement, mais bien des lettres d’une écriture que tu ne reconnus pas, qui étaient adressées à ta mère. De celles qui laissaient sous-entendre une idylle passée et une lecture rapide te permis rapidement de comprendre de quoi il s’agissait : pour la première fois en presque trente ans, tu avais ton premier aperçu sur l’homme qu’était ton père. Un prénom et un nom de famille. Un lieu de rencontre. Une romance éphémère. Des origines irlandaises qui expliquaient ce teint clair et ces taches de rousseur qui étaient tiennes. Tu peinais à y croire. Des années que tu n’avais pas osé aborder le sujet avec ta tante, tout comme tu avais rapidement cessé de l’aborder avec ta mère qui n’avait aucun intérêt à te donner la moindre information concernant ton géniteur. Mais voilà que c’était là, caché au travers de vieux souvenirs, à porter de main tout ce temps-là, vérité tout de même volontairement tenue loin de toi pendant toute ton existence.
Oh elle avait été immense, l’envie de faire une scène chez ta tante, mais tu t’étais retenue. Sans lui dire tout ce que tu avais découvert, tu avais tout de même pris les lettres et les quelques informations le concernant que tu avais pu trouver au travers des albums, et tu avais laissé la magie d’internet faire le reste. Ce fut un tout autre choc d’apprendre que l’homme à qui tu devais ton existence était lui aussi décédé, faisant de toi une véritable orpheline. Tu n’aurais su dire ce qui était le plus grand choc toutefois : d’apprendre son existence, sa mort ou bien pour cette autre famille qui était sienne. Sa famille légitime, celle dont il n’avait pas honte. À force de fouiller pour un peu plus d’informations sur les Regan (tu comprenais parfaitement le raisonnement derrière ton deuxième prénom, maintenant) tu découvris que ton géniteur – la simple idée de penser à lui comme étant ton père te donnait envie de vomir – avait eu trois autres enfants, deux garçons et une fille. C’est cette dernière qui attira plus longuement ton attention, elle dont tu trouvas le profil sur les réseaux sociaux. Caitriona, un nom qui sonnait aussi irlandais que le roux de ses cheveux, un visage angélique qui ne ressemblait en rien au tien, ou du moins, c’est ce que tu t’efforçais de te répéter après chaque photo que tu regardais d’elle, notant bien malgré toi les quelques ressemblances qui se voulaient bien plus nombreuses que tu ne voulais l’admettre. Tu ne pus t’empêcher de rire d’un rire tout ce qu’il y a de plus sarcastique lorsque tu découvris qu’elle semblait être ton opposée, mademoiselle parfaite, interne en médecine, studieuse et sans aucun doute intelligente pour mener à bon de telles études. Sans même l’avoir rencontré, tu étais certaine d’une chose : tu lui vouais un dédain certain, à Caitriona. Elle et sa famille aux apparences parfaites et unies, elle et ses grandes études, elle et les souvenirs qu’elle devait garder d’un père qui n’avait été rien de plus qu’un donneur de sperme dans ta vie à toi.
Tu n’avais encore parlé à personne de ce que tu avais découvert. Pas à ton cousin qui était de toute façon bien trop occupé à gérer avec sa nouvelle famille pour s’occuper de l’ancienne, pas plus qu’à Reese à qui tu ne cachais pourtant jamais rien normalement. Tu avais laissé ta colère et ta curiosité prendre le dessus rapidement, te menant jusqu’à l’hôpital sans que tu ne cherches à t’arrêter dans ta folie. Tu n’avais aucune idée si tu parviendrais à trouver la jeune femme facilement, tu ne savais même pas si elle se trouverait sur place, mais une interne, ça doit bien passer la plus grande partie de son temps sur son lieu de travail, non? Tu arpentes les couloirs de l’hôpital, sans trop savoir à qui tu devrais demander pour être guider jusqu’à la rouquine, mais à force de demander à tout le monde et n’importe qui, tu finis par t’adresser à un infirmier qui sait de qui tu parles et qui te dit sur quel étage elle travaille aujourd’hui, un véritable coup de chance (ou de malchance, tu ne saurais vraiment dire encore). Tu as une boule dans le fond du ventre alors que tu montes par deux les escaliers qui te mènent jusqu’à l’étage que l’on t’a indiqué, et tu continues d’arpenter les couloirs jusqu’à ce que tu reconnaisses sa chevelure, devant un stand de café. Tu prends une grande inspiration, et c’est avec pratiquement aucune hésitation que tu avances dans sa direction, avant de tapoter – assez brusquement – son épaule pour attirer son attention. « Regan? Caitriona Regan? » que tu demandes d’une voix qui se veut neutre, mais de laquelle transparaît déjà les émotions – toutes plus négatives les unes des autres – que t’inspirent la jeune femme. Tu n’as pas vraiment besoin qu’elle te le confirme, tu as passé assez de temps à regarder des photos d’elle pour savoir que tu ne te trompes pas sur son identité. « Faudrait que je te parle, deux minutes. » Aucune marque de politesse, aucune présentation, tu te retiens pour pas lui cracher à la figure que son père est un infidèle et sans doute un gros dégueulasse, mais tu attends tout de même une réaction quelconque de sa part avant de la piquer de ton venin.
The family is the one who seeks you, the one who calls you, the one who comes to you and supports you. You don’t choose your family, it’s too bad, it would be so much simpler.
Cette journée avait si mal commencé. Enfin, si on pouvait parler de journée. Caitriona avait commencé sa garde vers 22h la veille, alors elle n’était pas sûre qu’on puisse parler de journée de travail. Sa garde. Oui voilà, sa garde avait terriblement mal commencé. Elle avait déjà perdu un patient, un autre lui avait vomit dessus deux fois de suite, et par dessus le marché, la machine à café ne marchait plus depuis une ou deux heures du matin. Pour faire court, elle était d’une sale humeur. Vraiment. Le seul point positif, c’est que pour la première fois depuis un moment, elle avait quitté la pédiatrie. Elle resterait en ortho pour quelques temps, jusqu’à ce que le Dr Iako en ait assez d’elle, ou que quelqu’un la demande ailleurs. Elle était douée, l’irlandaise, ça tout le monde le savait. En attendant, la jeune femme se sentait mille fois plus à l’aise depuis qu’elle avait quitté l’étage des mouflets braillards. À l’heure qu’il était, Caitriona était en train de finir ses visites. Il lui restait un dernier patient, et ensuite elle pourrait descendre au 1er étage pour se prendre un café au stand, et qui avait, enfin, ouvert ses portes. Minutieusement, elle avait vérifié la cicatrice encore fraîche de la vieille dame, avait désinfecté par pure précaution, avant de bander à nouveau le bras. « Ça m’a l’air parfait, Mme Robinson. » Cette dernière lui avait adressé un sourire, qui avait illuminé son visage fatigué. « Le Dr Iakoslavtsev passera un peu plus tard dans la matinée pour faire le point. On conviendra de la suite des soins, et ensuite vous pourrez rentrer chez vous. » À son tour, l’irlandaise s’était fendue d’un sourire, avant de remettre le dossier à sa place au pied du lit, et de s’éclipser. Dans le couloir, la jeune femme avait croisé une collègue infirmière, qui se dirigeait aussi vers l’ascenseur. « T’as pas vu Iako? Ça fait une bonne heure qu’il aurait dû arriver, et je l’ai toujours pas croisé. » Sa collègue avait prit le temps de réfléchir, plissant les yeux. « Il me semble que je l’ai vu passer il y a un moment. Il allait vers les vestiaires, mais je pense que depuis il a dû en ressortir. » L’ascenseur, dans sa folle lenteur, s’était finalement arrêté une première fois, et l’infirmière s’était avancé dans le couloir sur lequel il ouvrait. Avant de reprendre sa route, elle s’était retournée vers Cait. « Ne t’inquiète pas, il doit rôder dans le coin. Quand tu reviendras à son étage, il sera sûrement là. » Et les portes de l’ascenseur s’étaient refermées sur elle. L’irlandaise ne s’inquiétait pas, le chef de service pouvait bien faire ce qu’il voulait, ce n’était pas à elle de surveiller ses allées et venues. La rousse aurait juste voulu lui parler du patient de la 318, qui présentait des symptômes peu encourageant à la suite de son opération d’avant hier. Mais il y était sûrement déjà, et de toute façon, il fallait qu’elle recharge son bipeur, qui s’était éteint il y a à peu près une heure maintenant. L’objectif était donc de récupérer un gobelet de café brûlant, avant de remonter aux vestiaires pour récupérer des piles neuves. L’irlandaise savait pertinemment que si elle restait trop longtemps avec un bipeur à plat, elle risquait de se faire réprimander sévèrement, et surtout, qu’elle risquait de louper des interventions intéressantes. Arrivé au stand, elle avait sourit à la caissière. « Un grand café noir, s’il vous plaît. » Puis elle avait fouillé dans les poches de son pantalon de blouse, à la recherche de quelques pièces pour payer sa consommation. Au moment où on lui tendait son gobelet, l’irlandaise avait senti un tapotement, bref mais ferme, sur son épaule. Caitriona s’était retournée et tombant nez à nez avec une jeune femme, aussi rousse qu’elle-même. « Regan? Caitriona Regan? » Sa voix, son regard, tout était sérieux chez elle. Et l’inconnue avait un avantage, elle connaissait son identité, alors que Cait, elle, était dans le flou total. « Faudrait que je te parle, deux minutes. » Rien de plus, simplement des mots, tranchants, froids. À croire que l’inconnue ne lui laissait pas le choix. Comme si elle avait rien de plus important à faire. Recharger son bipeur, par exemple. Et le manque de politesse de l’autre rousse la hérissait, lui donnant encore moins envie de lui accorder de son temps. « Ça va pas être possible ça, dois retourner travailler, j’ai pas le temps de jacasser aujourd'hui. Mais adressez-vous à l’accueil, ils pourront sûrement vous renseigner. » Quoi que fût sa question. « Bonne journée à vous. » L’interne venait de tourner les talons, bien décider à laisser cette malpolie sur place, quand elle s’était figée. La phrase qu’un de ses mentors lui avait adressé, il n’y a pas si longtemps, s’était imposée à son esprit « Ne néglige pas les patients ou les familles des patients, Regan. Rien ne sert de s comporter comme un glaçon, essaye de montrer un peu de compassion, donne leur un peu de temps s’ils en ont besoin. » C’est pour cette raison qu’elle avait soupiré, avant de se retourner vers l’inconnue. « Ok. Désolée. C’est pour quoi? » Malgré l’attitude assez sombre de celle qui lui faisait face, Cait restait quand même vaguement intriguée; cette fille ne lui disait absolument rien, et elle brûlait de savoir comment cette dernière avait appris qui elle était.
Tu te les étais imaginés par centaines, les scénarios dans lesquels tu apprenais l’identité de ton père, ceux dans lesquels tu allais jusqu’à renouer avec lui, à te faire une place dans sa vie, comme ça aurait toujours dû être le cas. Les raisons derrière son abandon étaient multiples, et dans tes rêves, tu semblais toujours en mesure de lui pardonner tous les écarts, ne serait-ce que pour avoir le privilège d’avoir un homme a appelé papa. C’était con et naïf, mais alors que tu pestais à qui voulait bien l’entendre que tu n’en avais rien à foutre de l’homme responsable pour ta naissance, tu conservais malgré tout cet espoir vain qu’un jour, tu apprendrais le fin fond de l’histoire et peut-être même que tu en viendrais à mieux comprendre qui tu es. Tous les scénarios du monde ne t’avaient pas préparé pour la dure réalité toutefois. Tu avais passé presque trente ans dans l’ignorance, à te poser des centaines de questions auxquelles personne ne voulait te répondre et maintenant que tu les avais trouvés les réponses, tu ne pouvais t’empêcher de te demander si tu n’aurais pas mieux fait de rester dans le noir. Parce que quand tu ne savais pas, tu pouvais te réconforter dans tous tes scénarios imaginaires. Tu pouvais t’inventer toutes les versions les plus farfelues et continuer de croire qu’un jour, tu viendrais à le rencontrer, à le voir, à l’entendre. Que tu reconnaîtrais miraculeusement le son de sa voix, que son regard rappellerait le tien et toutes ces autres conneries que tu penses tout bas mais que tu n’oserais jamais dire à voix haute. Mais non, maintenant tu sais. Tu sais qu’il n’y aura jamais de regards échangés, que tu n’entendras jamais sa voix, que tu ne sauras jamais vraiment ce que tu retiens de lui, s’il y a quoique ce soit. Il est mort sans jamais chercher à savoir qui tu étais. Trop occupé avec son autre famille, sa vraie famille. Le vrai trou de cul par excellence, ou du moins, c’est de ça que tu te convaincs alors que tu assimiles difficilement chaque nouvelle information que tu découvres à son sujet.
Tu ne cherches même pas à expliquer la décision impulsive qui t’a mené dans les couloirs de l’hôpital St. Vincent. Mais depuis que tu sais pour cette autre famille, ces demi-frères et cette demi-sœur ici même à Brisbane, ça t’obsède à un tel point que tu n’as pas pu faire autrement que de venir ici, à dire son nom à toutes les personnes en uniforme que tu croises jusqu’à finalement être dirigée vers le bon endroit. C’est presque trop facile et c’est loin de t’amuser. Non, ce qui risque de t’amuser toutefois, c’est la réaction sur son visage quand tu auras lâché ta bombe. Tu t’imagines déjà qu’elle ne sait rien, cette pauvre fille qui doit garder une image parfaite de son paternel et toi, tu te fais déjà un plaisir tordu de venir tout détruire. C’est malsain, ce besoin obsessif que quelqu’un souffre autant que toi dans tout ce bordel, et pourtant, c’est ce qui te pousse à te rendre jusqu’au bout de cette démarche, quand ta main se pose sur son épaule et que tu t’imposes à elle sans réellement lui donner le choix. « Ça va pas être possible ça, je dois retourner travailler, j’ai pas le temps de jacasser aujourd’hui. Mais adressez-vous à l’accueil, ils pourront sûrement vous renseigner. » Pas un regard, à peine une parole gentille, sauf un maigre « Bonne journée à vous. » manquant cruellement de sincérité à tes yeux. Dans un autre contexte, tu aurais pu être impressionnée par cette attitude effrontée, te rappelant bien trop ta propre attitude, mais dans la situation actuelle, tu ne pus que pincer légèrement les lèvres, la suivant du regard alors qu’elle s’éloignait légèrement, seulement pour mieux revenir ensuite. « Ok. Désolée. C’est pour quoi? » « Tu fais souvent ça? Agir comme si ton temps était trop précieux pour les autres seulement pour mieux revenir et faire acte de bonté? » Tu continues de la dévisager, jouant le jeu de la psychanalyse, comme si tu avais la moindre idée de ce que tu disais si ce n’est que les premières conneries qui te passent en tête. « Il était comme ça aussi, ton père? À se croire mieux que tout le monde? » Tu penches légèrement la tête sur le côté, continuant de la regarder comme une bête dans un cirque alors que tu doutes qu’elle comprenne quoique ce soit à ta tirade. Toi non plus, tu n’es pas vraiment certaine de faire du sens, tu n’as rien préparé après tout, tu es venue ici avec une seule idée en tête et te voilà prête pour le grand coup d’éclat. « Ou je devrais plutôt dire notre père. » Voilà que tu lui offres un sourire à la limite du menaçant, ton regard ne lâchant jamais son visage, prête à apercevoir la moindre réaction qu’elle pourrait avoir face à cette nouvelle. « Le nom Cassandra Parker, ça te dit quelque chose? » Tu saurais bien vite ou non si elle avait été mise au courant de l’existence de ta mère – et de toi par extension – bien assez bite. « Notre père lui la connaissait assez bien, selon ce que j’ai lu. » Tu ne devrais pas trouver cette scène si amusante et pourtant, c’est la seule façon que tu as de gérer avec la nouvelle avant que cette dernière ne te détruise réellement.
The family is the one who seeks you, the one who calls you, the one who comes to you and supports you. You don’t choose your family, it’s too bad, it would be so much simpler.
Quand elle s'était retournée vers l'inconnue, sans tenter de retenir un soupir d'exaspération, Caitriona ne s'attendait pas à une telle réaction. « Tu fais souvent ça? Agir comme si ton temps était trop précieux pour les autres seulement pour mieux revenir et faire acte de bonté? » L'irlandaise avait froncé les sourcils, contrariée. Cette fille débarquait, lui faisait perdre son temps alors qu'elle avait décidé qu'elle pouvait bien lui en accorder un peu malgré son planning chargé et maintenant quoi? Elle dénigrait sa réaction, la faisait passer pour une espèce de garce sans coeur. Sans parler de ce tutoiement sorti de nulle part, qui, utilisé par cette blonde et son agressivité, la hérissait complètement. « Au cas où t'aurais pas remarqué, on est dans un hôpital ici. Alors oui, mon temps est précieux puisque je suis en plein milieu d'une garde. » Et pourtant, elle restait là, à se défendre face aux propos d'une fille qu'elle ne connait pas le moins du monde. Quelque chose en elle l'empêchait de la laisser sur place, de la planter pour retourner à quelque chose de plus important. Et le fait qu'elle soit en plein milieu d'une journée de boulot n'avait pas l'air de dissuader son adversaire. « Il était comme ça aussi, ton père? À se croire mieux que tout le monde? » De mieux en mieux. Une vanne, si on le considérait comme ça, sur son père maintenant. En face d'elle, Cait voyait l'inconnue bouillonner. Et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle ne remettait pas la blonde. L'irlandaise avait beau fouiller dans sa mémoire, elle ne trouvait pas. Elle n'avait jamais vu cette fille avant aujourd'hui, que ce soit en vrai, en photo, à la télé. Alors elle ne comprenait pas pourquoi cette dernière s'en prenait à son père, qui était mort il y a plus de 20 ans. « Ou je devrais plutôt dire notre père. » Si on s'était trouvé dans un dessin animé, la mâchoire de Caitriona se serait probablement décrochée pour aller toucher terre. Les yeux ronds, la rousse avait dévisagé la jeune femme qui lui faisait face, incapable de juxtaposer deux pensées cohérentes. Lentement, son esprit avait passé en revue, un par un, tous les mots de la phrase crachée par l'inconnue. Une inconnue qui ne devait pas l'être, si on en croyait le "notre" utilisé pour qualifié le père. « Attends... Quoi? » Elle paraîtrait sûrement idiote à la blonde, mais Cait s'était sentie obligée d'extérioriser la question. Dans sa tête, un évènement lui était soudain revenu en mémoire. Le jour où, avec ses frères, ils avaient confronté leur mère à propos d'un appel téléphonique que cette dernière avait reçu, et qui l'avait bouleversée. Ce jour là, la fratrie avait appris que leur père avait été infidèle, des années auparavant, et que quelque part, ils avaient un demi-frère, ou une demi-soeur. Était-il possible que... « Le nom Cassandra Parker, ça te dit quelque chose? » Non, ça ne lui disait rien du tout, et Cait l'avait signifié à la blonde en secouant la tête, incapable de dire quoique ce soit. Ce n'était pas étonnant qu'elle ne se rappelle pas d'un détail comme ça, puisque sa mère n'avait jamais voulu leur en dire davantage. L'irlandaise ne savait même pas si cette dernière en savait elle-même plus, ou si elle avait simplement choisi de faire la sourde oreille sur le reste. « Notre père lui la connaissait assez bien, selon ce que j’ai lu. » Alors comme ça, la blonde, si elle était bien qui elle prétendait, elle avait retrouvé une trace, une preuve, de l'infidélité du père Regan. Preuve que Cait n'avait jamais eu, l'état de sa mère après le fameux coup de fil étant largement suffisant pour que l'adolescente de l'époque n'ait pas envie de chercher plus loin. Il y avait eu un flottement entre les deux jeunes femmes, avant que l'interne ne se décide à briser le silence. « Alors comme ça... C'est toi. » C'était forcément elle. La blonde disait forcément la vérité, la rousse ne voyait pas pourquoi quelqu'un inventerait quelque chose comme ça, elle n'imaginait pas comment quelqu'un qui n'était pas impliqué aurait autant d'informations la concernant, et concernant son père infidèle. Caitriona avait beau le savoir depuis des années, le fait de se retrouver face à sa demi-soeur - puisque c'était bien de ça qu'il s'agissait - rendait tout cela plus réel. Infidèle. À cet instant, quelque chose s'était brisé en Cait. Et contrairement à celle de la blonde qui lui faisait toujours face, la colère de Cait s'était évaporée, pour laisser place à une nausée désagréable. « T'en as certainement rien à foutre mais... Je savais pas. » Sentant ses mains commençant à trembler, la rousse avait posé son gobelet de café, pour éliminer tout risque d'en renverser - sur le sol, sur la furie, ou sur elle-même. « Enfin... Je savais. Je savais qu'il avait été infidèle. Même qu'il avait eu un enfant avec une autre femme. » Elle avait fait une pause, jaugeant la blonde. Elle avait du mal à la cerner, et impossible de savoir vraiment ce qui se passait dans sa tête. Quelque chose lui disait que ce ne serait pas facile d'apaiser sa colère. Mais est-ce qu'elle en avait vraiment envie? « Mais c'est tout. J'ai jamais rien su d'autre au sujet de l'enfant. À ton sujet. Ma mère a jamais voulu en parler et... J'ai pas cherché à en savoir plus. » Mais quelque chose lui disait qu'après cette rencontre, peut importe comment elle finirait, elle ferait sûrement des recherches sur l'autre fille. Sa soeur.
« Au cas où t’aurais pas remarqué, on est dans un hôpital ici. Alors oui, mon temps est précieux puisque je suis en plein milieu d’une garde. » Tu aurais pu lui dire que tu avais parfaitement conscience de l’endroit où vous vous trouvez parce que tu as dû passer bien plus de temps ici en grandissant qu’elle. Que tu reconnais bien trop facilement l’odeur de tous les produits, que la lumière des chambres te donne encore des cauchemars de les avoir trop souvent vu quand tu étais petite et l’horreur de savoir que c’est ici que l’histoire de ta mère s’est terminée. Tu pourrais lui dire tout ça, mais tu te contentes de la regarder avec dédain et ce sourire mesquin sur les lèvres, comme si tu t’apprêtais à la mordre d’une minute à l’autre. Oh tu allais mordre oui, mais pas physiquement. Tu ne laisserais aucune marque sur sa peau. Mais tu t’immiscerais dans sa tête. Tu allais foutre le bordel dans sa vie, comme la découverte que tu avais faite été venu foutre le bordel dans la tienne. Un besoin de justice, de faire payer quelqu’un pour l’abandon, pour la crise d’identité éternellement non-résolue, un besoin de trouver un coupable pour cette vie de misère que tu mènes, comme si tu n’étais pas la seule fautive de toutes tes conneries. Tu ressentis une étrange satisfaction à voir le visage de Caitriona se tordre sous l’effet de la surprise alors que tu parlais finalement de son père comme étant votre père, une vérité que tu peinais encore toi-même à réellement encaisser. « Attends… Quoi? » « T’as parfaitement compris. » que tu répliques avec force et véhémence. Elle est sonnée, l’interne et sans doute qu’après cette rencontre, elle n’aurait plus jamais envie d’entendre parler de toi, alors tu comptais bien lui dire tout ce que tu avais sur le cœur présentement, avec l’idée que ce serait la seule et unique fois que vos chemins seraient amenés à se croiser.
Elle secoue la tête à la négative quand tu mentionnes le nom de ta mère. Comme ça, elle ne savait pas. Effet de surprise complète. Ou du moins, c’est ce que tu assumes jusqu’au moment où elle se décide enfin à rouvrir la bouche, la rouquine. « Alors comme ça… C’est toi. » Toi? Soudainement, tu étais beaucoup moins sûre qu’elle ne savait rien. Beaucoup moins sûre de l’effet surprise que tu semblais avoir sur la jeune femme. Si elle savait, est-ce que ça voulait dire que ton père avait su, de son vivant? Si elle savait, ça remettait à nouveau tout en question dans ta tête, tous les scénarios que tu t’étais créés soudainement moins assurés, moins plausibles même. « T’en as certainement rien à foutre mais… Je savais pas. » Tu fronces les sourcils parce que tu n’es pas certaine de la croire, et le fait qu’elle se reprenne rapidement vient confirmer tes pires doutes. « Enfin… Je savais. Je savais qu’il avait été infidèle. Même qu’il avait eu un enfant avec une autre femme. » Tu échappes un rire nerveux tout en secouant la tête. Bordel, si tu t’y étais attendue, à celle-là. Elle savait et elle n’a jamais cherché à savoir, jamais cherché à connaître et avec l’accueil que tu lui fais, tu es en train de lui prouver exactement pourquoi elle avait bien fait, en préférant te terrer dans l’ignorance la plus totale. Fuck. « Mais c’est tout. J’ai jamais rien su d’autre au sujet de l’enfant. À ton sujet. Ma mère a jamais voulu en parler et… J’ai pas cherché à en savoir plus. » « Est-ce qu’il savait, lui? » La question s’échappe de tes lèvres à toute vitesse, tu te détestes d’avoir besoin de le savoir, mais c’est plus fort que toi. « Les correspondances entre eux, ce que j’ai trouvé, ça me dit pas s’il savait, pour moi. » Tu n’es même pas certaine qu’elle pourra répondre à ça, la rousse. Ça déraille complètement ce que tu étais venue faire, ce que tu étais venue dire. Merde, tu n’avais même pas vraiment de plan pour commencer en réalité. Tu voulais rentrer dans le tas. Faire mal. Alors pourquoi est-ce que c’est toi qui es sur le point d’éclater, encore une fois? « Tu sais quoi? J’m’en fiche. Tu savais et t’as jamais cherché à en apprendre plus sur moi et sûrement que j’devrais faire la même chose de mon côté. » Dans quel bordel est-ce que tu t’étais encore mise les pieds? « J’ai pas besoin d’une bande d’égoïstes comme famille. » Bien sûr que non. Tu n’as jamais eu besoin de rien ni de personne, pas vrai Leo? Tu voulais mettre un visage sur un nom, c’est maintenant chose faite. Next.
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Cait finit par laisser échapper qu'elle n'en a jamais su plus sur l'enfant illégitime. Qu'elle n'a même pas chercher à avoir plus d'informations. Elle avait questionné sa mère, bien sûr, mais sa santé mentale à l'époque était bien trop fragile pour qu'elle puisse se permettre d'insister. Et pourtant, pendant un instant, elle avait été excitée, la jeune Cait, à l'idée d'avoir peut-être une soeur, puisqu'elle n'avait que des frères. Une excitation qui, à l'instant présent, paraissait bien déplacée. Quand l'adolescente qu'elle était s'était prise à imaginer à quoi pourrait ressembler ce nouveau membre de la famille, elle ne l'avait sûrement pas visualisée comme une espèce de furie blonde avec des yeux lançants des éclairs. Malheureusement, la réalité l'avait rattrapée aujourd'hui. Elle avait fait quelques petites recherches de son côté, sans jamais trouver quoique ce soit de concret. Mais le fait d'apprendre par sa tante, bien plus tard, que juste avant de mourir son père avait pris la décision de quitter sa mère, ça l'avait refroidi. « Est-ce qu’il savait, lui? » Le ton de sa soeur était redescendu légèrement. La tension entre les deux filles restait palpable. « Les correspondances entre eux, ce que j’ai trouvé, ça me dit pas s’il savait, pour moi. » Donc elle ne savait pas tout. Et elle voulait en savoir plus sur le sujet. Sachant cela, pourquoi venait-elle voir une personne qui en savait aussi peu à ce sujet? Pourquoi le demander à Cait, qui lui avait pourtant avoué qu'elle n'avait pas cherché à la retrouver? Néanmoins, elle avait de la chance. Parce que si Cait ne savait pas grand chose au sujet de sa soeur, elle en avait un peu plus en ce qui concernait les infidélités de son père. Pourtant, elle ne comptait pas en dire plus à cette dernière, elle ne lui ferait pas ce plaisir. « Tu sais quoi? J’m’en fiche. Tu savais et t’as jamais cherché à en apprendre plus sur moi et sûrement que j’devrais faire la même chose de mon côté. » Une solution qui semblait bien attrayante à Caitriona, bien loin de vouloir renouveler l'expérience qu'elle venait de vivre à son contact. La rousse allait lui souhaiter bon vent, quand l'autre avait renchéri. « J’ai pas besoin d’une bande d’égoïstes comme famille. » Jusque là, Cait s'en sortait plutôt bien. Elle avait réussi à garder son calme face à l'agressivité de celle qui lui faisait face. Elle avait toujours géré les disputes, n'importe lesquelles, avec beaucoup de sang froid. Tant qu'on ne touchait pas à sa famille. Son père, passait encore, puisqu'au fil des ans il était passé du rang de super héros au grand coeur à celui d'un quasi inconnu, infidèle, de surcroît. Mais la rousse ne supportait pas qu'on touche au reste de sa famille. C'est pour cela que la dernière phrase de la blonde avait été la goutte d'eau de trop, et que la jeune femme avait laissé éclater sa colère. « De quel droit tu te permets de juger ma famille? Tu te prends pour qui, au juste? Toi qui débarque de nulle part pour venir m'attaquer en public, au beau milieu de mon lieu de travail? Mon père était loin d'être parfait, il a trompé ma mère, tout en prétendant qu'il l'aimait alors qu'il avait une liaison avec une autre femme, et je le déteste pour ça! Mais le reste de ma famille... » Acide, elle avait fusillé la blonde du regard. Certes, elle avait ses raisons, mais elles n'étaient pas suffisantes pour insulter une famille entière pour les actes d'une seule personne. Si la blonde avait cru qu'elle allait s'écraser face à elle, perdre pied, elle s'était fourré le doigt dans l'oeil. « Le reste de ma famille n'a rien à voir avec tout ça! Tu ne nous connais pas! Aucun d'entre nous! » Autour d'elles, un silence pesant avait étouffé les conversations. Tout le monde les regardaient, les deux folles furieuses qui piquaient une colère en plein milieu du hall de l'hôpital. C'était définitivement plus intéressants que leur petit déjeuner. Dans le lot, il y avait des visiteurs, mais aussi des membres du personnel de santé; médecins, infirmiers, réducteurs... Assurément, Cait entendrait parler de ce scandale, ça c'était certain. Mais pour le moment, elle n'en avait strictement rien à foutre, bien trop énervée pour prêter attention à qui que ce soit d'autre que sa soeur. « J'ai peut-être été égoïste, mais au moins moi je suis pas irrespectueuse. » Elle bouillait Cait, et elle peinait à regagner son sang froid. Mais le voulait-elle réellement? Se montrer hargneuse, jouant au même jeu que son adversaire, ça la déstabiliserait peut-être. Et elle n'avait pas envie de perdre la face contre l'autre peste. Sifflant entre ses dents, elle avait quand même laissé échapper une information supplémentaire, même si son interlocutrice avait dit n'en avoir que faire. « Bien sûr qu'il savait. Il était même sur le point de quitter ma mère pour la tienne. » Et ça, c'était peut-être même encore plus douloureux que le reste. La seconde d'après l'irlandaise s'en était voulu, elle qui s'était pourtant juré un instant auparavant de ne pas laisser échapper l'information. Une information qui toucherait son adversaire à coup sûr, sans que la rousse ne sache si ce serait positivement ou négativement. Se mordant les lèvres, elle avait serré les poings, essayant de faire le vide pour regagner un peu de calme, pour ne pas éclater à nouveau alors qu'elles étaient le centre de l'attention.
Tu avais agi sur un coup de tête en te pointant à l’hôpital, sans réellement réfléchir à ce que tu dirais une fois que tu te retrouverais face à Caitriona et tu t’en mordais les doigts maintenant. Tu n’étais qu’une boule de colère qui ne demandait qu’à exploser, sans jamais réaliser que la première que tu briserais dans le processus, c’était toi. Toi qui souffrirais le plus de cette mission-suicide, toi qui peinerais à tenir debout une fois que toutes les vérités auraient éclatés et que tu ne t’en retrouverais qu’un peu plus perdue dans le processus. Caitriona sait des choses, mais pas grand-chose. Elle hésite et ça te rend complètement folle alors que tout se bouscule constamment dans ta tête. Les seules personnes qui pourraient répondre à toutes tes questions ne sont plus là pour le faire. Ta mère morte depuis une dizaine d’années, et ce géniteur tout autant tu penses, tu ne sais même plus. Toutes les informations se sont mélangées dans ton esprit et tu ne différencies plus le vrai du faux. Il n’y a que tes yeux qui lancent des éclairs à la rouquine, puis tes questions qui s’imposent sans que tu ne te sentes capable d’entendre les réponses. Tu changes d’idées à toutes les secondes et tu t’énerves, tu aurais envie de tout détruire autour de toi, mais il n’y a rien à ta disposition, que ta voix qui s’élève, qui attire l’attention et qui crée un véritable show que la plus jeune n’attendait certainement pas sur son lieu de travail. Tu es prête à faire demi-tour, parce que tu ne te sens pas capable d’entendre la réponse de Cait, pas capable de savoir si oui ou non ton père savait pour toi, pas capable d’imaginer un monde où il était au courant de ton existence sans jamais faire l’effort de laisser quoique ce soit pour toi. Tu t’emportes et il semblerait que tu viennes de toucher une corde sensible quand la jeune femme qui avait jusque là été bien plus composé que toi dans toute cette histoire lève le ton à son tour. « De quel droit tu te permets de juger ma famille? Tu te prends pour qui, au juste? Toi qui débarque de nulle part pour venir m’attaquer en public, au beau milieu de mon lieu de travail? Mon père était loin d’être parfait, il a trompé ma mère tout en prétendant qu’il l’aimait alors qu’il avait une liaison avec une autre femme, et je le déteste pour ça! Mais le reste de ma famille… » Tu restes choquée pendant quelques secondes ne t’attendant pas à une réaction si vive de sa part. « Le reste de ma famille n’a rien à voir avec tout ça! Tu ne nous connais pas! Aucun de nous! » « À qui la faute, hein? » Tu te fais tout aussi agressive qu’elle alors que tu fais un pas dans sa direction, comme si de t’imposer toujours un peu plus te donnerait un quelconque avantage dans cette bataille dont vous sortirez toutes les deux perdantes, peu importe la suite des évènements. « Vous ne valez pas mieux les uns des autres. » que tu insistes, tu pousses le bouchon pour voir jusqu’où tu pouvais aller avant qu’elle n’explose complètement à son tour.
« J’ai peut-être été égoïste, mais au moins moi je suis pas irrespectueuse. » Toi qui commençais à trouver qu’elle avait un peu de piquant, elle venait déjà de redescendre du peu d’estime que tu lui attribuais. « Mais qu’est-ce que j’en ai rien à foutre d’être irrespectueuse. » Et ça, ça ne datait pas seulement d’aujourd’hui et elle le comprendrait sûrement très vite, l’interne. « Ça fait des années que tu sais que j’existe, que toute ta famille sait que j’existe et jamais personne a pensé bon de savoir où j’étais, qui j’étais? Et après ça ose me parler de respect, non mais t’es vraiment conne ou quoi? » Tu secoues la tête tout en serrant les poings, tu sens que tu es en train de perdre le contrôle, d’aller bien plus loin que tu ne le voulais et tu n’aimes pas du tout ce qui se présage. Et encore, tu ne savais pas qu’elle viendrait porter le coup mortel, la Regan. « Bien sûr qu’il savait. Il était même sur le point de quitter ma mère pour la tienne. » Tu as l’impression qu’elle vient de te frapper en plein ventre, ton souffle se fait court et tu es persuadée que tu vas te mettre à hyperventiler. Il savait et il voulait revenir auprès de ta mère? Quand ça? Quand elle est tombée malade? Est-ce qu’elle le savait? Combien de mensonges est-ce qu’elle a fait perdurer des années durant, alors qu’elle était incapable de s’occuper de toi, alors que tu étais élevée à la va-vite par une tante qui en avait plein les bras avec ses propres gamins et des cousins qui étaient loin d’être des exemples à suivre? Qu’aurais pu être ta vie, s’il l’avait vraiment laissé? Est-ce que tu aurais pu grandir privilégiée comme Caitriona semblait l’être? Cette simple pensée te tord l’estomac et tu préfères ne pas y croire. Non, ça ne se peut pas. Ça fait trop mal d’envisager que cela puisse être la vérité. « Tu mens. » Tu recules cette fois. Tu n’as plus du tout envie d’être ici. Tu n’aurais jamais dû venir. Tu n’aurais jamais dû chercher à savoir. « Si c’était le cas, il y aurait eu des lettres pour moi. Ma mère me l’aurait dit. Elle m’aurait pas cacher ça, non… » Tu viens masser agressivement tes tempes. Tu as l’impression que ton crâne va se fendre en deux d’une seconde à l’autre. Ça ne va pas. Ça ne va vraiment pas.
ÂGE : trente huit ans (26.08.1986) SURNOM : chan par ses proches, souvent monsieur Walker ou Walker tout court STATUT : célibataire, il n'a rien d'autre à offrir que la chaleur de ses draps - et encore MÉTIER : héritier et président-directeur général du Walker Group, entreprise de renom dans le domaine de l'immobilier LOGEMENT : (ça arrive) POSTS : 2608 POINTS : 0
TW IN RP : cicatrices, coma GENRE : Je suis un homme ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : né à Brisbane, voyage aux quatre coins du monde pour le travail › riche héritier de l'empire immobilier le Walker Group › éloquent, droit et calme, il est d'une nature très observatrice › une jambe meurtrie par un accident de la route, il boite fréquemment › d'apparence assez impénétrable, il a en réalité un coeur trop grand pour son propre bien › propriétaire de trois chats › passionné de belles voitures et motardDISPONIBILITÉ RP : Je suis disponible pour RP CODE COULEUR : #cc0000 RPs EN COURS :
WALKER › thought saw your face last night, hoping that could mean something. and i didn't know what to say, so i was saying nothing. now i'm drowing in the bottle that i couldn't wake and hoping that you'll come and save again.
Une petite heure de libre entre deux clients et Channing fait un crochet à Toowong, à l'hôpital. Sa petite soeur Lexie est passée faire une batterie d'examens l'autre jour pour suivre sa grossesse, et n'a pas encore eu le temps de passer récupérer les résultats. Elle lui a envoyé un sms ce matin pour lui demander s'il pouvait faire le détour pour elle, et forcément l'héritier s'est trouvé un moment pour passer en coup de vent dans l'immense bâtiment blanc qu'il déteste tant. L'odeur plate et trop propre, la couleur neutre des murs, les tenues du personnel, le calme étrange qui flotte partout même jusqu'à la machine à café… Il déteste les hôpitaux et n'a pourtant pas cherché à négocier avec la brunette quand elle lui a demandé de passer à l'accueil récupérer son dossier. Son passage serait rapide et il n'avait pas l'intention de s'attarder plus que nécessaire dans les locaux. Il entre dans le bâtiment et se dirige vers la réception, patientant derrière quelques personnes présentes avant lui avant d'adresser un sourire chaste à la secrétaire lorsque vient son tour. La femme lève les yeux vers lui par dessus ses lunettes, et il explique sa situation en demandant le compte rendu de Lexie. Elle semble le considérer un instant, comme s'il venait de lui annoncer venir chercher ses résultats de grossesse à lui et que ses paroles ne l'avaient pas atteinte, et Channing hausse un sourcil suspicieux comme pour lui signifier que c'est à elle de répondre alors qu'elle semble complètement figée. « Je vais appeler le service. » lâche t'elle d'une voix morne avant de se saisir du combiné et de commencer à discuter le bout de gras avec une collègue. L'héritier inspire posément en regardant autour de lui, attendant que les deux amies rattrapent leur week-end avant qu'il ne puisse obtenir son information. Lorsque le vieux téléphone se repose enfin sur son socle, la femme remonte ses lunettes sur son nez et Channing se reporte sur elle. « Montez au quatrième et allez au service gynécologie. Le dossier est là-haut. » Pourquoi Lexie lui a dit qu'il serait à l'accueil central ? Il acquiesce et remercie la secrétaire pour son effort avant de se rendre à l'étage cité. Il gagne l'ascenseur et atteint le niveau quelques minutes plus tard, se dirigeant vers le service en suivant d'un air assez égaré les panneaux. Il suit les indications au mur, atteint le nouveau secrétariat et cette fois la femme qui y est présente lui tend le dossier sans qu'il n'ait besoin de réexpliquer son cas ou d'attendre. « Merci beaucoup. » Une bonne chose de faite. Sans s'attarder davantage, il rebrousse chemin et se dirige vers la sortie en textant Lexie pour la prévenir. Le regard rivé sur son téléphone, il s'apprête distraitement à ouvrir une porte battante quand cette dernière s'ouvre brusquement vers lui et le heurte de plein fouet, le clouant sur place et lui faisant même faire quelques pas en arrière. Il parvient à ne pas lâcher ni son téléphone ni le dossier, mais un râlement s'échappe de ses lèvres alors qu'il porte une main à son nez. Génial, même les hôpitaux me détestent. Le coupable s'excuse et l'héritier esquisse un sourire forcé avant de se remettre en route, bien décidé à partir au plus vite, passant un peu plus tard près de deux jeunes femmes qui échangent des propos vifs, se tenant le nez sur le point de saigner. Génial, une très belle journée pour tout le monde visiblement.
Spoiler:
hello les filles, c'est tout pour moi, désolé
why does my heart cry ☽ you fooled me from the star when you let me start to love you. its like a bunch of broken picture frames, but the photo still remains the same. and i, i thought it'd be easy to run but my legs are broken. all alone, all we know, its hauting me. making it harder to breathe
The family is the one who seeks you, the one who calls you, the one who comes to you and supports you. You don’t choose your family, it’s too bad, it would be so much simpler.
Cette fille l'avait foutue en rogne. C'était un exploit en soi, car Cait était difficile à faire sortir de ses gonds, à ce point du moins. Quand la blonde avait attaqué sa famille verbalement, ça avait été la goutte de trop, et Cait était passée en mode furie, défendant bec et ongles ses semblables ayant été outragés. Mais alors qu'elle pensait que la blonde pouvait s'en retrouver comme deux ronds de flan, qu'elle se calmerait un peu en la voyant devenir agressive à son tour, ça n'avait eu que très peu d'effet. « À qui la faute, hein? » Elle ose se rapprocher un peu plus, d'un pas seulement, mais c'est déjà trop par rapport à ce que la rousse peut encore supporter. Mais elle est têtue, l'irlandaise, elle est tête brûlée et un peu trop impulsive. C'est ce qui l'avait fait avancer d'un pas, elle aussi, quand la blonde avait continué. « Vous ne valez pas mieux les uns des autres. » La proximité entre les deux jeunes femmes va commencer à poser problème, et si certains ont lancé des paris à coup de petits billets, d'autres sont presque aussi tendus qu'elles deux, prêts à intervenir au cas où elles en viendraient aux mains. Ce pour quoi les autres avaient parié, en somme.
Dans sa vie, Cait s'était toujours considéré comme quelqu'un de respectueuse envers les autres, même si parfois, elle poussait le bouchon un peu trop loin. Elle estimait que si elle restait courtoise, même dans des situations comme celle-ci, la personne en face pouvait faire de même, et elle ne s'était pas gênée pour le signaler à l'autre furie. Qui l'avait rembarrée sans plus de cérémonie. « Mais qu’est-ce que j’en ai rien à foutre d’être irrespectueuse. » Clairement, rien du tout. Mais l'autre venait de perdre le peu de respect que la rousse avait de base pour elle, et ça, c'était bon ni pour l'une, ni pour l'autre. Quitte à s'écharper en public, autant de faire dans les manières de l'art. « Ça fait des années que tu sais que j’existe, que toute ta famille sait que j’existe et jamais personne a pensé bon de savoir où j’étais, qui j’étais? Et après ça ose me parler de respect, non mais t’es vraiment conne ou quoi? » Ouais, la connerie, ça devenait sérieusement à devenir un peu trop récurrent à la famille, faut croire. Son père était un con, Cait était une sorcière sans scrupules, trait qu'elle partageait avec sa demi-soeur hargneuse, et d'après celle-ci ça s'appliquait même au reste de la famille. Incroyable. Ça devenait vraiment dur pour Cait de ne pas lui mettre son poing en pleine figure. Mais quand elle avait levé les yeux au ciel face à la tirade de sa soit disant demi-soeur, du coin de l'oeil, la jeune femme avait entraperçu son supérieur, dans les escaliers. Un instant, elle s'était demandée s'il l'avait vue, avant de se flageller mentalement. Bien sûr qu'il l'avait vue, tous les regards étaient sur elles depuis qu'elles avaient vraiment commencé à hausser le ton pour de bon... Cait admirait son chef de service. C'était un homme plein de charisme, droit dans ses bottes, passionné par son métier. Un peu autoritaire bien sûr, mais ça, c'était juste être chef, s’il avait été trop laxiste, ou trop gentil, peut-être que l’irlandaise aurait un moins grand respect pour lui. Au bloc, c’était un modèle de concentration et de minutie, ne cédant à la panique sous aucun prétexte. Doué dans son travail, apprécié par ses pairs, admiré par la plus grosse partie du personnel soignant. Au dessus de tout, elle enviait le calme dont il faisait preuve, au travers de toutes les situations qu’il traversait. Il avait toujours la situation à tout, peu importe le problème. Il ne cédait jamais à des émotions dévastatrices, comme la peur, l’anxiété ou la colère. Une maîtrise de soi telle que rien ne paraissait pouvoir le toucher à coeur. Comme s’il pouvait imperméabiliser son esprit face aux attaques extérieurs, aux sentiments nocifs. Une qualité que Caitriona lui enviait beaucoup, alors qu’elle se retrouvait face à une blonde enragée. Il ne devait pas être là depuis très longtemps, puisque pour l'instant il les observait simplement, sans intervenir. Comme s'il jaugeait la situation. « Je sais même pas qui t'es vraiment. Si ça se trouve, t'es qu'une usurpatrice. » Cait ne voyait pas trop ce qu'une personne lambda trouverait à jouer ce rôle de furie, mais le monde pouvait être tellement fou. La seule chose qui pouvait la rendre légitime, à l'instant présent, c'était sa colère. Une rage qui brûlait autant que celle de Caitriona. Au fond d'elle même, une petite voix lui avait soufflé qu'il n'y avait aucun doute. Mais tout ce qu'avait voulu l'irlandaise, c'est la blesser en la traitant de mythomane. Mais rapidement, elle avait voulu donner le coup de grave, en lui jetant à la figure une dernière information, qui risquait de la mettre à genoux. L'autre avait osé demandé si leur père savait, pour elle? Elle allait le regretter. « Bien sûr qu’il savait. Il était même sur le point de quitter ma mère pour la tienne. » Pour l'écorcher, la rousse, elle n'en était pas très fière, aurait pu mentir. Mais là, elle n'en avait pas eu besoin. Et quand les mots avaient franchi ses lèvres, elle avait eu mal. Peut-être autant que son adversaire, au final. Une adversaire qui paraissait sonnée par la révélation. « Tu mens. » La rousse avait compris qu'elle avait fait mouche quand sa demi-soeur avait enfin reculé, lui laissant plus d'espace alors que de son côté, elle n'avait pas bougé d'un pouce. « Tu voudrais bien. » Mais c'était pas le cas. Et la preuve était quelque part chez chez la mère de Cait, dans un carton que la jeune femme avait planqué au fin fond d'une armoire que l'on ouvrait jamais. « Si c’était le cas, il y aurait eu des lettres pour moi. Ma mère me l’aurait dit. Elle m’aurait pas caché ça, non… » Complètement déstabilisée, la blonde avait reculé à nouveau, se prenant la tête entre les mains. Les poings serrés, la rousse avait enfoncé le clou un peu plus. « Alors, ça fait quoi de passer de l'autre côté? De devenir la fille qu'il avait voulu? » Qu'il l'avait voulu plus que Cait et que la famille qu'il avait déjà. La jeune femme s'était refermée sur elle-même. En voulant mettre l'autre à terre, pour se venger de toute la colère qu'elle lui avait lancé à la gueule, c'était elle-même qu'elle avait touché. Elle avait des preuves de tout ça, l'irlandaise. Mais la vérité, c'est que mis à part elle, personne d'autre ne savait.
Avec chaque nouvelle minute passée avec Caitriona, de cette scène qui attirait beaucoup trop les regards des médecins et des patients, tu regrettais d’être tombée sur les lettres. Tu regrettais de connaître désormais cette vérité que tu avais pourtant espéré pendant des années. Tu regrettais de ne plus être dans l’ombre, de ne plus pouvoir te contenter d’idées toutes plus farfelues les unes des autres plutôt que de devoir faire face à une réalité qui était des plus désagréables. Tu regrettais d’être venue jusqu’ici, tu regrettais d’avoir cherché le nom de ton père, d’avoir découvert sa vraie progéniture, sa vraie famille. Tu regrettais de devoir te faire à cette idée désormais que peu importe qui il était pour la rouquine devant toi, il ne serait jamais rien pour toi. Parce qu’il était mort et que tu n’auras jamais la chance de poser les yeux sur lui. Tu n’auras jamais la chance de comparer son visage avec le tien pour tenter de voir ce que tu retiens de lui, tu n’auras jamais la chance d’entendre le son de sa voix, tout comme tu ne sauras jamais comment ton prénom aurait sonner entre ses lèvres à lui. Tu n’auras jamais rien de tout ça alors que Caitriona elle, garde en banque des centaines, des milliers de souvenirs. C’est injuste sans doute, ton envie de venir détruire l’image qu’elle se garde de lui, de vouloir tourmenter sa vie autant que les découvertes que tu avais faites étaient venues tourmenter la tienne, mais tu jugeais que c’était la chose à faire. Le karma, en quelque sorte. Mais le karma de qui, exactement? Ça, tu ne sais pas dire, tu ne sais pas comment y répondre et ça te trahit, quand bien même tu t’emportes contre la rousse, ta vie qui s’élève, ton corps qui s’approche de trop près de celui de ta demi-sœur, dans des gestes que tu veux constamment menaçants, bien qui trahissant comment tu te sens réellement. Éternellement submergée d’une colère qui s’échappe de tous les pores de ton être, sans que jamais tu ne te sentes mieux pourtant. « Je sais même pas qui t’es vraiment. Si ça se trouve, t’es qu’une usurpatrice. » Tu éclates de rire. Bien sûr, tu n’as que ça à faire, t’inventer une vie et une famille que tu ne voulais même pas à la base. Tu le sais pourtant qu’elle ne le pense pas dès qu’elle les dit, les mots. Parce qu’elle sait trop de choses et toi aussi, les pièces s’emboîtent et les vrais doutes sont peu nombreux. Il suffit de regarder son visage à elle pour y trouver de tes traits. De ces tâches de rousseurs jusqu’à son teint pâle, de la forme de ses yeux et même de son regard, tu sais qu’elle et toi, vous êtes reliés. Elle te ressemble bien plus que tu ne ressembles à tes cousins, eux que tu as toujours considéré comme ta première famille et ça aussi, ça pince. Tu sors une lettre de la poche de ton jeans que tu viens placer avec violence contre le torse de ta demi-sœur. « C’est bon, tu m’crois maintenant? » Elle reconnaîtra l’écriture sans doute, le nom aussi et surtout, surtout, la photo de cet homme que tu sais être son père, ton père aussi, bras-dessus et bras-dessous avec ta mère. C’est quand le vent tourne que tout fait plus mal encore, quand elle laisse sous-entendre que son père savait pour ton existence et qu’il voulait quitter sa mère pour la tienne. Ça ne fait pas de sens, tu refuses de l’entendre et pourtant, elle insiste, la rouquine. « Tu voudrais bien. » Tu serres la mâchoire, pinces tes lèvres alors que jamais ton regard ne se défait de celui de Caitriona. Tu veux tant qu’elle mente, oui, mais quelque chose te dit que ce n’est pas le cas. Que ce n’est pas seulement une provocation pour te faire rager, mais bien une douleur qu’elle porte sans doute depuis longtemps. Le karma dans ta gueule, Eleonora. « Alors ça fait quoi de passe de l’autre côté? De devenir la fille qu’il avait voulu? » « C’est pas comme ça que ça s’est passé et tu le sais très bien. » Quand elle demeure celle avec les souvenirs et toi le vide le plus complet. « J’voulais te voir, savoir ce qui en était et maintenant que c’est fait, j’espère ne plus jamais remettre les yeux sur toi. » que tu craches avec hargne, prête à couper les ponts avec une famille que tu as trop longtemps désiré, mais que tu ne veux pas. Non, pas comme ça. Tu ne veux pas apprendre à la connaître Caitriona, tu ne veux pas savoir tous les privilèges dont elle a bénéficié dans sa vie alors que tu récoltais de la misère sur un peu plus de misère. Tu veux que son image et celle de son père, tout comme le reste de sa famille disparaisse de ta boître crânienne. Comme si tu n’avais jamais trouvé, comme si tu n’avais jamais su.
Si seulement c’était si simple, de se perdre complètement dans le déni.