Seth siffle et moi j’accours. C’est rageant, d’être attaché à quelqu’un que tu déteste autant que tu peux apprécier. Il est aussi énervant qu’attendrissant. Plus souvent énervant en fait. Mais ça arrive, qu’il soit cool, qu’il soit pas si emmerdant. J’ai même un très bon souvenir de la soirée sur le toit. Peut-être que les pilules qu’on a pris y sont pour quelques choses, c’est même sûre. J’devrai sans doute faire en sorte d’en avoir plus souvent, de les écraser et d’lui faire manger dans des cookies pour être sûre qu’il me fasse pas une vacherie ou qu’il soit pas en train de réfléchir à la prochaine remarque blessante qu’il pourrait faire. Y a forcément un truc caché derrière son attitude, c’est peut-être parce que j’ai envie de savoir quoi, que j’suis toujours là. J’suis certaine qu’il est malheureux et qu’il est trop orgueilleux pour être capable de le dire.
J’regrette déjà d’être dans ce hall d’hôpital. On me dit que les visites sont pas autorisées à cette heure-ci, qu’il est déjà trop tard et qu’il faudra repasser demain. J’ai un air déçu sur le visage, fais la tronche, tente de savoir quand même quel étage, quel service, quelle chambre, pour pouvoir y aller directement demain sans avoir à repasser par là. Elle me donne les informations, la nana de l’accueil, elle me dit même que c’est plus simple de passer directement par l’entrée B qui est de l’autre côté de bâtiment, que ça évite d’avoir le monde dans l’ascenseur. Elle sait pas à quel point elle me facilite la tâche de pas devoir me cacher derrière un chariot de linge pour aller dans le couloir juste en face d’elle. Je la remercie et je repars, par la grande porte, prête à rentrer.
Prête à aller vers l’entrée B, oui. Ses explications étaient suffisamment claires pour qu’en moins de quinze minutes, je sois à l’opposé de l’hôpital, juste devant la porte de Seth. J’ai croisé quelques infirmiers ou aides-soignants dans les couloirs, j’ai baissé la tête mais personne ne m’a rien demandé. Comme quoi.
Je pousse la porte après avoir toquer deux fois sans réponse. J’espère pour lui qu’il est pas déjà parti et qu’il a attendu. J’ai réellement mis une heure à venir, comme j’avais prévu. Il a pas intérêt à faire la gueule. Je sais même pas c’qu’il fou ici, je sais même pas pourquoi ni comment il se retrouve là. « Outch. » je grimace en voyant sa tête. Je referme la porte derrière moi, assurée que personne ait remarqué que j’étais entrée dans la chambre, les couloirs sont quasiment désert de toutes façons. « Qu’est ce qui t’es arrivé ? » j’reste à distance, j’ose même pas trop m’approcher.

@Seth Moriarty

L'heure la plus longue de toute ta vie - rien que ça. Tu as dû regarder l'heure aux cinq minutes depuis les derniers messages envoyés. À chaque minute que tu passes, tout ce que tu vois, ce sont les frais médicaux qui augmentent à vue d'œil. Tu ne peux pas rester ici une seconde de plus. Si tu peux te sauver en douce sans que personne ne remarque, peut-être que t'arriveras à passer sous les mailles du filet. Ouais, ouais, c'est beau rêver. Reste qu'ils n'ont aucune adresse à jour à qui envoyer la facture. Qu'ils l'envoient en Angleterre c'est connard. Papa sera fier. Jina met trop de temps. Ça te fait particulièrement chier, mais il te reste juste Maisie que tu sais qui viendra te chercher. T'en entendras parler pendant des années encore. Tu lui seras redevable toute sa vie à l'entendre parler. Tu allais composer son numéro quand la porte de ta chambre se pousse enfin après un très léger toquement sur celle-ci.

« T'en a mis du temps. » « Outch. » qu'elle dit presqu'au même moment. Ouais outch. Ça va. Ça fait juste mal quand tu respires. C'est moins pire que ça en a l'air. Hm, hm. Tu as perdu le décompte des fractures après l'épisode du poumon perforé. Ah bon, une première. Tu devrais peut-être envoyé une copie du rapport médical à ce pédé de Coventry. Ça lui ferait probablement une bonne petite lecture de chevet avant de s'endormir. Tu te redresses pour t'asseoir sur le bord de la civière en gémissant de douleur. « Qu’est ce qui t’es arrivé ? » « Rien. » que tu lui réponds en bougonnant. Hm, c'est sûrement répondre à la question de ne pas y répondre. Même si t'aimerais bien répondre que tu t'es fait renverser par une voiture, c'est évident que c'est pas le cas. « Tu m'files mes fringues ? » Tu désignes le sac dans un coin avec tes fringues souillées de sang a l'intérieur - le tien bien sûr.

Tu te demandes ce qui fait le plus peur; toi avec cette petite jaquette d'hôpital qui donne l'air malade à tout le monde ou quand tu l'enlèves et qu'on peut voir l'étendue des dégâts sur tes côtes. Tu fouilles dans le sac qui a atterri sur la civière à côté de toi. Tu remets d'abord ton tee-shirt, l'étape la plus facile. Ce sera autre chose de te mettre debout sur tes deux pieds. « J'peux dormir chez toi ? » que tu demandes en regardant Jina qui semble toujours pas vouloir s'avancer dans la pièce. « S'te plaît. » S'il te plaît dans ta bouche, ça veut dire que t'es dans la merde. À te voir la tronche, c'est pas trop dur à deviner. Tu ne sais même pas où elle vit Jina. Ca t'a jamais intéressé avant aujourd'hui. Tu espères juste que c'est pas trop loin et que son lit n'est pas trop raide, même si tu vas te contenter de peu importe ce qu'elle t'offre; lit, canapé, tapis d'entrée. C'est déjà mieux que de passer la nuit dans la rue.

A peine passé la porte que c’est déjà un reproche que me fait Seth. Mais je suis plutôt absorbée par l’état dans lequel il est, il a une sale tête, c’est pas beau à voir. J’me demande ce qui a pu se passer et surtout, pourquoi. Enfin, le pourquoi, j’me doute qu’il l’a sans doute cherché, qu’il a du provoquer la mauvaise personne. Ce serait pas étonnant que ce soit pas son premier ni son dernier passage à l’hôpital. Les mecs comme lui finissent toujours par s’attirer des ennuis, et moi, à trainer avec lui, pas sûre que ça finisse pas par m’arriver aussi. Il veut pas m’dire ce qu’il a eu, par contre, pour m’appeler et m’ordonner de venir le chercher, il sait m’trouver. Toujours aussi conne, Jina. « Tu m'files mes fringues ? » je me retourne vers le sac qu’il me montre et le récupère pour lui approcher. Le pose sur son lit et y jete un œil. « J’aurai dû t’apporter des fringues aussi. » c’est peut-être à ça qu’il aurait pu penser en premier, parce que s’il devait sortir d’ici en étant discret, pas sûre que les taches de sang coagulé soient passe partout.
Il commence à se dessaper et je détourne aussitôt le regard. J’ai eu le temps de voir les hématomes sur ses côtes mais j’ai pas envie de m’attarder à le mater. Toujours aussi gênée devant le corps d’un homme ? On va dire que je respecte la pudeur de chacun, c’est une bonne réponse. Seth a toujours le don d’appuyer là où il faut pas, peut être que j’devrais m’faire violence à le regarder une bonne fois pour toute. Bon, il a l’air d’être totalement habillé, j’me tourne à nouveau vers lui, avec son t shirt tâché, c’est dégueulasse. « J'peux dormir chez toi ? » mes yeux deviennent ronds comme des billes. Il a pas d’maison ? Pas d’appart ? C’est chez lui qu’il cherche à fuir ? Peut-être qu’il se fait frapper par son père, ou sa mère ou j’sais pas qui et que cette fois, c’était la fois de trop. Et qu’il peut plus rentrer chez lui. Il habite vraiment encore chez ses parents ? Putain, en fait, je connais rien de sa vie. « S'te plaît. » Plan A : aller chez Cait. Plan B : aller chez Lena. Laquelle est plus propice à pas être chez elle ce soir ? J’dirai que Cait doit être dans sa semaine de garde où elle passe plus de temps ici à l’hôpital que chez elle et qu’on devrait pas être grillé si on va se poser chez elle. « Okay » je calcule rapidement le temps de transport, jusqu’à Redcliff, mais si Cait vient travailler ici tous les jours, ca doit pas être si long. « Bon, t’as un moyen de sortir d’ici sans te faire griller ? T’es capable de marcher au moins ? » parce que si à nouveau, j’dois aller chercher un fauteuil roulant, là, ca relève d’un numéro d’illusionniste pour que personne n’y voit rien. Surtout à cette heure. Les visites sont terminées… mais bon, c’est un hôpital, pas une prison, les patients doivent bien avoir le droit de sortir s’ils le veulent, non ? « j’ai pas de voiture, hm. » qu’il croit pas que j’sois venu avec un bolide pour jouer le taxi. « j’ai pris les transports. » parce que j’me suis doutée que le vélo serait pas forcément une bonne idée pour cette fois. « Mais on peut prendre un taxi… » avant qu’il m’envoie chier pour être inutile.

Elle a l'air traumatisée de la vue qu'elle a devant elle. Elle peut pas arrêter de te dévisager ? Tu te sens déjà assez comme une merde comme ça. Pas besoin qu'elle en rajoute une couche non plus. « J’aurai dû t’apporter des fringues aussi. » Tu jettes un regard brièvement vers Jina sans rien dire. Où est-ce qu'elle serait aller te chercher des fringues ? Tu doutes qu'elle dépense le moindre dollars pour toi. Tu ne fais que hausser les épaules, renifle un coup, avant de retirer ce très charmant vêtement d'hôpital pour remettre tes vêtements crasseux. Qu'elle en profite Jina. Ça durera pas très longtemps ce moment peu bavard où tu joues pas trop les fiers. Après une bonne nuit de sommeil, le bon vieux Seth sera prêt à reprendre du service. Et puis, t'es mieux de te tenir tranquille, parce que tu comptes bien sur elle pour avoir un endroit où dormir ce soir. À la regarder hésiter, ça semble pas gagné. Et avec un petit mot magique ? Un petit s'il te plaît ? « Okay » Bon, parfait. Il faudrait que vous vous dépêchiez de partir avant qu'elle change d'avis. « Bon, t’as un moyen de sortir d’ici sans te faire griller ? T’es capable de marcher au moins ? » « Comme un neuf. » que tu dis en te relevant sur tes pieds - ouais tu manques de te casser la gueule en te levant. Un peu trop confiant pour le niveau de douleur que ce simple geste te procure. « J'comptais sur toi pour la sortie. J'peux même pas te dire comment j'ai atterri ici. » Tu t'souviens de t'être pris un coup de pied en pleine gueule et puis, black out totale. Tu t'es réveillé dans un lit d'hôpital. Comment on fait pour aller à la sortie ? Aucune foutue idée. Tu enfiles ta veste, remonte le capuchon sur ta tête. Un as de la subtilité comme ça.

« j’ai pas de voiture, hm. » Hm, pas étonnant. Pourquoi est-ce que ça sonne comme un on va devoir rentrer à pied ? Pas certain que tu puisses marcher plus longtemps que jusqu'à la sortie de l'hôpital. Par chance que t'as toujours assez d'orgueil pour traverser la ville au complet même s'il te manquerait tes deux jambes. « j’ai pris les transports. » Franchement, t'es pas si exigeant. Les transports, n'importe quoi, tant que vous puissiez vous rendre du point A au point B sans trop vous faire chier. « Mais on peut prendre un taxi… » « Comme tu veux. J'ai pas d'argent. » Ça aussi c'est très surprenant - non, pas vraiment. Les transports, c'est moins dispendieux qu'un taxi. Tu traînes ta carcasse jusqu'à la porte de la chambre. Tu jettes un coup d'œil dans le couloir à droite, puis à gauche. La voie est libre. C'est l'avantage de l'heure tardive. Les surveillances sont quasi inexistantes. « Désolé, c'est moins excitant que d'prendre le risque de s'faire buter par des junkies. » que tu lui dis en regardant Jina attendant qu'elle indique de quel côté était la sortie la plus proche.  Droite ? Gauche ? Bien. À droite. Tu suis Jina avec une démarche zéro subtile. Encore heureux que vous ne croisez personne jusqu'à ce qu'elle traverse la porte qui mène jusqu'à la cage d'escalier. « Et merde… » que tu marmonnes en prenant la première marche pour descendre. C'est un gémissement de douleur qui siffle entre tes dents qui se serrent ensemble. Ce serait moins long de te laisser débouler jusqu'en bas. Franchement, les dégâts ne peuvent pas être pires.

 « J'comptais sur toi pour la sortie. J'peux même pas te dire comment j'ai atterri ici. » c’est intriguant quand même, ce qu’il me dit. Il a pas de souvenir, ou alors il dormait, ou il était inconscient, vu sa tête, il a surement pris cher de toutes façons. Il veut pas me dire, je finirai quand même par le savoir. « t’es pas sous surveillance de la police au moins ? » j’ai un espèce de flash tout d’un coup. Parce que bon, normalement, s’il veut sortir d’ici, y a personne qui peut vraiment l’en empêcher. S’il refuse de se faire soigner, il signe une décharge et basta. Là, il a l’air d’avoir à faire le forcing pour pouvoir mettre un pied dehors. « J’veux pas être coupable de kidnapping ou complice d’un fugitif. » j’en fais trop peut être ? S’il était vraiment sous surveillance judiciaire, il serait peut être menotté à son lit ou alors y aura un agent devant sa chambre ou alors on voit ça que dans les films ? J’en sais rien. Nan, Seth il a juste envie qu’on lui foute la paix et qu’on l’emmerde pas et surtout, il veut pas avoir à rendre des comptes. Même pour se justifier d’avoir envie de partir d’ici. Ca sent la mort dans les hôpitaux, trop d’âme qui sont perdues ici… il a raison de pas vouloir rester. « Ca va, j’connais l’chemin. » c’est juste à faire demi-tour et repartir en arrière.
Je lui propose le taxi, parce que dès qu’il met un pied au sol, il me fait mal. Ca va être impossible de repartir à pied et les transports, ca va durer une plombe. « Comme tu veux. J'ai pas d'argent. » j’hoche la tête. J’ai beau toujours vouloir courir après le fric, la réalité, c’est que j’en manque pas forcément, du moins, j’suis pas à trente dollars près pour prendre un taxi. J’aurai qu’à faire une session de carte en plus ce mois-ci, et on en parlera plus. « Désolé, c'est moins excitant que d'prendre le risque de s'faire buter par des junkies. » ca m’fait sourire, on joue quand même avec le feu, une impression de devoir s’évader de prison. « Comme un escape game grandeur nature, j’suis pro. » mon domaine et là, c’est même plus simple, parce qu’il y a pas d’énigme, pas de cadenas à devoir défoncer. Je le guide vers les escaliers qui sont juste à côté de l’ascenseur que j’avais emprunté pour venir, je sais pas pourquoi, on prend toujours les escaliers pour s’enfuir alors que clairement, ça serait tout de même plus simple et plus rapide de prendre un ascenseur. Et surtout, c’est toujours moins suspect. Juste à prétendre devoir prendre l’air si on croise quelqu’un. J’suis sûre qu’on se donne plus d’importance qu’on ne veut bien nous en donner.  « Et merde… » je l’entends jurer dès qu’il pose son premier pied sur la première marche plus bas. Ok, ca va être long. « Prend ton temps. » parce que j’vais pas le porter, y a un problème de taille et de proportion, ca va pas l’faire.
J’suis à côté de lui et j’attends terriblement longtemps quand il descend et comme si la douleur devenait normale, il allait un peu plus vite arrivé à l’étage suivant. On finit enfin par arriver dehors. « si t’es surveillé par les flics, on passera jamais le poste de contrôle. » ceux qui vérifient juste qui fait des aller retours, les voitures qui entrent dans l’enseigne, histoire d’assurer la sécurité, la vérité, c’est qu’ils font juste semblant, qu’ils en ont rien à faire et toutes façons, y a des caméras pour ça. Il boite un peu, Seth, mais il n’attire pas plus l’attention que ça sur lui, on passe haut la main et on se retrouve en liberté devant l’hôpital. « C’était pas si terrible ! » lui, il a surement très mal. Mon regard se pose à nouveau sur son visage tuméfié, les hématomes risquent d’être visibles bien longtemps. « tu m’raconteras ? » je demande, toujours aussi curieuse et ca sonne presque comme si je l’en suppliais. C’est pourtant pas de la curiosité mal placée, j’ai juste envie de savoir ce qui a pu arriver pour qu’il soit dans un tel état…
Je dégaine pour téléphone pour qu’un uber vienne nous prendre rapidement et nous emmener chez Cait. Cait, c’est plus logique qu’aller chez Lena à Bayside, il croira pas un seul instant que j’peux habiter dans son appartement, il sait que j’ai pas les moyens. « Il arrive dans quatre minutes. »  

« t’es pas sous surveillance de la police au moins ? » Pas ce soir non, c'est ce que t'as envie de répondre. Tu serais en train d'agoniser dans le fond d'une cellule à te vider de ton sang si ce serait le cas. Comme si les flics avaient un minimum de coeur pour les déchets des rues comme toi. Tu les a bien trop emmerdé pour avoir un minimum de compassion de leur part. Tu paries qu'une petite vieille catholique t'as retrouvé dans la ruelle, c'est pour ça qu'on t'a soigné au lieu de juste faire un enjambé par-dessus ton cadavre. « J’veux pas être coupable de kidnapping ou complice d’un fugitif. » Elle écoute vraiment trop de film Jina. Kidnapping ? Nah, t'es totalement consentant. Complice d'un fugitif ? Allez, ce serait amusant. « J'croyais que t'aimais le danger ? » C'est ce qu'elle a laissé sous-entendre la dernière fois. Bon, tu devrais peut-être pas trop lui faire d'accroire. Des plans qu'elle angoisse vraiment à se faire choper par les flics et qu'elle te laisse dans ta merde. « Ca va, j’connais l’chemin. » Tu acquiesces d'un signe de tête avant de te relever non sans difficulté de la civière pour suivre Jina dans les couloirs de l'hôpital. « Comme un escape game grandeur nature, j’suis pro. » « C'pour ça que je t'ai appelé. » Tes lèvres ensanglanté réussissent tout de même à s'étirer dans un sourire. Un coup de langue contre tes dents te confirment qu'elles sont toutes...ah non, il en manque une. Merde.

Ce qui est la merde aussi, ce sont les palliers d'escalier que vous avez à prendre pour vous rendre jusqu'à la sortie. Putain, chaque marche te coupe le souffle. Pourquoi est-ce que tes problèmes respiratoires te donnent automatiquement l'envie de fumer ? « Prend ton temps. » Conseil que tu n'écoutes qu'à moitié. Tu aurais déballer les escaliers bien plus rapidement en d'autres conditions, mais dire que tu prends ton temps est aussi faux. Merci l'orgueil de te faire descendre à une vitesse raisonnable. T'as juste envie de te tirer d'ici le plus rapidement possible. « si t’es surveillé par les flics, on passera jamais le poste de contrôle. » Ah ouais ? Elle y croit encore ? Elle a pas vu ta tête ? C'est plutôt à toi de porter plainte et non l'inverse. Et puis,  franchement, la sécurité n'a pas l'air terrible ici. Tu pourrais te promener avec une bombe sur le torse que personne ne te remarquerait. Personne à l'air de se soucier du type un peu louche qui boite avec empressement jusqu'à l'extérieur. « C’était pas si terrible ! » « Parle pour toi. » que tu grognes à demi-voix en tapant tes pantalons pour trouver ton paquet de clopes. C'est Arthur ou un SDF qui t'a volé ton paquet ? Rien pour t'aider à te redonner de la bonne humeur. Ton sevrage de nicotine se passe déjà mal. Ça fait combien de temps que t'étais dans ce lit d'hôpital ? Aucune foutue idée. Une journée, peut-être même plus.

« tu m’raconteras ? » Non. Quelle question ? « L'histoire que tu t'imagines à l'air meilleure que la vraie. » Complice d'un fugitif tout ça, c'est bien mieux que de se faire tabasser dans une ruelle sombre par un gosse de riche capricieux. C'est quand même pas ta faute si sa mère est une traînée. Jina s'occupe d'appeler le taxi. T'as juste envie de te laisser tomber comme une merde sur le trottoir, mais ce serait beaucoup trop chiant de se relever quand le taxi va se pointer. « Il arrive dans quatre minutes. » Hm. Les quatre minutes les plus longues de toute ta vie. Tu t'effondres sur la banquette arrière à la seconde où la voiture s'arrête devant vous. Tes yeux se ferment tout seul. T'as juste envie de dormir sans savoir si tu y arriveras tellement t'as mal partout. Tu ne sais même pas où Jina vit. C'est plutôt con depuis le temps que tu la connais. C'est la sensation de la voiture qui s'arrête qui te ramène à la réalité. Tu te redresses dans la voiture pour regarder vers l'extérieur, aucune foutue idée d'où tu te trouves, mais ça l'air pas mal. « C'est ici qu'tu vis ? » que tu lui demandes en la suivant jusqu'à l'extérieur. Sûrement hen, si elle a les clés pour entrer. De toute façon, c'est pas comme si c'était important. Tant que tu peux prendre une douche et dormir dans un lit. Elle te fera pas dormir sur le canapé, hen ?

« J'croyais que t'aimais le danger ? » le danger quand je sais qu’il est plus ou moins sous contrôle oui, le danger, quand je suis en terrain conquis, oui, quand je sais qu’au final, j’ai pas beaucoup de risque. Mais jouer dans une cour que je ne connaissais pas, j’étais pas confortable avec l’idée. Enfin, le laisser croire que j’aimais les grands frissons à tout prix, la recherche d’adrénaline permanente, si ca peut me donner un peu plus de crédit à ses yeux, je laisse. Pour cette fois, je prends le lead, je passe devant et m’assure que tout soit ok. « C'pour ça que je t'ai appelé. » mes lèvres s’étirent en mimétisme et finissent pas laisser échapper un rire, puis une grimace, puis merde, il a une dent en moins au fond ou quoi ? « rien, y a rien. » vue la tête qu’il tire, il s’en est surement rendu compte, quelle idiote. Je fais profil bas, jusqu’à descendre dehors et passer devant le poste de sécurité de l’hôpital. Finalement, pas si pire. « Parle pour toi. » c’est vrai, qu’il a l’air mal en point et je ne suis pas certaine que ce soit vraiment une bonne idée de l’aider à sortir de là alors qu’il a surement quelques examens à passer encore. Est-ce qu’il a pas besoin d’être soigné ? « J’espère que tu vas pas crever chez moi. » ca ferait mauvais genre, en plus, c’est même pas chez moi et comment j’fais s’il fait une hémorragie interne, une crise cardiaque, un AVC ou j’sais pas quoi ? la vérité, c’est pas que ca m’ferait chier d’appeler les flics pour ça, c’est surtout que j’serai vraiment triste de le savoir dans un autre monde, ca voudrait dire qu’il serait juste plus là.
« L'histoire que tu t'imagines à l'air meilleure que la vraie. » je secoue la tête, compris que j’aurai pas un mot sur l’histoire vraie. Je plonge mon nez dans mon téléphone pour surveiller la voiture qui s’approche sur l’écran. C’est quand même dingue de pouvoir suivre aussi précisément le chauffeur qui s’approche de nous. Là, au bout d’la rue, j’peux anticiper son arrivée et faire signe à Seth de s’approcher du bord de la route, l’aidant à faire un pas en avant.
Le trajet se fait en silence, parce que j’aime pas parler dans une voiture quand y a un inconnu qui est là pour écouter et puis, y a la tête de Seth qui part sur le côté, il a l’air de s’endormir, j’me contente de regarder les lumières de la ville défiler sous mes yeux, jusqu’à ce qu’on arrive chez Cait. « C'est ici qu'tu vis ? » je le regarde pas et hoche la tête en réponse. « là. » que j’fais en désignant l’immeuble devant nous. Je tape le code rapidement avant de pousser la porte qui se déverrouille, cherchant en même temps les clés qui trainent quelques part dans mon sac à dos. J’appuie sur le bouton de l’ascenseur qui est à peine large pour deux personnes. « Vas-y, c’est au premier. » moi, j’enjambe les escaliers rapidement pour arriver la première et ouvrir en m’assurant que les chats ne se fassent pas la male. Sont toujours chiant à sortir de l’appartement, faut leur courir après. Pas de terreur en vue, je laisse la porte ouverte pour que Seth entre dans l’appart. « Cait ? » on sait jamais, si elle est là. Mais pas de réponse, faut que j’lui envoie un message. « Ma colloc est pas là. » je retire mes pompes en me retournant vers lui. « Ferme la porte, y a des chats ici. » j’espère qu’il est pas allergique et si c’est le cas, tant pis. Ca peut pas plus le tuer que ce qu’il a vécu pour être dans cet état. « T’as l’air fatigué… tu t’es endormi en deux secondes dans la voiture. » bon, j’ai bien compris qu’il était jamais bavard pour parler de ses états d’âme. Je fais un pas dans l’appartement. « la chambre est là, si tu veux. » j’ouvre une porte qui donne sur la chambre d’ami de Cait en réalité. Ma chambre à temps partiel, quand j’ai besoin, que j’traine dans le coin. La photo de Cait et moi donne toujours un peu plus de crédibilité à cette histoire. « Fais comme chez toi. » quand j’fais un pas vers le salon, le canapé est recouvert de cartons, je fronce les sourcils, qu’est-ce que ça fou là ? « tu m’aides ? » quelle question con, il se défoncerait les côtes rien qu’en soulevant un carton d’un centimètre. « Laisse, j’ai rien dis, j’m’en occupe. » bordel, ca pèse une tonne.

Tu peux même pas dire si la balade en voiture a duré cinq ou trente minutes. Tu peux même pas dire dans quel coin de la ville vous êtes rendu. Tu as l'impression de n'avoir que cligné des yeux et d'avoir fait un saut dans le temps. « là. » Tu observes par la fenêtre le bâtiment que pointe Jina. Pas mal. Tu t'attendais à ce qu'elle vive dans un trou à rat, sans vraiment savoir pourquoi tu le pensais. Tu marches difficilement derrière Jina qui te guide jusqu'à l'intérieur de l'immeuble. Vraiment ? Un ascenseur ? C'est pas des logements pour les pauvres ici. Ça fait changement des endroits où tu traînes. « Vas-y, c’est au premier. » qu'elle te dit lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvre. Hen ? Pourquoi elle ne monte pas avec toi ? Elle te laisse tout seul ? Tu comprends rien, mais tu poses pas de questions. Tant que tu as un lit pour la nuit, tu te fous pas mal du reste. Tu entres dans l'ascenseur, ton corps prend lourdement appuie contre le mur jusqu'au premier étage comme indiqué par la brune. Les portes s'ouvrent de nouveau et un regard à droite, puis à gauche suffit à ce que tu aperçoives Jina devant une porte ouverte. Bientôt arriver. « Ma colloc est pas là. » Elle a une coloc ? C'est elle qui paie la majorité du loyer ? C'est peut-être ça son truc. Dommage que ça t'arrive jamais des chances comme celle-là. « Ferme la porte, y a des chats ici. » Tu obéis en refermant derrière toi. Hm, c'est encore plus sympa dedans que dehors. Tu devrais profiter plus souvent de l'hospitalité de Jina. Elle va être ravie.

« T’as l’air fatigué… tu t’es endormi en deux secondes dans la voiture. » « Les anti-douleurs. » Y'a ça de bon avec les soins médicaux, la drogue est bonne. Elle donne envie de pieuté partout. Le problème, c'est de devoir repayer ensuite. Mais bon, un problème à la fois. On verra bien sur la facture réussi à retrouver le chemin jusqu'à toi. « la chambre est là, si tu veux. Fais comme chez toi. » Comme si t'allais te gêner. Tu fais un pas dans la pièce pour observer les lieux. Tu ne peux pas vraiment demander mieux. Y'a une photo sur le mur de Jina et d'une rouquine. Sa coloc ? Sûrement. Elle est plutôt canon. « Elle va rentrer ta coloc ? » que tu demandes soudainement intéressé par la deuxième personne qui habite ce logement. Quoique t'es pas vraiment certain d'avoir envie de la rencontrer dans cet état là. Tu ferais mauvaise impression - il t'arrive de faire bonne impression ? Non pas vraiment. « tu m’aides ? » Tu remets un pied hors de la chambre pour suivre des yeux la voix de Jina dans le salon qui tente de déplacer des boîtes qui pèsent une tonne. Ton regard qui lui dit tu te fous de ma gueule ? semble suffir en guise de réponse. « Laisse, j’ai rien dis, j’m’en occupe. » Pourquoi est-ce qu'elle veut absolument dégager les cartons de là ? Elle compte dormir sur le sofa ? « On a déjà dormi ensemble. » Enfin, dormir, c'est vite dit. Plutôt somnoler jusqu'au petit matin. Faut croire que ça l'a vraiment dégoûté puisqu'elle préfère se détruire le dos à lever une boîte trop lourde pour elle plutôt que de repasser une nuit avec toi. Elle a peur de quoi ? T'es pas trop en état d'abuser d'elle. Même si tu le serais… c'est pas trop ton genre. Y'a des limites à être con. Y'a longtemps que t'as compris que ça l'intéressait pas. Genre après la troisième fois que tu l'as vu et qu'il s'est rien passé - on applaudit ta patience. « J'peux prendre une douche ? » Histoire de te débarrasser du sang séché qui te colle encore à la peau.

« Elle va rentrer ta coloc ? » je sais pas si le ton de sa voix trahie vraiment sa pensée ou s’il essaie même pas de faire semblant. Je me retourne vers lui, voyant qu’il a les yeux posés sur la photo de Cait et moi. C’est bien ce qu’il me semblait. Je roule des yeux et souffle. « Nan. » enfin, j’en sais rien, pas ce soir en tout cas, surement demain mais il sera déjà partis, hein ? Elle est peut être de garde, je sors mon téléphone pour penser à lui envoyer un message, qu’elle s’étonne pas si elle voit qu’il y a des chaussures dans son entrées qui sont pas que les miennes. Non, ca veut pas dire que j’ai ramené un mec, enfin, pas comme elle le pense en tout cas. Elle s’emballerait bien trop vite.
J’essaie de dégager les cartons qui se trouvent sur son canapé mais je sais pas c’qu’elle s’est fait livrer, c’est super lourd. C’est surement pas elle qui a déposé ça là, peut être ses frères… en tout cas, toute seule, j’vais galérer et Seth est pas du tout en forme pour le faire. « On a déjà dormi ensemble. » ah bon, tien. Oui, c’est vrai, c’était dormir ensemble ? « T’appelle ça comme ça ? » bon et en même temps, il avait pas tord. C’est une question nulle que j’lui pose, c’est juste parce que j’suis prise au dépourvu et que je sais pas comment réagir, je regarde ces cartons et baisse les bras. Le lit est grand, de toutes façons. Parce que la différence avec l’autre fois, c’est que j’avais pas de cachet à prendre aujourd’hui. « J'peux prendre une douche ? » il fait bien de pas rebondir. D’un hochement de tête, je sors du salon pour ouvrir la porte de la salle de bain. « y a des serviettes derrière la porte. » parfaitement bien pliées et rangées, Cait aimait que chaque chose soit à sa place. « si t’as besoin de quelques chose, j’suis là. » du coup, je montre la chambre du doigt et en attendant qu’il prenne sa douche, je prévenais une bonne fois pour toute Cait, sans oublier de lui demander ce qu’elle cachait dans ses foutus cartons !
Déjà allongée sur le lit, j’étais presque à deux doigts de dormir quand Seth était de retour, je lève les yeux et me pince les lèvres, il a l’air moins mal avec ses cheveux propres et rangés. Je me décale sur le lit, toute habillée. « ca fait du bien ? » des fois, j’ai juste envie de le prendre dans mes bras pour juste avoir son contact contre moi, juste parce que j’ai une empathie que je comprends pas envers lui. « pourquoi c’est à moi que t’as demandé de venir ? » parce qu’en général, j’ai surtout l’impression que c’est moi qui lui cours après, qui cherche à le voir. Que j’ai pas l’impression de l’intéresser sur aucun point alors de me dire qu’à un moment, il a pu penser à moi, j’crois que ça m’touche quand même. Mais j’ai pas envie d’entendre que j’étais la dernière personne disponible. Ce qui était surement le cas. « t’as fais le tour de ton répertoire ? » j'anticipe sa réponse. Il avait peut être contacté déjà 10 personnes avant de m’envoyer un sms, et s’était pris que des vents. Je secoue la tête, et tire la couverture. « laisse… dépêche toi d’éteindre la lumière, j’suis crevée. » j’ai juste envie qu’on dorme pour éviter les réponses gênantes.

« Nan. » Dommage. Ou pas dommage ? Tu sais pas trop. T'as presque envie de lui demander elle rentre quand, mais t'es pas si motivé que ça. Tu te seras sûrement barrer avant qu'elle rentre. M'enfin, ça dépend à quel point le lit est confortable. Si jamais tu peux extensionner ton séjour de quelques jours de plus… De toute façon, dans l'état que t'es, tu risques pas trop d'être dérangeant. Une petite sieste de trois jours et, hop, te voilà remis sur pieds à craindre de recroiser Arthur à chaque coin de rue. Mais ça, faut surtout pas le dire à voix haute. Faut continuer de jouer les arrogants qui n'a peur de rien ni de personne. « T’appelle ça comme ça ? » « T'appelle ça comment ? » Quand deux personnes s'assoupissent l'un à côté de l'autre, t'as tendance à appeler ça dormir avec quelqu'un, oui. Même si c'était de très courte durée. De toute façon, elle fait bien ce qu'elle veut Jina. Si elle préfère encore se faire chier à lever ses boîtes plus que d'avoir un peu de chaleur humaine le temps d'une nuit, c'est son problème. Tout ce que tu veux pour l'instant, c'est de prendre une douche, te débarrasser des dernières traces de ta journée et faire comme si ça n'avait jamais eu lieu. « y a des serviettes derrière la porte. » qu'elle te dit après avoir ouvert la porte de la salle de bain. « si t’as besoin de quelques chose, j’suis là. » Tu hoches légèrement la tête. Tu devrais encore être capable de te laver tout seul. Quoique t'aurais pu faire semblant que non pour n'importe qui d'autre que Jina.

L'eau chaude fait du bien. T'as l'impression de pas avoir pris de douche depuis des jours tellement t'es crasseux - c'est pas le cas, rassurez-vous. L'eau qui coule à tes pieds vire assez rapidement au rougeâtre. Sympa. Tout ce qu'il y a pour te laver, c'est du gel de douche au coconut. Encore plus sympa. Enfin, tu ne vas quand même pas t'en plaindre. Pour une fois. Le problème après cette douche ? C'est que tes fringues sont toujours aussi crasseuses, elles. Tu filerais bien sous les couvertures à poil, mais ça traumatiserait Jina. Tu le feras si jamais elle s'est vraiment fait chier à retirer les cartons du canapé. Tu remets toutefois que ton caleçon, le reste est sûrement bon pour les vidanges, mais paraît qu'il faudra le remettre pour ressortir d'ici en étant décent. Lorsque tu sors de la salle de bain, tu retrouves Jina dans le lit, les couvertures jusqu'en dessous du menton - t'exagère à peine. « ca fait du bien ? » « Ouais. Merci. » Que l'on fasse une croix sur le calendrier. Moriarty a dit s'il vous plaît et merci dans la même soirée. Ta main se glisse dans tes cheveux trempés pour les envoyer par en arrière alors que tu viens t'asseoir de manière peu naturelle sur le bord du lit. « pourquoi c’est à moi que t’as demandé de venir ? » Ah, voilà l'arrivée des questions casse-couilles. « t’as fais le tour de ton répertoire ? » Son hypothèse à au moins le don de te faire rire. T'es sensé répondre quoi à ça ? Elle croit vraiment que tu réfléchis avant d'agir ? Elle a besoin de se sentir importante ? Pour quoi faire ? C'est stupide. « laisse… dépêche toi d’éteindre la lumière, j’suis crevée. » Super, très bien. Tu suis les ordres en étirant ton bras pour éteindre la lumière avant de filer à ton tour sous les couvertures, non sans un petit et très léger gémissement de douleur. Un vrai lit, ça fait du bien. « Bonne nuit. » que tu grommelles déjà somnolent. Il suffit que tu fermes les yeux et en quelques secondes seulement, tu te mets à ronfler. Tu vas sûrement beaucoup mieux dormir qu'elle ce soir. Merci les anti-douleurs.

Je crois que Seth avait fini par s’endormir bien plus vite que moi. Je fixais le plafond pendant de longues minutes, dans un silence déconcertant. J’avais tourné la tête deux ou trois fois en sa direction, me demandant s’il respirait encore. Ouais, ca bouge la dessous, son torse fait des mouvements de haut en bas, tout va bien. J’finis par m’endormir aussi, je sais pas combien de temps après lui.

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Je finis par me réveiller, la joue collée contre quelques chose de chaud, contre… merde ! Je me redresse, me décale dans le lit. La joue collée contre le torse de Seth ! Et a y voir, j’ai l’impression qu’un filet de bave avait coulé et presque déjà séché sur sa peau. Oh non, vraiment, la honte. Je relève les yeux vers son visage, gênée, je sais pas s’il dort , s’il s’est déjà réveillé, s’il somnole, j’en sais rien, il est quelle heure ? Je me retourne pour prendre mon téléphone et Cait m’avait répondu plusieurs messages dans la nuit. Des messages plutôt explicites, parsemés d’émoticône aubergine et pêche. Je levais les yeux au ciel, elle en loupait pas une, elle ferait mieux de pondérer ses propos, parfois. Mais bon... j'l'aimais aussi pour être sans filtre, comme ça.  Elle me précise qu’elle sera pas de retour avant le début d’après-midi et s’excuse pour les cartons, c’est la collection d’encyclopédie de sa mère. Hein ? Bref, je cherche pas à comprendre… « qui a encore des encyclopédie… » je souffle en reposant mon téléphone et quand je me retourne, Seth a bien les yeux ouverts. « Comment tu vas ? » je dis, en me glissant à nouveau sous la couette, quand, en bougeant mes jambes, j’ai comme la sensation de… oh ok. J’ai du avoir chaud, cette nuit, j’ai viré mon pantalon, j’suis en culotte, j’ai plus de pantalon. Merde. J’suis pas prête de sortir d’ici avant qu’il ne soit dehors lui aussi. « T’as bien dormi ? » j’me tourne légèrement vers lui, posant mon coude à côté de l’oreiller et ma joue qui s’écrase dans la paume de ma main. J’lui ai bavé dessus, bordel. « tu sais c’que tu vas faire aujourd’hui ? » est-ce qu’il allait partir sans même dire merci pour la nuit ? « Je taf pas aujourd’hui, si jamais… » si jamais quoi Jina ? Si jamais il avait envie de passer un peu plus de temps avec toi ? On parle de Seth, on parle du mec qui m’a appelé, juste parce qu’il avait personne d’autre à disposition.

Tu sais pas trop quelle heure il est là première fois que tu te réveilles. C'est une douleur dans les côtes droites qui te tire du sommeil. Putain, ça fait mal. Tu ouvres à peine les yeux pour comprendre que c'est l'épaule de Jina qui fait pression exactement là où ça fait mal. Sa tête est appuyée contre son torse. Tu bouges un peu, replace ton bras qui est tout engourdis pour venir mieux enrober Jina avec. Sa peau est bouillante sur la tienne. C'est pas trop désagréable. Après avoir retrouvé une position plus confortable, tu te rendors en quelques secondes.

C'est la sensation de chaleur qui part tout d'un coup, suivit de ton bras qui tombe dans le vide qui te tire très légèrement du sommeil. Tu grognes un peu, te retournes sur le côté. Oh ouais, ce simple mouvement te rappelle que t'es cassé de partout. Finalement, tu restes couchée sur le dos. Tu tournes la tête vers Jina en l'entendant marmonner alors qu'elle a les yeux fixés sur son téléphone.  Quelle heure il est ? T'as juste envie de te rendormir encore. « Comment tu vas ? » Ta main se glisse contre ton visage pour te tirer du sommeil. Comment tu vas ? Bonne question. « J'ai connu mieux. » que tu lui réponds la voix enrouée en te demandant si un jour t'avait connu pire. Physiquement ? Non sûrement pas. Mentalement ? Sans aucun doute oui. « T’as bien dormi ? » Jina se retourne sur le côté pour te faire face. Encore curieux que depuis toutes ses années, c'est la première fois qu'elle partage le même lit que toi, que c'est même la première fois que tu viens chez elle. « Toi t'as bien dormis. » C'est pas une question. C'est bien une affirmation que tu lâches avec un sourire en coin. Est-ce que tu fais allusion au fait qu'elle se soit collé sûrement toute la nuit ? Oui, carrément. Est-ce que ça t'amuse que ça la mette mal à l'aise ? Oui, encore plus.

« tu sais c’que tu vas faire aujourd’hui ? » Trouver où est-ce que tu vas dormir ce soir ? Ça semble être un bon plan. Après une tentative pour rester ici une nuit de plus, tu sais pas trop ce que sera ton plan b. Allez squatter la chambre de ton petit frère sûrement. Madelyn va être ravie de te revoir traîner chez elle. Au moins là-bas, tu peux sûrement arriver à gratter une semaine avant de te faire foutre à la porte. « J'sais pas trop… » que tu débutes en te redressant pour t'asseoir dans le lit. Un regard vers Jina et… elle porte les mêmes fringues qu'hier, non ? Elle a dormi toute habillée ? Ah, non, d'ici tu peux voir son pantalon qui traîne au sol. « Je taf pas aujourd’hui, si jamais… » Si jamais quoi ? Si jamais t'as rien à faire ? Hm, on verra. « J'vais fumer. » que tu annonces en te retournant sur le bord du lit pour attraper ton paquet de clopes et ton briquet dans la poche arrière de ton pantalon.

Est-ce que t'es en train de fumer en caleçon sur le balcon de l'appartement ? Oui, carrément. Est-ce que la rue est passante ? Pas si mal. Qu'ils regardent ailleurs s'ils sont pas contents les piétons. De toute façon, t'es assez en hauteur pour passer presque inaperçu. Ta démarche est toujours aussi chaotique quand tu retournes à l'intérieur après avoir virer ton mégot par-dessus bord. Jina est là, déjà tout revêtu. « T'as les mêmes fringues qu'hier. » Pour une fois que tu remarques quelque chose. Elle aurait sûrement préféré que tu le remarques pas. De toute façon, elle n'a qu'à inventé une connerie. C'est pas comme si t'allais jouer les détectives privés plus que ça. T'es pas si motivé. Tu te laisses tomber lourdement sur le canapé, sur la maigre place qu'il reste à côté des boîtes. « T'inquiète, j'vais pas t'envahir encore longtemps. » que tu commences pour qu'elle est envie de te proposer le contraire. « Juste le temps de manger un truc ? » Juste un petit-dej et tu te tires pour emmerder quelqu'un d'autre.

« J'ai connu mieux. » forcément, ca doit pas être la grande forme et son visage avait déjà changé depuis la veille. Il était un peu plus bleu par endroits, moins rouges à d’autres, plus gonflés ici et un peu moins par là… « Toi t'as bien dormis. » j’étais à deux doigts de répondre, avant de comprendre que c’était pas une question. Je fronce les sourcils et hausse les épaules. Il est prêt à tout pour s’enorgueillir, Seth, à croire que c’était grâce à lui ? Ouais, j’ai bien dormi, faut dire que le lit est plus confortable ici que celui qu’il y a dans ma caravane. Et que, peut être qu’avant de m’endormir, j’pensais que j’allais passer une longue nuit, que ça allait être compliqué, mais même pas, au final, faut croire que j’me sens plus en confiance que je ne pourrais le penser, avec Seth. Peut être parce qu’il a pas essayé d’me toucher… peut être pas qu’en fait, il est et il a jamais été intéressé par moi. Alors que j’ai l’impression qu’il est du genre à toucher à tout c’qui bouge devant lui… j’suis quoi ? Si laide à ce point ? Et pourquoi j’m’en soucis alors que s’il m’avait touché, je serai allée dormir sur le tapis du salon ? Bordel, c’est quoi mon problème ? Je lève les yeux en le regardant sortir de la chambre alors qu’il répond pas à mon invitation à passer l’après midi ensemble – c’en était une, non ? -  « J'vais fumer. »  très bien… je profite qu’il sorte de là pour aller rechopper rapidement mon pantalon et le remettre avant de quitter la chambre à mon tour. J’ai jamais été aussi vite pour me fringuer tiens.
« T'as les mêmes fringues qu'hier. » je baisse les yeux sur mes fringues. « toi aussi. » serieux, depuis quand il fait gaffe à comment j’suis fringuée ? Si y a que ça, j’pouvais très bien piquer des fringues à Cait, qui serait un peu trop grand puisqu’elle fait une tête de plus que moi, facilement, mais bon.
J’ai bien cru qu’il allait se prendre un de ces cartons énormes sur les côtes, ce serait une raison de plus pour avoir encore plus mal. Est-ce qu’au moins, il a conscience qu’il allait pas aussi bien guérir que s’il était resté la haut ? Même encore quelques temps… « T'inquiète, j'vais pas t'envahir encore longtemps. » il me soule. Je souffle, prête à lui rappeler que j’avais proposé plus tôt de rester, ca voulait bien dire qu’il me dérangeait pas. Il a vraiment besoin de cette attention-là ? Que je le supplie de pas s’en aller ? C’est quoi son idée, se rabaisser pour être sûre d’avoir des compliments derrière ? Il passe son temps à chiquer la guenille.  « Juste le temps de manger un truc ? » qu’est ce qu’il m’agace. Je secoue la tête. « J’sais pas c’qu’il y a ici. » que je dis avec beaucoup trop de conviction. Si j’habite ici, j’suis bien censée savoir c’qu’il y a au moins dans l’frigo, non ? « J’vais voir, j’ai pas fais les courses… » quelle con, je m’eclipse pour aller dans la cuisine et bordel, ce frigo n’a jamais été aussi rempli. « Cait s’en est chargée… » j’espère qu’elle prépare pas une soirée bientôt, parce qu’avec tout c’qu’on avait là, on avait bien le choix. « Pizza ? Burger… » je fouille un peu, pour y voir derrière aussi. « Taccos ? !… » pour ça, faut cuisiner un pue. « Bon, Pizza ! » ouais, c’est bien, je tire celle qui se trouve sur le dessus pour l’en sortir et la pause sur le plan de travail avant d’allumer le four. Faut quelques minutes de préchauffe, tant pis, ça ira dedans direct.
« Ce sera près dans vingt minutes. » je regarde le canapé et la mini place qui s’y trouve encore où une seule de mes fesses ne passera même pas. Tant pis, j’vais rester là. Salem sort de nulle part et me fait sursauter, à sauter juste à mes yeux. Je roule des yeux en réalisant que c’était juste un chat et le deuxième fait son apparition aussitôt. Saona se faufile sur le balcon que Seth avait laissé ouvert ! «  oh non ! non ! non ! » je me précipite vers celui-ci quand je la vois sauter sur le balcon du voisin ! «  c’est pas possible ! » Cait va m’tuer, Cait va me tu-er. « Viens là ! Seth, va chercher une boite de thon, dans l’frigo, ou des croquettes, n’importe quoi ! » je dis sans même le regarder. « tss tss viens Saona… » je me penche au maximum au-dessus de cette rambarde mais rien n’y fais, beaucoup trop loin. Elle joue les équilibristes sous mes yeux, j’ai aucun doute sur ses capacités, c’est surtout que là, je sais qu’elle reviendra ja-mais.

« toi aussi. » Tu roules les yeux. Non sans blague ? Tu t'en serais bien passé de tes fringues imprégné de sang. Elle, c'est quoi sa raison ? Elle veut sauver la planète en économisant sur la lessive ? Ouais, c'est sûrement ça. Jina a l'air d'être le genre de militante écolo-chiant. Tu prends la petite place qui reste sur le canapé. Chaque mouvement te fait mal. Ouais, peut-être que tu te plains légèrement plus que tu devrais. Ça fait mal oui, pas au point d'alerter tout l'étage non plus. Avec un peu de pitié, elle te laissera dormir une nuit de plus, non ? « J’sais pas c’qu’il y a ici. » Tu fronces légèrement les sourcils. Elle sait pas ce qu'il y a à bouffer chez elle ? On a vu mieux comme manière de refuser une invitation à manger. Elle te prend pour un con ou quoi ? « J’vais voir, j’ai pas fais les courses… » Elle a l'air exaspérée. Quoi ? C'est quoi son problème ? Elle veut pas s'foutre un sourire dans le visage - et toi alors ? « Cait s’en est chargée… » Défaite. « Tu peux juste dire non si j't'emmerde tant qu'ça. » Elle va quand même fouiller dans le frigo pour voir ce qu'il y a dedans. Bah alors ? Elle va t'offrir quelque chose ou faire semblant qu'il n'y a rien à bouffer ? Tu feras pas ton difficile. Tu prends c'qui a, même si c'est nul. « Pizza ? Burger…Taccos ? !… » Elle énumère ce qu'il y a. Elle parle tout seul. Tant que t'as rien à faire, elle peut bien choisir ce qu'elle veut. Les trois te branchent. « Bon, Pizza ! » Pizza, ce sera alors! Y'a du bruit dans la cuisine. Sûrement Jina qui met la pizza dans le four. Tu regardes même pas ce qu'elle fout. Ta tête tombe lourdement dans la paume de ta main. On jurerait qu'elle pèse le double de son poids. « Ce sera près dans vingt minutes. » Génial. Vingt minutes pour somnoler un peu. À peine réveillé que tu retournerais déjà dormir. Peut-être qu'après avoir mangé un peu, ça te redonnera un peu d'énergie. C'est pas gagné d'avance.

«  oh non ! non ! non ! » Tu sursautes sous l'écho de panique de Jina. Merde, tu t'étais vraiment endormis ? Et puis c'est quoi son problème à elle de crier comme une tarée. Y'a l'feu ? La pizza brûle ? «  c’est pas possible ! » « Quoi ? » Tu piges que dalle. T'as rien vue. Tout ce que tu vois, c'est une Jina affolée qui sort sur la balcon et qui semble vouloir attraper quelque chose. Y'a un truc qui est parti au vent ? C'est sûrement pas si important que ça. Elle capote pour rien. « Viens là ! Seth, va chercher une boite de thon, dans l’frigo, ou des croquettes, n’importe quoi ! » Hen ? Tu te redresses un peu pour voir de quoi elle parle. « tss tss viens Saona… » Sérieux ? Elle court après un chat ? Et elle pense quoi ? Que tu vas vraiment courir autour de l'immeuble avec une boîte de thon pour attraper un chat ? C'est mal te connaître. « Relax Jina, il va revenir quand il aura bouffé deux-trois souris. » C'est ce que ça fait des chats non ? Ça finit toujours par te laisser une souris morte sur le perron. Enfin, t'en sais rien. T'en a pas. T'as déjà assez de mal à t'occuper de toi-même. Alors t'occuper d'un animal… non merci. « Sauf si y'a des serpents dans le coin. Peut-être qui reviendra pas. » Y'a que toi que ça fait rire ? Oui ? Ah bon.

Il est chiant à encore faire sa drama queen, je lui ai déjà dis qu’il pouvait rester, c’est pas pour devoir encore répéter que c’est ok qu’il soit là. Je réponds pas et m’occupe de la pizza avant de revenir dans le salon où il est quasiment en train de dormir. C’est qu’il ferait d’la peine même.

Mon attention se porte sur le chat que je vois se faufiler à extérieure de l’appartement, la fenêtre était restée ouverte et le voilà maintenant sur le balcon du voisin. Cait va me tuer, c’est sûre. Le chat est jamais sortie de cet appartement et il saura sans doute pas comment revenir. S’il s’en va, c’est foutu et une chose est sûre, j’aurai plus le droit de mettre un pied ici quand Cait est pas là… Alors que je tente d’attirer l’attention de Saona, elle me calcule même pas. Je demande à Seth d’aller chercher une boite de thon ou n’importe quoi qu’il pourra avoir sous la main pour la faire revenir. Je me retourne vers lui, il a pas bouger d’un pouce. Il attend quoi ? « Relax Jina, il va revenir quand il aura bouffé deux-trois souris. » j’lui donne trois seconde pour se bouger, trois seconde pour se lever et faire c’que je lui ai demandé. Un… « Sauf si y'a des serpents dans le coin. Peut-être qui reviendra pas. » Ok, même pas trois seconde ! J’ai bien compris qu’il ferait rien, je fais demi tour et va chercher ce que je trouve au plus proche, une boite de croquettes qui semblent être des friandises, ca devrait la faire réagir. Je m’occuperai de Seth après.
De retour sur le balcon, je secoue la boite sous son nez, au moins, elle est toujours là, elle a pas bougé du balcon et elle se tourne enfin vers moi. Bordel merci ! « Aller viens… » j’agite encore la boite alors qu’elle fait deux pas à nouveau dans mon sens, pas très sûre d’elle et elle fini par revenir sur le balcon, je l’attrape dans mes mains et la remet à l’intérieur, en prenant soin de fermer la fenêtre. Pas le temps de souffler de soulagement, je me retourne vers Seth. « Tu dégages ! » mon ton est sec, ferme. Pas de place à la négociation. Il m’a sans doute jamais vu comme ça. « Tu dégage d’ici, t’es qu’un sale con égoïste ! » mes yeux se plantent dans les siens. « C’est toujours pour ta gueule Seth, t’en as jamais rien à foutre des autres , tu vampirises tout l'monde autour de toi! t'as vraiment un PUTAIN de PROBLEME !» c’était qu’un chat sans doute pour lui, rien d’important, c’est pas le cas pour sa propriétaire, ca aurait aussi pu mal finir pour moi ! « Une chance qu’elle soit revenue, parce que j’te jure que je t’aurai forcé à passer par-dessus cette rambarde pour que t’aille la récupérer ! Handicapé ou pas handicapé ! j’en ai rien à foutre ! Maintenant, tu te lèves, tu sors d’ici. Et la prochaine fois que t’auras besoin de quelqu’un, t’éviteras de penser à la pigeonne que je suis ! » Mais quelle conne.