| | | (#)Dim 30 Aoû 2015 - 2:15 | |
| Je ne sais franchement plus combien de temps me sépare de ma visite chez Kelya. Trois mois ? Plus ? Le temps est passé si vite. Je me suis efforcé de ne pas penser à elle. Jamais. Pendant toutes ces semaines, à partir de l'instant même où j'ai claqué la porte de sa maison, je lui ait fait quitter mon esprit complètement. Il n'en restait plus rien, que ce soit de mon passé, mon présent, mon avenir. Comme si je ne l'avais connu. Puisque c'était le cas. Elle m'était complètement inconnue, et si je ne reconnaissais rien en elle de la Kelya que j'avais connu à Londres, c'est bien parce que je n'avais jamais vraiment su qui elle était. Tout cela m'avait bien trop blessé. La désillusion, le désenchantement. Il y avait ses menaces envers Joanne, son séjour à l'hôpital, puis notre rupture, et il y avait le fait de devoir réalisé que Kelya n'a absolument jamais été la femme que je pensais. J'ai été aveugle. Si aveugle. Et si confortablement installé dans mes œillères. Je ne voulais plus la voir. Plus jamais. Je l'avais éjecte de ma vie, je l'ignorais parfaitement, et je voulais que cela reste le cas. Jusqu'à mon retour de Sydney. J'ai repensé à elle. J'ai repensé à ma visite chez elle, à mes mains autour de son cou, à notre violente dispute. J'ai rapidement su que je devrais la revoir bientôt. Que nous avons des choses à nous dire. Sans préavis et me passant bien de formules de politesse, d'un ''salut, comment tu vas ?'' dont la réponse m'importe peu, je lui avais simplement envoyé un message sur son téléphone pour lui donner rendez-vous. Le Starbucks, à côté de son nouveau cabinet. Kelya n'avait pas répondu à mon sms. Mais je ne doute pas qu'elle l'ai reçu, et qu'elle l'ai lu. C'est néanmoins sans savoir si elle viendra que je me suis rendu sur place. J'y suis arrivé assez en avance, histoire de faire la queue pour commander une boisson chaude -et vu que l'endroit est toujours bondé, qu'importe l'heure, il faut compter une dizaine de minutes avant de pouvoir passer en caisse. Je n'ai pas vraiment d'espoir de réussir à avoir une table en terrasse, et à première vue, le rez-de-chaussée de l'établissement est plein à craquer. Peut-être reste-t-il des places assises à l'étage. Je suis très loin d'être un adorateur de café, mais je dois admettre que la chaîne a parfois des arômes intéressants à proposer. Alors, curieux, je demande très simplement le café de la semaine, avec une pointe de lait de soja -parce que j'aime décidément beaucoup trop cela- et pas mal de sucre. Certains disent que qui ne boit pas son café noir n'aime pas réellement le café. Vu ma boisson, cela se révèle fort vrai. Par chance, une table basse entourée de deux petits fauteuils rouges se libère peu après ma commande. Je m'assied sur l'un et réserve le second en y déposant ma veste. Puisque je suis tout de même sur mes heures de travail, j'avais emmené avec moi mon ordinateur portable. Sait-on jamais si Kelya prendra du temps avant de se montrer. Ou peut-être ne viendra-t-elle tout simplement pas. Elle peut être avec un patient actuellement, et en avoir un autre juste après. Elle peut avoir décidé, fort sagement, de ne pas me voir, de m'éviter, de ne pas me parler et accepter de sortir de ma vie. Mon message a du lui sembler bien étrange, quand j'y repense. Qu'importe, si elle ne se montre pas, cela sera sûrement tant mieux pour nous deux. Je me plonge donc dans mes ails, ma monture noire sur le nez. Je remercie d'ailleurs mes lunettes de me donner une allure assez différente ; ainsi, on cesse de me reconnaître dans la rue, soit comme l'animateur de la radio qui a eu droit à une belle campagne de pub dans tout Brisbane, ou encore comme le chroniqueur à la chemise mouillée dans l'émission de télé de l'autre soir. Pour l'un comme pour l'autre, je ne sais jamais où me mettre. Etrangement, j'ai très rapidement pris l'habitude de faire tourner ma bague de fiançailles sur mon doigt lorsque je suis concentré. Et lorsque je m'en rends compte, je me stoppe immédiatement. Pour mieux reprendre une fois mon attention détournée par l'objet de ma réflexion. Une bonne demi-heure passe. Toujours rien. Pas de message, pas de signe de vie. Je me suis donné encore une demi-heure avant de repartir à la radio. Mais je n'ai pas à attendre si longtemps. Kelya arrive enfin. La voyant me chercher du regard à l'entrée, je lui fais signe depuis ma place. Nous sommes vendredi. Quelle idée de lui donner rendez-vous un vendredi. |
| | | | (#)Lun 14 Sep 2015 - 11:29 | |
| Deux mois et huit jours. Cela fait deux mois et huit jours que je n’ai pas vu Jamie. Pas de nouvelles, pas de signes de vie, rien. Il aurait très bien pu faire un road-trip dans le fin fond de l’Inde, je ne l’aurais jamais su. Et à vrai dire, je n’ai pas fait ce que j’aurais fait en temps normal : je n’ai pas cherché son nom sur Google, je ne l’ai pas suivi dans ses moindres faits et gestes, rien. Pourquoi ? Parce que Jamie m’a fait du mal et m’a très bien fait comprendre qu’il ne voulait plus rien à faire avec moi. Alors au lieu de m’autodétruire et me battre sans raison, j’ai décidé de tourner la page. Ou en tout cas essayer. C’est une première. Si on m’aurait dit que j’abandonnerais Jamie un jour, je ne l’aurais jamais cru. Et pourtant, me voilà, à commencer à m’attacher à une femme formidable et à ne pas plus penser à Jamie continuellement. Peut-être que je suis malade. Peut-être que je me suis perdue en chemin. Mais peu importe. Je ne vais plus reculer à présent. Je pensais que je ne parlerais plus jamais à Jamie, jusqu’à ce que je reçoive un message énigmatique. Je ne sais même plus ce qu’il disait exactement. Il me demandait comment j’allais et il disait qu’il voulait qu’on se rejoigne au Starbucks Coffee. Le message m’avait tellement perturbé que je n’avais pas répondu. Pourquoi ce retournement de situation ? A vrai dire, j’avais tellement été blessée par ce que m’avait fait Maxyn que j’avais un peu oublié l’existence de Jamie. Un peu. Jusqu’à ce matin, je n’avais pas encore décidé si j’allais venir au rendez-vous au non. Je me serais précipité dessus il y a quelques mois. Il faut croire que je ne suis plus exactement la même. Je jette un coup d’œil à ma montre. 9h58. Dans deux minutes mon patient va partir et je vais avoir quelques heures de pause. Le moment parfait pour aller voir Jamie. Je sens que mon cœur bat un peu plus fort à cette pensée. Je redoute beaucoup nos « retrouvailles ». J’ai peur qu’il me balance encore des sales mots à la figure, et que je finisse encore plus mal que quand j’arrive. Jamie est impulsif. On ne sait jamais comment il peut réagir. Je dis au revoir à mon patient et je reste assise dans mon fauteuil pendant de longues minutes. Je lâche un long soupir. Dois-je y aller ou non ? Que va penser Maxyn ? Arf, on s’en fiche de tout ça après tout. Je me lève finalement et je me dirige vers les toilettes où il y a un miroir. Je porte une robe noire que je n’ai pas mis depuis longtemps. Est-ce que j’ai maigri ? Je me détache les cheveux et me recoiffe un peu. Voilà, c’est mieux comme ça. Une fois que je suis prête, j’attrape mon sac et je ferme le cabinet, avant de monter dans ma voiture et conduire en direction de Logan City. Ce n’est pas la porte d’à côté, et je ne suis pas certaine d’être à l’heure. J’appuie un peu plus sur l’accélérateur. D’habitude, je conduis très prudemment, mais je déteste être en retard. Une fois arrivé, je me gare un peu plus loin et avance d’un pas rapide du haut de mes escarpins. L’endroit est plutôt bien occupé, comme à son habitude. En arrivant, je fais la queue et au bout d’une dizaine de minutes, c’est à mon tour de commander. J’opte pour un café mocha. Je n’aime pas particulièrement le café, mais les thés ne sont pas très bons ici. Une fois mon café en main, je cherche Jamie du regard. Peut-être qu’il est à l’étage. Je monte les escaliers en faisant attention à ne pas renverser mon café, puis je balaye la salle du regard. Jamie me fait signe et je m’avance alors vers lui. Je ne l’aurais presque pas reconnu avec ses lunettes. Je m’assois directement en face de lui. Je préfère éviter les salutations, parce que je ne sais pas si je dois lui faire la bise, l’enlacer, ou lui serrer la main. Mieux vaut ne rien faire. Je pose mon café sur la table et m’installe confortablement dans le fauteuil rouge. « Excuse-moi pour le retard. » Visiblement, il a su s’occuper, mais bon. Je le regarde pendant quelques instants sans rien dire. C’est vraiment étrange de me retrouver en face de lui après tout ce temps. « Tu disais vouloir me parler dans ton message. Je t’écoute. » Je me rends compte que je suis un peu plus froide qu’en temps normal. Je ne le fais même pas exprès. Mais maintenant, je préfère être sur mes gardes et ne pas trop m’emballer. Je ne veux pas prendre le risque d’être blessée une énième fois. |
| | | | (#)Ven 18 Sep 2015 - 0:24 | |
| Pendant que Kelya s'installe, je retire les lunettes de mon nez et les dépose sur la table qui nous sépare. Pas de bise, d'accolade pas même une salutation verbale : rien. Ce qui n'est pas plus mal, parce que je pense que la meilleure manière pour elle de me dire bonjour est de me coller une nouvelle baffe. Et je n'en suis pas vraiment friand. La thérapeute s'assied donc face à moi dans le fauteuil, son mocha à la main. Ni elle ni moi n'aimons vraiment le café, le choix du lieu peut sembler étrange alors. J'avoue que je n'y ai pas pensé. Je trouvais simplement l'endroit assez neutre pour se voir. « Pas de problème. Tu es venue, c'est le principal. » je réponds avec un léger sourire de courtoisie au sujet de son retard, avant de porter mon café à mes lèvres. Le sucre et le soja le rend plus buvable à mes yeux. Je range ensuite mon ordinateur dans mon sac, rapidement, pendant que Kelya me demande la raison pour laquelle j'ai souhaité la voir. Le sujet dont je veux lui parler. Son ton est terriblement froid, cela ne devrait pas me surprendre. Pourtant, de sa part, je n'ai pas souvenir d'avoir déjà eu droit à une intonation aussi glaciale. Je ne mérite pas vraiment mieux. Nous ne pouvons plus considérer avoir eu un passé ensemble, nous avons tout les deux compris à quel point nous nous sommes fourvoyés l'un à propos de l'autre. Et la dernière fois que nous nous sommes vus, j'aurais très facilement pu la tuer. J'avoue que l'idée m'a traversé la tête. Le regret de ne pas l'avoir fait également. Notamment lorsque j'ai appris pour ses menaces envers Madison. Je me demande ce que j'ai encore à découvrir à son sujet. Rien de positif, à n'en pas douter. Je soupire, cherchant quelques secondes par où commencer. Je sais pourtant ce que je souhaite lui dire, mais pas comment. Je suis excellent dans l'art de manipuler les mots pour la radio, mais en dehors, ce talent s'esquive parfois complètement. Je m'éclaircis la voix avant de prendre la parole ; « Tout d'abord, je ne sais pas si ça peut avoir la moindre importance à tes yeux, mais… Je suis désolé, pour l'autre soir. » Je ne suis pas fier de mon attitude, de l'avoir piégée avec un baiser avant d'avoir quasiment attenté à sa vie. Non, vraiment, même s'il m'est arrivé de me demander pourquoi je n'avais pas fini le travail ce soir là, je sais que j'ai mal agi. Le mot est faible. Elle a toutes les raisons de me haïr pour cela, et à vrai dire, je serais presque soulagé que ce soit le cas. D'avoir réussi à lui faire tirer un trait sur ses sentiments pour moi. Qu'elle m'oublie. « Que ce soit clair, je suis toujours furieux contre toi pour ce que tu as fait à Joanne. Tu n'avais pas idée des conséquences, mais tu n'avais pas à la menacer. » Sur cela, je suis intraitable. Il n'y aura pas de pardon. Elle aurait pu avoir sa mort sur la conscience, et quand bien même Joanne n'aurait pas fait de crise de panique, savoir qu'elle avait été menacée avait suffi à me mettre en colère. Vraiment en colère. Ce qui ne pardonne pas non plus son attitude. « Néanmoins, je regrette mon comportement. » je renchéris. Malgré ma rancoeur vis à vis de Kelya, mes excuses sont réelles et sincères, qu'importe la valeur qu'elle leur donne. « Heureusement, c'est du passé... » Heureusement pour moi. La concernant, je n'en sais rien. Je m'en fiche un peu à vrai dire. Comme par le passé, ses états d'âme m'intéressent bien peu tant qu'ils ne desservent pas mes intérêts. Et mes intérêts avec elle sont désormais inexistants. Je reprends une gorgée de café, m'enfonçant un peu plus dans mon fauteuil. Mon regard ne quitte pas celui de Kelya une seule seconde. Je suis attentif à la moindre expression sur son visage. « L'autre chose que je voulais te dire c'est… que je suis fiancé. A Joanne. Nous allons nous marier. » Je laisse l'information faire trois fois le tour de son cerveau avant de reprendre ; « Nous nous sommes remis ensemble, et nous sommes encore plus heureux maintenant qu'avant notre rupture. Ironiquement, je pourrais presque te remercier. » J'ai un rictus amusé. Les menaces, la détresse respiratoire de Joanne, puis tout ce qui en a découlé nous ont mené ici, promis l'un à l'autre. Et le premier domino n'est autre que Kelya. |
| | | | (#)Dim 20 Sep 2015 - 14:03 | |
| La première chose que fait Jamie, c’est s’excuser pour son comportement de l’autre soir. J’avoue que ça me surprend un peu, parce que ce n’est vraiment pas dans son genre de s’excuser. Je reste silencieuse pendant quelques instants puis je finis par dire : « C’est bon, je l’avais mérité. » Je n’aime pas admettre mes erreurs, mais pour cette fois-ci, je crois bien que j’y suis obligée. J’ai dépassé les bornes, j’en ai conscience. Je me pince un peu les lèvres. Je n’ai jamais aimé m’excuser non plus. Ce n’est pas dans ma nature, mais il faut croire que je suis capable de changer, ou en tout cas faire des exceptions. « Je sais qu’on ne peut pas reculer, mais je regrette ce que j’ai fait à Joanne. Je suis allée trop loin, et je ne m’en suis rendue compte que trop tard. » Je sais que Jamie ne me pardonnera pas pour ça, mais au moins j’aurais fait un effort pour lui dire ça. Je ne sais pas s’il comprend à quel point c’est difficile pour moi de dire tout ça. Mais j’ai envie d’avancer. Passer à autre chose. « L'autre chose que je voulais te dire c'est… que je suis fiancé. A Joanne. Nous allons nous marier. » Je ne peux pas m’empêcher d’écarquiller les yeux. Je manque presque de faire tomber mon café que j’étais en train de prendre entre mes mains. Mon cœur se met à battre plus vite. Alors comme ça, c’est réellement fini. Tout espoir de me retrouver un jour avec Jamie est complètement perdu. Mon cœur se serre un peu. Je sais bien que depuis la dernière fois, beaucoup de choses ont changé. Mais la perspective de perdre Jamie pour toujours ne m’était jamais venue à l’idée. Maintenant, c’est vraiment réel. Et c’est vraiment très effrayant. Je m’apprêtais à dire quelque chose, mais Jamie fut plus rapide que moi. « Nous nous sommes remis ensemble, et nous sommes encore plus heureux maintenant qu'avant notre rupture. Ironiquement, je pourrais presque te remercier. » Je fronce un peu les sourcils. Pourquoi continue-t-il à faire ? Pourquoi continue-t-il à jouer avec moi ? Je voulais rester calme, mais il cherche vraiment à m’énerver. Je passe mes mains autour de ma tasse de café et me concentre pour avoir une respiration normale. Je dis alors d’une voix calme : « Jamie, est-ce que c’est pour ça que tu voulais me voir ? Pour me cracher ton bonheur à la figure ? » Je le regarde, consternée. Comment peut-il me faire ça ? J’inspire un grand coup, à nouveau. Contrôle toi Kelya. Ce n’est pas le moment de s’énerver. « Je sais que tu es heureux, mais pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu continues à remuer le couteau dans la plaie ? Est-ce que ça t’amuse ? » Trop tard pour le contrôle. C’est vraiment plus fort que moi, mais je ne peux pas accepter qu’on me traite ainsi. « Si tu voulais me voir juste pour ça Jamie, alors je pense que je vais partir. Je n’ai pas besoin de ça en ce moment. » Je lui lance un regard assassin. Autant je tiens beaucoup à Jamie et je ne veux pas le perdre, autant je ne peux plus accepter de me faire traiter ainsi. Tant pis s’il s’éloigne de moi pour toujours, mais je suis fatiguée d’être considérée comme un vulgaire jouet.
Dernière édition par Kelya Thompson le Mer 23 Sep 2015 - 23:12, édité 1 fois |
| | | | (#)Mar 22 Sep 2015 - 16:42 | |
| « Je crois que personne ne mérite qu'on essaye de la tuer, Kelya. » je réponds avec le plus grand calme, sans gêne, au milieu du Starbucks, portant une nouvelle fois mon café à mes lèvres. L'avantage de la foule et des lieux replis d'autant de monde, c'est que tout le monde se fiche des conversations les uns des autres. Le brouhaha ne permet pas de vraiment comprendre les paroles prononcées par son propre voisin -encore faudrait-il avoir un intérêt pour elles. Je pourrais avouer toute une série de meurtres dans cette salle sans que personne ne s'en rende compte, uniquement parce que je le dirais comme si de rien n'était. Je suis assez surpris que Kelya admette finalement son erreur, qu'elle dise elle-même qu'elle est allée trop loin et qu'elle regrette. De sa part, c'est une première. Kelya qui regrette. J'avoue que l'entendre dire des choses pareilles me fait plaisir, et je jubile intérieurement d'une victoire supplémentaire sans pour autant donner à la thérapeute la moindre expression. Je reste impassible, stoïque, continuant de boire mon café. A vrai dire, ses excuses ont beau être une bonne intention, elles me font une belle jambe. Elles ne changent rien à ce qu'il s'est passé, ni à la situation actuelle. Que je les entende ne veut pas dire que je les accepte -et je suis loin de les accepter. Je ne crois pas être capable de lui pardonner quoi que ce soit. La colère est passée, mais la haine qu'elle m'inspire est toujours bien présente. Le genre de celles qui ne s'effacera pas de si tôt. Peut-être jamais. Je suis ici pour un plaisir coupable -et détestable. Kelya le comprend bien vite après que je lui ai annoncé mes fiançailles avec Joanne. Je scrute son visage dans les moindres détails, devinant par-ci par-là de l'étonnement, peut-être de la déception, de la peur ; elle essaye de rester calme, mais j'ai déjà ce que je veux. Est-ce qu'elle souffre à cette nouvelle ? Je l'espère. « Hm... » Je fais mine de réfléchir longuement à sa question, les mains autour de mon café. Un petit rictus amusé et terriblement mauvais se glisse au coin de mes lèvres. « C'est l'idée, oui. » Lui cracher mon bonheur à la figure, comme elle le dit. Je ne doute pas que ce genre d'entreprise va me faire récolter un bien mauvais retour de karma, mais sur le moment, cela m'importe peu. Je me réjouis juste de la voir énervée, qu'elle admette, entre les lignes, que la plaie est encore ouverte, et que je peux encore lui faire du mal en appuyant dessus. Je ne dirais pas que cela m'amuse, non. Mais j'en tire un certain plaisir. « Je voulais surtout voir l'expression sur ton visage lorsque je t'annoncerai ça. » j'avoue en haussant les épaules. Je ne suis pas trop déçu. Quoi que je ne m'attendais pas à ce que Kelya se défile aussi rapidement. A croire qu'elle est inventé de l'amour propre en quelques mois. Son regard noir me fait sourire. « Oh, non, tu ne vas aller nulle part. » Je reprends une gorgée de café puis pose la tasse sur la table, assez certain que Kelya ne bougera pas -mais sait-on jamais, elle est tout à fait capable d'être imprévisible. Confortablement installé dans mon fauteuil, je garde mon regard planté dans le sien. « Madison m'a dit que tu l'avais harcelée, elle aussi. » Je l'avais appris à peine quelques jours après ma visite chez la thérapeute, et pour être honnête, sur le moment, je me suis demandé pourquoi je n'avais pas gardé mes mains autour de son cou ce soir là. Cela ne la rend que plus dingue à mes yeux. Ce qui se passe dans a tête de Kelya est un mystère des plus étranges. « Est-ce qu'il y a autre chose que je dois savoir Kelya ? » |
| | | | (#)Mer 23 Sep 2015 - 23:16 | |
| Je ne sais plus qui nous sommes à présent. Avant, nous étions deux personnes qui tenaient l’une à l’autre. Il n’y avait rien de plus important que ça. A présent, j’ai l’impression que nous sommes deux personnes avec un passé que l’on essaye d’ignorer, deux personnes qui jouent à celle qui arrivera à faire le plus de mal à l’autre. Et Jamie est particulièrement fort à ce jeu-là. En même temps, il a toutes les cartes en main. Comment ne pourrait-il pas gagner ? « Je crois que personne ne mérite qu'on essaye de la tuer, Kelya. » Je soupire. Cette conversation va finir mal. Qu’est-ce que j’espérais ? Jamie ne me pardonnera jamais, je peux le voir dans ses yeux. « Je n’ai pas essayé de la tuer, Jamie. Je n’aurais jamais pensé qu’elle ferait une crise de panique. » Je ne sais pas pourquoi je continue d’argumenter. Cela ne sert à rien. Jamie ne m’écoute même pas. Il veut juste me dire tout ce qu’il peut pour m’enfoncer bien profondément, et s’assurer que je ne l’embête plus jamais. Il n’avait pas à faire ça. Je n’allais pas le recontacter s’il ne le faisait pas. Je le hais vraiment à ce moment-là. Comment peut-il jouer avec mes sentiments comme il le fait ? A-t-il oublié qu’il avait un cœur, lui aussi ? Je lâche alors un soupir. « Je ne m’attends pas à ce que tu me pardonnes de toute façon. Et je sais que tu ne le feras pas, alors ça ne sert à rien d’en reparler. » Je ne peux pas effacer le passé. Je dois juste pleinement assumer la conséquence de mes actes, et je suppose que cette conversation et celle d’avant en font partie. « Je voulais surtout voir l'expression sur ton visage lorsque je t'annoncerai ça. » Je ne sais pas ce qui me retient de lui coller une gifle mémorable. Je le déteste. Je le déteste tellement. Pourtant, mon visage reste impassible, et je ne bouge pas. Pas de hurlements, pas de pleurs, rien. Merde Kelya, où sont passés tes sentiments ? Jamie a réussi à faire éteindre ce qu’il y a de plus important chez moi. Putain. Je suis vraiment une idiote. Une complète idiote. « Oh, non, tu ne vas aller nulle part. » Je le regarde, interloquée. Depuis quand me donne-t-il des ordres ? Pourtant, je ne bouge pas. Pas d’un pouce. Je suis encore sous l’emprise de Jamie, et ça me tue. J’aimerais vraiment m’en défaire. Si seulement je pouvais. A ce moment, je me surprends à penser à Maxyn. Cela fait des semaines que nous ne nous sommes pas parlées, mais à cet instant précis, j’aurais bien eu besoin d’elle. Pour avoir assez de courage pour faire face à Jamie, pour voir qu’il n’y a pas que lui, que je peux vivre sans lui. Mais je suis toute seule et tout ce que je vois, c’est que Jamie est en train de m’écraser, encore et encore. Et il ne va pas s’arrêter en si bon chemin. « Madison m'a dit que tu l'avais harcelée, elle aussi. » Je soupire. J’avais complètement oublié ce détail de l’histoire. Malheureusement, je ne peux pas le contredire. « Est-ce qu'il y a autre chose que je dois savoir Kelya ? » J’hésite un moment. Je regarde mon café que je n’ai pas encore touché pour l’instant. Je ne le toucherai sûrement qu’à la fin de notre conversation. Enfin, si on peut appeler ça une conversation… On dirait plus un duel qu’autre chose. Je finis par lâcher : « J’ai harcelé Enora, aussi. » Je ne comptais jamais le lui dire, mais autant jouer cartes sur table. Je le laisse digérer l’information, puis j’ajoute : « Maintenant tu sais tout. Maintenant tu peux me détester autant que tu le souhaites. » Je m’adosse sur le dossier de mon siège. A quel moment suis-je devenue une harceleuse professionnelle ? Je ne réalise que maintenant que je me suis perdue. Cette Kelya-là, ce n’est pas moi. Encore une fois, j’ai envie de tout mettre sur le dos de mon amour pour Jamie. Mais je sais que ça n’est plus une excuse valable. Plus à présent. Je me pince un peu les lèvres, puis je plonge mon regard dans celui de Jamie. « Je sais que j’ai fait des erreurs, des énormes erreurs, mais je ne suis pas parfaite. Personne ne l’est. » Il le sait probablement déjà. Cela ne l’avancera en rien. Rien de ce je dis va l’aider de toute façon. J’ai l’impression de parler dans le vide. C’en est très frustrant. « Je pourrais m’excuser pendant des heures, mais nous savons tous les deux que ça ne servirait à rien. Alors je te le demande Jamie, qu’est-ce que tu attends de moi ? » Je ne comprends toujours pas pourquoi il m’a fait venir ici, à part pour me dire qu’il était fiancé. Un faire-part de mariage aurait fait le même effet. Je profite de ce moment de silence pour regarder Jamie. J’ai l’impression de parler à un inconnu. Je ne le reconnais plus. Je ne nous reconnais plus. |
| | | | (#)Lun 5 Oct 2015 - 18:13 | |
| « Je ne te déteste pas. » dis-je en haussant les épaules. « Le mot est beaucoup trop faible. » Kelya a également harcelé Enora. L'information ne se digère pas. Pourquoi, à quoi bon ? Elle savait mieux que personne que je n'aimais pas ma femme, que nous n'étions au mieux que des amis vivant parfois sous le même toit avec une bague au doigt pour faire plaisir à nos parents. Et encore, même si nous nous entendions plutôt bien, Enora n'a jamais réellement eu d'importance à mes yeux. J'avais de l'affection pour elle, juste assez pour que nous vivions le parfait mariage de deux personnes qui ne se sentent pas prisonnières de l'autre, dans une parfaite liberté, pouvant aller à droite à gauche sans avoir peur de blesser qui que ce soit, ne pensant qu'à son propre bonheur, ayant pour seule obligation de veiller sur l'autre, et faire bonne figure lors des sorties. A moins que, là encore, je n'ai rien vu, rien compris. Enora aurait pu avoir de véritables sentiments pour moi que je n'en aurais rien vu. Peut-être était-ce le cas. Que Kelya l'a senti, et qu'elle s'est sentie menacée, la poussant à agir ainsi. Je n'en sais rien. Je ne comprends même pas par quel mécanisme dans son crâne elle ait pu en arriver à la conclusion que harceler qui que ce soit était la bonne solution, la seule solution. Cela me dépasse. « Est-ce qu'il y a quelqu'un de mon entourage que tu n'aies pas harcelé, hein ? » D'anciennes petites-amies éphémères, Giorgia que j'étais destiné à épouser à une époque, d'autres amies, ou, pourquoi pas, ma cousine ? « Pourquoi tu as fait toutes ces folies plutôt que de tout simplement me parler de tes sentiments ? En quoi étais-ce plus simple d'essayer de faire peur aux femmes qui m'entouraient alors que tu n'avais qu'à me parler ? » Oui, je n'aurais sûrement pas répondu positivement à ses sentiments, et cela aurait mis fin à notre relation. A moins que je ne me sois soudainement découvert les mêmes sentiments pour elle, ou encore, que je décide de jouer le jeu de l'amoureux juste pour ne pas la perdre -ce dont j'aurais été parfaitement capable à ce moment-là. Mais est-ce qu'il n'aurait pas été mieux d'être honnête ? De mettre les choses à plat dès le départ, s'épargner des années d'illusions, et, aujourd'hui, une désillusion à la hauteur de la foi que nous avions l'un dans l'autre ? Des erreurs, elle n'a fait que cela. Pour quelqu'un censé comprendre les humains, elle n'a jamais été si loin du compte. Si à côté d'elle-même. « Je n'attends rien de toi. J'ai arrêté d'espérer qu'on puisse tirer quoi que ce soit de toi. » dis-je, presque désolé. Je ne veux plus me faire d'illusions à son sujet, laisser son regard me faire passer pour un monstre. Il n'y a sûrement qu'un monstre pour s'amuser de voir une ancienne amante avoir de la peine, continuer de piétiner les quelques morceaux encore en trop bon état de son coeur, et sourire face à la détresse. J'ai rarement si bien été le fils de mon père. « Mais si tu veux faire une bonne action, j'aimerais que tu partes. Que tu quittes Brisbane. » De ma bouche sortent des mots sur lesquels je pourrais apposer sa voix. Intérieurement, cela me fait tressaillir. « Il n'y a rien pour toi ici. Tu ferais mieux de retourner à Londres. » Toujours la même froideur, la même indifférence. Le regard insistant, ne lâchant pas le sien une seule seconde, passant au travers de ses iris pour aller scruter au fond de son crâne. « Tu disais m'aimer ? Moi pas. Je ne pardonnerais pas pour Joanne, ni pour Madison, si pour Enora. Rien ne te retiens ici. Alors va t'en. Tournes la page, retourne récupérer ta vie, et laisse moi vive en paix celle que je mérite, ici. » Le fait est que je n'arrive pas à avoir l'esprit tranquille si je dois m'inquiéter, où que j'aille, de pouvoir la croiser à n'importe quel coin de rue. Il suffira de sa silhouette pour me ramener à Londres, à un passé douloureux que j'essaye d'enterrer, à toutes mes erreurs. A vrai dire, elle est tout ce qu'il reste de cette époque qui, j'ai l'impression, ne peut pas être révolue si elle continue de hanter la même ville que moi. Elle est là, comme un fantôme, représentante de tout de ce que je fuis. Et la savoir ici est une tache noire dans un coin de mon crâne, l'ombre menaçante de voir ces événements me rattraper au moment où je me débats tellement pour aller de l'avant. |
| | | | (#)Mer 14 Oct 2015 - 0:08 | |
| « Le mot est beaucoup trop faible. » Je soupire. Il faut toujours qu’il en rajoute une couche. C’est vraiment plus fort que lui. Je ne dis rien. Que répondre à ça, de toute façon ? Jamie s’amuse à remuer le couteau dans la plaie, et je ne sais pas quoi faire pour l’arrêter. Pour ne pas changer, Jamie a toutes les cartes en main et je ne suis qu’un vulgaire objet à utiliser. Bien sûr que ça me blesse, mais je ne suis pas en mesure de changer les choses. Et de toute façon, je ne sais même pas si j’en ai envie. A quoi bon ? Notre relation est terminée. Je pensais pouvoir sauver les meubles, mais je me rends compte qu’il n’y a plus grand chose à sauver. « Est-ce qu'il y a quelqu'un de mon entourage que tu n'aies pas harcelé, hein ? » Je me mords un peu la lèvre. Je ne suis pas forcément fière de ce que j’ai fait. Mais à l’époque, tout ça me semblait parfaitement normal. Peut-être que j’ai un peu abusé, effectivement. Je soupire. Je suis incapable de dire quoi que ce soit pour me défendre. Aucun argument, rien. Peut-être que j’ai eu tort de faire tout ce que je fais. Mais on n’efface pas le passé, alors pourquoi revenir dessus ? « Pourquoi tu as fait toutes ces folies plutôt que de tout simplement me parler de tes sentiments ? En quoi étais-ce plus simple d'essayer de faire peur aux femmes qui m'entouraient alors que tu n'avais qu'à me parler ? » Je fronce un peu les sourcils. Il marque un bon point, je dois l’admettre. Je ne sais pas moi-même pourquoi je ne lui ai pas simplement dit ce que je ressentais pour lui. J’avais peur de tout perdre. Il aurait pu partir. On ne se devait rien. Et puis, on sait bien tous les deux que parler n’était pas vraiment notre truc. « Je voulais te le dire Jamie, mais je n’y arrivais pas. J’avais peur de tout gâcher. J’avais peur que tu ne ressentes pas la même chose et que tu t’éloignes de moi. » Je plonge mon regard dans le sien. « C’est ce qui s’est quand même passé, au final. » Je baisse les yeux et je bois ma deuxième ou troisième gorgée de café. Je n’y ai pas beaucoup touché depuis que je suis arrivée. Il faut croire que je suis trop concentrée dans cette conversation. Je ne sais même pas pourquoi d’ailleurs. J’ai l’impression que quoi que je fasse, la situation ne va pas s’arranger. « Je n'attends rien de toi. J'ai arrêté d'espérer qu'on puisse tirer quoi que ce soit de toi. » S’il n’espérait rien de moi, pourquoi m’avoir invité à boire un café ? C’est à en perdre la tête. « Mais si tu veux faire une bonne action, j'aimerais que tu partes. Que tu quittes Brisbane. » Je manque d’avaler de travers ma gorgée de café. Je le regarde, presque choquée. Comment ose-t-il ? « Il n'y a rien pour toi ici. Tu ferais mieux de retourner à Londres. » A nouveau, je fronce les sourcils. Je n’arrive pas à y croire. Il ne connaît vraiment rien de moi. J’ai envie de lui foutre une gifle, l’étrangler, tout ce que vous voulez. C’est le minimum qu’il mérite. Je l’écoute affirmer son idée, complètement sous le choc. J’en suis certaine à présent : je déteste Jamie. Je ne sais pas comment il est possible que ce sentiment ait pris le dessus sur mes sentiments amoureux, mais qu’importe. Je boue à l’intérieur, et je dois vraiment faire preuve de self control pour ne pas m’énerver et casser quelque chose. « Tu disais m'aimer ? Moi pas. Je ne pardonnerais pas pour Joanne, ni pour Madison, si pour Enora. Rien ne te retiens ici. Alors va t'en. Tournes la page, retourne récupérer ta vie, et laisse moi vivre en paix celle que je mérite, ici. » Jamie est cruel. Le pire, c’est qu’il le sait et qu’il en joue. Je lui en veux terriblement. Il n’aurait jamais osé dire ça à quelqu’un d’autre. Mais parce que c’est moi, il croit qu’il a le droit de se permettre de tout. Je rêve. « Je ne partirai pas. » dis-je, sèchement. Mon regard noir se plante dans le sien. Je veux qu’il comprenne que je ne rigole pas. « Tu ne comprends vraiment rien. Je n’ai plus rien à Londres. Je n’avais que toi. Cette ville ne me rappelle que des mauvaises choses. » J’ai trouvé des personnes qui m’acceptent comme je suis, et qui tiennent vraiment à moi. Tout ce que j’ai toujours demandé. Je ne vais pas abandonner tout ça pour Jamie. J’ai déjà bien trop abandonné pour lui jusqu’ici. « Je m’en fiche que tu ne me pardonnes pas. Vis ta vie comme tu le souhaites Jamie, je ne vais pas t’en empêcher. Mais je ne vais pas partir juste parce que tu l’exiges. » Mon visage ne s’attendrit pas. « Je mérite d’avoir un nouveau départ, moi aussi. » Je sais bien qu’il n’est pas du tout de cet avis, mais je m’en fiche. Je me fiche de ce qu’il peut bien penser. De toute façon, ce n’est que du négatif. « Et honnêtement, je n’arrive pas à croire que tu puisses me demander une chose pareille. Pour qui tu te prends pour me donner des ordres comme ça ? » Il n’arrête pas de me faire passer pour la méchante. Mais le plus cruel de nous deux, c’est bien lui. |
| | | | (#)Dim 25 Oct 2015 - 23:18 | |
| Il suffisait de me parler. Déballer la vérité. Si ce n'était pas pour elle, pour avoir le coeur net sur ce que nous vivions, elle aurait pu le faire pour moi, pour faire preuve de sincérité. Elle qui a débarqué de nulle part dans la vie que j'essaye de construire en déclarant m'aimer depuis toujours n'avait jamais articulé ces mots, n'avait jamais laissé penser que nous vivions plus qu'une simple liaison, mélange savant mais pas moins malsain d'affection et de sexe. Mais elle n'en a jamais eu le courage, et une fois face à la réalité, c'est moi qui suis devenu le fautif du mal que je lui infligeais en la repoussant, victime de son manque d'honnêteté. Oui, je ne ressentais pas la même chose, et tout aurait pris une fin bien avant que nous atteignons les dix ans de relation. « Alors tu as préféré vivre un mensonge pendant des années. » je commente, toujours aussi abasourdi par la tournure qu'on pris les événements. N'arrivant toujours pas à me faire à l'idée qu'elle était sous mon nez, et que je n'ai rien vu. Mais il y a tant que de choses qui m'ont échappé à l'époque. « Bravo, ça t'as réussi. » Dépression, drogue, puis tout quitter et aller à l'autre bout du monde pour rien, si ce n'est ce prendre une belle baffe. Une grande réussite. « Ca nous a réussi. » je corrige. Car nous sommes passés d'anciens amants et amis qui auraient pu enfin avoir une relation saine à deux étrangers qui se haïssent et ne peuvent pas se trouver dans la même pièce sans avoir envie de frapper l'autre. Là aussi, c'est flamboyant. Ne voyant franchement pas d'autre issue à tout ceci pour elle et moi, j'en viens à lui demander de quitter Brisbane et repartir en Angleterre, là où son ancienne vie, ses clients, ses amis, sa famille se trouvent, plutôt que de poursuivre plus longtemps cet exil ridicule qui n'a plus lieu d'être maintenant que nous n'avons plus rien à nous dire. « Alors ne vas pas Londres, installes-toi ailleurs. » dis-je en haussant les épaules lorsqu'elle explique que cette ville n'a plus rien de bon non plus pour elle. Honnêtement, qu'importe, du moment qu'elle parte. Je ricane, mauvais, quand elle s'offusque que je lui ordonne de quitter l'Australie. Si elle le prend de cette manière, je m'en fiche bien. Elle veut un nouveau départ, elle aussi. Mon regard dans le sien, plus sérieux que jamais, je me penche vers l'avant pour demander ; « Et tu préfères rester dans une ville où moi, la mauvaise chose, vit, plutôt que de partir et t'en éloigner ? » C'est quitter les souvenirs d'un mal pour mieux traverser la planète et s'en approcher concrètement, puis s'accrocher à ce lieu. Cela n'a aucun sens. « Tu l'as fait une première fois, pourquoi pas deux ? » Après tout, ce n'est pas comme si elle avait vraiment eu le temps de se créer des attaches ici, non ? Des attaches qu'elle ne puisse pas laisser tomber. Pas en si peu de temps. Qu'est-ce qui peut la retenir ici ? Elle n'aura jamais ce qu'elle est venue chercher ici, alors à quoi bon rester ? « Je ne te donne pas d'ordres. Je dis cela dans ton intérêt. » dis-je, sûrement avec autant d'hypocrisie que de sincérité. J'avoue que je ne sais pas moi-même si je me soucie réellement de Kelya ou non lorsque je dis cela. « Il n'y a pas de place pour nous deux ici. » Il serait idéaliste de penser le contraire. Dans une relation normale, après une rupture normale, oui, il serait ridicule de quitter la ville juste parce que l'autre y vit toujours. Mais notre relation n'avait rien de normal, elle a duré des années, et la manière dont elle est s'est terminée est loin d'être conventionnelle également. Tout est trop intense, trop chargé en émotions encore vives, en blessures ouvertes. « Comment tu te sentiras si tu me croises dans la rue un jour, si nous sommes dans la même queue au supermarché ? Tu pourras m'ignorer, sur le moment, mais pas les souvenirs qui vont avec et qui traîneront dans ta tête quelques jours. » Je le sais car c'est ainsi que je le vivrais. Et encore, je n'ai jamais eu de sentiments amoureux pour elle. Alors cela ne peut être que pire pour Kelya. « En restant ici, en sachant pertinemment que tu vis dans la même ville que moi, aussi grande soit-elle, tu gardes un contact avec moi, avec le passé, et tu t'empêches d'avancer. » Je me demande s'il s'agit de manipulation, d'essayer par tous les moyens, tous les discours doucereux, d'atteindre son objectif. Je me demande si je fais preuve de monstruosité ou de compassion. « Mais c'est peut-être ce que tu veux. » Après tout, elle est psychologue. Elle sait que, parfois, une partie de nous ne veut pas guérir de notre mal. « Est-ce que tu ne vois pas que c'est pour ton bien ? » |
| | | | (#)Sam 14 Nov 2015 - 21:54 | |
| Je ne m’attends pas à ce que Jamie me comprenne. J’ai l’impression que c’est trop lui demander de toute façon. Je ne sais pas pourquoi Jamie a demandé à me voir aujourd’hui. Il n’a pas l’air de vouloir écouter ce que je dis. Peut-être qu’il avait juste envie de déverser sa haine contre moi. Je ne le comprends pas. Je ne le comprends plus. Nous sommes en train de devenir deux inconnus, et j’avoue que cela ne me plait pas. Mais que puis-je faire ? Il est trop tard pour reculer à présent. « Ça nous a réussi. » Je fronce les sourcils. Alors selon lui, je suis la seule à avoir ruiné notre relation ? Tout ne serait pas arrivé s’il n’avait pas quitté Londres. S’il ne m’avait pas abandonné. C’est de sa faute, aussi. Je ne peux pas prendre toute la faute sur moi. Mais je ne dis rien. Je reste muette. Je ne cherche pas à me défendre, ni à lui donner mon opinion. A quoi bon ? Je n’ai pas envie de prendre part à un dialogue de sourds. Oui, j’ai abandonné. J’arrête de me battre sans raison. Jamie n’est plus une raison de me battre. Plus maintenant. C’est difficile à admettre, mais au moins j’en ai conscience. Peut-être que je suis en train d’avancer. Peu à peu. « Il n'y a pas de place pour nous deux ici. » Je me demande d’où il sort une telle affirmation. Cette ville est assez grande, et je peux très bien vivre en sachant qu’il est là également. C’est bien ce que je fais depuis que je suis arrivée à Brisbane, après tout. Je ne veux pas partir. Et je ne partirai pas. J’arrête de suivre tout ce que me dit Jamie. J’arrête d’être sous son influence. C’est décidé. Cela fait un bout de temps que je me suis fait à cette idée de toute façon. « En restant ici, en sachant pertinemment que tu vis dans la même ville que moi, aussi grande soit-elle, tu gardes un contact avec moi, avec le passé, et tu t'empêches d'avancer. » Jamie continue. Il persiste même. Il veut vraiment que je parte. Qu’est-ce que ça peut bien lui faire que je sois là ou non ? Il a très bien réussi à m’ignorer jusqu’à présent. Qu’est-ce qui a changé ? « Mais c'est peut-être ce que tu veux. » Je secoue la tête. Il ne comprend vraiment pas. « Est-ce que tu ne vois pas que c'est pour ton bien ? » Je soupire et lui lance un regard plein d’arrogance. « C’est n’importe quoi. Tu te fiches complètement de savoir si je vais bien ou non. Arrête de me mentir Jamie. » J’ai été naïve pendant un moment, mais maintenant j’essaie d’être le plus lucide possible. Même avec Jamie. Il le faut. « Je reste à Brisbane, que ça te plaise ou non. Je sais bien que tu ne comprends pas, et je ne te demande pas de le faire. Je peux très bien t’ignorer. Si tu n’y arrives pas, c’est ton problème. » Mon regard se veut confiant. Je veux qu’il comprenne que je suis sérieuse. Je rassemble un peu mes affaires, puis lui dis, avec une voix parfaitement calme : « Maintenant, si tu n’as rien d’autre à ajouter, je pense que je vais partir. Je crois que l’on n’a plus rien à se dire. » Je ne pensais pas que je serai capable de faire ça un jour. De tourner le dos à Jamie. Pour de bon. Peut-être que ça n’est qu’une mise en scène. Peut-être que je me montre forte parce que je ne veux pas que Jamie voit ce que je ressens vraiment. Peut-être que tout cela n’est qu’un tissu de mensonges, et que demain je regretterais de ne pas l’avoir supplié de me donner une seconde chance. Mais qu’importe. Pour le moment, je suis décidée. Je suis décidée à aller de l’avant. Même si ça signifie effacer Jamie de ma vie. |
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