Ma respiration s’accélère à mesure que je sens sa présence se rapprocher. Il est là, j’en suis persuadé, il reste tapis dans l’ombre sans que je ne trouve aucune issue pour m’échapper. Tout autour de moi, j’entends sa voix, parfois dans un murmure tantôt dans un hurlement qui me glace le sang. Il est énervé, je peux le sentir dans tout mon corps, chacune de ses intonations me provoque un frisson. Je voudrais voir son visage, mais voilà que mes pieds refusent de bouger, je suis là, dans notre cuisine, sans avoir la moindre possibilité de m’échapper. Dans mon dos, il vocifère des horreurs, celles qu’il a toujours aimé dire, celles qui viennent égratigner ma confiance et lui donne alors le plein pouvoir. Je pleure, je supplie pour qu’il cesse, mais rien ne se produit. Je suis tétanisée et il arrive, je peux presque sentir la chaleur de son corps juste derrière moi. « Je vais te faire payer de m’avoir quitté. » Mon cœur va exploser sous la peur tandis que je suis toujours incapable de me mettre à courir. Paralysée, il ne me reste plus qu’à attendre les coups quand il ne cesse de répéter qu’il finira toujours par me retrouver. Son visage apparaît, enfin, dans la pénombre de la pièce. Son expression est figée par la rage et son regard n’adresse que du dédain tandis qu’il lève la main… Alors je supplie, encore et encore, pour qu’il arrête.

Brutalement, la réalité supplante le cauchemar lorsque dans un cri étouffé, je me réveille enfin. Ma poitrine se soulève à un rythme effréné tandis que mes yeux fous scrutent les moindres recoins de l’appartement. Ma peau est couverte d’une fine couche de transpiration et je peine à retrouver une respiration normale. Dans le couloir, à l’extérieur, j’entends des bruits de pas qui se rapprochent. Puis plus rien, si ce n’est mon angoisse qui ne cesse de grimper en flèche. Le bruit semble reprendre et surtout se rapprocher de ma porte d’entrée. Je crois qu’il est tard, je ne sais plus vraiment, il semblerait que je me sois assoupie devant la télévision, mais je ne sais me défaire de ce cauchemar et surtout de sa voix. Lawrence, à jurer de faire de ma vie un enfer et tous mes instincts me persuadent que c’est lui qui est en train de rôder dans le couloir. D’une main tremblante, j’attrape mon téléphone qui traîne sur l’accoudoir sans jamais composer le moindre numéro. Il me faudra trouver une force surhumaine pour réussir à me lever et à aller regarder par l’œilleton ce qui peut bien se tramer à l’extérieur. Je ne vois rien, malgré la lumière dans le couloir. Si je devrais me sentir soulagé, l’angoisse continuée de m’attraper à la gorge. Affolée, incapable de rester seule surtout, je tente d’appeler Megan, sans succès. Lorsque mon deuxième appel se termine sur la messagerie vocale de Trent, voilà que je panique à nouveau. Je ne me sens absolument pas en sécurité dans cet appartement trop grand pour moi, au point d’en avoir un mal de ventre incroyable. Le moindre bruit fait s’accélère les battements de mon cœur, je jure entendre sa voix de partout. Le cauchemar se veut bien trop réel.

Rien ne semble rationnel dans ma décision de prendre la fuite, mais rester seule ne semblait plus être une option viable. Si par habitude, mon instinct m’aurait directement envoyé auprès de Megan, son récent mariage me pousse à éviter son appartement pour mieux me diriger vers un endroit que je connais plutôt bien ces derniers temps. Il est presque minuit lorsque je frappe lentement à la porte de Trent. Il n’a jamais répondu à mon appel et je n’ai clairement pas pris la peine de le prévenir. Je suis juste là, sur la pas de sa porte, le corps encore tremblant des souvenirs de mon cauchemar, les yeux probablement rougis par les larmes. Et lorsque la porte s’ouvre sur mon ami qui semble épuisé, j’ai soudainement la sensation d’être la pire des emmerdeuses. « J’aurais pas dû venir, pardon. » Tu vois bien que tu le déranges, t’es vraiment trop conne Shiloh.

@trent higgins

Depuis que les jumeaux ont passé quelques nuits chez Charlie, tu sens que l’anxiété de ta fille se fait de plus en plus élevée, comme si elle craignait soudainement que tu ne disparaisses encore chaque fois qu’elle ferme les yeux. Elle peine à le communiquer, ta petite tête blonde d’à peine âgée de deux ans, mais tu le sens dans la manière qu’elle s’accroche à toi chaque fois que tu dois partir, ou cette façon qu’elle a de te suivre partout dans ton appartement. Tu sais qu’il ne s’est rien passé de spécial chez Charlie pourtant, tu ne doutes aucunement du fait que ton ex a bien pris soin des enfants pendant que tu t’occupais de Chloé, mais de voir Siobhan avoir perdu ses repères ainsi, ça te stresse dans ton idée d’entamer une garde partagée avec la Ivywreath. Ce serait une question d’habitude, évidemment, le temps qu’elle se fasse à la distance avec toi, au rapprochement avec sa mère. Tu sais que tout le monde en sortirait gagnant au final, mais ça te rend nerveux tout ça. Tu détestes la voir si à fleur de peau, ta petite fille sensible qui prend tout à cœur du haut de ses trois pommes.

Ce qui est le plus difficile à gérer en ce moment, ce sont les nuits. Elle n’a jamais été une grande dormeuse Siobhan, mais dernièrement, c’est pire que jamais. Les réveils sont multiples et les endormissements prennent de plus en plus de temps, quand tu dois la bercer souvent pendant presqu’une heure entre chaque réveil avant de finalement pouvoir la déposer. Tu n’as jamais été capable de laisser les jumeaux pleurer, et si on t’a souvent dit que tu les couvais trop, tu n’as jamais pu te résoudre à agir autrement avec eux. C’était parfois impossible à gérer entre Aaron et Siobhan, et tu ne comptes plus le nombre de nuits où tu as vu passé toutes les heures de la nuit, mais tu as toujours su t’en sortir, comme tu as bon espoir que les nouvelles insomnies et anxiétés de ta fille ne soient qu’une passe par laquelle il vous faut passer, mais qui ne durera pas. Tu t’efforces de te le dire encore et encore alors que tu chantonnes faussement les premières comptines qui te viennent en tête, tes doigts caressant les longs cheveux blonds de Siobhan qui somnole dans tes bras, mais qui s’efforce constamment de combattre le sommeil en relevant la tête pour s’assurer que oui, tu es toujours bel et bien là.

Tu n’as pas encore dormi ce soir et tu ne peux t’empêcher de soupirer quand tu vois sur l’horloge de la cuisine qu’il est bientôt minuit. Tu viens enfin de redéposer la petite dans son lit et tu espères sincèrement, quoique naïvement sans doute, qu’elle dorme pour le reste de la nuit. Tu te frottes les yeux de fatigue et puis tu te sers un verre d’eau, prêt à prendre le chemin de ton lit. Ce sont quelques coups contre la porte d’entrée qui te retiennent toutefois. Surpris, tu te demandes qui peut bien se trouver de l’autre côté du panneau de bois. Delilah est couchée depuis quelques heures déjà et ton esprit pense automatiquement à Zoya, à qui tu n’as pas parlé depuis votre terrible dispute. Tu ne te sens pas prêt à lui faire face tout de suite et tu t’imagines déjà lui dire de rentrer chez elle lorsque tu ouvres la porte, seulement pour découvrir une silhouette qui n’est pas celle de la Lewis. C’est plutôt Shiloh sur qui tu poses les yeux, son visage fatigué et ses yeux bouffis témoignent d’une soirée difficile et c’est l’inquiétude qui prend le dessus sur la surprise. « J’aurais pas dû venir, pardon. » « Dis pas n’importe quoi, rentre. » que tu l’intimes d’une voix douce alors que tu poses une main sur son épaule pour l’inviter à pénétrer dans ton appartement, refermant la porte derrière elle. « Qu’est-ce qui se passe? Ça va pas? » Tu la guides jusqu’au canapé, où tu l’invites à s’asseoir et tu te rends à la cuisine pour lui servir un verre d’eau que tu lui offres dès que tu viens prendre place à côté d’elle. « Je suis là. » que tu la rassures dans un murmure, craignant qu’elle éclate en sanglot d’un instant à l’autre.

Mes doigts ne cessent de s’ouvrir et de se refermer sur l’anse de mon sac à main. À chaque nouveau mouvement, la pression se fait un peu plus forte sur l’objet, juste pour me rappeler que le cauchemar est terminé et que je suis bel et bien réveillée. Je cherche à ignorer les battements frénétiques de mon cœur pour mieux prendre en compte tous les bruits qui m’entourent, malgré le fait que j’ai vérifié par deux fois que personne ne m’avait suivies dans l’immeuble avant que je ne me faufile dans l’ascenseur. Il n’est pas là, ce n’était qu’un rêve, dans un instant, je serais en sécurité. C’est le mantra que je ne cesse de me répéter alors que mes pas semblent résonner avec force dans le couloir vide. Juste un léger coup sur la porte et tout ira mieux. Qu’importe l’heure, qu’importe s’il est crevé, au plus profond de moi, je sais que Trent m’ouvrira sa porte en grand. Je le sais et pourtant, le doute ne cesse de m’envahir au point de vouloir faire demi-tour alors qu’il a déjà ouvert et qu’il a déjà posé son regard sur moi. Je ne sais plus réellement où j’en suis, mes émotions partent à tout-va sans jamais donner la direction qui évitera les larmes. « Dis pas n’importe quoi, rentre. » Malgré son assurance, j’hésite encore un instant, trouvant débile le fait de l’avoir dérangé à une heure aussi tardive alors qu’il a des enfants et toute une vie à gérer. J’hésite, mais son regard bienveillant fini par me convaincre de faire un pas en avant. Dès l’instant où la porte se referme derrière moi, je sens toute la pression qui s’envole. Je suis en sécurité.

« Qu’est-ce qui se passe? Ça va pas? » Il me faut un temps, pour souffler, pour ne pas fondre en larmes. Parce que je suis fatigué de toujours pleurer, de ne plus savoir gérer mes émotions autrement que dans les sanglots. Alors, je le suis jusqu’au canapé sans prononcer le moindre mot, bien incapable de laisser confiance à ma voix. Je prends une minute de plus pour réaliser que je suis chez mon ami, que je n’ai plus aucune raison d’avoir peur de l’extérieur désormais. « Je suis là. » A ses mots, ma main vient se glisser sur son bras, pour sentir sa peau chaude sous la pulpe de mes doigts. Comme lorsque les garçons nous forçaient à regarder un film d’horreur, je viens me blottir contre son flanc, fermant les yeux juste une seconde. « J’ai fait un cauchemar. » Cela sonne si puérile, mais après tout, il ne s’agit que de la stricte vérité. Ce n’était qu’un mauvais rêve de plus et pourtant, il m’a paru si réel, si tangible. « Ils sont tellement nombreux depuis que Megan ne vit plus à l’appartement. » Jamais je ne blâmerai mon amie pour avoir choisi de suivre son époux, c’est la suite logique à son mariage, c’est tout ce dont elle avait besoin pour être pleinement heureuse. Mais son départ à laisser un trou immense dans mon quotidien au point d’en venir à perturber mes nuits. « J’ai peur qu’il me retrouve Trent. » Je suis même terrifiée à cette idée. « Je savais pas où aller d’autre. » Je ne me voyais pas aller frapper chez son frère, cet appartement, c’est le seul lieu qui m’est venu en tête quand rester seule à l’appartement n’apparaissait plus comme une option fiable.

Tes inquiétudes pour Siobhan se dissipent rapidement et se remplacent par des inquiétudes que tu accordes à Shiloh que tu ne t’attendais pas à voir sur le pas de ta porte à une heure aussi tardive. Elle est dans tous ses états, tu la connais assez pour le savoir sans même qu’elle n’ait besoin d’ouvrir la bouche et si elle hésite avant de rentrer dans ton appartement, tu insistes, refusant de la renvoyer chez elle sans savoir ce qui se passe. Tu te fais aussi patient que possible avec lui alors que tu la couves du regard, à la recherche du moindre indice sur ce qui a bien pu se passer pour qu’elle arrive ici ainsi. Il y a longtemps que tu n’as pas été cette personne-là pour Shiloh, celui vers qui elle se tourne quand son univers est chamboulé, l’épaule sur laquelle elle sait qu’elle peut venir pleurer et même si tu détestes la voir ainsi, tu es content de voir que tout n’est pas complètement disparu de votre complicité malgré ce qui s’est passé dans les dernières années. Sa main se glisse sur ton bras et elle se blottie contre toi, comme elle avait l’habitude de le faire par le passé et dans un geste tout ce qu’il y a de plus naturel, tu viens passer ton bras autour d’elle pour la rapprocher un peu plus de toi. « J’ai fait un cauchemar. » Tu n’as pas besoin de lui poser la question pour connaître le sujet de son cauchemar. Tu le détestes Lawrence, d’avoir encore une telle emprise sur Shiloh. Tu le détestes quand tu penses au mal qu’il a pu lui faire et puis tu t’en veux toujours un peu, de ne pas avoir su pouvoir la protéger quand ça arrivait. Silencieux, tu te contentes de caresser son bras doucement, dans une tentative de lui rappeler que ce n’était qu’un cauchemar, qu’elle est réveillée maintenant et que tout va bien aller.

« Ils sont tellement nombreux depuis que Megan ne vit plus à l’appartement. » Ton cœur se serre un peu plus. Tu sais que son amie et ancienne coloc s’est récemment mariée et qu’elle est partie vivre avec son époux, laissant Shiloh toute seule derrière. « Ça fait longtemps qu’elle a déménagé? » C’est ta façon de lui demander combien de temps est passé depuis que les cauchemars se font de plus en plus fréquents pour elle, depuis combien de temps est-ce qu’elle tente de gérer avec ça par elle-même? « J’ai peur qu’il me retrouve Trent. » Tu secoues la tête et puis baisses les yeux vers elle. « Ça n’arrivera pas. » que tu souffles d’une voix douce mais confiante. Sauf que tu ne sais pas vraiment, jusqu’où il serait prêt à aller et si tu ne le laisses aucunement paraître, l’idée qu’il puisse revenir faire du mal à Shiloh te hante, même si tu te promets de ne pas le laisser faire. « Et puis t’es pas toute seule. Y’a personne qui va le laisser s’approcher de toi s’il ose venir jusqu’ici. Surtout pas moi. » Tu t’imaginais déjà prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher un tel virement de situation, et elle te connaissait assez pour savoir que tu ne plaisantais jamais lorsqu’il s’agit de la sécurité de ceux qui te tiennes à cœur. « Je savais pas où aller d’autre. » « T’as bien fait de venir ici. » que tu la rassures aussitôt. Tu es content qu’elle ait pensé à toi, content qu’elle se soit sentie assez en confiance pour le faire. « Tu peux rester ici cette nuit, et aussi longtemps que tu voudras. » Ton appartement n’était pas le plus luxueux, ni le plus grand, mais tu saurais toujours faire de l’espace pour la blonde, si elle en avait besoin. « Ma porte t’a toujours été ouverte, Shiloh. » Même quand tu lui en voulais, même quand tu la maudissais pour le silence qu’elle avait imposé, contre sa volonté, entre vous deux, même quand tu pensais que vous ne pourriez jamais retrouver votre complicité d’antan.

Ce sont les petites choses qui permettent de me rassurer. L’odeur familière du parfum de Trent, la sensation de sa peau chaude qui entre en contact avec la mienne, le tissu de sa veste que j’agrippe entre mes doigts et son souffle qui s’en vient en rythme avec le mien. C’est bien tout ce dont j’avais besoin pour me rappeler que tout cela n’était qu’un cauchemar parmi tant d’autres. Juste une illusion assez forte pour me forcer à quitter mon appartement pour tenter de venir trouver du réconfort. Alors je me concentre sur le moindre de ses gestes, sur ses mots lentement murmurés tout en réalisant que ses enfants dorment et que je suis probablement la dernière des idiotes à débarquer ainsi sans prévenir à l’avance. « Ça fait longtemps qu’elle a déménagé? » Il s’abstient de toute remarque Trent dans cet élan de gentillesse qui le représente tant. « Depuis Septembre. » Ce qui semble être tout autant une éternité comme un très court laps de temps. Jamais je n’en voudrais à Megan d’avoir choisi de rejoindre son fiancé, bien au contraire, mais il est vrai que la vie sans elle est bien différente. Pour la première fois depuis des années, je me retrouve seule dans un appartement et bien souvent trop seul avec mes pensées. Alors je cogite, alors je laisse les angoisses prendre le dessus, au point de fuir.

« Ça n’arrivera pas. » Je voudrais être aussi déterminée que lui, persuader que Lawrence ne reviendra plus jamais, mais cette peur-là, elle me colle à la peau. Ce n’est pas tous les jours, c’est toujours différent, mais le sentiment reste accroupi dans l’ombre, prêt à me sauter à la gorge à tout moment. « Et puis t’es pas toute seule. Y’a personne qui va le laisser s’approcher de toi s’il ose venir jusqu’ici. Surtout pas moi. » Pour cela, je veux bien le croire aveuglément. Quand je n’avais su me tourner vers eux, mes proches continuaient à s’inquiéter pour moi, au point de toujours vouloir me protéger à ce jour. Je ne sais pas réellement si Trent m’a pardonné mon absence, on n’a jamais réellement repris cette conversation, pourtant, je lui fais confiance. « Je sais. » que je souffle lentement, cherchant encore plus d’espace pour me blottir contre lui. Il est l’étreinte rassurante que je passais mon temps à chercher auprès de Nathan auparavant. Ce soir encore, son absence pèse encore plus lourd sur mes épaules. « T’as bien fait de venir ici. » - « Merci de m’avoir laissé entrer si tard. » Je murmure encore plus doucement que lui, par peur de réveiller les jumeaux. « Tu peux rester ici cette nuit, et aussi longtemps que tu voudras. Ma porte t’a toujours été ouverte, Shiloh. » Déjà, je secoue la tête prête à réfuter cette invitation. « Juste ce soir, je veux pas m’imposer. » Parce que je m’en voudrais bien trop de m’immiscer ainsi dans son quotidien alors qu’il a des enfants, une vie de famille qui ne me regarde en rien. Il a sa vie et je ne peux tout simplement pas débarquer ainsi pour une durée infinie. « C’est vraiment gentil Trent, mais je vais pas fuir mon appartement éternellement. » Je lui souris un peu, avant de me redresser lorsque je réalise que je suis presque avachie sur lui. Voilà que je me racle la gorge et que je ne cesse de tirer sur les manches de ma veste. « Tu dois être fatigué, je vais pas te retenir. » Je pourrais me contenter du canapé, c’est bien certain. « Je… » Les mots me manquent, j’allais encore me confondre en excuses pour l’avoir dérangé ainsi, mais cela s’avère si inutile lorsque son regard croise le mien.

Le silence perdure encore un peu sans qu’aucun d’entre nous ne bouge si ce n’est ma jambe qui ne cesse de remuer dans le vide. Il reste une chose que j’aimerais savoir malgré tout, un dernier point à soulever, malgré l’heure tardive. « Trent, je… Je sais que je l’ai déjà dit, mais sache que je suis véritablement désolée de t’avoir sorti de ma vie aussi brutalement. » Si tout le monde s’évertue à me répéter que je n’avais été qu’une victime, j’estime que mes proches en sont les premiers effets collatéraux, ceux que j’aurais pu gérer bien différemment. « Merci de toujours être là. » Malgré tout ce que j’ai pu faire.

Tu la sens qui se calme à ton contact. Tu le vois, son visage qui reprend peu à peu des traits détendus et ça te rassure de savoir que tu peux encore avoir cet effet calmant sur elle, après tout ce temps. « Depuis Septembre. » qu’elle t’annonce quand tu lui demandes depuis combien de temps qu’elle vit seule. Des mois que son appartement s’est vidé de la présence de sa meilleure amie, des mois sans doute qu’elle accumule les nuits au sommeil agité sans jamais demander de l’aide avant aujourd’hui. Tu détestes savoir que des cauchemars rythment ces nuits depuis tout ce temps autant que tu aurais aimé pouvoir le savoir avant, lui venir en aide avant. « Les cauchemars, ils ont commencé à ce moment-là? » Tes doigts continuent de caresser machinalement son bras, parce que tu veux qu’elle comprenne qu’elle n’est pas toute seule, qu’elle n’a plus jamais besoin d’être toute seule si elle ne le souhaite pas. Que t’es là et que tu ne vas nulle part et que plus jamais tu ne vas laisser quoique ce soit se mettre au travers de votre amitié. « Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai? » Elle t’est bien trop précieuse pour que tu puisses la laisser croire ne serait-ce qu’un seul instant que tu pourrais lui fermer la porte au nez quand elle a besoin de support, quand elle a besoin d’un ami, d’une présence rassurante et sécuritaire dans son quotidien.

« Je sais. » Tu soupires doucement alors qu’elle se colle un peu plus et tu accueilles l’étreinte, réalisant que toi aussi, tu avais bien besoin de sa présence ici ce soir. Elle panse tes blues, Shiloh, par sa simple présence et si tu sais qu’elle se sent mal de te déranger à cette heure, toi, tu es simplement content qu’elle ait pu retrouver son chemin jusqu’ici. « Merci de m’avoir laissé entrer si tard. » « C’est rien. Je dormais pas de toute façon. » que tu lui avoues d’une voix pourtant bien fatiguée. Elles sont courtes, les nuits et les journées elles semblent s’éterniser sans bon sens, mais c’est la vie d’un parent et tu ne peux que faire de ton mieux pour les jumeaux, tout particulièrement pour ta fille qui a constamment besoin de toi. « Juste ce soir, je veux pas m’imposer. » Tu te redresses légèrement pour pouvoir croiser le regard de la blonde. « Tu t’imposes jamais. » Tu es terriblement sérieux et tu as besoin qu’elle t’entende, qu’elle comprenne qu’elle ne pourrait jamais t’importuner ou te déranger de quelconque façon qui soit. « C’est vraiment gentil Trent, mais je vais pas fuir mon appartement éternellement. » Non, c’est sûr que ce n’est pas une solution qui fait du sens à long terme. « Est-ce que tu as pensé à te trouver une nouvelle coloc? » Tu ne sais pas si elle a des amies qui auraient besoin d’un nouvel endroit où loger, mais tu doutes qu’elle soit réellement ouverte à l’idée d’ouvrir sa porte à une inconnue. « Tu peux toujours rester ici si tu veux. » que tu suggères, sans trop y réfléchir. « Il y a une chambre de libre dans l’appart, et tu sais que t’es toujours la bienvenue. Je t’avertis par contre, les réveils sont matinaux et c’est rarement aussi silencieux. » que tu lui avoues dans un rire. C’est ta réalité en tant que père et rien ne changera ça, mais ce n’est pas pour autant que tu ne peux pas lui proposer de rester ici, ne serait-ce que temporairement, le temps qu’elle décide de ce qu’elle veut faire ensuite et qu’elle reprenne assez de force et de courage pour faire face à ses peurs.

« Tu dois être fatigué, je vais pas te retenir. » Tu hoches doucement la tête, un coup d’œil à l’horloge te permet de voir qu’il approche bientôt minuit et demi et que d’ici six heures tout au plus, les jumeaux seront levés et prêts pour une autre journée. « Je… » Elle hésite Shiloh, comme si elle se cherchait encore et encore à se faire toute petite alors que toi, tu souhaites lui offrir tout l’espace dont elle peut avoir besoin. « Trent, je… Je sais que je l’ai déjà dit, mais sache que je suis véritablement désolée de t’avoir sorti de ma vie aussi brutalement. » « T’as pas à t’excuser. Tu pouvais pas faire autrement. » Tu le comprends ça, maintenant. Et tu ne lui en veux pas à elle, jamais. C’est Lawrence qui porte le gros du blâme, sur lui que tu répands la colère que tu éprouves quand tu penses à ces années perdues auprès de la jeune femme. C’est lui seul le responsable, le coupable et tu ne veux pas qu’elle culpabilise, Shiloh. « Merci de toujours être là. » « Je vais toujours être là. C’est promis. » Tu viens déposer un baiser sur son front et tu te lèves du canapé, tendant une main vers la Atkins. « Allez viens, t’es pas venue ici pour dormir toute seule sur le divan. » Tu l’aides à se relever et la guide jusqu’à ta chambre. L’endroit est assez neutre, un lit, une simple commode, des vêtements des jumeaux qui traînent ici et là que tu n’as pas encore pris le temps de ramasser. « J’me souviens pas la dernière fois qu’on a eu un sleepover. » que tu relates, amusé. Elle semble loin, l’époque où elle fréquentait ton frère, et même les années qui ont suivi où c’était plutôt elle et toi contre le reste du monde, elle ton premier support après la mort de Kimberley, elle ta meilleure alliée dans bien des situations. « J’suis vraiment content que tu sois là. » Et ton sommeil à toi aussi, sera bien apaisé de la savoir tout près de toi.

Une demi-heure, auparavant, je sentais la crise d’angoisse monter au point de m’enfuir de chez moi. Désormais installer dans le canapé de Trent, accueilli par la chaleur de son logement et l’étreinte de ses bras, je sens les battements de mon cœur se calmer et mon esprit prendre un peu de repos. Mes muscles sont encore douloureux d’avoir été autant crisper, mais je finis petit à petit par me relaxer dans cet endroit où je me sais parfaitement en sécurité. « Les cauchemars, ils ont commencé à ce moment-là? » Il a compris que quelque chose clochait et que l’événement de ce soir n’avait rien de nouveau depuis le départ de Megan. Je m’en veux de parler ainsi, de rejeter la faute sur les épaules de ma meilleure amie quand elle n’a fait que suivre son amour. Il fallait qu’elle déménage et je me devais d’apprendre à vivre seule. La plupart du temps, les soirées se déroulaient sans encombre et je pouvais passer une nuit sans m’inquiéter des cauchemars ou de mes souvenirs, mais d’autres soirs tout se compliquait en quelques minutes seulement. « Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai? » C’était le cas auparavant, quand il faisait partie de mon quotidien, quand je passais parfois plus de temps chez les Higgins que chez moi. Il était devenu mon ami sans que rien ne soit jamais forcé, parce que je passais le plus clair de mon temps avec son frère et sa sœur. Même s’il était plus âgé, on avait fini par se trouver des points en commun en grandissant et aujourd’hui il est plus que naturel pour moi de venir chercher du réconfort auprès de Trent. En l’absence de Nathan, il est l’homme en qui j’ai probablement le plus confiance désormais. « Je sais… » que je souffle lentement. Je ne veux pas qu’il s’inquiète d’un rien ou qu’il me reproche, encore une fois, de n’avoir rien dit. « C’est pas tout le temps. » que j’avoue alors sans jamais décoller mon regard du sol. « J’ai juste entendu du bruit dans le couloir et… Il a dit qu’il viendrait me chercher un jour. » C’était il y a des mois de cela et Lawrence n’est jamais revenu à Brisbane, mais je pense encore à tout cela, c’est une phrase qui m’obsède, une éventualité qui me terrorise.

« C’est rien. Je dormais pas de toute façon. » Un instant, mon regard s’attarde sur son visage, à en décrypter les moindres mouvements, à se jouer des angles de lumière pour mieux voir apparaître ces cernes. « Tu as l’air épuisé… » Et voilà que je viens en rajouter avec mes histoires à dormir debout, alors qu’il a une famille à gérer et des problèmes sûrement bien plus important que quelques cauchemars qu’une fille de mon âge pourrait très bien gérer par elle-même. « Tu t’imposes jamais. » Mais ce soir, je n’aurais pas dû débarquer, ne serait-ce sans le prévenir. Je m’en veux quand bien même je réalise que Trent ne me laissera jamais gagner l’argument avec ce genre d’excuse. Il est soucieux et j’ai presque du mal à comprendre pourquoi il s’inquiéterait pour quelque chose d’aussi trivial qu’un sommeil entrecoupé de quelques angoisses passagères. « Est-ce que tu as pensé à te trouver une nouvelle coloc? » - « J’ai pas confiance. » Pourtant, il faudrait que je partage l’appartement avec quelqu’un d’autre, parce que le loyer est élevé et que c’est difficile de tout payer seule, mais aussi parce que la présence d’une autre personne pourrait m’aider. Le problème se tient dans la confiance que je pense dans les gens. Avant, je n’aurais eu aucun souci à poster une annonce sur les réseaux sociaux et a envisager de vivre avec un ou une inconnue. Aujourd’hui, je me dis qu’il n’est plus possible de faire confiance en ce que je croyais être mon instinct et je ne serais plus jamais à l’aise avec l’idée de partager ma vie avec quelqu’un que je connais à peine. « Tu peux toujours rester ici si tu veux. » - « Dis pas de bêtises. » Il est sérieux, je l’entends dans le son de sa voix, mais je n’étais pas venue pour m’imposer de manière durable dans son quotidien. « Il y a une chambre de libre dans l’appart, et tu sais que t’es toujours la bienvenue. Je t’avertis par contre, les réveils sont matinaux et c’est rarement aussi silencieux. » Un léger rire m’échappe alors que je considère réellement sa proposition. Mon regard se perd sur l’appartement et je me demande si cela serait une bonne idée. « On verra si tu me proposes encore ça demain matin. » que je plaisante légèrement pour ne pas imposer ma présence encore plus. On verra, c’est déjà un bon point.

Je reste mal à l’aise à imposer ma présence dans son appartement alors qu’il semble épuiser et que demain ses deux terreurs lui en feront encore voir de toutes les couleurs. Je m’excuse de tout et de rien, je cherche à lui faire comprendre que je n’ai jamais voulu disparaître de sa vie, que je n’avais jamais cherché à lui faire du mal après tout ce qu’il avait vécu. Je m’en veux terriblement de ne pas avoir été là pour lui quand tout semblait parti en vrille avec la mère de ses enfants. Je me justifie sans trop savoir pourquoi, je m’emmêle les pinceaux et lui, il ne cesse de me sourire. « T’as pas à t’excuser. Tu pouvais pas faire autrement. » J’aurai pu pourtant, j’aurai dû surtout. « Je vais toujours être là. C’est promis. » Le geste tendre qui accompagne ses mots aurait presque effet à faire briller mes yeux, alors je détourne le regard juste un instant. « Merci… » que je souffle doucement tandis qu’il me tend la main. « Allez viens, t’es pas venue ici pour dormir toute seule sur le divan. » Je mets un instant avant de comprendre. « Non mais je vais quand même pas squatter ton lit, le canapé, c’est très bien. » Il est pas très grand, mais je trouverais bien une position pour tenter de dormir quelques heures. Déjà, je m’affaire à poser les coussins dans un sens, mais Trent ne l’entend pas de cette oreille et attrape ma main pour m’entraîner dans le couloir jusqu’à la pièce qui semble être sa chambre. Je souris à la vision de la peluche abandonnée au pied du lit, petit souvenir de l’un des jumeaux pour son papa. « J’me souviens pas la dernière fois qu’on a eu un sleepover. » Étrangement, moi, je m’en souviens parfaitement. « Nathan venait de repartir en mission et j’avais pas le moral… » À l’époque, je n’étais déjà plus avec son frère, qui était parti à l’autre bout du pays. J’étais inquiète pour mon jumeau et c’était vers Trent que j’avais su déverser tous mes soucis. « Tu vois, je m’imposais déjà dans ta vie. » Le ton se veut à la blague, mais je me sens presque mal à l’aise face au jeune homme, comme cela n’avait jamais été le cas auparavant. « J’suis vraiment content que tu sois là. » Je me contente de lui sourire tandis qu’il s’active à ramasser des objets dans la chambre. « Laisse tomber Trent. » Je me fiche bien que tout soit rangé au millimètre près.

Après qu’il m’est prêté des vêtements, je suis parti m’enfermer dans la salle de bain. Je quitte mon jean pour mieux enfiler le bas de survêtement et change de tee-shirt. C’est la première fois que je vais me retrouver dans le lit d’un autre homme et je sens cette boule au fond de mon estomac. Mais Trent est un ami, il ne fera jamais rien pour me mettre mal à l’aise, je le sais, j’ai confiance en lui. Lorsque je reviens dans la chambre, il est déjà allongé et seule la lumière sur la table basse éclair la pièce. Lentement, je me glisse dans les draps, restant au bord du matelas, pour ne jamais venir l’effleurer. Je m’allonge sur le dos, probablement prête à fixer le plafond pour les prochaines heures. Trent éteint la lumière et l’on se retrouve dans le noir presque complet si on en oublie la légère lumière amenée par la fenêtre de la chambre. « Je suis allé porter plainte. » La confession est bien plus simple dans le noir. C’est probablement suite à mon élan de courage que les cauchemars sont revenus de manière intense ces deux derniers jours.

« Je sais… » Elle sait et pourtant elle hésite Shiloh. Elle a hésité à venir jusqu’ici ce soir, tout comme elle hésite à te dire la vérité sur ses cauchemars et leurs fréquences, même s’il te suffit de voir les traits tirés de son visage pour deviner qu’elle ne dort pas très bien depuis un moment déjà. Depuis vos retrouvailles, tu fais de ton mieux pour être aussi présent que possible pour elle, mais c’est facile de se perdre dans les obligations du quotidien, dans ton rôle de père qui te gruge la grande majorité de ton temps. Les communications par messages textes se veulent fréquentent entre vous, mais ce n’est jamais la même chose que de l’avoir juste là devant toi, de voir la panique dans ses yeux et d’apercevoir l’ampleur des blessures que Lawrence a laissé sur elle, blessures qui font toujours aussi mal il semblerait après plusieurs mois loin de lui. « C’est pas tout le temps. » Est-ce que c’est toi qu’elle essaye de rassurer ainsi ou elle-même? Qu’importe, tu continues de flatter son bras d’un doux mouvement de va-et-vient alors qu’elle n’ose pas relever le regard vers toi. « J’ai juste entendu un bruit dans le couloir et… Il a dit qu’il viendrait me chercher un jour. » « T’as pas besoin de te justifier Shiloh. » Elle cherche à excuser sa présence alors que tu ne la blâmes pas du tout d’être venue ici, bien au contraire. Tu voudrais tellement pouvoir lui promettre qu’elle n’aura jamais à reposer les yeux sur lui, mais tu refuses de lui faire une promesse que tu te sais incapable de tenir puisque tu n’as pas le moindre contrôle sur les faits et gestes de son ex. « Il a dit ça pour te faire peur, je pense pas qu’il se risquerait à venir jusqu’ici. » Tu ne penses pas, mais tu n’as pas l’assurance que tu voudrais pourtant lui donner. « Il a essayé de te recontacter, récemment? » Tu espères sincèrement que non, que ses cauchemars ne sont pas liés à un quelconque message de sa part parce que sinon c’est toi qui risques de débarquer à Sydney pour aller lui faire quelques menaces, à cet enfoiré. Tu ne te considères pas comment un violent, ni même comme un homme au sang chaud particulièrement et pourtant, la simple mention de ce type et tu vois noir, incapable de tolérer qu’il ait pu faire du mal à la blonde à tes côtés.

« Tu as l’air épuisé. » Le commentaire t’arrache un petit rire. « T’aimes pas mon nouveau look? » Il faut que tu en ris. Tu n’as pas d’autre choix. Tu reçois autant d’aide que possible avec les jumeaux, mais la réalité c’est que tu as bien peu de support dans la vie de tous les jours et qu’avec le sommeil agité de ta fille, ton nombre d’heures de sommeil ne fait que diminuer semaine après semaine dernièrement. « T’en fais pas pour moi, je suis habitué. » Ça vient avec le rôle de père, c’est une partie de ta réalité maintenant et tu n’as d’autres choix que de faire avec, même si tu rêves de la nuit où tu pourras dormir plus de trois heures d’affilée. Tes problèmes de sommeil sont toutefois bien secondaires à tes yeux comparativement à ce que vit Shiloh et tu ne peux t’empêcher de te mettre en mode solution, cherchant un moyen de rendre ses nuits à elle plus douces. L’option d’une colocataire semble être une bonne idée, mais pas sans complication malheureusement. « J’ai pas confiance. » Tu hoches doucement la tête. Tu comprends et tu ne souhaites pas insister plus que de raison sur ce fait. C’est plutôt naturellement que tu lui proposes plutôt de venir s’installer ici, si elle le veut. « Dis pas de bêtises. » Ce n’est pas une bêtise, pas du tout même alors que plus l’idée se fait un chemin dans ta tête, plus elle fait du sens. Il y a de la place ici et ça te ferait du bien d’avoir de la compagnie en dehors des jumeaux, et tu ne doutes pas que Shiloh pourrait t’être d’une grande aide avec tes deux têtes blondes, même si ce n’est pas du tout la raison derrière ton offre. « On verra si tu me proposes toujours encore ça demain matin. » « Je suis sérieux. » Elle rigole, mais toi, tu sais parfaitement que tu n’auras pas changer d’idée au matin. Que l’offre est bonne dès maintenant et qu’elle n’a pas de date d’expiration. « T’as confiance en moi, non? » Tu tournes la tête vers elle et lui offres un large sourire. Elle peut bien mettre la conversation sur la glace pour l’instant, ça ne change rien au fait que l’idée te plaît et que sa présence au quotidien à l’appartement te ferait vraiment plaisir. Ça te fait penser au temps qu’elle fréquentait ton frère et qu’elle était toujours rendue chez vous, ou après quand tu passais tout ton temps libre chez elle avant qu’elle ne parte pour Sydney. Vous aviez toujours eu un lien fusionnel et pour cette raison, tu ne doutais pas qu’une colocation entre vous se passerait bien.

« Merci… » Tu secoues la tête doucement. Elle n’a pas à te remercier parce que tu es sincère. Tu es là pour elle désormais et elle n’a pas besoin de s’excuser encore et encore pour ce qui s’est passé pendant les long mois de silence. Ça fait partie du passé et tu n’as pas envie de t’y attarder, tu préfères et de loin te concentrer sur le moment présent et tout ce temps perdu que vous avez à rattraper ensemble. Tu l’invites à te suivre dans ta chambre, refusant de la laisser dormir sur ton canapé, ce à quoi elle s’empresse de protester la blonde. « Non mais je vais quand même pas squatter ton lit, le canapé c’est très bien. » « C’est pas une option. » Non, pas question qu’elle dorme toute seule sur ton canapé inconfortable et sans doute couvert de traces de baves en tout genre des jumeaux. Tu attrapes sa main et la forces à te suivre le long du couloir jusqu’à la porte qui mène à ta chambre. Ça fait longtemps que vous n’avez pas passé une nuit ensemble comme ça, tu ne parviens pas à te souvenir exactement à quand remonte la dernière fois, mais elle, elle semble se souvenir. « Nathan venait de repartir en mission et j’avais pas le moral… » Ah oui, tu te souviens finalement. Elle s’était vidé le cœur et tu avais fait ton possible pour lui changer les idées avec les derniers épisodes d’une série quelconque que vous regardiez ensemble à l’époque. « Tu vois, je m’imposais déjà dans ta vie. » « Et je faisais bien pire quand je me réfugiais toujours chez toi quand Kim était malade. » Vous aviez toujours su être solide l’un pour l’autre et jamais tu n’avais vu cela comme si elle s’imposait dans ta vie, bien au contraire. Tu tentes de ramasser les quelques trucs des jumeaux qui traînent ici et là dans la chambre, mais Shiloh te coupe dans ton élan. « Laisse tomber Trent. » « Désolé, j’ai pas l’habitude d’avoir une fille dans ma chambre. Enfin pas que… t’as compris ce que je voulais dire. » Tu échappes un rire, réalisant qu’après coup ce que tu avais accidentellement sous-entendu. C’était vrai néanmoins qu’il y avait vraiment longtemps que tu n’avais pas eu quelqu’un chez toi, même platoniquement comme ça.

Tu lui prêtes de quoi se mettre confortable pour dormir et tu viens t’installer avant qu’elle ne te rejoigne. Elle tente de se faire aussi petite que possible de son côté du lit, et tu évites de commenter puisque tu ne souhaites pas la mettre mal à l’aise. « Bonne nuit. » que tu souffles d’une voix enrouée alors que tu éteins la lumière une fois que tu la sais installée. Tu peines à garder les yeux ouverts, réellement épuisé de ta journée et tu jurerais que tu étais sur le point de t’endormir quand la voix de Shiloh brise finalement le silence entre vous. « Je suis allée porter plainte. » D’un coup, tes yeux s’ouvrent à nouveau et tu mets quelques secondes avant de décider de te tourner sur le côté pour lui faire face. Tu ne peux voir clairement les traits de son visage puisque la pièce est plongée dans l’obscurité, mais tu devines vaguement sa silhouette à tes côtés. Doucement, tu viens poser ta main sur son bras. « Ça s’est bien passé? » Tu savais qu’elle hésitait, qu’elle avait peur d’aller au bout de cette démarche, mais tu es content, rassuré de savoir qu’elle l’a fait. « Tu l’as fait toute seule? J’aurais pu y aller avec toi. » Peut-être avait-elle eu besoin de le faire toute seule. « Il va se passer quoi, ensuite? » Tu espérais qu’il payerait cher pour ses crimes, Lawrence.

« Il a dit ça pour te faire peur, je pense pas qu’il se risquerait à venir jusqu’ici. » Il essaye de se montrer rassurant Trent, pourtant le moindre léger sursaut dans sa voix laisse sous-entendre qu’il n’a aucune garantie sur son affirmation. Il ne connaît rien de Lawrence, de la porter de ses agissements et de cette obsession du contrôle qui semble sans cesse le pousser dans la folie de ses actions. Bien sûr qu’il cherche à me faire peur, lui qui aimerait tant encore avoir le contrôle sur ma personne. Mais il s’agit bien plus que d’une petite menace en l’air. « Il en est capable. » Tout simplement. Capable de faire des milliers de kilomètres pour me retrouver, capable de tout pour m’humilier et me rappeler, comme il aimait si souvent le dire, que je ne suis absolument rien sans lui. « Il a essayé de te recontacter, récemment? » - « Non. » Pourtant, c’est bien ce qui m’inquiète le plus, ce silence. Ce n’est pas dans ses habitudes de laisser les choses couler et je viens récemment de lui donner toutes les raisons du monde pour s’énerver. Alors j’attends, nerveuse à l’idée qu’il puisse me retrouver, anxieuse de comprendre quel pourra être sa prochaine avancée. « J’ai changé de numéro, mais bon… » Est-ce que cela va l’arrêter ? J’en doute un peu plus à chaque jour qui passe. « Je reste méfiante. » A Trent, je peux bien tout lui dire, non ? Que Lawrence a réussi à insinuer une véritable peur sous mon épiderme et que la simple mention de son prénom me fait bien trop souvent frissonner de terreur. Je peux le dire, mais il est toujours difficile de faire face à une telle réalité.

Alors autant faire diversion, se concentrer sur quelque chose de bien plus léger, de bien moins personnel aussi. Comme l’air épuisé de Trent, lui qui a toujours le sourire, mais qui ne saurait plus véritablement dissimuler les cernes qui creuse son visage désormais. « T’aimes pas mon nouveau look? » Lui aussi joue à la diversion, mais je serais bien mal placé pour le lui faire remarquer. « C’est so 2021. » que je plaisante légèrement alors que Trent semble accepter le fait que sa vie a désormais profondément changé. Je n’ai pas encore réellement l’occasion de le voir à l’œuvre dans son nouveau rôle, mais je sais sans l’ombre d’un doute qu’il doit exceller auprès des jumeaux. « T’en fais pas pour moi, je suis habitué. » Bizarrement, je ne suis pas inquiète. Les petits sont encore jeunes, l’histoire avec leur maman semble complexe, ils ont probablement besoin de toute l’affection du monde. Dans le fond, peut-être que sa proposition de colocation saurait lui apporter un équilibre différent, je pourrais lui venir en aide pour les tâches du quotidien. L’idée tourne en boucle dans un coin de mon esprit, à me demander si je ne serais pas finalement un poids de plus dans sa vie. « Je suis sérieux. » Bien sûr qu’il l’est, Trent n’aurait jamais dit une telle chose à la légère. Je peux le sentir dans le regard qu’il pose sur moi et je sais que la proposition ne s’en tient pas à une vague de pitié de sa part. « T’as confiance en moi, non? » Sa question me prend sous le coup de la surprise. « Bien sûr, les yeux fermés. » Il est probablement le seul en qui je n’ai jamais eu aucun doute. « Ne remets jamais ça en doute. » J’ai changé, je suis devenu craintive auprès de la gente masculine, mais Trent est quelqu’un parfaitement à part.

Tellement que j’accepte de le suivre dans sa chambre ne voulant entrer dans un débat sans fin que je finirais par perdre. Le canapé me semblait confortable, mais dormir avec Trent n’a jamais été un problème. C’était même devenu une habitude fut un temps, quand tout n’allait déjà pas très bien dans nos vies respectives. « Et je faisais bien pire quand je me réfugiais toujours chez toi quand Kim était malade. » Instinctivement, je hausse des épaules. Ce n’était jamais un problème de l’accueillir, bien au contraire. Tout, c’était transformer en un petit rituel, Trent venait à la maison ou bien, on se retrouvait à l’extérieur. Puis la folie des grandeurs m’a attiré ailleurs, loin de mon meilleur ami, sans jamais oser deviner qu’on en viendrait à se retrouver séparé de la sorte. J’adresse un sourire à Trent, consciente de ma chance quant à ma présence dans son appartement ce soir. « Désolé, j’ai pas l’habitude d’avoir une fille dans ma chambre. Enfin pas que… t’as compris ce que je voulais dire. » Un léger rire m’échappe face à son incertitude et sa maladresse. « Tu te fais du mal tout seul. » que je réponds sur le ton de la taquinerie. Il n’a jamais été question de telle relation entre nous et ce n’est pas du tout dans cette optique que je me glisse dans son lit.

Il est rassurant de sentir la présence du brun à mes côtés. Je l’attends se tourner et sa respiration se fait de plus en plus faible, il est épuisé, mais il reste encore cette information que je n’ai pas délivrée. J’ose espérer que la fatigue fera en sorte que la conversation ne s’éternise pas, mais il est attentionné Trent et bien entendu que tout son corps se tourne vers le mien à la seconde où la bombe est lâchée. « Ça s’est bien passé? » C’est une question auquel je n’avais même pas pensé. « Je crois. » Comment est-ce que l’on sait véritablement si tout c’est bien passé dans ce genre de situation. La femme qui a recueilli mon témoignage était adorable avec moi, mais rien de plus n’aurait pu me donner le moindre indice. « Tu l’as fait toute seule? J’aurais pu y aller avec toi. » Je secoue la tête immédiatement même si la pénombre l’empêchera de voir quoi que ce soit. « Non, j’étais avec Megan. » Je ne me voyais pas appeler Trent pour cela, lui qui n’a pas encore tous les détails. Il n’y avait que Megan de tailler pour le rôle, je ne voyais qu’elle comme pilier capable de jamais flancher malgré mes larmes et mes hésitations. « Il va se passer quoi, ensuite? » C’est bien là que demeure le flou artistique, l’inexactitude des prochains mois. « Lawrence va l’apprendre. » Je n’ai aucun doute que malgré la fatigue, il saura assembler les pièces du puzzle pour mieux comprendre mes angoisses. « Je dois me trouver un avocat pour me défendre. » Megan a bien proposé, mais je me refuse encore de lui demander un tel sacrifice financier. Je laisse quelque peu traîner sachant parfaitement que je finirais par me faire rattraper par ma propre démarche. « Et j’ai peur de la suite. » que je souffle lentement. Il faut croire que le noir est profiteur aux confidences les plus intimes.

« Il en est capable. »
« Pense pas à ça. »

Mais évidemment qu’elle y pense Shiloh, qu’elle en fait des cauchemars. Évidemment que ça lui tourne dans la tête, ce serait même mentir de dire que tu ne redoutes pas une potentielle réapparition de cet homme dans la vie de la blonde, mais tu préfères largement croire que s’il voulait vraiment revenir dans sa vie et y foutre le bordel, il l’aurait déjà fait. Il l’aurait fait quand il avait le momentum des photos, à ce moment où il n’était pas difficile de deviner qu’elle était très vulnérable. Non, il n’est pas revenu et il ne reviendra pas. C’est ce que tu continues de te répéter pour pouvoir ensuite en convaincre la Atkins, apaiser autant que possible sa conscience troublée. « Non. » Tu souffles, soulagé de l’entendre. Ça ne veut pas dire qu’il ne tentera pas à un moment ou un autre, mais tu prends tout de même ça comme un bon signe qu’il n’ait pas tenté quoique ce soit vis-à-vis de la blonde depuis plusieurs mois. Elle refait sa vie, peu à peu, apprend à se reconstruire loin de lui et de son emprise et tu ne comptes pas laisser la moindre chance à ce Lawrence de venir détruire tous les progrès qu’elle fait, même si elle, elle ne les voit pas encore, les progrès. « J’ai changé de numéro, mais bon… Je reste méfiante. » « C’est normal. » que tu lui consens sans la moindre hésitation. « Il faut simplement pas que tu arrêtes de vivre à cause de lui. Il t’a assez volé comme ça. » Et si tu en conviens que c’est plus facile à dire qu’à faire, tu comptes bien être avec lui pour chaque prochaine étape, chaque prochain défi qui pourrait l’attendre, qui pourrait se placer sur son chemin et lui donner l’impression qu’elle sera éternellement prisonnière des griffes de cet homme abusif. Et ça te semble des plus logiques de lui offrir de venir s’installer ici pour pouvoir vraiment être là pour elle, pour rattraper le temps perdu aussi. Elle semble hésitante, elle va même jusqu’à croire que tu plaisantes, mais tu lui rappelles sans l’ombre d’un doute à quel point tu es sérieux. Elle n’a pas besoin de te donner une réponse de suite, elle a simplement besoin d’y réfléchir et de savoir que l’option est disponible, si elle souhaite la prendre. « Bien sûr, les yeux fermés. Ne remets jamais ça en doute. » « Et toi ne remets pas en doute que je suis là. » Un échange qui semble des plus appropriés et qui te soulage de part et d’autre. Tu te répètes sans doute depuis qu’elle est arrivée, mais tu as vraiment besoin qu’elle t’entende, que plus jamais elle ne remette en doute si elle a le droit de venir te voir à toute heure du jour et de la nuit. Ce droit, elle ne l’a jamais vraiment perdu.

Il se fait tard toutefois et bientôt, il te faudra recommencer une nouvelle journée avec les jumeaux et tu sais qu’il te faut prendre avantage de chaque précieuse minute de sommeil disponible à toi dans les heures qui viennent. Tu insistes pour que Shiloh te suive jusqu’à ta chambre, pas question que tu la laisses dormir seule sur le canapé alors qu’elle est venue chercher du support et du réconfort ici. C’est un concours inutile que de prouver qui a été le plus présent pour l’autre quand vous avez tous les deux toujours été en mesure de vous tourner l’un vers l’autre, si on exclue cette période pendant laquelle la blonde était sous l’emprise d’un bourreau. Tu te confonds en excuses inutiles alors que la fatigue te fait un peu n’importe quoi, ce que la Atkins ne manque pas de souligner. « Tu te fais du mal tout seul. » « Désolé. » que tu te contentes de conclure avec un rire alors que tu t’installes, l’invitant à en faire de même. Tu pourrais facilement sombrer, mais tu comprends rapidement qu’il y a quelque chose qui tracasse Shiloh, quelque chose qu’elle n’a pas su te dire avant que vous ne retrouviez la noirceur de ta chambre, ce moment suspendu dans le temps où le mal ne peut vous trouver. Elle t’annonce avoir finalement porter plainte contre Lawrence, une démarche que tu savais nécessaire. « Je crois. » Tu hoches la tête, même si elle ne peut pas te voir. Tu espères qu’elle n’était pas toute seule, que la personne qui a pris sa plainte a su être attentive et n’a pas pris le cas à la légère, ou pire encore remis la parole de Shiloh en doute. « Non, j’étais avec Megan. » Ça te rassure de l’entendre, de savoir qu’elle avait quelqu’un sur qui s’appuyer lors de ce moment que tu devines difficile. « Lawrence va l’apprendre. » « Et c’est pour ça que tu as peur qu’il revienne? » Tout semble faire bien plus de sens, soudainement. « Je dois trouver un avocat pour me défendre. » « Je peux t’aider à chercher, si tu veux. » Tu en connais quelques-uns, même si tu doutes qu’un avocat spécialisé en droit de la famille puisse réellement venir en aide à la jeune femme. Ton avocat doit bien en connaître, qui gèrent ces cas-là spécifiquement. « J’ai des contacts. On va mettre ça en place rapidement, et puis s’il faut obtenir une ordonnance pour empêcher que Lawrence puisse communiquer avec toi, on va faire ça aussi. » Tout de suite, tu passes en mode solution, le plan qui se dessine peu à peu sous tes paupières fatiguées, peut-être un peu trop vite et un peu trop loin alors que Shiloh finit par souffler doucement « Et j’ai peur de la suite. » Tu prends une longue inspiration, t’efforces à rester dans le moment présent pour ne pas inonder la jeune femme de pensées que tu sais anxiogènes. « Une chose à la fois. » C’est bien tout ce que vous pouvez faire désormais. « Tu as pris la bonne décision Shiloh, vraiment. » Il ne fallait pas qu’elle remette ça en doute non plus. « Tout va bien se passer. Je te le promets. » Et d’un geste que tu souhaites réconfortant, tu l’invites à venir se blottir contre toi, pour oublier tout le reste le temps de quelques heures et succomber à un sommeil que tu espères plus doux, ou du moins, sans mauvais rêves.