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 and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48

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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyMer 15 Déc 2021 - 0:03

Le rooftop est le terrain de prédilection de Saül. Un endroit qui n'est pas clos et qui laisse voir la ville et ses lumières. Un endroit où les couchers de soleil se regardent tard et où les soirées s'étirent à l'infini. Un endroit qu'il est cependant difficile de réserver pour les inaugurations et les grands évènements. Coupe de champagne à la main, Saül échange avec le grand patron d'une filiale responsable d'échanges commerciaux à l'internationale. Avec l'autre bout du monde, Saül a déjà ses contacts. Le regard sur l'autre côté de l'océan, l'italien entend sécuriser les échanges avec l'Europe, terre qu'il aime autant qu'il méprise. Le départ de sa femme n'y est pas pour rien.

Pourtant, Saül n'a pas retiré son alliance. Elle est là, brillante comme au premier jour, accrochée à son annulaire. Il n'a d'ailleurs jamais pensé à la retirer de sa juste place. Puisqu'il n'a jamais reçu les papiers pour entamer les procédures du divorce, les choses resteront ainsi. Avec Elise, au moins, les choses étaient simples : Saül n'enlevait son alliance que lorsqu'il était avec Ariane. Et quand les démarches ont enfin été lancées, l'anneau doré n'a plus eu sa place nulle part. Quelle place a un mariage dans lequel l'un des deux engagés a pris la fuite ? Mâchoire serrée, Saül essaie de ne pas trop laisser son regard dériver du côté des grands buildings qui sortent de terre partout autour du bar. C'est aussi ça, la rançon de la gloire. Les reliquats du passé rappellent toujours l'italien à ce qu'il était avant.

Peut-être qu'elle aurait été là au mariage de Damon. Peut-être qu'ils auraient pu se relayer pour s'occuper d'Abel. Peut-être que Saül n'aurait pas tant bu, se rappelant maintes fois les danses partagées avec son épouse en fuite le soir de leurs propres noces. Après ce qu'il est arrivé à Auden, elle aurait été là aussi pour échanger avec Saül. Ils en auraient parlé des heures, se moquant tantôt d'Auden alors plongé dans un sommeil profond et s'inquiétant la seconde suivante de l'avenir de ceux que le peintre aurait laissés derrière lui - Saül le premier. Au lieu de ça, c'est sur un canapé que Saül dort presque toutes les nuits depuis qu'il a eu le courage de retrouver son appartement. C'est Abel - et Abel seul - qui lui tient compagnie. Un Auden hospitalisé est une très mauvaise fréquentation au ton qui fatigue vite. Un frère qui n'existe pas vraiment, en somme.

Et puis, au milieu du brouhaha un miracle se produit.

Peut-être est-ce le champagne.
Ou les tartines. Qu'ont-ils mis dans ces tartines ?
Dans sa poche, Saül tâte ce qui lui reste de poudre, le seul sachet que Titus n'a pas essayé de réduire en miettes. Ce chien aura la peau de Saül.
C'est un éclair rougeoyant. Une silhouette. Un parfum qu'il peut sentir même si elle se trouve à l'autre bout de l'endroit des réjouissances.

Le voilà qui se faufile sans écouter la fin de la phrase de son interlocuteur. Sait-il ce qu'il cherche ? Après tout ce temps, plus grand chose. Un espoir, peut-être, auquel Saül n'a jamais renoncé - pas vraiment. Même après ces longs mois passés en solitaire, Ariane est partout. Et ce soir plus que jamais, la montre manque au poignet du mari esseulé qui cherche à se frayer un chemin au milieu de la marée humaine. Le bruit est assourdissant et que font-ils là, tous ces gens ? Ce qu'ils sont emmerdants, à se tenir entre Saül et son mirage. Son mirage, après lequel il court comme un désespéré.

@ariane williams and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 1223270223
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyVen 17 Déc 2021 - 23:39

Il y a quelque chose de définitivement chiant dans leur envie désormais viscérale de me faire tester tous les cocktails virgins qu’ils ont sur la carte. Comme si un Cosmo sans vodka goûtait autre chose que la canneberge aussi fausse que trop sucrée. Comme si un mojito qu’on pourrait servir à des bébés n’était pas qu’une eau gazeuse dans laquelle ils passaient leurs vieilles feuilles de menthe. Comme si l’absence de flûte de champagne dans ma main suffisait à ce qu’ils veuillent m’occuper les dix doigts à tenir la totalité de leurs seltzers, de leurs sirops, de leurs beaux espoirs que sans être bourrée j’arrive à survivre à la soirée. La soirée elle, est très supportable d’ailleurs, je vois pas pourquoi ils s’angoissent tous entre eux y’a pas à paniquer ni à slalomer entre les invités la goutte de sueur qui pend au bout du front. S’ils sont tous comme moi, les invités ont probablement même oublié pour quelle raison on leur avait dit qu’ils ne devaient absolument rien manquer de ce qui se passait sur la terrasse du Sixteen Antlers de si bonne heure. Oh ouais, je sais que le coucher de soleil est particulièrement incroyable à ce temps-ci de l’année, et vous savez ce qui est encore plus cool c’est qu’il se couchera comme ça demain et après-demain encore, on vient pas de découvrir le feu ni d’inventer de formule magique pour faire de l’or à partir d’une barre de savon non plus. 

Ça parle, ça parle. Ça parle encore, c’est fou comment ils adorent s’entendre parler. L’un se vante de ses investissements en bitcoins, l’autre a les yeux brillants quand elle décrit chaque partie de son plan de domination mondiale par le réinvestissement immobilier. La raison pour laquelle je suis là, donc. Tout le monde semble avoir décidé que c’était leur nouvelle vendetta. Pourquoi je suis là. Pourquoi je suis pas à l’autre bout du monde, pourquoi c’est pas à Paris que je refuse pour la sixième fois leur foutu crémant bon marché. Visiblement, pourquoi je suis là a surpassé et de loin pourquoi je suis partie. Pourquoi j’ai rien dit est bon troisième, pourquoi j’agis comme si de rien n’était viendra leur voler la place un jour c’est sûr. La vérité ; la vérité c’est que peu importe ce que je répondrai, tout le monde y ajoutera une question de plus, ils ont besoin de précisions quand la version qu’on leur donne n’est pas celle à laquelle ils s’attendaient. Et ce soir, Ariane ? Bah, ce qu’on ferait pas pour être réinsérée socialement par son ancienne éditrice désormais genre de pote. Il n’y en a pas beaucoup sur mon tableau de chasse en ce moment, des potes, et ça n’étonnera personne. J’ai jamais été très portée sur la chose, l’amitié et ce que ça implique comme engagement. Pas critiquer tout ce que l’autre fait en permanence rien que parce que ça me fait rire. Pauvre Sophie qui y passe, elle qui s’est recyclée dans la philanthropie, elle qui avait définitivement besoin d’une issue de secours que je personnifie ironiquement à chaque fois qu’elle redresse la tête pour essayer d’attraper mon regard au lieu de celui d’un interlocuteur dont elle se contre fout. 

Ici, il aurait été comme un poisson dans un océan cent cinquante mille fois sa taille mais qu’il connaît aussi bien que le fond de la poche de son complet griffé. Saül. La cravate qui parle pour lui bien avant qu’il ouvre la bouche, c’est le terrain de jeu qu’il adore et qu’il déteste, qu’il adore détester. Y’a des conversations qu’il aurait coupées court d’un claquement sec de langue sur son palais, des exubérants qu’il aurait remis à leur place six pieds sous terre d’un sourcil haussé un seul. Et c’est pas de la nostalgie, c’est de la constatation. L’évidence juste, ce type de soirée j’y allais pas quand il n’existait pas encore. Qui trouve ça marrant que j’y aille, maintenant qu’il n’existe plus ? Ariane, il existe encore, derrière toi, faut juste que tu détournes la tête, que t’arrêtes de parler au mec dont t’as rien à battre, sa femme encore moins. Il existe à une miette de mètres dans l’angle mais mes pas filent à quelques mètres devant, Sophie qui apparemment veut absolument que je rencontre truc machin numéro dix-huit. J’ai arrêté de compter après qu’elle m’ait présenté trois gars au même prénom mais qui l’écrivent différemment. Combien y’a de variantes pour épeler Henry, en vrai ? Il aurait dit qu’il y en avait trop. 


:rainbow: :rainbow: :rainbow:
@saül williams
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyJeu 30 Déc 2021 - 17:02

Elle doit être là. Ce doit être elle. Ce ne peut-être qu'elle. Combien de fois l'a-t-il vue dans le corps d'une autre ? De trop nombreuses fois pour les compter. Des fois affreuses, entre deux rendez-vous, avec des femmes qui n'avaient rien d'elle. Tout à lui envier. Il y a Ashley, bien sûr. Il y a Ashley avec qui il ne s'est encore rien passé et qu'il vouvoie encore comme si entre eux, tout n'était que très cordial. Il y a Ashley et ses cheveux de bronze que Saül voudrait attraper des doigts. Elle sentait presque comme Ariane. Et voilà qu'Ariane revient, sans dire un mot, sans prévenir son époux. Ils sont encore mariés. Ils sont encore ensemble. Un instant, Saül s'imagine aller la voir pour la convaincre de revenir.

Il l'aurait approchée sans faire de bruits. Alors qu'ils auraient tiré la cordelette pour l'inauguration du soir, Ariane et Saül se seraient enfin retrouvés après des mois à vivre séparés l'un de l'autre. Après une coupe de champagne, ils auraient enfin croisé le regard, auraient souri sans dire un mot. C'aurait été comme à Paris, les amours en cage en moins. Pour lui plaire, Saül aurait été capable de courir en chercher, à l'autre bout de la ville s'il le fallait. Il aurait été prêt à chercher toute la nuit comme un fou. Comme le diable qu'elle a épousé. Et puis, après, quelques mots. Rien de très audible pour personne. Leurs doigts se seraient effleuré. Saül aurait plaisanté sur la présence tenace de son alliance. Il aurait décrit combien il a failli la jeter par la fenêtre de nombreuses fois sans y parvenir. La vue de l'appartement donne sur l'immeuble d'en face, voilà pourquoi. Elle le rappelle à son devoir jusque dans l'architecture de la ville. On ne divorce pas si facilement, on n'arrête pas d'aimer avec tant de facilité. Et puis, après, ils auraient échangé des piques, de quoi faire grincer les dents de Saül. Elle se serait moqué de son air renfrogné. Il aurait commenté sa robe, la qualifiant d'affreuse alors qu'elle lui irait absolument comme un gant. Comme une seconde peau qu'il voudrait effleurer des doigts. Sagement, ils se seraient peut-être embrassés en faisant face à la ville, en grands conquérants reprenant le pouvoir sur cette cité qui les déteste, qui les déchire.

Mais rien de tout ça n'a vocation à se produire. Au lieu de ça, c'est Ariane que Saül suit du regard. Les amours en cage sont loin. Paris est loin. Quand elle fuit à travers la foule, sans même l'apercevoir, Saül s'arrête, redresse sa cravate. Il a les mains aussi moites que pour leur premier rendez-vous. Le cinédrive. Un vrai repère à adolescents. Cette voiture, il ne l'a plus depuis leur accident. Adieu aussi toutes les possessions qui lui rappellent cette femme qui passe désormais son temps loin de lui. Adieu, mais pas complètement. Du pouce, Saül effleure l'alliance, la promesse des lendemains. Et enfin, il se décide à la suivre.
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyJeu 30 Déc 2021 - 17:48

Quelque chose me brûle la nuque, comme une piqûre de moustique, un rayon de soleil de canicule étouffante. Une fléchette ; est-ce que quelqu’un a enfin décidé de m’envoyer par sarbacane de quoi me calmer une petite heure ? Oh, anesthésier une femme enceinte de jumelles, les gens ici sont vraiment sans coeur. Les gens ici sont vraiment emmerdants aussi, et si on fait un petit effort de rien toutes leurs conversations se parlent et se rattachent entre elles c'est marrant. Pathétique. Les vacances de l’un sont pareilles que celles auxquelles l’autre rêve, les enfants de l’une sont dans la même classe de tutorat que les cancres de l’autre. Ils parlent de leur fortune et ils étouffent leurs dettes, ils parlent des signatures qu’ils ont récoltées avant la fin de l’année et de celles qu’ils anticipent en janvier. S’ils savaient à quel point à mes yeux ils jacassent dans le vide, fort probablement qu’ils ne m’arrêteraient pas tous au passage pour me vomir ce qu’ils ont à dire. Des bouches qui s'agitent sans aucun mot et c’est le paradis quand tu prends le peuple pour des poupées de chair et d’os sans cordes vocales. Ouais, ouais bien sûr. Tu m'as l'air particulièrement adorable quand y'a absolument aucun son qui sort de ta bouche.

Sophie pointe à gauche, évidemment que je regarde à droite. Elle insiste, elle a vu quelque chose, quelqu’un, il y a déjà beaucoup trop de quelque chose et de quelqu’un pour que je perde du temps à en voir plus. Non mais Ariane, je pense qu’il faudrait vraiment que tu regardes, tu sais tu devrais ; je devrais quoi, hum ? Je sais qu’il est là. Je savais bien avant qu’il me voit qu’il serait là. Je suis pas conne, je suis pas aveugle, je suis certainement pas immobile non plus. À chaque pas qu’il fait j’en multiplie cinq de plus, plus loin. Les paris flottent à savoir si je le fais pour m’assurer qu’il suive, si je le fais en espérant qu’il arrête de suivre, ou si je le fais simplement parce que j’ai envie de le faire sans raisons apparentes. Il n’y avait aucun hasard quand j’ai quitté Brisbane pour Paris et il n’y a aucun hasard sur le pourquoi je suis ici. Comment on se sent Ariane, quand on a une ancienne éditrice qui pointe du bout du menton le plus subtilement qu’elle peut son ancien mari ? J’ai jamais été très douée, côté nostalgie.

Alors Saül veut parler. Pourquoi est-ce qu’il se rapprocherait s’il voulait l’éviter ? L’ironie, c’est que j’écoute absolument rien de ce qui m’est dit depuis une bonne heure, probablement le double si j’avais fait gaffe à l’heure qu’il était quand je suis arrivée ici. D'où il pense qu'il aura un autre traitement ? Si on parle, tu sais ce que ça va donner n’est-ce pas. Tu voudras savoir, tu voudras que je t’explique pourquoi, comment, depuis quand j’y pensais. Tu voudras que je te dise que c’était la dernière fois de toutes les autres, ou alors tu voudras juste que je jure que c’était l’ultime fois, celle qui les vaut toutes. Tu voudras peut-être que je m’excuse, jamais de la vie j’te prendrai au sérieux si c’est le cas. T’es même pas prêt à ce qu’on parle vraiment et je les sens, tes yeux qui fixent si fort qu’ils passent de l’arrière à l’avant de ma gorge, des lasers. T’as même pas vu que j’allais être mère encore. T’as rien vu d’autre que mon dos, à peine un profil et encore. Et puis je sais ce qui viendra ensuite. Quand on aura parlé, si on parle. Tu voudras savoir ce qui va arriver du reste. T’auras presque autant de questions sur l’avant que sur l’après, tu vas te faire bien plus de mal qu’autre chose Saül. T’es masochiste ? C’est ce que je pensais.  

Allez. Une dernière chance de rebrousser chemin, t’as vraiment pas envie qu’on ait cette conversation-là. Ni ici ni comme ça. Il y a un groupe qui dérive vers la droite, je te laisse une chance de les utiliser comme un alibi de merde - ils me l’ont cachée des yeux, elle est disparue aussi vite c’était sûrement pas elle de toute manière j’ai été con - et on n’en parle plus. Une dernière chance de rebrousser chemin. Prends-la.
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyJeu 30 Déc 2021 - 19:29

Le mauvais côté des choses, c'est que Saül est incapable de la lâcher des yeux. Sa présence est réconfortante, comme un pansement sur une plaie ouverte depuis six longs mois. Saül ne lutte pas contre ce qui l'assaillit de plein fouet. Les souvenirs, l'envie de tout casser. L'envie de tout envoyer paître et d'en finir, aussi. L'envie de boire, l'envie de s'enfariner le nez jusqu'à ce que mort s'en suive. Ce qui l'a fait tenir, c'est assurément la perspective qu'Ariane pourrait revenir - et Abel, bien sûr, mais l'un ne va pas sans l'autre. Oui, Ariane est revenue, mais pas pour lui. Pas pour eux. Elle est revenue pour- pour quoi au juste ? Saül n'arrive pas à voir avec qui elle discute. Il est maintenant certain que c'est elle, il a reconnu sa voix et son rire, a presque crié son prénom pour l'interpeler. Dans ce parterre, bon nombre de gens savent que Saül est marié, mais pas à qui. Peut-être que certains savent et sont actuellement en train de se demander s'il y a de l'eau dans le gaz - peu importe. D'une discussion au sujet de la fluctuation financière, Saül passe à l'ingérence d'une entreprise chinoise sur le marché de la montre. Une discussion barbante pour une autre, mais Saül n'en a cure. Il a après tout son propre sujet de discussion, dans sa tête. Le voilà à l'œuvre pour étudier toutes les possibilités. Tous les dialogues possibles. Toutes les répliques. Tous les gestes.

Quand Saül croit qu'elle regarde dans sa direction, son regard dévie en fait vers autre chose. Elle doit être en train de l'éviter, mais l'italien n'en est pas sûr. Autrefois, ils se moquaient ensemble de la prévisibilité de Saül, de toutes ses manies. Ce dernier caricaturait aussi toutes celles de la française. Aujourd'hui, il n'est plus certain de savoir le faire, perdu dans un océan de questions. Est-elle toujours la même ? Pourquoi est-elle revenue ? Qui l'a poussée à venir ici ? Ariane détestait ces soirées - du moins, la Ariane que Saül connaissait.

Et puis, enfin, il s'approche. Intercepté par un autre groupe, Saül maudit la Terre entière. Ariane s'éloigne et c'est alors que le silence apparent dans lequel s'était enfermé Saül jusqu'alors se brise. « C'est votre femme que j'aperçois ? » Oui, c'est elle, je ne suis pas fou. Ni trop alcoolisé, ou le nez trop poudré. « Elle est splendide. » Oh que l'envie de le gifler démange Saül. Il ne connaît cet individu que de loin. Un lèche-bottes, un nigaud, un jeune premier de compétition qui entraîne Saül auprès de Madame sa femme. « Madame Williams, j'ai trouvé votre mari en train de se cacher derrière les petits fours ! » Rigole, rigole, je t'arracherai les- Le regard de Saül se pose alors avec stupéfaction sur le ventre rond d'Ariane.

Le voilà transporté à la date de leur nuit de noces, quand il l'avait portée au sommet de leur tour de verre. Leur nouveau chez-eux, juste avant qu'ils ne repartent pour l'autre bout du monde. Juste avant qu'elle ne reparte sans lui. Était-ce cette nuit là, quand ils ont inauguré ce qui devait être leur paradis et celui d'Abel ? Un appartement magnifique dans lequel Saül habite désormais seul avec Abel et Titus le chien recalé. Ils ont au moins cela en commun, Saül et Titus. On les a recalé. Et si ce n'était pas son bébé ? Cela ne peut être le sien. Depuis quand est-elle partie ? La grossesse a l'air avancée. Alors que le lèche-bottes fait du gringue à Ariane, Saül détache son regard du ventre rond d'Ariane. Rare, exceptionnel, le crocodile a soudain envie de pleurer. « Vous êtes ravissante. Toute cette salle a beaucoup de chance de pouvoir vous contempler. » Les horribles phrases rentre-dedans du nigaud n'atteignent pas Saül, qui fixe désormais Ariane, de marbre. Sa coupe se porte alors à ses lèvres, sans qu'il ne détache ses yeux de la traîtresse.

« Elle est magnifique, n'est-ce pas Saül ? » Depuis quand en sont-ils à l'étape de faire de telles familiarités ? « Resplendissante. » Si loin et si proche à la fois.
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyJeu 30 Déc 2021 - 20:40

« Madame Williams, j'ai trouvé votre mari en train de se cacher derrière les petits fours ! » sérieux.
« Vous êtes ravissante. Toute cette salle a beaucoup de chance de pouvoir vous contempler. » non mais ferme-la.
« Elle est magnifique, n'est-ce pas Saül ? » ah ouais, t'insistes en plus.
« Resplendissante. » « C’est trop d’honneur. »

Ça y est, c’est bon, tout le monde a dit ce qu’il voulait ? Dans l’histoire, on se souviendra simplement des yeux immenses de Saül qui dérivent sur mon ventre pendant que l’autre pot de colle bat des cils en s’imaginant de la reconnaissance et de la gratitude arrachées de force à cause de ses compliments bidon. Je sais que je suis ravissante, ça fait partie du processus de préparation avant de venir dans un endroit où on se doute que son mari se planquera entre deux tartines et trois gravlax. J’ai fait gaffe à me laver les cheveux quand même, on se prend pas pour n’importe qui quand on va jouer dans la cour des grands. Oh et puis ça va les coups d’oeil entendu sur ce qui grandi depuis les derniers mois, je suis enceinte, c’est pas comme si c’était la première fois que ça arrivait. Le truc avec les grandes gueules, c’est qu’à l’instant où elles ont vidé leur sac il n’y a absolument plus rien qui coule sur leur langue. T’aurais pu minimiser tes flatteries, les étaler sur le long terme, peupler la conversation, être économe. T’as vu j’ai même de jolies boucles d’oreilles et t’as absolument rien dit sur la teinte de mon rouge à lèvres, quel goujat.

« Avez-vous prévu quelque chose pendant les vacances des Fêtes ? » c'est qu’il est gymnaste. « Je pars avec Louise et des amis, un chalet loué sur la côte. » le pied aussi loin dans la bouche, vraiment, un talent inné. « Vous pourriez passer ! Le jacuzzi devrait vous convaincre, j’ai quelques photos attendez, » à quel moment j’ai eu l’air d’être intéressée ? Et il repart, fort et fier, il a dû m’entendre le maudire et s’assurer de m’en donner pour mon argent. C’est très gentil de sa part, les munitions pleuvent, les envies de meurtre aussi. Si Saül est masochiste alors son nouveau meilleur pote me semble suicidaire. Des groupes se promènent et s’échangent de place, ce serait bien que quelqu’un attrape qui que ce soit dans notre trio décalé pour éviter le pire ; le pire, ce serait quoi au final ? Une crise parce qu'il faudra prévoir un accouchement dans un peu moins que deux mois ? Une nouvelle ode à comment je suis devenue si vite une pièce de viande à contempler ? Un coup de coude dans les côtes de n’importe qui ? Je suis pas difficile, faut juste demander et j’obéis facilement. Ce que je ferais pas pour un whisky. « Vous rayonnez vraiment. » plaît-il. « Saül, j’espère que tu t’assures de le lui dire à tous les jours ! » gymnaste ET aveugle, c'est de l'art à ce niveau. « Quand Louise était enceinte de Joshua, je ne passais pas une journée sans - » okay c’est bon, ça suffit. Entre Saül qui joue les statues de cire à pincer les lèvres et à haïr l’univers à travers moi et Casanova version rabais à la langue qui claque trop fort sur son palais, les choix sont assez limités. Mais si l’un est incapable de faire un homme de lui et que l’autre sent trop l’eau de cologne pour que ce soit socialement acceptable, j’ai pas particulièrement envie de rester là à me faire chier non plus.

« Sur la côte, le chalet, hm ? »
« Oui, oui, et les... »
« Ça donne envie. » la main sur l'avant-bras au bout duquel pend son portable qu'il saigne à travers les albums-photos de famille et le coup d'oeil de biais à Williams senior avant de passer à truc j'sais même pas son nom, tout ça, c'est cadeau.
« ... et les photos, j'y arrive... »

J’aurais pu simplement leur souhaiter une bonne soirée et m’éclipser, c’est vrai que l’option était sur la table. Dommage que je l’ai pas considérée. Dis ce que t’as à dire Saül, qu’on en finisse.
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyVen 31 Déc 2021 - 16:10

« C’est trop d’honneur. » A qui s'adresse-t-elle ? Sont-ce les premiers mots à l'attention de Saül pour son retour ? Rien n'est moins sûr. Sans chercher à savoir, l'italien vide sa coupe, une main dans la poche. Elle ne porte pas au poignet la montre qu'elle a dérobée. Où est-elle, cette autre promesse ? « Avez-vous prévu quelque chose pendant les vacances des Fêtes ? » Oh non. « Je pars avec Louise et des amis, un chalet loué sur la côte. Vous pourriez passer ! Le jacuzzi devrait vous convaincre, j’ai quelques photos attendez. » « Ce n'est pas nécessaire. » Mais le goujat continue malgré tout son entreprise, sous le regard excédé du quarantenaire qui attrape à la volée une autre coupe de champagne. Il lui en faudra de nombreuses pour survivre à la soirée. « Vous rayonnez vraiment. Saül, j’espère que tu t’assures de le lui dire à tous les jours ! » Depuis quand se tutoient-ils ? « La plupart du temps, elle n'écoute pas. » qu'il lance, les yeux plantés dans ceux d'Ariane. Parfois, elle ne répond pas à ses messages ni à ses appels. Cette habitude a la vie tenace. Et elle l'aura pour quelques temps encore. Le lèche-botte est lourd et il est visiblement marié, ce qui ajoute encore plus de ridicule à la situation. Mais après tout, Ariane et Saül n'étaient ils pas dans l'exact même situation il y a de ça quelques longs mois ? A mentir à leur partenaire. C'est Elise qui devrait être en train de se réjouir. Si seulement elle voyait ce qu'il se passe juste sous le ciel de Brisbane...

Mais elle n'en entendra pas parler. Elle n'apprendra pas le retour d'Ariane de la bouche de Saül. Elle pourra se moquer de lui en privé, mais certainement pas sous son nez. Oui, comme c'est drôle, Ariane est revenue mais elle ne veut pas de son mari. Hahaha. Rira bien qui rira le dernier.

« Sur la côte, le chalet, hm ? »
« Oui, oui, et les... »
« Ça donne envie. »
« ... et les photos, j'y arrive... »
« Ce n'est vraiment pas nécessaire. » que l'italien répète plus fort, comme une plainte pour qu'on l'achève.
« Tu es invité aussi, Saül, je ne veux pas paraître désobligeant et n'inviter que ton épouse. »
« Merveilleux. »

La proposition sonne le glas de Saül qui accepte pour deux. Il sera assurément le seul à se présenter au chalet et inventera une raison pour l'absence d'Ariane. Se servira-t-il d'Abel cette fois-ci ? De toute façon, personne ne se doute qu'Ariane l'a quitté. Les gens font peut-être semblant de ne rien voir ou alors sont tout simplement stupides. Alors que lèche-botte fait défiler les photos, Saül en profite pour alpaguer un serveur passant vers le petit groupe. Oui, c'est une bouteille de cet excellent champagne dont il souhaite se servir, même si monsieur, on ne sert pas les bouteilles. Si, on se fait servir une bouteille, quand on est Saül Williams. Fait-il cela pour attirer l'attention d'Ariane ? Certainement. Tout est bon à essayer. De toute façon, elle ne peut pas boire. Peut-être bien qu'elle s'en fiche. L'enfant à naître n'est de toute façon probablement pas de Saül, alors l'italien a décider de prétendre qu'il n'en a rien à faire.

Et pourtant, l'ambiance devient étouffante. L'homme d'affaires ne peut plus vraiment se tenir dans ce petit cercle. « Je viens de voir que le président de Logan's est arrivé. Je vous laisse un instant. » Son dernier regard est pour Ariane, qu'il frôle en partant pour les toilettes. Enfermé dans la cabine, c'est son nez qu'il rempli de poudre avant de jeter le sachet loin de sa vue. La respiration courte, Saül sait qu'il ne retournera pas sur cette Terre qui était la leur. Leur champ de bataille dont il triomphait à deux, épatant tous les couples présents ces soirées là. Cette fois-ci, Ariane est vainqueur, seule. Et pour la première fois, Saül sent réellement son absence. C'est d'autant plus douloureux que madame sa femme parade auprès d'un autre.
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Message(#)and loving you was easy, it was you leaving that scarred | willer #48 EmptyVen 31 Déc 2021 - 20:37

Si les autres invités savaient quel genre de joute était en train de se placer dans les cartes, je suis persuadée qu’ils se seraient approchés promptement de notre petit cercle. Depuis quand est-ce que les terrifiants Williams seconde édition ne faisaient pas de scène en soirée ? La faute aux serveurs incompétents ou aux dignitaires barbants, on avait toujours de quoi soupirer, râler sous la main. Aujourd’hui par contre, j’ai l’impression que tout est en suspens. T’es à deux doigts d’exploser Saül, je sais, je vois tes yeux qui piquent, qui cherchent du champagne, qui flambent tout sur leur passage. Je vois tout ça. « Ce n'est pas nécessaire. » et je l’entends aussi, visiblement, quand l’ennemi numéro un passe en formule ping pong entre Smith et moi. « La plupart du temps, elle n'écoute pas. » « Ah ah, les femmes ! » ah, ah, bien sûr. L’aller simple à la vieille école du siècle dernier a l’air marrant à travers son rire gras de quinquagénaire mal choppé.

Et ses doigts potelés qui manipulent son téléphone trois fois trop petit pour qu’il n’ait pas l’air gauche à naviguer entre les albums-photos pour lesquels je porte tout sauf attention. J’ai un regard à tenir par-dessus l’épaule de M. Chalet sur la côte, pour des raisons toutes aussi importantes que risibles. L’un va avec l’autre. « Ce n'est vraiment pas nécessaire. » « Tu es invité aussi, Saül, je ne veux pas paraître désobligeant et n'inviter que ton épouse. » jamais de la vie il accepte et jamais de la vie je me pointe là-bas, c’est mort mon gars. Et quand je finis par laisser un sourire en coin percer sa place sur mes lèvres, une fossette en plus, Saül se charge du reste.  « Merveilleux. » jamais de la - hen quoi ? « Il nous tarde d’y être. » évidemment que je rafle le dernier mot. Évidemment que je n’y comprends rien. Dans quel monde est-ce qu’il acceptait ce genre de conneries de plan lourd entouré de gens lourds dans un chalet lourdement au fin fond du ; ouh, c’est vrai qu’il en jette son jacuzzi.

Une bouteille, vraiment ? Si sa façon de régler ses comptes avec moi est de nous booker un week-end dans une villa en bord de mer et de se filer un mal de tête en avance en buvant des litres de bulles alors soit, jouons. « Je viens de voir que le président de Logan's est arrivé. Je vous laisse un instant. » ou ne jouons pas du tout. Presque décevant, pas tout à fait étonnant. Il y a une main qui se perd sur ma taille quand lui se perd dans la foule, personne ne retient personne et personne n’attrape une dernière fois les prunelles de qui que ce soit. Tu vois que ça a pas fait si mal que ça, les retrouvailles. Quand on est bien hypocrites et qu’on ravale des questions qui donneraient des réponses qu’on serait pas capable d’assumer, normal que ça se passe comme dans du beurre. Certains diraient qu’on a grandi, évolué, qu’on est matures et inspirants dans notre façon bien posée de gérer la situation. Si situation il y a à gérer. Certains ne le verraient pas bifurquer vers le couloir des salles de bain, certains ignoreraient l’habitude qu’il a prise lorsqu’il s’y tire en soirée, certains n’étaient pas là aux tous débuts des hostilités pour connaître la marche à suivre par coeur. Rien n'a changé.

Contre toute attente ce sont mes yeux qui quittent sa nuque les derniers, une fois sa silhouette perdue entre deux têtes d’inconnus, ils se ressemblent tous de face comme de dos. « J’ai bien peur qu’il nous ait abandonnés pour la soirée. » « Quel dommage, » pas de Saül, pas d’envie de m’éterniser sur le bras de quiconque. Ma main se retire du poignet de l’autre, un sourire presque poli - ou menaçant pour plusieurs, quand Ariane sourit c’est jamais bon signe on vous l’a jamais dit ?, c'est tout comme au revoir. À mon tour de céder ma place à quelqu’un qui veut parler d’investissements et d’actions comme de l’eau. J’ai pas eu besoin de me justifier avec une excuse bidon Saül, pour m’en aller, t’as vu ? Ni ce soir, ni ce jour-là.
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